Sarcelles après l’émeute

François Pupponi | 23 octobre 2014

Tribune de François Pupponi, maire de Sarcelles (Val-d’Oise), parue dans Le Figaro du 23 octobre 2014.

Nouvel antisémitisme
Mort aux Juifs ! », ce cri glaçant a résonné, cet été, dans les rues de Paris. Il a fait écho aux attentats de Mohamed Merah en 2012 ou à ceux du Musée juif de Bruxelles. À travers la communauté juive, c’est la France qui est directement visée. Dix ans après le rapport de Jean-Christophe Rufin, la Fondation pour l’innovation politique, l’American Jewish Committee France et la Fondation Jean-Jaurès se sont associés, en partenariat avec Le Figaro et Libération, pour décrire les évolutions et proposer des solutions. Une vingtaine de personnalités ont débattu durant trois heures. Gilles Finchelstein, Dominique Reynié et Simone Rodan-Benzaquen exposent les causes de cette poussée antisémite. François Pupponi, maire de Sarcelles, et Camille Bedin, élue à Nanterre, font part de leur expérience de terrain.

Sarcelles après l’émeute

Sarcelles est depuis longtemps un modèle du multiculturalisme. Une ville  monde où chaque communauté vit en sécurité. Le 20 juillet dernier, la ville a été le théâtre d’un affrontement sans précédent dirigé contre la communauté juive. Les manifestants, souvent très jeunes, ont scandé des slogans d’une violence inouïe, révélateurs d’un antisémitisme primaire. Les auteurs n’étaient pas des musulmans mais des voyous manipulés par des individus qui ne fréquentent pas les mosquées et qui n’avaient qu’un but, s’attaquer à notre modèle du vivre-ensemble en faisant régner la terreur.

Depuis lors, la communauté juive a peur, elle parle de plus en plus en plus de départ. La communauté musulmane, elle, se sent stigmatisée, montrée du doigt notamment par la presse, alors que ses responsables condamnent fermement ces violences. Depuis quelques années, j’ai vu monter une radicalisation d’une petite partie de la jeunesse dans nos quartiers populaires. Ces jeunes ne se reconnaissent plus dans le système politique actuel, ne croient plus à l’école, à la méritocratie républicaine, à ses élus. Ils trouvent dans certains réseaux des structures de substitution aux institutions de la République. Certains expriment alors leur haine et leur antisémitisme en attaquant au cœur de l’été la synagogue de Sarcelles. D’autres expriment leur haine en allant combattre aux côtés des djihadistes dans un conflit à des milliers de kilomètres de leur pays, dans des contrées avec lesquelles ils n’ont, le plus souvent, aucun lien.

Souvent, ces individus ne sont pas les adolescents perdus et déstructurés issus de la diversité que les médias dépeignent. Tous ne sont pas musulmans. Certains ont fait des études, ont un travail, une famille, étaient socialement insérés, avant de basculer dans la radicalité. Il est bien difficile de les identifier et de prévenir, individuellement, ce basculement. C’est l’amère leçon apprise des événements de ces derniers mois. La République doit s’interroger : pourquoi ces jeunes ont-ils basculé ? Quelles sont les raisons de cet échec ?

Mais la question de leur retour sera alors fondamentale, car ces individus endoctrinés savent, eux, parler aux jeunes qui sont déstructurés et qui sont en manque de repères. Ils sauront les influencer, les aliéner à leur cause et les éloigner de la République. Nous ne pouvons les laisser aux mains de ces réseaux. Notre République doit redevenir audible pour certains de nos concitoyens. Nous devons recréer du dialogue entre les communautés, mieux informer sur la réalité des conflits qui servent d’exutoire et de prétexte aux réseaux qui tentent de les contrôler.

Nous devons trouver le moyen de leur parler tout en analysant les raisons de la rupture avec eux. Il nous faut comprendre leur rejet pour arriver à dénouer les causes de cette radicalisation et trouver les bons vecteurs pour désendoctriner ceux qui le sont et éviter que d’autres ne le deviennent. L’ensemble de nos institutions doit s’impliquer. C’est un défi majeur auquel notre pays est aujourd’hui confronté. Nous devons également travailler avec les responsables religieux et associatifs, afin de renouer les liens avec eux à travers le dialogue et le débat, en démystifiant ce qui se passe en Syrie, à Gaza ou en Irak.

La loi vient d’être renforcée afin de mieux lutter contre les réseaux qui tentent de recruter nos jeunes depuis l’étranger et sur Internet. Les dispositifs tels que le blocage administratif des sites sont nécessaires. La République aujourd’hui est menacée. Si nous ne parvenons pas à empêcher certains Français de quitter leur pays parce qu’ils ne s’y sentent plus en sécurité et à d’autres de le quitter pour combattre toutes les valeurs qui fondent notre vivre-ensemble, alors les fondements même de notre République seront balayés. Nous ne pouvons échouer.

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