Migrations climatiques : les défis de leur prise en compte
Louis Malbète | 27 février 2017
Ils ne bénéficient d’aucun statut ou cadre juridique, sont exclus de la majorité des débats publics, et pourtant, leur volume est exponentiel, et leur présence prégnante : voici les réfugiés climatiques.
Ce sont ces personnes contraintes de quitter, de manière temporaire ou partielle, leur lieu de vie, à cause d’une dégradation environnementale affectant leurs conditions de vie ou leur sécurité. Bien que ces estimations soient à relativiser, certains spécialistes de l’ONU avancent que la dégradation environnementale serait la première cause de migration dans le monde, et que le nombre (excessivement élevé) de réfugiés climatiques pourrait s’élever à 250 millions d’ici à 2050. Dès lors, de quels phénomènes ces migrants climatiques sont-ils la conséquence, et comment appréhender localement et globalement cette nouvelle forme de déplacement de personnes ?
Des îles Tuvalu, dont l’existence même est menacée par la montée des eaux, au communautés pastorales du nord du Kenya contraintes par la sécheresse à vendre leur bétail et migrer vers le Sud-ouest miné par des conflits armés, en passant par le village de Newtok en Alaska qui sera, au rythme actuel, envahi sous les eaux d’ici à 2030, les exemples concrets et on ne peut plus actuels de migration induits par des causes environnementales sont pléthoriques. Nonobstant cette liste à rallonge, force est de constater que très peu a été fait pour répondre à ces phénomènes. Il y a peu de reconnaissance des migrations climatiques au niveau des politiques nationales (les phénomènes migratoires étant dans une vaste majorité causés par une variété de facteurs simultanés, le facteur environnemental peine à se démarquer), et les accords de Paris de 2015 ne consacrent à la chose qu’un paragraphe de trois lignes purement descriptif et non-contraignant, ce qui contraste grandement avec les ambitions affichées de la COP21. Quelles solutions pourraient donc être envisagées ?
Mettons tout d’abord en perspective le terme de « réfugié climatique ». Ces gens n’ont de réfugiés que le nom, puisque le statut juridique de « réfugié climatique » n’existe pas (excepté en Finlande et en Suède). Le cadre juridique international n’a toujours pas dépassé la dichotomie entre réfugiés politiques d’un côté (migration forcée, et causée par des phénomènes politiques dans le pays d’origine) et migrants économiques de l’autre (migration qui serait volontaire, causée par l’espoir d’une vie meilleure dans le lieu d’arrivée). Ainsi, une solution serait de dépasser cette dichotomie d’encadrer par le droit international public les migrations dues à des facteurs environnementaux.
Par ailleurs, les migrations environnementales étant dans la majeure partie des cas internes à un même pays, ou réparties sur deux pays voisins, une seconde solution pourrait être le développement d’accords régionaux ou bilatéraux chez les pays concernés. C’est précisément ce qui a porté ses fruits dans le cas des Iles Tuvalu. En 2001 fut créé un « Pacific Access Category Agreement », octroyant aux habitants des îles Tuvalu, Kiribati et Fidji (clairement menacées par la montée des eaux) des facilités dans la procédure d’obtention d’un visa afin d’émigrer en Nouvelle-Zélande. Si cet accord ne résout bien évidemment pas le problème de la montée des eaux, il permet d’y faire face sur le court-terme et au niveau individuel, et met en exergue la nécessité d’une prise de conscience au niveau international : au problème global qu’est le changement climatique à l’origine de ces migrations, il convient d’apporter des réponses d’ordre global.
Ainsi, apparaît un décalage patent entre le caractère prégnant de la question, au vu des effets parfois dévastateurs qu’elle peut avoir sur certaines populations, et les mesures concrètement mises en place au niveau régional ou multilatéral. Des solutions existent, mais elles ne pourront pas être implémentées sans volonté politique
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