Et si les cieux européens de l’après-confinement étaient dominés par les compagnies low cost ? C’est une piste plus que probable, à en croire le rapport « Après le Covid-19 – Le transport aérien en Europe : le temps de la décision » publié récemment par la Fondation pour l’innovation politique (le think tank Fondapol) et le cabinet Roland Berger. Alors que les prophéties plus ou moins pessimistes se multiplient pour imaginer les séquelles laissées par la pandémie sur le secteur du voyage, cette analyse exhaustive de quelque 70 pages – auxquelles s’ajoute un état des lieux du marché pré-épidémie tout aussi complet – penche pour une accélération de l’offensive low cost. Au détriment, bien sûr, des compagnies « traditionnelles ».
Pour les auteurs du rapport, Emmanuel Combe et Didier Bréchemier, « les géants du low cost vont renforcer leur avance à l’issue de la crise ». A court terme, la chronologie du déconfinement serait en effet favorable aux transporteurs à bas coût : « si c’est le réseau européen qui repart le premier, les compagnies historiques vont souffrir sur leur réseau le plus rentable, à savoir le long-courrier, et vont devoir se battre sur le marché européen face à des opérateurs low cost très compétitifs », soulignent les auteurs. Mais pour ces derniers c’est bien sur le moyen terme – voire au-delà – que l’équilibre des forces serait défavorable aux acteurs historiques. Ceci s’expliquerait surtout par la menace qui guetterait les compagnies traditionnelles sur leurs places fortes : les hubs, pivots de leur stratégie.
Déjà fragilisé depuis plusieurs mois, le secteur du transport aérien est plus que jamais vulnérable avec la crise sanitaire. Le nombre de faillites de compagnies aériennes pourrait donc s’accélérer, tout comme les rachats, redessinant la carte européenne des transporteurs à la faveur d’une concentration inédite – au moins de ce côté de l’Atlantique. Or, comme le souligne ce rapport, ces acquisitions pourraient bien rebattre les cartes des slots, en ajoutant des atouts cruciaux dans le jeu des compagnies low cost. Le pré carré des acteurs historiques, et leur mainmise sur ces créneaux d’exploitation, pourraient alors vaciller. Et la logique de correspondances du hub pourrait même se voir concurrencer frontalement par une alternative « low cost », le « connecting », déjà incarné par la plateforme Worldwide by easyJet. Forts d’une offre suffisamment consistante, d’un maillage suffisamment dense, les transporteurs à bas coût permettraient alors aux voyageurs d’organiser eux-mêmes des vols avec escale, jusqu’ici réservés aux acteurs historiques.
Si ces correspondances « DIY » (« Do It Yourself« ) ne devraient pas toucher directement le business travel, ce segment n’est pas épargné par l’offensive low cost décrite par Emmanuel Combe et Didier Bréchemier : « Il est probable que les compagnies low cost continuent à développer leur ciblage de la clientèle affaires en allant sur des aéroports principaux, en concurrence frontale avec les opérateurs historiques. Elles vont également poursuivre leur stratégie de connecting, consistant à développer les vols indirects, sans supporter pour autant les contraintes d’un modèle de hub et de correspondances. Au-delà même de l’Europe, les compagnies low cost commencent à nouer des partenariats avec des compagnies long-courrier, ce qui constitue une menace directe pour les hubs des compagnies historiques ». Les auteurs du rapport pointent même une autre menace, avec la possible mise en place d’une alliance air-fer d’un genre nouveau. « On peut même imaginer que, demain, les low cost noueront des partenariats avec d’autres opérateurs de transport dans le but d’augmenter leur fréquence et de mieux répondre ainsi aux attentes de la clientèle affaires. En particulier en Europe, où le transport ferroviaire doit se libéraliser sur les marchés nationaux à partir de 2021, nous pouvons envisager que de nouveaux entrants ou des opérateurs ferroviaires historiques tissent des alliances avec des compagnies aériennes, afin d’augmenter le nombre de fréquences sur une destination donnée (par exemple Marseille-Paris) ou de jouir de la puissance commerciale du partenaire aérien (contrats avec les entreprises, notoriété de la marque, coûts de distribution sur une plateforme comme easyJet Worldwide, les sites des compagnies aériennes historiques ou tous les acteurs de la distribution en ligne) ».
Le diagnostic des auteurs du rapport est clair : les compagnies historiques ont tout intérêt à utiliser les aides débloquées par leurs États respectifs pour investir dans une profonde refonte de leur modèle, notamment sur le segment low cost et le moyen-courrier, au risque de se voir chahutées encore davantage par les transporteurs à bas coûts. En clair : faire de ce « big bang » Covid-19 le terreau d’une renaissance, au risque de rejoindre la liste des espèces en voie de disparition.
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