
Le patron de la CPAM des Yvelines veut révolutionner les esprits
Michel Seimando | 04 avril 2017
Comment changer un système d’assurance maladie qui ne fonctionne plus ? Patrick Négaret, le directeur de la CPAM des Yvelines, appelle à remplacer l’actuel modèle centré sur les soins et la maladie par la prévention, l’évaluation et la personnalisation.
C’est tout simplement une révolution copernicienne que Patrick Négaret se propose de faire ! Remplacer un système installé après-guerre centré sur les soins et les maladies qui a fonctionné mais qui démontre aujourd’hui toutes ses limites (le déficit) pour le remplacer, progressivement, par un système centré sur le patient et sa santé. Fini l’assurance-maladie, place donc à l’assurance-santé avec trois thèmes de prédilection : la prévention, l’évaluation et la personnalisation des soins. Dans un livret de 34 pages intitulé De l’assurance maladie à l’assurance santé il défend un système qui devrait permettre aux Français de bénéficier d’un grand service public et garantir la santé des concitoyens.
Qu’est-ce qui vous a pris d’écrire cet ouvrage quasi-révolutionnaire d’une trentaine de pages ?
C’est la Fondapol* – un think tank libéral, progressiste et européen – qui m’a demandé d’écrire sur le thème de la santé. Ils connaissent mon parcours, ce que j’ai fait dans la Sarthe et les résultats exceptionnels obtenus (Patrick Négaret a mis en place la démarche Santé Active initiée à la CPAM à partir de 1998 et reprise sur le plan national en 2011, N.D.L.R.).
Qu’est-ce qui ne va pas dans le système de soins en France, qui date de 1945 ?
L’assurance-maladie à la française ne fonctionne plus bien. La France a été déclassée dans les palmarès internationaux. La performance sociale et sanitaire se dégrade… bref, la France est devenue un pays moyen. Sans parler de la part du PIB allouée aux dépenses de santé : elle était de 10,9 % en 2013, soit bien au-dessus de la moyenne de l’OCDE (8,9 %). Ces 2 points, c’est 40 milliards de surcoût annuel ! Quant aux déficits, la part de l’assurance maladie s’établit à près de 60 % de la dette sociale (253 milliards d’€). On doit pouvoir faire mieux.
Comment s’explique ce bilan pas très glorieux ?
On fait des coups de rabot pour limiter les dépenses de santé à plus ou moins 2 %. Il faut regarder ce qui se passe. Les dépenses de santé reposent sur les affections chroniques qui ne cessent de croître : diabète, cancer, AVC… Regardez l’obésité en France ! Même si elle présente une prévalence de 15 % contre 25 % en Allemagne et 33 % aux États-Unis, elle a connu une progression notable car elle ne touchait que 6,5 % des Français en 1991. Ces affections qui touchent de nombreux Français sont liées à la malbouffe, au stress, au manque d’activité… Certes, l’espérance de vie augmente mais rien ne dit que les enfants qui naissent aujourd’hui vivront plus longtemps et en meilleure santé. Nous ignorons largement les conditions d’hygiène de vie et a fortiori leur impact dans le futur (la pollution notamment).
Que préconisez-vous ?
Moi, je propose dans ce livre d’aider nos concitoyens à prendre en charge leur capital santé. Les former avec du coaching. Il nous faut modifier les comportements individuels et parler de santé plutôt que d’avoir toujours le mot “soin” à la bouche. Le programme Santé active que j’avais mis en place avait donné des résultats rapidement dans la Sarthe. Les personnes coachées échangeaient des informations et apprenaient tout un tas de bonnes choses pour elles. Il nous faut entamer ce tournant vers la prévention. Les gens achètent des livres sur la nourriture, font attention mais c’est à nous assurance-santé de leur dire : valorisez les comportements dont l’hygiène et la diététique sont favorables. L’enjeu est de définir une politique de santé garantissant un véritable accès à la santé (médecine préventive) et pas seulement aux soins (médecine curative).
Vous parlez de prévention primaire. Comment la définir ?
La prévention primaire permet d’éviter l’apparition des situations à risque en agissant en amont sur la réduction de certains facteurs. Agir à temps permet l’obtention de résultats. Il est plus aisé d’apprendre à modifier un comportement que de lutter contre une dépendance à des maux déjà bien installés.
Ce que vous aviez mis en place dans la Sarthe, un espace Santé Active que l’on retrouve notamment à Poissy a été peu à peu abandonné (sauf les coachings en ligne) dans le pays, pourquoi ?
Au nom de l’économie. C’est dommage. Comme je vous l’ai dit, cela a donné des résultats dans la Sarthe. Mais ce que j’ai mis en place dans les entreprises aussi marche très bien. Le coach est payé par l’entreprise. Je veux responsabiliser l’assuré et lui dire que son capital santé lui appartient. Il nous faut quelqu’un pour coordonner les soins du patient, le guider dans son comportement. Il n’est plus le consommateur de soins que l’on connaît mais prend en charge sa santé avec notre aide. Quand je vois les retours très positifs depuis la sortie de mon livre, j’ai de quoi être optimiste.
Pratique.
* http://www.fondapol.org
Diplômé d’études supérieures de droit public ; directeur général de la Caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines ; directeur du projet national Santé Active ; lauréat en 2011 du Prix de l’Innovation Émotionnelle aux cinquièmes Trophées du Management de l’Innovation.
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