Résumé

Introduction

I.

Quel est l’impact de la circulation automobile et du diesel sur la pollution de l’air ?

II.

L’usage de la voiture est en constante augmentation

III.

Des individus focalisés sur la vitesse et des politiques publiques orientées vers la gestion de l’espace public

IV.

Distinguer les centres urbains et les zones situées au-delà du périphérique

V.

Agir sur les comportements pour agir sur les temps de parcours et le prix de l’offre de mobilité

VI.

Les mesures à déployer pour agir sur les temps de parcours

VII.

Une nécessaire action sur le coût s’usage de la voiture

VIII.

Comment s’opèrent les arbitrages prix/temps de parcours des usagers ?

IX.

Effets de la mise en oeuvre d’une tarification de l’usage de la voiture dans les agglomérations

X.

Quatre propositions d’adaptation de la gouvernance pour la future loi d’orientation des mobilités

Conclusion

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Résumé

Alors que les Assises de la mobilité se sont terminées fin 2017 et que le ministère chargé des Transports travaille à l’élaboration de la loi d’orientation des mobilités qui, trente-cinq ans après la loi d’orientation des transports intérieurs (Loti), doit poser les bases d’une nouvelle politique de transport, cette note vise à restituer les grands enjeux de la mobilité.

Elle s’attache notamment à montrer la priorité qu’il y a à donner aux liens entre centres urbains et périphéries (au sens large du terme). Après un diagnostic précis sur les enjeux de mobilité, elle élabore des propositions en agissant surles quatre composantes de la mobilité que sont les services de mobilité, les aménagements desespaces et des infrastructures, le financement et la gouvernance.

Jean Coldefy,

directeur du programme mobilité 3.0, ATEC ITS France, expert indépendant, ancien adjoint du service mobilité urbaine de la Métropole de Lyon.

Les épisodes à répétition de pollution de l’air en France soulèvent de nombreux débats sur la place de la voiture en ville, la désignant souvent comme la grande responsable de la dégradation de la qualité de l’air. Les mesures prises dans l’urgence depuis des années apparaissent cependant davantage comme des actions de communication des pouvoirs politiques, plus soucieux de montrer leur réactivité que de proposer de réelles solutions au problème posé répondant aux enjeux sociétaux :

  • circulation alternée et interdiction de circuler pour les véhicules diesel anciens qui ne sont pourtant pas, en volume, les premiers responsables de la pollution. Ces mesures particulièrement agressives ne tiennent pas compte des situations particulières, notamment celles des moins favorisés (les alternatives à la voiture existent-elles pour tout le monde ?) ;
  • obligation de déployer des bus électriques induisant des surcoûts considérables, de l’ordre de 100.000 à 200.000 euros par bus, soit des centaines de millions d’euros publics dépensés alors que les bus représentent une part extrêmement faible du trafic et des émissions ;
  • gratuité des transports publics, dont le coût est exorbitant (4 millions d’euros par jour en Île-de-France) et dont la force d’impact n’est pas démontrée.

Ces débats font écho à une rhétorique ancienne sur la fluidification du trafic, aux antipodes de la ville sans voiture, ainsi qu’aux oppositions entre centres et périphéries, qu’illustrent les controverses actuelles sur la piétonisation des voies sur berges à Paris. On invoque les «droits à», par exemple le droit à respirer un air sain – porté médiatiquement par les partisans de la ville sans voiture habitant dans les centres urbains – en même temps que le droit à la mobilité – porté parles périphéries contestant le repli sur soi des centres urbains. Ces questions renvoient également à l’organisation urbaine des territoires (politiques de logement, de localisation des emplois,notamment), extrêmement structurante sur la mobilité des biens et des personnes.

Si l’on veut répondre réellement à l’enjeu collectif de réduction des effets négatifs de la mobilité sur notre qualité de vie, il faut donc s’astreindre à un diagnostic rigoureux de la situation pour ensuite définir et mettre en œuvre les actions ayant un effet réel et durable.

I Partie

Quel est l’impact de la circulation automobile et du diesel sur la pollution de l’air ?

Notes

2.

Voir les données sur le site de l’observatoire Atmo Air Auvergne-Rhône-Alpes.

+ -

3.

Selon les normes européennes de pollution Euro, les voitures ne doivent pas dépasser certains seuils de rejet de pollution. Souvent, ces seuils se voient assouplis, sauf dans le cas de la norme Euro 6, qui ne joue pas en faveur des moteurs diesel.

+ -

4.

Voir l’étude du laboratoire de l’organisme allemand Technischer Überwachungsverein (TÜV), réalisée pour lecompte de l’ONG Transport & Environment, «Particle emissions from petrol cars», novembre 2013.

+ -

5.

Airparif, op. cit., p. 12.

+ -

6.

Voir étude Air Rhône-Alpes, « Évaluation de l’efficacité d’actions de restriction de circulation sur des épisodes pollués en hiver », février 2014.

+ -

7.

Airparif, op cit., p. 6.

+ -

Trois facteurs sont aujourd’hui responsables, à part quasi égale, de la pollution de l’air dans les métropoles : les activités économiques, le chauffage et le transport. Néanmoins, depuis vingt ans, la qualité de l’air en zone urbaine ne cesse de s’améliorer : Airparif indique ainsi que les émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de particules fines ont diminué de moitié entre 2000 et 2012 en Île-de-France1. Des tendances similaires sont observées dans d’autres métropoles, comme à Lyon avec une baisse de ces polluants de l’ordre de 20% à 30% en dix ans2. Cette baisse est le résultat d’une amélioration des moteurs à la suite des normes européennes et aussi, probablement, de la disparition d’un nombre important d’entreprises industrielles. La diminution des seuils d’alerte a cependant induit une augmentation de la fréquence des épisodes de pollution, la législation européenne veillant à renforcer la protection sanitaire des citoyens. La pollution permanente est à un niveau relativement élevé, ce qui explique que, au moindre épisode climatique de haute pression en altitude empêchant l’évacuation des polluants, nous dépassions les seuils sanitaires européens.

Si le diesel est le principal émetteur de NOx, en particulier pour les anciens modèles antérieurs à la norme Euro 63, il est prouvé que la voiture diesel n’est pas la première responsable de la pollution aux particules : l’injection directe à essence induirait quatre à dix fois plus d’émissions de particules que les moteurs diesel4, les plaquettes de freins avec l’usure des pneus seraient responsables de 41% des particules fines émises par les transports routiers5 (Airparif).

Des études d’agences de la qualité de l’air ont montré qu’une réduction du trafic de 25% n’induirait qu’une baisse de 8% de la pollution de l’air6. Les constructeurs automobiles développent en conséquence des dispositifs visant à rendre leurs modèles toujours moins polluants (filtres à particules, diminution des émissions de CO2, pièges à NOx, etc.), même si beaucoup reste encore à faire. La voiture diesel est in fine responsable sur l’Île-de-France de 22% des émissions de NOx et de 9% des émissions totales de particules7. La problématique du diesel repose donc essentiellement sur l’ancienneté du parc ainsi que sur le trafic des poids lourds, fortement contributeur dans les émissions de particules (6% du trafic mais 30% des émissions de NOx dues au transport routier en Île-de-France). Mais il paraît difficile d’exclure les poids lourds pour l’approvisionnement des citadins.

Enfin, le bilan carbone du véhicule électrique, présenté comme la solution à tous ces maux, peut être similaire, voire plus défavorable, à celui du véhicule thermique selon l’origine de l’électricité, par exemple lorsqu’elle est produite à partir de centrales au charbon, et compte tenu des difficultés de fabrication et de recyclage des batteries, particulièrement polluantes. Un certain nombre de données (voir graphiques 1 à 3) permettent de relativiser le discours ambiant sur le véhicule électrique, surtout lorsque l’on sait qu’en moyenne une voiture parcourt environ 13.000 kilomètres par an. Affirmer que la voiture diesel est seule responsable de la pollution de l’air et que la solution miracle est le véhicule électrique est donc incorrect.

Graphique 1 : Bilan carbone des véhicules électriques

Source :

Institut français du pétrole (IFP).

Graphique 2 : Zone de pertinence économique des véhicules électriques et thermique selon l’usage

Source :

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), 2016.

 

Graphique 3 : Consommation d’énergie primaire totale des véhicules thermique et électrique

Source :

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), 2016.

II Partie

L’usage de la voiture est en constante augmentation

Notes

8.

Voir Dares, « Les temps de déplacement entre domicile et travail », DARES Analyses, 2 novembre 2015, ainsi que des études de déplacements pour Lyon et Toulouse. D’autres études, présentées lors des Assises de la mobilité, confirment cette analyse.

+ -

C’est principalement sur la réduction de l’usage excessif de la voiture qu’il faut agir. Cela a d’ailleurs été une priorité dans les politiques publiques depuis les années 1990, comme le montrent les investissements colossaux qui ont été faits dans les infrastructures de transports publics urbains et la réallocation des espaces de voiries vers les tramways, les couloirs de bus, les pistes cyclables, etc., allouées auparavant à la voiture.

Pourtant, malgré ces investissements, l’Insee et les métropoles constatent un accroissement del’usage de la voiture pour accéder au territoire8. La raison est simple : la diminution du coût d’usage de la voiture. Si l’on compare à prix constant le prix de l’essence entre 1970 et 2016, onconstate qu’on peut aujourd’hui en acheter deux fois et demie plus avec 1 heure de smic (voir graphique 4). La consommation des véhicules a par ailleurs été réduite de moitié sur la mêmepériode. Le prix du pétrole, compte tenu de l’explosion à la hausse des réserves, a été divisé pardeux en quelques années et devrait durablement s’établir aux alentours de 60 dollars le baril, hors contraintes géopolitiques.

Graphique 4 : Evolution du coût de la voiture

Source :

Jean Pierre Orfeuil, université Paris-Est.

Graphique 5 : Evolution du ratio Recettes commerciales sur Dépenses d’exploitation (R/D) des Transports en communs sur la longue période

Source :

Bruno Faivre d’Arcier, Laboratoire Aménagement et Économie des transports (Laet) de Lyon.

Ainsi, si la France a fait le choix de subventionner fortement le prix des transports en commun pour inciter au report modal (graphique 5), cela n’a pas suffi à faire baisser la part modale de la voiture, car dans le même temps celle-ci a fortement baissé son coût d’utilisation (graphique 4).

Et ce n’est pas fini : la mise sur le marché d’ici à 2020 de véhicules urbains hybrides rechargeables par tous les constructeurs automobiles mondiaux va encore diviser par deux la consommation des véhicules (2 l/100 km), avec, qui plus est, des véhicules propres en ville car fonctionnant à l’énergie électrique. Le coût d’usage de la voiture hybride rechargeable sera comparable à celui des transports en commun, même avec un abonnement et un remboursement de 50% par l’employeur. S’il s’agit bien d’un progrès pour la qualité de l’air, nous assisterons en revanche rapidement à une forte augmentation des problèmes de congestion, avec des bouchons de voitures propres. Le signal prix envoyé aux usagers produira inévitablement son effet : la circulation automobile continuera à augmenter si les pouvoirs publics restent inactifs.

III Partie

Des individus focalisés sur la vitesse et des politiques publiques orientées vers la gestion de l’espace public

Pour déployer une mobilité durable, il faut bien plus que l’interdiction des véhicules diesel et le développement des véhicules électriques. D’autres mesures sont possibles, même s’il convient de bien comprendre les ressorts des parties en présence, à savoir les usagers et les pouvoirs publics, avant de les détailler. Ces deux groupes ont des objectifs très différents qui guident leurs comportements et leurs actions.

Les individus sont focalisés sur les coûts et les gains de temps (donc sur la vitesse), le temps étant la ressource rare par excellence. Or, depuis un siècle, ces gains ont été considérables. Qu’enavons-nous fait ? Le temps passé dans les transports est une constante dans les pays développés : 1heure par jour en moyenne (1 h 30 à Paris, cette métropole étant avec Londres une exception par sataille en Europe). Ainsi, à rebours d’une civilisation consacrée aux loisirs, ce temps gagné s’est traduit par un allongement des distances parcourues et l’étalement urbain. Dans les métropoles, cette vitesse a été assurée pour l’essentiel par la voiture, formidable outil pour aller de A à B de manière flexible et rapide, certes, mais très fortement consommateur d’espace.

Le fait que l’espace public soit devenu rare en milieu urbain explique en partie que les politiques publiques aient fait machine arrière par rapport aux années 1960 et 1970 en révisant leurs politiques d’urbanisme et l’allocation des espaces à la voiture. La surconsommation induite par la voiture n’était plus tenable, et ce d’autant plus que l’individu a tendance à ne pas prendre en compte son apport marginal dans le trafic, d’où les centaines de kilomètres journaliers de bouchons en Île-de-France. Pour reprendre une belle expression de l’économiste Jean Tirole,espaces publics et deniers publics sont nos biens communs. Ainsi, pour les politiques publiques, le problème de la voiture est que fondamentalement, propre ou non, elle occupera toujours 10 mètres carrés au sol. La mutation du parc vers l’électrique ne résout donc pas le problème majeur de l’invasion de l’espace public par l’automobile.

IV Partie

Distinguer les centres urbains et les zones situées au-delà du périphérique

Notes

9.

Voir les données de comptage de la Métropole de Lyon et celles de l’Observatoire de déplacements de l’agglomération lyonnaise.

+ -

On l’oublie souvent mais la priorité de la politique publique de mobilité, c’est d’abord d’assurer l’accessibilité à la ville et à ses pôles d’activités économiques, de loisirs, etc., en limitant la consommation d’espace induite par la voiture en zones denses et en utilisant judicieusement les fonds publics. Il semble cependant nécessaire de distinguer deux mondes : les centres urbains et les zones situées au-delà du périphérique. S’agissant des premiers, il est clair que cette réallocation des espaces publics vers les transports en commun et les « modes doux » s’est traduite par des résultats : une baisse de 20% du trafic automobile dans les zones intra périphériques et les hyper centres en dix ans9. Sur Lyon, en intrapériphérique, 1 déplacement sur 4 s’effectue en transports en commun, 1 sur 4 en voiture, la moitié à pied ou à vélo (voir graphique 6). Dans Paris intra-muros, cette tendance est encore plus marquée : 1 déplacement sur 10 en voiture, 3 sur 10 en transports en commun, 6 sur 10 à pied ou à vélo en intra périphérique10. La baisse du nombre de déplacements réalisés en voiture est très importante sur dix ans mais, du fait du signal prix, nous assistons aujourd’hui à une reprise de la voiture, avec une augmentation du trafic particulièrement importante pour accéder aux agglomérations11.

 

Graphique 6 : Part du nombre de déplacement selon les modes sur la Métropole de Lyon en 2015

Source :

Enquête Ménage Déplacement 2015 de l’agglomération lyonnaise, Syndicat des transports de l’agglomération lyonnaise-Sytral, Jean Coldefy.

 

Au-delà du périphérique, la situation est tout autre : nous sommes dans le règne de l’automobile, les transports en commun peinant à desservir de manière efficace les territoires, compte tenu de la densité plus faible de population et parfois aussi du manque de lignes de transports publics desservant les centres urbains à partir des périphéries. La tendance est clairement à l’augmentation de l’usage de la voiture et des distances parcourues (voir graphique 7).

Graphique 7 : Evolution des distances

Source :

André Broto, Vinci et Fabrique de la cité, intervention lors des Assises de la mobilité, groupe Mobilitésoutenable octobre 2017.

 

Notes

12.

Régis de Solere, « L’enquête nationale Transports Déplacements », Certu, 22 mai 2012, p. 7.

+ -

13.

Voir Dares, art. cit.

+ -

Si l’on part des besoins des habitants, l’échelle pertinente de gestion de la mobilité est celle des bassins de vie, c’est-à-dire des aires urbaines : une aire urbaine est constituée de communes dont 40% des actifs travaillent dans l’agglomération-centre autour de laquelle elles sont polarisées. C’est donc la bonne échelle de gestion des flux de déplacements domicile-travail. Les aires urbaines de plus de 100.000 habitants représentent 40 millions d’habitants, soit les deux tiers de la population française, et c’est là que se situe l’essentiel des problèmes de congestion et d’accessibilité (en France, 98% des déplacements font moins de 80 kilomètres12). À cette échelle, il est fréquent d’avoir une part importante de la population vivant dans l’aire urbaine en dehors de la communauté d’agglomération ou de la métropole. Pour une personne habitant au centre de l’agglomération (qui concentre une bonne part des emplois), on a une personne qui vit au-delà du périphérique et deux personnes qui se situent au-delà de l’aire urbaine.

Cependant, aucune structure publique ne gère les bassins de vie que sont les aires urbaines; au contraire, une gestion territoriale trop étroite, oubliant que la mobilité c’est d’abord des flux, laisse l’hinterland des métropoles sans solutions alternatives à la voiture. Il ne sert à rien de se lamenter sur la part excessive de la voiture dans les déplacements domicile-travail (75% des Français contre 11% pour les transports en commun13) si, dans le même temps, le système public n’est pas capable de déployer des alternatives.

Ainsi, à Lyon, l’aire urbaine compte plus de 2,2 millions d’habitants contre 1,2 million pour la métropole, générant plus de 550.000 véhicules en échanges sur l’agglomération face à une offre de transports en commun plus de dix fois inférieure aux besoins. Très concrètement, la communauté de communes de Bourgoin-Jallieu (100.000 habitants), à 40 kilomètres à l’est de l’agglomération lyonnaise, ne dispose chaque jour que de deux trains et de deux cars pour arriver avant 9 heures dans l’agglomération lyonnaise, soit 800 à 1.000 places. On comprend mieux pourquoi l’autoroute, pourtant payante, supporte un trafic moyen journalier de 100.000 véhicules.

Graphique 8 : Schéma de représentation des territoires

Source :

Jean Coldefy.

Notes

15.

Voir Hervé Nadal, « La soutenabilité financière des transports publics urbains », Infrastructures & Mobilité, n°157, mai 2016

+ -

16.

Sur ce sujet, voir notamment Philippe Jacqué, « Le marché du cycle accélère, emporté par la vague du vélo électrique » lemonde.fr, 8 avril 2017 et les pages du site Planetoscope.

+ -

Les contraintes d’espace sont d’autant moins fortes que l’on s’éloigne des centres urbains. Il faut donc accepter que la voiture soit parfois, au-delà du périphérique, le mode de transport le plus efficient pour la collectivité. Une approche trop dogmatique du report modal n’est ni supportable pour les fonds publics, ni écologique avec des bus transportant parfois moins de 3 passagers au kilomètre.

Le principal problème des transports en commun se trouve dans leur coût pour les budgets publics. En France, les usagers ne financent en moyenne que 20% des coûts d’exploitation des transports en commun14. Il n’en a pas toujours été ainsi : en 1975, les usagers finançaient 75% des coûts d’usage du transport public, comme en Allemagne aujourd’hui. La dérive opérée depuis l’a été tout autant sur l’augmentation de l’offre (qu’une politique tarifaire n’a pas su rendre plus supportable pour les fonds publics) que sur la dérive des coûts d’exploitation. Entre 1975 et 2014, en euros constants, il faut quatre fois plus d’argent public pour le même voyage réalisé. En effet, si la recette par voyage tarifaire a baissé de 35% (de 0,74 à 0,48 euros par voyage), la dépense, elle, a augmenté de 50% (de 1 à 1,50 euros par voyage)15. Cette dégradation a été compensée par une augmentation du versement transport, donc du coût du travail. Il est important de souligner une exception notable à ce triste tableau, Lyon, où le ratio recettes sur dépenses est de 60% grâce àune tarification adaptée et une maîtrise des coûts opérée par la collectivité (les tarifs sont inférieurs à ceux de la Région Île-de-France etcomparables à d’autres agglomérations). Preuve que l’on peut maîtriser les dépenses et ajuster les recettes tout en maintenant une bonne qualité du service public.

Par ailleurs, deux indicateurs, que l’on retrouve dans la plupart des agglomérations européennes, doivent retenir notre attention :

  • le nombre de personnes par voiture pour les trajets domicile-travail est de 1 ; les réserves de capacité de la voiture (partagée) sont donc très importantes, alors que souvent les transports en commun sont saturés aux heures de pointe ;
  • une part très importante des déplacements en voiture se situe entre 1 et 3 kilomètres (environ 50% dans la quasi-totalité des agglomérations). Pour parcourir ces distances, la voiture n’est pas le mode de transport le plus adapté, loin s’en faut. Si tout n’est pas transférable sur le vélo (faire des courses, déposer des enfants, ), la marge de progression des « modes doux » est très importante. Le développement du vélo à assistance électrique (VAE) aura très certainement un impact fort, cet objet répondant parfaitement au cahier des charges de la mobilité urbaine : 1 mètre carré au sol, 25km/h et non polluant. Il s’en est vendu en France 77.000 en 2015, 134.000 en 2016, plus de 600.000 en Allemagne16. On peut espérer que nous poursuivrons la même tendance dans les années à venir.
V Partie

Agir sur les comportements pour agir sur les temps de parcours et le prix de l’offre de mobilité

La mobilité urbaine dépend ainsi largement des comportements individuels. Ces comportements étant basés essentiellement sur les temps de parcours et les coûts des déplacements, c’est donc sur ces deux paramètres qu’il faut travailler, en ayant bien en tête les coûts et la vitesse par mode pour l’usager et la collectivité (voir tableau 1).

Tableau 1 : Coûts et vitesses par mode de transport en agglomération

Source :

Cerema, Métropole de Lyon, Sytral, Région Rhône-Alpes, Jean Coldefy.

Notes

17.

Observatoire des transports et de la mobilité, Le Marché français du transport ferroviaire de voyageurs, 2015- 2016, Arafer, mise à jour du 23 janvier 2018, 37-38.

+ -

18.

Ibid., p. 21-24.

+ -

19.

Ibid., p. 28.

+ -

20.

Cabinet Trans-Missions, rapport « Pourquoi les AOT allemandes peuvent financer deux fois plus d’offres TER pour un Analyse et enseignements pour la France » pour le Cercle des transports, décembre 2015, et rapport « Transports ferroviaires régionaux de voyageurs : quel modèle économique pour le TER? » pour TDIE, septembre 2017.

+ -

21.

Arafer, L’Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs en France. 1. Les enseignements européens, mars 2018.

+ -

Les informations livrées par le tableau 1 sont intéressantes à plus d’un titre :

  • les données illustrent bien la performance du vélo par rapport à l’autre transport individuel qu’est la voiture : vitesse moyenne comparable en ville, sans temps de stationnement, et coût évidemment inférieur. Pour des distances inférieures à 5 kilomètres, voire à 10 kilomètres avec un vélo à assistance électrique, c’est l’outil idéal tant pour l’individu que pour la collectivité, compte tenu de son faible encombrement et de son impact environnemental quasi nul ;
  • les chiffres recalent les référentiels de vitesse en voiture bien plus bas que ce que les GPS de voiture ne l’indiquent : en effet, ces derniers travaillent pour l’essentiel sur des bases de données de vitesse instantanée, qui ne sont en rien représentatives de la vitesse moyenne en ville ;
  • l’impact de la baisse du coût d’usage de la voiture est bien mis en évidence : passer de 0,22 euro à 0,11 euro au kilomètre va mettre ce coût d’usage à niveau équivalent à celui des transports en commun. Hors heures de pointes, la vitesse moyenne de la voiture étant équivalente à celle du transport en commun de surface (bus et tramways), l’usager va être incité à l’utiliser plus fortement qu’aujourd’hui ;
    • on voit que le TER est très performant pour l’individu… mais qu’il a un coût exorbitant pour la collectivité : vitesse la plus forte pour un coût au kilomètre très faible pour l’usager. En revanche, le train comporte deux faiblesses majeures : d’une part, tel qu’il est géré en France, il est globalement (pas sur toutes les lignes) un véritable gouffre pour les finances publiques ; d’autre part, il ne dispose que de faibles capacités : on peut difficilement construire de trop nombreuses voies ferrées dans les zones urbaines et la sécurité ferroviaire impose des limites au On pourrait cependant utilement déployer en province un cadencement plus fort, pour des débits considérablement augmentés sur les axes surchargés : nous sommes aujourd’hui à des fréquences de 30 minutes en heures de pointe, parfois de 15 minutes. Passer de 30 à 15 minutes ajouterait huit trains sur deux heures par branche de TER : est-ce vraiment inatteignable?;
    • les TER assurent 900.000 voyages par jour hors Île-de-France, soit environ 450.000 voyageurs par jour. Pour financer le service, les régions déboursent 3 milliards d’euros par an, soit en moyenne 6.666 euros par passager par an, et ce pour la seule exploitation (hors investissements), avec de très fortes disparités régionales et par lignes. Des Régions affichent des budgets moyens de 10.000 euros par passager par an en subvention publique, signe de coûts unitaires élevés et d’une faible fréquentation. Dans un récent rapport, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) pointe ainsi en 2016 un taux d’occupation moyen des TER (hors Île-de-France)de seulement 25%17. Ces réserves mises à part, on voit néanmoins que le fer constitue une pénétrante extrêmement efficace en termes de vitesse pour rapprocher des territoires périurbains, voire ruraux, des zones d’emplois. Le coût pour l’usager abonné est cependant beaucoup trop faible, ce qui reporte de manière excessive le financement sur la collectivité et les occasionnels. La régularité et la fiabilité sont encore un challenge dans certaines régions : de trop nombreux TER français sont supprimés ou régulièrement en retard, décourageant l’usager d’utiliser ce mode. Toujours selon l’Arafer, qui se base sur les données de la SNCF (qui ne comptabilise pas tous les retards), en 2016, 5% des trains prévus ont été supprimés (dont plus du quart à la dernière minute), plus de 10% des TER arrivent en retard en heure de pointe, 25% de ces retards sont supérieurs à 20 minutes18. Ceci explique la baisse de la fréquentation du train en France, les utilisateurs se reportant sur d’autres modes de transport (– 0,5% par an de passagers par kilomètre en moyenne depuis 2011)19.

C’est le paradoxe du ferroviaire : c’est l’outil idéal pour relier efficacement centres et grandes périphéries, mais notre organisation induit des coûts publics prohibitifs et, en conséquence, une offre gravement sous capacitaire. Cela n’est pas durable et il est urgent de revoir le dispositif actuel qui va contre l’intérêt général. C’est tout le sens de la réforme en cours, qui doit permettre de faire des économies sur les coûts par la mise en concurrence et de réinvestir ces économies dans des trains supplémentaires. L’exemple de l’Allemagne est éloquent à ce titre, comme le montrent deux rapports du cabinet Trans- Missions20 et un récent rapport de l’Arafer21 :

  • le coût public du TER est le double en France comparé à celui de l’Allemagne, avec comme principales causes, d’une part, la dispersion de l’offre induisant une trop faible utilisation des ressources et matériels mis en place (le kilométrage parcouru par le matériel roulant est deux fois et demie supérieur en Allemagne qu’en France) et, d’autre part, l’organisation du En effet, beaucoup de conducteurs de trains en France effectuent leurs services en heure de pointe en étant payés 5 heures, ce qui induit qu’un conducteur de TER réalise 358 à 382 heures de conduite en France par an contre 10.050 en Allemagne ;
  • SNCF Réseau emploie 55.000 salariés pour 30.000 kilomètres de voies, la Deutsche Bahn 45.000 salariés pour 40.000 kilomètres (en 1970 la productivité était la même);
  • le nombre de trains supprimés est cinq à dix fois inférieur en Allemagne qu’en France;
  • les autorités publiques allemandes financent deux fois plus d’offres TER avec le même budget que les autorités publiques françaises : 3 milliards d’euros pour 174 millions de trains-kilomètre en France, 5,5 milliards d’euros pour 636 millions de trains-kilomètre en Allemagne ;
  • en Allemagne, la concurrence a permis une baisse de 30% des subventions publiques, économies qui ont été réinvesties dans l’offre : + 37%, avec une amélioration du service (renouvellement du matériel dont l’âge moyen est passé de 17,3 années à 7,5 entre 1997 et 2015).En France, entre 2002 et 2011, les subventions aux TER ont augmenté de 60% en trains-kilomètre (et de 90% en valeur absolue) sans que l’usager ait pu bénéficier d’une amélioration de la qualité de service. À noter que la Deutsche Bahn conserve une très large majorité du marché et que le nombre de tués et blessés par accidents ramené par trains-kilomètre est inférieur à celui de la France.

On le voit, les marges de manœuvre sont importantes, et c’est une bonne nouvelle. La concurrence va permettre de replacer les Régions dans une situation plus forte vis-à-vis de la SNCF leur permettant de mieux négocier les prix et la qualité de service. Le rapport de force est aujourd’hui beaucoup trop déséquilibré. Le passé a montré que la SNCF n’a été en mesure ni d’améliorer le service, ni de diminuer les coûts, bien au contraire. Le débat n’est donc pas pour ou contre la SNCF et ses agents, comme le caricaturent actuellement les syndicats de cheminots, mais pour ou contre un service ferroviaire amélioré pour les usagers. La réforme lancée – même si elle ne résout pas tout – est une chance à saisir.

VI Partie

Les mesures à déployer pour agir sur les temps de parcours

En intra périphérique, les solutions sont connues et mises en place dans la plupart des agglomérations, même si beaucoup reste encore à faire :

  • construction d’alternatives crédibles à la voiture solo, avec baisse des temps de parcours entransports en commun et à vélo : lignes de tramways, couloirs de bus, bandes cyclables, doubles-sens cyclables, priorités aux feux là où cela est possible… ;
  • augmentation de la vitesse commerciale des réseaux de transports en commun, avec en particulier la diminution du nombre d’arrêts en ville (1 tous les 300 mètres sur Lyon), ce qui permettra également de désaturer des lignes fortes (25% des trajets font un seul arrêt sur des lignes majeures du fait de l’abonnement au forfait) et de favoriser la marche à pied (on peut marcher 200 à 300 mètres, soit 4 minutes, pour rejoindre un arrêt). La vitesse commerciale des transports en commun est la clef de leur économie : 1 km/h de gagné sur une ligne de 20 kilomètres à fréquence de 10 minutes fonctionnant de 7 à 19 heures, c’est 150.000 euros d’économie par an et 200.000 euros d’investissements évités ;

    – contraintes de la voiture pour limiter sa consommation d’espace, avec une vitesse adaptée et préserver les centres urbains :

    • réaffectation de l’espace à d’autres usages (bus, vélos, tramways) ;
    • pincement des pénétrantes là où existent des alternatives (lignes fortes de transports en commun) ;
    • gestion des carrefours à feux pour maximiser les flux sur les pénétrantes et préserver les zones résidentielles en pénalisant les shunts de ceux qui pensent naïvement battre le système grâce à leur GPS (Waze…) ;

    – réduction des vitesses moyennes pour maintenir les capacités d’écoulement (fluidité lente avec, en heures creuses, des vitesses moyennes constatées en ville de 18km/h, représentant l’optimum de consommation d’espace par la voiture).

Graphique 9 : Consommation d’espace temps par la voiture selon sa vitesse et par km parcouru

Source :

F. Héran, 2008.

  • éloignement du trafic de transit et de desserte des centres-villes avec la construction de périphériques routiers : en effet, sans ces infrastructures, la desserte des hypercentres et des périphéries s’effectue par des voiries inadaptées et vient saturer des espaces à protéger du trafic de transit. La ville sans voiture est une utopie (quasi totalitaire) au vu de l’organisation de nos modes de vies et des motifs de déplacements.

Au-delà du périphérique, les mesures sont également bien identifiées, mais plus délicates à mettre en œuvre et en lien fort avec la politique d’urbanisme des agglomérations :

  • prolongement des lignes fortes de transport en commun au-delà du périphérique, en pénétrantes, pour permettre des alternatives crédibles à la Sans ces alternatives, le discours sur le report modal reste incantatoire et totalement inefficace. La difficulté de financement de ces grandes infrastructures est réelle : outre l’investissement, avec un ratio recette sur dépense d’exploitation de 20%, toute nouvelle ligne de transports en commun génère de la dette publique de manière importante ;
  • réalisation de parcs-relais soit sur des pôles multimodaux, soit répartis le long des lignes fortes de transports en commun pour éviter la construction de trop gros parcs de stationnement,inesthétiques et complexes dans des zones tendues en espaces disponibles ;
  • facilitation du co voiturage (distances de 15-30 kilomètres) par l’amélioration des temps de parcours et la réalisation de voies réservées aux co voitureurs et aux bus (ce qui serait également une gestion efficiente de l’espace public). Cette mesure, facilement contrôlable aujourd’hui grâce aux nouvelles technologies, est plébiscitée par la population, avide de gains de temps, mais elle est complexe à réaliser dans des espaces contraints. D’une manière générale, la mutualisation des services de co voiturage périurbains et des offres de véhicules partagés (VTC, etc.) est indispensable afin de proposer plus d’offres et de tirer le meilleur parti des offres privées dans ce domaine. La question des modèles économiques reste la clef. Il est peu probable qu’un acteur privé seul arrive à trouver une solution répondant à la masse des déplacements, particulièrement sur les trajets domicile-travail. Cette piste très prometteuse reste encore largement à inventer, en jouant au maximum des synergies entre acteurs publics et privés. Il est cependant illusoire de croire que la seule proposition de services de co voiturage va faire adhérer la population, et les services actuels le prouvent : même si on arrive à garantir un service toutes les 5 minutes en heure de pointe, les voyageurs utilisent peu le service. La raison en est simple : la contrainte d’abandonner sa voiture pour monter dans une autre est supérieure à celle de l’usage de la voiture solo. Sans contraintes ou mesures incitatives fortes sur la voiture, nous ne changerons pas nos comportements ;
  • réalisation de pistes cyclables, visant à sécuriser les cyclistes, les vitesses en voiture étant plus élevées au-delà du périphérique ;
  • rationalisation des lignes de transports publics pour focaliser les moyens là où sont les besoins : dans des zones éloignées des centres urbains, le transport public peut s’avérer également un gouffre économique avec des lignes à très faible fréquentation. Plusieurs responsables de transport dans les Régions citent également l’exemple de lignes ferroviaires avec des fréquentations si faibles que payer des voitures neuves aux quelques usagers qui les empruntent coûterait moins cher en argent public… le car peut être une option moins coûteuse et tout aussi efficace, voire plus ;
    • il faut mobiliser les fonds publics là où ils sont le plus efficaces. Des alternatives moins coûteuses et plus adaptées aux besoins des personnes sont possibles grâce au numérique. Elles restent à développer : co voiturage en temps réel adapté aux modes de vies urbains et sur les destinations qui le permettent, transports à la demande en temps réel pour la desserte de zones d’activités ;
  • amélioration de l’organisation des TER pour gagner en fiabilité et régularité : dans de trop nombreuses régions, des usagers se détournent de ce mode de transport à cause de problèmes récurrents de ponctualité, voire d’annulations de trains. Un cadencement plus fort permettrait de gagner en capacité pour peu que l’usager participe plus au financement des coûts d’exploitation et que les coûts d’exploitation baissent, afin de ne pas augmenter encore la dette financière du ferroviaire, déjà très importante ;
  • urbanisation maîtrisée proche des arrêts des lignes fortes de transports en commun (en particulier le mode ferré), avec des pôles concentrant les logements et activités (urbanisme dit en« doigts de gant », à l’image de ce qui a été réalisé à Copenhague).
VII Partie

Une nécessaire action sur le coût s’usage de la voiture

Notes

22.

Voir Erwan Alix, « Carte/ Ville par ville, combien coûte le forfait post-stationnement ? », ouest-france.fr, 3 janvier 2018.

 

+ -

23.

Prix moyen d’une citadine avec vignette Crit’air de niveau 2 ou 1.

+ -

Dans tout ce panel de mesures à déployer, nécessitant de très lourds investissements, il est frappant de constater qu’à ce jour, en France, les politiques publiques n’ont jamais agi sur le coût de la mobilité pour induire des changements de comportements. Le sujet est sensible. Ainsi la réforme du stationnement a été plusieurs fois repoussée et a été en débat durant quasiment deux décennies. Elle est cependant effective depuis début 2018. Mais il est probable que cette réforme n’ait que peu d’impact malgré le changement de paradigme fort qu’elle implique : les automobilistes doivent aujourd’hui payer un forfait de 17 à 60 euros22 selon les communes, alors qu’hier 80% ne payaient pas le stationnement, en raison du faible risque de contrôle et de la faiblesse du coût de l’amende (17 euros). En effet, ceux qui utilisent la voiture pour se rendre à leur travail ont déjà pour la grande majorité une solution de stationnement, les bureaux existants disposant de larges capacités de parking. Cependant, c’est un pas dans la bonne direction qui permettra de libérer de l’espace public de voirie et donc de faciliter le déploiement de pistes cyclables et de couloirs bus.

Si une tarification de l’usage de la voiture apparaît indispensable, tout se passe comme si l’on préférait des solutions médiatiques, parfois très coûteuses en fonds publics et à l’impact incertain, à une solution efficace : la préférence actuelle des responsables politiques pour des mesures d’interdiction de circuler des véhicules anciens n’aura que peu d’effet sur la circulation automobile et la pollution de l’air. Elle procède d’une logique de désignation de faux coupables et de communication, alors que les vraies solutions sont ailleurs. Cette mesure touche les ménages aux revenus les plus faibles que l’on oblige à changer de véhicule, soit une dépense très importante, de l’ordre de 10.000 à 15.000 euros23, ce qui favorise les constructeurs automobiles. Les incitations à faciliter l’usage de véhicules électriques – dont le bilan carbone est proche de celui des véhicules thermiques – sont également surprenantes : a-t-on vu des collectivités construire et exploiter des stations-service dans le passé ? Pourquoi le demander aujourd’hui pour le véhicule électrique ?

Graphique 10 : Emissions annuelles de CO2 liées aux déplacements des résidents selon le niveau de revenus des ménages par habitant

Source :

Insee ENTD 2008, traitements Laboratoire Aménagement et Économie des transports (Laet) et Cerema.

Une tarification de l’usage de la voiture faible et sur un large périmètre24 est une solution pour tant ancienne et que de nombreuses agglomérations pratiquent en Europe du Nord (Göteborg, Stockholm, Oslo, Bergen, Trondheim…). L’Allemagne vient d’introduire, après sa taxe poids lourds kilométrique, une vignette pour l’utilisation de ses routes nationales pour les voitures. L’Autriche le fait depuis longtemps. Ce dispositif n’a rien de révolutionnaire en soi : la tarification des ressources rares est une mesure appliquée depuis longtemps pour éviter les gaspillages. Concernant l’eau, l’électricité et l’énergie, c’est une pratique qui existe depuis très longtemps et qui s’est appliquée même plus récemment sur l’enlèvement des ordures ménagères. La rareté de l’espace public, les enjeux des émissions de gaz à effet de serre (que la taxe carbone vise à limiter, reprenant en cela le même principe en en voyant un signal-prix aux consommateurs), les enjeux de santé publique et la pénurie de fonds publics sont les fondements d’une refonte du financement de notre système de mobilité.

Ce type de mesure rééquilibre la baisse du coût d’usage de la voiture, maintient la liberté de circulation des personnes et a un impact réel sur le volume de trafic. Elle permet aussi de financer les infrastructures et les services de mobilité, permettant ainsi d’avoir des alternatives efficaces à la voiture solo, dont les agglomérations ont tant besoin pour accompagner leur développement. C’est d’ailleurs très exactement la proposition des députés Gilles Savary et Bertrand Pancher dans un rapport sur le système ferroviaire25.

VIII Partie

Comment s’opèrent les arbitrages prix/temps de parcours des usagers ?

Les économistes des transports ont depuis longtemps modélisé les mécanismes de comportements modaux des personnes avec la notion de coût généralisé (voir graphique 11) : en ajoutant au coût du transport la valorisation du temps par les usagers (en moyenne aux alentours de 10 euros par heure), on comprend comment s’opèrent les choix de mode de transport.

Graphique 11 : Les arbitrages prix/temps de parcours des usagers

Source :

Laboratoire Aménagement et Économie des transports (Laet).

 

Les graphiques 12 à 14 illustrent successivement l’impact de l’augmentation de la vitesse des transports en commun en site propre (TCSP), de la baisse du coût de l’essence ou de l’amélioration des moteurs et d’une tarification de l’usage de la voiture sur les comportements des usagers.

 

 

 

Graphique 12 : Effets des transports en commun en site propre (TCSP)

Graphique : Effets de la baisse de la consommation de l’essence et de son côté

Graphique 14 : Effets d’une tarification forfaitaire de l’usage de la voiture

Source :

Jean Coldefy et Yves Crozet du Laboratoire Aménagement et Économie des transports (Laet) de Lyon

IX Partie

Effets de la mise en oeuvre d’une tarification de l’usage de la voiture dans les agglomérations

Chaque jour, des centaines de milliers de voitures rentrent dans nos villes : 200.000 à Rouen, 500.000 à Lyon, sans doute des millions en Île-de-France. Un dispositif de tarification de la mobilité routière à base large (périmètre étendu, frontières des métropoles) et tarif faible (1 euro), appliqué aux agglomérations connaissant des problèmes de congestion, permettrait de :

  • réduire le trafic, par le signal-prix envoyé aux usagers ;
  • réduire en conséquence la pollution (la pollution chronique est plus nocive que les pics de pollution, agir sur la pollution chronique limite son accumulation, laquelle déclenche les alertes) ;
  • favoriser l’usage de la voiture partagée ;
  • financer la mobilité urbaine de manière significative ;
  • limiter l’étalement urbain.

La mise en place uniquement les jours travaillés, donc en dehors des week- ends et des cinq semaines de congés de cette tarification, plafonnée à 2 euros par jour pour limiter l’impact sur les activités économiques en frontières du périmètre concerné, avec une variation forte les jours de pollution (4 euros par passage), pourrait ainsi rapporter plus de 200 millions d’euros par an net sur Lyon (500.000 voitures x 220 jours x 2 euros), plus de 80 millions d’euros par an net sur Rouen (200.000 voitures x 220 jours x 2 euros), et plusieurs milliards d’euros par an sur Paris selon le périmètre retenu (15,5 millions de déplacements en voiture par jour en Île-de-France, 1,1 vers Paris, 1,8 entre petite couronne et reste Île-de-France), pour ne prendre que ces quelques exemples.

Plusieurs dispositifs sont possibles :

  • une tarification lors du franchissement d’un cordon délimitant la zone à protéger : c’est le dispositif le plus simple à mettre en œuvre, mais il induit une frontière, ce qui le rend complexe à appliquer sans un grand courage Il garde néanmoins sa cohérence: ce sont bien les flux entrants qui sont grandement – mais pas seulement – responsables de la congestion aux heures de pointe. On peut également imaginer un dispositif aux frontières des métropoles avec un second cordon sur la ville centre : plus on utilise la voiture pour s’enfoncer dans le centre, plus on génère d’externalité négative, et donc plus on participe au financement de l’espace urbain ;
  • une tarification au kilomètre parcouru dans la zone à protéger (le territoire d’une métropole, par exemple) : dès l’entrée dans la zone, l’usage de la voiture est tarifé en fonction de la distance parcourue. Cette disposition offre l’avantage essentiel de limiter l’effet de frontière – les résidents et les extérieurs sont concernés par la mesure – et de pouvoir taxer plus fortement les déplacements de très courte portée réalisés en Elle est cependant, en l’état actuel des technologies, encore complexe et coûteuse à mettre en œuvre. La généralisation de puces GPS et decartes SIM dans les voitures devrait aider à sa mise en œuvre d’ici à une dizaine d’années.Politiquement, elle est encore plus difficile à promouvoir puisque les résidents comme les extérieurs sont concernés par la mesure ;
  • un système mixte : tarification lors de l’entrée ou de la sortie de la zone et lors de la circulation dans la zone ;
  • un dispositif combinant un forfait (pour les résidents, par exemple), une tarification à l’usage, similaire à ce qui existe pour l’eau, l’électricité ou l’enlèvement des ordures ménagères, avec des modulations suivant les heures (heures creuses-heures pleines) ;
  • une tarification avec un système de points sur l’ensemble de la mobilité, la valeur du point étant révisée annuellement en fonction des besoins et de l’évolution de l’environnement (taxe carbone notamment, évolution des prix des carburants). Avec un tel système, un déplacement de 10 kilomètres en voiture individuelle serait tarifé : pour une voiture individuelle, 10 points ; pour un véhicule à la norme Euro 6, 20 points ; pour un véhicule à la norme Euro 4 ou pour un transport en commun, 5 points ; pour une voiture partagée, 7 points ; pour un vélo, 0 point. Des modulations horaires seraient mises en place.

Dans tous les cas, des exonérations visant à protéger les plus faibles revenus devront être intégrées pour rendre la mesure socialement acceptable. La tarification de l’usage de la voiture dégagerait, on le voit, des volumes financiers considérables et favoriserait naturellement le covoiturage. Ces nouveaux budgets permettraient de financer la mobilité urbaine, avec un principe de pollueur-payeur largement accepté par le citoyen. De véritables packages de mobilité, qui peinent à se déployer compte tenu de la pénurie des budgets publics, verraient alors le jour afin de permettre un développement harmonieux de nos villes, en reliant plus efficacement les centres et les périphéries : nouvelles lignes de transports en commun en sites propres reliant centres et périphéries, plans de parcs relais P+R, contournements routiers manquants (qui permettent d’éviter que le trafic routier en échange ne se diffuse dans toutes les rues et les quartiers à préserver), pistes cyclables, etc. Des packages de mobilité, accessibles via des pass urbains, incitant à ne pas utiliser sa voiture lorsque les alternatives existent, pourraient être mis en place combinant transports en commun, vélos en libre-service, stationnement, autopartage, covoiturage, usage de la route, etc., avec une tarification adaptée. Cette disposition faciliterait la vie de l’usager, tout en répondant aux enjeux collectifs d’espaces urbains, de pollution, de financement de nos mobilités.

Cela permettrait aussi une adaptation majeure du financement des transports en commun, aujourd’hui assis essentiellement sur le coût du travail, avec le versement transport, taxe de 2% de la masse salariale, qui pénalise la compétitivité des entreprises de l’Hexagone, alors que celles-ci ont le taux de marge le plus faible d’Europe. Une telle mesure permettrait enfin d’éloigner le trafic de transit des centres d’agglomération avec une tarification dissuasive spécifique, sans pour autant pouvoir en exonérer les habitants des aires urbaines : s’ils sont des utilisateurs plus fréquents des routes urbaines et peuvent à ce titre bénéficier de tarifs préférentiels, les résidents polluent tout autant que les voyageurs en transit, et les exonérer totalement serait contraire à la Constitution française et aux règlements européens.

 

X Partie

Quatre propositions d’adaptation de la gouvernance pour la future loi d’orientation des mobilités

La loi d’orientation des mobilités qui va être prochainement débattue au Parlement intègre un volet significatif sur le financement de la mobilité. Pour pouvoir trouver la pleine efficacité de telles mesures, des adaptations fortes de la gouvernance sont nécessaires. Nous en proposons quatre, en partant non pas des rapports de force des acteurs publics mais bien des besoins de mobilité.

Proposition n°1 : faciliter le pilotage de nos agglomérations.

L’échelle pertinente de pilotage de la mobilité se situe non pas aux frontières administratives des agglomérations, mais à celles des bassins de vie, c’est- à-dire des aires urbaines. Or le nombre de communes des quarante plus grandes agglomérations et aires urbaines est très élevé, rendant inefficace la gouvernance (pour ne pas dire plus), puisque le principe de représentation est d’avoir a minima chaque commune représentée dans les conseils d’agglomération ou de métropole, ce qui peut amener à ce qu’une coalition de petites communes représente un poids politique sans commune mesure avec leur poids démographique. Outre le problème démocratique que cela pose, cela conduit à réduire fortement les ambitions et les stratégies territoriales à l’échelle de l’agglomération pour focaliser les moyens sur des enjeux purement locaux. Le tableau 2 pointe ce fait dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et métropoles dans les principales aires urbaines métropolitaines.

 

Tableau 2 : Nombre de communes des principaux EPCI et métropoles en France métropolitaine

C’est un problème considérable car cela affaiblit les métropoles, qui concentrent pourtant l’essentiel du dynamisme économique (9 emplois sur 10 ont été créés dans les métropoles depuis dix ans, les villes moyennes ayant toutes perdu des emplois). Les majorités sont introuvables avec un tel nombre de communes. Tous les grands élus se sont rabattus vers les Régions et ont perdu le contrôle des métropoles : Lille, Mulhouse, même Lyon où Gérard Collomb et son successeur David Kimelfeld disposent d’une majorité extrêmement fragile reposant entre les mains d’une coalition de petites communes du nord- ouest de l’agglomération. La France a ainsi raté la diminution du nombre de communes, opérée il y a cinquante ans par nos voisins : le Royaume-Uni a 405 communes, l’Allemagne, 11.000, et l’Italie, 8.000. Il faut remédier à cette situation pour préserver la compétitivité de nos métropoles face à la concurrence mondiale.

A contrario, les Régions disposent d’un capital politique très fort : les grands élus s’étant reportés des métropoles vers les Régions (à l’image de Jean Rottner, qui a perdu la présidence de Mulhouse Métropole pilotée par un maire d’une commune de 1.800 habitants, ou de la métropole de Lille, où le président est un maire d’une commune de moins de 1.000 habitants), et c’est pour cela qu’elles ont été très présentes lors des Assises de la mobilité. Mais il ne faudrait surtout pas que les conclusions de la loi d’orientation des mobilités conduisent à affaiblir encore plus les métropoles en mettant les Régions en supervision, ce qui serait contre-productif : les Régions n’ont pas la culture opérationnelle de services de terrain (qui supposent des astreintes, une gestion temps réel, une maintenance 24 heures sur 24 des équipements, etc.), leur taille nouvelle les éloigne trop du terrain, leur tropisme politique est de plus orienté vers les territoires ruraux. Ainsi sur la gouvernance des données, sur la hiérarchie des Autorités Organisatrices des Mobilités, etc., les deux doivent être soumises aux mêmes obligations, avec une même exigence : mettre l’usager au cœur des mesures.

La première mesure est donc de rendre plus efficace la gouvernance des métropoles et des communautés d’agglomération avec un poids politique strictement proportionnel au poids démographique. Cette mesure favorisera naturellement le regroupement de communes avec des élus de poids pour porter des stratégies d’envergure. Elle se heurtera évidemment aux petits maires, qui préféreront conserver leur pouvoir local, même s’ils reconnaissent l’affaiblissement qu’il induit au niveau de leurs agglomérations. Sans cette mesure, les frontières des péages urbains se mettront aux frontières des agglomérations, renforçant ainsi l’opposition stérile France des villes-France des campagnes, exploitée de manière outrancière par des politiciens peu scrupuleux.

Proposition n°2 : rationaliser la gestion des routes.

La voirie est aujourd’hui éclatée entre de multiples gestionnaires sur les aires urbaines : communes, communautés d’agglomération, Départements, État et, parfois, sociétés d’autoroutes. Des démarches de schémas directeurs sur les voies structurantes de l’État sont lancées, mais elles sont très longues (en cours depuis deux ans sur Lyon, par exemple, et non terminées), alors que des solutions évidentes sont à déployer sans attendre : par exemple, afficher des temps de parcours multimodaux sur les autoroutes, les places disponibles des parcs relais, etc. Toute la donnée est là, mais rien ne se passe en raison de cette gouvernance éclatée : une fois de plus, l’usager passe après l’orthodoxie technocratique. Si la démarche de schémas directeurs présente un intérêt d’étude, force est de noter que les obligations de schémas directeurs se multiplient dans les territoires, mobilisent les services des collectivités et de l’État sur les études et les réflexions, sans que l’on obtienne forcément de résultats concrets et probants sur le terrain. Il est même aberrant de maintenir des services pour trop peu de kilomètres à gérer.

La deuxième mesure est donc de transférer l’ensemble des Routes Départementales et Routes Nationales aux communautés d’agglomération et aux métropoles sur leur territoire. Avec un seul gestionnaire pouvant coordonner beaucoup plus facilement les réseaux entre eux, cette mesure présente un intérêt évident : le déploiement de voies réservées pour les cars et le co voiturage sera beaucoup plus simple et efficace à mettre en place, cela permettra de nombreuses optimisations des ressources humaines et de meilleurs services d’information sur la circulation. Il faudra laisser le choix aux agglomérations et aux métropoles d’opter pour cette disposition, en traitant à part le cas de l’Île-de-France.

Proposition n°3 : transférer intégralement les pouvoirs de police, de circulation et de stationnement aux agglomérations et métropoles.

Il importe de parachever la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) et la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) par le transfert intégral des pouvoirs de police, de circulation et de stationnement aux agglomérations et métropoles. Aujourd’hui, le stationnement est de la responsabilité des communes, et toutes les métropoles ne disposent pas des pouvoirs de police de circulation. À notre connaissance, seule la métropole d’Orléans a réussi à faire porter l’ensemble de ces pouvoirs de police au niveau de l’agglomération, ce qui lui donne à l’évidence les moyens de gérer une politique globale cohérente de mobilité à la bonne échelle, qui n’est évidemment pas celle de la commune. Par ailleurs, le stationnement est l’une des clefs du report modal.

Il y aura évidemment une réticence des communes, d’autant plus qu’elles voient dans le stationnement une source de financement, néanmoins la loi Maptam transfère déjà le produit du forfait post-stationnement aux métropoles – ce qui est encore une incohérence législative. On pourrait ainsi transférer les pouvoirs de police aux agglomérations, sans impacter les recettes horaires des communes.

Proposition n°4 : Déployer rapidement des solutions de mobilité à l’échelle des aires urbaines.

Les agglomérations et les métropoles sont les premières touchées par les flux automobiles en provenance de l’extérieur de leur périmètre d’intervention. Par ailleurs, les entreprises de leurs zones d’emplois paient le versement transport pour financer des services de mobilité pour leurs salariés. Une bonne part de ceux-ci (50%, par exemple, sur Lyon) n’habitant pas sur le territoire de l’agglomération, ils ne peuvent pas disposer de transports en commun depuis leur domicile jusqu’aux zones d’emplois.

Afin de résoudre ce point pour le moins paradoxal, le bon sens conduit à autoriser les agglomérations, en coopération avec les communautés de communes de leur périphérie, à pouvoir déployer des lignes de cars express et de co voiturage vers leurs zones d’emplois depuis les villes et les bourgs générant les flux automobiles, avec la mise en place de parcs relais afin de massifier les flux. Cette disposition permettrait en quelques mois et de manière simple et efficiente de déployer des solutions alternatives à la voiture individuelle. L’offre de transport ainsi construite serait également mieux intégrée entre urbain et périurbain.

Ces mesures sont certes disruptives et nécessitent un courage politique certain pour aller au-delà des conservatismes et des jeux d’équilibre de pouvoirs qui oublient trop souvent le besoin des habitants.

Nombre de solutions existent pour une mobilité urbaine durable et finançable, adaptée aux deux contextes : centres-villes et périphéries. Pour être pertinente, la réponse politique doit agir sur trois leviers :

  • poursuivre la politique de construction d’alternatives crédibles à l’usage excessif de la voiture, notamment dans les liaisons centres-périphéries, faute de quoi le discours sur le report modal est incantatoire et idéologique. Dans le même temps, réduire les espaces publics alloués à la voiture en centre-ville, mais aussi sur les pénétrantes là où les alternatives existent ;
  • focaliser la dépense publique là où elle est efficace : dans des zones éloignées des centres urbains, le transport public ferroviaire peut s’avérer un gouffre économique avec des lignes à très faible fréquentation. Des alternatives moins coûteuses et plus adaptées aux besoins des personnes sont possibles, notamment grâce au numérique, en mobilisant l’offre privée de mobilité ou avec des solutions innovantes de transport public proches de la demande ;
  • tarifer l’usage de la voiture afin d’accompagner le développement de nos villes en reliant plus efficacement les centres et les périphéries et de contre balancer la baisse du coût de la voiture particulière. Cette tarification similaire à ce qui existe depuis longtemps pour l’eau, l’électricité ou l’enlèvement des ordures ménagères se ferait avec un dispositif à base large et à tarif faible comme le pratiquent depuis vingt-cinq ans de nombreuses villes du nord de l’Europe. Cette mesure permettrait de financer autrement et à des niveaux plus importants notre mobilité. Elle aurait l’avantage d’utiliser intelligemment le signal prix en s’appliquant à tout le monde de manière supportable. Des modulations en fonction du type de véhicule, des heures et des pics de pollution pourraient également être mises en place. On réduirait ainsi la pollution permanente, ce qui améliorerait fortement la qualité de l’air. Cela permettrait aussi une adaptation majeure du financement de la mobilité et des transports en commun, aujourd’hui assis essentiellement sur le coût du travail, au travers de la contribution versement transport due par les employeurs ;
  • simplifier la gouvernance de nos agglomérations pour les rendre plus efficaces.

Les interdictions de circuler n’ont qu’un effet marginal sur la pollution de l’air, pratiquement aucun sur le CO2, et sont socialement particulièrement injustes. Elles ne peuvent que renforcer la colère des banlieues face aux centres des métropoles. Réduire durablement le trafic est bien plus efficace pour améliorer la qualité de l’air. Pour ce faire, un signal-prix sur l’usage de la voiture dans les agglomérations paraît indispensable. Alors que les enjeux climatiques sont énormes, rééquilibrer le financement de la mobilité sur la consommation relève du bon sens et induira des changements de comportements durables.

Cela suppose une mobilisation collective de tous les acteurs, c’est-à-dire des décideurs politiques–l’intérêt général devrait transcender les clivages partisans

  • mais aussi la population – nous sommes tous acteurs et responsables de la situation que connaissent nos agglomérations. On utilise mieux ce que l’on paie et l’usager doit davantage contribuer au coût de sa mobilité, ce qui éviterait des déplacements inutiles ou permettrait de mieux les Une redevance sur l’usage de la voirie semble la seule solution pour reprendre à la voiture les gains financiers obtenus par la baisse des prix du pétrole et l’amélioration de la performance des moteurs. Elle permettrait de financer les investissements dont nos agglomérations ont tant besoin.Pour des villes plus respirables et des mobilités raisonnées, il faut avoir le courage de mettre toutes les options sur la table et conduire les débats de manière publique, sans idéologie, afin que les choix soient partagés et acceptés. À chaque mode de transport sa zone de pertinence. Rejeter la voiture par principe n’a pas de sens en périphérie alors que les transports en commun dans ces zones ne sont pas toujours ni finançables ni efficaces. A contrario, l’usage excessif de la voiture est réel et doit être combattu. Avec ces mesures, villes et voitures, centres et périphéries peuvent ainsi être réconciliés. Le chemin sera long pour faire rentrer une culture économique dans nos politiques de mobilité visant à modifier nos comportements. Mais face à l’urgence climatique, avons- nous vraiment le choix ?
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