
La relocalisation, ce défi français
Nicolas Faucon | 05 octobre 2020
La crise du Coronavirus a révélé les conséquences de la délocalisation, comme la dépendance de la France dans certains secteurs. De puis, politiques et industriels tentent d’organiser le rapatriement d’activités.
Relocaliser pour réindustrialiser. Depuis la crise sanitaire, c’est le credo du gouvernement. « Relocaliser, c’est possible », a ainsi martelé, le 3 septembre, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, lors de la présentation de son plan de relance. Sauf que le chantier est énorme. Avec un million d’emplois industriels perdus entre 2000 et 2016, « la France a été le pays européen qui a le plus délocalisé », a rappelé, le 12 septembre, lors des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher. Ne pas dépendre des puissances étrangères La crise du Covid-19, avec les pénuries de masques et de médicaments indispensables à la réanimation des malades, a fait prendre conscience des effets négatifs de la délocalisation. Depuis, les pouvoirs publics s’activent pour sortir de la dépendance aux pays producteurs de ces ressources à haute valeur ajoutée. D’autant que la crise sanitaire a favorisé la montée en puissance des égoïsmes nationaux. Ainsi, la Chine est-elle intervenue pour limiter les exportations de la fibre non tissée de polypropylène, utilisée pour ses propriétés filtrantes dans la composition des masques. « L’exacerbation des tensions politiques a fait prendre conscience qu’il ne fallait donc pas dépendre des puissances étrangères pour l’importation de biens ou de services », décrypte, dans sa note publiée chez la Fondation pour l’innovation plitique et intitulé « Relocaliser la production après la pandémie ? », l’économiste Paul-Adrien Hyppolite. Selon l’expert, toutes les activités ne sont pas relocalisables. Pour des raisons géographiques, technologiquesnologiques et économiques. « Prenez l’énergie : le charbon, les hydrocarbures et l’uranium ne sont pas produits sur le territoire français au prorata de ce qu’on con somme : on ne pourra donc pas relocaliser. Il y a aussi beaucoup de savoir- faire technologique que l’on n’a pas en France dans la technologie numérique, le hardware et le software : en Europe, on n’a pas pris la mesure du poids que cette révolution allait avoir dans l’économie. On n’a jamais produit ces biens ; il ne s’agit donc pas de relocaliser mais delocaliser. » Pour Paul-Adrien Hyppolite, les relocalisations devraient rester cantonnées à des cas très particuliers, « pour motif impérieux et en l’absence d’alternatives plus efficaces. » Exemple ? « La collectivité pourrait accepter de subventionner des lignes de production redondantes pour des biens essentiels en période de crise, tels certains équipements de santé ou des médicaments […] Nous gagnerions surtout à porter l’effort non pas sur la “relocalisation” des industries d’hier mais sur la “localisation” de celles d’aujourd’hui et de demain […] » L’économiste l’assure : attirer sur le territoire européen les talents en science et ingénierie informatique « est aujourd’hui fondamental. »
« Une quête impossible ? »
Les chances d’y parvenir sont réelles, poursuit Paul- Adrien Hyppolite. « On a de très bons ingénieurs en France, le capital humain est là. » Reste que le chemin sera long. Selon une note de l’assureur-crédit Coface du 26 mai dernier, une relocalisation complète des processus de fabrication est décrite comme une « quête impossible ». « Imaginer une relocalisation complète met en évidence les problèmes liés à l’augmentation des coûts de production et au manque de compétences nationales. Et quand bien même ces deux questions seraient prises en compte, un nouveau processus de production domestique resterait tributaire de l’approvisionnement en matières premières, qui ne peut être relocalisé.
Aucun commentaire.