La crise du bipartisme en Europe

Fondapol | 24 juin 2014

24.06.2014De la France des Le Pen au UKIP anglais. Feux la bipolarité : les partis minoritaires progressent.

Par Gianni Balduzzi

Le temps de l’hégémonie des deux grands partis en Europe, l’un socialiste et l’autre conservateur, semble appartenir au passé. Les élections européennes, bien moins médiatisées que les élections nationales, en sont la preuve éclatante.

Depuis la fin de la Guerre Froide, petit à petit, les partis traditionnels – PS et RPR/UMP en France, SPD et CDU en Allemagne, tories et travaillistes en Angleterre – ont perdu du terrain à la faveur de labels politiques secondaires. Naturellement, il y a eu de nombreux mouvements de contre tendance, comme en Espagne fin 2009, et même en Italie, mais il est significatif que lors des dernières élections européennes, dans 3 pays sur 5, les scores cumulés des deux partis historiques chutent, comme nous pouvons le voir dans le graphique suivant :

% des votes des deux principaux partis de gouvernement aux élections européennes

Tableau 1

En 2014, malgré un regain mesuré en Allemagne et en Angleterre, la somme des deux partis traditionnels est inférieure à 50% dans 3 des 5 pays du panel (Voir graphique 1). On notera la chute spectaculaire du vote pour le parti populaire et le PSOE en Espagne depuis 2009.

Encore plus significatif, le pourcentage de votes pour l’ensemble des inscrits :

% des personnes âgées ayant voté pour les deux principaux partis de gouvernement aux élections européennes

 Tableau 2

La diminution progressive de la participation s’est ajoutée à la baisse du consensus et de fait les citoyens représentés par les partis de gouvernement représentent dorénavant entre 15 et 35% de l’électorat, tandis qu’il y a 35 ans, ils pouvaient dépasser les 50% des suffrages exprimés.

Conséquence directe, les « habituelles » troisièmes forces politiques deviennent en réalité de plus en plus centrales, à l’image du Mouvement cinq étoiles en Italie, du UKIP en Angleterre et du FN en France, arrivés en tête des suffrages.

Le graphique ci-dessous montre que les partis recueillant plus de 15% des suffrages exprimés deviennent toujours plus nombreux et intègrent maintenant la compétition pour le leadership de l’arène politique :

Tableau 3

Pays connu pour sa grande mobilité électorale, la France a vu le score des communistes diminuer, et les verts réaliser des exploits épisodiques. En revanche, le Front national s’impose désormais comme une force politique structurante de la scène nationale et européenne ; en Angleterre les libéraux (Libdem), archétype de la « troisième force », sont en crise et ont été supplantés par le UKIP, position confirmée aux élections européennes de mai 2014 qui ont placé le parti europhobe en tête.

Les « outsiders » gagnent du terrain : trois formations dépassent les 15% en 2014, contre deux en 2009 et seulement une en 2004. Mieux, tous les trois totalisent plus de 20%, seuil jamais atteint depuis 1979 pour ce type de force politique non traditionnelle.

Ce seuil (20%) laisse penser que ces partis qui ne datent pas d’hier (le Front national a été créé en 1972), constituent désormais une réalité structurelle, obligeant les partis traditionnels à répondre sur le terrain des idées, autrement dit malgré des lois électorales, construites bien souvent avec l’espoir de stopper l’ascension de ces nouveaux et redoutables concurrents.

Traduit de l’italien par Sarah Nerozzi-Banfi

Crédit photo : Sarah @ pingsandneedles

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