Un contrat de travail unique avec des indemnités de départ intégrées
I.

Quelques données conjoncturelles

1.

• Le chômage

2.

• Le temps de travail

3.

• L’inadéquation de la formation

II.

Les causes structurelles.

1.

• Assistanat et non-dégressivité des allocations chômage

2.

• Rigidité du marché du travail

III.

Une solution : flexibiliser les contrats de travail

1.

• Modalités de mise en œuvre

IV.

Obstacles à surmonter pour la mise en œuvre

1.

• La convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT)

2.

• Le décret du 2 mars 1848

3.

• Un cataclysme culturel

4.

• L’appropriation et la confiance

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Un contrat de travail unique avec des indemnités de départ intégrées

Dans le cadre du séminaire Bastiat du 20 juin 2013, organisé par la Fondation pour l’innovation politique en partenariat avec Les Arvernes, Charles Beigbeder a fait la proposition suivante afin de réduire le chômage :

Mettre en place un contrat de travail unique, dans lequel serait inclus, en annexe, grâce à un agrément préalable entre l’employeur et l’employé, le détail des indemnités de départ du salarié sur un barème simple et logique, proportionnel à l’ancienneté.

Charles Beigbeder,

Vice-président de la Fondation pour l’innovation politique.

I Partie

Quelques données conjoncturelles

1

• Le chômage

Le taux de chômage en France est de 11 % si on se limite à la catégorie A ; il s’élève à 16,6 % si on prend en compte les catégories B et C (personnes ayant effectué une activité réduite) et touche 18,55 % de la population active si on inclut les catégories D et E (personnes qui ont fait un stage, qui bénéficient d’un emploi aidé ou qui suivent une formation mais qui sont en réalité des demandeurs d’emploi), sans compter les personnes au RSA. Ce chiffre ne prend pas non plus en compte la surfonction publique, puisque la France emploie 6 millions de fonctionnaires alors qu’un pays bien administré et comparable en comprendrait plutôt 4 millions. Enfin, le chômage touche 26,5 % des moins de 25 ans, contre 7,6 % en Allemagne, et 50 % des habitants de zones urbaines sensibles.

2

• Le temps de travail

La durée annuelle du travail est particulièrement basse en France : le nombre d’heures annuelles par salarié à temps plein est de 1 679 heures en France contre 1 904 heures en Allemagne. Le nombre d’heures travaillées par habitant apporte un éclairage intéressant : la France se situe à 609 heures, contre 708 heures en Allemagne et 800 aux États-Unis.

3

• L’inadéquation de la formation

Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), il y a près de 1,9 million de jeunes entre 15 et 29 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation. Cependant, une refonte du système éducatif français n’aurait que très peu d’impact à court terme et la France doit donc envisager rapidement une alternative. Les employeurs devraient être incités à former les jeunes sur le tas, et pour cela ils doivent savoir qu’ils peuvent s’en séparer facilement si l’employé ne se montre pas assez motivé.

II Partie

Les causes structurelles.

1

• Assistanat et non-dégressivité des allocations chômage

Les causes structurelles s’articulent notamment autour de l’assistanat, avec l’asservissement que cela entraîne, ainsi que la non-dégressivité des allocations chômage.

2

• Rigidité du marché du travail

Trop de rigidité se retourne contre ceux que l’on veut protéger. La France est le pays où le contrat de travail est le plus protégé : selon l’Employment Protection Index de l’OCDE, la France possède la note la plus basse (3), alors que les États-Unis sont à 6 et la moyenne de l’Europe se situe entre 4 et 5. Tous les pays occidentaux ont déjà évolué vers plus de flexibilité et vers plus de sécurité, comme la Suède, dès le milieu des années 1990, et l’Allemagne avec les réformes Hartz. La France n’a jamais procédé à ces réformes structurelles de son modèle productif. Pourtant, du point de vue de la demande, une récente étude du Medef rappelle que 450 000 offres d’emploi ne sont pas satisfaites. Par ailleurs, selon les estimations de la Dares, 3,8 millions d’emplois sont à créer et vont être offerts à l’horizon 2020 dans tous les domaines. L’offre est là, des centaines de milliers de TPE et de PME seraient sûrement prêtes à embaucher si le climat redevenait propice, grâce à une plus grande flexibilité.

III Partie

Une solution : flexibiliser les contrats de travail

Pour remédier au chômage, il faut fluidifier le marché du travail et inciter les entreprises à employer, alors qu’elles n’osent actuellement pas le faire car les complications qui suivent les licenciements sont rédhibitoires. Dès lors, une solution réside dans la mise en place d’un contrat de travail (CDI) unique, dans lequel sont incorporées en annexe les indemnités de départ, fixées par un agrément préalable entre employeur et employé. Seront inclues à la fois les indemnités légales (ce qui est déjà le cas), les indemnités conventionnelles (ce qui est également le cas si une convention collective a été signée) et les indemnités de dommages et intérêts proportionnelles à l’ancienneté. Sont concernés les CDI, tandis que l’intérim et les CDD ne seront pas supprimés. De cette manière, ni l’employeur ni l’employé ne craignent plus le passage devant le juge lorsqu’ils souhaitent mettre fin au contrat, car le barème ayant été clairement défini en annexe, il n’y a plus de négociation sur les indemnités. Le passage devant le juge n’a lieu qu’en cas de nonrespect du barème et si l’employeur et l’employé sont impliqués dans des délits de harcèlement ou dans des délits de types pénaux. Ce contrat de travail avec indemnités de départ intégrées ne doit pas être assimilé à la rupture conventionnelle, mise en place en 2008, puisque celle-ci termine souvent aux prud’hommes en raison des difficultés à se mettre d’accord sur le dédommagement. Le contrat de travail avec indemnités de départ intégrées constitue une étape supplémentaire vers la flexibilité. En effet, une telle mesure aurait un impact qui pourrait se comptabiliser en centaines de milliers d’emplois, en mobilisant tout le tissu des TPE et des PME, qui est actuellement totalement bridé. Aujourd’hui, TPE et PME préfèrent ne pas embaucher, pour ne pas avoir à affronter cette complexité et cette difficulté.

1

• Modalités de mise en œuvre

Cette mesure de simplification serait mise en place grâce au vote d’une loi qui modifierait les termes du Code du travail. Même si elle tend à une modification en profondeur de la structure du marché du travail français, cette mesure ne s’appliquerait qu’aux nouvelles embauches, car la loi ne peut être rétroactive.

La durée de versement de l’indemnité sera proportionnelle à l’ancienneté. Par exemple :

– 2 mois de 0 à 2 ans ;

– 4 mois de 2 à 8 ans ;

– 8 mois de 8 à 15 ans ;

– 10 mois de 15 à 25 ans ;

– 14 mois pour plus de 25 ans.

Ce barème pourrait être détaillé à titre indicatif dans un décret, ce qui aiderait l’employeur et l’employé en conciliation à trouver un terrain d’entente viable, qui ne soit pas déséquilibré par la désinformation.

IV Partie

Obstacles à surmonter pour la mise en œuvre

1

• La convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT)

La France a ratifié la convention n° 158 de l’OIT, dont l’article 4, d’applicabilité directe, prescrit qu’un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement. La France est quasiment le seul pays d’Europe à l’avoir ratifié, contrairement à l’Allemagne, au Royaume-Uni ou au Benelux. La commission des experts de l’OIT indique très clairement que cette convention enlève à l’employeur la latitude de mettre fin unilatéralement à un contrat de travail. La convention interdit donc à la France de mettre en place le contrat avec indemnités de départ intégrées car, selon l’article 58 de la Constitution, tout traité ratifié par la France est supérieur à sa loi. Un travail en amont du projet de loi est donc nécessaire.

Celui-ci pourrait suivre deux approches :

– soit clarifier ce que signifient exactement les dispositions de cette convention et travailler avec la commission des experts de l’OIT pour permettre l’avènement d’un contrat avec indemnités de départ intégrées en France ;

– soit dénoncer cette convention, ce qu’a récemment fait le Brésil. Une occasion serait la prochaine date anniversaire, en novembre 2015.

2

• Le décret du 2 mars 1848

Depuis le décret du 2 mars 1848, il est interdit de nouer un contrat de travail sans lien de subordination : c’est ce lien de subordination qui impose une sorte d’asymétrie dans le contrat de travail. Or ce lien de subordination ne correspond plus à la réalité de la vie en entreprise et aucune volonté politique ne peut plus le soutenir. La mise en œuvre du CDI avec indemnités de départ intégrées pourrait s’accompagner de la suppression de cette notion de « lien de subordination ». Il est tout à fait logique de pouvoir résilier un contrat unilatéralement, à condition bien sûr qu’il y ait une règle du jeu claire et équilibrée, qui soit respectée.

3

• Un cataclysme culturel

Une telle mesure bouleversera le modèle productif français. Toute flexibilisation entraînera une levée de boucliers de pans entiers de l’opinion publique, qui l’assimileront à une précarisation des travailleurs.

4

• L’appropriation et la confiance

Les employés doivent comprendre que l’instauration d’un tel contrat de travail les protégera davantage qu’ils ne le sont dans la configuration actuelle. Ainsi rien n’interdit à un patron d’entreprise de licencier son salarié à tout moment et d’abuser de sa position dominante en jouant sur la trésorerie et sur le temps d’attente avant la tenue du procès aux prud’hommes. À l’inverse, grâce au contrat de travail avec indemnités de départ intégrées, une procédure d’urgence se mettrait immédiatement en place en cas de non-respect du barème. Il est donc nécessaire d’encourager l’opinion publique à s’approprier un tel dispositif, afin qu’elle lui fasse confiance. De cette façon, les employés pourraient avoir le droit de choisir entre, d’une part, le contrat de travail traditionnel, ce qui se traduirait par une décote légère du salaire, et, d’autre part, le contrat de travail flexible, encouragé par une prime salariale. Les employés auraient ainsi la liberté de choisir le contrat de travail qu’ils souhaiteraient prendre en fonction de leur appétence pour le risque ou pour la sécurité.

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