La LSE : histoire d’une success story britannique… et mondiale

Fondapol | 10 août 2011

Marie Scot, La London School of Economics and Political Science, 1895 – 2010, Paris, PUF, 2011, 392 pages, 25€

10.08.2011

Il est peu d’institutions universitaires qui inspirent à la fois l’admiration, le respect et l’envie dans le monde entier.

La London School of Economics (LSE) en fait partie. Fondée en 1895 à l’initiative de personnalités de la Fabian Society, longtemps dirigée par le célèbre William Beveridge, elle a formé des générations de futurs chefs d’Etat et de Gouvernement parmi ses élèves. Parmi les enseignants qui s’y sont illustrés, on relève au hasard les noms de Friedrich Hayek, Karl Popper… et ceux de 16 prix Nobel (dont 11 en économie) !

C’est l’histoire de cette success story à l’anglaise que l’ouvrage de Marie Scot retrace avec précision.

Une histoire en quatre temps

L’approche de l’historienne est classiquement chronologique, qui distingue quatre temps de l’histoire de cette prestigieuse école.

La première époque serait celle de la création de la LSE et de son affirmation face aux institutions universitaires britanniques déjà existantes (1895-1919). Y succéderait une  « première internationalisation » entre 1920 et 1944, avant que s’établissent des relations spéciales et privilégiées avec les Etats-Unis et l’Empire pendant la Guerre froide (1945-1974). Depuis 1975, la LSE fait enfin figure de world-class university et de front pionnier de la mondialisation.

On relève cependant un certain nombre de constantes dans ce chemin d’excellence, que bien des institutions universitaires françaises aimeraient emprunter…

Le pari de la recherche et de l’innovation en sciences sociales

La LSE a, dès l’origine, souhaité s’affirmer comme un des centres de recherche les plus dynamiques en sciences sociales.

Les choix scientifiques des créateurs de la LSE positionnent en effet l’Ecole comme un centre majeur de dimension internationale. Cette orientation va influencer toute l’histoire de la LSE, qui est marquée par des personnalités comme Webb et Beveridge : ceux-ci étaient convaincus que les sciences sociales portaient en elles les solutions aux problèmes contemporains.

L’innovation dans l’enseignement est en outre au fondement de l’identité de la LSE. L’Ecole a été créée dans un contexte de mutations de l’enseignement supérieur britannique –dominé jusque-là par les ancient univerisities de Cambridge et Oxford. Pour exister, elle n’avait d’autre choix que de se différencier sur le fond, s’inspirant fortement de modèles étrangers.

La LSE et le libéralisme économique

Cette innovation disciplinaire s’est manifestée en particulier dans l’étude de la science économique. Il s’agissait au départ pour la LSE de proposer une « alternative » à l’enseignement de Cambridge et d’interroger le libéralisme économique, comme le faisait du reste la Société fabienne.

Par un intéressant renversement, la LSE est devenue ensuite un bastion de l’économie classique, autour de personnalités comme Hayek et Robbins, qui n’eurent de cesse de déconstruire les théories de Keynes (l’économiste de Cambridge adopté par la Gauche !) puis de critiquer les théories du développement.

Faire des études commerciales et de la science politique des disciplines à part entière

Autre nouveauté majeure introduite rapidement par la LSE : l’enseignement de l’économie appliquée, c’est-à-dire des études commerciales. Ce fut un des « cœurs de métier » de l’Ecole, dès sa création. Le résultat est là aujourd’hui : la LSE délivre de nombreux diplômes de business et forme l’élite économique de Grande-Bretagne et d’ailleurs.

Dans un autre registre, la LSE a affirmé sa singularité en faisant des sciences politiques une discipline à part entière. Elle a ainsi innové par rapport aux autres institutions universitaires britanniques en proposant un enseignement de sciences politiques distinct de la philosophie politique, s’inspirant pour cela de modèles étrangers.

Comment devient-on une des capitales intellectuelles du monde ?

Si la LSE est aujourd’hui une des capitales intellectuelles du monde, elle le doit incontestablement au choix de départ de ses fondateurs, qui ont fait le pari de l’internationalisation pour leur recrutement d’enseignants et leur public étudiant.

Des premiers étudiants étrangers, venant de l’Empire et du monde anglo-saxons, à ceux de 2010 qui viennent de 161 pays différents (et principalement d’Asie), le recrutement des élèves a toujours été diversifié. En 2010, la LSE accueille respectivement 68 % et 45 % d’étudiants et d’enseignants étrangers.

Une internationalisation précoce, qui se ressent dans le contenu des enseignements

L’internationalisation de la LSE se ressent aussi dans le contenu de ses enseignements.

Si certains ont toujours été résolument tournés vers l’Empire (colonial studies des origines, puis development studies de la seconde moitié du XXème), d’autres comportent une forte dimension mondiale.

C’est ainsi que sous l’impulsion de la Société des Nations et d’un mouvement internationaliste que les relations internationales furent, à la LSE, érigées en discipline de plein droit à l’issue de la Première Guerre Aujourd’hui, la dimension transversale se retrouve à travers le thème de la mondialisation, qui traverse de nombreux cours donnés à la LSE.

Une nursery de futurs leaders mondiaux 

En un siècle, et alors même que sa création est marquée par l’impossibilité de prendre en charge la formation des élites britanniques, monopole de Cambridge et Oxford, l’Ecole a fondé un réseau inestimable de leaders politiques, économiques et universitaires qui, après leurs études, sont partis diriger des institutions de premier plan, nationales ou internationales.

L’un des atouts de la LSE est donc son réseau d’anciens élèves, qui souvent manifestent un solide attachement à l’établissement[1].

Ce réseau d’anciens est renforcé par une forte capacité d’expertise qui s’est considérablement développée à la fin du XXème siècle, faisant de la LSE un centre unique de « consultance ».

Une histoire de financements

Fondée grâce à un don, la LSE a su prospérer en jouant sur les financements privés. Elle a ainsi noué de fructueux (mais parfois houleux) partenariats avec des institutions comme la Fondation Rockefeller (qui révolutionna l’école au début du XXème) ou la Suntory-Toyota Foundation (un siècle plus tard).

Mais la LSE a aussi bénéficié un temps de financements publics considérables après la Seconde Guerre mondiale : elle fut alors victime d’une forme d’intrusion étatique dans sa gestion…

A l’issue de près de 400 pages très denses,  la conclusion de Marie Scot laisse transparaitre une inquiétude en forme de critique : la transformation de la LSE en usine à masters où les diplômes deviennent très onéreux se ferait au détriment de la tradition de recherche… L’auteur s’emploie en outre à déconstruire la notion de world class university, relevant que « l’ « international » n’est souvent qu’un masque commode mais galvaudé pour « occidental » » et que « la mondialisation universitaire ne réunit que l’internationale des élites internationales, occidentales ou en voie d’occidentalisation ».

La critique est un peu vaine et trop évasive pour convaincre, là où tout le livre de Marie Scot montre que la LSE est bien une des capitales universitaires du monde !

Erwan Le Noan


[1]     A ce titre, il faut relever le rôle particulier qu’elle a joué dans la formation des élites des pays décolonisés de l’Empire britannique.

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