La transformation numérique au service de la croissance
La « France numérique » : une ambition largement déclinée, des résultats modestes
Les données de référence
Le périmètre d’analyse
Les données quantitatives
Les actions engagées en France
Avant 2007
Depuis 2007
La politique européenne
La politique internationale d’Internet
L’improbable progression vers une gouvernance planétaire d’Internet
Internet et le développement, les objectifs du Millenium
Un changement radical des perspectives économiques
Le développement exponentiel de la société numérique
La transformation s’accélère
Le Web fédère les contenus et transforme l’approche classique de l’informatique
Les enjeux de l’entreprise numérique
L’entreprise doit intégrer toutes les dimensions de la révolution numérique
Concevoir
Produire
Distribuer
Accompagner la transformation de la société numérique
Développer le libre accès aux sources d’information publique
Contribuer à la régulation mondiale d’Internet
Garantir la neutralité d’Internet
Sécuriser les usages
La protection de l’identité numérique
Le droit à la pérennité des informations numérisées
Authentification et sécurisation des transactions
Imposer le numérique dans toutes les transactions de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de santé et de protection sociale
Conclusion
Annexe
Bibliographie
Résumé
Alors que débute la deuxième décennie du xxie siècle, l’influence du numérique sur la société mondiale est incontestable. La numérisation est aujourd’hui un élément fondamental dans le fonctionnement de certains domaines de la société tels que la finance, et est amenée à devenir incontournable pour l’ensemble des couches sociales, comme on peut le voir avec la généralisation de la téléphonie mobile et du Web. Pour réussir cette révolution, il faut être capable de l’encourager mais également de contrôler les inévitables déviances et confusions qu’implique le développement des technologies de l’information. Face à cette transformation irréversible et globale, la France et tout particulièrement l’État français doivent aujourd’hui réussir à se forger une place significative dans la définition des paramètres de la société numérique.
Ce changement doit tout d’abord s’effectuer pour que la France rattrape son retard dans la conception et la roduction de technologies numériques, domaines jusqu’ici dominés par la Chine et les États-Unis.
Les entrepreneurs français doivent apprendre à saisir les innombrables opportunités offertes par le numérique.
Dans un deuxième temps, il est nécessaire que l’État français réussisse à suivre le rythme exponentiel des mutations engendrées par les usages et les initiatives personnelles pour être capable de participer à la régulation mondiale d’Internet (dans la mesure où cette régulation est possible), mais aussi afin d’éviter une fracture numérique qui pourrait éprouver certaines catégories de la population.
Pour finir, la puissance publique se doit d’accompagner les citoyens face à une révolution numérique qui transforme tous les aspects de la société. Cette action passe à la fois par une garantie de la neutralité du Net – pour permettre aux français un libre choix des acteurs et des services numériques, mais aussi par une sécurisation des usages, tout particulièrement une sécurisation des transactions.
Jean-Pierre Corniou,
Partenaire au sein du cabinet de conseil Sia Partners.
Penser la France numérique pour la deuxième décennie du xxie siècle implique avant tout un rapide exercice de retour sur l’histoire récente. En effet, le terrain n’est pas vierge. Sur la courte période de l’histoire du numérique, moins de quinze ans, beaucoup de documents ont été écrits, beaucoup d’ambitions ont été exprimées. Les pouvoirs publics ont dessiné, à plusieurs reprises, une politique globale de préparation de l’entrée de la France dans la société numérique. Des actions ont été engagées, des moyens alloués. Aux côtés de l’État, les régions et collectivités territoriales, mais aussi les grands réseaux comme celui des Chambres de commerce ont initié et financé des actions de sensibilisation et de soutien à l’initiative numérique, que ce soit pour le développement économique ou pour l’amélioration de la qualité de la vie citoyenne.
Néanmoins, on retire de ces quinze dernières années l’impression d’une tâche inaccomplie face à l’ampleur de la mutation en cours et à la redistribution instantanée des facteurs de compétitivité dans une planète numérique qui se reconfigure à une vitesse jamais expérimentée. Ce qui était déjà vrai avant la crise de 2008 revêt désormais une acuité nouvelle. Dans un contexte de crise sévère, qui remet en cause les fondements de l’action publique par la raréfaction de la ressource, dans la pérennité de ses objectifs et de ses moyens, la difficulté de faire émerger des axes de transformation puissants, efficaces et consensuels traduit un sentiment d’impuissance publique. Dans une économie numérique largement conduite par deux acteurs clefs, les États-Unis pour la conception et la Chine pour la production, l’Europe, dont la France, semble contrainte de laisser au marché, et aux grands acteurs de l’innovation, le soin de définir le rythme, l’ampleur et l’objet même de la transformation sociale et économique. Les États paraissent impuissants devant le rythme d’innovation imposé par les fournisseurs. Les produits sont rapidement absorbés par le grand public, qui adopte de nouvelles pratiques, alors que structures publiques et entreprises semblent dépassées dans leurs capacités à suivre l’innovation et à mettre en oeuvre les transformations.
L’échec des grandes ambitions exprimées en 2000 par l’agenda de Lisbonne a laissé un goût amer et fait place à un suivisme dont émergent parfois quelques sursauts sans vrai lendemain. Peut-on encore réagir et donner à la France une place significative dans la définition des paramètres de la société numérique ? Peut-on ré-acclimater sur notre territoire une ambition industrielle, y compris dans les services immatériels et économiques pour ne pas être simples témoins mais acteurs de la révolution numérique ?
Ces questions posent un défi considérable à la puissance publique, constamment débordée par la vitalité du marché. Or la France est confrontée à un déficit durable de croissance, qui ne peut être résolu par une incantation numérique trop souvent entendue mais rarement déclinée dans les entreprises. La multiplication des rapports, nécessairement redondants, et souvent porteurs d’éclairages corporatistes, conduit à une confusion dans le débat public plus qu’à une clarification des enjeux. La confusion entre les enjeux de société liés au Web, souvent dépeint de façon lapidaire comme une zone de non-droit, et l’impact économique de la numérisation des flux entretient un doute sur la sécurité du Web comme espace de développement des affaires.
L’entrepreneur ou l’élu, au moment où il doit investir, ne se sent pas éclairé dans sa décision. Aussi le débat numérique ne se résume-t-il pas à la sphère limitée de l’action publique. Alors que tous les pays concurrents s’emparent également de cette ressource pour dynamiser leur économie et tonifier leur tissu social, l’action publique en matière de déploiement numérique ne peut être forte et efficace que si elle se concentre sur ce que peut faire l’État et est suivie d’effets visibles sans s’abandonner à la production récurrente de catalogues de mesures sans lendemain.
Le développement d’une France numérique peut se faire naturellement sous la poussée d’innovations techniques mises sur le marché par les producteurs de solutions. Cette issue n’est pas satisfaisante car elle ne laisse aucun choix ni degré de manoeuvrabilité aux acteurs publics dans leur rôle régalien. Elle induit une croissance déséquilibrée au profit des zones urbaines, des entreprises les plus réactives et des couches sociales les mieux intégrées dans cette dynamique de l’innovation. Pour faire pénétrer en profondeur la vitalité de la création numérique dans toute la société, l’action publique doit être conçue pour corriger les effets spontanés d’une profusion technique déstabilisante. Ce document vise à esquisser une stratégie offensive et pragmatique dans les domaines pour lesquels l’action publique peut encore infléchir le cours naturel de la révolution numérique.
La « France numérique » : une ambition largement déclinée, des résultats modestes
La transformation de l’économie mondiale sous la poussée des techniques numériques est un processus qui s’est amorcé dans les années 1980 pour s’accélérer brutalement avec l’émergence d’Internet et du Web depuis 1995. Néanmoins, la prise de conscience de l’ampleur des conséquences systémiques de cette transformation sur la société française au sein de l’Union européenne est relativement récente. Les instruments classiques d’analyse et de projection sont inopérants face à la rapidité des mutations engendrées par les usages, qui dépassent la capacité d’analyse et de réaction de la plupart des acteurs. Ainsi, personne n’a vraiment vu venir le succès des smartphones, qui sont en fait des ordinateurs mobiles dotés de moyens de communication voix et données, et leur impact sur la plupart des activités économiques. Il en sera de même avec la vague d’innovations qui vont marquer les prochaines années autour du haut débit mobile, de la 3D et de « l’informatique en nuage » (cloud computing) pour ne citer que les plus visibles et les plus attendues. La miniaturisation des composants, la multiplicité des situations d’usage des technologies vont encore accélérer la dimension globale de la numérisation, qui imprègne tous les secteurs, toutes les activités. Plus encore, l’accélération du rythme des innovations recèle de nouvelles ruptures, encore insoupçonnables.
Face à cette poussée d’innovations, le développement numérique a fait l’objet d’un grand nombre de réflexions, sous forme d’études ou de recueils de propositions, menées par le gouvernement français, les instances européennes, les groupes professionnels. L’objet de ces travaux a été à la fois de prendre la mesure des transformations induites dans le tissu économique par le déploiement rapide des technologies de l’information de l’ère d’Internet et de prendre position, souvent à l’initiative des structures professionnelles directement engagées dans la production de biens et de services numériques, pour débloquer les freins à l’investissement qui pénaliseraient la situation de l’économie française face à ses concurrents.
Parallèlement à cette activité publique et officielle des acteurs de la société numérique, se sont développées de nombreuses réflexions sur l’impact sociétal de la transformation numérique en cours. En effet, contrairement à la vague antérieure d’informatisation, les enjeux dépassent largement la sphère économique et l’action publique sur les facteurs de compétitivité pour concerner l’ensemble des acteurs sociaux, dans leurs multiples rôles, comme producteurs, consommateurs, citoyens, etc. Le monde de la communication a été le premier à être ébranlé par l’essor du numérique, mais ce sont des pans entiers de l’économie qui sont
aujourd’hui concernés.
La numérisation de notre société soulève donc trois séries de questions complémentaires :
– comment exploiter le potentiel de créativité et de productivité des « nouvelles » technologies de l’information pour renouveler l’offre française de biens et de services sur le marché domestique comme sur le marché international, et donc contribuer à la croissance et à l’emploi ?
– comment intégrer la nouvelle donne numérique dans le pilotage des paramètres classiques de l’action publique afin de garantir le fonctionnement cohérent d’une nation ancienne : sécurité, aménagement du territoire, fonctionnement des institutions, éducation, santé ?
– comment permettre à la France, en tant que puissance souveraine au sein de l’Union européenne, de participer à la définition des règles internationales de construction et de régulation de la société numérique et de se protéger contre les risques inhérents à « la globalisation numérique » ?
Les données de référence
Caractériser le degré d’avancement d’un pays en matière d’utilisation pertinente des technologies de l’information est un exercice complexe. Les métriques sont multiples et peu synthétiques. En effet, il ne suffit pas d’analyser seulement les phénomènes faciles à quantifier comme le nombre d’abonnés ADSL pour en déduire le degré de maturité numérique. C’est l’usage des outils, et leur combinaison performante dans la gestion des processus d’affaires, qui vont engendrer la performance globale. En effet, les rapports internationaux mettent tous l’accent sur le caractère catalyseur et synergétique des technologies de l’information, qui en fournissant un service de communication multicanal entre tous les acteurs de la vie sociale, améliorent l’accès à tous les services de base, fluidifient les relations et réduisent les coûts des interactions tout au long de la chaîne de valeur.
Le périmètre d’analyse
Il regroupe :
– le secteur du Service des technologies de l’information et de la communication (SeTIC)
On regroupe conventionnellement sous cette dénomination, selon la définition de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), les télécommunications (infrastructures et services de communications électroniques, services Internet et équipements), les logiciels et services informatiques et l’électronique au sens large (composants, systèmes, produits grand public et équipements informatiques) ;
– les domaines d’usage professionnel ;
– les domaines d’usage domestique.
Le secteur de production des technologies de l’information en France compte, en 2010, 2.300 entreprises et 400.000 salariés selon le rapport annuel de la FIEEC. Les industriels et les sociétés de services informatiques, les sociétés de conseil et services informatiques et les éditeurs de logiciels sont regroupés au sein de la Chambre professionnelle Syntec informatique devenue, en novembre 2010, Syntec numérique. Ces 1.100 entreprises représentent plus de 370.000 professionnels.
Selon le rapport sur le numérique produit au cours des États généraux de l’industrie, la France dispose d’une industrie encore forte,
mais marquée par des évolutions préoccupantes sur des technologies fondamentales :
– déclin marqué de la production d’équipements électroniques grand public et d’équipements informatiques, qui a pratiquement cessé sur le territoire national ;
– déclin de la production dans certaines filières d’excellence, comme l’industrie des télécommunications ;
– maintien de positions fortes dans certaines activités industrielles comme le logiciel embarqué, le jeu vidéo et la micro-électronique, au prix d’une spécialisation sur les marchés de l’industriel et de l’embarqué ;
– diminution et mutation de l’emploi, qui s’est déplacé des activités de production vers les activités de service.
Les données quantitatives
Qualifier la position de la France en matière de développement numérique implique le croisement de données de natures différentes émanant de plusieurs sources.
Le World Economic Forum publie, chaque année depuis 2002, avec l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD) le Global Information Technology Report. Cet outil méthodologique vise à mesurer la capacité de l’environnement d’un pays à développer et diffuser l’usage des technologies à travers le niveau des infrastructures applicatives et physiques, le caractère contributif de la règlementation et les composantes de l’environnement des affaires. Il intègre les comportements des trois acteurs que sont les ménages, les entreprises et les gouvernements pour construire un indicateur global, le Network Readiness Index. La France se place au 18e rang mondial dans le classement 2010, 7e pays de l’Union européenne.
Parmi les points faibles identifiés par le rapport, il faut noter la très mauvaise note obtenue en matière de poids de la règlementation publique, le manque d’investissements IT dans l’éducation, le niveau trop élevé des tarifs du téléphone mobile, la faiblesse des initiatives publiques et le manque de support en matière de TIC.
Dans le domaine plus spécifique du développement du numérique à l’école, l’enquête internationale (European Schoolnet 2006) démontre que les collectivités territoriales ont beaucoup investi, mais que la formation des maîtres et le développement des applications pédagogiques ne suivent pas l’effort d’équipement. Même si l’enseignement primaire apparaît décalé, la France figure au 8e rang sur 27 pays européens quant aux équipements, ordinateurs, branchements Internet. Il faut rappeler que ces équipements sont à la charge des communes pour les écoles primaires, des départements pour les collèges, des régions pour les lycées. Néanmoins, selon le même rapport, la France demeure très mal classée quant à l’utilisation pédagogique qui est faite de ces outils. Le rapport Fourgous précisait que 50 % des investissements dans les nouvelles technologies éducatives concernaient l’équipement, 20 % la formation, et il préconisait d’inverser les pourcentages. Il est évident que seul l’usage des outils dans une démarche pédagogique intégrée permet de développer une familiarité des élèves avec l’apport des outils informatiques dans un contexte cohérent d’apprentissage.
Les actions engagées en France
Plusieurs initiatives gouvernementales ont exploré le champ de l’économie numérique pour esquisser une vision globale et jalonner un parcours permettant d’encadrer les initiatives des acteurs autour de quelques principes structurants pour conjurer ce qui a été longtemps perçu comme « le retard français » face au numérique.
Les thèmes abordés par ces différentes initiatives portent tous sur une combinatoire d’actions touchant la performance des infrastructures, la diversification des ressources numériques, le développement de nouveaux usages, la modernisation de l’administration, la formation et l’encadrement juridique. Peu d’initiatives concernent toutefois directement l’usage par les entreprises des nouveaux potentiels numériques en complément des moyens informatiques classiques.
Avant 2007
En mars 2004, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, sensible aux enjeux de l’économie numérique et aux symptômes du « retard français », crée le Conseil stratégique des technologies de l’information (CSTI), « ayant pour mission d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix stratégiques du Gouvernement dans le domaine des technologies de l’information ». Cette initiative de Jean-Pierre Raffarin met en perspective la complexité du champ et ouvre à des personnalités des différentes composantes de la société – industriels, fournisseurs de services, éditeurs et diffuseurs de contenus, organisations représentatives – la possibilité de participer à la définition de la politique gouvernementale. Les compétences du CSTI sont vastes et la préparation des travaux par le Conseil général des technologies de l’information (CGTI) assure la qualité, la continuité et la cohérence de ses réflexions. « Le conseil stratégique des technologies de l’information examine les questions qui lui sont soumises par le Premier ministre. Il peut lui adresser toute proposition concernant son domaine de compétence. Il formule notamment des recommandations pour la conception, la préparation, la mise en oeuvre et l’évaluation des actions entreprises dans le cadre de l’action gouvernementale pour le développement de la société de l’information et des programmes communautaires correspondants. Il est consulté sur l’évolution des filières de formation dans les secteurs des technologies de l’information et de l’économie numérique. Il peut également examiner des questions qui lui sont soumises par un membre du Gouvernement. »
Le CSTI a ainsi rendu trois avis :
– Avis du 6 décembre 2006 relatif à l’Internet du futur
– Avis du 24 avril 2006 relatif à des programmes-phares
– Avis du 24 avril 2006 relatif à une dynamisation de la compétitivité et de la croissance
Toutefois, cette initiative, comme fréquemment en la matière, n’aura pas de continuité, le Premier ministre suivant n’ayant jamais convoqué le CSTI qui a été supprimé officiellement dans le cadre de la stratégie numérique du Grand Emprunt national.
Depuis 2007
Peu présente dans le débat de l’élection présidentielle de 2007, l’économie numérique apparaît dans les objectifs gouvernementaux comme un maillon important de la politique de réforme. Il a été créé un secrétariat d’État chargé du développement de l’économie numérique, également chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, confié à Éric Besson (2007-2009), puis à Nathalie Kosciusko-Morizet (2009- 2010). Dans ses nouvelles attributions, Éric Besson retrouve, depuis le 14 novembre 2010, les dossiers numériques. Le regroupement de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, ainsi que l’abandon de la référence à la prospective, permettent de sortir l’économie numérique d’un espace spécifique et étroit pour l’associer à l’économie dans son ensemble. Cette évolution positive est un pas vers la disparition d’un marquage numérique spécifique qui perd son sens particulier dans un monde où toute activité contient désormais une dimension numérique.
Éric Besson a publié, en octobre 2008, le Plan de développement de l’économie numérique, dont les 154 mesures sont regroupées en quatre chapitres :
– permettre à tous les Français d’accéder aux services numériques ;
– développer la production et l’offre de contenus numériques ;
– diversifier les usages et les services numériques ;
– rénover la gouvernance et l’écosystème de l’économie numérique.
Ce document constitue la trame de l’action gouvernementale jusqu’en 2012, ainsi que l’a confirmé Éric Besson. Sans moyens budgétaires spécifiques, il fonctionne plus comme un cadre de référence souple que comme la base d’un engagement robuste. Toutefois, ce document, comme ceux qui l’ont précédé, vieillit rapidement. Pour illustrer la rapidité d’évolution du secteur, il suffit de citer le rapport Besson qui, lors de sa publication en 2008, mettait en exergue que « les emplois de l’économie numérique sont peu délocalisables : les réseaux de télécommunications, leur gestion, ne sont pas déplaçables. Les contenus et services en ligne sont très majoritairement produits localement ». Le modèle des applications développé par Apple autour de l’iPhone, apparu mi-2007, a rapidement fait voler en éclats cette conviction, tout en ouvrant totalement le jeu, car en théorie rien n’interdit aux entreprises françaises de faire jeu égal avec leurs concurrents mondiaux sur le marché prometteur de « l’informatique en nuage ».
Nathalie Kosciusko-Morizet a, à plusieurs reprises, défini les priorités de l’action gouvernementale.
Elles concernent en premier lieu l’infrastructure et le soutien aux entreprises du secteur :
– l’investissement en matière de très haut débit, dont le déploiement sur l’ensemble du territoire français représente un enjeu à la fois économique et social ;
– la sous-capitalisation des entreprises du logiciel ;
– le développement de l’usage du numérique dans les PME ;
– la mutualisation d’infrastructures informatiques pour les start-up ;
– l’investissement dans la numérisation des contenus patrimoniaux audiovisuels et leur accessibilité via une porte d’entrée numérique.
Plusieurs autres champs d’action sont identifiés comme structurants pour le développement d’une société numérique, pour une croissance juste, sobre et équitable :
– « Internet pour tous », actions pour lutter contre les fractures numériques ;
– le développement de la « e-santé », qui devrait contribuer à apporter des réponses aux problématiques posées par le vieillissement de la population ;
– la réflexion autour de la maîtrise de la consommation d’énergie et de l’inter-modalité des transports ;
– l’éducation par les TIC et aux TIC, avec la création d’un pôle universitaire d’excellence formant aux technologies de l’information et de la communication, en liaison avec les pôles de compétitivité.
Le Grand Emprunt national lancé en 2010 a également été l’opportunité d’un débat sur la place du numérique dans les dépenses d’investissement nécessaires à la compétitivité de la France. Finalement, le volet numérique représente 4 milliards d’euros sur les 35 milliards. Nathalie Kosciusko-Morizet, se félicitant de l’importance accordée au numérique, a déclaré que ce « Grand Emprunt va donner les moyens d’offrir à la France une infrastructure numérique de pointe, au service des contenus et des usages dont nous savons qu’ils seront à la fois des moteurs de croissance et des leviers de socialisation ».
Le rapport rappelle que « le secteur numérique représente plus du quart de la croissance et 40 % des gains de productivité de l’économie. En plus de constituer un secteur porteur de croissance et d’emplois, le numérique a un impact diffusant sur le reste de l’économie, en contribuant à améliorer la compétitivité globale de l’industrie et des services et en étant le support d’offres innovantes dans tous les secteurs ». Ces données ont été rappelées par le président de la République lors de la présentation du Conseil national du numérique le 27 avril 2011.
Ces 4 milliards seront également répartis entre le contenant et les contenus : 2 milliards pour « accélérer le passage de la France au très haut débit en développant les infrastructures les plus pertinentes économiquement et techniquement pour les zones les moins denses (fibre optique, solutions satellitaires, très haut débit mobile…) » et 2 milliards pour « financer des projets partenariaux publics-privés de recherche et de démonstration visant la conception de logiciels, d’usages et de contenus numériques ».
La politique européenne
L’Union européenne se préoccupe, depuis l’origine, de l’impact des technologies de l’information sur la compétitivité de l’économie européenne. Un très fort activisme, entretenu par un lobbying intense, caractérise l’action de la Commission sur les différentes thématiques de « la société de la connaissance ». L’organisation européenne réaffirme avec constance la conviction que les TIC « agissent comme un catalyseur » dans trois domaines clefs :
– la productivité et l’innovation, en facilitant la créativité et le management ;
– la modernisation des services publics, comme la santé, l’éducation et le transport ;
– l’avancement de la science et de la technologie, en soutenant la coopération et l’accès à l’information.
Pour l’Union européenne, les TIC contribuent directement à aider l’Europe à relever ses principaux défis :
– une économie faiblement génératrice de carbone ;
– un environnement propice au développement de la santé et du bien-être dans une société vieillissante ;
– un développement économique et industriel compétitif et durable ;
– un environnement propice aux apprentissages et aux échanges culturels.
C’est pour soutenir cette ambition que le programme ICT au sein du 7e programme-cadre de recherche bénéficie d’un engagement de moyens de 9,1 milliards d’euros et couvre les activités les plus diverses, rapprochant par des partenariats public-privé l’action publique et l’initiative privée. La liste des domaines visés par le programme illustre parfaitement le champ désormais extrêmement large englobé par le terme « numérique ». Il s’agit bien d’une nouvelle vision globale de l’économie et du système social, innervés par l’information et la connaissance.
Challenge 1 : un réseau global et reconnu et des services d’infrastructure.
Challenge 2 : des systèmes à base de connaissances et des systèmes robotiques.
Challenge 3 : des voies alternatives pour la conception de systèmes et de composants. L’objectif est de maîtriser les ruptures futures en matière de miniaturisation des composants et des systèmes. C’est un vaste champ de recherche dont le but est de créer des micro et nano-systèmes capables de capter et traiter tout type d’information et d’intervenir sur leur environnement.
Challenge 4 : technologies pour faciliter la conception des applications numériques innovantes permettant l’exploitation des contenus numériques et l’affranchissement des contraintes de langue.
Challenge 5 : TIC pour la santé, l’accompagnement du vieillissement, l’intégration, la modélisation de politiques et la gouvernance.
Challenge 6 : TIC pour une économie décarbonée (énergie, ressourcesnaturelles, distribution, transport, etc.).
Challenge 7 : TIC pour la production et les usines du futur.
Challenge 8 : TIC pour l’éducation et l’accès aux ressources culturelles.
Cet inventaire très large des champs couverts par l’intervention des fonds publics européens démontre que le fait numérique ne peut plus se distinguer de l’environnement économique et social. La technologie couvre la totalité des facettes de la vie économique et sociale, ce qui rend de plus en plus complexe l’intervention publique. Les chantiers pour faire avancer la société de l’information dans l’Union européenne ne manquent pas. L’Europe, qui dispose encore d’atouts technologiques par la vitalité de sa recherche et la capacité de sa population à s’ouvrir aux usages, n’a toutefois plus la maîtrise industrielle de l’ensemble des composants techniques nécessaires.
Toutefois, l’action de la Commission risque de se diluer entre les initiatives de natures différentes. Trois dimensions se partagent en effet les préoccupations des acteurs de la Commission : la dimension technique, avec les réseaux à très haut débit filaire ou hertzien, les usages, notamment la confidentialité des données personnelles, et le développement de la numérisation des pratiques économiques dans l’économie européenne.
Neelie Kroes, vice-président de la Commission européenne en charge du numérique, a demandé aux ministres chargés des Télécommunications des pays membres d’accepter les propositions d’harmonisation du spectre de fréquences (Radio Spectrum Policy Programme, ou RSPP), afin de mobiliser des ressources hertziennes communes pour développer le haut débit sans fil d’ici à 2013. Ceci représente un point clef du programme pluriannuel « Agenda numérique pour l’Europe » (Digital Agenda for Europe) pour préparer le très haut débit mobile pour tous à l’horizon 2020.
La Commission européenne se soucie également de l’impact du développement rapide des technologies du cloud computing (« l’informatique en nuage ») sur la diffusion des données et leur localisation, le risque étant de voir les données européennes être hébergées en dehors du territoire européen. Bruxelles soutient des projets de Recherche et Développement consacrés au cloud computing comme TClouds ou Vision-Cloud.
La Commission n’abandonne pas non plus le terrain de la défense de la propriété intellectuelle. « La Commission européenne rendra compte d’ici à 2012 sur la base du réexamen de la directive sur le respect des droits de la propriété intellectuelle et après un dialogue approfondi avec les acteurs concernés de la nécessité de mesures supplémentaires pour renforcer la protection contre les violations constantes des droits de propriété intellectuelle dans l’environnement en ligne. »
Enfin, sur le plan économique, la Commission plaide pour la généralisation de la facturation électronique d’ici à 2020, orientation défendue conjointement par Michel Barnier (commissaire responsable du Marché intérieur et des Services), et Antonio Tajani (commissaire chargé de l’Industrie et de l’Entrepreneuriat). La généralisation de cette mesure passe par une simplification des procédures et la généralisation de la signature électronique.
La politique internationale d’Internet
La communauté mondiale s’est préoccupée dès 2003 de l’impact mondial du développement fulgurant d’Internet sur les équilibres économiques, sociaux et politiques de la planète. Le développement d’Internet, du Web et des communications mobiles est devenu un des axes majeurs du développement économique de la planète. Or les outils et normes qui en assurent la pérennité sont pour la plupart d’origine américaine, terre de naissance d’Internet, ou européenne pour la téléphonie GSM (Global System for Mobile). Il est évident que les nouvelles grandes puissances émergentes ne peuvent accepter que leur développement futur soit conditionné par la maîtrise par l’Occident des bases technologiques et opérationnelles, comme la gestion des serveurs d’adresses.
Le Sommet mondial de la société de l’information (SMSI), qui s’est tenu pour la première fois à Genève en décembre 2003 puis à Tunis en novembre 2005, a manifesté la volonté des États de monter en puissance dans la gouvernance d’Internet. Si l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) continue à défendre sa position pour jouer un rôle clef dans Internet, les réflexions issues du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) tendent à injecter « une dose d’État » dans ce dispositif qui, simultanément, est incité à se dégager de la tutelle du gouvernement fédéral américain.
L’e-G8, réuni à Paris les 23 et 24 mai 2011 à l’initiative de la France et sous la présidence de Nicolas Sarkozy, est la première manifestation fondapol | l’innovation politique 20 internationale qui associe la communauté Internet et le pouvoir politique
au plus haut niveau. Il s’agit de développer la réflexion sur l’impact d’Internet et du Web sur le fonctionnement de l’économie et de la société pour que les chefs d’État s’en imprègnent et ne considèrent plus la « révolution Internet » comme une simple transformation technologique, mais comme un changement radical des perspectives ouvertes à la communauté planétaire. Le G8 a repris dans ses conclusions la nécessité de protéger la propriété intellectuelle par une coopération internationale appropriée et de développer les moyens pour « faciliter un meilleur accès et une plus grande ouverture à la connaissance, à l’éducation et à la culture, notamment en encourageant l’innovation dans le commerce en ligne des biens et des contenus… ». Cette reconnaissance de la puissance d’Internet et du Web est donc désormais un acquis de la communauté internationale. C’est clairement un tournant dans la prise de conscience politique de l’entrée dans une nouvelle ère.
L’improbable progression vers une gouvernance planétaire d’Internet
Un groupe de travail sur la gouvernance d’Internet (GTGI) a été créé par le secrétaire général de l’ONU à l’issue des travaux de Genève.
Son mandat est le suivant :
– élaborer une définition pratique de la gouvernance d’Internet ;
– identifier les questions d’intérêt général qui se rapportent à la gouvernance d’Internet ;
– trouver un terrain d’entente concernant les rôles et sphères de responsabilité respectifs des États, des organisations internationales et autres forums existants, ainsi que du secteur privé et de la société civile, tant dans les pays en développement que dans les pays développés.
Le premier élément sur lequel s’est mis d’accord le groupe est la définition de la gouvernance d’Internet : « Il faut entendre par « gouvernance d’Internet » l’élaboration et l’application par les États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leurs rôles respectifs, de principes, normes, règles, procédures de prise de décision et programmes communs propres à modeler l’évolution et l’utilisation d’Internet. »
Clairement, il ne s’agit plus de laisser une communauté scientifique et professionnelle, largement influencée historiquement et politiquement par les États-Unis, gérer à son gré des règles techniques ayant un tel impact politique. La transformation numérique au service de la croissance politique. Les États veulent s’impliquer dans des sujets plus vastes que les noms de domaine et estiment qu’ils doivent prendre en main le destin d’Internet compte tenu de son rôle majeur dans l’économie, le développement, la sécurité, la cyber-délinquance, le pollupostage (les spam, ou pourriels), la circulation des biens et des personnes, etc. Dans un modèle où 91% des utilisateurs d’Internet proviennent des pays riches mais ne représentent que 19% de la population mondiale, les questions relatives au développement prennent évidemment une dimension essentielle.
Le rapport du groupe est d’ailleurs très sévère sur les modes de régulation actuels et leurs limites en matière de transparence, de responsabilisation et de respect du multilatéralisme. Il prône une approche coordonnée de toutes les questions de politique publique qui concernent la gouvernance d’Internet.
Le groupe de travail a examiné quatre modèles possibles d’organisation assurant un dosage plus ou moins équilibré du rôle des États, du secteur privé et de la société civile :
– un Conseil mondial d’Internet composé de membres désignés par les États ;
– la création d’un forum mondial d’Internet lié à l’ONU regroupant toutes les parties prenantes, sans organe de contrôle spécifique;
– la création d’un Conseil international d’Internet, piloté par les États, reprenant les compétences de l’ICANN ;
– un quatrième modèle dissociant l’élaboration des politiques publiques, confiée à un Conseil des politiques Internet mondiales, placé sous la direction des États, le contrôle technique et opérationnel, confié à la Société mondiale pour l’attribution des noms de domaine et numéros sur Internet, pilotée par le secteur privé, et la coordination mondiale assurée par le Forum mondial de la gouvernance d’Internet, tripartite États, secteur privé et société civile.
Le groupe de travail complète son approche par une série de considérations générales sur la liberté d’expression, la protection des données et le respect de la vie privée, les droits du consommateur, le respect du multilinguisme, toutes questions majeures sur lesquelles les États ont de bonnes raisons de ne pas s’entendre.
Ces idées cheminent actuellement entre les différents protagonistes sans faire émerger de consensus. Le gouvernement des États-Unis, qui avait déjà ouvert une brèche considérable dans les principes fondateurs fondapol avec le Patriot Act, a réaffirmé bien fort qu’il n’était pas question pour lui de renoncer à son rôle historique sur Internet. L’Union européenne, quant à elle, semble favorable à une forte évolution du statu quo à travers la création d’un forum mondial d’Internet. Le débat porte également sur la nature de la structure publique qui pourrait piloter le nouveau système, et l’UIT (Union internationale des télécommunications), basée à Genève, semble être un candidat crédible.
Si rien n’est encore joué, il y a donc un parfum de reprise en main d’Internet par les États et la communauté mondiale tout à fait compréhensible dans un monde ouvert et vulnérable, mais qui risque de marquer un tournant majeur dans la jeune histoire d’Internet. Les débats organisés à la suite du Sommet mondial suivent un rythme soutenu dans le calme feutré des conférences diplomatiques sans parvenir à dénouer les contradictions politiques. En effet, le consensus est bien difficile à faire émerger entre les tenants d’un Internet ouvert et les États qui considèrent qu’Internet doit rester sous contrôle afin, notamment, de permettre une surveillance active de tous les mouvements qui se sont emparés du Web pour y développer leurs thèses radicales ou plus classiquement prospérer dans tous les trafics illégaux. Néanmoins, il semblerait que les tenants de l’ordre progressent, ainsi que le démontre la multiplication des pressions étatiques auprès des fournisseurs pour accéder à leurs algorithmes de cryptage de données sous couvert de sécurité nationale. Ces questions ont été portées à l’ordre du jour du G8 de mai 2011 par la présidence française.
Internet et le développement, les objectifs du Millenium
La neuvième édition du rapport de l’UIT, parue à l’été 2010, veut dresser un bilan d’étape entre les objectifs du sommet mondial de 2005 et 2015, date fixée par les objectifs du Millenium sur le développement. Ce rapport d’étape acte l’extraordinaire développement des télécommunications dans le monde, avec le franchissement des 5 milliards d’utilisateurs de téléphone mobile et 2 milliards d’internautes fin 2010. Pour le secrétaire général de l’UIT, la décennie 2010 sera celle du développement des communications à large bande.
Le rapport établit le point d’avancement des dix objectifs clefs définis à Genève pour que la communauté mondiale bénéficie d’un niveau efficace et homogène d’appropriation des technologies de l’information. Le rapport souligne objectivement que deux des facteurs de développement majeurs de l’usage des technologies, le succès de la téléphonie mobile et La transformation numérique au service de la croissance le développement du Web 2.0, avec l’implication des utilisateurs dans la construction des contenus, n’avaient pas été anticipés par le SMSI.
Objectif 1 : connecter les villages aux systèmes de télécommunications et établir des points d’accès publics.
Objectif 2 : connecter les universités, les collèges et les écoles secondaires et primaires.
Objectif 3 : connecter les centres de recherche.
Objectif 4 : connecter les bibliothèques publiques, les centres culturels, les musées, les bureaux de poste et les archives.
Objectif 5 : connecter les centres de soins et les hôpitaux.
Objectif 6 : connecter tous les établissements des États et des collectivités locales, et mettre en place des sites Internet et des adresses de courrier électronique (e-administration).
Objectif 7 : adapter les programmes scolaires pour se préparer à relever les défis de la société de l’information.
Objectif 8 : assurer que toute la population mondiale ait accès à la radio et à la télévision.
Objectif 9 : encourager le développement de contenus et mettre en place les conditions techniques permettant à toutes les langues de la planète d’être présentes et utilisées sur Internet.
Objectif 10 : s’assurer que la moitié de la population mondiale ait accès aux technologies de l’information.
Sur chaque thème, le rapport illustre les progrès de la numérisation de la planète, qui tiennent d’ailleurs plus à la propagation autoalimentée des technologies qu’à la contribution propre des programmes gouvernementaux.
Un changement radical des perspectives économiques
Si l’action publique, à tous les niveaux, cherche à structurer le développement « naturel » des technologies de l’information pour faire bénéficier l’ensemble de la population des potentiels de développement personnels et communautaires portés par le foisonnement de techniques, le coeur de l’exploitation de ces outils réside dans l’adoption rapide des innovations dans les produits et process portés par les entreprises. La compétitivité de chaque entreprise réside dans sa capacité soit à produire les outils et services nourris par les techniques, soit à les exploiter pour métaboliser ces outils dans le fonctionnement quotidien. La bataille économique se joue sur l’aptitude à produire et à exploiter les innovations. C’est une question de vitesse, mais aussi de continuité et de cohérence. Force est de reconnaître que les États sont peu et mal armés pour jouer un rôle décisif dans cette dynamique où le marché, l’entrepreneuriat, l’audace et la prise de risque sont les paramètres clefs.
Le développement exponentiel de la société numérique
Deux puissants vecteurs ont façonné la transformation numérique de a société : la téléphonie mobile et le Web. Ils ont encore, pendant la décennie 2000, largement opéré de manière indépendante. Désormais, ils se confondent rendant la transformation encore plus profonde et plus rapide. Servis par la croissance exponentielle des performances et la baisse des prix des processeurs et des mémoires, la téléphonie mobile et le Web vont généraliser de nouveaux usages transformant les comportements des consommateurs, des citoyens et des salariés. D’année en année, au début janvier, le Consumer Electronic Show de Las Vegas, qui est la grande manifestation mondiale de référence de l’électronique grand public, confirme avec éclat ces tendances lourdes en renforçant les trois vecteurs qui en ayant su attirer les consommateurs ont bousculé le marché et les producteurs de contenus :
– nous sommes entrés dans l’ère de l’hyper-réalisme, ouverte déjà par les jeux vidéo dont les consoles offrent, depuis plusieurs années, une démonstration éblouissante mais dont l’influence sur les standards et les perceptions a été totalement sous-estimée. Les fournisseurs rivalisent de talent pour proposer des écrans haute-définition LCD et maintenant OLED aux couleurs de plus en plus vives, à la fréquence de rafraîchissement de plus en plus élevée. Le son est également de plus en plus soigné et tend, lui aussi, vers la haute définition. Le « home cinéma » assure une synthèse de ces progrès. La télévision en relief, naguère curiosité de parc d’attraction, s’apprête à envahir les salons dès que l’offre de contenus sera attractive. C’est sa capacité exceptionnelle à renforcer l’expérience émotionnelle, notamment dans les retransmissions sportives, qui en fera un vecteur essentiel de pénétration dans les foyers ;
– la simplicité d’usage progresse, chacun des composants de la chaîne de production et de restitution d’images s’affranchissant des multiples contraintes de connexion et d’apprentissage. Caméras vidéo, appareils photo, cadres photo, écrans communiquent désormais simplement en WiFi ou par le courant électrique. Cette connectivité rend l’interaction des contenus facile et va faire décoller des marchés longtemps confidentiels faute de normes, telle la domotique ;
– la mobilité est totalement insérée dans cette chaîne numérique. Tous les appareils ont une composante mobile. Le téléphone portable devient appareil photo à 8 millions de pixels, le projecteur vidéo tient dans la poche, le micro-ordinateur se miniaturise, on peut distribuer ses photos en MMS. La géolocalisation est disponible sur chaque appareil et on peut situer sur Google Maps ses photos et ses films. Rester en contact étroit avec la famille, les amis, le groupe est une donnée majeure du comportement social, et ces objets assurent cette continuité numérique indispensable aux blogueurs et fans de Facebook et Twitter. Les outils mobiles contribuent également à la sécurité des personnes les plus fragiles, enfants comme personnes âgées.
La transformation s’accélère
Pour les sceptiques qui auraient pu juger ces évolutions marginales car elles semblent se cantonner au monde de la consommation, il faut se replonger dans l’histoire de la dernière décennie pour mesurer à quel point notre environnement quotidien a été transformé de façon continue par ces objets. Bien évidemment, les produits et services induits par les technologies de l’information prennent une place croissante dans les budgets et le temps disponible qui affecte l’ensemble des autres activités.
Il faut aussi prendre conscience de l’incapacité absolue des prévisionnistes à anticiper l’ampleur des mouvements techniques et leurs effets structurels. Dans son numéro spécial de septembre 1990 consacré à la vie en 2015, le magazine Science & Vie, dans un article très documenté sur l’évolution de la téléphonie mobile, estimait que le GSM pourrait, compte tenu de la limitation des fréquences disponibles, desservir au maximum 10 millions d’utilisateurs en Europe, dont 2 millions seulement en France. Fin 2010, on estime à 62 millions le nombre de téléphones mobiles en France, soit trente fois plus (données de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – Arcep).
La plupart des outils et services que nous utilisons maintenant ont moins de dix ans d’existence. Notre perception du monde et notre capacité d’interaction ont été transformées par l’omniprésence de ces outils. Or la décennie 2010 sera encore plus féconde en bouleversements sur les marchés et les comportements. Rien ne semble devoir arrêter la puissance et la diversité de l’offre issue de la recherche fondamentale, qui repousse sans cesse les limites connues.
La téléphonie mobile n’existe que depuis le milieu des années 1990. En 1991, le ratio du nombre de lignes téléphoniques fixes par rapport aux abonnements mobiles était de trente-quatre pour un. C’est en 2003 que le nombre d’abonnements mobiles a dépassé celui des lignes fixes. En 2009, le ratio est de trois pour un. Il y a actuellement 4,6 milliards d’utilisateurs de téléphones mobiles dans le monde. Ce qui était un objet réservé à une minorité de privilégiés à la fin des années 1980 est devenu l’objet industriel le plus banal de la planète, faisant ainsi de la mobilité le moteur de la transformation de la société.
Divers smartphones ont été proposés au marché sans grand succès à partir de 2002, mais c’est l’iPhone, introduit le 29 juin 2007, qui a déclenché le développement du marché et accéléré le rythme d’innovation de l’industrie. En 2009, l’iPhone est à l’origine de 55% de l’ensemble du trafic mobile sur Internet aux États-Unis. Les lecteurs MP3 existent depuis 1998 ; l’iPod a été introduit en octobre 2001 et 220 millions ont été vendus, soit 70% du marché. 54% des téléphones européens sont connectés au réseau 3G. On estime à près de 250 millions le nombre de smartphones vendus dans le monde en 2010, pour un chiffre d’affaires égal en valeur aux 800 millions de téléphones mobiles classiques.
Le DVD est apparu en 1997, rapidement relayé, en 2002, par la haute définition sous deux formats concurrents (HD-DVD et Blu-ray), l’industrie choisissant le Blu-ray en 2008 et ouvrant la voie à l’essor mondial de ce standard.
Le premier téléviseur à écran plat a été lancé aux États-Unis par Philips en 1997, au prix de 15 000 dollars pour 42 pouces. Le prix actuel est de 1.000 dollars. A partir de 2004, les prix ont été divisés par deux chaque année, évinçant totalement du marché les écrans cathodiques.
Le système de GPS (Global Positionning System) date de trente ans, mais c’est à partir de 2004 que les PND (Personal Navigation Device) ont commencé à se démocratiser après que le gouvernement fédéral américain avait décidé de ramener la précision de localisation à 15 mètres en 2000, puis à 3 mètres grâce à une innovation technique (WAAS – Wide Area Augmentation System).
Même le plus ancien et le plus abouti des objets de savoir, le livre, est après beaucoup de tentatives infructueuses gagné par la numérisation. Le premier eBook doté d’encre électronique (e-Ink) est apparu en 2004 (Sony Librié), mais c’est le Kindle d’Amazon, grâce à sa bibliothèque, qui a fait réellement naître le marché, fin 2007. L’arrivée de l’iPad d’Apple, au printemps 2010, a sans doute amplifié le phénomène. Au vu de cet inventaire, il est acquis que la décennie 2010 est également porteuse de bouleversements technologiques qui vont rendre l’utilisation des techniques numériques encore plus facile, économique et généralisée.
Le Web fédère les contenus et transforme l’approche classique de l’informatique
L’exploitation commerciale d’Internet a commencé au début des années 1990, mais c’est le déploiement du navigateur, en 2003, qui en a permis la rapide expansion. Associé à un moteur de recherche, le navigateur a permis de faire naître un immense marché de services où le support informatique s’efface face à l’usage. L’informatique classique réservée aux entreprises apparaît aujourd’hui décalée et peu avenante face à la puissance de ces nouveaux outils que des firmes comme Google et Apple ont réussi à généraliser. Au-delà de l’efficacité et de la puissance de séduction des outils qu’elles ont lancés sur le marché, c’est surtout par la rénovation des modèles économiques que ces deux firmes marquent leur temps. Un navigateur financé par la publicité, un lecteur de musique organisant le téléchargement légal n’ont été que les précurseurs de systèmes radicalement novateurs. Ainsi, les fameuses Apps d’Apple, qui font payer très peu cher des logiciels de masse, installent durablement un modèle nouveau de production et de diffusion de logiciels sur le Web. Le succès de l’iPhone, comme de l’iPad, est dû à la multiplicité de ses applications faciles à télécharger pour un coût unitaire marginal – on en totalise plus de 300.000 – au moins autant qu’à l’intelligence de l’outil.
Les enjeux de l’entreprise numérique
Ces transformations modifient les perspectives économiques de tous les pays, matures ou émergents. Les pays matures apparaissent plus fragilisés par la lourdeur de leurs habitudes face à l’agilité dont font preuve leurs nouveaux concurrents. Ainsi, la France est confrontée, de même que toutes les anciennes nations industrielles, à trois défis majeurs :
– le vieillissement de sa population, qui va peser sur la compétitivité et la consommation, en accentuant le déséquilibre actifs/inactifs, et créer des charges nouvelles ;
– le défi environnemental, qui oblige à consommer moins de ressources naturelles pour privilégier les ressources renouvelables et donc remet en cause le patrimoine industriel, l’habitat et les habitudes de consommation et de déplacement ;
– la transformation scientifique, industrielle et culturelle induite par le numérique, qui déplace la création de valeur du capital matériel vers l’immatériel, des produits vers les services.
Ces trois défis relèvent en fait de la même logique économique. On sait désormais produire plus, moins cher, dans un monde ouvert où les consommateurs arbitrent chaque jour de façon libre et informée au sein d’une gamme de plus en plus étendue de choix. Dans toutes les catégories de la population, la dépense numérique a désormais pris une importance majeure, non seulement au détriment direct de dépenses classiques – habillement, alimentation, automobile, mais en transformant la manière dont s’opèrent les choix. L’information disponible sur le Web, ainsi que les nouveaux canaux de distribution et de publicité, transforment l’acte d’achat. Le consommateur devient unique et cohérent, et cherche à optimiser aussi bien son temps que l’utilisation de son revenu disponible. Les règles et habitudes des sites de commerce électronique se propagent vers les magasins classiques. La santé, l’éducation, la vie administrative sont progressivement transformées par l’utilisation des outils numériques. Il n’est plus imaginable de créer des emplois, même de service de proximité, qui n’intègrent pas la dimension numérique.
L’entreprise doit intégrer toutes les dimensions de la révolution numérique
La numérisation de la société a évidemment un impact majeur sur les entreprises, qu’elles produisent les biens et services qui génèrent ou accompagnent cette transformation ou qu’elles les exploitent dans leur mode de fonctionnement. On a vu trop longtemps la révolution numérique comme un prolongement de l’informatisation de la société, sans mesurer qu’il s’agissait en fait d’une rupture. L’informatisation a permis d’automatiser et de piloter les processus classiques du fonctionnement des entreprises, les rendant plus efficaces et plus rapides. La numérisation en revanche permet d’inventer de nouveaux produits et services qui n’existeraient pas sans support numérique. C’est pourquoi, loin de se cantonner aux fonctionnements classiques des entreprises, la révolution numérique déborde des cadres initiaux, les rendant le plus souvent obsolètes, et bouleverse les structures, les emplois et les entreprises elles-mêmes quand, faute d’agilité, elles sont incapables de s’adapter. Toutes les parties prenantes sont impactées : collaborateurs, clients, fournisseurs, actionnaires, mais aussi acteurs de l’environnement externe, et notamment le législateur, qui doit s’adapter à cette nouvelle donne.
Toutefois, la transformation qui se prépare est encore plus radicale sous deux angles complémentaires :
– l’information sera essentiellement produite et échangée au sein de l’entreprise étendue à travers des outils mobiles, rendant largement obsolète la forme matérielle classique des structures de l’entreprise ;
– l’information ne sera plus seulement échangée entre l’homme et « sa » machine, mais les flux d’informations seront produits et pilotés par les machines entre elles sans intervention humaine dans un nombre croissant de situations.
Il s’est en effet vendu en 2009 plus de 10 milliards de processeurs et on prévoit pour 2020 un marché de plus de 50 milliards. C’est dire que les changements qui vont marquer notre environnement n’ont pas fini de bouleverser notre vision habituelle du monde. C’est bien un changement de civilisation qui se dessine et qui va mettre à mal nombre de nos habitudes. De façon très concrète, la transformation numérique imprime ses nouveaux modes de fonctionnement dans toutes les phases de la vie des entreprises. Là encore, il ne s’agit plus de mécaniser des processus classiques, mais de transcender les organisations et les rôles des acteurs de l’entreprise pour porter l’information pertinente, en temps réel, sous forme numérique, où et quand se prennent les décisions.
La recomposition numérique des cycles de fonctionnement de l’entreprise
Concevoir
La conception des produits répond à une évolution des logiques économiques fortes. En période de rareté relative, c’est la capacité technique qui va pousser les produits vers le marché. En période d’abondance, toujours relative, ce sont la reconnaissance, la connivence et les valeurs qui vont emporter la décision du client. Nous passons des modèles classiques du techno-push et du marketing-pull au co-design. Dans le techno-push, l’entreprise produit ce qu’elle sait fabriquer, issu de ses compétences techniques et de ses laboratoires de recherche-développement et sans vraiment se soucier de la demande du client final. La plupart des innovations sont nées par ce puissant mécanisme qui a su faire pénétrer des produits de plus en plus performants dans les entreprises et auprès des ménages. Les Trente Glorieuses ont été alimentées en mode techno-push, la population absorbant avec délice les innovations qui changeaient leur vie.
Lorsque la demande se ralentit, quand les besoins primaires sont satisfaits, c’est le département marketing qui prend le relais en affinant la demande, en segmentant les attentes des consommateurs, en diversifiant les emballages et la communication. Ce marketing-pull est à l’origine de la diversification extrême des gammes de voitures ou de yaourts… L’offre devient tellement fragmentée qu’elle en est souvent illisible et on pratique alors par essai/erreur en saturant le marché et en abandonnant les références inactives. Cette complexité n’est pas sans conséquences industrielles et logistiques.
Dans les deux modèles l’entreprise pilote le processus de conception à son propre rythme et en fonction de ses propres impératifs de calendrier. Le co-design, ou ingénierie concourante, est un processus directement issu de la nouvelle capacité des clients et fournisseurs à communiquer de façon numérique sur une base continue. Il permet de collaborer en temps réel sur les spécifications et le design de l’objet à concevoir – produit ou service – en accélérant par le parallélisme les phases classiques du mode projet, traditionnellement séquentiel. Les arbitrages se font à partir de l’image du produit final, qui s’affine tout au long du processus, la communication entre les acteurs, souvent distants, se faisant par des outils de management collaboratif. La maquette numérique est au coeur de ce mécanisme, chaque acteur se voyant attribuer une responsabilité dans la conception de sous-ensembles qui s’intègrent au fur et à mesure dans le produit final. La démonstration de l’efficacité de ce processus a été prouvée par la brillante conception du triréacteur d’affaires de Dassault Aviation, le Falcon 7X. Non seulement les délais de conception ont été réduits à quatre ans pour un appareil entièrement nouveau, mais le premier appareil produit a pu être livré à un client avec des spécifications de qualité nominales.
Produire
Produire dans l’ère numérique, c’est bien évidemment s’adapter en temps réel à la demande par une analyse continue de l’évolution de la demande finale, des stocks et des encours de production. Cet exercice est sous-tendu par la capacité de gérer les approvisionnements en flux tendu grâce à une logistique précise. Passer de la conception numérique à la maquette numérique puis au process numérique devient naturel grâce aux outils de PLM (Product Life Management) qui permet de rassembler dans un référentiel unique l’ensemble des informations nécessaires à la conception, à l’évolution et à la production. Selon Dassault, pour son 7X la conception entièrement numérique a permis des gains considérables dans les phases d’industrialisation et de production : élimination des retouches et problèmes de fabrication, qualité maximale atteinte dès le premier appareil, temps d’assemblage divisé par deux, outillage de production réduit de plus de 50%.
Le développement des plates-formes d’ingénierie collaborative répond aux multiples besoins des entreprises qui visent à fonctionner dans un mode d’entreprise étendue. Ce mode de gestion conduit à une réduction des coûts d’intermédiation, à une accélération des temps de réaction des acteurs de la chaîne et à une créativité accrue. À titre d’illustration concrète, les composants fonctionnels d’une plate-forme intègrent généralement les services suivants :
– assurer une gestion centralisée des documents électroniques en mode projet : fonctions de rangement, de sécurisation, de suivi de modification, de structuration et de capitalisation de l’information dans le cadre de projets d’industrialisation ;
– permettre aux entreprises d’organiser, de rationaliser, de maîtriser la gestion des informations (masse de documents générés par la CAO et la dématérialisation) par la mise en oeuvre d’un système de gestion des données techniques (SGDT) ;
– permettre aux entreprises d’utiliser un outil de web-conferencing qui permet une diminution importante des frais de déplacement en évitant la multiplication de réunions entre différents partenaires géographiquement dispersés ;
– valider un fonctionnement d’ingénierie collaborative avec la mise en oeuvre d’un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO) et d’un logiciel de simulation. Les outils de CAO permettent la mise en place d’une maquette numérique partagée qui permet, à distance et de façon interactive, de construire numériquement le modèle du produit à fabriquer ;
– stimuler l’intérêt des jeunes diplômés pour des démarches novatrices ;
– maîtriser le cycle de développement des nouveaux produits et en assurer la traçabilité.
Cette logique s’applique également aux produits dont toute la chaîne de conception est numérique, qu’ils adoptent une forme matérielle (le journal papier) ou immatérielle (l’image du même journal sur Internet). Cette continuité protéiforme, qui conduit d’ailleurs à remettre en cause l’opposition duale matériel/immatériel, s’applique à de nombreux produits comme par exemple un prêt bancaire ou un voyage, où la chaîne de conception et de décision purement numérique s’incarne dans une réalité physique. Ces outils permettent un gain de temps et d’efficacité considérable par rapport aux circuits fragmentés de décision. Leur mise en oeuvre est de plus en plus simple et accessible, même aux petites entreprises.
Distribuer
Le monde de la distribution est régulièrement transformé par les innovations techniques. Rassembler en un lieu unique le maximum de références a été le long cheminement du progrès de la distribution destinée au consommateur final. L’hypermarché et le centre commercial marquent l’apogée de cette révolution de la distribution. Mais ce modèle est rendu vulnérable par le développement du commerce en ligne qui apporte un choix infini, beaucoup plus large que n’importe quelle structure physique.
Le commerce électronique rend également l’acte d’achat mieux maîtrisé par le consommateur qui dispose de toutes les informations qui lui paraissent nécessaires pour effectuer un choix informé mais également du temps et du recul nécessaire pour prendre la meilleure décision. Le phénomène dit de « longue traîne » permet d’accéder à une offre très large répondant aux attentes les plus spécifiques avec un coût de recherche minimal. Ceci offre aussi la possibilité à des producteurs pointus de mettre en marché leurs produits à l’échelle planétaire en limitant leurs frais commerciaux. Ainsi, eBay est devenu un canal commercial à part entière. La progression continue du commerce en ligne touche désormais toutes les catégories de la population. Selon le dernier rapport (janvier 2011) de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), le commerce en ligne a continué de progresser en 2010 pour atteindre 31 milliards d’euros dépensés sur le Net, soit une hausse de 24% depuis 2009, année qui avait
également connu une croissance spectaculaire de 25% en dépit de la crise. Plus de 27,3 millions de Français achètent sur internet et 81.900 sites marchands sont disponibles, soit : + 28% en un an. Le cap des 100.000 sites marchands sera franchi en 2011. La croissance du nombre des cyberacheteurs (+12%) dépasse celle des internautes (+9%). Un cyberacheteur effectue en moyenne douze transactions par an, pour un montant moyen annuel de 1100€. 28% des entreprises françaises achètent en ligne pour leurs besoins propres. Les sites leaders continuent leur progression : eBay, Priceminister, Amazon, Cdiscount, La Redoute, Fnac, Voyages-SNCF, Pixmania, 3 Suisses et Vente-Privée. Les résultats du début 2011 confirment cette croissance du commerce en ligne alors que la consommation tend à stagner. Avec près de 31 milliards d’euros dépensés en 2010 par les acheteurs en ligne français, contre 25 milliards un an plus tôt, le bilan est largement positif pour le secteur.
Longtemps handicapées par une moindre propension que leurs compétiteurs à maîtriser l’exportation lointaine, les PME françaises ont en main avec le commerce électronique sur le Web un outil surpuissant qui leur permet de rivaliser sans complexe. D’ailleurs les initiatives françaises brillantes marquent la capacité des entrepreneurs français à saisir les opportunités du Web. Que ce soit Meetic dans le monde de la rencontre ou Vente-Privée dans celui de la mode, les innovateurs comme Jacques-Antoine Granjon sont à l’origine de concepts qui induisent un marché nouveau. Dans la compétition qui les oppose aux acteurs nordaméricains, Pierre Kosciusko-Morizet a réussi à faire jeu égal avec eBay grâce à PriceMinister (par ailleurs vendu au groupe japonais Rakuten), de même que Cdiscount, Pixmania et RueduCommerce démontrent un savoir-faire et une grande capacité d’innovation fondée sur des compétences marketing et techniques sans complexe. Les compétences de ces entrepreneurs du Web ont été reconnues par la composition du Conseil National du Numérique qui leur laisse une large place. Néanmoins, on peut déplorer que ces succès ne permettent pas de générer des entreprises françaises de taille internationale qui soient de nature à rivaliser avec les grands acteurs d’Internet.
La numérisation ne consiste plus à plaquer des solutions nouvelles sur des situations anciennes, mais à repenser l’ensemble du cycle de vie des produits à partir des processus numériques. Cette réflexion doit conduire à redonner à tous les acteurs, internes et externes, une responsabilité réelle sur la production et la livraison des services et le contact client.
Les conséquences managériales de cette diffusion de l’information et de la connaissance au niveau le plus fin de l’organisation sont considérables. Chacun doit être mis en situation de prendre la décision adaptée au contexte en respectant les processus et règles de l’organisation. Cette mise en conformité de la décision individuelle par rapport aux objectifs et règles de l’organisation se fait en temps réel, ce qui rend inadaptés les mécanismes traditionnels d’autorisation/contrôle. Pour cela, le management nouveau doit s’appuyer sur la compétence de chacun dans une logique de confiance. La cohérence globale est assurée et contrôlée de façon pertinente, c’est-à-dire non intrusive et non réductrice de l’initiative individuelle qui devient le moteur de la performance collective.
Accompagner la transformation de la société numérique
La numérisation de la planète est désormais un phénomène irréversible et global qui s’impose à tous les décideurs. Les chefs d’entreprise et les responsables publics sont les premiers instigateurs du développement numérique des activités placées sous leur responsabilité et doivent en être comptables. L’action de l’État, en revanche, doit se concentrer sur ses compétences propres. On a vu que la plupart des initiatives publiques incitatives étaient rarement suivies d’effets. La vitesse d’innovation et de propagation des innovations numériques sont telles que l’action publique ne peut se situer en avance de phase et parvient rarement à être même synchrone. Pour l’efficience des politiques publiques, il est donc réaliste de s’en tenir à des choix d’action publique légitimes : le pouvoir législatif et réglementaire, le pilotage de l’administration publique et l’exercice du pouvoir régalien dans le cadre de l’action internationale.
Par ailleurs, il est évident que la numérisation étant désormais omniprésente, l’État doit l’intégrer de façon native dans toutes ses actions sans limiter la réflexion sur l’économie numérique au périmètre d’un seul département ministériel.
Plutôt qu’un catalogue, les mesures qui sont proposées reflètent la volonté de remettre entre les mains du pouvoir politique ce qui relève de son rôle sur des actions précises et ciblées, sur lesquelles il est possible de s’engager à court terme de façon raisonnable et sans mettre en oeuvre des moyens économiques dont le budget ne dispose plus.
Développer le libre accès aux sources d’information publique
L’information publique, collectée par les administrations et organismes publics, est un bien public dont l’État doit garantir la libre distribution à l’ensemble des acteurs économiques et sociaux.
Le « gouvernement ouvert », ou « gouvernement 2.0 », suppose la socialisation des informations gouvernementales via leur publication sur des sites Web dans un format ouvert, ainsi que la socialisation de services et processus gouvernementaux par le biais de l’implication d’organismes constitutifs au moyen de médias sociaux. Un autre élément distinctif concerne l’utilisation de la technologie pour prendre en charge la collaboration intra- et intergouvernementale, afin d’améliorer l’efficacité des missions.
La nécessité de partager avec le secteur privé comme avec les organismes de recherche toutes les informations collectées par la puissance publique est apparue récemment dans les grandes démocraties occidentales. En effet, l’information collective est une matière première indispensable dans la plupart des branches économiques. Elle est le moyen de développer des stratégies commerciales, de structurer de nouvelles offres de produits et de services, de nourrir la recherche qui elle-même alimentera les innovations futures. Il est indispensable que l’État et les collectivités territoriales mettent à disposition du public des outils permettant le partage transparent d’informations et que soient créés des espaces de collaboration dynamique permettant de stimuler l’usage des données sous un contrôle éthique strict.
Contribuer à la régulation mondiale d’Internet
Internet est devenu un réseau mondial, mais sa naissance aux États-Unis dans les années 1980 a totalement déterminé le modèle d’organisation qui assure son évolution et rend sa gouvernance largement dominée par les États-Unis. Naturellement, le fonctionnement de ce réseau, qui irrigue désormais la totalité de la planète, ne peut dépendre des lois, des principes moraux et politiques et des pratiques commerciales issus d’une fraction de la communauté mondiale. Internet, en tant que réseau, a échappé par sa construction même aux règles internationales qui ont permis la construction et la gestion du système mondial de télécommunications. Ces règles sont régies par une série de textes et normes ayant valeur de traité international, piloté par une organisation des Nations Unies, l’Union internationale des télécommunications. Internet, en tant que réseau, et le Web, en tant que fédération mouvante d’applications et d’usages, occupent un espace nouveau qui échappe aux logiques historiques de régulation internationale comme celles qui ont, par exemple, présidé à l’essor du transport aérien. Mais la force d’Internet – souplesse, pragmatisme, évolution technique consensuelle à travers une communauté d’experts, se révèle être un frein, alors qu’il apparaît comme un vecteur incontournable du progrès collectif. La gestion d’Internet par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), organisation de droit privé à but non lucratif, peut apparaître comme une anomalie dans un monde régulé par des organisations internationales publiques. Elle reflète parfaitement l’ambiguïté d’un Internet né américain et devenu une structure universelle de communication. La France doit donc être en mesure de faire entendre sa voix dans les débats internationaux sur Internet et le Web.
Garantir la neutralité d’Internet
Le principe de neutralité d’un réseau implique que toutes les données soient transportées et traitées de la même manière, de leur point d’origine jusqu’à leur destination finale. Le blocage des données, le ralentissement volontaire, la sélection ou l’interdiction de circulation enfreignent ce principe fondateur de « l’Internet ouvert » qui offre ainsi à tous les utilisateurs la capacité de mettre en ligne et d’accéder aux informations et contenus de leur choix, d’utiliser et développer des services ou des applications de leur choix et de connecter au réseau les équipements de leur choix. C’est ainsi qu’a pu se développer à l’initiative des acteurs, opérateurs majeurs ou utilisateurs individuels, une profusion de services parmi lesquels chacun est libre d’exercer son libre choix.
Derrière le respect affiché de la neutralité du Net, les grands acteurs d’Internet cherchent les moyens de faire face à un accroissement considérable des trafics qui rendent indispensable une augmentation des capacités des infrastructures. Le déploiement du haut débit, l’évolution des consommations de médias fortement demandeurs de bande passante, comme la vidéo et la 3D, l’augmentation du nombre d’internautes rendent en effet indispensable une nouvelle vague d’investissements dont les opérateurs ne s’estiment pas les bénéficiaires directs.
La Federal Communications Commission (FCC) a commencé à faire respecter le principe de neutralité dès 2005 en imposant aux câblodistributeurs de laisser le libre choix des fournisseurs Internet à leurs clients. Mais le débat s’accélère aux États-Unis et connaît de nouveaux développements à l’automne 2010, dans un contexte où l’accès libre à Internet est moins favorisé qu’en Europe. Le régulateur américain des télécoms n’est pas satisfait de l’attitude du monde des télécoms et d’Internet autour de la neutralité et compte donc mener des négociations publiques sur ce thème. En effet, selon la presse américaine, Google et Verizon discuteraient d’un accord pour offrir un accès plus rapide à certains services contre rémunération, ce que les deux entreprises ont réfuté.
Le Centre pour la démocratie et la technologie (CDT) rappelle que « le but de la neutralité d’Internet est de prévenir les péages et d’établir un jeu égal entre les acteurs. Toute négociation qui commence ou finit avec deux entreprises menace de briser ce but ».
La situation en Europe est moins aiguë, car la concurrence y est vive, mais le problème du financement des investissements commence à se poser avec acuité.
Sécuriser les usages
La société doit se donner les moyens de garantir aux citoyens dans l’espace numérique les mêmes droits que ceux qu’ils ont acquis antérieurement au fil du temps dans le monde conventionnel des relations matérielles. Le rôle de l’État est bien de concevoir et mettre en oeuvre les véhicules juridiques adaptés à l’environnement numérique pour protéger les personnes,
les biens et les transactions. Les principes permettant de protéger la personne existent déjà dans notre société démocratique, ils doivent être rendus accessibles sans discontinuité dans la société numérique en prolongeant dans l’univers immatériel les droits fondamentaux de la personne.
La protection de l’identité numérique
La sécurisation de l’utilisation des données personnelles est une des conditions de l’expansion de la sphère numérique. Les inquiétudes individuelles en ce qui concerne la diffusion des données personnelles, à titre commercial comme à des fins de sécurité intérieure, relèvent à la fois de l’expression d’une inquiétude largement relayée dans les médias liée à l’absence de maîtrise de la diffusion des données et de la méconnaissance des règles juridiques définissant le champ des données numériques personnelles.
L’opinion attend donc de l’État une action forte, claire et persistante en matière de définition de règles précises et de leur publication.
Le droit à la pérennité des informations numérisées
Les informations individuelles produites et collectées au cours de la vie sont et vont être dans le futur totalement numérisées. Alors qu’il est encore aujourd’hui indispensable de conserver à vie, par exemple, ses bulletins de paye sous forme papier, cette démarche devra être assurée sous forme numérique avec les risques de fragmentation des informations dans des formats et sous des supports différents dont la pérennité ne peut être garantie par les fournisseurs de solutions techniques.
Il est donc indispensable de légiférer pour instituer un droit au « dossier numérique personnel » garantissant la confidentialité et la pérennité des informations conservées.
Authentification et sécurisation des transactions
L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a développé, depuis sa création en 2007, une expertise reconnue en matière de gestion des documents numériques à forte identification, le passeport biométrique et le système d’immatriculation des véhicules (SIV). Elle a également mis en oeuvre dans le projet de carte nationale d’identité électronique (e-ID) norme IAS-ECC (Identification Authentification Signature European- Citizen-Card), dont elle assure l’évolution, la diffusion et la promotion dans le cadre de la mise à la norme européenne du standard français IAS.
Ces outils sont indispensables au déploiement d’applications d’identification, aussi bien pour les applications régaliennes que pour les applications privées. La carte nationale d’identité numérique a été également conçue pour permettre une authentification des utilisateurs à distance afin de sécuriser toute transaction électronique, non seulement avec les opérateurs publics, mais également dans le cadre des transactions privées. Toutefois, le projet français de carte d’identité numérique, annoncé pour une mise en service en 2006, techniquement au point sous la responsabilité de l’ANTS avec les industriels, est actuellement bloqué car le projet de loi nécessaire n’a pas été soumis au Parlement.
Une démarche parallèle, voire concurrente, a été lancée en février 2010 par la secrétaire d’État à l’Économie numérique. Il s’agit de promouvoir un label, IDéNum, pour l’identité numérique. L’internaute pourra choisir un certificat et un fournisseur pour s’identifier, avec un support physique mobile protégé par un code PIN, auprès des ses interlocuteurs habituels de façon fiable et simplifiée : services bancaires, abonnements, factures en ligne, courriels, souscriptions de contrats. Plutôt que de délivrer un certificat de manière centralisée, l’État va déléguer la délivrance des certificats à différents prestataires, qui devront avoir reçu une homologation par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) selon des critères définis par décret. Les certificats délivrés seront tous compatibles selon les normes définies dans le label IDéNum, et les internautes pourront choisir leur fournisseur. L’usage de ce type d’identification sera facultatif. La Suisse a mis en place un dispositif de ce type en mai 2010, SuisseID. Le système SuisseID est constitué de trois éléments : la preuve d’identité électronique, la signature électronique qualifiée et le certificat électronique de fonction.
Il est important que le respect des normes internationales soit au coeur de ces projets et systèmes. Même s’il est concevable que plusieurs dispositifs cohabitent, il paraît indispensable que l’État veille à rendre interopérables ces outils, respecte les normes internationales et ne se dessaisisse pas de la cible de la carte d’identité numérique.
Imposer le numérique dans toutes les transactions de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de santé et de protection sociale
La dématérialisation des relations entre les citoyens, l’État et les collectivités et structures publiques remplit plusieurs objectifs :
– simplifier les relations entre le citoyen et l’ensemble des acteurs de la sphère publique ;
– abaisser le coût de transaction par l’automatisation des processus ;
– garantir la qualité des informations et la traçabilité.
Citons deux exemples :
• Repenser le secteur des services à la personne avec des outils numériques appropriés
Il existe aujourd’hui en France près de 570.000 personnes de 60 ans et plus qui vivent dans une situation de dépendance. Dans le futur proche, le nombre de personnes dépendantes va fortement s’accroître ; il est estimé à près d’un million d’ici à 2025 (source Insee).
L’État a largement exprimé son soutien à une stratégie de maintien à domicile des personnes âgées. La conséquence a pour effet de solvabiliser une demande et de créer une forte dynamique dans le secteur de l’aide à domicile. Les conséquences sociales et financières de cette stratégie sont considérables et impliquent un changement radical de méthode de travail.
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), évalue à 500.000 le nombre d’intervenants à domicile et à 200.000 celui des intervenants employés dans les services à domicile détenteurs de l’agrément qualité.
Or les acteurs de ce marché, intervenants isolés et sociétés prestataires, n’ont souvent pour seule attestation des heures effectuées qu’un relevé horaire manuscrit, rempli et signé par ces personnes trop fragiles pour valider le contenu des prestations réalisées. C’est un budget de 8 milliards d’euros identifié au titre du coût de la dépendance, essentiellement à la charge des départements et de l’État, qui ne fait pas l’objet de mesures de contrôle appropriées.
L’utilisation d’outils numériques est le seul moyen d’agir sur la baisse de la fraude en facilitant le contrôle des prestations effectuées et en participant à l’organisation de leur paiement par les organismes payeurs grâce à une gestion dématérialisée de l’information. De plus, elle procure une fiabilité de l’information grâce à des moyens en temps réel de géolocalisation et de validation des prestations.
• Développer la dématérialisation des transactions par des plateformes efficaces agréées par l’État
La dématérialisation des échanges entre les distributeurs et les fournisseurs, dont une vaste majorité de PME, sont un moyen puissant de baisser les coûts d’intermédiation, d’accélérer les échanges et les règlements, et donc de susciter une confiance accrue entre acteurs. Elle est un vecteur incontournable de l’efficacité des processus internes aux entreprises, en les incitant à moderniser leurs systèmes d’information. En renforçant la compétitivité, elle permet aussi de dynamiser l’offre et, dans certains cas, de faciliter le retour à une production industrielle locale.
Aussi le législateur doit-il pousser à l’obligation de dématérialisation de l’ensemble des transactions selon un plan pluriannuel négocié avec les secteurs économiques.
Ainsi, la filière numérique et les échanges de données ont bouleversé en profondeur l’optique-lunetterie en France et en Europe. Aujourd’hui, la filière numérique, qui concerne plus de 50% de l’ensemble des échanges commerciaux dans ce domaine et en France, est au coeur des défis posés par la globalisation. Forte de son expertise dans le domaine des verres médicaux, la France a pu engager une stratégie de réindustrialisation dans le domaine des montures grâce à l’exploitation des potentiels de la dématérialisation entre tous les acteurs de la chaîne de valeur.
La filière hôtel et restauration est un autre exemple sensible. Elle constitue une composante essentielle de l’industrie française du tourisme. Dans un secteur qui a su tirer rapidement profit d’Internet, cette branche souffre encore d’un faible déploiement de la numérisation des échanges. Elle est composée de 230.000 entreprises, génère un chiffre d’affaires global de 89 milliards d’euros par an, emploie plus d’un million de personnes et représente 6,2% du PIB. Le secteur du tourisme est le premier contributeur dans les échanges extérieurs de la France, avec un excédent de 12,8 milliards d’euros, et l’un des premiers secteurs créateurs d’emplois depuis 2004.
Il faut également citer le secteur du bâtiment et des travaux publics, où l’emploi industriel, l’emploi dans les services, le développement de compétences ainsi que la réduction sensible des consommations énergétiques peuvent bénéficier d’une numérisation complète, de la conception jusqu’à la maintenance.
Les principales contributions d’une action ciblée de l’État en faveur du développement de la dématérialisation numérique concernent plusieurs points clefs :
– déploiement des bonnes pratiques logistiques : les standards d’échange de données développés et déployés en France doivent être promus et déployés au-delà de nos frontières ;
– économies d’énergie et de matières premières grâce à une optimisation de la conception et des flux logistiques ;
– relations avec les financeurs : les échanges de données avec les banques, assurances, organismes de sécurité sociale doivent être amplifiés dans l’objectif d’améliorer la traçabilité sociale et fiscale ;
– productivité et efficience économique : les échanges de données et les référentiels de produits utilisés dans la chaîne logistique doivent être fiabilisés. Le coût de la non-qualité est un facteur de dégradation de la rentabilité. Si les processus se sont largement informatisés ces dernières années, les flux papier coexistent encore trop souvent avec les flux électroniques, créant une duplication coûteuse et très inefficace.
Conclusion
Le développement de la France dans l’économie et la société numérique représente pour notre pays aux fortes traditions, au sein de l’Europe, un enjeu de transformation majeure qui concerne tous les acteurs de la société. Les défis sont considérables et impliquent à la fois un changement de culture et un changement de modèle industriel. La numérisation de la société à travers les nouveaux usages, dont le développement de la téléphonie mobile apporte une démonstration sans aucune référence historique, ne peut se résumer à l’usage d’objets mais touche la transformation du lien social et donc du pacte démocratique.
L’État doit imaginer un rôle nouveau, qui transcende ses missions régaliennes historiques et apporte dans le futur numérique les valeurs de confiance et d’équité auxquelles aspirent les citoyens, avec les outils et moyens de l’époque.
Annexe
Chronologie des principaux événements concernant la réflexion et la structuration de la politique française de développement de la société numérique
– 10 juillet 2003 – Comité interministériel à la société de l’information (CISI). Lors de cette réunion, le Gouvernement a décidé de la création d’un “conseil de sages” associant des utilisateurs d’Internet, représentants d’acteurs économiques et associatifs.
– Décret du 8 décembre 2003 créant le Conseil consultatif d’Internet auprès de Claudie Haigneré, ministre chargée des Nouvelles Technologies. Cette commission administrative est chargée « de conseiller le Gouvernement sur toutes les questions qui concernent les communications électroniques, les services utilisant la communication électronique et les correspondances privées en ligne ». Elle peut être saisie de demandes d’avis ou d’études émanant du ministre chargé des Nouvelles Technologies, seul ou conjointement avec d’autres membres du Gouvernement.
– Décret du 22 mars 2004 portant création du Conseil Stratégique des Technologies de l’Information (CSTI).
– Arrêtés des 27 septembre et 15 octobre 2004 portant nomination des membres du Conseil stratégique des technologies de l’information (CSTI).
– 28 octobre 2004 : le Premier ministre installe le Conseil stratégique des technologies de l’information (CSTI).
– Rapport au Premier ministre du 30 mars 2005 – « Les technologies de l’information et de la communication au coeur de la société de la connaissance : plate-forme de propositions pour dynamiser la compétitivité, la croissance et l’emploi ».
– 10 septembre 2007, publication d’un rapport du 23 octobre 2006 sur une initiative dans Internet en faveur du développement de l’économie de la connaissance.
– 4 avril 2008, décret d’attribution du secrétaire d’État chargé du Développement de l’économie numérique.
– 29 mai 2008, les Assises du numérique proposent d’adapter organisation et gouvernance aux enjeux du numérique.
– La loi Hadopi ou loi Création et Internet « loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet ».
– Loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.
– États généraux de l’industrie – Rapport du groupe de travail Industrie des TIC, « Le numérique pour une France qui gagne », mars 2010.
– Installation du Conseil National du Numérique, 27 avril 2011.
Chronologie internationale
– World Summit on the Information Society, Genève, 10-14 mai 2010.
– World Telecommunication Development Conference (WTDC), Hyderâbâd, Inde, 24 mai-4 juin 2010.
Bibliographie
« Douze propositions, rapport de France numérique », proposé par Renaissance numérique, 15 juillet 2008.
France numérique 2012, Plan de développement de l’économie numérique, 20 octobre 2008
Remise par Alain Bravo au Centre d’analyse stratégique du rapport « La société et l’économie numérique à l’aune de la révolution numérique », juillet 2009.
« Relever le défi du numérique – Pour un emploi stratégique du Grand Emprunt national », Syntec Informatique septembre 2009.
« Le numérique pour une France qui gagne », Rapport du groupe de travail Industrie des TIC, États généraux de l’industrie, mars 2010.
The Global Information Technology Report 2009-2010, World Economic Forum, 25 mars 2010.
Rapport du Gouvernement au Parlement : « La neutralité d’Internet, un atout pour le développement de l’économie numérique », 16 juillet 2010.
World Telecommunication/ICT Development Report 2010, Organisation internationale des télécommunications, Genève, 2010.
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