
Un dispositif simple et souple pour débloquer le marché du logement
Pierre-François Gouiffès | 24 mars 2017
En réfléchissant à la question du logement, il ne faut pas se limiter aux problèmes internes au secteur, mais également apporter des réponses concrètes à d’autres défis que connait la société française. A ce titre, on peut citer deux maux économiques et sociétaux de la configuration actuelle du logement en France. D’abord, la faible mobilité résidentielle et ses conséquences délétères pour le développement économique et l’emploi : cette mobilité se situe aujourd’hui à 9 % (1 emménagement pour 14 ménages), alors qu’elle se situait à 11 % il y a trois décennies et que 23 % des ménages souhaitent changer de logement.
Il y a ensuite les enjeux liés au logement dans sa qualité d’actif et de réserve de valeur. On constate d’abord la difficulté croissante pour les jeunes d’accéder à la propriété – l’accession se fait de plus en plus tard -, alors que 90 % des moins de trente ans désirent profondément devenir propriétaires (sondage Orpi/OpinionWay de juillet 2016). Il y a enfin la question des modalités d’utilisation, par les propriétaires, de cette réserve de valeur pour financer les projets de vie, faire face aux aléas et surtout contribuer au financement de la dépendance.
Dans ce contexte, il faut, d’une part, ne pas déstabiliser le choix préférentiel des Français (la détention de la résidence principale), mais, d’autre part, ne pas défavoriser d’autres modalités de détention de la propriété immobilière et donc adapter l’organisation juridique de la propriété de logement aux besoins de l’époque et contribuer au traitement des maux économiques et sociétaux évoqués plus haut.
Dans une note récente de Fondapol est donc proposé l’actif épargne logement (AEL), qui consiste à donner à chaque ménage français un droit générique la propriété de tout ou partie d’un lot de logement indépendamment de son statut d’occupation, et à lui accorder, pour ce faire, les attributs juridiques et fiscaux actuellement réserves à la détention de la résidence principale :exonération des revenus fonciers et des plus-values, règles d’insaisissabilité protectrices. L’actif épargne logement peut, par ailleurs, être constitué d’un lot physique, mais également se présenter sous la forme de pierre papier.
Illustrons les avantages de ce dispositif par deux exemples. Le premier concerne l’accession progressive à la propriété : vous voulez accéder à la propriété, mais vous n’avez pas les moyens d’acheter en totalité votre résidence principale. L’AEL vous donne la possibilité d’acquérir progressivement une propriété immobilière et de la mettre en location, permettant ainsi d’élargir et d’assouplir cette première étape du parcours patrimonial et de développer un esprit de propriétaire en s’affranchissant du statut d’occupation du logement en question.
Dans le second exemple, vous êtes propriétaire occupant mais vous cherchez un logement plus adapté à vos besoins (caractéristiques du logement du fait de révolution de votre ménage, localisation de ce logement du fait d’une mobilité professionnelle). Avec l’AEL, vous avez la possibilité de mettre à baille logement que vous occupez actuellement et d’en louer pour vous un autre qui correspond mieux à vos besoins, cela sans perdre les avantages fiscaux associés à la résidence principale. La mobilité résidentielle est donc favorisée.
Le mécanisme d’AEL, qui concilie donc le droit de propriété (et le désir associé) et la mobilité patrimoniale et résidentielle, ouvre toute une série de possibilités pour de multiples parcours, tant résidentiels que patrimoniaux. Il permet ainsi de mieux distinguer le logement en tant que service du logement en tant qu’actif : on peut alors faciliter la transformation en cours de l’utilisation du logement par le numérique et les nouveaux usages, tout en ouvrant la voie à de multiples utilisations de la réserve de valeur que constitue le logement en tant qu’actif. Au final, le projet permet d’améliorer le bien-être et de renforcer la liberté de choix des ménages.
Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po.
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