Les partis politiques traditionnels menacés de disparition

Dinah Cohen, Dominique Reynié | 13 avril 2022

ANALYSE - Éliminés dès le premier tour avec des scores historiquement bas, LR et le PS se posent la question de leur avenir.

2012, entre-deux-tours. Deux visions s’affrontent. Deux partis, aussi. D’un côté, le Parti socialiste, représenté par François Hollande. De l’autre, l’UMP – ancêtre des Républicains -, incarné par Nicolas Sarkozy. À eux deux, ils comptabilisent 55,8 % des voix. Ils s’écharpent, se confrontent, avant que l’un ne laisse la place à l’autre, une nouvelle fois, comme ils le font déjà depuis trente ans.

Difficile de croire, dix ans plus tard, qu’aucune de ces deux forces politiques ne se trouve dans le peloton de tête de ce premier tour. Pire, qu’aucune de ces deux forces anciennement structurantes ne soit éligible au remboursement des frais de campagne, fixé au seuil de 5 % des suffrages.

«Un pouvoir très personnel et concentré»

Déjà l’élection de 2017 avait laissé présager le début de la fin, avec François Fillon se faisant le troisième homme (20,01 %) et Benoît Hamon enregistrant le plus bas score du parti à la rose (6,36 %). Cinq ans plus tard, le constat est amer: ligne politique souvent pointée du doigt, disparition des militants, étiquette de parti de gouvernement, mais qui enchaîne les défaites… Un mandat ne leur aura pas suffi à se reconstruire et regagner la confiance des Français. «Plus personne ne se dit que le Parti socialiste est capable de gagner une élection», souffle un élu du même bord.

La situation est pourtant paradoxale. À échelle locale, la domination des socialistes et des Républicains reste indéniable. Lors des derniers scrutins, tous ou presque ont été largement reconduits dans leurs communes, départements et régions. À l’inverse, les trois blocs arrivés en tête que sont La France insoumise, La République en marche et le Rassemblement national, peinent à établir leur maillage territorial. Qu’importe. Cette élection le confirme: l’ancrage local n’est plus gage de qualité pour un candidat en lice pour la plus haute fonction nationale. «Aujourd’hui, c’est comme si la compétence ne comptait plus. On part du principe que tous sont aussi incompétents les uns que les autres, donc ceux qui n’ont jamais exercé ont un atout de plus en plus important», analyse Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean Jaurès.

À la place, les électeurs semblent davantage séduits par l’incarnation, privilégiant ainsi les candidats les plus marqués par une vision, capables d’emporter la foule avec eux. «On ne voit plus d’utilité dans les partis, car on ne s’identifie plus à une représentation politique, mais à des champions. Et, la forme d’adhésion, c’est le vote», confirme Dominique Reynié, directeur général de la Fondapol. De quoi faire pâtir les partis traditionnels de la logique du vote utile, désormais largement du côté de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. De quoi, aussi, faire surgir un risque: celui d’une adhésion éphémère qui ne dure que le temps d’une campagne, et n’installe rien sur le long terme, menant ainsi à une extrême volatilité de l’électorat. Là où un parti a au moins pour lui de forger un socle de valeurs, censé perdurer et servir de repères à ceux qui s’y réfèrent. «C’est inquiétant pour l’avenir, car ça amène à un pouvoir très personnel et concentré, et à des partis de plus en plus sectaires puisque personne ne veut s’y engager», ajoute Chloé Morin.

Épreuve du feu

Le défi, pour les forces nouvelles ayant supplanté les anciennes, se trouve donc en partie là. Dans la création de quelque chose capable de survivre à la disparition de la personne qui l’incarne. Après Jean-Luc Mélenchon, que restera-t-il des Insoumis? Après Emmanuel Macron, que restera-t-il du macronisme? «Le président incarne un courant de pensée social-démocrate. Il faut le faire vivre, l’incarner et le théoriser pour qu’il lui survive», défend ainsi le Marcheur de la première heure Sacha Houlié, qui estime qu’il y a encore «beaucoup à faire».

Les prochains scrutins seront aussi regardés de près. Les législatives, d’abord, lesquelles permettront peut-être à LFI ou au RN de se structurer et s’implanter davantage. Les élections locales, ensuite, qui feront office d’épreuve du feu pour LR et le PS. Sans crise sanitaire et prime au sortant, garderont-ils l’ancrage qui fait encore leur spécificité? Si tel n’était pas le cas, ces partis traditionnels pourraient alors véritablement disparaître.

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