Introduction
France : cartographie régionale des émotions à la veille du déconfinement
L’évolution des émotions liées au coronavirus dans les régions françaises
Après le déconfinement, moins de peur, moins de colère, mais l’espoir reste en berne
L’enquête « Citizens’ Attitudes Towards Covid-19 » agrège les données des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse.
Résumé
- En moyenne, du 24-25 mars au 8-10 mai 2020, parmi les sentiments testés dans les douze régions françaises étudiées, la peur diminue, l’espoir augmente modérément mais la colère ne faiblit pas.
- La comparaison entre le nombre d’hospitalisations et la diffusion des émotions ressenties à l’échelle régionale indique une dissociation entre la perception et la réalité quant à la situation induite par le coronavirus.
- Certaines régions peu touchées par le virus présentent des niveaux de peur et de colère plus élevés que des régions pourtant plus touchées. Peut-être est-ce la crainte de voir arriver sur le territoire ce qui n’est pas encore présent ou bien, au-delà des effets sur la santé, la crainte des répercussions économiques et sociales spécifiques au contexte de la région.
- En moyenne, sur la période, dans quatre régions étudiées, plus d’un habitant sur deux dit éprouver de la colère par rapport à la pandémie de Covid-19 : en Bourgogne-Franche-Comté (54,2 %), en Provence-Alpes- Côte d’Azur/Corse 1 (52,6 %), dans les Hauts-de-France (51 %) et en Occitanie (51 %).
- La Bretagne est championne de l’optimisme et ses habitants se distinguent par leur faible inquiétude.
- Une mesure additionnelle, effectuée entre le 22 et le 24 mai 2020, permet de constater qu’après les premières procédures de déconfinement, si la peur et la colère diminuent, l’espoir reste en berne.
Madeleine Hamel,
Chargée de mission à la Fondation pour l'innovation politique
Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique
Madeleine Hamel
Victor Delage, Willy Delvalle, Anne Flambert, Madeleine Hamel, Katherine Hamilton, Matthieu Hanisch
Francys Gramet, Claude Sadaj
Julien Rémy
Les données utilisées dans ce travail ont été collectées pour le projet « Citizens’ Attitudes Under COVID-19 Pandemic » par l’équipe de recherche suivante : Sylvain Brouard (Sciences Po-Cevipof & Liepp), Michael Becher (Institute for Advanced Studies in Toulouse & Université Toulouse Capitole 1), Martial Foucault (Sciences Po-Cevipof), Pavlos Vasilopoulos (University of York), Vincenzo Galasso (Università Bocconi), Christoph Hönnige (Hannover Universität), Éric Kerrouche (Sciences Po- Cevipof), Vincent Pons (Harvard Business School), Hanspeter Kriesi (European University Institute), Richard Nadeau (Université de Montréal), Dominique Reynié (Sciences Po-Cevipof).
Introduction
Allemagne, Afrique du Sud, Argentine, Australie, Autriche, Brésil, Canada, Côte d’Ivoire, Égypte, États-Unis, France, Italie, Kenya, Mali, Maroc, Nouvelle-Zélande, Nigeria, Pologne, Royaume-Uni, Suède.
Dans la mesure où nous ne disposons pas pour le moment de données pour les Territoires d’outre-mer, ceux-ci ne sont pas inclus dans cette comparaison régionale des émotions ressenties en France quant à la crise du Ils ne sont pas non plus représentés sur les différentes cartes accompagnant cette analyse. Dans la suite de cette étude, le terme « région » est utilisé par convention mais n’inclut que les douze régions étudiées. L’enquête « Citizens’ attitudes towards COVID-19 » agrège les données pour les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur et pour la Corse.
Les systèmes politiques, économiques et sociaux doivent surmonter les défis considérables liés à la pandémie du Covid-19. Cette crise sanitaire vient bouleverser nos vies et notre rapport aux autres ; elle affecte nos émotions, nos comportements, nos plans de vie. Dans ce contexte, l’étude de l’opinion publique, des représentations collectives et des attitudes permet de guider l’action publique et de nourrir les débats. C’est également une manière de contribuer à la mémoire d’un événement sans précédent. C’est pourquoi la Fondation pour l’innovation politique est partie prenante du programme international de recherche nommé « Citizens’ Attitudes Towards Covid-19 ». Cette recherche prend la forme d’une série d’enquêtes d’opinion administrées par l’institut Ipsos, à intervalles réguliers, dans vingt pays2.
Le consortium de partenaires est composé de l’Agence nationale de la recherche (ANR), de l’Agence française de développement (AFD), du Cerdi-CNRS, de la Banque mondiale, du Cevipof (CNRS, Science Po), de France Stratégie, de l’IAS (Toulouse School of Economics, université de Toulouse), de la Hanover Universität, de la Harvard Business School, de l’université de Montréal, de la McGill University, de l’Università Bocconi, de l’European University Institute et de l’University of York.
Ce programme vise à fournir un suivi inédit de l’opinion publique dans le contexte de la crise du Covid-19 : sentiments éprouvés, rapport à la sécurité sanitaire, acceptation ou lassitude face aux dispositifs de protection mis en place ou aux recommandations de santé publique, etc. Ces enquêtes doivent permettre, d’une part, une meilleure compréhension de la façon dont les différents publics s’adaptent psychologiquement aux mesures de distanciation sociale et, d’autre part, une meilleure appréhension du consentement par rapport aux mesures mises en place.
La présente contribution s’intéresse particulièrement aux données relatives aux émotions déclarées par les Français entre les mois de mars et mai 2020, dans une perspective comparative entre douze régions3.
Les niveaux des émotions sont mesurés à partir des réponses à la question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez… (sur une échelle de 0 à 10)» déclinée pour trois émotions : « de la peur », « de l’espoir » et « de la colère ». Pour un individu donné, une émotion est considérée éprouvée lorsque sa réponse se situe entre 7 et 10 sur cette échelle (soit « oui »). Le niveau d’émotion correspond au pourcentage de personnes éprouvant cette émotion. Une question distincte est posée pour chacune des émotions précitées : chaque répondant indique ainsi consécutivement dans quelle mesure il ressent de la peur, dans quelle mesure il ressent de l’espoir et dans quelle mesure il ressent de la colère.
La population française a d’ores et déjà été interrogée huit fois, dans des intervalles de deux à trois semaines. Cependant, afin de garantir la solidité des échantillons régionaux dans le cadre de l’objet étudié ici, nous avons décidé ne pas prendre en compte dans les représentations graphiques et dans nos calculs les mesures du 16-17 mars et du 1er-2 avril, qui ne remplissaient pas les conditions permettant de garantir la représentativité régionale des échantillons. Une neuvième mesure a été effectuée le 22-24 mai, elle est analysée page 13.
En parallèle, nous utilisons les données relatives au nombre d’hospitalisations par région, afin de confronter les émotions déclarées dans les douze régions étudiées avec les données concernant la lutte contre le coronavirus.
Nombre d’hospitalisations au 8 mai 2020
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Source :
Gouvernement.fr ; données Santé Publique France. Le nombre d’hospitalisations correspond ici au nombre d’hospitalisations pour infection au Covid-19 enregistrées dans les douze régions étudiées.
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la peur ? » (sur une échelle de 0 à 10)
Réponses : oui (de 7 à 10)
Mesure du 8-10 mai
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Source :
Enquête internationale « Citizens’ Attitudes Under the COVID-19 Pandemic », France.
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la peur ? » (sur une échelle de 0 à 10)
Réponses : oui (de 7 à 10)
Mesure du 8-10 mai
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Source :
Enquête internationale « Citizens’ Attitudes Under the COVID-19 Pandemic », France.
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la colère ? »
(sur une échelle de 0 à 10)
Réponses : oui (de 7 à 10)
Mesure du 8-10 mai
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Source :
Enquête internationale « Citizens’ Attitudes Under the COVID-19 Pandemic », France.
France : cartographie régionale des émotions à la veille du déconfinement
Au 8-10 mai, 38,3 % des Français interrogés répondaient éprouver de la peur (réponse « oui », de 7 à 10 sur une échelle de 0 à 10) à propos de la situation du coronavirus en France. Près de la moitié d’entre eux (46,6 %) disaient ressentir de la colère et une moindre proportion exprimaient de l’espoir (35,4 %).
Espoir
Le sentiment d’espoir ne fait pas apparaître de différences significatives entre les régions. Cependant, les habitants d’Île-de-France sont les moins nombreux à dire ressentir de l’espoir (31,5 %) ; à l’inverse, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur/ Corse est la région dans laquelle le niveau d’espoir enregistré (39,1 %) est le plus élevé au 8-10 mai 2020.
Colère
Le sentiment de colère est réparti de manière plus hétérogène sur le territoire. Dans quatre régions, plus d’un habitant sur deux dit éprouver de la colère vis-à-vis de la situation : en Bourgogne Franche-Comté (54,2 %), en Provence-Alpes-Côte d’Azur/Corse (52,6 %), en Occitanie (51 %) et dans les Hauts-de-France (51 %). Dans deux régions, ce niveau de colère est sensiblement moins élevé : Bretagne (32,5 %) et Centre-Val de Loire (37,6 %). Les autres régions se trouvent dans un groupe intermédiaire, avec des niveaux de colère oscillant entre 43,7 % et 49,5 %.
Peur
La peur est plus souvent citée dans les régions du centre et dans la région la plus au nord, les Hauts-de-France. Il est intéressant de constater que les régions dans lesquelles on comptabilise le plus grand nombre d’hospitalisations ne sont pas toujours celles où le sentiment de peur est le plus répandu.
Si la géographie des émotions en France révèle des situations contrastées, c’est à travers leur évolution au cours de ces derniers mois que l’on peut observer des trajectoires territoriales spécifiques et que l’on peut voir apparaître des liens entre réalité du terrain et ressentis régionaux.
MÉTHODOLOGIE
Pour la France, le questionnaire de l’enquête « Citizens’ attitudes towards COVID-19 » a pour l’heure été administré à huit reprises, à intervalles réguliers, du 16-17 mars au 8-10 mai (l’administration des questionnaires se fait généralement sur deux jours). Pour deux de ces occurrences, celle du 16-17 mars et celle du 1-2 avril, les conditions de représentativité de l’échantillon à l’échelle régionale n’étaient pas réunies. Ces données ne sont ainsi pas incluses dans nos représentations graphiques ainsi que dans nos calculs. Une neuvième mesure a été effectuée le 22-24 mai. Elle n’est pas intégrée dans les graphiques ci-contre mais analysée page 13.
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
L’évolution des émotions liées au coronavirus dans les régions françaises
La progression du virus du 24-25 mars au 8-10 mai
Dans les douze régions prises en compte, le schéma de progression du virus, mesuré ici par le nombre d’hospitalisations, est dans l’ensemble le même, bien que d’intensité différente. Entre fin mars et début avril, on relève une forte progression du nombre d’hospitalisations. Dans la plupart des régions, celui-ci double, voire triple, entre le 24-25 mars et le 7-8 avril. À la suite de cela, on observe un ralentissement de la croissance du nombre d’hospitalisations. Fin avril, on commence à voir le nombre d’hospitalisations diminuer dans l’ensemble de la France métropolitaine. Cette diminution, plus ou moins sensible selon les régions, se poursuit toujours au moment de la dernière mesure prise en compte ici, celle du 8-10 mai.
Les douze régions étudiées présentent des caractéristiques bien différentes, notamment en ce qui concerne leur densité démographique et leur superficie. Il s’agit là de deux variables importantes, non seulement dans la propagation du virus mais aussi dans la perception par les populations des mesures prises afin d’endiguer la pandémie. Le nombre d’hospitalisations pour 1 000 habitants permet d’établir un classement des régions les plus touchées par le virus. En moyenne, sur l’ensemble de la période étudiée (du 24-25 mars au 8-10 mai), les régions les plus touchées sont l’Île-de-France (0,84 hospitalisation pour 1 000 habitants) et le Grand Est (0,73 hospitalisation pour 1 000 habitants). Les régions les moins touchées sont la Bretagne (0,11 hospitalisation pour 1 000 habitants), la Nouvelle-Aquitaine (0,11 hospitalisation pour 1 000 habitants) et l’Occitanie (0,12 hospitalisation pour 1 000 habitants).
La peur recule dans la plupart des régions étudiées
À l’échelle de la France, chacune des émotions étudiées suit des trajectoires distinctes. En début de période, en moyenne, un Français sur deux (50 %) déclare ressentir de la peur quand il pense à la situation induite par le coronavirus. Puis, c’est lors de la mesure du 15-16 avril que l’on observe les niveaux les plus bas pour ce qui concerne la peur (41 %), mais également la colère (44,7 %). Paradoxalement, il s’agit du moment où le nombre d’hospitalisations atteint son maximum. Cette apparente discordance pourrait être l’effet de l’annonce par le président de la République, le 13 avril 2020, que le processus du déconfinement serait engagé à partir du 11 mai.
Après une augmentation imperceptible (1 point de plus entre le 23-24 avril et le 30 avril), la proportion de Français exprimant de la peur diminue à nouveau lors de la mesure du 8-10 mai, pour atteindre son niveau le plus bas dans la plupart des régions (38,3 % en moyenne, soit 11,7 points de moins qu’au début de la période). Quelques régions font exceptions : la Bourgogne-Franche-Comté, qui connaît un recul du sentiment de peur plus tardif, les 23-24 avril et la Normandie, qui enregistre un pic significatif le 7-8 avril, avec 57,1 % des répondants disant ressentir de la peur. Le niveau de peur le plus élevé sur la période est enregistré dans les Hauts- de-France (59 %) lors de la mesure du 24-25 mars, suivi par le Pays de la Loire (58 %) aux mêmes dates.
Sur l’ensemble du territoire, un optimisme prudent
Pour l’espoir, on observe une baisse continue dans un premier temps, de 36,7 % à 29,9 % du 24-25 mars au 30 avril. Puis, la mesure du 8-10 mai, à la veille du déconfinement, indique une augmentation de la proportion de Français optimistes vis-à-vis de la situation (35,4 %), soit un niveau similaire à celui observé au début de la période (36,7 % au 24-25 mars). Pour la première fois en deux mois, les personnes interrogées exprimant de l’espoir sont plus nombreuses que celles éprouvant de la peur dans quatre des douze régions étudiées : en Bretagne (34,7 % d’espoir vs 31,6 % de peur), en Centre Val de Loire (37,4 % vs 31,4 %), en Nouvelle- Aquitaine (38,9 % vs 33,8 %) et en Provence-Alpes- Côte d’Azur/Corse (39,1 % vs 33,7 %).
Si la peur diminue, la colère ne faiblit pas
Nombre de Français déclarent éprouver de la colère quand ils songent à la situation créée par le coronavirus. Globalement, sur toute la période, le niveau de colère ne descend pas au-dessous de 44,7 % (le 15-16 avril) et n’évolue que peu. Si la peur diminue, la colère ne faiblit pas. Certaines régions enregistrent des niveaux exceptionnellement hauts. C’est le cas, par exemple, de la Bourgogne- Franche-Comté où, au début de la période, 62 % des habitants disent être en colère (soit le niveau maximum parmi toutes les régions étudiées) et où ce niveau de colère ne descend pas au-dessous de 49,4 %. Cette région est ainsi la région où la colère est la plus répandue (54,2% en moyenne), suivie par la Provence-Alpes-Côte d’Azur/Corse (52,6 %), les Hauts-de-France (51 %) et l’Occitanie (51 %).
Cependant, les graphiques pages 8 et 9 illustrent le fait que, au-delà de dynamiques communes, on observe des schémas différents selon les régions, comme en témoignent les trois exemples suivants.
L’exception bretonne : optimiste et peu inquiète
La Bretagne est la seule région où, en début de crise, la proportion de répondants ressentant de l’espoir quand ils pensent à l’évolution de la crise du coronavirus est plus élevée (43,6 %) que celle ressentant de la peur (43 %) ou de la colère (37 %). Cependant, le niveau d’espoir chute de 14 points entre la mesure du 7-8 avril (44,8 %) et celle du 23-24 avril (30,8 %). La Bretagne se distingue également par la faible proportion d’habitants disant éprouver un sentiment de colère, soit 39,2 % en moyenne sur toute la période (contre 46,6 % pour l’ensemble des douze régions étudiées). De surcroît, au 8-10 mai, seuls 32,5 % des Bretons expriment de la colère et 31,6 % de la peur, tandis que 34,7 % disent ressentir de l’espoir. Même en comparaison avec d’autres régions tout aussi peu touchées (0,11 hospitalisation pour 1 000 habitants) comme la Nouvelle-Aquitaine (0,11 hospitalisation pour 1 000 habitants) ou l’Occitanie (0,12 hospitalisation pour 1 000 habitants), l’opinion publique en Bretagne présente des niveaux de colère et de peur particulièrement bas.
En Occitanie, la colère augmente en dépit d’une amélioration de la situation
Si l’on considère le nombre des hospitalisations, l’Occitanie fait partie des régions les moins touchées par la crise du Covid-19. De plus, passé le pic de début avril, ce nombre a connu une chute plus marquée que dans les autres régions de France, jusqu’à atteindre au 8-10 mai un nombre d’hospitalisations plus bas qu’en début de période (440 hospitalisations au 10 mai, contre 469 hospitalisations au 25 mars). Il s’agit de la seule région dans ce cas. Or on enregistre en Occitanie des niveaux de colère élevés, notamment en fin de période : les 8-10 mai, 51 % des personnes interrogées déclarent ressentir de la colère en songeant à la situation engendrée par le coronavirus. Dans le même temps, l’Occitanie voit cohabiter un sentiment de colère largement répandu avec la plus forte proportion de personnes interrogées déclarant un sentiment d’espoir, soit 39,4 %, en moyenne sur toute la période, contre 33,9 % pour l’ensemble des douze régions françaises.
Grand Est, une illustration de la divergence entre perception et réalité
La région Grand Est a été l’une des régions les plus touchées par le coronavirus en France métropolitaine. Pourtant, ses habitants n’expriment pas significativement plus de peur ou de colère, ni moins d’espoir que les autres. En classant les douze régions pour lesquelles nous disposons de données du plus haut niveau moyen de peur au plus bas, la région Grand Est arrive même en 9e position, avec 40,2 % (contre 43,8 % pour la moyenne enregistrée dans les douze régions étudiées). Il en est de même pour la colère : le Grand Est fait partie des régions où le sentiment de colère est moins répandu (43,7 %).
Classement des douze régions étudiées selon leurs niveaux d’émotion ressenties en moyenne du 24-25 mars au 8-10 mai (en %)
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la peur ? (sur une échelle de 0 à 10) »
Réponses : oui (de 7 à 10)
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la colère ? (sur une échelle de 0 à 10) »
Réponses : oui (de 7 à 10)
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Le cas de la région Grand Est contribue à démontrer que, pour une région donnée, à la veille du déconfinement, il n’y a pas de lien direct entre le nombre des hospitalisations et la diffusion des sentiments de peur ou de colère parmi ses habitants. Dans des régions connaissant relativement moins de cas, voire peu de cas, cette divergence entre les sentiments éprouvés par la population et la réalité de la situation pourrait s’expliquer, au moins en partie, par une attente anxiogène de la vague rapportée ailleurs dans le pays. Symétriquement à cette appréhension d’être à son tour contaminé, on trouverait une autre situation, celle de régions fortement touchées où les capacités de résilience se seraient développées, ainsi que l’espoir d’en sortir. À la peur d’être touché par la pandémie chez ceux qui ont été épargnés correspondrait l’espoir d’en venir à bout chez ceux qui ont été touchés.
Après le déconfinement, moins de peur, moins de colère, mais l’espoir reste en berne
Une nouvelle mesure, effectuée entre le 22 et le 24 mai, soit une dizaine de jours après les premières procédures de déconfinement en France, permet d’observer l’évolution des émotions ressenties par les Français dans les douze régions étudiées. Ainsi, au 22-24 mai, 33,8 % d’entre eux disent ressentir de la peur (– 4,5 points depuis le 8-10 mai), 32,8 % disent ressentir de l’espoir (– 2,6 points depuis le 8-10 mai) et 43,2 % éprouvent de la colère (– 3,4 points depuis le 8-10 mai).
Peur
Le 7 mai, à la veille du déconfinement, le gouvernement a publié une carte permettant de classer les régions françaises à partir d’une synthèse de trois critères : la dynamique de l’épidémie, l’affluence dans les services de réanimation et la capacité à tester et à tracer les individus supposés être entrés en contact avec le virus. La performance des départements pour ces différents indicateurs conditionnait le mode de sortie de confinement : selon la couleur assignée au département (rouge, orange ou vert), les restrictions mises en place dans le cadre de la lutte contre le coronavirus ont été plus ou moins allégées. Une nouvelle carte sera publiée à l’occasion du lancement de la seconde phase du déconfinement.
Selon cette classification, cinq régions sont en rouge, les autres sont en vert. Parmi les régions classées en rouge, l’une, Mayotte, ne fait pas partie des régions étudiées ici. Parmi les quatre autres, trois présentent des niveaux de peur supérieurs à la moyenne des douze régions (33,8 %) : la Bourgogne- Franche-Comté (47 %), les Hauts-de-France (43,3 %) et l’Île-de-France (35,2 %). La région Grand Est fait exception avec un niveau de peur plus bas (29,6 %) et plus proche des trois régions les moins touchées (Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne) que des autres régions en rouge. Par ailleurs, suite à une diminution des niveaux de peur qui y sont exprimés, ces trois régions les moins touchées figurent désormais en bas du classement, ce qui n’était pas le cas lors des mesures précédentes. Peut-être pourrait-on y voir un premier effet du déconfinement, apportant un soulagement aux habitants de ces régions qui, confinées bien que peu touchées par le virus, auraient pu développer un sentiment de frustration.
Le sentiment de peur dans douze régions françaises entre le 8-10 mai et le 22-24 mai 2020 (en %)
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la peur ? (sur une échelle de 0 à 10) »
Réponses : oui (de 7 à 10)
© Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Colère
Le déconfinement semble être source d’apaisement pour nombre de Français. La colère est restée très élevée et varie peu au cours des deux derniers mois (mars à mai 2020) ; elle diminue de façon significative pour la première fois au 22-24 mai.
Le sentiment de colère augmente sensiblement parmi les habitants de la région Île-de-France (+ 2,7 points), un peu dans le Centre-Val de Loire (+ 1,2 point) et à peine en Bourgogne-Franche- Comté (+ 0,3 point). La colère diminue dans les autres régions étudiées. Les variations les plus fortes s’observent dans le Pays de la Loire (de 45,4 à 32,0 %, soit – 13,4 points), en Provence-Alpes-Côte d’Azur/Corse (de 52,6 à 45,0 % soit – 7,6 points) ainsi qu’en Occitanie (de 51 à 45 %, soit – 6 points).
Carte de France du déconfinement au 7 mai 2020
Source : gouvernement.fr; https://www.gouvernement.fr/ info-coronavirus/les-actions-du-gouvernement
Espoir
Bien que le nombre d’hospitalisations continue de diminuer dans chacune des douze régions étudiées et alors que la situation semble s’améliorer, le sentiment d’espoir n’augmente pas. Il est en légère hausse en Bourgogne-Franche-Comté par rapport au 8-10 mai (+ 4,5 points), mais ailleurs il reste constant ou diminue. En moyenne, seul un tiers (32,8 %) des Français dans les douze régions étudiées déclarent éprouver de l’espoir quand ils songent à la situation engendrée par la pandémie du coronavirus. Cette proportion atteint son minimum (28 %) en Île-de-France et son maximum (37,9 %) en Bourgogne-Franche-Comté. C’est en outre dans cette dernière région que le niveau de peur le plus haut (47 %) est enregistré au 22-24 mai.
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la peur ? »
(sur une échelle de 0 à 10) Réponses : oui (de 7 à 10) Mesure du 22-24 mai
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Source :
Enquête internationale « Citizens’ Attitudes Under the COVID-19 Pandemic », France.
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de l’espoir ? »
(sur une échelle de 0 à 10) Réponses : oui (de 7 à 10) Mesure du 22-24 mai
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Source :
Source : Enquête internationale « Citizens’ Attitudes Under the COVID-19 Pandemic », France.
Question : « Quand vous pensez à la situation liée au coronavirus (Covid-19) en France, vous éprouvez de la colère ? »
(sur une échelle de 0 à 10) Réponses : oui (de 7 à 10) Mesure du 22-24 mai
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique, mai 2020
Source :
Enquête internationale « Citizens’ Attitudes Under the COVID-19 Pandemic », France.
Aucun commentaire.