Étude Fondapol: la France est de plus en plus à droite

Jean Cittone | 29 août 2022

La dernière étude de la Fondapol, dévoilée par Le Figaro, confirme la montée en puissance d’un vote protestataire qui profite au RN.

Notes

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Étude réalisée par la Fondapol en partenariat avec le Cevipof et le Centre d’études et de connaissance sur l’opinion publique (Cecop), dont le questionnaire a été administré par OpinionWay.

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L’année électorale qui vient de se dérouler porte en elle la confirmation qu’en France le vote protestataire est désormais le phénomène majoritaire. C’est ce que révèle la dernière étude de la Fondapol, une vaste enquête menée entre avril et juin 2022 auprès de trois échantillons réunissant chacun plus de 3000 personnes1.
Les deux scrutins de 2022 viennent confirmer la progression de cette lame de fond. La colère des Français s’exprime à la fois par l’abstention, le vote blanc et le vote en faveur de candidats protestataires (notamment Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour). Le 10 avril 2022, les votes pour ces trois candidats de rupture ont été majoritaires pour la première fois dans l’histoire électorale du pays. Ils ont réuni à eux trois 52,17% des suffrages exprimés. L’étude souligne également qu’entre le premier tour du 21 avril 2002 et celui du 10 avril 2022 le total des suffrages exprimés en faveur de candidats protestataires à l’élection présidentielle est passé de 29,6% à 55,6%. Un véritable bond en avant qui pourrait rebattre les cartes du jeu politique.

La protestation électorale aux élections législatives de 2017 et 2022

Cette protestation électorale a augmenté à droite (5,2 points supplémentaires entre 2017 et 2022), même si elle progresse à gauche de 2,1%. Un phénomène qui s’explique en partie par le fait que, dans les urnes et dans l’opinion, la France d’aujourd’hui est majoritairement à droite. Une assertion qui se vérifie notamment parmi les électeurs d’Emmanuel Macron: 47% d’entre eux se situent à droite, 19% au centre et seuls 20% à gauche. En prenant en compte les électeurs du chef de l’État qui se positionnent spontanément à droite, la Fondapol en arrive à la conclusion que le vote de droite représente 53% des suffrages exprimés au premier tour de la présidentielle. Ce chiffre atteint même 57,7% avec la prise en compte des électeurs de Macron partageant les valeurs de la droite.

Mais c’est surtout le RN qui agrège aujourd’hui la colère des électeurs ainsi qu’une partie de l’électorat de droite. «L’évolution du RN dans l’opinion est aussi le fruit du glissement à droite de la société», souligne l’étude de la Fondapol. Par ailleurs, l’abandon de certains thèmes par la gauche et une partie de la droite classique – l’insécurité, l’intégration des immigrés et l’islamisme – offrirait «un monopole programmatique de fait» au parti à la flamme. Une situation qui lui permet de s’ancrer solidement dans le paysage politique, au fur et à mesure que ces préoccupations progressent chez les Français. «Les niveaux d’opinion favorables au RN sont désormais élevés dans toutes les catégories sociales, et non plus seulement au sein des catégories populaires.» Ainsi, entre le premier tour des législatives de 2017 et celui de 2022, le vote des cadres en faveur du RN est passé de 5% à 13%.

Le RN est l’un des partis politiques dont l’image est la plus positive

Dédiabolisation

Une progression dans l’opinion qui n’est pas sans rapport avec la personnalité de Marine Le Pen. Selon cette enquête, la chef de file des députés RN n’est plus une figure de rejet. Seuls 29% de ses électeurs la considèrent comme d’extrême droite et près d’un tiers (31%) estiment même qu’elle représente plutôt la droite modérée.

Marine Le Pen n’est plus particulièrement rejetée

Pour la gauche révolutionnaire et la droite protestataire M. Le Pen n’est pas d’extrême droite

Une inflexion qui se propage également à gauche: 39% des électeurs proches de Lutte ouvrière et du NPA se retrouvent dans les idées défendues par le RN. Paradoxalement, l’irruption d’un autre candidat nationaliste dans le giron présidentiel, Éric Zemmour, a permis à Marine Le Pen d’attirer une fraction supplémentaire de l’électorat LR «dans un sas les conduisant finalement au vote Le Pen, ce qu’ils n’auraient peut-être pas fait initialement».

Un tiers des électeurs proches des partis de gauche trouve que l’arrivée de 89 députés RN à l’Assemblée nationale est « une bonne chose »

Grâce à Marine Le Pen, le parti réussit peu ou prou son entreprise de dédiabolisation. Parmi les trois principaux candidats à l’élection présidentielle, c’est elle qui suscite le niveau de rejet le plus faible (53%) et le niveau d’adhésion le plus élevé (36 %). Alors qu’Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027, les Français n’excluent pas une nouvelle candidature de Marine Le Pen, malgré ses trois défaites successives. Si Édouard Philippe est le candidat le plus attendu, selon cette enquête (44% des sondés souhaiteraient qu’il se présente), la prétendante du RN est la deuxième personnalité la plus plébiscitée par les électeurs (38%), devant Bruno Le Maire (27%) et Jean-Luc Mélenchon (26%).

En juin 2022, les Français attendent É. Philippe et Marine Le Pen pour 2027. A suivre…

L’union de la gauche n’a d’ailleurs pas réussi à séduire les Français. La Nupes est une des trois formations qui suscite le plus de rejet (48%), derrière Reconquête! (54%) et Debout la France! (49%). À cet égard, le RN semble avoir «remporté la bataille des populismes», selon la Fondapol, avec 39% des sondés en accord avec ses idées. C’est, avec EELV, le parti qui suscite le plus d’adhésion chez les Français.

Les électeurs du RN penchent pour une coalition des droites

Cependant, sur les principaux enjeux de société étudiés par la Fondapol, seuls LR et Ensemble! convergent avec l’opinion générale des électeurs. C’est d’ailleurs l’attachement à l’Union européenne et à l’euro qui empêche le RN d’achever sa normalisation. Car c’est par l’usage d’une rhétorique «antisystème» que le RN a pu agréger des déçus de la droite et de la gauche de gouvernement, regroupant dans son escarcelle «la part principale des diverses colères accumulées». Avec 89 députés, le parti est désormais voué à s’institutionnaliser, ce qui lui fait prendre le risque de perdre une partie de sa spécificité, et donc de ses électeurs.

Réunissant entre un tiers et la moitié de l’électorat de droite, le Rassemblement national dispose également d’une forte réserve de voix chez les abstentionnistes. La question des alliances se pose donc avec acuité. 53% des électeurs du RN veulent une coalition des droites. Pour 65% des sympathisants LR, c’est non, mais l’hypothèse n’est plus complètement taboue.

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