L’open source et l’open data au secours de la santé en France
Abdellah Bouhend | 23 février 2022
Une série d’articles publiés dans les années 2010 par la Fondation pour l’innovation politique illustrait le phénomène grandissant de l’ouverture des données publiques (open source ou open data). En effet, une mutation dans les comportements était à l’œuvre avec les usages d’Internet et des réseaux. On voyait se dessiner le besoin pour les citoyens d’exprimer par eux-mêmes leur créativité en utilisant les données publiques.
Le modèle traditionnel vertical et hiérarchisé se transformait progressivement en un modèle, plus décentralisé, dit « collaboratif », où toutes les parties prenantes pouvaient se mobiliser pour travailler ensemble en réseau. Une condition préalable était l’accès aux données, et donc leur mise à la disposition de tous, au travers d’un code ouvert (code open source). Gratuit, transparent et réutilisable, le code open source a par exemple permis la mise en place en un temps record de la plateforme « Vite ma dose » pendant la crise sanitaire. Ses applications dans le domaine de la santé en France offrent de belles perspectives pour les citoyens, les hôpitaux et les professionnels de santé.
Qu’est-ce que l’open source ?
Ces technologies libres ont évolué depuis les années 1990, parallèlement à la mondialisation et à la montée toujours plus conséquente des flux de données numériques. Le principe de l’open source réside dans le fait que ce code est rendu public par les développeurs ; il est donc parfaitement légal de le reproduire et de l’exploiter gratuitement pour le diffuser. Cette approche relève d’une philosophie centrée sur le partage où l’utilisateur peut accéder au réseau et où il peut bénéficier d’un service tout en participant à son amélioration.
La technique et les technologies qui en émanent ouvrent une myriade de possibilités applicables dans le domaine de la santé (ce que développent, par exemple, OpenHealth ou Health Data Hub). Ce régime spécifique, bien que libre, a été codifié par l’Open Source Initiative (OSI) avec dix règles qui définissent son usage :
1. La libre distribution du logiciel.
2. Le libre accès et la transparence du code source.
3. L’autorisation de la modification ou de la dérivation du code.
4. L’accès au code source doit être permis par la licence.
5. Le logiciel est accessible à tous sans aucune discrimination de groupe ou de personne.
6. Il ne doit pas y avoir de discrimination dans le champ d’application du code source.
7. La licence doit pouvoir s’appliquer sans l’imposition d’une licence ou d’un contrat supplémentaire pour celui ou celle qui l’utilise.
8. La licence ne doit pas être spécifique à un logiciel particulier ou à un produit, elle a trait au code source uniquement.
9. La licence ne doit pas imposer de restrictions aux autres logiciels distribués avec le logiciel sous licence.
10. La licence doit être technologiquement neutre.
L’open source au service des politiques de santé publique en France
Le développement d’outils open source dans un pays dépend de la mobilisation des acteurs à plusieurs niveaux. Dans un État jacobin comme la France, l’arrivée de l’open source a permis la mise en place d’une meilleure interopérabilité. L’interopérabilité désigne la capacité de matériels, de données, de logiciels ou de protocoles différents à fonctionner ensemble et à partager des informations. La France a une politique forte en matière de logiciels open source. Le soutien politique et institutionnel est bien ancré dans la culture du service public (voir tableau ci-dessous).
Ceci est valable au niveau de l’administration centrale, mais aussi des collectivités locales, qui soutiennent et utilisent activement les solutions à code source ouvert. Ce sont ces prémices qui ont permis la mise en place rapide d’un système de suivi des données épidémiologiques pour informer et pour lutter contre la propagation de la Covid-19 à travers le pays. L’acteur central de cette numérisation des services publics en France est Etalab. Ce service coordonne la politique d’ouverture et de partage des données publiques (open data). Il gère les données des administrations de l’État et leur apporte son appui pour faciliter la diffusion et la réutilisation de leurs informations publiques.
Un des exemples de ces dispositifs est le tableau de bord quotidien de Santé publique France, avec les indicateurs clés de suivi de l’épidémie de la Covid-19 : cas confirmés, décès, taux de positivité, nouvelles hospitalisations, admissions en soins critiques, personnes complètement vaccinées, etc. Le portail contient aussi les indicateurs clés de la réponse apportée pour résoudre la crise sanitaire, par exemple les doses de vaccins distribuées et les réservistes mobilisés. Toutes ces données sont en accès libre sur data.gouv.fr.
Des initiatives privées qui peuvent bénéficier aux médecins et aux hôpitaux
C’est sans aucun doute cet écosystème de transparence et d’interopérabilité qui a permis la mise en place d’outils au pied levé tels que vitemadose.covidtracker.fr, créé pour détecter des créneaux de vaccination disponibles à partir des données publiques des centres de vaccinations. La solution a été pensée par un jeune ingénieur informatique, Guillaume Rozier, dont les premières données étaient hébergées sur la plateforme collaborative GitHub.
Le partage des données de santé peut continuer à se développer en France et dans le monde. Cette perspective ouvre de belles opportunités pour les hôpitaux, les personnels soignants et les médecins : systèmes plus performants de gestion de dossiers médicaux des patients, bases de données thérapeutiques ou imagerie médicale. Cela pourrait également permettre en France et en Europe, de trouver des solutions de remplacement aux géants du numérique américains, dont le positionnement hégémonique pose des problèmes de souveraineté évidents dans la gestion des données personnelles et la dépendance technologique, comme c’est le cas de la centrale d’achat de l’informatique hospitalière en France.
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