La nouvelle politique fiscale rend-elle l’ISF inconstitutionnel ?
Dans le contexte économique actuel, la nouvelle politique fiscale rend l’impôt confiscatoire
Pour acquitter l’ISF sans s’appauvrir un peu plus chaque année, il faut des rendements qui n’existent pas ou plus.
Imagine-t-on céder chaque année quelques mètres carrés de son logement pour payer ses impôts ?
Comment l’impôt peut-il être équitable si son assiette de calcul ne prend pas en compte tous les actifs et tous les passifs des contribuables ?
La conception du nouvel ISF conduit à fonder son calcul sur une base fictive
La politique fiscale produira des inégalités de traitement injustifiables
Résumé
La majorité actuelle a pris la décision d’appliquer un niveau d’imposition sans précédent sur les revenus des Français «riches ». Quant à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), au delà du débat sur le principe, il appartient désormais au Parlement de définir les modalités de taxation dupatrimoine en veillant à ce que cet impôt soit juste, c’est-à-dire, d’une part, non confiscatoire et, d’autre part, équitable.
Or, aucun de ces deux critères n’est aujourd’hui satisfait. Les modalités de l’ISF créent entre salariés et indépendants des inégalités de traitement spectaculaires qui peuvent même faire douter de sa constitutionnalité.
Aldo Cardoso,
Membre du Conseil de Surveillance de la Fondation pour l’innovation politique.
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Dans le contexte économique actuel, la nouvelle politique fiscale rend l’impôt confiscatoire
Pour acquitter l’ISF sans s’appauvrir un peu plus chaque année, il faut des rendements qui n’existent pas ou plus.
Un épargnant cherche avant tout à préserver la valeur de son capital, c’est-à-dire à lui assurer un revenu net d’impôt au moins égal à l’inflation. Compte tenu de la nouvelle fiscalité, pour préserver la valeur d’un tel capital il faudrait obtenir un revenu de 5%. En effet, ces 5% de revenu seront eux-mêmes taxés à 60% (impôt sur le revenu « Ir » à 45%, plus la Contribution sociale généralisée «CsG»), ce qui représente un prélèvement correspondant à 3% de la valeur du capital ; le revenu net, après paiement de ces impôts (Ir, CsG) ne sera donc plus que de 2% du capital, soit le taux actuel d’inflation. C’est pourquoi un capital doit générer un revenu de 5% pour être en mesure de compenser l’inflation (2%) tout en acquittant l’Ir et la CsG (3%).
Et maintenant, si on ajoute un IsF de 1,5% sur le montant brut du patrimoine, avec l’hypothèse du taux marginal, et que ce montant n’est pas déductible du revenu, alors c’est encore environ 4% de rendement supplémentaire que notre épargnant doit chercher à obtenir. En effet, ces 4% de revenu seront eux-mêmes taxés à plus de 60% (Ir à 45%, plus la CsG), ce qui représente un prélèvement correspondant à 2,5% de la valeur du capital ; le revenu net, après paiement de ces impôts (Ir, CsG) ne sera donc plus que de 1,5% du capital, soit le taux de l’IsF. C’est pourquoi un capital doit, en outre, générer un revenu de 4% pour être en mesure d’acquitter l’IsF (1,5%) ainsi que l’Ir et la CsG (2,5%)1.
Au total, avec 5% pour compenser l’inflation et 4% pour acquitter l’IsF, il devient logiquement nécessaire d’obtenir un rendement de longue période en moyenne de 9%. Or, le revenu brut de l’épargne sur longue période est très inférieur à 9%2. Cette nouvelle imposition rend ainsi tout simplement impossible… la compensation de l’érosion «fiscale»de la valeur de son capital. La situation est encore plus pénalisante dans le cas d’un contribuable concerné par la nouvelle tranche de taxation de 75% de son revenu puisque, dans ce cas, l’érosion du capital est encore plus forte.
“ Au total, avec 5% pour compenser l’inflation et 4% pour acquitter l’ISF, il devient logiquement nécessaire d’obtenir un rendement de longue période en moyenne de 9%. Or, le revenu brut de l’épargne sur longue période est très inférieur à 9%. ”
Imagine-t-on céder chaque année quelques mètres carrés de son logement pour payer ses impôts ?
Une personne souhaitant placer un capital reçu, par exemple dans le cadre d’une succession, sans prendre le risque du placement spéculatif, lui préfèrera les placements du type emprunts d’état, assurance vie, CodEVI, etc. Ce type de placement n’autorise qu’un rendement annuel de 2%. sur ce rendement annuel, en prenant l’hypothèse du taux marginal, l’imposition au titre du revenu (60%) représente donc 1,2%. Le rendement est donc ramené de 2% à 0,8% (2% – 1,2%). si le capital reçu est assujetti à l’IsF, en conservant l’hypothèse du taux marginal, le détenteur de ce capital doit alors consentir un prélèvement supplémentaire de 1,5%, soit un résultat négatif de -0,7% (0,8% – 1,5%). Enfin, si nous intégrons la perte liée à l’inflation (2%), nous constatons une perte annuelle totale de – 2,7%.
Un retraité ayant disposé, durant sa vie active, d’un revenu confortable et ayant épargné tout au long de sa carrière se trouvera ainsi dans une véritable impasse financière, devant céder des actifs pour payer l’impôt. sur le plan pratique, imagine-t-on céder chaque année quelques mètres carrés de son logement pour payer ses impôts ? Au-delà, sur le plan des principes, une telle politique fiscale produit des effets qui s’apparentent à de la confiscation.
Comment l’impôt peut-il être équitable si son assiette de calcul ne prend pas en compte tous les actifs et tous les passifs des contribuables ?
La conception du nouvel ISF conduit à fonder son calcul sur une base fictive
Un impôt n’est équitable que s’il frappe de la même façon tous ceux dont la situation de fortune est «objectivement» identique. or, les modalités actuelles de calcul de l’IsF ne satisfont pas à cette condition. Cela tient d’abord à la définition de ce que l’on appelle un «actif» : aujourd’hui, contrairement à ce qu’on s’imagine, tous les actifs ne sont pas également pris en compte. Au-delà de l’outil de travail et des œuvres d’art (notoirement exonérées), nombre d’actifs, en particulier les actifs à jouissance réelle et différée, sont inexplicablement exclus de l’assiette de l’ISF. Par exemple, celui qui dispose d’une retraite garantie, d’une voiture ou d’un logement mis à disposition, bénéficie d’un «actif» à titre viager qui, comme tout usufruit, devrait être inclus dans le calcul de l’actif brut et donc dans la base de l’impôt – ce qui n’est pas le cas.
Symétriquement, toutes les dettes (ou passifs) qui viennent très logiquement en déduction des actifs pour définir la base taxée ne sont pas intégrées au calcul. Certes, les dettes financières (ou bancaires) s’imputent effectivement sur l’actif retenu par l’administration, mais les dettes fiscales, non. or un bien immobilier ne «vaut pas» sa valeur nominale de marché quand son propriétaire doit payer des impôts sur la plus-value le jour de sa revente. de même, le revenu des avoirs financiers sera, lui, amputé de l’IR et de la CsG. L’ISF est donc calculé par le fisc sur une base fictive et excessive puisque l’actif net réel est majoré de l’impôt à payer (sur les plus-values), et que cet impôt à venir diminuera de façon certaine et extrêmement significative le montant de l’épargne disponible nette.
“ Un retraité ayant disposé, durant sa vie active, d’un revenu confortable et ayant épargné tout au long de sa carrière se trouvera ainsi, dans une véritable impasse financière, devant céder des actifs pour payer l’impôt. ”
La politique fiscale produira des inégalités de traitement injustifiables
Ainsi l’ISF frappe-t-il très différemment les patrimoines en fonction de leur composition et génère-t-il des inégalités de traitement spectaculaires – au point qu’il n’est pas absurde de s’interroger sur sa constitutionnalité. Comparons ainsi un salarié et un indépendant arrivant l’un et l’autre à l’âge de la retraite. s’agissant du salarié, qu’il soit salarié du privé ou du public, le fisc prend en compte, pour le calcul de l’ISF, ses avoirs «réels» mais pas son principal actif lequel est, en fait, le capital correspondant à la rente de retraite qui lui sera versée à titre viager. Cette somme n’est pas considérée comme un actif taxable alors même qu’elle représente souvent un capital significatif : la valeur patrimoniale actualisée de 25 ou 30 ans de pension à venir dépasse souvent le seuil d’un million d’euros. Il en va très différemment pour un indépendant (entrepreneur, commerçant, artisan, agriculteur…) qui dispose généralement d’une très faible retraite par répartition. Lui aura épargné tout au long de sa vie et, peut-être, cédé son fonds de commerce ou son entreprise avant d’arrêter son activité. or, cette épargne, qui aura été taxée au fil de l’eau, sera immédiatement incluse dans son assiette de calcul d’ISF, alors qu’elle constitue en quelque sorte un capital de retraite «par capitalisation» économiquement et moralement équivalent au capital de retraite par répartition constitué par le salarié, du privé ou du public, lequel échappe à l’ISF.
Pour être équitable, le calcul de l’assiette de l’impôt devrait donc inclure tous les actifs (et pas seulement les actifs immobiliers et financiers), déduction faite de tous les passifs, y compris les dettes fiscales latentes. de même, puisque la taxation des rentes viagères constituées par les salariés au titre de la retraite par répartition est politiquement peu probable, on devrait exclure, au titre de la symétrie des formes et de l’égalité entre contribuables, le capital constitué par les indépendants en vue de leur propre retraite. Et ainsi ne pas aggraver l’autre inégalité, mise en évidence par Coe-rexecode, sur la durée des temps de travail entre salariés et indépendants, puisque ces derniers travaillent chaque année plus de 750 heures de plus que les salariés !
Ces ajustements des modalités de calcul de l’ISF sont d’autant plus nécessaires aujourd’hui que la fiscalité du capital vient d’être très fortement augmentée. dans la mesure où les contribuables les plus aisés possèdent un patrimoine dont la composition est en partie détaxée (œuvres d’art et outil de travail), si l’on applique les taux nouveaux sans procéder aux correctifs que nous suggérons, alors l’IsF, combiné aux autres impôts, est un prélèvement sur l’épargne des seules classes moyennes supérieures (entrepreneurs, cadres, professions libérales – actifs et… retraités) faisant porter sur leurs seules épaules la taxation d’une «fortune» d’autant plus fictive que ces nouveaux prélèvements précipitent son érosion.
“ Un impôt n’est équitable que s’il frappe de la même façon tous ceux dont la situation de fortune est «objectivement» identique. Or, les modalités actuelles de calcul de l’ISF ne satisfont pas à cette condition. ”
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