
Reste à charge zéro : la Mutualité met en débat ses premières réflexions
Dominique Reynié | 19 décembre 2017
La Mutualité Française a présenté le 14 décembre 2017 ses premières pistes de réflexion sur le reste à charge zéro en optique, dentaire et audioprothèse. Celles-ci seront mises en débat avec différents acteurs du système de santé et des think tanks partenaires jusqu’au congrès de Montpellier, en juin 2018.
Acteur incontournable du remboursement des soins en optique, dentaire et audioprothèse, la Mutualité Française lance un vaste chantier de réflexion sur le reste à charge zéro. Ses premières pistes ont été adoptées lors du conseil d’administration du 14 décembre 2017.
Pour le président de la Mutualité Française, Thierry Beaudet, « le projet de réforme sur le reste à charge zéro est une opportunité de faire progresser l’ambition, qui a toujours été celle des mutuelles, d’un accès aux soins garanti partout et pour tous ». « Cette ambition est réalisable à condition de mobiliser l’ensemble des acteurs et d’agir à la fois sur les remboursements mais aussi sur les tarifs des dispositifs médicaux », précise Thierry Beaudet.
La Mutualité Française est d’autant plus légitime dans ce débat que la Sécurité sociale ne rembourse que 4% des dépenses d’optique, 14% des dépenses d’audioprothèse et 20% des prothèses dentaires. Dans ces trois domaines, les complémentaires santé prennent en charge respectivement 72%, 29% et 45% des frais.
« Il en va de la santé des Français »
Les premières pistes de réflexion, qui permettront aux assurés d’accéder à des soins sans aucun reste à charge, sont désormais mises en débat avec de multiples acteurs : patients, professionnels de santé, assurance maladie ou encore organisations syndicales. Tous peuvent contribuer à enrichir ces propositions. Le congrès de Montpellier, du 13 au 15 juin 2018, pourrait constituer une occasion pour les pouvoirs publics d’apporter leur arbitrage sur ces questions.
Les think tanks partenaires de la Mutualité Française (la Fondation Jean-Jaurès, Fondapol et Terra Nova) participent également à cette réflexion, via plusieurs réunions de travail sur le reste à charge et la personnalisation de la protection sociale. « C’est notre rôle d’alimenter la réflexion sur des sujets d’intérêt général, et ceux-là en font partie, car il en va de la santé des Français », nous indique Thierry Pech, directeur général de Terra Nova.
Fiscalité plus souple
Quelles sont précisément les premières orientations qui vont être débattues ? La Mutualité Française souhaite notamment que soient établis des « paniers de soins nécessaires de qualité » en optique, dentaire et audioprothèse. « Faisons confiance aux acteurs afin de définir le contenu de ces paniers et de s’accorder sur le juste soin, au juste prix », lance Thierry Beaudet. Leur contenu devra être « renégocié régulièrement » avec toutes les parties dans le but d’intégrer les innovations.
Accessibles à tous les patients, ces paniers de soins seront nécessairement proposés par tous les professionnels de santé des différents secteurs, sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, ils seront intégralement pris en charge par l’assurance maladie obligatoire (AMO) et l’assurance maladie complémentaire (AMC).
La Mutualité Française préconise un assouplissement de la fiscalité de manière à permettre aux organismes complémentaires de solvabiliser totalement ces paniers de soins. L’objectif est de « moduler la fiscalité pesant sur les contrats de complémentaire santé, en fonction de l’effort consenti pour mettre en place ces paniers de soins ». Les organismes complémentaires vertueux pourraient ainsi bénéficier d’une réduction du taux de taxe de solidarité additionnelle (TSA). La Mutualité Française recommande également que la TVA sur les lunettes soit abaissée à 5,5%, au lieu de 20% actuellement.
Liberté de choix
Bien entendu, les assurés garderaient la possibilité de choisir leur praticien, ainsi qu’une prestation supplémentaire ou un équipement plus cher, dont la totalité ne serait pas remboursée. « Il s’agit de passer d’un reste à charge subi à un reste à charge choisi », ajoute Thierry Beaudet.
Pour compléter les paniers de soins nécessaires, la Mutualité Française propose donc de créer « une offre de soins avec davantage d’options », et un reste à charge « maîtrisé ». Cette offre optionnelle serait instaurée grâce à une négociation avec les professionnels de santé, dans le cadre du conventionnement.
Plus globalement, la Mutualité Française réitère son appel en faveur d’une « réforme plus profonde du système de santé ». Il devient urgent d’inverser certaines tendances inquiétantes en matière d’accès aux soins.
Renoncement aux soins
Aujourd’hui, 17% des personnes renoncent à des soins dentaires. Il importe d’encourager la prévention, en particulier par la revalorisation des soins conservateurs. Ces derniers représentent deux tiers de l’activité des dentistes mais seulement un tiers de leur revenu, qui est principalement porté par le prix des prothèses dentaires. A l’étranger, la situation est bien différente : la rémunération des soins conservateurs est 78% plus élevée en Allemagne qu’en France. La comparaison avec la Suède aboutit à un tarif supérieur de 250%!
En audioprothèse, seulement un tiers des malentendants français sont appareillés, probablement en raison du coût. Ils doivent s’acquitter d’un reste à charge moyen de plus de 850 euros par oreille, soit 2,5 fois plus qu’au Royaume-Uni. A noter que 95% des équipements vendus correspondent à la classe la plus sophistiquée. Pour la Mutualité, il convient de mieux adapter l’équipement vendu aux déficits auditifs. Le nombre d’audioprothésistes formés chaque année devrait être relevé.
Enfin, les coûts de distribution en optique sont très supérieurs à ceux d’autres pays. Il faut savoir que la France dispose de 53 opticiens pour 100.000 habitants, contre seulement 26 en Allemagne et 10 au Royaume-Uni. Pour déjouer ce phénomène, la Mutualité suggère d’allonger la durée de formation des opticiens à trois ans, soit une année de plus. Autre mesure évoquée : développer les compétences en optométrie, ce qui facilitera les délégations de tâches habituellement pratiquées par les ophtalmologues.
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