Taxe carbone flottante: l’usine à gaz
08 mars 2019
Il y a deux semaines, Emmanuel Macron fermait la porte à toute augmentation de la fiscalité. Mais comme avec la « pause fiscale » de François Hollande, la déclaration n’a pas été suivie d’effet : ses ministres ont poursuivi leur concours d’idées d’impôts nouveaux ; lui-même a dit réfléchir à une taxe carbone « flottante ». Ce projet, critiqué par Bruno Le Maire, écarterait toute augmentation systématique de la taxe écologique pour lui préférer une évolution « qui varie en fonction des cours mondiaux » : quand le prix du pétrole monte, la taxe reste stable ou baisse (comme la TIPP flottante du gouvernement Jospin).
Comment imaginer projet plus parfaitement technocratique que celui-ci ? On y retrouve tous les ingrédients de la bureaucratie, rationnels sur le papier, irréalistes en pratique.
D’abord, la complexité. Le mécanisme même du projet rend sa lisibilité peu aisée pour les citoyens ou le Parlement, qui doit le contrôler : aucun ne pourra savoir à l’avance dans quelle mesure la fiscalité évoluera réellement.
Ensuite, l’absence de principe de réalité. Les expériences passées devraient enseigner qu’il sera politiquement aisé de faire évoluer la taxe à la baisse, mais que la tâche sera autrement plus ardue à assumer quand la tendance sera à la hausse. A ce titre, il ne serait pas surprenant que l’administration envisage un mécanisme d’ajustement automatique, répondant à ses rêves de gestion froide du monde et d’effacement du politique.
Pour que cette taxe supplémentaire soit moins douloureuse, il existe une voie : baisser la fiscalité dans son ensemble. Cela suppose beaucoup de courage, de détermination et d’imagination
Justice fiscale. Autre tare : l’illusion de justice fiscale. Le Président l’a relevé à raison : la fiscalité sur l’essence n’affecte pas de la même façon les citoyens selon leur lieu de résidence ou leur pouvoir d’achat. Qu’à cela ne tienne, Terra Nova a une solution : créer une « prime de transition écologique » pour les plus modestes. En clair, une subvention pour que les citoyens paient leurs impôts…
Voilà qui renvoie à un cinquième défaut du débat écologique : l’illusion de l’argent magique. Brune Poirson, secrétaire d’Etat, l’a promis : « On ne va pas financer la transition énergétique avec l’argent du contribuable ». Mais alors, avec lequel ? S’il ne s’agit pas de recettes publiques, c’est que le privé devra mettre la main à la poche. Au final, c’est toujours le consommateur qui paie. Le politique doit assumer que la transformation écologique, qui est un investissement majeur, a un coût.
Enfin et surtout, le projet illustre un manque de courage politique. Contrairement à ce que semble indiquer François de Rugy qui s’inquiète qu’on « abandonne » « tout ce qui y est recette », l’ambition de la fiscalité écologique n’est pas d’abonder le budget de l’Etat : elle est, particulièrement dans le cas de la taxe carbone, de décourager les comportements qui sont considérés comme nocifs. Dès lors, il faut souhaiter qu’elle ait un impact clair sur la consommation et ne pas chercher à l’atténuer.
Pour que cette taxe supplémentaire soit moins douloureuse, il existe une voie : baisser la fiscalité dans son ensemble. Cela suppose beaucoup de courage, de détermination et d’imagination. C’est ce qui visiblement fait défaut aujourd’hui. Si prompt à expliquer aux entreprises comment elles doivent se comporter, le gouvernement semble bien à la peine quand il s’agit de faire baisser la fiscalité et de rationaliser la dépense publique. La créativité débridée de ses ministres et de la majorité devrait plutôt se porter sur ces sujets !
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