Les propositions « choc » de trois think tank sur la décentralisation

Emilie Denètre | 15 juin 2020

La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales organisait, jeudi 9 juin, une table ronde avec plusieurs think tank sur le thème de la décentralisation. Chercheurs et universitaires de ces cénacles ont ainsi pu exposer leurs visions de la décentralisation et des outils nécessaires à sa réalisation.

Alors que le futur projet de loi dit « 3D » devrait arriver à l’examen au Parlement après l’été, et que le Président Macron entend profiter de la crise pour faire un nouveau pas dans la décentralisation, le Sénat est aux aguets. Sa délégation aux collectivités territoriales entame ainsi un cycle d’auditions, destiné à enrichir les travaux gouvernementaux sur cette question cruciale.

Jeudi 9 juin, plusieurs représentants de think tank réfléchissant à ce thème de la décentralisation ont été ainsi invités à formuler leurs propositions. En voici quelques-unes :

Faire émerger une jurisprudence favorable à la subsidiarité concrète

« Je suis favorable à une reconcentration des fonctions stratégiques de l’État afin de le remuscler, mais cela doit s’accompagner en parallèle d’une très large autonomie des acteurs locaux » conditionne Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More. Pour lui, « l’idée consiste à contraindre l’État à moins se mêler, depuis Paris ou depuis les territoires, de ce qui se passe dans les territoires.

Pour ce faire, Jean-Thomas Lesueur propose de créer un recours spécifique auprès du Conseil d’Etat « sur le modèle de l’arbitrage en associant le Conseil d’Etat et la Cour administrative d’appel de la juridiction concernée » en cas de litige sur les compétences des collectivités locales ou lorsque qu’« un empiétement » de l’Etat est constaté dans ce domaine. « Un tel système permettrait l’émergence d’une jurisprudence favorable à subsidiarité concrète ! » promet ainsi le délégué général de l’Institut Thomas More.

S’inspirer du modèle européen pour négocier « région par région » la répartition des compétences

Nicolas Kada, professeur de droit public à l’Université Grenoble Alpes, auteur de l’étude de la Fondation Jean Jaurès « Une nouvelle décentralisation de la République » , propose quant à lui, de s’inspirer du modèle européen.

« Cela peut paraître étrange, car lorsque l’on parle de l’Europe il s’agit surtout d’en pointer les failles » reconnaît le professeur, « mais en matière de répartition des compétences, nous pourrions sur ce modèle définir clairement les compétences exclusives de l’État, celles qui seront partagées entre l’État et les collectivités enfin celles appartenant exclusivement aux collectivités ». Et si en Europe, cette répartition se décide État par État dans une négociation avec Bruxelles, Nicolas Kada suggère d’utiliser ici le cadre de la « région » pour définir contractuellement le « qui fait quoi ? » avec évidemment des différenciations territoriales selon les spécificités.

« Pour les collèges par exemple, détaille-t-il, quel est l’intérêt pour l’usager de savoir que, partout en France ce sont les départements qui les prennent en charge ? Ce que veulent les gens, c’est avoir un collège à une distance raisonnable de leurs lieux d’habitation… Et ensuite, si ici, c’est la communauté d’agglomération, le département ou la région qui s’en charge, c’est une question secondaire pour l’usager qui attend surtout un service rendu… ».

Pour Nicolas Kada, ce système permettrait d’apporter « région par région davantage de différenciation selon les spécificités territoires et les combinaisons politiques en jeu ».

Dégager des moyens pour les élus en prévoyant l’extinction de la Fonction publique territoriale

Professeur à Sciences-Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), Dominique Reynié,  estime de son côté qu’il est temps de faire des choix permettant une véritable décentralisation mais aussi une « transformation profonde de l’action publique ». Afin de donner les moyens permettant « aux élus d’agir efficacement », l’enseignant soumet l’idée d’une réforme peu coûteuse mais qui « dégagerait des ressources pour les collectivités » : l’extinction de la fonction publique territoriale !

« S’il est bien sûr hors de question de supprimer le statut, car cela ne serait pas recevable, l’extinction naturelle avec la pyramide des âges de la FPT apporterait plus de souplesse dans la gestion administrative et des marges de ressources plus grandes aux élus en charge des collectivités » veut croire Dominique Reynié. Prônant donc une décentralisation « d’un nouveau type », le directeur de Fondapol assure en effet que la « descente » des compétences ne sera pas suffisante si « on ne discute en profondeur pas des moyens » qui doivent l’accompagner.

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