
Clivage gauche-droite : "Les individus ne croient plus aux partis"
Dominique Reynié | 28 janvier 2018
Le directeur de la Fondation pour l’innovation politique estime que le clivage droite-gauche a toujours un sens mais que les gens n’ont plus d’attachements aux partis.
Emmanuel Macron a-t-il tué le match ? Si certaines valeurs restent bien ancrées dans chaque camp, il manque les leaders pour les porter. Interview de Dominique Reynié, le directeur de la Fondation pour l’innovation politique, un think tank d’inspiration libérale.
Droite-gauche, ce clivage a-t-il encore un sens ?
Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique : Oui. Les éléments d’une culture politique de droite et d’une culture de gauche sont toujours là, il y a des valeurs de gauche et des valeurs de droite. Mais il s’agit davantage de revendiquer des valeurs qu’un attachement à un parti. Les individus ne croient plus aux partis.
Quelles sont les valeurs de la droite ?
C’est là que ça devient compliqué. Laurent Wauquiez a dénoncé la politique fiscale du gouvernement qui profiterait aux plus riches. Or le PS dit la même chose ! La droite reste attachée au modèle français social-étatiste. Il n’y a pas une droite favorable à un Etat faible et une gauche pour un Etat fort.
Qu’est-ce qui les distingue, alors ?
Des enjeux comme l’ordre public, l’immigration. Alors que la gauche a encore un discours d’accueil et de tolérance, la droite prône une politique répressive. Mais comme la société s’est droitisée, ce clivage droite-gauche sur la sécurité s’est un peu évanoui.
La suppression de l’ISF, la réforme du Code du travail, c’est clairement de droite, non ?
Théoriquement, oui. Mais la droite n’a pas supprimé l’ISF ni allégé le Code du travail quand elle était au pouvoir, et quand Macron le fait, elle le critique. Si la droite et la gauche sont en crise, c’est qu’elles n’ont pas réussi à prendre des décisions qui caractérisent un pouvoir de gauche et un pouvoir de droite.
Wauquiez a raison de vouloir repositionner LR sur la droite ?
Ce n’est pas un choix mais une nécessité. S’il se positionnait au centre, il aurait du mal face aux électeurs qui se reconnaissent désormais sur la ligne Macron, et il perdrait son aile droite au profit du FN. En se droitisant, il fâche les modérés, mais il peut réussir à contenir l’extension du FN et à récupérer les déçus de la droite dure. C’est la seule position qu’il puisse occuper pour ne pas disparaître.
Où se situe Emmanuel Macron ?
Il considère que les électeurs sont motivés par des attentes d’actions concrètes, non par les clivages idéologiques. L’opinion demande un contrôle des frontières ? Il répond par une politique combinant un traitement prioritaire en faveur des demandeurs d’asile et de la fermeté envers les irréguliers. Mais il porte aussi l’idée du dépassement du clivage droite-gauche. Ainsi, quand il supprime la taxe d’habitation pour rendre du pouvoir d’achat aux plus modestes, il entend démontrer qu’il est possible de prendre en même temps une mesure de gauche et une mesure de droite – sur l’immigration.
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