Passage du Rio Grande : une voie d’accès à la maison blanche

Fatoumata Cissé | 01 mai 2015

 Vote États-UnisPassage du Rio Grande : une voie d’accès à la maison blanche

Par Fatoumata Cissé

La population hispanique américaine est devenue la première minorité ethnique aux États-Unis, devant les Afro-Américains. En  2013, on recensait 53 millions d’hispaniques, soit 17% de la population américaine. Ils représentent un tiers des électeurs et sont donc l’un des électorats les plus prisés par les Démocrates et les Républicains. La communauté hispanique américaine est de ce fait décisive dans la course à la présidentielle en étant « la clé de la Maison Blanche ».

La communauté  hispanique américaine se compose de plusieurs nationalités d’Amérique Centrale et Latine émigrant du Mexique, de Porto Rico et de Cuba. La migration s’est principalement opérée dans les années 1960 et 1970  vers le Texas, la Californie, et New York. L’électorat hispanique au Texas atteindra ainsi les 38% de l’électorat total d’ici 2030 !

En ce sens, obtenir l’adhésion de cet électorat constitue une bataille permanente pour les partis politiques américains. Ce vote communautaire est particulièrement stratégique car la plupart des hispaniques sont des « électeurs indépendants » dont le bulletin de vote n’incombe à aucun parti, au contraire du vote noir américain davantage favorable aux Démocrates depuis plusieurs décennies. Il s’agit donc d’une véritable course à la surenchère entre le Grand Old Party et les Démocrates pour séduire un électorat décisif pour l’emporter en 2016.

La stratégie du camp démocrate est de focaliser le débat autour des enjeux migratoires, notamment avec le discours du « chaque personne a au moins un ami, un collègue, ou un membre de sa famille, en situation irrégulière ». L’élection de Barack Obama en 2008 a prouvé l’impact positif de cette communication qui n’a pas laissé indifférente la communauté hispanique[1].

La performance démocrate a provoqué une prise de conscience à l’intérieur du camp républicain. Nostalgiques de la sympathie que suscitaient Reagan dans les années 80 et Bush en 2000 auprès des hispaniques, les conservateurs ont décidé de partir à la conquête de leurs voix. Pour ce faire, toutes les stratégies sont bonnes, car la conquête locale est rude : présence d’élus locaux aux cérémonies de naturalisations[2], discours (primaires de 2002 au Texas) et spots publicitaires bilingues, stratégies de communication au travers de la vie privée des élus en mettant en le métissage des couples[3].

D’autre part, les républicains disposent d’un atout par l’analogie des valeurs fondamentales de la communauté et de celles du parti au sujet de la famille, du travail et de la religion. Ceci dit, depuis peu, des divergences apparaissent, notamment en ce qui concerne le mariage homosexuel : 63% des hispaniques pensent que les gays et les lesbiennes doivent avoir le droit de se marier, ce qui n’était pas le cas auparavant. Les caractéristiques politiques définissant cette communauté sont ainsi de plus en plus incertaines et complexes.

Pour les Républicains, l’équilibre n’est pas toujours évident à trouver, avec d’un côté des annonces de nature conservatrice à l’endroit des fondamentalistes du parti, et de l’autre des « speechs » pro-immigration, qui relèvent d’une réelle tradition libérale du parti. Reagan avait régularisé en 1986 la situation de 3 millions de clandestins et il existe un discours qui met en avant l’importance de l’enjeu économique de l’immigration. Aujourd’hui, toutefois, le parti est divisé, par exemple, à propos du maintien ou non de la bourse accordée aux immigrés résidant au Texas : le Texas Dream Act que certains cadres du parti veulent supprimer parce qu’elle serait « injuste envers les citoyens américains ». Certains militants républicains hispaniques cherchent donc encore leurs places dans ce jeu politique.

Peut-être la trouveront ils en la personne du sénateur de Miami, Mario Rubio, candidat à la primaire républicaine pour l’investiture présidentielle de 2016. En dépit de ses opinions polémiques relatives à la politique étrangère et à la défense, ce jeune candidat de 43 ans d’origine cubaine, ne polarise pas ses projets uniquement sur la politique migratoire. Il a compris que les préoccupations de la population hispanique ne résident pas que dans la question de l’immigration, mais surtout dans les politiques liées au logement, à l’économie, et à l’éducation.

Les enjeux pour conquérir le vote hispanique sont immenses. 2016 s’annonce particulièrement ardue.

[1] http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/voteac.pdf

[2] http://books.openedition.org/iheal/1851?lang=fr

[3] http://www.lejdd.fr/International/USA/Qui-est-le-jeune-Marco-Rubio-nouveau-candidat-republicain-a-la-Maison-Blanche-727940#

 Crédits photo : niyazz / Flickr

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