Politique 2.0 à San Francisco

Fondapol | 13 novembre 2010

Beyond 2010 » qui s’est tenue du 18 au 22 Octobre dernier. Cet événement célébrait, en liaison avec d’autres villes, les meilleures réalisations technologiques dans le monde, qu’il s’agisse de santé, d’éducation, de gouvernement, de médias, de services, de créations artistiques, et de création d’entreprises. Les conférences « Beyond 2010 » n’avaient pas seulement pour objectif de mieux faire comprendre l’intérêt des technologies numériques dans l’offre de services publics, mais aussi de permettre aux entités administratives présentes et aux organisations partenaires d’analyser mutuellement leurs avancées dans le domaine du e-gouvernement.

A cette occasion ont été invitées des personnalités de l’administration publique, des experts du gouvernement, des économistes, des hommes politiques, et des chefs d’entreprises. Parmi la vingtaine d’interventions, nous avons retenu celle de Chris Vein, directeur des systèmes d’information (CIO) de la ville de San Francisco.

Chris Vein a réaffirmé l’idée que les technologies numériques de l’information et de la communication apportent les meilleures solutions pour l’amélioration des services rendus aux citoyens. Dans le cadre de ses fonctions, Chris Vein est le promoteur de l’utilisation des nouveaux médias et il est à l’origine de la création d’une plateforme collaborative pour l’invention de nouveaux modèles de gouvernement, d’inclusion numérique et de développement de technologies « vertes ».

San Francisco n’est pas un cas unique aux Etats-Unis, d’autres villes démontrent qu’elles sont innovantes en développement économique, en éducation, en gouvernement. Ce dont Chris Vein se félicite pour sa part, c’est d’avoir l’appui total de son maire qui est volontaire pour conduire la transformation de son gouvernement par les technologies. Cela permet de mobiliser des citoyens mais aussi des agents de l’administration municipale. Parmi les expériences lancées récemment, il y a celle de la création de la plateforme collaborative pour les employés de la ville. La ville offre de nombreux services, en particulier pour les 40000 TPE-PME qui y sont installées et pour le tourisme, qui est plus important ici que dans toutes les autres villes des Etats-Unis. Ces services ont un coût important en personnel et en développements de systèmes informatiques. La conséquence est le niveau élevé des impôts. C’est pour résoudre ce problème que Chris Vein a dû repenser l’organisation des services en mobilisant toutes les imaginations.

Son projet a été de concentrer les énergies sur un nouveau modèle de gouvernement : l’ « open governement » . D’abord par conviction car l’ouverture est un modèle adapté aux attentes des citoyens, et ensuite par nécessité car ce mode de gouvernement rationalise les dépenses. Il a défini plusieurs leviers d’actions : l’ouverture des données publiques, l’ouverture des applications, l’ouverture des infrastructures, la collaboration (l’open collaboration).

Le premier levier est donc la mise à disposition publique des données car les entreprises ou les communautés de développeurs savent les exploiter pour créer des services et des applications, notamment pour les téléphones mobiles. Ces applications sont particulièrement utiles pour les usagers des transports publics ou pour les habitants qui souhaitent contribuer à l’entretien de leur ville.

Le deuxième levier est l’ouverture des systèmes applicatifs. Il s’agit de rendre les systèmes interopérables entre plusieurs villes afin que les applications coûtent moins cher et soient familières aux usagers, quel que soit le lieu où ils se trouvent.

Le troisième levier est l’open infrastructure. San Francisco a un réseau fabuleux de fibre optique. La ville doit pouvoir le partager et mettre en ligne les applications que d’autres villes réalisent. Si une ville utilise son réseau pour ses seuls besoins, c’est beaucoup de gaspillage. A San Francisco, Chris Vein a imposé que le très haut débit soit accessible aux personnes défavorisées occupant des logements sociaux. Le résultat a été très positif car il s’est produit un véritable mouvement d’entraide. Les associations ont investi ces lieux et ont diversifié leurs activités en faveur des plus démunis. Elles ont créé, par exemple, des cours de soutien scolaire qui ont eu beaucoup de succès auprès des parents. Les volontaires qui y travaillent réfléchissent aussi à la manière d’articuler ces activités avec les réseaux sociaux. Ils sont aussi, pour certains, capables de faire des applications. C’est ainsi que l’on a pu voir se créer des communautés avec un réel esprit de collaboration entre citoyens et développeurs.

Le quatrième levier est l’open collaboration. A San Francisco, il y a une nécessité de diminuer les dépenses publiques de la municipalité car chaque année elles s’élèvent à 6,5 milliards de dollars dont 1,2 milliard est absorbé par les salaires des 28000 employés et par le développement des systèmes informatiques. Comment faire pour diminuer cette charge ? Chris Vein a dû repenser l’organisation des services. Pour mener à bien sa mission, il a décidé de solliciter la contribution des employés municipaux eux-mêmes et leur a demandé de réfléchir à la manière de faire des économies. Il a mis en place une plateforme ouverte et a incité chacun, quel que soit son niveau de responsabilité, à échanger des idées avec d’autres agents de l’administration et à faire des propositions, dans un délai déterminé. Les propositions ont afflué et certaines ont été mises en œuvre. Mais surtout, les employés ont appris à se parler et à se connaître d’un département à l’autre et ont fait sensiblement progresser la mentalité dans l’administration.

Maintenant, une communauté de 1000 employés se réunit chaque mois. Un conférencier de la Silicon Valley est invité et aborde des sujets divers liés aux technologies, non spécifiquement orientés sur le gouvernement. Il s’agit de donner envie surtout de discuter et de faire acquérir le sens de l’innovation dans le travail. Force est de constater que le virtuel ne se substitue pas complètement au réel mais l’accompagne et que l’univers des technologies de l’internet est fait d’ingrédients qui s’additionnent plus qu’ils ne s’excluent.

C’est une stratégie de long terme, selon Chris Vein, qui souhaite faire remonter des idées depuis la base et produire de l’innovation sur un mode démocratique.

Claude Sadaj

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