Résumé

Introduction : les cinq remises en cause du «politiquement correct» climatique

I.

Des renouvelables par centaines de milliards… mais l’inertie d’une infrastructure qui pèse plus de 100.000 milliards de dollars

1.

Mille millions de murailles de Chine !

2.

Carbone global contre ego territoriaux

II.

Subventions aux énergies fossiles : le wishful thinking de l’OCDE et du FMI

III.

Du charbon pour trois siècles, du gaz pour deux et du pétrole pour au moins six décennies : le rôle clé d’un développement responsable des hydrocarbures

IV.

Europe : le triptyque renouvelable, charbon et bonne conscience

V.

Bien-être, besoins économiques, croissance et décroissance

1.

laudato si’

2.

Good « COP21 », bad « COP21 » : une conférence nécessaire mais non suffisante

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Résumé

La COP21 a été analysée dans notre première note * en termes géopolitiques. Le processus onusien favorise une prise de conscience planétaire mais donne des signes d’épuisement. Le comportement kantien de l’Europe contraste avec le jeu des autres puissances qui placent la souveraineté nationale au sommet de leurs valeurs sur un mode plus machiavélien que kantien.

Replaçant les efforts considérables de la transition dans le cadre des « stocks » proprement gigantesques et infrastructures en tous genres sur lesquels repose le système économique, la présente note constate que l’objectif central de la COP21 – limiter le réchauffement à 2 °C – ne pourra être atteint. L’espoir est formulé qu’elle soit néanmoins a good « COP21 » en entamant une réflexion sur cinq tabous de la diplomatie climatique actuelle : le premier tabou est celui du rôle central de l’ONU ; le second celui d’une fixation trop exclusive sur des énergies renouvelables très nécessaires mais insuffisantes à la réussite ;

le troisième celui d’une approche des hydrocarbures dans laquelle le mépris l’emporte sur la gestion responsable ; le quatrième celui d’une Europe prétendument exemplaire, dont l’Energiewende allemande serait un modèle avancé. Enfin le dernier tabou, non le moindre, est la certitude que l’on affiche de pouvoir endiguer le réchauffement sans remise en cause douloureuse des modèles de croissance tout en assurant le développement d’une planète dont la population et la classe moyenne avide de consommation auront grandi de plusieurs milliards d’individus. Trois pistes de réflexion s’ouvrent alors. L’une dans le sillage du Pape Francois et d’autres courants supposerait une conversion dont le monde ne donne que peu d’exemples. La seconde, celle de la géo-ingénierie climatique, n’est envisageable qu’à un avenir plus lointain. La dernière implique un surcroit de rationalité économique et diplomatique face aux politiques de transition autoréférences et à l’irénisme géopolitique européen.

Albert Bressand,

Senior fellow, Columbia Center for Sustainable International Investment, New York,et Professor of International Strategic Management in Energy, Rijksuniversiteit Groningen.

Introduction : les cinq remises en cause du «politiquement correct» climatique

Notes

1.

id., transition énergétique européenne : bonnes intentions et mauvais calculs, fondation pour l’innovation politique, juillet 2013, et énergie-Climat : pour une politique efficace, fondation pour l’innovation politique, septembre

+ -

Comme nous l’avons vu en examinant les points clés des négociations climatiques en cours dans la note précédente, ni l’Europe ni la planète ne gagnent grand-chose à ce que l’Europe se comporte en acteur kantien dans un monde qui oscille entre l’opportunisme de Machiavel et la guerre de tous contre tous que décrivait Hobbes dans son Léviathan. Ayant examiné les dimensions diplomatique et géopolitique de ces négociations, ayant vu, comme en conviennent tous  les  responsables,  que  la  COP21 ne permettra pas de mettre en place plus du tiers environ des réductions d’émissions nécessaires, il nous reste à examiner les obstacles structurels à ce que soit atteint l’objectif d’une limitation à 2°C du réchauffement. Précisons d’emblée que tout progrès est bon à prendre et que, mêmes limitées, les mesures attendues à Paris seront mieux que l’immobilisme ou le négationnisme climatique. Néanmoins, la nature ne décerne que rarement des prix de consolation pour «bonnes intentions et progrès» ; il n’est donc pas inutile de poser quelques questions qui sortent de l’épure onusienne et des présupposés sur lesquels elle est fondée.

Notre point de départ sera le contraste saisissant entre les efforts en cours, tout particulièrement le développement spectaculaire des énergies éoliennes et solaires en Europe, aux États-Unis et en Chine, et l’ampleur encore plus grande du défi climatique. Constater ce décalage n’enlève rien au mérite de ceux qui s’efforcent de réduire les causes du réchauffement, mais le moment est venu de cesser de confondre intensité de l’effort et niveau du résultat. Pour méritoires qu’ils soient, et en dépit des espoirs que le courant écologique place en eux, les efforts en cours ne sont pas à la hauteur du défi dans un monde où l’Europe représente à peine 10% des émissions de GES et où la Chine construit à la fois la plus grande capacité de génération renouvelable et suffisamment de nouvelles centrales au charbon et de villes nouvelles pour que la situation continue à se détériorer fortement. C’est ce paradoxe entre la somme des efforts en cours et l’ampleur encore plus vaste du défi qui est au centre de cette seconde note.

Face à des certitudes, dont nous avons montré qu’elles reposaient sur une confusion entre efforts, émotions et résultats1, cinq remises en cause nous paraissent nécessaires lorsque seront retombés le rideau de la COP21 et l’enthousiasme civique dont elle va être le point d’ancrage :

  • la première remise en cause porte sur le rôle utile mais aujourd’hui trop exclusif du cadre onusien, point traité dans notre première note à laquelle nous renvoyons ;
  • la deuxième, que nous allons présenter, porte sur la confiance excessive placée dans les renouvelables – cela sans en contester l’importance mais simplement au regard de l’ampleur du défi et de la taille du système en voie de transformation. L’Europe, sur ce point, raisonne dans son univers plutôt statique et en méconnaissant les effets systémiques dont le développement du charbon en Allemagne offre pourtant un clair – et décevant – exemple ;
  • la troisième, en sens inverse, porte sur la manière presque enfantine dont on parle aujourd’hui – ou dont on évite de parler – de tout ce qui touche aux hydrocarbures, comme si le mépris qu’on leur témoigne dans le discours et dans les politiques officielles allait contribuer à les faire disparaître. La manière dont la sortie du nucléaire est devenue pour certains un objectif en soi, une promesse de bonheur certes plus carboné mais au diapason d’une vision agropastorale du génie humain s’inscrit dans la même logique manichéenne qui oppose plutôt qu’elle ne combine et optimise ;
  • la quatrième remise en cause porte sur le caractère «exemplaire» des politiques climatiques de la France de 2015, qui va accueillir la COP21, et de l’Europe – notamment, le pilier essentiel que représentent les politiques énergétiques. Si ces politiques sont «exemplaires»,  dirons-nous,  c’est  en raison d’un ensemble de confusions que nos notes de 2013 et 2014   ont analysé : confusion entre bonnes intentions et impact climatique réel, confusion entre le sentiment gratifiant d’un comportement individuel vertueux et l’effet très limité de ce comportement sur la croissance des émissions au regard de la croissance économique des pays émergents2.
  • enfin, cinquième remise en cause autrement décapante, celle de la compatibilité entre climat et développement : à quelles conditions le développement d’une planète en marche vers 9 milliards d’hommes, dont 5 milliards appartiendront aux classes moyennes, et vers l’éradication – et on s’en félicite – de la pauvreté absolue peut-il être «durable» au sens climatique ? Sur ce dernier point, concluant par des questions quelque peu taboues, nous nous tournerons, d’une part, vers  des  mouvements très minoritaires, ceux de la décroissance, et, d’autre part, vers un leader beaucoup plus mainstream, pour ne pas dire trendy, Sa Sainteté le Pape François.
I Partie

Des renouvelables par centaines de milliards… mais l’inertie d’une infrastructure qui pèse plus de 100.000 milliards de dollars

Notes

3.

Le mécanisme redd (reduced emissions from deforestation and forest degradation) soutient les efforts des pays en développement pour limiter la déforestation.

+ -

4.

Katie Valentine, «it’s not a pipe dream: clean energy from water pipes comes to Portland», Climate Progress, 18 août 201 des expériences du même type sont en cours en france comme le montrait l’exposition ‘CoP 21 : des solutions contre le réchauffement climatique’ sur les quais de seine en septembre 2015.

+ -

5.

Agence internationale pour l’énergie, World energy outlook 2014,

+ -

6.

ExxonMobil, the outlook for energy: a View to 2040, juin

+ -

Pendant longtemps, l’objectif, on ne peut plus légitime, des activistes du climat a été de faire prendre conscience de la nécessité d’une transition vers une société mondiale sobre en carbone, objectif dont les trois piliers sont la sobriété en matière de carbone et d’énergie, l’évolution du mix énergétique et la protection ou l’expansion des forêts3. À s’en tenir à ces objectifs, il est réconfortant de constater qu’un progrès assez extraordinaire a été accompli en une petite dizaine d’années. Plus de la moitié des nouveaux investissements en centrales électriques vont désormais aux renouvelables. L’énergie solaire se développe à un rythme impressionnant, des taux de croissance annuelle de 30% étant à présent relativement communs et les émergents dépassant les Occidentaux – ainsi de l’Inde qui se prépare à déployer 100 GW d’ici à 2022. Dans le même temps, les prix de production baissent rapidement : l’éolien terrestre est aujourd’hui pratiquement compétitif avec les sources d’électricité thermique.

À plus long terme, un progrès multiforme est en marche comme on le voit par exemple pour les énergies de la mer. Le mouvement a pris de l’ampleur avec la participation des villes, qu’il s’agisse des grandes métropoles regroupées à l’initiative de New York  dans le C40 ou du millier de villes de trente  pays d’Europe réunies au sein du réseau d’origine française Energy Cities (anciennement Énergie-Cités). La géothermie – qui suppose des conditions géologiques favorables et des réseaux électriques renforcés – est prise en considération pour de nombreux lotissements ou écoquartiers, et il devient courant pour les métros modernes de récupérer l’énergie du freinage, tandis que des villes comme Portland, dans l’Oregon, commencent à exploiter l’énergie latente dans leurs circuits d’eau potables4. L’agriculture a rejoint le mouvement, avec notamment la méthanisation des déchets agricoles

  • 7.000 unités en Allemagne et 500 unités en France, chiffre qui devrait passer à 1.500 unités d’ici à 2020 selon la loi de transition énergétique et le plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA) de mars

Les flux de financement et la marée montante des «électrons verts» sont certes impressionnants, mais le stock sur lequel repose l’économie globale et la société humaine est encore bien plus considérable. Dans son scénario «Nouvelles politiques» qui envisage un approfondissement des politiques actuelles, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit des investissements de pas moins de 6.000 milliards de dollars dans les renouvelables entre 2012 et 2035, dont 2.100 milliards pour l’éolien, 1.600 milliards pour l’hydraulique, 1.200 milliards pour le solaire et 700 milliards pour la biomasse. De tels investissements sont quasiment pharaoniques, dépassant tout ce qu’on pouvait imaginer en l’an 2000. Mais l’électricité n’est qu’une forme d’énergie parmi d’autres et, au total, cet effort proprement gigantesque ne va pas permettre aux renouvelables d’augmenter leur part dans le bilan énergétique de plus de 5 points sur la période, passant de 14 à 19%5. Il faut compter sur un développement significatif du nucléaire hors d’Europe pour pouvoir annoncer qu’un demi-siècle après la conférence fondatrice de Rio, en 1992, et un tiers de siècle après le début d’un effort européen soutenu la part des énergies décarbonées dans le bilan atteindra 25% et celle des énergies carbonées encore 75%.

Comme on le voit en Allemagne, des investissements tout aussi considérables ont lieu dans les autres énergies – le charbon a représenté 45% de l’augmentation de production électrique de 2001 à 2011, et il est loin d’avoir dit son dernier mot. Mais, surtout, l’appareil industriel que viennent modifier ces investissements massifs est encore bien plus gigantesque. L’Europe parle de «transition» pour décrire la transformation de son système énergétique, mais le reste du monde est  d’abord  en croissance, et  ensuite  seulement en transition. De 2010 à 2040, la demande d’énergie dans les pays en développement va s’accroître de 65% et ces pays, qui consommaient à peu près autant d’énergie que les pays de l’OCDE en 2005, en consommeront deux fois plus6. À l’échelle de l’économie énergétique planétaire, on ne va hélas ! pas très loin avec un trillion de dollars…

1

Mille millions de murailles de Chine !

Notes

7.

Selon des calculs, certes approximatifs, de Mark Jacobson, professeur de génie civil et environnemental à l’université stanford, effectués à la demande de l’acteur Mark ruffalo (le Hulk des avengers), le remplacement complet des hydrocarbures par des économies d’énergie et des renouvelables à l’horizon 2030 coûterait envi- ron 100 000 milliards de dollars. Voir lætitia Mailhes, « Hulk veut mettre la planète au vert », libération, cahier écofutur, 2 avril les scénarios comme ceux de Greenpeace qui annoncent que le tout renouvelable est non seulement possible mais rentable grâce aux économies de combustibles supposent un monde à gouvernance idyllique prêt à échanger des bénéfices lointains pour des surcoûts considérables immédiats et ils oublient aussi que dans de tels scénarios le prix du pétrole tomberait à un niveau très bas proche des coûts de productions des pays clés de l’oPeP du fait de la chute de la demande, ce qui non seulement réduirait la valeur des gains de combustible mais supposerait une allocation des ressources échappant au mécanisme des prix. ils supposent donc une abstraction complète de la logique économique, renvoyant soit à la logique monacale de la décroissance (voir ci-dessous), soit à une planification centralisée impérative dont on a pu remarquer qu’elle exigeait un cadre politique quelque peu contraignant et ne produisait pas nécessairement l’avenir radieux escompté.

+ -

8.

Citée par Pierre Barthélémy, « entre 2000 et 2030, l’espace urbain mondial aura triplé », 23 septembre 2012

+ -

9.

Amber Williams, « a bigger city isn’t always better: density does not reliably predict per capita emissions », scientific american, septembre 2015, p. 100.

+ -

10.

« en 1990, près de la moitié de la population des pays en développement vivait avec moins de 1,25 dollar par jour ; cette proportion est tombée à 14% en au plan mondial, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté a diminué de plus de moitié, passant de 1,9 milliard en 1990 à 836 millions en 2015 » (onu, objectifs du Millénaire pour le développement. rapport 2015, p. 4).

+ -

11.

Source McKinsey, présentation au World economic forum 2014.

+ -

Oublions la muraille de Chine : le système énergétique et productif mondial au sens large est à coup sûr la plus vaste construction humaine de tous les temps. Pour paraphraser le Capitaine Haddock, c’est de mille millions de murailles de Chine qu’il s’agit ! La valeur de l’investissement que ce système représente en infrastructures de toutes formes – des dizaines de milliers de centrales électriques, des centaines de millions de moteurs à explosion comme ceux de nos voitures et machines, des chaudières en tous genres et des réseaux de distribution reliant pas loin de 1 milliard d’unités ou installations aux sources d’énergie, à quoi il faut ajouter l’ensemble des systèmes de soutien, de maintenance et de recherche… – dépasse de très loin l’image que s’en fait le commun des mortels. La valeur cumulée de l’investissement dans ce système énergétique et productif global doit être un chiffre à treize, voire à quatorze zéros, de l’ordre de 100.000 milliards d’euros au moins, et peut- être deux ou trois fois plus. L’inertie d’un tel système est bien supérieure à ce que peut imaginer le sympathique activiste posant ses recyclables au tri sélectif sur le chemin de l’inauguration de la mairie à énergie positive de sa petite ville, cela après avoir fait l’acquisition d’un bac à compost, d’une batterie pour mieux utiliser ses panneaux solaires et, pour les plus aisés, d’une voiture électrique qui, en Allemagne ou au vert Danemark, roulera pour moitié au charbon…7

Non seulement la population mondiale grandit à vue d’œil – 1 milliard de Terriens de plus entre 2000 et 2011 –, mais elle s’urbanise encore plus rapidement, et ce sont 1,5 milliard d’urbains supplémentaires que les villes accueilleront dans les seules deux décennies à venir. Les villes, souligne une étude récente de la National Academy of Sciences8, représentent aujourd’hui 0,5% de la totalité des terres émergées mais occuperont une surface trois fois plus grande en 2030, soit deux fois plus que la superficie de la France métropolitaine. Chaque jour, les villes progressent de 110 kilomètres carrés, soit à peu près la superficie de Paris. Certes, des villes plus denses et bien desservies peuvent réduire les émissions de GES par tête mais, à l’inverse, les terres bétonnées et la constitution de mégalopoles étalées (urban sprawl) amplifient ces émissions, appelant chaque fois des politiques spécifiques9. Et cette population, dont on néglige l’impact climatique en  observant  avec une certaine condescendance qu’elle sera pauvre et consommera bien moins par tête que l’Européen moyen, réduit considérablement la pauvreté absolue10 et s’enrichit à un rythme dont, là encore, le Français qui se débat dans une quasi-stagnation économique ne prend que rarement la mesure. De fait, à l’horizon 2030, la classe aisée (the global middle class) devrait compter 4,9 milliards d’humains, pour l’essentiel des Asiatiques, au lieu du 1,9 milliard actuel11 – une hausse de 150%, dont l’impact fera bien plus que compenser les efforts de sobriété européens. Les touristes chinois qui visitent les grands magasins du boulevard Haussmann dépensent en moyenne plus de 3.000 euros par personne en produits de luxe et grandes marques, et – surprise ! – bien peu d’entre eux posent des questions aux vendeurs sur la compatibilité de leurs achats avec les motions adoptées à la dernière université d’été d’Europe Écologie-Les Verts… La Chine est passée de Mao à Guizot, en utilisant l’équivalent du célèbre «Enrichissez-vous !» de ce dernier pour légitimer le pouvoir des successeurs du Grand Timonier.

2

Carbone global contre ego territoriaux

Notes

12.

 

La france émet 1 % aujourd’hui du carbone mondial et en émettrait environ 0,5 % à politique inchangée en en supposant que la politique du facteur 4 progresse à un rythme régulier pour aboutir à seulement 0,125 % du carbone mondial en 2015, le facteur 4 retirerait donc environ un demi de 0,375 % soit moins de 0,2 % des émissions mondiales sur les trente-cinq ans à venir. Ceci représente moins de 0,12 ppm de Ges dans l’atmosphère, qui se rajouteront à l’excès de carbone par rapport aux 270 ppm d’avant la révolution industrielle (400 ppm aujourd’hui). en analyse économique statique, supprimer 0,12 ppm ralentirait le réchauffement de 26 jours d’ici à 2050. en analyse d’équilibre général, l’impact du facteur 4 sera plutôt d’une douzaine de jours de ralentissement à l’horizon 2050. se limiter au facteur 2 au lieu du facteur 4 rajouterait 0,0625 % aux émis- sions mondiales d’ici à 2050, impliquant une différence de 8 jours en analyse statique et plutôt 4 jours en analyse dynamique – pas grand-chose. Pour la période 2050-2100 qui suit, le bénéfice de cette réduction est acquis depuis la première année, ce qui multiplie par deux l’impact cumulé. supposant les émissions mon- diales stabilisées, et sachant qu’il y a cinquante années au lieu de trente-cinq pour cette période, le ralentis- sement 2050-2100 est 10/7 deux fois plus important, soit trois fois environ la différence entre facteur 2 et facteur 4 sur toute la période 2015-2100 est alors de l’ordre de 1 mois en analyse statique et plutôt 16 jours en analyse dynamique (voir Bressand, 2014, op. cit., p. 44).

+ -

13.

Le calcul pour le différentiel 60% vs 50% pour l’europe est le même que pour le différentiel facteur 4 vs facteur 2 en france avec une proportionnalité de 4 (car l’europe émet dix fois plus que la france mais, en sens inverse, le différentiel 60 /50 est de 10 points, soit deux fois et demie moins que le différentiel 75/50)

+ -

Invoquer les renouvelables aujourd’hui, c’est non seulement parler d’énergie mais aussi promouvoir un mode de vie plus en harmonie avec la nature – plus «vertueux», aurait-on dit autrefois. La démarche est éminemment respectable au plan de l’éthique individuelle – nous appelons ici à la partager –, mais elle ne débouche pas sur une vertu climatique collective, du moins pas à l’échelle nécessaire.

Le danger est que la vertu trouve en elle-même sa récompense et qu’une Europe vertueuse se croit dispensée de la sordide arithmétique du carbone qui montre, par exemple, que le facteur 4 français ne fait gagner, en analyse d’équilibre général, que quatre jours de réchauffement par rapport au facteur 2, bien moins coûteux à l’horizon 2040. Quel homme politique, quel ministre de l’Environnement aura le courage de regarder les chiffres et de dire aux Français qu’on les invite à transformer très profondément leur mode de vie pour que la quantité de GES dans l’atmosphère soit le   31 décembre 2040 ce qu’elle aurait été le 26 décembre de la même année, et, récompense suprême, le 31 décembre 2100, au terme du siècle, ce qu’elle aurait été, soyons généreux, à la mi-novembre 210012 ? On discute de même jusque tard dans la nuit à Bruxelles pour savoir si l’objectif européen de réduction à l’horizon 2050 doit être de 50 ou 60% : la différence entre   les deux objectifs correspond à moins de 0,4% des GES qui seront émis entre 2015 et 2050. Le ralentissement supplémentaire du réchauffement que permet le passage de 50 à 60% est, en analyse d’équilibre général, de l’ordre de 15 jours à l’horizon 2050 et d’un gros trimestre en fin de siècle13. Pas de quoi s’étriper entre pays membres !

La raison pour laquelle ces calculs, fort simples, ne figurent nulle part est double. Tout d’abord, une partie de la classe politique trouve dans le climat une nouvelle raison de dire aux «citoyens» comment ils devraient vivre – «changer la vie», disait-on autrefois. La liberté de vivre comme on le souhaite, première vertu du triptyque républicain, se réduit comme une peau de chagrin face à une accumulation de normes dont chacune impose une manière de vivre qu’un groupe trouve meilleur – l’exemple presque risible étant celui des bâtiments et logements à énergie positive avec leurs fenêtres minuscules et leurs contraintes en tous genres pour des économies hors de prix dans un pays où l’électricité est déjà six fois plus décarbonée qu’en Allemagne. Par ailleurs, les bureaucraties, locales ou nationales, ont à cœur de prouver leur utilité et de «faire quelque chose». Dans une France à l’administration territoriale pléthorique, et à défaut de trouver des emplois pour tous, c’est avec enthousiasme que les «territoires» se trouvent une mission qui concilie sauvetage de la planète et reprise en main de leur avenir énergétique. On regroupe maternités et hôpitaux en plateformes géantes, on concentre les tribunaux en des villes éloignées, chaque village demande son TGV, mais en revanche les électrons – dont nul ne peut en s’éclairant connaître l’origine géographique et technique – seront produits «au plus près du citoyen». De la prise électrique le citoyen, qu’on se le dise, peut désormais attendre un mélange d’électrons locaux, de fibre démocratique et de lien social – cela à défaut d’un emploi et d’une liberté à utiliser l’énergie comme il l’entend sur la seule base d’un coût intégrant les effets environnementaux induits et le dispensant de sermons sur ce qu’il devrait en faire. Cet effort pour soustraire un bout de nos identités à la logique implacable de la globalisation serait presque touchant si la facture ne se comptait en centaines de contraintes sur les choix individuels et en centaines de milliards d’euros pour quelques jours de retard du réchauffement.

II Partie

Subventions aux énergies fossiles : le wishful thinking de l’OCDE et du FMI

Notes

14.

Conférence de presse du secrétaire général de l’oCde du 21 septembre 2015, vingtième minute environ

+ -

15.

Pour l’analyse d’ensemble d’un tel système optimal, voir « aligner les politiques au service de la transition vers une économie bas carbone », réunion du Conseil au niveau des ministres, Paris, 3 et 4 juin 2015, oCde,

+ -

16.

Pascal Canfin, Climat. 30 questions pour comprendre la Conférence de Paris, les Petits Matins, 2015

+ -

Les premières critiques du coût des renouvelables ont suscité un contre-discours sur les subventions aux énergies fossiles qui est devenu un élément obligé de toute défense des politiques actuelles dites de «transition». L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) puis le Fonds monétaire international (FMI) ont fourni des chiffres qui montrent, disent ces organisations respectées, que les subventions aux énergies fossiles sont bien supérieures à celles reçues par les renouvelables. Une réallocation de ces subventions depuis les anciennes formes d’énergie vers les nouvelles figures parmi les idées approximatives qui aident à penser que la transformation de ce socle économique de 100.000 milliards de dollars au moins est possible sans bouleversements radicaux des choix économiques et sociaux. L’analyse est malheureusement trompeuse. Les seules subventions qui se prêtent à la substitution que suggèrent le FMI et l’OCDE sont des subventions monétaires directes. Mais, comme le sait bien le Français qui fait le plein sur la route ou remplit sa cuve pour l’hiver, sa facture est lourde non pas d’aides d’État mais de taxes pétrolières. L’OCDE, qui est à l’origine des premiers chiffres sur ces «subventions» et en suit l’évolution tous les ans, part du principe que tout ce qui évite de limiter la consommation des énergies fossiles au niveau que justifierait leur impact négatif est une forme de subvention. Sur les 550 milliards de dollars de «subventions» ainsi calculées, le secrétaire général de l’OCDE reconnaissait dans une récente conférence de presse que 300 milliards environ relevaient de tels calculs indirects, comme par exemple des comparaisons avec les prix mondiaux ou des comparaisons des taxes sur une forme d’énergie par rapport à une autre14. Le chiffre de 550 milliards que l’on invoque en bloc et sans analyse n’est pas sans intérêt – il mesure l’écart à ce que serait une taxation optimale du point de vue climatique15 –, mais il ne représente pas une source de «subventions» qu’il suffirait de rediriger vers les renouvelables. Quant au chiffre FMI, il prend en compte les sommes allouées à l’énergie nucléaire. Pourtant, le nucléaire étant à bas carbone, la réaffectation de ces sommes aux énergies politiquement correctes ne changerait rien au bilan climatique. De fait, le chiffrage de ces «subventions» par ces organisations réunit quatre ensembles bien différents. Tout d’abord, de véritables subventions, comme il en existe pour le charbon en Allemagne, ensuite des différentiels de taxation entre énergies et avec d’autres biens économiques, ensuite également des dégâts environnementaux non pris en compte (c’est-à-dire des écarts entre taxes réelles et les taxes optimales que suggère l’analyse) et enfin, chiffre en effet très important, le prix de faveur auquel le pétrole, et parfois le gaz, est vendu dans certains pays producteurs. Seules la première et la dernière de ces catégories sont «récupérables» de la manière que le laisse entendre le discours ambiant ; mettre fin aux deux autres signifie aligner les taxes vers le haut pour ensuite utiliser les sommes nouvellement prélevées en faveur de la transition. Or, contrairement au technocrate, le consommateur ne percevra pas l’alourdissement de la fiscalité du diesel comme la fin d’une «subvention» mais comme une hausse des taxes s’ajoutant à bien d’autres – à preuve le fiasco de l’écotaxe française. Il en va de même des dégâts environnementaux que chiffre le FMI, dont on voit mal comment ils pourraient simplement et rapidement être monétisés au profit du secteur des renouvelables. Dans son rapport de septembre 2015, l’OCDE fait valoir, au terme d’une analyse économique rigoureuse, que les taxes sur les énergies fossiles sont en moyenne de 14 euros environ par tonne de carbone émise, alors que le coût social et environnemental de ce carbone est, selon ses calculs, de l’ordre de 30 euros. Peu de consommateurs considèrent que le fait de payer 14 euros de taxes revient à percevoir 16 euros de subventions, et le discours politique sur le financement de la transition gagnerait à être bien plus nuancé à cet égard. Restent les subventions ou prix de faveur que bien des pays producteurs offrent à leur population qui portent sur environ 20% de la consommation mondiale d’essence ou diesel. L’Indonésie, qui n’est plus exportateur net, vient de supprimer 7 milliards de dollars d’aides directes à la consommation de diesel et d’essence – on s’en réjouit. Dans le cas de l’Iran, pays où l’essence est la moins chère du monde, ces subventions sont considérables et pourraient être supprimées, comme le gouvernement s’y emploie avec courage depuis quelques années. Mais la baisse très sensible de niveau de vie qui en résultera poussera la population à demander une compensation que les États en question ne sont pas nécessairement en mesure d’assurer. Le chemin vers le financement de la transition existe, mais il est ardu. Et quel prix prendre en compte pour calculer la subvention au sein des économies des pays producteurs ? En Arabie saoudite, la population fait preuve d’un certain altermondialisme : «Ce pétrole dans notre sous-sol est le nôtre, pourquoi devrions-nous l’acheter au prix qui émerge d’un marché international dont nous n’avons aucune raison de devenir les serviteurs ?» L’économiste néoclassique peut certes expliquer en quoi la référence au prix de marché mondial permet de calculer le coût d’opportunité pour l’Arabie saoudite de brûler de l’Arabian Light pour faire fonctionner presque gratuitement la climatisation dans des millions d’habitations et dessaler l’eau de mer pour arroser le désert, mais l’idée que ces sommes soient une subvention disponible (via des taxes nouvelles) pour financer des fermes solaires aura à faire un chemin qui est social et politique, voire religieux pour les nombreux Saoudiens qui voient ce pétrole comme un don de Dieu. Au total, contrairement à ce que le laisse entendre par exemple Pascal Cantin dans son dernier livre16, une bonne part des «subventions» aux énergies fossiles n’est pas mobilisable. La référence à ces sommes pour justifier pratiquement toute subvention aux énergies politiquement correctes revient à raisonner comme si le Moyen-Orient ou le Nigeria – aux consommations d’hydrocarbures en effet excessives et en forte hausse – relevaient d’une administration fiscale globale prête à appliquer une taxe carbone universelle.

III Partie

Du charbon pour trois siècles, du gaz pour deux et du pétrole pour au moins six décennies : le rôle clé d’un développement responsable des hydrocarbures

Notes

17.

Sur les thèses de l’asPo, voir Colin Campbell, oil Crisis, 2005, et Kjell aleklett, Peeking at Peak oil, 2012.

+ -

18.

Dennis l. Meadows (dir.), Halte à la Croissance ?, Club de rome, fayard, 1972

+ -

19.

Ed Morse, sais, Voir aussi daniel Yergin, « Who Will rule the oil Market? », new York times, 23 janvier 2015.

+ -

20.

Suite au choc pétrolier, les états-unis ont lancé un vaste programme de recherche sur fonds publics pour trouver les moyens de mise en exploitation des molécules abondantes mais dispersées dans la roche mère. s’appuyant avec persévérance sur les résultats de ce programme, une nouvelle génération d’entrepreneurs, tel George Mitchell, parvenait, après bien des essais infructueux et initialement dans le cadre des prix élevés de l’époque, à trouver les techniques et les modes de mise en œuvre permettant de recouvrer les ressources de vastes gisements comme ceux de Bakken, au dakota du nord. le succès de Mitchell energy déclencha une vague d’investissements et d’innovations d’où a surgi une baisse des coûts très rapide de ces techniques.

+ -

21.

John Mitchell, avec Valérie Marcel et Beth Mitchell, What next for the oil and Gas industry?, the royal institute of international affairs, octobre 2012

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22.

« the combination of CH4 production from hydrate bearing sediments and sequestration of Co2 as gas hydrates seems to be an elegant way to use natural gas hydrates as an almost Co2 neutral energy although several efforts have been done in the past to understand and optimise this swapping process, some details could not be explained satisfyingly until now » (Judith Maria schicks, « Gas hydrates », an- nual reports section “C” (Physical Chemistry), the royal society of Chemistry, 15 juin 2010, p. 112).

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23.

« CCs programs progress at a pace well below the level required for CCs to make a substantial contribution to climate change mitigation […]. only 65 projects were underway 2013 (75 in 2012) » (source: Global CCs institute, Canberra). “at present, saline aquifers, which are abundant in many parts of the world and potentially offer large storage volumes, are considered as the storage sites likely to dominate in the long Current technologies [however] need further improvement, especially for long-term monitoring, understanding gas flow in aquifers and for evaluating the potential for leakage through overlying rock and fault systems.” iea, reserves and resources: oil, Gas and Coal technologies for the energy Markets of the future, 2013.

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Laissant de côté les scénarios de ceux qui imaginent implicitement que l’on peut trouver 100.000 milliards de dollars sous les pales d’une éolienne, les scénarios de l’AIE que nous évoquions montrent, qu’en dépit d’une véritable explosion d’investissement dans les renouvelables, les hydrocarbures représenteront encore environ les trois quarts du mix énergétique global en 2040, date butoir pour l’objectif des 2°C.

Il y a dix ans, les équations de la transition bas carbone se bouclaient autour d’une carte magique, d’un atout maître de la prospective écologique d’où viendrait la grande mise en cohérence : l’épuisement des ressources naturelles, avec notamment le pic pétrolier – le peak oil rendu célèbre par les thèses de King Hubbert et, dans son sillage, de l’Association for the Study of Peak Oil and Gas (ASPO)17. Les signes étaient sans ambiguïté, disait-on. À plus de 100 dollars le baril, entraînant derrière lui les prix du gaz, le pétrole était en voie d’épuisement. Il était aussi facteur de dépendance stratégique à l’égard de l’Arabie saoudite, pays d’où avaient surgi quinze des dix-neuf terroristes des attentats du 11-Septembre. Les limites à la croissance qu’annonçait prématurément le Club de Rome à la fin des années 197018 se révélaient, pensait-on, n’avoir été que décalées de quelques décennies. Sobriété, énergies renouvelables et changement de paradigme au détriment du marché et vers la planification étaient non seulement souhaitables mais en fait inévitables. Depuis, malgré l’embrasement d’une bonne partie du Moyen-Orient et malgré la croissance rapide de la classe moyenne globale, l’été 2014 voyait le retour des prix du gaz et du pétrole à des niveaux moitié moins élevés. Pour Ed Morse, un ancien du département de l’énergie américain et Chief Energy Economist de Citigroup, «la théorie du peak oil a été enterrée dans les vastes plaines du Dakota du Nord19». La révolution énergétique pétrolière et gazière américaine a mis fin au déclin inexorable de la production pétrolière américaine dont King Hubbert avait fait la clé de voûte de sa théorie du peak oil. L’Amérique est redevenue le premier producteur mondial de gaz et de pétrole. Il est de bon ton, pour qui milite pour les renouvelables, de proclamer ces développements comme temporaires, voire même de lire ces chiffres avec le cœur plutôt qu’avec la tête et d’y voir le signe que le monde est en train de se détourner des hydrocarbures. Le fait que les nouveaux pétroles soient en grande part non conventionnels est mis en avant pour en suggérer que l’on en est réduit à faire les fonds de tiroir de la planète, cela d’une manière diabolique qu’illustre bien la sonorité déplaisante du terme fracking. La fracturation hydraulique (ou par le moyen d’autres fluides sous pression) est pourtant une technique de stimulation des roches peu perméables qui a été mise en œuvre pour la première fois à la fin des années 1950 pour augmenter la part des réserves que l’on pouvait sortir de terre (enhanced oil recovery). Le fracking a été perfectionné depuis dans l’indifférence des observateurs, avant qu’un film montrant du méthane enflammé jaillir avec l’eau des robinets en fasse l’ennemi public numéro un. Qui veut invoquer Belzébuth pour vouer ce surcroît de production réputé temporaire aux gémonies n’a qu’à prononcer la formule excommunicatoire «Gaz de schiste ! Pétrole de schiste !» pour que s’élève de la foule un «Vade retro !» scandalisé. On imagine que le fait de ne pas chercher de pétrole en France accélérera la venue du «pic pétrolier», alors que le seul effet sera de réserver l’essentiel de la rente, des emplois et des brevets à des intérêts américains, chinois ou du golfe Arabo-Persique.

La réalité, chacun est libre de le déplorer, est que le secteur des hydrocarbures connaît des progrès aussi rapides et spectaculaires que le secteur des renouvelables, cela grâce à la combinaison de programmes de recherches publics et d’esprit entrepreneurial20. Une part majoritaire des nouvelles réserves provient non pas de nouvelles découvertes mais d’une hausse des ressources recouvrables dans les gisements connus grâce à des technologies en progrès permanent. Des plaines du Dakota au Texas, la révolution technologique américaine – la seconde grande révolution énergétique en cours aujourd’hui, à parité avec celle des renouvelables – consiste ainsi à rendre économiquement rentable la production d’hydrocarbures dispersés dans la roche mère – schiste ou autres. Dès lors, c’est toute une classe ressources existantes mais jusqu’alors inaccessibles qui est mobilisable. Qui plus est, contre toute attente, de nouvelles sociétés comme Chesapeake Ennery, Anadarko ou Encana Corporation ont réussi à perfectionner les nouveaux modes de production extensive au point que le gaz naturel non conventionnel, qui n’était pas exploitable économiquement il y a vingt ans, est aujourd’hui moins coûteux à produire que le gaz conventionnel. Les efforts de l’OPEP pour faire plier ces nouveaux entrants n’ont, à ce jour, réussi qu’à accélérer encore le rythme du progrès technique, et même les prix très bas – de l’ordre de 20 dollars par baril – qu’entrevoyait Goldman Sachs en septembre 2015 ne feront que réduire, voire interrompre, mais en rien supprimer ces ressources américaines et leur rôle désormais central dans la fixation des prix. L’Amérique est devenue le producteur «marginal», c’est-à-dire celui dont les coûts de production déterminent le prix mondial. Pays le mieux doté en roches mères d’épaisseurs et de superficies se prêtant à ce mode de production à très grande échelle, l’Amérique dispose aussi d’une infrastructure juridique (propriété des ressources du sous-sol par les propriétaires du sol), financière, technique et humaine (plus de 600.000 techniciens) qui lui donne au moins dix ou quinze ans d’avance sur le reste du monde. L’Argentine, la Chine, le Mexique et la Russie ont de bonnes perspectives mais auront besoin du savoir-faire américain, comme le prouvent les achats d’entreprises et droits d’exploitation par la Chine aux États-Unis.

Ce qu’il faut retenir du débat sur le pic pétrolier n’est donc ni la thèse dramatisante de l’ASPO et des tenants du «pic pétrolier», ni au contraire l’image de ressources sans limites. Ce que la révolution pétro-gazière américaine remet en cause, comme bien d’autres développements, d’ailleurs, c’est en fait la notion même de «ressources naturelles» telle qu’elle est utilisée dans le débat énergétique européen. Le temps des ressources véritablement naturelles  – celui  de  l’huile  affleurant  en  Mésopotamie  ou dans les rivières indiennes de l’Athabaska et utilisé depuis des temps ancestraux pour l’isolation des barques ou pour l’éclairage des lampes à huile – est depuis longtemps révolu. Il n’existe dans notre économie avancée que des ressources technico-naturelles qui ne sont plus – ou plus seulement – extraites, mais, de plus en plus fabriquées, comme est «fabriquée» l’énergie électrique avec un générateur diesel ou une éolienne21. En mars 2013, par exemple, le Japon, dans le cadre de son programme Jogmeg, a réussi à extraire d’une fosse océanique du Pacifique une première quantité d’hydrates de méthane. Cette ressource, peu connue en dehors des milieux scientifiques, est un méthane prisonnier de fragiles «cages» de molécules d’eau que l’on trouve sous quelques centaines de mètres d’eau sur les talus continentaux et dans le permafrost de l’Arctique. Or ce méthane est au moins dix fois plus abondant que le gaz naturel connu, conventionnel ou non. Son exploitation ajouterait, ou plutôt ajoutera une fois les techniques mises au point, six siècles au moins de ressources gazières au rythme de consommation actuel. Il est même possible – et l’on n’ose imaginer l’effet que ce paradoxe aurait dans certains cercles écologiques ! – que l’on puisse «pousser» le méthane hors de ces cages de molécules d’eau en lui substituant du CO2. Utilisant ces structures pour stocker du CO2 provenant par exemple des centrales à charbon qui fleurissent aujourd’hui en Chine, en Inde et en Allemagne, on obtiendrait du gaz dont l’empreinte carbone serait réduite des deux tiers22. Il s’agit là de perspectives lointaines, mais pas plus lointaines que ne l’était en 1992 la perspective d’une production électrique assurée à près de 15% aujourd’hui et à 19% en 2035 par le vent et le soleil. On peut regretter que l’ordre naturel ne reflète pas plus étroitement nos catégories morales mais l’une des faiblesses de la pensée dite de la transition est précisément de confondre l’objectif réel – celui d’un climat planétaire stable et favorable à la vie humaine – et les moyens qui, à un moment donné et dans un contexte technique, social et politique particulier, semblent les mieux adaptés à sa poursuite. Le jour viendra très probablement où l’on produira du pétrole non seulement par transformation du méthane (comme cela se fait déjà), mais à partir d’eau et de CO2. La baisse des prix de l’énergie solaire rendra économique l’hydrolyse de l’eau pour en extraire l’hydrogène, or cette dernière se combine ensuite au CO2 selon la réaction dite de Sabatier, qui produit en outre de l’énergie.

À l’évidence, les efforts pour réduire l’empreinte carbone de ces hydrocarbures sont tout à fait insuffisants. Une part considérable d’entre eux se concentre sur les 15% d’énergies renouvelables du bilan actuel pour les porter, on l’a vu, à 19% en 2035, tout en négligeant ce qui peut être fait pour réduire les émissions en provenance des 85 ou 75% restant. La substitution du gaz naturel au charbon, à l’américaine, et la capture- séquestration du carbone émis par les centrales à charbon sont des pistes sous-explorées23. L’Allemagne s’interdit ainsi de mettre en place une capture du CO2 sur ses nouvelles centrales, car ce serait, pensent les bien-pensants, suggérer que les hydrocarbures ont un avenir alors qu’ils ne sont là, disent les penseurs de l’Energiewende allemande, qu’à titre de soutien transitoire aux renouvelables. Certaines publications de l’OCDE et l’AIE invitent très sérieusement à ne pas essayer de rendre propre les mauvaises énergies, car ce serait en favoriser le lock-in – la permanence24.

IV Partie

Europe : le triptyque renouvelable, charbon et bonne conscience

Notes

25.

Chiffre du premier atlas du charbon, 2015 l’energiewende Heinrich-Böll-stiftung défend l’idée que le retour du charbon en allemagne est temporaire et que les sociétés qui construisent ces centrales le font «à regret». Voir aussi le bilan que le Climate action network (Can) dresse des 280 centrales européennes au charbon : «en 2013, les centrales thermiques des Vingt-Huit ont rejeté dans l’atmosphère 1,3 million de tonnes d’oxyde de soufre, 965 000 tonnes d’oxyde d’azote et 49 000 tonnes de particules fines. résultat : chaque année, 23.000 européens (en incluant les Balkans et la turquie) meurent prématurément de l’expo- sition à des polluants […] résultant de l’exploitation du charbon […] pour un coût pour l’europe […] entre 21 et 60 milliards d’euros par an»

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26.

« the energiewende downgraded the role of coal to a swing and reserve supplier to balance ever-increa- sing power generation from intermittent renewables » (frank umbach, « Germany’s energy transition is at crossroads as it faces phasing out coal », Geopolitical information service-Gis, 24 juin 2015, p. 4.

+ -

27.

Craig Morris, « renewable-heavy German, denmark grids most reliable in europe », renewables interna- tional, 25 août 2015

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28.

Traduction non extraits originaux de la lettre : « « However, we also strongly believe that we cannot simultaneously quit nuclear energy and coal-based power generation. » […] « Germany will indeed phase out fossil power generation as well – but at a gentler speed that can somehow be managed in terms of its consequences ». [a failure by the Vattenfall to expand the two mines] « would entail serious consequences for power generation and employment in the region », including the closure of two new power plants 20 years earlier than currently planned, and the loss of up to 16,000 jobs in a « structurally weak region of Germany » » (Pilita Clark, david Crouch et Jeevan Vasagar, « German plea to sweden over threat to coal mines », financial times, 24 novembre 2014).

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29.

Daan Rutten, The Energiewende And Germany’s Industrial Policy, Clingendael International Energy Program, 2014

+ -

30.

« a switch from coal to gas, as in the us, is economically unrealistic and would lead to even higher gas imports when Germany and the eu want to reduce gas imports particularly from Renewable energy cannot replace another coal – lignite – phase out without raising costs and increasing energy import depen- dencies. Germany’s import dependency rose to 61% of its overall energy consumption in 2012 – higher than the 53% eu average. » (frank umbach, art. Cit., p. 3-4).

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Émettant 10% environ des GES globaux (et son système électrique moins de 4% !), l’Europe n’est plus aujourd’hui que la troisième source de GES, loin derrière la Chine (26 à 29% selon le type de mesures) et les États-Unis (25%).

Utilisant plus de renouvelables et, surtout, plus de gaz naturel, nous l’avons vu dans notre première note, les États-Unis ont un impact à la baisse prononcé sur les prix mondiaux du charbon. Il serait logique que, donnant acte à l’Amérique de sa contribution, le reste du monde, ou du moins les pays développés, s’imposent de ne pas profiter de cette baisse des prix pour consommer plus de charbon. Une telle discipline, semblable à celle que l’Europe s’impose d’atteindre tel pourcentage de renouvelables ou de fixer la part du nucléaire à tel niveau, serait d’autant plus utile que toute baisse de consommation des hydrocarbures dans un pays donné – ainsi de la baisse de moitié de la consommation qu’exige la législation française – entraînera elle aussi une baisse des prix globaux qui se traduira par une hausse de la consommation dans le reste du monde. Il ne serait pas absurde, s’agissant d’écologie, que l’Europe s’intéresse à ses performances climatiques réelles en prenant en compte les effets systémiques – transmis par le système de prix globaux par opposition à la mesure des émissions depuis les territoires nationaux. Or c’est exactement l’inverse qui se passe, rien n’est fait pour emboîter le pas à l’Amérique et pour limiter le rôle du charbon en Europe. Sous impulsion allemande et polonaise, les Européens viennent d’adopter des critères environnementaux pour leurs centrales au charbon qui sont bien loin de ceux de l’Agence de protection de l’environnement américaine et qui sont même en deçà des taux de pollution charbonnière des technologies en cours de déploiement. Les mêmes Européens qui se forcent à construire des bâtiments publics et logements à énergie positive – et, ce faisant, paient jusqu’à 1.000 euros par tonne de GES évitée – tirent argument de la baisse des prix globaux du charbon pour en utiliser davantage.

Outre le savoir-faire politique de l’industrie charbonnière, une telle attitude reflète aussi les contradictions entre la politique européenne de libéralisation des marchés de l’énergie et la politique  climatique.  La  libéralisation  a été mise en route dès la fin des années 1990 et conduite à son terme par le «troisième paquet» de directives de 2009 ; elle obéit aux mêmes principes de concurrence par les prix que tout autre secteur et promeut le désengagement de l’État de la sphère économique. En revanche, le paquet Énergie Climat de décembre 2008 impose des objectifs qui sont proches de la politique industrielle – sans en avoir la cohérence – et donne un rôle central à l’intervention de l’État. D’où une politique énergétique kitsch dans laquelle les gouvernements sortent du raisonnement économique chaque fois que cela les arrange – par exemple, pour subventionner le solaire en Forêt- Noire ou l’éolien offshore qui coûte jusqu’à trois fois plus cher que l’éolien terrestre –, tout en l’invoquant la discipline du marché lorsque cela conforte des intérêts bien établis, tels ceux de l’industrie charbonnière. Ce qui conduit à des enchaînements paradoxaux comme celui-ci : le charbon est la pire source d’énergie climatique et il a des effets désastreux sur la qualité de l’air et la santé, donc les États-Unis en utilisent moins, donc les prix baissent, donc l’Europe a raison d’en consommer plus ! Ou bien encore : le gaz naturel  est moins polluant que le charbon, donc il risque de réduire notre aversion aux hydrocarbures, donc il faut éviter qu’il remplace le charbon qui, lui, a le mérite d’être une source ostensible de dégâts (18.000 morts prématurés chaque année dans l’Union européenne selon la Heinrich-Böll-Stiftung et les Amis de la Terre Allemagne25) ce qui obligera (un jour) à l’éliminer et évitera un lock-in sous-optimal. Substituer l’émotion et le like/don’t like au raisonnement économique conduit l’Europe dans une coûteuse impasse.

Un autre exemple de cette difficulté à situer l’action politique dans son contexte économique est la manière dont le gouvernement français actuel poursuit, d’une main, l’objectif de division par deux de la consommation d’énergie nationale (objectif dont nous avons par ailleurs souligné l’absurdité, y compris climatique compte tenu du caractère décarboné de l’énergie nationale) mais, de l’autre main, intervient contre les règles qu’il a lui-même fixées à EDF pour limiter la hausse du prix de l’électricité. Soucieuse de soulager les ménages, et quitte à voir ses décisions annulées par le Conseil d’État, une ministre baisse autoritairement les prix de l’électricité dont elle veut pourtant limiter l’usage. On pourrait de même baisser le prix des cigarettes tout en faisant campagne contre le tabagisme…

Dans le cas du charbon allemand, l’invocation opportuniste des signaux du marché pour s’écarter des objectifs climatiques rencontre aussi les intérêts de l’industrie charbonnière. Celle-ci surfe avec talent sur la logique de la transition : en obtenant gratuitement, jusqu’en 2013, les quotas que le paquet Énergie Climat de 2008 l’obligeait à facturer aux acheteurs (ce qui revient à encaisser une sorte de taxe sur le carbone sans avoir à la reverser), elle avait réussi le tour de force de faire subventionner le charbon par le marché européen du carbone mis en place pour en réduire le rôle. Cela à très large échelle et de manière invisible pour l’opinion publique. Plus généralement, la politique allemande dite du tournant énergétique (Energiewende) fait mine de limiter le rôle du charbon et du lignite en précisant qu’il se réduira désormais à un simple appoint en soutien au développement des renouvelables, qui plus est de manière temporaire26. Ceci dit, pour assurer la fourniture d’électricité avec la continuité et les garantis de fréquence et de qualité qu’exige une économie moderne, il n’est pas question d’attendre que se produisent sautes de vent ou passage de nuages pour allumer les chaudières des centrales au charbon. À l’exception de journées d’été où l’ensoleillement est garanti,     il convient donc de faire fonctionner un certain nombre de centrales au charbon à 70% environ de capacité, ce qui permet d’ajuster très vite, à la hausse ou à la baisse, en fonction des vents et des nuages. Et plus la part des renouvelables intermittentes augmente, plus il faut de centrales d’appoint pour garantir la fiabilité de l’électricité (les performances allemandes en la matière sont d’ailleurs excellentes : il y encore moins de coupures de courant qu’avant l’Energiewende27). Ce rôle de «soutien» prétendument limité est en fait une garantie de débouchés pour les industriels du charbon.

À plus de 50 millions de tonnes en 2012 et 2013, les importations allemandes de charbon, en provenance notamment des États-Unis, battent tous les records tandis que l’Allemagne achève la construction de 10 GW de centrales au charbon – dont l’une a été inaugurée sans états d’âme à Hambourg, ville dont la maire est membre des Verts. À elles seules, ces centrales émettront davantage de GES que l’ensemble du système électrique français mais, au plan politique du moins, il n’y a que les intentions qui comptent et les intentions allemandes sont, on le sait, bien plus vertes que les nôtres. La technologie allemande étant d’excellente qualité, ces centrales électriques au charbon flambant neuf ont au moins quarante belles années de vie devant elles. Une centrale de 1 GW (l’équivalent d’une centrale nucléaire) tournant en base (7.000 heures par an) produit 700.000 tonnes de cendres et 700 tonnes de particules fines chargées en produits toxiques. Si elle fonctionne en «soutien» des renouvelables, ces pollutions sont réduites en proportion du temps où la centrale fonctionne, y compris à bas régime. Les médias français imputent régulièrement ces particules aux véhicules diesel, mais ceux-ci ne sont responsables que d’un quart environ de ces particules fines que l’on trouve en abondance dans les campagnes de Picardie lorsque le vent d’hiver souffle d’Allemagne…

Le développement du charbon en Allemagne, où il ne représentait pas moins de 43,6% du mix énergétique en 2014 (18% pour le charbon et 25,6% pour le lignite, qui fait jeu égal avec les renouvelables) n’est évidemment pas le fait des simples considérations de marché que l’on invoque comme alibi. En octobre 2014, apprenant que l’électricien suédois Vattenfall renonçait à agrandir deux mines de charbon allemandes et envisageait de se dégager complètement du charbon et du lignite pour devenir une entreprise verte, le vice-chancelier Sigmar Gabriel a adressé au Premier ministre suédois Stefan Löfven une lettre dont le Financial Times s’est procuré copie. L’Allemagne, écrit le vice-chancelier, «est fortement persuadée de ne pouvoir sortir simultanément du nucléaire et du charbon28.» On ne peut être plus clair. Comme le note le respecté Clingendael Institute aux Pays-Bas, l’Allemagne n’a rien qui ressemble vraiment à une politique climatique ; elle a une politique industrielle qui utilise l’énergie – y compris l’exemption des entreprises exportatrices du coût des renouvelables – en soutien à son industrie. Ses deux objectifs – parfaitement contradictoires à l’aube de la Conférence de Paris – sont le soutien aux renouvelables et le soutien au charbon29. Les efforts annoncés par la chancelière dans la perspective de la COP21 pour réduire un peu le rôle du charbon ne portent que sur les usines électriques les plus anciennes. Invoquant la multiplicité des objectifs que poursuit son Energiewende – de la décentralisation réputée «citoyenne» à la réduction de sa dépendance gazière, sans oublier la sortie du nucléaire –, l’Allemagne constate qu’elle a trop d’intérêts concrets qui s’opposent à une sortie autre que cosmétique du charbon et donc à une action significative sur le plan du climat30.

L’exemple allemand n’est malheureusement qu’une illustration parmi d’autres de la manière dont l’Europe combine les meilleures intentions climatiques du monde avec des calculs basés sur l’émotion du bien faire (feel good) et le savoir-faire relationnel de divers lobbies, verts ou bruns. L’Europe arrive à la Conférence de Paris avec des politiques nationales bien loin de l’exemplarité qu’elle leur attribue. La politique climatique européenne confond fins et moyens en définissant ses objectifs en termes de part des renouvelables et de progrès de l’efficacité énergétique – et cela, nous l’avons montré, sans grand souci d’efficacité. Une telle politique comporte d’indéniables points positifs – on lui doit la compétitivité de l’éolien terrestre et une baisse de coûts spectaculaires du solaire –, mais l’absence d’une réflexion économique génère des dépenses sans commune mesure avec les quelques mois ou semaines de ralentissement du réchauffement à l’horizon 2050 ou 2100 qui en résultent.

V Partie

Bien-être, besoins économiques, croissance et décroissance

Notes

31.

« the battle to feed all of humanity is in the 1970s hundreds of millions of people will starve to death in spite of any crash programs embarked upon now », Paul r. ehrlich, the Population Bomb, Ballantine Books, 1968.

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33.

S’inscrivant dans une pensée politique qui évoque celle de reiser et de son soixante-huitard « an 01 », ce courant ne manque pas d’humour a son propre égard – à preuve le compte rendu d’un voyage en albanie au cours duquel les « objecteurs de croissance » français faisaient deux constats, à leurs yeux contradictoires : d’une part, la population albanaise vivait dans des conditions d’échanges réduits, d’économie circulaire, de distance à la productivité assez proche de la philosophie de la décroissance, mais, d’autre part, ces mêmes albanais, loin de souhaiter perfectionner leur économie de débrouille circulaire et d’en faire un modèle pour l’europe et la planète, n’avaient pas de souhait plus précieux que d’épouser enfin la croissance et rejoindre l’univers marchand et le style de vie qu’il décroissance, no 112, septembre 2014.

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34.

Richard Heinberg, la décroissance, no 121, cit., p. 20.

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35.

John Stiglitz, Amartya Sen Et Jean-Paul Fitoussi, Vers De Nouveaux Systèmes De Mesure. Performances Economiques Et Progrès Social, Odile Jacob, 2009

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36.

« deux tendances voient le jour, en quête de soutenabilité, d’égalité et de il y a d’abord les approches de l’économie verte et du développement durable qui dominent le prochain sommet du climat de Paris… [la seconde tendance] remet en cause la prédominance d’un développement basé sur une croissance fondée sur les carburants fossiles, le capitalisme néolibéral et les prétendues formes de démocraties repré- sentatives. […] déconstruire le concept de développement ouvre la possibilité d’une multitude de visions nouvelles et plus profondes. le buen vivir inclut une culture de la vie en provenance de peuples indigènes… ubuntu mettant l’accent sur la réciprocité humaine en afrique du sud ; démocratie écologique radicale ou écologie swaraj, soulignant l’autonomie et l’autogouvernance en inde et la décroissance », cette dernière étant « cette hypothèse que nous pouvons mieux vivre avec moins, en partage dans les pays occidentaux » (ashish Kothari, alberto acosta et frederico demaria, « le développement durable en échec », libération, 25 août 2015.

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La cinquième révision déchirante de l’après-COP21 – révision qui n’aura probablement pas lieu mais qui doit néanmoins faire partie des réflexions, ne serait-ce que pour éviter la langue de bois – devrait porter sur le lien entre développement et climat, c’est-à-dire en fait sur les modèles de développement.

Les prévisions que présentait Paul Ehrlich en 1968 sur la bombe à retardement de la population31 ne se sont pas vérifiées. L’ingéniosité humaine a créé, à ce jour, les ressources nécessaires pour déjouer les analyses malthusiennes. En sera-t-il de même pour une ressource qui ne peut être appropriée individuellement – celle de la stabilité climatique –, mais qui est un bien public global ? La thèse d’un conflit entre développement et climat est évidemment repoussée par l’ensemble des acteurs étatiques (la condamnation du président Hollande rejoignant celle de son prédécesseur, le président Sarkozy) et par les populations elles-mêmes. Il est de bon ton de se moquer de la poignée d’objecteurs de croissance et du Contre-Sommet mondial sur le climat qu’ils ont convoqué à Vénissieux pour le 14 novembre 201532, mais ces militants, dont je ne partage pas les thèses, ont le mérite de la cohérence et du refus de la langue de bois. Leur approche, il faut le souligner clairement, s’insère dans un rejet plus général de l’économie que la majorité de la population, au Nord comme au Sud, paraît bien loin de partager. Elles s’assortissent de diverses considérations malthusiennes bien discutables, ainsi du «pic pétrolier» que nous avons déjà évoqué, mais   en termes arithmétiques, ces militants, dont le mode de vie rustique et à faible mobilité est en accord avec les théories, n’ont pas tort de dire que, même réputée durable, la poursuite du développement de l’Occident et des pays émergents n’est pas compatible avec les objectifs climatiques que l’on poursuit via la CCUNCC et les COP. Le GIEC dit en fait la même chose mais sans les considérations culturelles et politiques qui font la saveur et la valeur de ce courant33. Ouvrons le numéro sur le changement climatique de La Décroissance et nous entendrons notamment Richard Heinberg, journaliste et professeur au New College of California, dire tout haut quelques vérités dérangeantes quant aux certitudes que la Conférence de Paris tient pour acquises : «La transition énergétique soulève beaucoup plus de difficultés qu’elle n’offre de perspectives […] les énergies renouvelables ne pourront pas alimenter la croissance économique […]. La construction de l’infrastructure de production et de consommation du monde moderne, alimentée par l’énergie des combustibles fossiles, a été de loin le chantier le plus lourd dans l’histoire humaine. Il s’est étalé sur plus d’un siècle et reste toujours en cours. Nous devons maintenant remplacer l’essentiel de cette vaste infrastructure avec […] des générateurs d’énergie différents, des voitures différentes, des camions, des routes et des processus industriels différents, en utilisant des matériaux différents. Tout cela prendra du temps, de l’argent et de l’énergie. Et voilà le hic : d’où viendra l’énergie ? En réalité la majeure partie viendra forcément des combustibles fossiles – au moins dans les premières phases de la transition… Utiliser des énergies renouvelables pour construire des énergies renouvelables… serait encore plus lent et encore plus cher34

Sa conclusion rejoint l’esprit du rapport que le président Sarkozy avait demandé aux professeurs Fitoussi, Sen et Stiglitz sur les mesures du progrès économique et sociale qui ne soit pas le PNB mais reflète le bien-être réel : «Pour que la population s’engage dans ce vaste projet coopératif» soutient l’objecteur de croissance, «nous devons promouvoir les activités qui accroissent le bonheur et le bien être des hommes35

Dans le même esprit, un collectif espagnol, indien et latino-américain qui s’exprimait récemment dans Libération notait que, face aux crises (tant écologiques qu’économiques et sociales), les approches de croissance verte et de développement durables ne s’attaquent pas à ce qu’ils considèrent comme les racines historiques et structurelles de la pauvreté, de la faim, de la non- durabilité et de l’inégalité. Se réclamant d’incitatives indigènes, zapatistes et kurdes, de coopératives de production et de villes ou de régions émettant leurs monnaies locales, ils appellent à «un plan C, un projet participatif des communs redynamisant la solidarité sociale36».

La force de tels raisonnements alternatifs est de ne pas confondre le souhaitable et le possible. Leur faiblesse est évidemment que la conception du bonheur et du bien-être à laquelle ils renvoient n’est pas celle du jeune Chinois qui emprunte pour placer en Bourse et acheter un logement dans une ville nouvelle ni du Français qui monte, avec des chaussures venues du bout monde, dans son low-cost pour Bangkok. Néanmoins, notre rejet des réponses de la décroissance doit s’accompagner d’une reconnaissance honnête que les questions posées et les contradictions mises en lumière sont bien réelles et que, à défaut d’une transformation profonde de nos modes de vie, les objectifs climatiques ne seront pas atteints, du moins pas par les politiques dites de transition dans l’ignorance des lacunes que nous venons de passer en revue sur le cadre onusien, la taille phénoménale du système à changer l’importance d’une approche rationnelle des hydrocarbures et, qui sait, le moment venu des actions déterminées d’ingénierie climatique. Les analyses, à l’impact politique très tenu, du courant de la décroissance, rejoignent d’ailleurs celles, également décapantes, d’un acteur que l’on ne peut tenir pour un sympathique marginal, le pape François.

1

laudato si’

Notes

37.

Pascal Canfin, « L’argument Moral Et L’argument Economique Se Rejoignent », La Tribune Hebdomadaire, 19 Juin 2015, 18.

+ -

38.

Ross Douthat, « The Measure Of Francis’ Call », International New York Times, 22 Juin 2015, P. 7.

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«L’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde […], d’en finir avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite.» La formule n’est pas tirée de La Décroissance mais de la  lettre encyclique Laudato si’ («Loué sois-tu») rendue publique par le pape François le 18 juin 2015. Première encyclique qui soit entièrement du pape François, Laudato si’ fait entrer l’environnement, et tout particulièrement le climat, dans le champ de la doctrine catholique. Cette intervention de l’une des principales autorités spirituelles dans le débat nous semble souligner deux choses : une première, d’ordre diplomatique, et une seconde, portant sur l’articulation, bien mal pensée à ce jour, entre éthique personnelle et choix économiques collectifs.

Au plan diplomatique, Laudato si’ suggère, parmi bien d’autres signaux plus techniques, que la Conférence de Paris s’engage sur une illusion : les politiques mises en œuvre, tout particulièrement dans les pays émergents, sont incompatibles avec l’objectif d’une limitation à 2°C. La communauté internationale s’est donné un objectif qu’elle ne pourrait atteindre sans des remises en cause comportementales bien plus profondes que celles qui accompagnent les politiques dites de transition et le discours écologique dominant. Il vaudrait mieux reconnaître que la limitation du réchauffement à 2°C est un objectif éminemment souhaitable mais hors de portée sans une révolution culturelle et comportementale dont personne n’est prêt à parler. Prenant acte du «consensus scientifique très solide [sur] un réchauffement préoccupant du système climatique» et sur le rôle éminent de l’Homme dans ce processus, Laudato si’ invite «toute la famille humaine» à «sauvegarder notre maison commune». Ceci n’est possible qu’en adoptant «une vraie approche écologique» qui ne se limite pas à un «discours vert» mais remette en cause des modèles de développement. Non seulement ceux-ci s’accompagnent d’une grande indifférence au sort des plus pauvres, mais ils reflètent un niveau de développement et «une qualité de vie qui ne sont pas à la portée d’une majorité de la population mondiale».

Laudato si’ est aussi une occasion de réfléchir à l’articulation entre éthique personnelle et choix économiques collectifs. Les négociations sur le climat sont au confluent de l’univers des valeurs et de celui de l’intérêt direct de chaque participant. Un leader spirituel comme le pape François appelle, bien sûr, à l’adoption des valeurs qui vont relativiser, voire redéfinir, ces intérêts individuels. La stratégie globale, toutefois, ne peut être celle d’une conversion universelle et c’est la rationalité économique qui peut permettre de limiter le «surcoût» qu’introduit la poursuite de ces intérêts par rapport un monde entièrement «vertueux». L’espoir, que nous partageons, est que ces deux univers puissent se rencontrer. C’est ce que pense possible l’ancien ministre délégué auprès du ministère des Affaires étrangères, chargé du Développement Pascal Canfin, pour qui « l’argument moral et l’argument économique se rejoignent37». C’est bien dans cette rencontre que réside un défi majeur pour les négociateurs : comment promouvoir l’intérêt général tout en prenant soin des intérêts économiques et financiers de leur pays ?

Dénonçant une «écologie superficielle», et remettant en cause les modèles fondés  sur  «le  désir  désordonné  de  consommer  plus  qu’il  n’est  réellement nécessaire»,   Laudato  si’  révèle   une   bifurcation   au   sein   de   l’écologie. Commentant  la  lettre  encyclique,  l’éditorialiste  américain  Ross  Douthat observe  qu’elle  témoigne  d’un  grand  débat  de  notre  époque,  débat  qui, pour lui, oppose non pas libéralisme et conservatisme mais «dynamistes» et  «catastrophistes».  «Les  dynamistes,  écrit-il,  sont  des  gens  qui  voient la  modernité  du  xxie  siècle  comme  une  civilisation  qui, dans  l’ensemble, a réussi  et  qui  se  dirige  vers  un  futur  qui  sera  meilleur  que  le  présent. Pour atteindre  ce  futur  meilleur  malgré  les  problèmes  considérables  qu’ils  ne nient  pas,  les  dynamistes  de  gauche  font  plutôt  confiance  à  l’État  et  à  sa technocratie, et ceux de droite plutôt au génie du libre marché, mais dans les deux cas l’avenir est synonyme de davantage de prospérité et de liberté. Les catastrophistes,  au  contraire,  qu’ils  soient  progressistes  ou  conservateurs, pensent  que  le  système  actuel  est  condamné  et  que  seule  une  profonde révolution  pourra  éviter  un  échec  et  des  catastrophes  que  notre  forme  de modernité porte en elle38

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Good « COP21 », bad « COP21 » : une conférence nécessaire mais non suffisante

Le péril climatique, et nous l’avons maintes fois souligné dans nos deux notes, est bien réel. Le danger serait que la Conférence de Paris et le processus onusien dont elle fait partie conduisent à penser que la stratégie nécessaire a été mise en place et se déploie dans le cadre approprié à son succès. La COP21 est l’occasion de constater que ni les stratégies, ni le cadre onusien, pour utiles qu’ils soient, ne sont à la hauteur du défi.

Les stratégies et «contributions intentionnelles déterminées au niveau national» que la COP21 va réunir en un bouquet hétérogène ne correspondent, au mieux, qu’au tiers de la réduction de GES nécessaire.   La raison ne tient pas au rythme de la transition – la moitié des capacités électriques mises en place actuellement sont des renouvelables, le solaire croît à plus 30% par an et l’éolien terrestre est compétitif –, mais à l’inertie considérable des infrastructures énergétiques et économiques. Ces infrastructures, jointes à la progression de ce «néolibéralisme» qui plonge la France aux 400.000 normes dans les affres de l’angoisse, ont permis à 6 milliards d’hommes en 1999, à 7 milliards en 2011 et permettront bientôt à 9 milliards de vivre dans des conditions sans équivalent dans l’histoire humaine.

Le paquebot Monde se couvre de panneaux solaires, d’unités de méthanisation et de mairies à énergie positive, mais il pèse, au bas mot, 100.000 milliards d’euros et il a besoin de trois quarts de siècle au moins pour la manœuvre qu’on le somme d’accomplir d’ici à 2040. En outre, la salle des machines est aux mains des Chinois – ceux-là même qui vendent les panneaux solaires des ponts supérieurs – et leur version du capitalisme sous leadership communiste ne répond ni aux normes de Kant, ni à celles de l’altermondialisme. Or le plus facile est derrière nous et il importe de ne pas se leurrer de mots. Autant il est facile de convertir 10 ou 20% des capacités électriques aux renouvelables, autant le passage à des niveaux plus élevés requiert soit un soutien thermique dont l’Allemagne montre le danger, soit un surinvestissement en surcapacités, réseaux et stockage de nature à laisser un pays non pas en situation de pionnier triomphant mais exsangue.

De fait, le succès ne se mesure pas au caractère dit « ambitieux » des efforts : le facteur 4 français est à cet égard un contre-modèle, puisqu’il va rajouter des centaines de milliards d’euros de coûts à un facteur 2 moins punitif pour retarder le réchauffement de moins d’une semaine supplémentaire à l’horizon 2040 et de moins d’un mois à la fin du siècle. Passer du facteur 2 au facteur 4 est une contribution aux ego politiques, et non au climat. L’Energiewende et le surplace climatique qu’elle induit en Allemagne ont le mérite de rappeler que les sociétés modernes, ne se définissent pas à travers un seul sujet – le climat –, mais à travers tout un ensemble de préoccupations, parmi lesquelles l’angélisme des uns sert l’opportunisme des autres.

Pour ce qui est du cadre dans lequel se situe la COP21, celui de l’ONU et de sa CCUNCC, nous avons vu qu’il était est nécessaire – et même indispensable – mais en aucun cas suffisant. Notre première note a montré que l’Europe s’y présente avec une ambition kantienne excessive par rapport à son poids climatique et en porte-à-faux avec un monde au mieux machiavélien et dont des pans entiers sombrent dans la guerre de tous contre tous décrite par Hobbes dans son Léviathan. «Éteindre l’Europe» correspondrait à quelques années seulement de la croissance des émissions des émergents et, loin de stimuler un vaste mouvement d’ensemble, sera perçu par les disciples de Machiavel comme un délai bienvenu dans leurs propres efforts. Le processus onusien a un rôle important à jouer au plan de la sensibilisation et des échanges d’expériences, mais limiter le réchauffement à 2°C suppose que d’autres moyens soient mis en jeu.

Sans pouvoir approfondir ces perspectives plus lointaines, nos deux notes suggèrent que trois pistes sont alors à explorer :

  • Engager la profonde révolution culturelle et comportementale à laquelle appellent des autorités spirituelles comme le pape François ou, sur un autre registre, une petite minorité d’objecteurs de Cette voie a le mérite de refuser les faux-semblants et d’exposer l’absence de véritables calculs sur les effets climatiques des politiques dites de transition ou de développement durable qui mettent en avant les tonnes de carbone évitées localement mais ne calculent jamais le nombre de journées de retard du réchauffement global. Néanmoins, son succès supposerait une conversion massive de milliards d’êtres humains à une approche qu’ils ne partagent pas. On peut l’encourager et s’y conformer dans sa vie personnelle, on ne peut guère en attendre le salut collectif à l’horizon 2040.
  • À l’inverse, « à l’américaine », chercher une parade technologique. D’une part on engagerait enfin un effort de grande échelle pour la capture du carbone et pour son stockage sous forme gazeuse dans le sous-sol voire sous forme de carbonates D’autre part, dans le droit fil d’une civilisation qui «fabrique» au lieu de cueillir, on en viendrait à considérer que le climat, comme avant lui les paysages, est en partie une création humaine et que la logique de l’ère anthropocène – si l’on ne réussit pas à en sortir – appelle un effort déterminé de contrôle. On parlera alors de géo-ingénierie. C’est un thème qu’il est trop tôt pour aborder frontalement – on risquerait de créer l’impression que l’on peut se dispenser de la réduction des émissions et, en outre, on soulèverait des problèmes complexes de partage des bénéfices et des dommages climatiques et monétaires entre pays. Mais c’est un thème dont nous pensons qu’il recevra une bien plus grande attention dans les années 2030.
  • Ou, enfin, faire pression sur un tout petit nombre de très gros pollueurs, tout particulièrement la La France avait à cet égard fait une proposition de taxe carbone aux frontières qui mérite mieux que la polie fin de non-recevoir qui en scella le sort à Bruxelles. Une telle démarche suppose une puissance dont l’Europe a su faire preuve en matière commerciale mais pratiquement sur aucun autre plan dans les années récentes. Une telle puissance ne peut être uniquement morale. Or l’Europe kantienne, dont la boussole géopolitique n’a pas encore vraiment intégré la suprématie asiatique à venir, semble non seulement incapable mais même culpabilisée à la seule idée de se définir comme puissance dans un monde de puissances.

Au  total,  la  Conférence  de  Paris  peut  être   une   good   « COP21 »  ou une bad « COP21 ». Cette dernière issue  verrait  l’attention  se  focaliser  sur une réduction supplémentaire des émissions européennes presque insignifiantes aujourd’hui et sur la demande de 100 milliards de dollars  de versements annuels à un fonds global que l’on espère plus résistant à l’opportunisme, voire à la corruption, que le marché européen du carbone, le mécanisme de développement propre (MDP) ou les tests des performances environnementales de millions de voitures diesel d’un constructeur éminent que l’on estimait au-dessus de tout soupçon. Une good « COP21 », en revanche, verrait l’Europe utiliser cette réunion non pas pour parapher un mauvais accord que l’on qualifierait de «succès», mais comme l’occasion d’un recadrage qui prenne acte de ce qui a été réalisé et de la remarquable expansion en cours du secteur des renouvelables pour articuler une nouvelle série d’objectifs et un mode de négociation dans lequel Kant puisse rester une source d’inspiration sans devenir, selon l’expression anglaise, le whipping boy, le souffre-douleur de Machiavel.

Le défi n’est pas simplement climatique. Aux antipodes d’un discours techniquement faux et idéologiquement contrôlé comme celui de la prétendue «dette climatique» européenne, il est aussi celui du réalisme dans le calcul économique et dans la lecture du monde.

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