Simulateur de vote 2017 : pourquoi il est aussi absurde de croire que toutes les surprises sont désormais possibles que d’avoir considéré que les jeux étaient faits
Dominique Reynié | 07 décembre 2016
L’un des déterminants du résultat de la présidentielle 2017 résidera dans le report des voix attribuées aux candidats du premier tour qui n’auront pas réussi à se qualifier pour le second. Afin de prendre en compte ce facteur essentiel du scrutin, la Fondapol vient de lancer un simulateur à l’approche fine et argumentée.
Ce processus électoral permettra d’affuter les hypothèses de transferts et de voir quels pourraient être les résultats. Cet outil est plus prédictif qu’un sondage, si l’internaute porte un réel intérêt et ait une bonne connaissance de la vie politique.
Atlantico : Vous présentez officiellement ce mercredi un simulateur de reports de voix pour la présidentielle de 2017. En quoi consiste précisément cette application dénommée « Qui en 2017? » ?
Dominique Reynié : C’est un simulateur conçu par la Fondapol qui permet à l’internaute d’attribuer un score à la liste des candidats au 1er tour de la présidentielle, soit qu’il imagine, soit issu d’un sondage. En faisant cela, il obtient alors la présence des deux candidats présents au deuxième tour. Ensuite, il va falloir que l’internaute imagine comment vont se comporter les électeurs des candidats disparus à l’issue du premier tour. Par exemple, si Nathalie Arthaud fait 0,5% au premier tour et qu’elle disparaît de ce fait du second tour, il s’agira de formuler des hypothèses quant au report des voix des électeurs ayant voté pour elle au premier tour, entre Marine Le Pen ou François Fillon par exemple, sans oublier de prendre en compte, parmi ces hypothèses, les votes blancs et nuls. Ces hypothèses sont faites en fonction des connaissances que chacun a de la vie politique. Quand on a fait ces reports de voix pour tous les candidats, y compris pour les deux candidats finalistes, on appuie sur une touche dédiée, et on obtient alors le résultat pour le second tour. Ces résultats de simulation pourront être ensuite partagés via les réseaux sociaux ou par email. On peut, bien évidemment, faire des hypothèses fantaisistes : si l’on veut faire élire au premier tour Philippe Poutou, c’est possible ; c’est amusant mais pas très sérieux. Là où ça devient intéressant, c’est de discuter de ces reports de voix : par exemple, si François Bayrou est candidat et qu’il fait 9% au premier tour, en met-on 20% au second tour sur Fillon, ou bien plus ? Ceci dépendra, bien sûr, du déroulement de la campagne, des débats qui auront lieu entre candidats, etc. Ce processus électoral permettra ainsi d’affuter les hypothèses de transferts et de voir quels pourraient être les résultats. Cet outil est plus prédictif qu’un sondage, à condition que l’internaute porte un réel intérêt et ait une bonne connaissance de la vie politique.
Vous aviez déjà lancé un tel simulateur en 2012 à l’occasion de la présidentielle et des législatives. Qu’avez-vous retenu de cette première expérience de simulateur, essentiellement en termes d’efficacité de cet outil ? Y-a-t-il des évolutions notables entre ce premier simulateur et celui que vous lancez pour la présidentielle de 2017 ?
Pour faire une comparaison terme à terme, nous avons eu, en 2012, 1 million de simulations réalisées, ce qui a été pour nous le signe d’une appropriation très large de l’outil. Cela répond à un désir que chacun remplit comme il le souhaite ; il n’y a là aucun discours pré-imposé. Grâce à ce simulateur, les personnes peuvent produire elles-mêmes de l’hypothèse, ce qu’elles demandent.
Parce que la configuration électorale est un peu différente, nous avons effectivement procédé à quelques modifications de l’outil. La première de ces modifications, c’est que nous avons ajouté un onglet qui permet d’avoir l’historique du candidat aux présidentielles précédentes dans la même famille politique, ou approchante : ainsi, pour chaque candidat depuis 1965, nous aurons les résultats aux présidentielles de sa famille politique. Cela peut aider à la prise de décision quant aux reports que l’on souhaite réaliser. Si l’on reprend l’exemple de Nathalie Arthaud, nous avons indiqué les résultats qu’elle a obtenus en 2012, et nous lui avons associé également les résultats d’Arlette Laguiller depuis 1974. Dans le cas d’Emmanuel Macron, cette partie historique est un peu plus compliqué : nous lui avons donc associé, pour ce nouvel onglet, les candidats modérés hors grands partis comme Marcel Barbu ou Pierre Marcilhacy, qui ont chacun fait des petits scores ; cela ne veut toutefois pas nécessairement dire qu’Emmanuel Macron va faire un score faible lui aussi, mais cela permet de rappeler les résultats précédents associés à de telles candidatures. La deuxième nouveauté, c’est la prise en compte du vote blanc. Enfin, pour le candidat PS, nous avons un menu déroulant indiquant les candidats à la primaire, ce qui permet à l’internaute de faire l’hypothèse des différents candidats à ce scrutin jusqu’au 29 janvier. Suivant le candidat choisi, vous pouvez lui affecter un pourcentage de voix. Cette modification montre le souci que nous avons eu d’adapter ce simulateur aux caractéristiques de cette élection.
Depuis l’élection de Donald Trump notamment, beaucoup de commentateurs affirment qu’il est désormais impossible de prévoir le vote des électeurs. N’est-ce pas une réponse « tarte à la crème », qui traduit une méconnaissance du comportement des électeurs ?
L’élection de Trump n’a été une surprise que pour ceux qui avaient exclu cette possibilité. Quand on dit qu’il est impossible que Donald Trump soit élu, on met en cause sa propre subjectivité, et non pas la qualité des outils. Quelques-uns avaient d’ailleurs bien prédit la victoire de Donald Trump parce qu’ils avaient notamment surreprésenté cet électorat spécifiquement blanc, perdant de la globalisation pour synthétiser, dont une partie significative – près d’un quart – ne dispose même pas d’une connexion à Internet. Ces outils leur avaient donné la possibilité de s’exprimer grâce à des prêts de tablettes, ce qui a permis de les prendre en compte. Les outils sont donc moins en cause que la manière d’exclure intellectuellement certains résultats.
En janvier 2002, nous avions publié un article intitulé La France en dépression électorale dans lequel nous décrivions la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour. On y donnait, plus généralement, les principales caractéristiques de l’élection à venir : succès de l’abstention, usure des partis et des candidats du système, etc. Sans chercher la prédiction, nous décrivions le délitement devenu manifeste, à 200 000 voix près d’ailleurs à l’époque.
Ce qui est intéressant avec le simulateur, c’est que l’on peut raisonner dans l’autre sens, c’est-à-dire, par exemple, se demander à quelles conditions de transferts de voix il est possible de faire élire Marine Le Pen. Ensuite, il sera possible de discuter de la probabilité politique de ces reports effectués pour faire élire la candidate FN.
Cet outil peut donc être utilisé soit de manière grossière, soit de manière plus affinée. La seule donnée qu’il faudra certifier, ce sont les résultats de l’élection à l’issue du premier tour, ce qu’on saura au soir du 23 avril. Jusque-là, le simulateur fonctionnera en fonction des sondages et/ou des hypothèses. On est là en présence d’un outil de politologie plutôt fin et argumenté.
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