
Face aux risques, tous Cévenols ?
Arnaud Chneiweiss, Henri Gardette, José Bardaji | 22 septembre 2020
La France subit des aléas climatiques à un rythme de plus en plus soutenu. Cela a un impact sur la couverture des risques par les assurances, et pose la question de la solidarité entre les territoires.
Le 29 septembre 1900, à Valleraugue dans le Gard, au pied du Mont-Aigoual, le ciel se déchaine. En à peine 10 heures, il va tomber 950 millimètres d’eau : presqu’un mètre ! C’est monumental. Une plaque témoigne encore aujourd’hui de la hauteur de la crue de l’Hérault dans ce petit village des Cévennes.
C’est dire si, en comparaison, l’orage qui s’est abattu samedi dans la région était de taille plus modeste : 450 mm de pluie en 12 heures, sur la même commune. Un épisode cévenol, comme il s’en produit souvent à cette période de l’année lorsque l’air chaud, humide et instable de la Méditerranée vient percuter l’air froid des reliefs.
Le fait même de parler d’’épisode’ sous-entend que le feuilleton est déjà ancien. Pour autant, il serait hasardeux de considérer ces séquences de pluies diluviennes comme une sorte de banalité historique. Météo France insiste sur le fait que ce qui s’est passé le week-end dernier est tout à fait exceptionnel, et que par ailleurs, on assiste ces dernières années à la fois à une intensification des fortes précipitations, et à une augmentation de leur fréquence sur cette partie du bassin méditerranéen.
C’est aussi le cas pour l’ensemble des sinistres climatiques enregistrés sur le territoire métropolitain : ils sont de plus en plus fréquents. Le nombre de catastrophes naturelles recensées aurait été multiplié par 4 au cours des 40 dernières années, les départements du Tarn, du Tarn-et-Garonne, de l’Aude et du Lot-et-Garonne occupant la tête du classement. Selon l’organisation environnementale German Watch, la France figure même parmi les 15 pays au monde les plus exposés à des événements climatiques depuis une vingtaine d’années (en prenant en compte cette fois les outremers, particulièrement vulnérables).
Davantage de sinistres, c’est davantage de dégâts, et par conséquent des coûts de plus en plus élevés : pour les victimes bien sûr, pour les collectivités, mais aussi pour les assurances dont le métier est de prendre en charge tout ou partie des réparations, consécutives aux destructions. Conséquence logique : elles répercutent ce coût sur leurs adhérents.
Mais jusqu’où le secteur est-il prêt à absorber cette inflation de catastrophes liées au changement climatique, sachant que la Fédération Française des Assurances (FFA) prévoit ‘’un quasi-doublement des sinistres liés au climat’’ dans les 25 prochaines années ? C’est l’objet d’une étude publiée le mois dernier par la Fondation pour l’Innovation Politique et dont j’ai tiré quelques-unes des données déjà citées.
La question centrale posée par la Fondapol est celle de la prise en charge des catastrophes liées au changement climatique au regard de leur localisation. Il se trouve que tous les territoires ne sont pas affectés de la même manière, que ce soit par les tempêtes, les inondations ou les périodes de sécheresse. J’évoquais les plus vulnérables : à l’inverse, les Hautes-Alpes, la Savoie et les Côtes d’Armor sont les départements qui enregistrent le moins de sinistres.
Or malgré ces fortes disparités territoriales face aux aléas climatiques, le coût moyen d’une assurance habitation est relativement homogène en France, de l’ordre de 300 euros par an. Ce qui revient à dire que l’assuré savoyard cotise pour un risque faible, mais qui va permettre à son compatriote du Tarn d’être mieux couvert en cas de sinistre. Le risque est mutualisé à l’échelle nationale, la tarification homogène permet l’exercice d’une pleine solidarité, une forme assurantielle de péréquation.
Oui mais jusqu’à quand ? Comme l’écrivent les auteurs de la note, « la population peu exposée acceptera-t-elle dans la longue durée d’être solidaire avec des communes qui font régulièrement l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle ? » Les assureurs ne vont-ils pas être tentés d’envoyer « un signal prix fort à ceux qui habitent (par ex) en zone inondable pour leur faire prendre conscience de la réalité des risques » et « pour les inciter à prendre des mesures de prévention », quitte à accentuer les inégalités territoriales et sociales ?
C’est aussi à cette aune, celle des contrats d’assurance au temps du changement climatique, que va se mesurer la solidarité nationale dans les prochaines années.
Retrouvez le reportage dans son intégralité sur franceculture.fr
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