En visite officielle en Israël, Emmanuel Macron devra compter avec la défiance des Français juifs

Cédric Pietralunga | 21 janvier 2020

Le président de la République a prévu plusieurs séquences symboliques pour rassurer la communauté juive alors que la France connaît une recrudescence des actes antisémites.

Rassurer et convaincre. Du mercredi 22 au jeudi 23 janvier, Emmanuel Macron doit effectuer son premier déplacement en Israël et dans les Territoires palestiniens en tant que président de la République française, avec pour point d’orgue la commémoration du 75anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, jeudi au mémorial de Yad Vashem. Il devra faire face à la défiance des Français de confession juive, alimentée par la recrudescence des actes antisémites dans l’Hexagone.

Selon une étude de l’institut de sondage IFOP, réalisée pour la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et l’American Jewish Committee (AJC), publiée le 20 janvier, plus d’un tiers (34 %) des Français de confession ou de culture juive disent aujourd’hui se sentir menacés au quotidien en raison de leur appartenance religieuse. Pis, sept sur dix déclarent avoir été victimes d’au moins un acte antisémite au cours de leur vie, principalement des agressions verbales (64 %) et des insultes (48 %), mais aussi des violences physiques (23 %). « L’antisémitisme en France ne saurait être réduit à quelques faits divers sordides », souligne l’étude.

En 2018, 2 415 Français ont émigré en Israël

De fait, la France est confrontée depuis plusieurs années à une forte montée de l’antisémitisme. En 2018, dernière statistique disponible, 541 actes antisémites ont été recensés en France, ce qui représente un bond de 73 % par rapport à l’année précédente. Le 3 décembre 2019, 107 tombes ont encore été profanées et recouvertes de croix gammées dans le cimetière juif de Westhoffen (Bas-Rhin). « L’antisémitisme est un crime et nous le combattrons (…) jusqu’à ce que nos morts puissent dormir en paix », avait alors réagi Emmanuel Macron, assurant que « les juifs sont et font la France ».

Malgré ces déclarations, une forme de défiance s’est installée. Selon un autre sondage de l’IFOP, réalisé pour i24News et ELNET France, publié lui aussi lundi, deux tiers des Israéliens jugent inefficaces les mesures prises par la France pour lutter contre l’antisémitisme. « Les Israéliens se montrent majoritairement inquiets quant à la situation des juifs en France : 60 % d’entre eux estiment que les Français de religion ou de culture juive ne sont pas en sécurité dans l’Hexagone », souligne l’étude. En 2018, 2 415 Français ont émigré en Israël, un chiffre en baisse depuis le record de 2015, lorsque 8 000 départs avaient été comptabilisés, mais qui montre que l’« alya » reste d’actualité pour un nombre important de familles.

« Sur la lutte contre l’antisémitisme, il y aura toujours le sentiment que l’on n’en fait pas assez, car tout crime antisémite est absolument insupportable », reconnaît Aurore Bergé, députée La République en marche (LRM) et présidente du groupe d’amitié France-Israël. Mais, assure la porte-parole du parti présidentiel, « tous les engagements pris par le président de la République devant le CRIF sont tenus : dissolution de groupuscules d’extrême droite antisémites, lutte contre la haine sur Internet, nouvelle définition de l’antisémitisme incluant l’antisionisme, formation de tous les magistrats et gardiens de la paix sur le sujet »

« Il n’y aura pas en France de clémence envers tous ceux qui souhaitent, qui entendent frapper, insulter l’ensemble de nos compatriotes en raison de leur origine religieuse », a également assuré Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, mardi à l’Assemblée nationale, rappelant « la résolution du gouvernement de lutter très fermement contre l’ensemble des actes antisémites ».

La France n’oublie pas les victimes de l’antisémitisme

Pour convaincre que ce combat lui tient à cœur, M. Macron a prévu plusieurs séquences symboliques lors de son déplacement. Jeudi, il se rendra au mémorial de Roglit, non loin de Jérusalem, où 80 000 arbres ont été plantés pour symboliser le nombre de Français juifs morts en déportation lors de la seconde guerre mondiale. Le chef de l’Etat y sera accompagné de Serge et Beate Klarsfeld, mais aussi de cinq élèves du lycée Blanqui de Saint-Ouen, qui ont réalisé un travail sur la Shoah. « Le président échangera également avec des survivants de l’Holocauste et des Français juifs qui furent cachés enfants durant la guerre », précise l’Elysée, qui reconnaît que « la question de la sécurité des juifs en France est sensible pour les Français qui vivent en Israël ».

De même, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, qui accompagne Emmanuel Macron, a prévu de se rendre au cimetière de Givat Shaul, à Jérusalem-Ouest, où reposent Ilan Halimi, torturé et assassiné en 2006 par le « gang des barbares », mais aussi les trois enfants de l’école Ozar-Hatorah de Toulouse, abattus en 2012 par Mohammed Merah. « Le gouvernement veut envoyer le message que la France n’oublie pas les victimes de l’antisémitisme », plaide l’entourage du locataire de Beauvau. Le chef de l’Etat français devrait également aborder le sujet de la lutte contre l’antisémitisme lors d’une rencontre avec la communauté française de Jérusalem, jeudi à la mi-journée.

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