Législatives 2024 à Paris : victoire du NFP, résistance de la coalition Ensemble et montée silencieuse du RN
Mélodie Jourdain, Nicola Gaddoni | 11 juillet 2024
Les élections législatives de 2024 à Paris ont été marquées par la victoire du Nouveau Front Populaire ainsi que par une résistance notable de la coalition Ensemble. Toutefois, une observation plus approfondie des résultats révèle aussi une progression significative du vote en faveur du Rassemblement National, dans un milieu traditionnellement réfractaire à l'extrême droite.
Les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024, découlant de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron trois semaines auparavant, ont enregistré un taux de participation de 66,7 %. Ce sont près de 33 millions d’électeurs qui se sont rendus aux urnes, soit autour de 10 millions de plus que lors des élections législatives de juin 2022. Cet afflux massif de participation a mécaniquement engendré une augmentation du nombre des suffrages obtenus par les principales forces politiques : le Rassemblement National (RN), le Nouveau Front Populaire (NFP) et la coalition Ensemble rassemblant Renaissance, Horizons et le MoDem.
Si on se concentre sur le nombre de voix obtenues au premier tour, on observe que, au niveau national, les principaux partis de gauche, réunis sous l’étiquette NFP, ont recueilli presque 9 millions de voix, soit 3 millions de plus qu’en 2022, où ils se présentaient au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES). La coalition Ensemble totalise 6,4 millions de suffrages, soit une augmentation de plus de 500 000 voix par rapport à 2022. Enfin, le RN et ses alliés arrivent en tête avec 10,6 millions de suffrages, représentant une progression de 6 millions de voix par rapport à 2022.
À Paris aussi la participation a fortement augmenté. Elle dépasse même 73 % au premier tour, avec plus d’un million d’électeurs le 30 juin 2024, contre 750 000 le 12 juin 2022. Cependant, la capitale se démarque du reste du pays par la ventilation de ses résultats, la grande majorité de ses circonscriptions étant acquises par la gauche dès le premier tour ou présentant des candidats NFP et Ensemble en duel au second tour. L’arrivée en tête du Rassemblement National au premier tour au niveau national ne semble pratiquement pas se ressentir dans la capitale, faisant de Paris une exception.
La 15e circonscription de la capitale représente un cas particulier de la proéminence de la gauche à Paris, où se sont affrontées au second tour Danielle Simonnet, candidate dissidente n’ayant pas reçu l’investiture de La France Insoumise, et Céline Verzeletti, candidate officielle du NFP. Une configuration similaire s’était déjà présentée en 2022, où deux candidates de gauche, Danielle Simonnet, officiellement investie par la NUPES, et Lamia El Aaraje, députée sortante du Parti Socialiste non réinvestie, récoltaient le plus de voix et s’affrontaient donc au second tour. Dans le cadre de cette analyse, nous avons reporté les voix des deux candidates en 2024 ainsi qu’en 2022. Le nombre de voix obtenues par les candidates officielles et par les candidates dissidentes a été additionné pour calculer le pourcentage total obtenu par la NUPES et le NFP à Paris, ainsi que pour déterminer le pourcentage d’augmentation.
Un pourcentage d’augmentation est une manière de mesurer à quel point une valeur a augmenté par rapport à une valeur précédente. Dans le contexte des élections législatives, il permet de comparer le nombre de voix obtenues par un parti politique à deux moments différents, ici en 2022 et en 2024, pour voir à quel point le soutien pour ce parti a augmenté ou diminué. Par exemple, en 2022 la NUPES a obtenu 288 047 voix à Paris. En 2024, le Nouveau Front Populaire, qui a succédé à la NUPES, a obtenu 442 097 voix. Le pourcentage d’augmentation nous indique dans quelle proportion le nombre de voix a augmenté par rapport à 2022. En comparant ces deux chiffres, on constate que le Nouveau Front Populaire a obtenu 154 050 voix de plus qu’en 2022. Pour exprimer cette augmentation en pourcentage, on peut dire que le nombre de voix a augmenté d’environ 53 % par rapport à la NUPES en 2022.
Un duopole NFP/Ensemble
Lors des élections législatives de 2024, dans la capitale, le Nouveau Front Populaire s’impose comme la première force politique, et d’abord en termes de sièges : 9 circonscriptions ont été gagnées au premier tour et 3 circonscriptions ont été emportées au second tour, pour un total de 12 circonscriptions sur 18. En ce qui concerne les performances électorales du premier tour, le NFP récolte 44,75 % des suffrages exprimés, contre 38,69 % sous l’étiquette de la NUPES lors des législatives de 2022.
L’augmentation de la participation à Paris a conduit à une augmentation du nombre de voix en faveur du NFP par rapport au nombre de voix obtenu par la NUPES en 2022 (442 097 contre 288 047), avec un pourcentage d’augmentation qui correspond à 53 %2.
Malgré un recul par rapport à 2022, la coalition Ensemble conserve sa position de deuxième force politique de la capitale, en remportant au second tour les 6 circonscriptions restantes (contre 9 en 2022). Le pourcentage d’augmentation calculé sur la base du nombre de voix nous révèle une progression de 27 %.
Un vote RN qui monte en toile de fond
Non seulement les candidats du Rassemblement National n’ont remporté aucune des 18 circonscriptions parisiennes, mais ils ont été exclus du second tour dans l’ensemble des circonscriptions, à l’exception de la 14e, où Louis Piquet, candidat proche d’Éric Ciotti et soutenu par le RN, a pu franchir le premier tour ; il a cependant été largement battu au second tour, avec 27,67% des suffrages exprimés contre 72,33% pour Benjamin Haddad, le candidat de la coalition Ensemble.
Ces résultats confirment amplement l’exception parisienne, caractérisée par un soutien au parti d’extrême droite significativement moins prononcé comparé au reste du pays. À Paris, les candidats soutenus par le Rassemblement National et ses alliés n’ont recueilli que 10,70 % des suffrages au premier tour, contre un résultat national de 33 %.
Cependant, certaines données montrent une nette progression du vote RN dans la capitale. En 2022, 16 des 18 candidats du Rassemblement National à Paris se positionnaient entre la 7e et la 4e place, et ils n’arrivaient en 3e position que dans deux circonscriptions. En 2024, cette tendance s’inverse : les candidats soutenus par le RN occupent la troisième position dans toutes les circonscriptions parisiennes, à l’exception des 2e, 4e et 15e circonscriptions. Cette progression est également visible dans l’évolution des suffrages exprimés obtenus par les candidats RN sur l’ensemble des circonscriptions parisiennes, qui passe de 3,85 % en 2022 à 10,70 % en 2024.
L’ampleur de cette progression est mise en évidence par le nombre de voix recueillies par les candidats du RN à Paris sur l’ensemble des circonscriptions. Celui-ci est passé de 28 634 voix lors du premier tour en 2022 à 105 602 voix en 2024, soit une augmentation de 269 %.
Ce pourcentage de progression est de loin le plus élevé de toutes les forces politiques présentes à Paris lors des législatives de 2024, attestant d’une diffusion du vote RN dans des milieux qui y étaient traditionnellement plus réticents. Dans cette perspective, notons que les meilleurs résultats sont obtenus dans la 14e circonscription (17,56 % des voix exprimées), dans la 4e circonscription (15,55 %) et dans la 12e circonscription (14,41 %), où le parti de Marine Le Pen soutenait des candidats dans le cadre d’une alliance avec les Républicains d’Éric Ciotti.
De plus, le résultat historique du Rassemblement National à Paris s’accompagne d’un effondrement de Reconquête !. En 2022, le parti d’Éric Zemmour obtenait 5,13 % des suffrages exprimés, soit 1,28 points de pourcentage au-dessus du RN. En 2024, le score totalisé par les candidats de Reconquête ! sur l’ensemble des circonscriptions parisiennes ne dépasse pas 1,30 %. Le parti Reconquête !, qui faisait figure d’alternative d’extrême droite au Rassemblement National, et qui fut considéré comme plus facilement acceptée par l’électorat de droite des métropoles, a perdu toute son attractivité.
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