En Afghanistan, on ne va pas au cinéma, on se distrait avec les exécutions publiques

Jean-Philippe Feldman | 18 avril 2025

Le régime des talibans vient officiellement de renouer avec la peine de mort donnée en spectacle.

Que faire en Afghanistan quand on est fatigué de martyriser sa femme à la maison ? Un barbecue avec Sandrine Rousseau autour de côtelettes de porc ? Une petite toile pour voir le dernier film produit par les mécréants yankees avec quelques scènes osées, tel un homme embrassant sa petite amie sans burqa ? Vous n’y êtes pas.

Peut-être un attentat islamique ? Selon le dernier rapport de la Fondapol sur le sujet (Les attentats islamistes dans le monde 1979-2024, octobre 2024), l’Afghanistan a été le pays le plus touché par le terrorisme islamiste. Mais vous n’y êtes toujours pas.

L’AFP, dont le communiqué a été repris par une grande partie de la presse, nous a appris que quatre hommes condamnés pour meurtre avaient été exécutés le 11 avril. Il s’agit de la neuvième série d’exécutions depuis le retour des talibans au pouvoir en 2021 et du plus grand nombre d’exécutions en une seule journée (Le Monde, 11 avril 2025). Cela dit, nos amis talibans jouent « petit bras » car, à lire le dernier rapport d’Amnesty International sur les « condamnations à mort et exécutions 2024 » (8 avril 2025), la Chine a procédé à plus de 1.000 exécutions l’année dernière, l’Iran à près de 1.000, l’Arabie Saoudite au moins 345.

Pourquoi nous focaliser sur les exécutions de la République islamique d’Afghanistan ? C’est qu’elles ont la particularité, peu commune, d’être faites en public. Les distractions sont rares, ce qui explique sans doute que les stades dans lesquels se déroulaient les mises à mort par balles aient été remplis à ras bord avec des dizaines de milliers de « spectateurs ». Les autorités locales des trois villes concernées avaient, il est vrai, exhorté les habitants à venir en nombre « participer à l’évènement » et, bien que la dépêche de l’AFP ne le précise pas, il n’est pas certain que les pressions « amicales » aient été absentes. La loi du talion a été appliquée à plusieurs reprises, par un homme de la famille de chaque victime qui a pu cribler de balles le condamné (il va de soi que les procès avaient été menés, selon une source officielle, « très minutieusement et à plusieurs reprises »…).

C’est le chef suprême des talibans qui avait signé les ordres d’exécution. Précisons que les condamnations sont prononcées conformément à la loi de « propagation de la vertu et de la répression du vice », une loi qui… ne prévoit pas les peines prévues pour chaque infraction !(Le Figaro, 11 avril 2025) L’ONU s’étant « indignée » des exécutions, la Cour suprême afghane (quand nous vous disions que ce pays est à la pointe de l’État de droit…) a publié un communiqué d’après lequel « personne n’a le droit d’interférer dans notre loi islamique » (L’Opinion, 12 avril 2025).

Quelques jours plus tôt, un article du Monde (27 mars 2025) était consacré à la « reprise du dialogue entre les Occidentaux et les talibans ». C’est ce que certains appellent la Realpolitik.

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