La Commission Européenne répond à l'étude d'impact de l'Accord d'association UE-Mercosur - Le Parlement flamand rejette une résolution défavorable à l'Accord
La Fondation Nuevas Generaciones | 15 juin 2021
Accord d'association Union Européenne-Mercosur : rapport d'avril-mai 2021 de l'Institut d'Études Bi-régionales (IEB) de la Fondation Nuevas Generaciones (Argentina), en collaboration avec la Fondation pour l'innovation politique (France).
Introduction
La Commission européenne fait part de son avis sur l’étude d’impact de l’Accord UE-Mercosur réalisée par la London School of Economics (LSE). De son côté, le Parlement flamand rejette une résolution défavorable à l’association bi-régionale, bien que l’opposition se renforce parmi les partis de cette région belge. Enfin, les récentes réunions de l’Assemblée Parlementaire Euro-Latino-Américaine (EuroLat) donnent un aperçu de l’approche appliquée aux négociations entre le Mercosur et l’UE en vue de l’élaboration d’un texte additionnel sur les questions environnementales.
PROCESSUS DE RATIFICATION
Pour la mise en oeuvre de l’accord Mercosur-Union Européenne, une série d’étapes doivent être suivies. Depuis juillet 2019, les deux organisations régionales sont en étape de vérification juridique, laquelle vise à unifier la terminologie dans le texte de l’accord afin d’en harmoniser le contenu. Une fois cette étape terminée, les traductions dans les différentes langues de l’UE et du Mercosur pourront commencer. Les étapes suivantes seront ensuite adaptées au processus de ratification prévu dans chaque région.
D’une part, la Commission Européenne devra présenter l’Accord au Conseil Européen. L’association convenue entre le Mercosur et l’Union Européenne (UE) repose sur trois piliers : le dialogue politique, la coopération et le commerce. Si la Commission Européenne soumet l’ensemble de l’accord à un vote, celui-ci portera, entre autre, sur des compétences partagées entre l’UE et les États membres et devra donc être approuvé par tous les États, ce qui ouvre la possibilité à ce que certains opposent leur veto à l’accord. Il existe toutefois la possibilité de diviser le partenariat en plusieurs parties. Ainsi, une majorité qualifiée serait suffisante pour que le pilier commercial soit accepté (55% des Etats membres, couvrant au moins 65% de la population de l’UE), étant donné que ce pilier concerne des compétences exclusives de l’UE.
L’accord serait ensuite signé et transmis au Parlement européen, où une majorité simple de votes est requise, que les trois piliers soient traités simultanément ou non. Si cette étape est franchie, le processus se poursuivra dans les parlements nationaux, bien que le Conseil de l’UE puisse prévoir le début de la mise en oeuvre provisoire de l’accord sur les questions pour lesquelles l’UE a une compétence exclusive.
Le processus est plus simple du côté du Mercosur. Une fois l’approbation du Conseil Européen obtenue, l’organe qui signera l’accord au nom du Mercosur sera le Conseil du Marché Commun (CMC). Par la suite, les législatures nationales pourront ratifier l’accord et celui-ci pourra commencer à être mis en oeuvre de manière bilatérale, dans la mesure où chaque État membre du Mercosur le ratifie par le biais son organe législatif, sans devoir attendre l’adhésion des autres États membres du Mercosur.
L’UNION EUROPÉENNE TERMINE L’ÉTUDE D’IMPACT DE L’ACCORD UE-MERCOSUR
Il est prévu que les accords commerciaux potentiels de l’Union Européenne doivent être accompagnés d’un processus d’évaluation de leur impact sur la durabilité, ce qui inclus un rapport provenant d’une entité indépendante et la réponse de la Commission Européenne à ce rapport. Dans le cas de l’Association avec le Mercosur, l’étude a été réalisée et publiée par la London School of Economics (LSE) en décembre 2020 et la réponse de la Commission européenne a été publiée le 24 mars dernier.
Le rapport de la LSE prévoit qu’en conséquence directe de l’accord bi-régional, le PIB de l’UE aura augmenté de 10 à 15 milliards d’euros d’ici 2032, tandis que l’effet sur le PIB du Mercosur serait de 7 à 11 milliards d’euros supplémentaires. Pour l’UE comme pour le Mercosur, la croissance reposerait sur une hausse des exportations et des investissements, ainsi que sur une hausse de la consommation grâce à des produits importés à moindre prix.
Cette étude débuté en 2017 et ses résultats préliminaires ont influencé le processus de négociation, de sorte que nombre de ses recommandations finales ont déjà été intégrées à l’accord. À cet égard, la Commission Européenne indique que les asymétries entre les parties ont été atténuées grâce à des droits de douane qui se réduiront progressivement en faveur du Mercosur, des restrictions quantitatives pour l’entrée de certains produits agricoles sur le marché européen (riz, boeuf, volaille, porc, sucre, éthanol, miel et maïs) et un mécanisme de sauvegarde bilatéral (qui permet de suspendre temporairement les importations d’un produit dont l’augmentation cause ou menace de causer un préjudice grave à un secteur de la production nationale).
Quant au facteur environnemental, qui met actuellement en échec l’approbation de l’Association, la Commission Européenne met en avant ce qui a été souligné par la LSE: entre 2004 et 2012, il y a eu une réduction de la déforestation au Brésil qui est allée de pair avec une augmentation de la production de viande bovine, ce qui permet d’écarter l’incompatibilité entre ces deux avancées. À cet effet, l’organe dirigé par Ursula von der Leyen estime que l’accord offre des garanties et des incitations supplémentaires aux pays du Mercosur pour qu’ils respectent leurs engagements internationaux en matière d’environnement. Toutefois, la Commission Européenne reconnaît qu’une nouvelle initiative pourrait être convenue avec le Mercosur pour intensifier les dispositions prévues dans le chapitre sur le commerce et le développement durable, ce qui coïncide avec les négociations actuelles en vue d’un document supplémentaire sur les questions environnementales.
En résumé, conclut la Commission européenne, « les résultats de l’évaluation de l’impact sur la durabilité confirment que l’accord aura un impact positif sur les économies de l’UE et des pays du Mercosur, en augmentant les salaires et en contribuant à la réduction des inégalités.
Toutefois, la valeur de cet accord va au-delà des simples considérations économiques et commerciales, car il consolidera un partenariat très important entre l’UE et le Mercosur, fondé sur des valeurs communes réciproques ».
Une semaine avant que la Commission Européenne ne finalise ce processus, l’Ombudsman Européen a terminé son enquête sur l’infraction présumée qu’aurait constituée la finalisation des négociations avec le Mercosur sans que l’étude d’impact sur la durabilité ait été précédemment terminée. Bien que la Commission Européenne ait fait valoir que la méthodologique de l’étude d’impact implique nécessairement qu’elle ne puisse pas toujours coïncider avec le processus de négociation, le bureau de l’Ombudsman Européen a jugé que le fait en question constituait un cas de « mauvaise administration ». Toutefois, aucune recommandation n’a été émise, si ce n’est un signalement indiquant que les futures études d’impact devraient être achevées avant la fin des négociations.
LE PARLEMENT FLAMAND REJETTE UNE RÉSOLUTION CONTRE L’ACCORD.
Pour que le gouvernement fédéral belge donne au Conseil Européen son consentement à l’accord avec le Mercosur, il doit d’abord obtenir le soutien des trois régions qui composent le pays : Bruxelles-Capitale, Flandre et Wallonie. En février 2020 déjà, le Parlement wallon a montré son opposition unanime à l’accord bi-régional, ce qui n’a pas été sans rappeler l’année 2016, au cours de laquelle le même parlement a failli faire échouer un accord similaire avec le Canada (CETA), avant de lever son veto au dernier moment. La différence est que, le 21 avril dernier, le Parlement flamand a pris la décision inverse: avec 49 voix en faveur et 64 contre, il s’est opposé à une résolution proposée par les sociaux-démocrates du Vooruit, qui demandait instamment de rejeter l’accord Mercosur-UE tel qu’il se trouve dans les circonstances actuelles.
Carte des régions de la Belgique : la Flandre au nord, la Wallonie au sud et Bruxelles au centre.
Le contraste entre la Wallonie (située au sud et majoritairement francophone) et la Flandre (située au nord et dont la langue officielle est le néerlandais) pourrait être attribué au fait que cette dernière génère près de 70% du commerce international belge. Toutefois, le résultat du récent vote ne reflète pas la réalité politique en Flandre, où l’Alliance néo-flamande (N-VA) est le seul parti qui s’abstient de critiquer l’Accord UE-Mercosur en l’état, bien qu’il accepte la signature de protocoles additionnels. En les faits, le rejet du projet de Vooruit s’explique par l’engagement de la coalition au pouvoir de maintenir un vote unifié, coalition qui est également composée du parti chrétien-démocrate et flamand (CD&V) et des libéraux et démocrates flamands (Open Vld).
Malgré cela, une semaine après le vote, le ministre-président de la Flandre et leader de la N-VA, Jan Jambon, a évité de partager ce qui serait la position finale du gouvernement régional concernant l’association bi-régional. En réponse à une question parlementaire de l’opposition, M. Jambon a déclaré que « comme toujours lorsqu’il s’agit de futurs traités de commerce et d’investissement, le gouvernement flamand ne devra se prononcer définitivement que lorsque la Commission [européenne] engagera la procédure de signature par l’UE ».
Les piliers du futur document additionnel en matière environnementale
Les réunions organisées en mai par l’Assemblée Parlementaire Euro-latino-américaine ont été l’occasion d’envisager les piliers que le document additionnel de l’Accord aurait en matière d’environnement. À cet égard, Rupert Schlegelmilch, directeur des Amériques, de l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire au sein de la Direction Générale du Commerce de la Commission Européenne, a validé trois points qui avaient été relevés par le Mercosur: les nouvelles dispositions devront être réciproques, ne devront pas modifier l’équilibre atteint lors des négociations et devront être mises en oeuvre en parallèle de la signature de l’accord.
En tout état de cause, les tensions continuent au sujet du contenu éventuel et du statut juridique qu’aurait ce texte additionnel. En ce sens, l’ambassadeur argentin auprès de l’UE, Pablo Grinspun, a précisé que « la volonté du Mercosur de dialoguer et de travailler pour faire aboutir l’accord n’implique pas une carte blanche », accusant par la suite le lobby protectionniste agricole d’utiliser des préoccupations environnementales légitimes comme moyen pour s’exprimer.
La fiche d’information de l’accord d’association stratégique Mercosur-Union européenne est une publication mensuelle préparée par l’Institut d’études bi-régionales (IEB), consistant en un suivi et une analyse du processus d’approbation de l’association bi-régionale, en collaboration avec la Fondation pour l’innovation politique.