Portrait-robot de l’eurodéputé français
28 mai 2014
Portrait-robot de l’eurodéputé français
Une fois de plus, la consultation européenne n’aura même pas mobilisé la moitié du corps électoral[1]. Cette énième victoire de l’abstention ainsi que l’inquiétante progression des labels politiques populistes sont loin de constituer des nouvelles réjouissantes pour le projet européen. Ces données permettent toutefois de replacer au cœur du débat un problème récurrent de nos démocraties modernes : celui de l’éloignement réel ou ressenti, de nos représentants. Dans cette optique, nous avons souhaité établir un profil-type de l’eurodéputé français à partir de plusieurs variables (âge, sexe, diplôme, catégorie socio-professionnelle, mandat et activité parlementaire).
Un métier d’hommes murs !
Le premier constat révèle que la politique s’apparente d’abord à un métier d’hommes murs. Avec 57,5 ans de moyenne, les eurodéputés français appartiennent à la même génération que les députés nationaux (54,6 ans). En 2014, seul un eurodéputé sur cinq a moins de 50 ans. Une proportion que l’on retrouve à l’Assemblée nationale (¼). Ces données soulignent la faiblesse du renouvellement générationnel des responsables politiques dans notre pays. Les dernières opérations électorales obligent toutefois à nuancer ce propos. Ainsi, lors des élections législatives de 2012, 40% des députés élus étaient des « primo-entrants », contre seulement 20% en 2007.
Lors de la Ve législature (1999-2004), plus de 80% des eurodéputés français appartenaient aux catégories socio-professionnelles supérieures (cadres, professions libérales, professions intellectuelles supérieures, etc.)[2]. Selon l’INSEE pourtant, les CSP + ne représentent que 10% de la population française.
La question des indemnités parlementaires mérite d’ailleurs d’être évoquée. En France, un député perçoit 7100 euros brut par mois[3]. Un eurodéputé plafonne à 8020 euros[4]. À cela, il faut ajouter une indemnité de frais généraux (4 299 euros) ainsi qu’une indemnité journalière de subsistance (304 euros). Les frais de voyages sont également pris en charge par l’institution. Au final, ces revenus intègrent les parlementaires européens parmi les 5% les plus riches de France.
Si les eurodéputés et députés nationaux partagent de nombreux points communs, le Parlement européen cultive néanmoins sa différence, notamment en matière de parité. Alors que le Palais Bourbon abrite seulement 25% de femmes, ces dernières représentent 47,3 % de l’hémicycle au Parlement européen.
Des cumulards relativement assidus
L’activité parlementaire constitue une donnée fondamentale mais difficile à évaluer. Si on en croit Le Figaro, 25% des députés sont intervenus moins de dix fois en séance publique ou commission sur une période de deux ans[5]. Là encore, les eurodéputés marquent leur différence avec 83% de présence en séance plénière[6]. Classée en 21e position sur les 28 pays membres de l’Union européenne[7], la France reste un mauvais élève.
Concernant la durée de leur mandat, les eurodéputés français siègent en moyenne 5,9 ans au Parlement européen. La plupart n’effectue donc qu’un seul mandat (5 ans). Leurs confrères britanniques affichent une plus grande continuité avec 9,7 années passées au Parlement européen (soit deux mandats). Ces écarts s’expliquent par la porosité des champs politiques national et européen en France. Les carrières politiques sont parsemées d’allers retours fréquents à l’image de Vincent Peillon, député de la Somme jusqu’en 2002, élu député européen en 2004, nommé ministre de l’Éducation nationale en 2012 puis remercié lors du dernier remaniement, le 31 mars 2014. Vincent Peillon signe aujourd’hui son retour au Parlement de Strasbourg.
En définitive, si l’on devait tracer à grands traits le portrait-robot de l’eurodéputé, il s’agirait d’un homme mur (entre 52 et 62 ans), appartenant aux CSP + (cadre, professions intellectuelles), ayant effectué deux mandats et relativement assidu au Parlement européen. Il serait membre du Parti populaire européen (coalition de droite) et cumulerait avec deux voire trois fonctions exécutives locales. Philippe Boulland, député européen UMP de la circonscription Nord-Ouest se rapproche le plus de ces critères. Ce médecin généraliste de 58 ans est parallèlement conseiller général et adjoint au maire de Betz dans l’Oise (60). Enfin, son taux de participation aux séances plénières est de 87,5%.
Léna Discala
Mathieu Lyoen
Crédit photo : poptech
[2] W. Beauvallet, V. Lepaux et S. Michon, « Qui sont les eurodéputés ? », Etudes européennes, 2004-2014.
[3] Fiche n°17 : la situation matérielle du député. Site de l’Assemblée nationale.
[5] Bastien Hugues, « Activité des députés : les bons élèves et les cancres », Le Figaro, 23.04.2009.
[6] Selon le site VoteWatch (mesurée par le vote, qui ne peut se faire par procuration et nécessite donc une présence physique).
[7] Hermance Murgue, « Les Français, ces mauvais élèves du Parlement européen », L’Express, 14.04.2014.
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