Résumé
I.

Nouvelles métriques

1.

Les métriques de l’utilité

2.

Mesure des effets utiles d’un produit

3.

Personnalisation des produits

4.

Mesure massive de performance industrielle

5.

Mesure de performance des collaborateurs

6.

Le mécanisme de destruction créatrice

II.

De la métrique à la richesse

1.

Mesurer révèle de nouvelles richesses

2.

La métrologie numérique

3.

Nouvelles richesses

III.

Projets pour l’action publique

1.

La route de l’économie de l’utilité, « chose publique »

IV.

Construire le tableau de bord de la création d’emplois

1.

Contexte

2.

Objectif

3.

Mise en œuvre

4.

Recommandation

5.

Effets d’entraînement

V.

Projet 2 – Valoriser la richesse de la contribution

1.

Contexte

2.

Objectifs

3.

Mise en œuvre

4.

Recommandation

5.

Effets d’entraînement

VI.

Projet 3 – Valoriser les richesses de l’inventivité

1.

Contexte

2.

Objectif

3.

Mise en œuvre

4.

Recommandation

5.

Effet d’entraînement

VII.

Projet 4 – Redistribuer les richesses captées par les grandes plateformes

1.

Contexte

2.

Objectif

3.

Mise en œuvre

4.

Recommandation

5.

Effets d’entraînement

Conclusion

Voir le sommaire complet Replier le sommaire

Résumé

La politique de l’innovation révèle un manque de vision collective. Les experts sont démunis pour comprendre les transformations en cours. Tout cela leur impose de revenir aux mécanismes microéconomiques de ces transformations, qui ne se résument ni à la numérisation des entreprises, ni à l’ubérisation ou aux systèmes collaboratifs. Tous ces phénomènes sont les conséquences d’un fait unique : la mutation de l’économie elle-même.

Un retour sur deux cents ans d’histoire permet de constater que, depuis Malthus, l’économie a progressivement été identifiée à la monnaie alors que les Anciens ne faisaient pas cet amalgame. Aujourd’hui, l’économie non marchande prend sa revanche. D’abord pressentie à travers les actifs immatériels, le travail gratuit, la consommation responsable, le besoin de sens social et environnemental du travail, elle se découvre dans toute sa diversité.

Uber révèle que la richesse relationnelle, notée par de simples étoiles, peut bousculer en quelques mois le marché des taxis, sclérosé depuis soixante ans. BlaBlaCar, AirBnB ou Wikipédia manifestent la puissance de la société civile et du modèle coopératif qu’elle porte.

Toutes ces ressources, jusqu’à présent invisibles, deviennent mesurables grâce à leur média numérique. Un nouveau continent économique se dessine, en début d’exploration par les entrepreneurs. Comme à l’époque des grandes explorations maritimes, le soutien sans faille de l’État en permettra la conquête organisée et bénéfique pour tous. Aujourd’hui, l’alliance par projet des entrepreneurs et de l’État doit fonder la République des entrepreneurs.

Vincent Lorphelin,

Co-président de l’Institut de l’iconomie et fondateur de Venture Patents.

Notes

1.

Vincent Lorphelin, Christian Saint-Étienne, Michel Volle, Jean-David Chamboredon, Nicolas d’Audiffret, Pierre- Henri Deballon, Geoffroy Guigou et Philippe Hayat, « L’action publique est désastreuse pour l’innovation »,Le Monde, supplément « Éco & Entreprises », 16 septembre 2016, p. 7.

+ -

2.

Voir Christian Saint-Étienne, L’Iconomie pour sortir de la crise, Odile Jacob, 2013, p. 12.

+ -

Mondialisation, désindustrialisation, robotisation, ubérisation, colonisation par les géants californiens : la France sait qu’elle doit changer pour ne pas être déclassée, mais ne sait pas comment s’y prendre. Son action publique est désastreuse pour l’innovation. L’Urssaf et la Gendarmerie nationale ne se rendent pas compte que poursuivre Uber et Clic and Walk, malgré les appels à la modération de la Commission européenne, gênait la croissance par effet d’insécurité réglementaire. La loi pour une République numérique (LPRN), qui impose le contrôle administratif de la « loyauté » des plateformes, n’a pas vu qu’elle ne serait qu’une contrainte encombrante de plus. Le gouvernement n’a pas pris conscience qu’empêcher la cession de Dailymotion ferait fuir de France les investisseurs internationaux. L’Union européenne, en suivant son agenda de Lisbonne, ne voit pas que l’investissement dans la recherche génère moins de croissance que l’innovation d’usage. L’Insee ne perçoit pas que les entreprises créatrices d’emploi doivent moins leur succès aux secteurs porteurs qu’à leur transformation numérique. Enfin, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’a pas vu que le crédit d’impôt recherche soumet les PME à une forte incertitude fiscale. Complexité, incohérence, lourdeur administrative et manque d’évaluation sont dénoncés par France Stratégie et la Commission européenne.

Ces maladresses à répétition sont symptomatiques d’un manque de vision1. Les experts sont en effet démunis pour décrire les transformations en cours, préalable pourtant indispensable à toute action collective pertinente2. Il est donc nécessaire de revenir aux mécanismes microéconomiques de cette transformation et, à cette fin, de recueillir les témoignages des entrepreneurs dans une perspective économique. C’est pourquoi une vingtaine d’entrepreneurs et quelques économistes ont contribué à l’écriture de cette note :

  • Arnaud Katz, cofondateur de Bird Office ;
  • Bertrand Galley, cofondateur de Product-Live ;
  • Christian Saint-Étienne, économiste, coprésident de l’Institut de l’iconomie ;
  • Clément Le Fournis, cofondateur d’Agriconomie ;
  • Cyrille Le Floch, cofondateur de Qowisio ;
  • François Pacot, fondateur de Royal Cactus ;
  • Francis Jacq, philosophe, membre de l’Institut de l’iconomie ;
  • Geoffroy Guigou, cofondateur de Younited Credit (ex-Prêt d’union) ;
  • Gervais Johanet, fondateur d’Adonis Partners ;
  • Grégory Gazagne, Executive Vice President EMEA chez Criteo ;
  • Guilhem Miranda, fondateur de FlyOverGreen ;
  • Hugues Chevalier, fondateur de Chevalier Conseil, membre de l’Institut de l’iconomie ;
  • Idris Hassim, cofondateur de LuckyLoc ;
  • Jean-David Chamboredon, coprésident de France Digitale ;
  • Jean-Marc Béguin, inspecteur général honoraire à l’Insee, membre de l’Institut de l’iconomie ;
  • Jean-René Boidron, fondateur de Kameleoon ;
  • Jérôme Boyé, fondateur de Tecbak ;
  • Michel Bauwens, fondateur de la Peer to Peer Foundation ;
  • Michel Volle, économiste et historien, coprésident de l’Institut de l’iconomie ;
  • Mehdi Houas, cofondateur de Talan ;
  • Nicolas d’Audiffret, cofondateur d’A Little Market ;
  • Pauline Laigneau, fondatrice de Gemmyo ;
  • Pierre-Henri Deballon, fondateur de Weezevent ;
  • Pierre Ollivier, cofondateur de Winnotek ;
  • Philippe Hayat, cofondateur de Serena Capital ;
  • Philippe Honigman, fondateur de Ftopia

Grâce à leurs témoignages, nous verrons que les menaces que porte l’économie numérique ont une cause fondamentale unique : le changement de nature de l’économie elle-même.

Nous verrons aussi que comprendre cette mutation revient à découvrir un nouveau continent. À d’autres époques, l’État avait suffisamment de vision pour définir un plan industriel global ou tout au moins pour réguler avec efficacité les imperfections du marché et les ardeurs excessives des entreprises. Aujourd’hui, seule une alliance solide entre le souverain et les explorateurs, autour de nombreux projets communs, permettra de conquérir ce nouveau continent. Nous tâcherons d’en esquisser les contours et présenterons quatre premiers projets en espérant être rejoints par ceux qui, entrepreneurs et fonctionnaires, voudront former avec nous la République des entrepreneurs.

I Partie

Nouvelles métriques

Note de lecture : dans cette première partie, l’accumulation d’exemples est rendue nécessaire par le manque de travaux universitaires qui permettraient de les appréhender de manière plus conceptuelle. Ces exemples sont regroupés par paragraphe pour que le lecteur puisse au besoin accélérer sa lecture.

1

Les métriques de l’utilité

La manière dont nous mesurons l’économie a une influence décisive sur sa gestion et sa régulation. Mesurer le temps de travail aboutit au Smic, au nombre de jours de RTT et à l’âge légal de la retraite. Mesurer la rentabilité aboutit à l’augmentation de l’épargne et à la circulation des capitaux. En creux, nous ignorons ce que nous ne mesurons pas ou mal : les effets positifs de la responsabilité d’un manager, du dévouement d’une infirmière, de l’agriculture raisonnée ou d’une dynamique collective, les effets négatifs de l’obsolescence programmée, de la bureaucratie ou de l’empreinte carbone d’un produit. L’utilité ou la « désutilité » de ces effets sont fondamentales en économie. Pourtant, bien que la théorie de l’utilité soit antérieure, elle a été supplantée par la théorie ricardo-marxiste de la valeur-travail et la théorie néoclassique de la valeur de marché. Or de nouvelles métriques s’invitent massivement dans l’économie pour évaluer cette utilité.

2

Mesure des effets utiles d’un produit

Notes

3.

Voir Dominique Cardon, À quoi rêvent les Nos vies à l’heure des big data, Seuil, 2015, p. 26.

+ -

4.

Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson, « Big Data: The Management Revolution », Harvard Business Review, octobre 2012, 60-68.

+ -

De la manière la plus élémentaire, les effets utiles d’un produit peuvent se mesurer par l’appréciation explicite d’un utilisateur. La qualité des contributions dans Amazon est mesurée grâce à la question : « Ce commentaire vous a-t-il été utile ? » Un film sur AlloCiné, une location d’appartement sur Airbnb, la prestation d’un chauffeur de BlaBlaCar, la propreté d’une Autolib’ sont notés entre une et cinq étoiles. Une information postée par un contributeur de Facebook et les vidéos de YouTube sont encouragées par des like.

L’utilité se mesure aussi par l’analyse des marques d’intérêt de l’utilisateur, même implicites. Un lecteur du journal en ligne Forbes révèle son intérêt lorsqu’il le partage sur Twitter, imprime un article, propose des corrections, demande des tirés-à-part, fait une extraction ou répond à un commentaire. Le modèle économique de Facebook est fondé sur la proportion des internautes qui ont aimé, partagé, commenté ou cliqué sur une publication. Google News classe une information en fonction des jugements des internautes3.

Les effets utiles sont mesurables par les « traces » de l’utilisateur, même lorsqu’il n’a pas exprimé son intérêt. Amazon prédit : « Vous avez aimé ce livre, vous aimerez celui-là », après avoir suivi les achats de son client et son parcours  à l’intérieur du site4. LinkedIn devine quelles personnes vous connaissez probablement. Tinyclues détermine les préférences du consommateur à partir de ses adresses e-mail et mots-clés tapés.

Notes

6.

« Carlos Ghosn : “Ni Google, ni Apple ne vont devenir des constructeurs” », com, 30 septembre 2016.

+ -

7.

Delphine Manceau, Faire entrer la France dans la troisième révolution industrielle : le pari de l’innovation, note thématique #1 : « Le big data », Institut de l’entreprise, mai 2014, 31-32.

+ -

9.

Cyrille Le Floch, vidéo « Objets connectés et réseaux bas débit », Precepta TV, 28 janvier 2016.

+ -

Grâce aux objets connectés, les traces ne sont pas limitées aux actions sur Internet, mais concernent aussi les actions physiques. La Renault ZOE trace ses usagers pour orienter le développement des futurs modèles6. Le bracelet connecté de Disney, qui permet aux visiteurs d’accéder aux attractions, trace aussi leurs parcours dans le parc et leurs achats7. Le jeu sur smartphone Pokémon Go incite les joueurs à se déplacer physiquement. Apple Home coupe le radiateur si la fenêtre est ouverte, ferme l’arrosage dès qu’il pleut, éclaire le jardin lorsque la nuit tombe8.

3

Personnalisation des produits

Notes

10.

Stacey Higginbotham, «Here is how the web reads your mind», gigaom.com, 4 juin 2010.

+ -

11.

Jean-René Boidron, vidéo « A/B testing et personnalisation des pages web », Precepta TV, 7 mars 2016.

+ -

Grâce à ces métriques, la personnalisation des produits optimise leurs effets utiles pour chaque client, ce qui en retour accroît le besoin de métrologie. iTunes suggère à l’utilisateur des musiques correspondant à ses goûts10. Netflix constitue une liste de films pour chaque téléspectateur. Waze calcule le trajet le plus rapide en fonction du trafic. Vente-privee.com effectue des recommandations d’achat individuelles. Les jeux sur smartphones de King s’adaptent à chaque joueur en fonction de sa dextérité.

Notes

12.

Julie Weed, «Eating Right Between Meeting», nytimes.com, 3 septembre 2012.

+ -

13.

Beth Hoffman, « Five More Food Websites You Can’t Live Without », forbes.com, 19 février 2013.

+ -

14.

« Un projet dans le secteur automobile : l’assurance évolutive », Guide du big data 2014/2015, Corp, 2014, p. 33-34.

+ -

15.

Nathalie Dore, « L’actu tech de la Silicon Valley : Brand VO2 veut utiliser les conversations en ligne pour détecter les tendances émergentes », lesechos.fr, 28 novembre 2014.

+ -

16.

Antoine Crochet-Damais, «Les dessous de Salesforce Einstein : la plateforme d’A.I. de Salesforce», journaldunet.com, 30 septembre 2016.

+ -

17 .

Ellen Huet, « How AirBnb uses big data and machine learning to guide hosts to the perfect price », forbes. com, 5 juin 2015.

+ -

18.

« Pricing the Surge », economist.com, 29 mars 2014.

+ -

19.

Big Data, l’accélérateur d’innovation, livre blanc de l’institut G9+, décembre 2014, 69-71.

+ -

20.

Flore Fauconnier, « com se lance enfin, avec Amazon dans sa ligne de mire », journaldunet.com, 22 juillet 2015.

+ -

21.

François Pacot, vidéo « Personnalisation des produits : jeux vidéo et réseaux sociaux », Precepta TV, 21 mai 2015.

+ -

La personnalisation concerne aussi la valeur sociale ou environnementale du produit, à laquelle les consommateurs responsables sont de plus en plus sensibles. Après le scan du code-barres d’un produit alimentaire, Fooducate et GoodGuide notent la qualité nutritionnelle12. Abe’s Market filtre le catalogue des produits selon des critères comme le commerce équitable, le végétarisme ou l’emballage recyclable13. Progressive évalue la conduite d’un automobiliste et lui indique comment progresser14.

Le vendeur est aidé par des tableaux de bords et outils d’aide à la décision pour améliorer son offre. Celect suggère les prix de vente aux magasins à l’appui des données des inventaires et des clients15. Apicube analyse 1,6 million de documents pour mieux connaître les sujets de préoccupation des Toulousains. Salesforce Einstein recommande des campagnes marketing à partir des ventes passées16.

Le prix est ajusté en temps réel pour maximiser le rapport qualité subjective/ prix. Airbnb calcule le meilleur prix d’une location au jour le jour17, easyJet optimise chaque vente de billet d’avion, Uber définit le prix d’une course en fonction du trafic et du nombre de chauffeurs disponibles18. Boomerang Commerce ajuste le prix en fonction du stock, des prix de la concurrence, de l’heure, de la météo et des canaux de distribution19. Jet.com négocie les prix en identifiant les entrepôts les plus proches de l’adresse de l’acheteur20.

Les modes de consommation ont accru davantage encore la personnalisation de masse des produits et services, devenue plus sensible à l’usage d’un produit plutôt qu’à sa possession, de même que l’augmentation du ratio service/bien dans les produits et la rémunération proportionnelle à l’usage. MisterBell et Marketshot se rémunèrent en fonction du nombre de contacts client qualifiés. BlaBlaCar prend 11% de commission sur les partages de frais de voyage, «AirBnB 9 à 15% sur le prix des nuités. Appstore prélève 30% du chiffre d’affaires généré par les « apps ». FinalCad se rémunère par mètre carré de chantier, Shift Technology au volume de fraudes détectées.

4

Mesure massive de performance industrielle

Notes

22.

Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson, art. cit.

+ -

23.

Raquel Gama Soares de Mello, Jose Eduardo Mendonça Xavier et Roberto Antonio Martins, « Use of Big Data Analytics in Performance Measurement Systems », Conference Paper, mai 2015.

+ -

24.

« Un projet dans les transports : la sécurité aérienne », entretien avec Pierre Jouniaux, Guide du big data 2014/2015, cit., p. 39-40.

+ -

26.

Delphine Manceau, cit., p. 28.

+ -

Les métriques concernent non seulement les produits finaux mais aussi les produits intermédiaires (B2B). Google Analytics mesure l’efficacité d’un site Web grâce au nombre de pages vues et au temps passé par les visiteurs. TweetLevel mesure le nombre de vues d’un « tweet ». Wynd mesure l’ergonomie des tablettes des serveurs dans les restaurants. Passur recalcule l’heure exacte d’arrivée des avions à partir des données de la météo22. Innography extrait des cartographies d’aide à la décision à partir des bases de données de brevets. Les indicateurs clés de performance (key performance indicators ou KPI) rendent compte depuis les années 1970 de performances non financières comme la qualité, le temps, la flexibilité ou la satisfaction du client. La masse des nouvelles métriques provoque une rupture dans leur pratique23. Safetyline «anticipe les problèmes de sécurité des vols aériens en comparant les données de vol avec les moyennes enregistrées24. Lokad optimise quotidiennement les niveaux de stock des distributeurs en analysant les tickets de caisse25.

Notes

26.

« Un projet de lutte contre la fraude : la détection de la contrefaçon en ligne », entretien avec Zouheir Guedri, Guide du big data 2014/2015, cit., p. 32-33.

+ -

27.

Delphine Manceau, cit., p. 27.

+ -

Les indicateurs mesurent aussi des désutilités, c’est-à-dire des effets nocifs, pour allouer les ressources et y remédier. Brand Watchdog identifie la contrefaçon de produits de luxe sur Internet26. PredPol prédit où et quand des délits ont le plus de probabilités de se produire27.

Les métriques peuvent être lisibles « au travers » des intermédiaires. Les blogs intègrent souvent des boutons sociaux comme les like de Facebook ou les tweets de Twitter, un plan « où sommes-nous » de Google Maps, une proposition d’achat de livre sur Amazon, un fil d’actualité d’USA Today. Il s’agit à chaque fois d’API ou d’ESB, c’est-à-dire des inclusions ouvrant une fenêtre vers un autre site Web.

Notes

28.

« Les API : un enjeu business pour 2013 ? », fr, 4 avril 2013.

+ -

29.

Big data et objets connectés, Institut Montaigne, avril 2015.

+ -

30.

Steven Willmott, « Winning in the API economy », 3scale, octobre 2013.

+ -

31.

Steven Willmott, « The API Economy: API Provider Perspective », net, avril 2012.

+ -

32.

Robin Wauters, « DLD 2012 – Drew Houston: “Yes, Steve Jobs Called Dropbox A Feature », com, 23 janvier 2012.

+ -

33.

Calimaq, « Vers une convergence entre Blockchain et les licences Creative Commons ? », com, 16 mars 2016.

+ -

Ces API donnent une telle visibilité sur les utilisateurs finaux que leur valorisation se fait en fonction de leur usage. YouTube est rémunéré par la publicité, Amazon par son système d’affiliation28, Facebook Connect par la capture d’informations sur l’utilisateur29. Expedia réalise l’intégralité de son chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars grâce à ses API30, Twitter les trois quarts31. Le disque dur géant et partagé Dropbox se valorise en milliards de dollars32.

Cette mesure de l’usage réel se miniaturise et se contractualise avec la Blockchain. Ascribe tatoue les contenus et trace la « généalogie » complète des réutilisations de leurs œuvres, garantissant une attribution précise à chacun des cocréateurs successifs ainsi que l’utilisation exacte de ces œuvres33. Le téléchargement d’un morceau de musique référencé par UjoMusic est vendu 0,6 dollar, somme répartie automatiquement entre les artistes.

5

Mesure de performance des collaborateurs

Notes

34.

Delphine Manceau, cit., p. 29.

+ -

35.

Big Data, l’accélérateur d’innovation, cit., p. 74-75.

+ -
+ -

37.

Tiphaine Thuillier, « Les secrets de Criteo pour innover en permanence », fr, 4 août 2015.

+ -

Ces métriques s’appliquent aussi aux collaborateurs de l’entreprise. Klout, Kred et PeerIndex calculent l’influence des rédacteurs d’articles en ligne. Evolv a observé que les employés entretenant des relations avec au moins trois collègues restent plus longtemps dans leur entreprise34. Des capteurs biométriques posés sur les joueurs de l’équipe nationale d’Allemagne de football permettent de collecter le rythme cardiaque, les accélérations et les distances parcourues35.

Ceci transforme les pratiques managériales qui, à leur tour, alimentent le besoin de métrologie. General Electric, qui fait référence en matière de management, remplace l’évaluation annuelle des salariés par un système de notation permanente via une application mobile. Les salariés commentent les performances de leur manager et de leurs pairs autant que l’inverse36. Criteo ne dit pas à ses collaborateurs comment faire les choses mais pourquoi. Une fois que l’objectif et la mesure de succès sont fixés, les managers jouent surtout un rôle de coach37.

Notes

38.

Mehdi Houas, vidéo «Numérique et décentralisation du management », Precepta TV, 12 mars 2015.

+ -

39.

Lewis DVorkin, « Inside Forbes: The Role of Pay and Traffic in Our Search for a New Media Equation », forbes. com, 1er avril 2014.

+ -

40.

Aaron Huff, « Performance-based pay, Part 1: the science of scoring drivers », com, 18 décembre 2013.

+ -

41.

« Pricing the Surge », cit.

+ -

42.

Andy Jordan, « Tech Diary: ‘Quirky’ Inventions Get a Home Online », com, 24 août 2011.

+ -

44.

Stefan Tual, « DAOs and Human Capital », 23 mars 2016.

+ -

La part variable de la rémunération peut ne dépendre d’aucun jugement d’un supérieur hiérarchique, mais de mesures objectivables. Forbes rémunère ses journalistes en fonction de la fidélité de leurs lecteurs39. Nussbaum Transportation récompense les chauffeurs de camion en calculant leurs économies de fuel40. Uber rémunère les chauffeurs en fonction de l’affluence41. Quirky rétribue des milliers de cocréateurs en analysant les traces de leurs contributions42. Colony rémunère les contributions avec des parts de capital43. Slock.it organise des projets collectifs et le partage des revenus44.

6

Le mécanisme de destruction créatrice

II Partie

De la métrique à la richesse

Notes

45.

Michel Volle, Iconomie, Economica, 2014.

+ -

Comme pour les précédentes révolutions industrielles, le mécanisme de destruction créatrice de la transition numérique se fait en trois phases.
La première phase est celle d’une augmentation de la productivité, avec l’automatisation, la robotisation et le low cost, comme easyJet ou Free Mobile. La deuxième phase est celle d’une augmentation de la taille des marchés par la baisse des coûts de transaction. C’est ainsi qu’ont émergé l’économie du partage, avec YouTube ou Airbnb, et l’ubérisation, avec Amazon face aux libraires ou les VTC face aux taxis.

La troisième phase est celle d’une augmentation des ressources, qui sont autant de créations de richesses. La création de valeur contributive que préfigure Wikipédia pour les savoirs s’étend à l’innovation et aux décisions collectives. La création de valeur coopérative que symbolisent les maquettes 3D partagées pour la conception des Airbus s’étend à la production et à la maintenance. La création de valeur relationnelle que révèlent les étoiles d’Uber pour noter chauffeurs et passagers s’étend au leadership et aux services à la personne. Grâce à ce mécanisme en trois phases, l’économie organisée du XXe siècle se métamorphose en économie augmentée au XXIe siècle. La révolution industrielle a favorisé le travail d’exécution, dont l’usine et le taylorisme sont les emblèmes. Des postes prédéfinis sont à pourvoir par des employés, raison pour laquelle nous avons fini par établir un lien direct entre industrie et emploi. À l’inverse, la révolution numérique favorise le travail d’initiative, qui nécessite des compétences de créativité, d’autonomie, d’agilité, de discernement, de convivialité et des qualités relationnelles et contributives. Ces ressources humaines, au sens plein du terme, enrichissent la production automatisée. La part des services dans les produits, devenant prépondérante sans retour à l’artisanat, transforme le modèle de l’« industrie et services induits » en modèle de l’« industrie servicielle ».

Ces trois phases ne sont pas directement lisibles, car elles se superposent aux vagues successives de la numérisation. Aux vagues de la convergence et de la connexion succède celle des contenus, dominée par Google. Elle sera elle-même dépassée par celle de la coopération, dont l’emblème est Uber, puis de la collaboration en cours d’émergence et, enfin, de la considération, aboutissement de la transition iconomique45. Cependant, la métrologie intensifie à chaque fois davantage la phase créatrice de ces vagues.

1

Mesurer révèle de nouvelles richesses

Notes

46.

Thierry Gandillot, « L’entreprise des frères Colomb », fr, 11 mai 2010.

+ -

Nouvelles ressources

Dès l’Antiquité, la mesure géographique fut source de richesses. Le pointillisme du cabotage permet de repérer les ports naturels, le tracé des côtes révèle les territoires et leur exploration révèle les ressources de leurs sols. La géographie devient stratégique dès l’Empire romain mais atteint son apogée avec les cartes marines, monopole des souverains lors des grandes explorations de la Renaissance46. Le monde se redécouvre ensuite de manière plus scientifique, mais toujours stimulé par les opportunités économiques. Les mesures mécaniques des matériaux engendrent les alliages artificiels et l’industrie de la métallurgie fine. L’observation des propriétés chimiques génère l’industrie des engrais et des cosmétiques. L’observation microscopique conduit à l’industrie pharmaceutique et biologique. Les métriques ont été celles de la Terre et de la matière, puis elles sont devenues de plus en plus immatérielles.

Notes

47.

Thomas Malthus, cité par Dominique Méda, Qu’est-ce que la richesse ?, Flammarion, « Champs », 2000, p.54.

+ -

48.

Dominique Méda, « Comment le PIB a pris le pouvoir », Revue Projet, no 331, décembre 2012, 14-21.

+ -

Retrouver la définition originelle de la richesse

Les nouveaux champs d’observation révèlent inévitablement de nouvelles ressources, naturelles ou non, que l’activité des entrepreneurs transformera tout aussi inévitablement en richesses. Ce mot « richesse » mérite qu’on   le précise. Selon les Anciens, la richesse était « tout ce que l’homme désire comme pouvant lui être utile et agréable ». Or dans ses Principes d’économie politique, publiés en 1820, Malthus considérait qu’on ne peut « aborder aucune discussion sur l’accroissement relatif de la richesse chez les différentes nations si nous n’avons un moyen quelconque, quelque imparfait qu’il soit, d’évaluer la somme de cet accroissement47 ». Pour des questions purement pratiques, la richesse s’est limitée depuis pour les économistes à ce que mesure la monnaie, c’est-à-dire une petite part de la richesse telle que la concevaient les Anciens.

Or, on a récemment pris conscience que l’enrichissement en monnaie provoque fréquemment un appauvrissement créatif, collectif, social ou environnemental supérieur. Le démantèlement de la recherche de Bull, la dilapidation de la confiance des clients de France Télécom, la perte de compétences d’Alcatel en témoignent. « Créer de la valeur pour l’actionnaire » ressemble souvent à ces cueillettes mécanisées brutales qui, au prétexte de réduire les coûts, détruisent les arbres fruitiers et compromettent l’avenir.

La finance moderne, fondée sur les outils inventés à la Renaissance, s’est institutionnalisée au XIXe siècle grâce à l’accroissement des dépôts bancaires, du crédit, des billets de banque, des effets de commerce et de l’escompte, c’est- à-dire des représentations de la valeur d’échange. Les nouvelles métriques révèlent la valeur utile, ce qui permet d’élargir considérablement le périmètre de la finance.

Malthus a tracé pour deux cents ans la ligne de flottaison qui sépare « les objets matériels des objets immatériels48 ». Aujourd’hui, cette ligne doit être déplacée entre « le bien-être matériel et le bien-être mental non matériel ». La partie immergée de la richesse se révèle en tant que quantité subjective d’effets utiles réalisés ou potentiels. Notons que nous évoquons ici la richesse dans son seul sens économique, non en tant que valeur essentielle (richesse esthétique d’un chef-d’œuvre ou d’un paysage, richesse humaine, culturelle ou spirituelle).

2

La métrologie numérique

Notes

49.

Xavier Deroy, « L’événement entrepreneurial et le modèle entrepreneurial », Revue française de gestion, vol. 34, no 187, octobre 2008, p. 51-63.

 

+ -

Toute action économique devient mesurable. Ce postulat repose sur deux constats : d’une part, toute action numérique, commentaire, like, clic, etc., est mesurée grâce aux data sciences ; d’autre part, toute action économique est progressivement représentée dans un système informatique.

Ce postulat a des conséquences importantes :
– l’opposition capital-travail a structuré la pensée économique pendant deux siècles ; une troisième composante, celle de l’utilité, change la nature de l’économie ;
– la plus grande partie de l’économie, la valeur utile non marchande cachée sous le tapis du capital immatériel, du goodwill et des externalités, devient visible ;
– la définition élargie de la richesse élargit également celle de l’entrepreneur : il est non seulement un exploitant qui crée des richesses marchandes, mais aussi un explorateur qui transforme les nouvelles ressources en richesses non marchandes49.

3

Nouvelles richesses

Notes

50.

Marc Andreessen, « Why Software is Eating the World », com, 20 août 2011.

+ -

52.

Josh Lerner et Jean Tirole, « The Simple Economics of Open Source », NBER Working Paper, 29 décembre 2000.

+ -

53.

Peter Meyer, « Episodes of collective invention », BLS Workings Papers, U.S. Department of Labor, Bureau of Labor Statistics, 25 mars 2004; Maurice Cassier et Dominique Foray, « Économie de la connaissance : le rôle des consortiums de haute technologie dans la production d’un bien public », Économie & Prévision, vol. 150, n° 4, 2001, p. 107-122.

+ -

54.

Bill Lasarow, « On strike from the Huffington Post », com, s.d.

+ -

55.

Pierre Collin et Nicolas Colin, Mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique, ministère de l’Économie et des Finances, janvier 2013.

+ -

Nous définissons les catégories de richesses en fonction des grappes de métriques identifiées qui, contrairement aux classes du capital immatériel et au goodwill, dépassent le cadre de l’entreprise.

Richesse de la créativité

La créativité est une capacité à innover et à produire des idées : intuitions, concepts, inventions, brevets d’invention, design, marques, recherche, essais, modèle d’affaires, etc. La force économique de l’innovation a été identifiée depuis longtemps. En revanche, les fulgurances d’Amazon face aux libraires, de Netflix face aux vidéoclubs, d’iTunes et de Deezer face aux disquaires ou de Skype face aux opérateurs de télécoms sont autant d’exemples50 de la vitalité des nouveaux usages. C’est pourquoi la guerre de domination pour le marché des smartphones s’est jouée entre Apple et Samsung sur les brevets d’usage, par exemple celui du « zoom en écartant deux doigts ». Le rachat par Google, en milliards de dollars, des portefeuilles de brevets de Motorola ou de Nest Labs illustre la volonté de capter cette richesse de plus en plus tôt.

Richesse de la contribution

La valeur contributive résulte de l’auto-agrégation et de l’organisation à des fins productives d’agents libres, qui peuvent s’aligner « sans permission » et dont la motivation « passionnelle » dépasse en productivité les motivations d’origine coercitives ou par appât du gain 51. Les exemples de Wikipédia ou des logiciels open source52 font référence, mais on peut aussi citer ceux de la planche à voile, de la micro-informatique ou d’Internet. Mal protégée, cette richesse est particulièrement exposée à la prédation.

La micro-informatique, par exemple, s’est développée dans des clubs de passionnés comme le Homebrew Computer Club, à Menlo Park. Mais lorsque certains de leurs membres ont fondé leur entreprise, comme Steve Wozniak et Steve Jobs, le club a périclité à cause des risques de concurrence53. Le Huffington Post, journal en ligne qui accueille les opinions de milliers de contributeurs bénévoles, a été vendu 315 millions de dollars en 2011 à AOL. Lors de cette transaction, les contributeurs ont réclamé leur part mais en vain54.

Les licences à réciprocité veulent rompre la spirale infernale de ce travail gratuit55 et introduire un mécanisme de reconnaissance de la richesse de la contribution sans en gêner la dynamique.

Notes

56.

Stefan Tual, cit.

+ -

Richesse de la coopération

La qualité d’un service dépend de plus en plus de la bonne coopération entre fournisseur et client, plutôt que de la bonne conception-exécution d’un cahier des charges.

Les maquettes en 3D partagées entre Airbus et sa constellation de fournisseurs en sont un exemple. Un service de location de voitures de qualité nécessite «un bon entretien de la part du fournisseur, et un bon comportement de conduite et de propreté de la part du client. Il en est de même pour la location d’appartements, de matériel, les prestations free-lance ou les clubs sportifs.

Notes

57.

Denis Jacquet et Grégoire Leclercq, Ubérisation. Un ennemi qui vous veut du bien ?, Dunod, 2016, 33.

+ -

58.

André-Yves Portnoff, avec Véronique Lamblin « Le capital réel des organisations », Futuribles, n° 288, juillet 2003, 55.

+ -

59.

« Les propositions de la commission Attali concernant les taxis », com, 7 février 2008.

+ -

60.

com, « Sondage exclusif Hotels.com : les Français ne sont pas fiers de leurs taxis ! », rue89.com, 4 août 2010; Benoît Giraud, « Taxis vs TVC : client proie ou client roi ? », orange-business.com, 5 mai 2014.

+ -

De nouvelles pratiques stimulent  la  coproduction,  la  co-innovation  ou la coopération entre entreprises. Elles s’opposent à l’hypercompétition qu’organisaient Mechanical Turk ou les premières versions de TaskRabbit qui fonctionnaient comme des comparateurs de prix entre fournisseurs57.

Richesse relationnelle

La richesse relationnelle correspond à la capacité de séduction et d’interactions de l’entreprise avec son milieu58. Elle augmente grâce aux compétences relationnelles de ses collaborateurs et à ses pratiques partenariales.

Le marché des taxis était dénoncé comme sclérosé depuis cinquante ans. Aucune proposition, dont celle du rapport Attali de 200859, n’a jamais abouti malgré le soutien de l’Élysée. Avec Uber et les VTC, il a suffi de quelques mois pour que les seules métriques de la qualité relationnelle bousculent sérieusement le secteur60.

Notes

61.

Michel Volle, « Le secret des animateurs », 24 avril 2016.

+ -

62.

Pierre Bourdieu, « Le capital Notes provisoires », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 31, n° 1, janvier 1980, p. 2-3.

+ -

63.

Alain Caillé et Juliette Weber, « Un indicateur de la création de valeur Objectiver et subjectiver la valeur sociale et la RSE », Revue du MAUSS permanente, 31 janvier 2015.

+ -

Richesse collective

La richesse collective est le résultat de la dynamique d’un groupe. Elle est souvent entretenue par un ou plusieurs animateurs qui, par leur énergie ou leur charisme, incarnent un projet ou une vision à laquelle adhèrent les autres membres du groupe, y compris sans y contribuer.

Quand, dans un magasin, on rencontre des vendeurs aimables et compétents ou, dans un hôpital, une équipe d’infirmières efficaces, attentives et patientes, on sait que leurs patrons sont des animateurs, dont le panthéon réunit les Henry Ford, Louis Renault, Steve Jobs ou Marcel Dassault61.

Cette richesse collective est mesurée et amplifiée par de nouvelles pratiques managériales comme celles de General Electric ou Criteo (voir supra), ou encore des entreprises libérées comme Favi, Poult ou Chronoflex.

Richesse sociale

La richesse sociale correspond à la qualité d’un réseau de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance ou d’interreconnaissance, de liaisons permanentes et utiles62. Elle comprend l’affectio societatis, pierre fondatrice de toute entreprise, et le « don-contre-don », décrit par Marcel Mauss comme étant le premier acte social. Elle se manifeste par le sentiment d’appartenance ou d’être utile à une communauté, une entreprise ou une nation, par l’éthique, la confiance, l’autonomie ou la solidarité professionnelle63.

Cette richesse est illustrée par les débuts de BlaBlaCar. Son état d’esprit, alliant à la fois un volet économique (réduction du coût du voyage), un volet écologique (ne pas prendre de multiples voitures pour un seul et même voyage) et un volet communautaire (échange et liens entre les personnes) était révélateur de l’intention des covoitureurs à « faire société » contre la société de consommation64. La valorisation économique de BlaBlaCar à 1,6 milliard d’euros donne un ordre de grandeur de cette richesse sociale.

Notes

65.

Big data et objets connectés : une opportunité pour la France, étude réalisée par AT Kearney, pour l’Institut Montaigne, avril 2015.

+ -

Richesse environnementale

La richesse environnementale est la valeur du patrimoine naturel. Elle dépend de la façon dont la nature est aménagée, de la sobriété de la consommation et de la maîtrise des déchets.

La multiplication des capteurs et des systèmes d’assistance à la conduite, la coordination  entre  les  véhicules  et  la  voirie,  le  développement  de  la multimodalité pourraient permettre de réduire jusqu’à 100% des embouteillages, soit une économie de 5,5 milliards d’euros. Les smart grids permettraient d’économiser 1,2 milliard65.

Les circuits courts de distribution, la finesse de la segmentation des produits et leur personnalisation produisent aussi de la richesse environnementale grâce à l’ajustement de la consommation de ressources.

Notes

66.

« En quoi la fin du salariat va bouleverser nos sociétés ? », interview de Jean-Marc Daniel par Florian Fayolle, fr, 11 février 2016.

+ -

67.

Christophe Gauthier, « L’un des problèmes du travail au XXIe siècle est l’absence d’alternatives réalistes », medium.com, 22 janvier 2016.

+ -

68.

Vincent Lorphelin, Jean-Pierre Corniou et Christian Saint-Etienne, « Économie du partage ou hypercapitalisme ? », Le Monde, 4 février 2016.

+ -

69.

Vincent Hecquet, « Quatre nouvelles catégories d’entreprise », Insee Première, n° 1321, 5 novembre 2010; Jean-Marc Béguin, Vincent Hecquet et Julien Lemasson, « Un tissu productif plus concentré qu’il ne semblait », Insee Première, no 1399, 27 mars 2012.

+ -

70.

« Classement des 500 premiers créateurs d’emplois », 28 août 2014.

+ -

Richesse et emploi

Dans le cycle de Schumpeter, richesse et emploi sont concomitants. La première phase du cycle, destructrice, fait craindre l’avenir. En 1812, Lord Byron déclarait que les machines représentaient un danger pour l’humanité parce qu’elles allaient détruire les emplois66. Le 24 février 1961, le Time Magazine titrait : « L’automatisation sans emploi », relayé en 1964 par le président Lyndon Johnson. On retrouve les mêmes réflexes aujourd’hui face au low cost et à la robotisation.

La seconde phase du cycle, qui correspond à l’ubérisation, crée moins d’emplois qu’elle n’en transforme, souvent en fédérant des indépendants. Les plateformes de freelances et slashers UpWork, Crowdwork et CrowdFlower annoncent respectivement 10, 8 et 5 millions de membres, tandis que 200.000 VTC Uber et Lyft sillonnent les villes américaines67.

La troisième phase du cycle est plus fortement créatrice d’emplois, comme le préfigure la première vague de l’informatisation de la banque-assurance des années 1990. L’emploi de ce secteur était lourdement menacé par l’informatisation : le rapport Nora-Minc de 1978 anticipait 30% de réduction d’effectifs à cause de l’automatisation massive du traitement des chèques, des distributeurs de billets, des relevés de compte, des virements, des prélèvements mensuels, de la comptabilité, etc. Mais, dans le même temps, les innovations d’usage apportées par l’informatique, comme la carte à puce ou la gestion personnalisée de portefeuilles de titres, ont plus que compensé ces réductions. Au final, les effectifs du secteur ont augmenté de 25%68.

De même, aujourd’hui, le premier créateur net d’emplois en France est de fait le groupe O2, dont l’innovation d’usage permet aux femmes de ménage et aux nounous de disposer de toute leur organisation dans leur smartphone. L’analyse des cinquante premiers créateurs nets d’emplois en France démontre la nécessité, pour cerner les « acteurs économiques », d’étendre la notion d’entreprise de la société au groupe69, l’importance de l’innovation d’usage et des plateformes numériques B2C dans le modèle d’affaire, de l’enrichissement des compétences et des stratégies collaboratives70.

À l’inverse, les indicateurs traditionnels des « secteurs porteurs » ou de l’« intensité en R&D » sont devenus obsolètes.

III Partie

Projets pour l’action publique

1

La route de l’économie de l’utilité, « chose publique »

Notes

71.

Conseil national du numérique (CNN), « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires », janvier 2016, 118.

+ -

72.

Vincent Lorphelin, Christian Saint-Étienne, Michel Volle, Jean-David Chamboredon, Nicolas d’Audiffret, Pierre-Henri Deballon, Geoffroy Guigou et Philippe Hayat, art. cit.

+ -

73.

Vincent Lorphelin, Le Rebond économique de la France, Pearson, 2012, 17.

+ -

À la lumière de l’économie de l’utilité, comment s’éclaire le rôle de chacun ? Celui des entrepreneurs est double. En tant qu’explorateurs, il est d’inventer les usages de ces nouvelles ressources71 pour créer des richesses non marchandes. En tant qu’exploitants, il s’agit de les métaboliser en richesses marchandes. Celui des grandes entreprises est de se numériser au même titre qu’elles s’étaient mécanisées il y a un siècle. Celui de l’industrie est d’intégrer davantage de services dans ses produits. Celui des professionnels est d’apprendre à utiliser ces nouveaux outils. L’État, quant à lui, doit faciliter et soutenir cette spirale vertueuse72. L’expérience des révolutions industrielles montre que la volonté de contrôler ou d’administrer cette dynamique se solde toujours par de lourds retards de compétitivité73.

Pour découvrir un nouveau territoire, le rôle des explorateurs est primordial. Pour espérer le conquérir, le soutien sans faille de l’État-stratège est nécessaire pour coordonner les cartes maritimes, établir les ports et défendre les navires, définir les filières de création et de redistribution des richesses marchandes. Pour faire du Portugal au XVIe siècle le premier empire mondial de l’histoire, le roi Manuel Ier contrôle d’abord militairement l’accès des mers de l’Afrique australe et soutient les projets, dont celui de Vasco de Gama, qui ouvrent progressivement la route des Indes. Une expédition entraînant la suivante, la construction de cette route devient « chose publique ». Le souverain du Portugal, royaume des explorateurs, est proclamé « Seigneur de la conquête, de la navigation et du commerce d’Éthiopie, d’Arabie et d’Inde ».

Pour conquérir l’économie de l’utilité et construire une res publica des entrepreneurs, il faut choisir des projets d’expéditions entrepreneuriales en fonction de leur caractère stratégique, de la facilité de leur mise en œuvre et de leur effet d’entraînement. Cette troisième partie illustre cette méthode par quatre projets public-privé : un tableau de bord de la création d’emplois, deux projets de valorisation des richesses de la contribution et de l’inventivité, et un mécanisme de redistribution de ces richesses.

IV Partie

Construire le tableau de bord de la création d’emplois

1

Contexte

Notes

74.

Olivier Passet, vidéo « Les incertitudes des sciences économiques face aux mutations économiques », Precepta TV, 25 novembre 2015.

+ -

Malgré la crise, de nombreuses entreprises dynamiques sont créatrices d’emplois. Il ne s’agit pas de simples recruteurs, puisque toute grande entreprise ayant un turnover important est mécaniquement un gros recruteur, même lorsqu’il est destructeur net d’emplois.

Quelles sont ces entreprises ? Quels sont les critères de leur réussite ? Les instituts de statistique ne le disent pas. Malgré les recommandations d’Eurostat, ils observent les filiales plutôt que les groupes, qui sont les véritables acteurs économiques. Leur nomenclature, encore très imprégnée des analyses économiques des années 1950, focalise l’attention sur des critères secondaires. Construite pour décrire une économie concentrée sur l’industrie, aucune caractérisation n’explique pourquoi Iliad-Free crée 500 emplois par an tandis que son concurrent Orange en détruit 5.000. Mesurant des flux monétaires et des quantités physiques, non la qualité74, nos services statistiques ne distinguent pas un téléphone d’un smartphone, un transport en voiture d’une BlaBlaCar, un achat en supermarché de celui à La Ruche qui dit oui ! Ils disposent pourtant de toutes les informations nécessaires et sont déliés de leur secret quand les entreprises publient elles-mêmes cette information par ailleurs.

2

Objectif

Éclairer les mécanismes de la création d’emploi, grâce au prisme de l’économie de l’utilité, pour dégager la vision de l’État-stratège.

3

Mise en œuvre

Le palmarès des créateurs nets d’emplois les500.fr collecte massivement sur Internet des données sur l’emploi publiées par les entreprises. Ce palmarès a révélé la jeune entreprise O2 comme premier créateur d’emplois en France, devant EDF et Airbus. Il révèle également la pertinence de critères de l’économie de l’utilité plutôt que traditionnels : la qualification relationnelle plutôt que la qualification technique, la richesse de la créativité plutôt que la recherche et développement, la richesse de la coopération plutôt que la diversification.

4

Recommandation

Donner mission aux services statistiques publics de contribuer au palmarès des créateurs d’emplois.

5

Effets d’entraînement

Notes

75.

« La Commission propose une grande réforme de l’impôt sur les sociétés dans l’Union », communiqué de presse de la Commission européenne, 25 octobre.

+ -

→ Confirmer et détailler les nouveaux critères explicatifs de la création de richesses et d’emplois.

→ Fournir des tableaux de bord plus opérationnels pour la politique de l’emploi.

→ Profiter de la réforme de l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne75 pour réorienter le crédit d’impôt recherche vers l’innovation d’usage plutôt que vers la R&D.

V Partie

Projet 2 – Valoriser la richesse de la contribution

1

Contexte

Notes

76.

Conseil national du numérique, cit., p. 96.

+ -

77.

Ibid., p. 11.

+ -

78.

Conseil national du numérique (CNN), « Ambition numérique. Pour une politique française et européenne de la transition numérique », rapport remis au Premier Ministre, juin 2015, 58.

+ -

79.

CNN, « Travail, emploi, numérique… », cit., p. 50.

+ -

80.

Ibid.

+ -

De nombreuses activités contributives ou sociales peuvent avoir une composante économique : la participation à des projets de création et de développement d’entreprises, de fab labs, de coopératives, l’engagement associatif, la participation à des activités de recherche ou la production de biens communs76. Lorsque ces activités se matérialisent sur Internet, leur valorisation par les grandes plateformes se traduit par une concentration de richesses au seul profit de leurs propres actionnaires77.

Ce modèle de développement éprouve les schémas classiques de régulation : comment s’adapter à un contexte technologique et des usages qui évoluent chaque jour ? Comment ce cadre peut-il s’appliquer à des opérateurs qui ne sont pas soumis aux frontières physiques ?78

Pour certains, il faudrait rémunérer chacune de nos contributions sous forme de redevance ou de micropaiements79 ; pour d’autres, à l’inverse, rémunérer les internautes pour leurs contributions déprécierait la valeur de leur geste80. Entre les deux, les licences à réciprocité établissent un mécanisme de réversion de la sphère marchande vers la sphère contributive.

2

Objectifs

Notes

81.

Michel Bauwens, , vidéo « Peer to peer : vers une économie post-capitaliste », Precepta TV, 7 mars 2016.

+ -
  • Revendiquer la richesse des contributions créée par les internautes.
  • Obliger Google et les autres plateformes à se positionner.

 

3

Mise en œuvre

La licence à réciprocité #FairlyShare est à double détente. Elle transcrit d’abord dans un contrat moral l’intention suivante d’un contributeur : « Je contribue à des biens communs mais, si une organisation en retire un bénéfice, je souhaite en recevoir une part équitable. » Cette équité est renvoyée à l’état de l’art des bonnes pratiques et engage l’image des plates-formes. Et elle fait l’objet d’une campagne de communication : plusieurs articles invitent les internautes à tatouer leurs productions contributives (Wikipédia, Facebook, Twitter, blog…) avec le tag #FairlyShare. Le site Web « How much does Google owe you ? » expérimente le calcul de la richesse produite par tout contributeur à Wikipédia au profit de Google pour démontrer la matérialité de cette richesse.

4

Recommandation

Notes

82.

CNN, « Travail, emploi, numérique… », cit., p. 99.

+ -

Soutenir cette campagne et expérimenter la licence #FairlyShare82.

5

Effets d’entraînement

Notes

83.

Ibid., p. 120.

+ -

84.

CNN, « Ambition numérique… », op. cit., p. 58.

+ -

85.

Ibid., p. 12 et 76.

+ -

86.

Ibid., p. 55.

+ -

88.

CNN, « Ambition numérique… », cit., p. 118.

+ -

89.

CNN, « Travail, emploi, numérique… », cit., p. 98.

+ -

→ Faire adopter la licence #FairlyShare par les services publics en ligne, par exemple ceux du tourisme ou les pages multilingues du Parlement européen, dont les contenus ou données sont au moins partiellement monétisés par les grandes plateformes.

→ Développer un dispositif d’identification unique des auteurs afin de conserver leur reconnaissance via la traçabilité de leurs créations et contributions.

→ Noter la loyauté des plateformes à respecter cette licence, à accroître leur transparence envers les contributeurs83, à adopter des CGU lisibles, des classements et des référencements loyaux84.

→ Clarifier les lignes rouges et disposer d’un levier sur l’image des plateformes85, plutôt que d’exercer un contrôle administratif maladroit.

→ Étendre cette licence pour renforcer, sans loi additionnelle, le droit à la portabilité et à la protection des données, le droit d’accès au marché secondaire de la donnée86, à la loyauté et à la mort numérique87.

→ Étendre le principe de notation des plateformes à l’État-plateforme.

→ Enrichir les services publics, plutôt que d’effectuer leur simple « mise en ligne ». Les concevoir à partir des besoins des usagers et définir les métriques de la qualité88.

→ Valoriser la richesse coopérative, relationnelle et sociale des services publics89, la qualité de service des fonctionnaires, l’ouverture des données publiques et la qualité des métadonnées de l’open data.

VI Partie

Projet 3 – Valoriser les richesses de l’inventivité

1

Contexte

Notes

90.

Jean Tirole, Économie du bien commun, PUF, 2016, 567.

+ -

92.

Michel Rocard et Alain Juppé, Investir pour l’avenir : priorités stratégiques d’investissement et emprunt national, rapport de la commission sur les priorités d’avenir financées par l’emprunt, 2009.

+ -

93.

Michel Volle, op. cit.

+ -

La France est culturellement inventive, mais n’en recueille pas les fruits. Pourtant, les enjeux sont considérables. Jean Tirole, prix Nobel d’économie, souligne que « la valeur ajoutée se situe de plus en plus dans l’innovation. La richesse des nations dépend donc de plus en plus de leur capacité à capter  la création de valeur à ce niveau dans la chaîne de valeur. Pour innover, il faut des inventeurs et du financement. L’innovation vient de plus en plus de petites structures entrepreneuriales de type start-up90 ». Malheureusement, les inventions majeures de ses ingénieurs et chercheurs sont reprises et valorisées ailleurs sans véritables retombées économiques positives pour le territoire français91. Louis Pouzin est décoré du Queen Elizabeth Prize for Engineering pour sa contribution décisive à la création d’Internet, tandis que Barack Obama déclare que les États-Unis « possèdent » Internet.

« Pourquoi sommes-nous si bons dans la recherche et si faibles dans sa valorisation ? », se lamentent dans leur rapport Alain Juppé et Michel Rocard92. La réponse est simple : la propriété intellectuelle a mauvaise presse, qu’alimentent l’idéologie Google et celle des communaux collaboratifs de l’essayiste américain Jeremy Rifkin. Il faut pourtant bien que l’innovateur bénéficie d’un monopole temporaire, assez durable pour rentabiliser l’effort nécessaire pour innover, même s’il est assez court pour encourager à innover de nouveau. Dans l’iconomie93, l’efficacité réside non dans la concurrence pure, mais dans une dynamique de concurrence monopolistique comportant un dosage adéquat de monopole et de concurrence.

2

Objectif

Développer et valoriser la propriété intellectuelle des start-up pour augmenter les richesses de leur créativité.

3

Mise en œuvre

La notion de patent angel a été initiée par un rapport de l’OCDE  de 2011,  qui observait déjà que le brevet représentait le seul actif véritable des start-up mais que les seuls apports financiers étaient insuffisants pour obtenir une protection valable. Le projet Patent-angels.com est un réseau de professionnels qui s’engagent à apporter de l’expertise et des financements aux entrepreneurs inventeurs.

4

Recommandation

Donner mission à BPI France et à France Brevets d’apporter aux start-up et aux patent angels des garanties financières adossées aux brevets.

5

Effet d’entraînement

→ Renforcer les incitations des chercheurs et des entrepreneurs à déposer des brevets, et du capital-risque à investir davantage et plus tôt.

 

VII Partie

Projet 4 – Redistribuer les richesses captées par les grandes plateformes

1

Contexte

Notes

94.

CNN, « Travail, emploi, numérique… », 11 ; Id., « Ambition numérique… », op. cit., p. 48.

+ -

La captation de richesses par les plateformes nécessite de repenser le mécanisme de redistribution 94. Ce modèle est à rapprocher de celui des plates-formes de trading à haute fréquence, qui prélèvent leur dîme sans contrepartie. Mais l’échec de la taxe Tobin sur les plates-formes de trading nous a déjà montré que ce ne sera pas par l’impôt.

Pour mémoire, la taxe Tobin sur les transactions financières est faible, donc indolore pour les capitaux patients. Elle devient en revanche dissuasive pour les allers-retours fréquents. La France a essayé à deux reprises de la défendre devant le G20, et aucune tentative au niveau européen n’a jusqu’à présent abouti à un accord 95. La taxe Tobin présente en effet un grave défaut : elle doit être immédiatement mondiale pour être efficace. Une adoption unilatérale se traduit par une fuite de capitaux 96. Sans accord du G20, elle semble condamnée à un taux effectif dérisoire, voire à l’abandon.

2

Objectif

Disposer d’un outil fiscal opérationnel pour les grandes plateformes internationales.

3

Mise en œuvre

Notes

97.

Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, L’Économie de l’immatériel. La croissance de demain, rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel, 2006.

+ -

98.

Vincent Lorphelin, « La redevance Tobin au secours de la taxe Tobin », fr, 19 juillet 2012.

+ -

Il vaut mieux s’inspirer des industries créatives97 comme celles des jeux vidéo dont la production est monétisée par la propriété intellectuelle. Sony n’a pas besoin de l’accord du G20 pour collecter des redevances sur chaque jeu compatible avec sa console, quel qu’en soit l’éditeur ou le fabricant dans le monde. Or les traders ont aussi leur PlayStation, ces plateformes à trois ou six écrans caractéristiques des salles de marché. Pourquoi le G20, l’Europe ou même la France ne prélèveraient-ils pas eux-mêmes une redevance sur chaque station de trading, sur chaque transaction boursière, partout dans le monde ?98

Notes

99.

Vincent Lorphelin, Jean-Pierre Corniou et Christian Saint-Étienne, «Économie du partage ou hypercapitalisme ? », Le Monde, 4 février 2016.

+ -

Ce mécanisme doit s’adosser à de larges fonds souverains de propriété intellectuelle, sur le modèle déjà expérimenté de France Brevets, pour collecter des montants substantiels de redevances au lieu d’impôts. Ainsi, par alliance ou rachat, la France pourrait contrôler ces brevets et établir instantanément une redevance, plutôt qu’une taxe, sur chaque transaction effectuée par toute plateforme de trading dans le monde99 et étendre le même principe à toute autre plateforme internationale. Grâce au support légal des brevets, aucune autorisation préalable du G20 n’est juridiquement requise.

4

Recommandation

Donner mission à France Brevets de constituer un portefeuille de propriétés intellectuelles relatives aux technologies des plateformes.

5

Effets d’entraînement

Notes

100.

CNN, « Ambition numérique… », cit., p.48.

+ -

→ Construire le cadre international d’une fiscalité de l’économie numérique100 fondée sur les redevances.

→ Porter la capacité d’investissement des fonds souverains de propriété intellectuelle de 200 millions à 10 milliards d’euros.

→ Élargir la mission des fonds souverains de propriétés intellectuelles à la valorisation des contributions sous licence #FairlyShare.

→ Explorer la faisabilité des licences à réciprocité en faveur de l’emploi sur le territoire.

 

Notes

101.

Jean Tirole, Économie du bien commun, PUF, 2016, 413-414.

+ -

102.

CNN, « Ambition numérique… », cit., p. 48.

+ -

L’arrivée en masse de métriques de l’utilité révèle la partie immergée de l’iceberg économique et valorise les richesses non marchandes : créatives, contributives, coopératives, relationnelles, collectives, sociales et environnementales.

Les valeurs du travail et du capital ont structuré la politique pendant deux siècles selon un axe gauche-droite. Celles de l’utilité consacrent le rôle grandissant de l’utilisateur face au duo travailleur-capitaliste et triangularisent les rapports de valeurs. La relation travail/capital est codifiée depuis longtemps, la relation capital/utilité se décèle par le goodwill et la « consommation responsable », la relation travail/utilité se devine à travers le « travail gratuit » et le besoin de « sens social et environnemental » du travail.

Pour la conquête de l’économie de l’utilité, le rôle des entrepreneurs est primordial, mais le soutien de l’État-stratège est nécessaire. Les richesses créatives et contributives doivent plus particulièrement être admises en tant que res publica (« chose publique »). L’alliance entrepreneurs-État doit se concrétiser par des projets public-privé, choisis pour leur caractère stratégique et leur effet d’entraînement.

Quatre initiatives illustrent cette méthode :

  • le palmarès des créateurs nets d’emplois permettra de comprendre les véritables mécanismes de la création d’emplois et de construire un tableau de bord opérationnel pour la politique économique ;
  • la licence à double détente #FairlyShare valorisera la richesse des contributions des internautes et les sites publics ;
  • le réseau Patent Angels France valorisera la richesse de l’inventivité des start-up et des chercheurs ;
  • la redevance sur les plateformes internationales permettra de redéfinir le cadre fiscal de l’économie numérique.

La France renoue avec la tradition de l’entrepreneuriat de la fin du XIXe siècle, en ajoutant les dimensions contributive, sociale et environnementale. Cette évolution remet en cause la course à la performance financière qui a cours depuis les années 1980101 et correspond davantage aux valeurs de la France et de l’Europe102. Pour explorer et conquérir ce nouveau continent, l’alliance entre État-stratège et entrepreneurs doit maintenant fonder la République des entrepreneurs.

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