
Pour une Europe forte et un monde stable, nous avons besoin d'une nouvelle alliance avec les Etats-Unis
Dominique Reynié, Simone Rodan-Benzaquen | 11 septembre 2018
Retrait de l’accord de Paris sur le climat, retrait de l’UNESCO, retrait de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), retrait du soutien au communiqué final du G7, remise en cause de l’OTAN, imposition de tarifs douaniers…
La liste des décisions unilatérales du président américain Donald Trump s’allonge.
Est-ce le signe d’un repli isolationniste? Pas seulement… On voit aussi ici et là -sommet historique entre les États-Unis et la Corée du Nord à Singapour, possible présentation d’un nouveau plan de paix pour résoudre le conflit israélo-palestinien- les avatars d’une diplomatie qu’on peut qualifier à juste titre de « transactionnelle ».
Défiance chronique de Donald Trump pour tout mode conventionnel de négociation ou de recherche du consensus? Assurément. Les experts de la politique américaine arrivent à la même conclusion: pour comprendre les choix politiques du président américain, référez-vous à son ouvrage, The Art of the Deal, paru en 2015, il y donne ses clefs de la négociation commerciale: la disruption, la déstabilisation totale de l’adversaire, l’extravagance des propositions pour mieux faire gagner son seul intérêt!
Dans une note récente, François Delattre, ambassadeur de France auprès des Nations-Unies à New York, résume le style Trump avec l’intéressant mot-valise « d’uni-solationnisme ».
L’incontestable rejet du multilatéralisme par Trump constitue sans doute moins une fin politique qu’un moyen, utilisé ou laissé de côté en fonction de ce qui sert sa cote de popularité et les intérêts –en tout cas perçus comme tels– de l’America first!
La relation transatlantique lui survivra-t-elle?
Notre défense du modèle de démocratie libérale, notre croyance profonde en la nécessité d’un leadership américain fort et d’une Europe forte, notre attachement tout aussi profond au multilatéralisme comme mode opératoire le plus souhaitable pour gérer les relations entre États, exigent de proposer une réponse plus globale, au-delà du phénomène Trump, au mouvement en cours.
L’indignation que peut susciter la politique de l’actuel président américain ne nous autorise pas à faire l’impasse sur les défis nationaux et internationaux que celle-ci pointe du doigt et pour lesquels nous devons collectivement mobiliser nos efforts.
Aux États-Unis, si tant d’électeurs ont été séduits par le discours de Donald Trump, c’est aussi parce qu’il a su appréhender les peurs et répondre aux attentes de toute une frange de l’Amérique -rurale en particulier– qui a eu le sentiment d’avoir été mis sur la touche par les administrations précédentes. Les mêmes phénomènes peuvent d’ailleurs être observés en Hongrie, en Pologne, en Italie et même en Allemagne, et chez nous en France. Avons-nous oublié les élections présidentielles de l’année dernière?
Comment donc s’adresser aux peurs des laissés pour compte et aborder les questions difficiles pour ne pas laisser la place à ceux qui veulent donner réponses simplistes à des sujets complexes? Comment refaire vivre les principes sur lesquels nos démocraties ont été créées?
L’influence croissante de la Russie dans le jeu mondial -des élections américaines à la guerre en Syrie en passant par l’avenir de l’Europe- pose question et nous oblige nous, démocrates européens, à redoubler d’efforts dans la défense de notre modèle et à apporter des réponses nouvelles.
Si la montée en puissance du modèle russe et modèle chinois peut être en partie imputée au retrait des États-Unis, celle-ci dit aussi l’affaiblissement de l’Europe, son incapacité à surmonter les divisions internes qui la travaillent et la nécessité de penser le socle moderne du lien, trop longtemps considéré comme acquis, unissant les États-Unis et le vieux continent.
Quel interlocuteur pour Donald Trump en Europe? Quelle Europe? Quel modèle européen face à celui proposé par la Russie de Poutine? Quelle alternative aux tentations populistes? Quelle définition de nos intérêts stratégiques? Et, plus de soixante-dix ans après la fin du second conflit mondial, au-delà de nos liens historiques, sur quels valeurs, intérêts et objectifs ferons-nous reposer et prospérer l’alliance transatlantique?
Sur quoi fondons-nous notre avenir commun?
Si nous souhaitons pérenniser ce lien, le temps est sans doute venu de recréer un dialogue régulier, transdisciplinaire, rassemblant les acteurs de la société civile, des secteurs publics et privés, pour dire ou redire ce qui lie ou ce qui devrait lier, aujourd’hui, l’Europe et les États-Unis.
Pour que les démocraties libérales continuent de peser sur l’ordre mondial tel que nous le souhaitons demain, réinvestissons les plateformes internationales du dialogue et de l’action concertée; agissons pour une Europe forte; et reformulons un pacte transatlantique!
Rendez-vous au Sursaut, un événement consacré à ces enjeux, qui aura lieu jeudi 13 septembre toute la journée, à la mairie du 4ème arrondissement de Paris.
En savoir plus sur l’événement ici.
Inscrivez-vous ici.
Lisez l’article sur huffingtonpost.fr.
Aucun commentaire.