Résumé

Introduction

I.

Les forces politiques en présence

1.

Les élections régionales

2.

Les élections départementales

3.

Le profil socioprofessionnel des candidats

II.

Le premier tour des élections régionales et départementales

1.

Une abstention record

2.

Le premier tour des élections régionales de 2021

3.

Le premier tour des élections départementales de 2021 : une histoire de sortants et d’élus locaux

III.

Le second tour des élections régionales et départementales

1.

Le second tour des élections régionales de 2021

2.

Le second tour des élections départementales de 2021

Conclusion

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Résumé

Les dimanches 20 et 27 juin 2021 se sont tenues en France les élections régionales et départementales. L’abstention record et la prime aux sortants constituent les faits marquants de cette double élection, qui a vu la plupart des exécutifs régionaux et départementaux reconduits par les électeurs. En métropole, la droite et la gauche ont consolidé leurs positions dans les régions qu’elles dirigeaient et seuls huit conseils départementaux ont basculé (cinq vers la droite, trois vers la gauche). À l’inverse, la tendance a été au changement en outre-mer (où trois régions sur quatre ont changé de main).

Ce travail s’inscrit dans la continuité des notes d’analyse réalisées par Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach à l’occasion des élections régionales (deux notes) et départementales (trois notes) de 2015. Dans un premier temps, les auteurs de cette note présentent les forces politiques en présence, puis analysent, notamment à partir de données de sondages, les raisons de l’abstention, historiquement élevée, et les résultats des élections régionales et départementales. Les auteurs ont produit et proposent à la lecture une trentaine de graphiques et une quinzaine de cartes nationales et départementales afin de donner à voir les rapports de force électoraux à l’œuvre.

Céline Colange,

Géographe, ingénieure de recherche.

Sylvain Manternach,

Géographe-carthographe, formé à l’Institut français de géopolitique.

Abréviations des différents groupes et partis politiques utilisées dans cette étude

DLF : Debout la France !
DVD : divers droite
DVC : divers centre
DVG : divers gauche
EELV : Europe Écologie-Les Verts
FdG : Front de gauche
LFI :La France insoumise
FN :Front national
LO :Lutte ouvrière
LR :Les Républicains
LREM :La République en marche
MoDem : Mouvement Démocrate
PCF :Parti communiste français
PRG :Parti radical de gauche
PS :Parti socialiste
RN :Rassemblement national
UDI :Union des démocrates et indépendants

N.B. : Sauf précision contraire, les graphiques et tableaux figurant dans cette note ont été réalisés par l’auteur à partir des données chiffrées du ministère de l’Intérieur.

Notes

1.

Manuel Valls a occupé le poste de Premier ministre du 31 mars 2014 au 6 décembre 2016.

+ -

2.

Dans l’opposition durant la majeure partie de cette période, la gauche avait su en profiter pour conquérir une majorité des conseil généraux et la quasi-totalité des conseils régionaux.

+ -

3.

Sans oublier la jeune policière municipale Clarissa Jean-Philippe, assassinée le 8 janvier 2015.

+ -

Les 20 et 27 juin 2021, les Français ont été appelés aux urnes pour élire dans le même temps leurs conseillers régionaux et leurs conseillers départementaux. Cette étude s’intéresse au contexte dans lequel se sont tenues ces élections à travers une revue en détail des forces politiques engagées dans cette double bataille électorale. Elle entend aussi se pencher sur la composition sociologique des candidats et proposer une analyse de l’abstention, qui a atteint un record lors de ces deux scrutins.

Le contexte politique dans lequel se sont déroulées ces élections a été très différent de celui des élections régionales et départementales précédentes. Lors des élections départementales des 22 et 29 mars 2015 et des élections régionales des 6 et 13 décembre 2015, Manuel Valls était alors le Premier ministre de François Hollande1. Ce duo, particulièrement impopulaire, notamment à gauche, a nourri un réflexe de vote sanction considérable qui a fait perdre au PS l’essentiel des gains territoriaux accumulés depuis le milieu des années 1990 au cours des différents scrutins cantonaux et régionaux2. À l’inverse, en 2021, les exécutifs départementaux et régionaux, dirigés par la droite et la gauche, n’ont pas été victimes d’un tel vote sanction puisqu’ils ne présentaient pas, pour les électeurs, de lien évident avec la majorité présidentielle macroniste alors en place.

Néanmoins, ces élections ont en commun de s’être déroulées dans un contexte de crise : chacune des deux élections de 2015 est intervenue quelques semaines après un épisode terroriste – celui de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher de la porte de Vincennes3 pour les élections départementales et celui des attentats du 13 novembre pour les élections régionales –, tandis que la crise sanitaire, apparue au premier trimestre 2020, a marqué de son empreinte les élections de juin 2021.

I Partie

Les forces politiques en présence

Tout d’abord, il faut signaler que les élections régionales et départementales de 2021 se distinguent de celles de 2015 par un moins grand nombre de candidats. Aux élections régionales de 2015, 171 listes (131 en métropole et 40 pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion) s’étaient affrontées, contre seulement 155 en 2021 (114 en métropole et 41 en outre-mer). Cette baisse correspond à peu près à la diminution d’une liste par région (voir graphique 1). En métropole, la moyenne du nombre de listes est passée de 10,1 à 8,8 dans les treize régions issues du redécoupage de 2015.

Graphique 1 : Nombre de listes présentées par région aux élections régionales de 2015 et 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

4.

La diminution du nombre de cantons ne correspond pas à un redécoupage quelconque mais au fait que la Corse ne fait plus partie du périmètre électoral des élections départementales.

+ -

5.

En 2021, comme en 2015, 273 binômes se présentaient dans les 59 cantons des départements de la Guadeloupe, de la Réunion et de Mayotte.

+ -

En ce qui concerne les élections départementales, 8.824 binômes s’étaient affrontés en 2015 en métropole, soit 4,4 binômes par canton, tandis qu’en juin 2021, il n’y avait plus que 7.619 binômes dans les 1.969 cantons métropolitains, soit 3,9 binômes par canton4 (voir graphique 2). Comme pour les élections régionales, on dénombre en outre-mer quasiment le même nombre de candidatures en 2015 et en 20215.

Graphique 2 : Nombre de binômes présentés par canton aux élections départementales de 2015 et 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

1

Les élections régionales

Notes

6.

En Corse, cinq listes liées à des clans politiques en perte de vitesse face aux nationalistes se présentaient contre seulement deux listes en 2021.

+ -

7.

Sur l’ensemble de la région Occitanie, les listes emmenées par Antoine Maurice n’ont obtenu que 8,8% au premier tour des élections régionales de 2021.

+ -

8.

Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes), Xavier Bertrand (Hauts-de-France), Valérie Pécresse (Île-de-France) et Hervé Morin (Normandie).

+ -

9.

Marie-Guite Dufay (Bourgogne-Franche-Comté), François Bonneau (Centre-Val de Loire), Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine) et Carole Delga (Occitanie).

+ -

10.

Cécile Cukierman, en Auvergne-Rhône-Alpes, et Sébastien Jumel, en Normandie, représentaient le PCF, LFI et leurs alliés en juin 2021.

+ -

11.

Il s’agit de Jean-Guy Talamoni, pour Corsica Libera. Avec 7,0% et 5,4%, Sébastien Jumel et Cécile Cukierman sont les seuls à avoir également dépassé les 5% des votes exprimés en 2015.

+ -

12.

Une cinquantaine d’élus de gauche et de droite ayant rejoint les rangs de la majorité présidentielle (LREM-MoDem) sont dans ce cas, ainsi que les 8 élus du FN ayant rejoint Florian Philippot dans la région Grand-Est.

+ -

1.1. Configurations à gauche et à droite

La diminution du nombre de listes, malgré l’apparition dans le paysage politique de LREM, qui se présentait dans douze des treize régions métropolitaines, s’explique par une baisse du nombre de listes de gauche et de « petites listes ».

En métropole, lors du premier tour des élections régionales de décembre 2015, on dénombrait 40 listes de gauche dans les douze régions métropolitaines6. Ce nombre n’était plus que de 29 en juin 2021. Cette réduction s’explique d’abord par l’effacement de la plupart des listes DVG (y compris les listesdu parti Nouvelle Donne, présent dans cinq régions en 2015). Par ailleurs, dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Hauts-de-France, la gauche s’est présentée unie lors des élections régionales 2021, après avoir disparu du conseil régional pour cause de retrait du second tour en 2015 (dans l’objectif de faire barrage au FN). Dans les cinq autres régions détenues par la droite, la gauche a su proposer un visage moins divisé dans trois d’entre elles (Grand-Est, Normandie et Pays de la Loire). En Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, la division en trois camps est restée de mise. On retrouve la social-démocratie avec le PS et ses alliés, le camp écologiste avec EELV et leurs alliés, notamment Génération.s (parti créé par Benoît Hamon, ancien candidat du PS à l’élection présidentielle de 2017) et, enfin, la gauche radicale avec LFI et le PCF.

Dans les cinq régions qu’elle dirige, si la gauche s’est présentée moins divisée en 2021 du fait de la disparition des petites listes, ses trois principales composantes se sont néanmoins alignées séparément dans quatre régions (Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie). Pour EELV, la volonté de faire valoir l’évolution du rapport de force au sein de la gauche, où l’affaiblissement du PS et la montée en puissance d’EELV se sont confirmés après 2017, a manifestement été plus forte dans les régions où la gauche était sortante. À l’inverse, les cadres du PS, en position de force, étaient sans doute moins intéressés pour faire des concessions afin de parvenir à une hypothétique union. À ce titre, le cas de l’Occitanie est éclairant : un an après l’accession des Verts au second tour des élections municipales à Toulouse, non seulement aucun accord de premier tour n’a été réalisé mais la liste régionale menée par le candidat écologiste à la mairie de Toulouse, Antoine Maurice, et celle de la présidente sortante de la région, Carole Delga, n’ont pas réussi à s’entendre en vue du second tour, pour lequel les listes EELV n’étaient pas qualifiées7.

De l’autre côté, la droite et le centre, unis comme en 2015, se sont trouvés débarrassés de la plupart des listes DLF, parti présent dans toutes les régions en 2015 et qui n’alignait des candidats que dans quatre régions en 2021.

 

1.2. Continuité chez les sortants, bouleversements chez les prétendants

Lors des élections régionales de 2021, tous les présidents et présidentes de région élus en 2015 ou ceux qui les ont remplacés en cours de mandat ont décidé de se représenter comme tête de liste de leur camp. Cette continuité chez les sortants est à mettre en regard des très larges remaniements opérés parmi les autres listes et partis. Ainsi, parmi les 114 listes réparties dans les treize régions métropolitaines en 2021, seules 29 ont été soutenues par des têtes de liste déjà présentes à ce niveau de responsabilité en 2015. On y trouve 9 présidents sortants (4 pour la droite et le centre8, 4 pour la gauche9 et 1 pour les nationalistes en Corse). Les trois candidats manquants pour la droite et le centre, et celui de la gauche sont bien les présidents sortants de ces régions, mais n’étaient pas les têtes de liste lors des élections régionales de 2015, ayant remplacé les présidents élus en cours de mandat.

Parmi les vingt autres listes dont la tête a été reconduite, on retrouve dix têtes de liste LO déjà présentes en 2015, seulement deux têtes de liste du RN (Gilles Pennelle en Bretagne et Nicolas Bay en Normandie), deux têtes de liste du FdG10, l’écologiste Jean-Marc Governatori en Provence-Alpes- Côte d’Azur et Florian Philippot, ex-numéro 2 du FN qui était tête de liste du parti Les Patriotes dans la région Grand-Est, et donc concurrent de son ancien parti.
Nous retiendrons qu’à l’exception du RN, aucun parti ayant réalisé plus de 7,7%11 au premier tour des élections régionales de 2015, sans l’emporter au second tour, n’a présenté une tête de liste identique en 2021.

 

1.3. Chez les colistiers non plus, on ne change pas une équipe qui gagne !

La composition des listes a également donné lieu à d’intéressantes évolutions, avec un renouvellement plus ou moins poussé selon les situations. On notera d’abord qu’en moyenne les conseillers régionaux sortants qui ne se représentaient pas ont été légèrement plus âgés que ceux qui se sont à nouveau présentés devant les électeurs.

La moyenne d’âge des conseillers reconduits au RN a été de 51,5 ans contre 56 ans pour ceux qui n’ont pas été retenus. La différence est plus grande encore à droite et au centre, avec 58 ans en moyenne chez les recalés, contre 51,5 ans pour ceux qui ont poursuivi. À gauche, cette différence est nettement moins marquée, puisque les sortants qui se sont représentés avaient en moyenne 54 ans contre 55,5 ans pour les non-reconduits. Pour les trois blocs politiques évoqués, la non-reconduction de certains élus sortants a semble-t-il été dictée par l’âge. Sur 214 sortants de 70 ans et plus, tous partis confondus, seuls 68 se représentaient, soit un taux de 32%, tauxnettement plus faible que le chiffre général des reconductions. En effet, lors des élections régionales de 2021 en métropole (hors Corse), un conseiller régional sur deux s’est représenté (50,3%). Ce chiffre varie en fonction du bloc politique considéré et de la situation politique régionale. Ce taux tombe à 45,9% si l’on retire les élus passés dans un autre camp politique12.

Les élus reconduits par la gauche et la droite sont proportionnellement plus nombreux lorsque leur famille politique dirige la région (voir graphique 3). Dans les 5 régions dont le conseil régional est présidé par la gauche, la droite a reconduit une moindre part de ses élus (un tiers seulement) que le RN, la gauche reconduisant plus de la moitié (53,8%) d’entre eux. On retrouve la même logique dans les 7 régions de droite, sauf que dans ce cas c’est la droite qui a reconduit le plus de sortants (48,6%), devant la gauche, avec 42,6%, et le RN, avec 40,8%.

Graphique 3 : Taux de reconduction des sortants aux élections régionales dans les régions dirigées par la gauche et la droite (en % des candidats sortants)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Au-delà de l’idée qui veut que l’on ne change pas une équipe qui gagne, les équipes dirigeantes sortantes ont privilégié une certaine stabilité. Non seulement, ces élus sortants, sont certainement un gage de meilleurs résultats pour leurs listes respectives, rompus qu’ils sont aux joutes électorales, mais leur expérience dans la direction politique de la région a pu aussi être envisagée comme précieuse en cas de nouvelle victoire. On peut également penser que, pour les élus d’opposition, la position est bien moins gratifiante et qu’une certaine usure, voire une certaine frustration, a pu survenir dans leur position d’opposants depuis 2015.

2

Les élections départementales

2.1. Une forte baisse du taux de couverture du RN

L’un des ressorts de la baisse globale des candidatures aux élections départementales se trouve dans le fait que le RN a proposé un nombre bien moins important de binômes comparativement à 2015. Il en résulte un taux de couverture du territoire nettement plus faible (voir graphique 4).

Graphique 4 : Taux de couverture du FN/RN aux élections départementales de 2015 et 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

13.

Avec 392 listes présentées dans des communes de plus de 350 habitants en 2020 contre 545 en 2014.

+ -

À l’instar des élections municipales de 2020 au cours desquelles il avait présenté moins de listes que lors des municipales de 201413, le RN n’a présenté que 1.642 binômes au premier tour des élections départementales de 2021 alors qu’il en alignait 1.896 sur la ligne de départ lors des élections de 2015. Cette décrue constitue un indice supplémentaire de l’état des forces militantes frontistes et de son éventuelle capacité à mobiliser sa base.

Cependant, avec un taux de couverture de 83%, le RN demeure le seul parti à présenter une telle couverture du territoire mais a dû se focaliser sur ses zones de forces (voir carte 1).

Carte 1 : Taux de couverture des candidatures du RN aux élections départementales de 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

14.

Parmi les 1.846 candidats du RN, 1.222 ont été à la fois candidats aux élections départementales et régionales.

+ -

Le RN a présenté des candidats dans plus de 80% des cantons, voire jusqu’à 90% dans les territoires qui lui sont habituellement le plus favorables, tels les Hauts-de-France, le grand Bassin parisien, le Grand-Est ou encore le pourtour méditerranéen. La vallée de la Garonne qui, historiquement, accorde de forts suffrages au RN est également bien représentée, ainsi que la Bretagne, pourtant généralement rétive au vote RN. C’est finalement, dans les zones électorales moins porteuses du Massif central, des Alpes et dans une partie de l’ouest de la France que le RN a fait l’impasse dans de nombreux cantons, ne présentant par exemple aucun candidat dans le Cantal.

Par ailleurs, le RN a eu un grand nombre de ses candidats qui se sont présentés à la fois aux élections départementales et régionales : ils sont pour les deux tiers dans ce cas de figure (voir graphique 5)14. La gauche et ses 29 listes représentent un cinquième de ces candidats doublement présents, tandis qu’à droite et dans la majorité présidentielle cette pratique n’a été que très peu pratiquée.

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

15.

Les candidats d’un grand nombre de binômes aux élections départementales sont issus de deux partis différents, aussi bien dans les rangs de la droite que de la gauche.

+ -

2.2. Le poids des différents partis

Aux élections départementales de 2021, le RN a présenté deux fois plus de candidats que LR, qui arrive deuxième au nombre des candidatures présentées avec 1.555 candidats dans des binômes présents dans 1.079 cantons (voir graphique 6)15. On note que les candidatures de LR sont nettement plus nombreuses que celles de leurs alliés centristes de l’UDI, qui n’ont présenté que 329 candidats au premier tour de ces élections répartis dans 299 cantons.

Graphique 6 : Nombre de candidats des principaux partis en concurrence aux élections départementales de 2021

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

16.

Le PS est ainsi présent dans 916 cantons, EELV dans 719, le PCF dans 688 et LFI dans 437.

+ -

À gauche, la balance entre les différents partis est nettement plus équilibrée. Si le PS a présenté 1.285 candidats, EELV et le PCF ne sont pas loin du millier, avec respectivement 981 et 950 candidats sur la ligne de départ, tandis que LFI a aligné plus de 600 candidats16.

Enfin, la majorité présidentielle, essentiellement autour de LREM et du MoDem, est parvenue à présenter plus de 900 candidats répartis dans 744 cantons.

 

2.3. Une gauche moins divisée

Aux élections départementales de 2021, la gauche s’est présentée nettement moins divisée qu’en 2015, lorsque le quinquennat de François Hollande avait créé de nombreuses insatisfactions et divisions dans son camp.

Graphique 7 : Répartition du nombre de candidats de gauche par canton aux élections départementales de 2015 et 2021 (en % de cantons)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

17.

Les données pour les élections départementales de 2015 ont été dressées à partir des scores de l’ensemble de la gauche et de l’extrême gauche aux élections européennes de 2014. On observe une croissance linéaire du nombre de candidats de la gauche en fonction des scores réalisés par cette dernière lors de l’élection européenne (voir Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, Départementales de mars 2015 (1) : le contexte, Fondation pour l’innovation politique, août 2015, p. 21.

+ -

18.

Somme des scores de EELV, du PS, du PCF, de Génération.s et de LFI.

+ -

Si les cantons laissés sans candidat ont été un peu plus nombreux qu’en 2015 (passant de 3% à 7% des cantons), la gauche a nettement gagné en unité puisqu’elle s’est présentée unie (ou du moins sans concurrence interne) dans un peu plus de la moitié des cantons (52%). Alors que dans 76% des cantons l’heure était à l’affrontement lors du premier tour des élections départementales de 2015, ce n’était plus le cas que dans 41% des cantons en 2021.

Toutefois, la logique d’affrontement dans les zones de force de la gauche, remarquée en 2015, a perduré (voir graphique 8). Comme en 201517, plus les scores cumulés réalisés par la gauche lors des élections européennes de 201918 sont élevés dans un canton, plus on trouve de binômes de la gauche s’affrontant dans ces cantons.

Graphique 8 : Nombre de binômes de gauche en fonction des scores de la gauche aux élections européennes de 2019 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Note de lecture : Dans les cantons où la gauche présentait un seul candidat, le score cumulé de l’ensemble de la gauche était de 29,1 % lors des élections européennes de 2019.

S’il est manifeste que moins de binômes de gauche se sont affrontés, la corrélation entre le nombre de candidatures et le score de la gauche, logique présente en 2021 comme en 2015, donne à penser qu’un autre facteur a joué un rôle majeur dans la logique d’union (ou de moindre concurrence) à gauche.

Alors qu’en 2015, la gauche se livrait à des affrontements dans l’immense majorité des cantons des départements métropolitains, une moindre concurrence est apparue en 2021. On remarque à la lecture de la carte 2 que, dans les départements dirigés par la gauche, la logique reste majoritairement à l’affrontement.

Ainsi, 14 des 22 départements où la gauche s’inscrit dans une logique de fort affrontement (plus de 62,5% des cantons avec plusieurs binômes de gauche en concurrence au premier tour) sont des départements dirigés par la gauche. L’affrontement est donc de mise dans près de la moitié des départements dirigés par la gauche (14 sur 29), tandis qu’on ne retrouve cette logique que dans 15 départements sur un total de 63 départements dirigés par la droite ou le centre.

La perte, en 2015, de la direction d’un grand nombre de conseils départementaux a donc joué un rôle manifeste dans la moindre concurrence à gauche lors de ce premier tour des élections départementales. Le mécontentement vis-à-vis de François Hollande et Manuel Valls avait évidemment nourri cette volonté d’en découdre, tandis que la position d’opposition, tant au niveau national face à Emmanuel Macron qu’au niveau local face à LREM, a pu constituer un fort moteur d’union à gauche en 2021.

Carte 2 : Proportion d’accords ou d’affrontements au sein de la gauche aux élections départementales de 2021 (en %) / Tendance politique du conseil départemental (2015-2021)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

19.

Synonyme de nombreux cantons conquis par la droite et le centre. La droite et le centre ont conquis 27 départements, la gauche n’en a ravi qu’un seul.

+ -

20.

Voir Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach, Départementales de mars 2015 (3) : le second tour, Fondation pour l’innovation politique, août 2015, p. 30.

+ -

2.4. La droite avec une longueur d’avance

Qualifier les élections de 2015 de débâcle pour la gauche socialiste relève de l’euphémisme. La gauche partait pourtant avec un net avantage puisqu’elle dirigeait à l’époque la majorité des départements et 20 régions métropolitaines sur 22. Le vote sanction vis-à-vis de François Hollande et Manuel Valls a alors pleinement joué en faveur de la droite et du centre qui ont su leur ravir 27 départements en mars et réitérer l’opération aux régionales de décembre en s’emparant de 7 régions métropolitaines sur 12.

Eu égard à la configuration politique établie depuis la victoire présidentielle d’Emmanuel Macron en 2017, le vote sanction devrait avoir un effet relativement faible pour la droite et la gauche et ne devrait s’abattre que sur les listes et les candidats de la majorité présidentielle. À ce titre, les victoires acquises par la droite en 2015 lui confèrent une longueur d’avance. Nous l’avons vu précédemment, tous les présidents de région se sont représentés en 2021, chaque camp s’inscrivant dans une continuité qu’il espérait synonyme de victoire. Cette continuité a également été privilégiée pour ce qui concerne les colistiers aux régionales.

Concernant les élections départementales, nous avons montré avec Jérôme Fourquet que, malgré le redécoupage des cantons et malgré le basculement de 28 départements19, le taux de réélection des conseillers sortants a atteint 75%20.
En 2021, sur les 3.938 postes de conseillers départementaux métropolitains, 2.513 ont été brigués par des sortants, qui se sont donc représentés à 63,8%.

Les sortants issus des rangs de la droite et du centre étaient les plus nombreux en juin 2021 (voir graphique 9). Ils représentaient 60% des 2.513 conseillers départementaux se présentant à nouveau, le bloc de gauche ne pouvant revendiquer sur la ligne de départ que 35% des sortants. La majorité présidentielle ne peut s’appuyer que sur 3% des sortants et le RN n’en a eu que 1%.

Graphique 9 : Part des sortants aux élections départementales de 2021 en fonction de l’affiliation politique (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

À la suite de leurs nombreuses victoires de 2015, le rapport de force sur la ligne de départ se présentait donc bien à l’avantage de la droite et du centre.

3

Le profil socioprofessionnel des candidats

Notes

21.

Nous avons retiré les étudiants et sans activités de la base des candidats afin de permettre une parfaite analyse comparative avec les données de l’Insee.

+ -

À partir des données fournies par le ministère de l’Intérieur, nous avons pu établir le profil socioprofessionnel de l’ensemble des candidats21 engagés lors des élections régionales et départementales de juin 2021 afin de le comparer au profil de la population française générale déterminé par l’Insee lors de son enquête Emploi 2020.

 

3.1. Beaucoup de cadres mais peu de classes populaires chez les candidats

L’ensemble constitué par les 19.084 candidats aux élections régionales et les 15.636 candidats aux élections départementales se distingue très nettement de la population française générale. On constate (voir graphique 10) une très forte présence des cadres et professions intellectuelles supérieures parmi les candidats aux élections de juin 2021, avec un taux deux fois supérieur à celui de la population générale (41,3% contre 20,4%). Ce très fort contraste entraîne une sous-représentation de quasiment toutes les autres catégories socioprofessionnelles, à l’exception des agriculteurs exploitants, qui sont également deux fois plus nombreux parmi les candidats (3,2% contre 1,4% parmi la population active française), et des artisans, commerçants et chefs d’entreprise (6,8% dans les deux populations).

Graphique 10 : Comparaison des catégories socioprofessionnelles des candidats aux élections régionales et départementales de 2021 avec celles de la population générale française (en % des travailleurs en emploi)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Insee, données annuelles 2020, et ministère de l’Intérieur

Notes

22.

Chiffre calculé à partir des 1.859 candidats présentés par LO lors des élections régionales de 2021 en métropole.

+ -

23.

Dans cette partie, afin de nous assurer de bien distinguer les candidats par affiliation politique, nous nous basons sur les candidats aux élections départementales dans les partis suivants : PS, EELV, LFI, PCF, Génération.s, LREM, MoDem, UDI, LR et RN. La lecture attentive des professions de foi des candidats aux élections départementales et de la presse locale nous a permis de nous assurer de l’appartenance des candidats à ces différents partis. Les divers gauche, centre et droite, les quelques candidats d’extrême droite (hors RN) et les candidats « sans étiquette » n’ont pas été traités. Les diverses alliances réalisées lors des élections régionales ne nous auraient pas permis de proposer un travail aussi détaillé quant à l’affiliation politique des candidats.

+ -

Le groupe le plus largement sous-représenté parmi les candidats est celui des ouvriers, avec seulement 4,5%, alors qu’on trouve presque un Français sur cinq classé comme ouvrier par l’Insee (19,2%). Ainsi, on trouve, en proportion, quatre fois moins d’ouvriers parmi les candidats qu’au sein de la population française. Le seul parti politique qui présente un pourcentage de candidats ouvriers identique ou proche du taux d’ouvriers en France est LO : au sein du parti de Nathalie Arthaud, on dénombre 22,9% d’ouvriers, 25,9% d’employés, 18,2% de cadres et seulement 1,3% d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise22.

 

3.2. Zoom sur les candidats des principaux partis aux départementales

On l’aura compris, le cas de LO est atypique. La plupart des partis, dont nous allons comparer la composition sociologique des candidats aux élections départementales23 se caractérise par une nette surreprésentation des cadres. Ces derniers sont beaucoup plus nombreux parmi les candidats de tous les partis que dans la population générale (voir graphique 11), à l’exception notable du RN. La palme de la représentation des cadres revient aux candidats de la majorité présidentielle présentés par LREM et le MoDem (59,7%), tandis qu’à gauche, c’est au sein du PS et de Générations que les cadres sont les plus nombreux puisqu’ils représentent 54,3% des candidats. On note également que les cadres sont près de 5% plus nombreux à l’UDI (56,3%) que chez LR (51,7%). Quant au RN, qui éprouve historiquement des difficultés à attirer les voix des CSP+, les cadres y sont très légèrement sous-représentés par rapport à la population générale et sont près de deux fois moins nombreux que dans l’ensemble des candidats.

Graphique 11 : Taux de cadres et de professions intellectuelles supérieures parmi les candidats des principaux partis politiques aux élections départementales de 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

La surreprésentation des cadres parmi les candidats engagés s’accompagne d’une très faible présence des ouvriers (voir graphique 12) et des employés (voir graphique 13) chez les candidats des principaux partis. Ainsi, les ouvriers, qui pèsent encore pour près d’un actif sur cinq, représentent moins de 1% des candidats chez LR (0,3%), à l’UDI (0,7%) ou parmi les candidats de la majorité présidentielle (0,9%). Ils sont également moins de 1% parmi les candidats de gauche du PS et de Génération.s (0,8%) ou d’EELV (0,9%). En définitive, il n’y a que parmi les représentants des partis les plus éloignés sur l’échiquier politique, le PCF et LFI d’un côté (avec 6,1% d’ouvriers) et le RN de l’autre (avec 6,8%), que les ouvriers ont su se faire une place. Même au sein de ces partis, la classe ouvrière reste très largement sous-représentée et demeure trois fois moins présente que dans la population générale.

Graphique 12 : Taux d’ouvriers parmi les candidats des principaux partis politiques aux élections départementales de 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

À l’instar des ouvriers, c’est au sein des formations éloignées politiquement que sont le PCF, LFI et le RN que l’on trouve la proportion d’employés la plus grande. Ces derniers sont également sous-représentés parmi les candidats au regard de leur poids dans la société, sauf au RN où la place qu’ils occupent est par ailleurs deux fois supérieure à celle de l’ensemble des candidats aux départementales (29,9% contre 15,9%). Au PCF et à LFI, avec 20,4%, les employés sont deux fois plus nombreux qu’au sein de PS-Génération.s ou de EELV (10,9% et 10%). Au centre et à droite, c’est parmi les candidats du camp présidentiel que les employés sont les moins nombreux, avec seulement 7% pour LREM et le MoDem contre respectivement 9,2% et 9,6% chez LR et l’UDI.

Graphique 13 : Taux d’employés parmi les candidats des principaux partis politiques aux élections départementales de 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

24.

La proportion d’ouvriers et employés n’est que de 18,7% parmi les candidats aux élections départementales contre 36,7% au RN.

+ -

25.

Source : sondage Ifop et Fiducial pour CNews, Paris-Match et Sud Radio réalisé par Internet le 23 avril 2017 auprès d’un échantillon représentatif de 3.668 personnes inscrites sur les listes électorales.

+ -

Cette très grande disparité dans la place octroyée aux classes populaires parmi les candidats des différents partis se retrouve dans la structure de l’électorat de chacun d’eux. Ainsi, la bonne représentation des CSP– parmi les troupes lepénistes (ouvriers et employés sont deux fois plus nombreux parmi les candidats RN que parmi l’ensemble des candidats24) fonctionne comme un rappel de la part des classes populaires dans l’électorat frontiste. Marine Le Pen a ainsi obtenu 34% des votes des CSP–, dont 39% parmi les ouvriers, lors du premier tour de l’élection présidentielle de 201725. Jean-Luc Mélenchon, lui, a recueilli 24% des suffrages de ces catégories, tandis qu’Emmanuel Macron et François Fillon ont réalisé des scores de seulement 16% et 10%.

Autre électorat au tropisme politique avéré, les enseignants et professeurs sont beaucoup plus nombreux parmi les partis de gauche (voir graphique 14). S’ils représentent 9,3% de l’ensemble des candidats, cette proportion s’élève jusqu’à 17% au sein de EELV, soit 4,6 points de plus que parmi les candidats du PS, naguère champion incontesté de l’engagement politique de la classe enseignante. La part d’enseignants et professeurs parmi les candidats du RN (2,5%) et de LR (5,9%) atteste la difficulté du camp lepéniste et de la droite à pénétrer cette corporation idéologiquement acquise à la gauche.

Graphique 14 : Taux d’enseignants et de professeurs parmi les candidats des principaux partis politiques aux élections départementales de 2021 (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

La droite et le centre, faiblement représentés parmi les catégories populaires et enseignantes, présentent également des profils socioprofessionnels privilégiés parmi ses candidats (voir graphiques 15 et 16). C’est parmi les prétendants de la majorité présidentielle que les chefs d’entreprise et professions libérales sont les plus représentés, avec 15,4% contre 9,4% parmi l’ensemble des candidats. Si les autres partis de droite et du centre ne sont pas en reste, la gauche n’accorde qu’une part limitée à ces catégories parmi ses rangs. À ce titre, si l’on ne considère que les chefs d’entreprise, ils ne pèsent que 0,1% des candidats chez LFI et le PCF, alors qu’ils sont 2,5% parmi l’ensemble des candidats.

Graphique 15 : Taux de chefs d’entreprise et des professions libérales parmi les candidats des principaux partis politiques aux élections départementales de 2021 (en %)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Graphique 16 : Taux de commerçants, artisans et agriculteurs parmi les candidats des principaux partis politiques aux élections départementales de 2021 (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

26.

Les agriculteurs comptent pour 4,7% et 7,3% parmi les candidats de LR et de l’UDI.

+ -

La place faite aux artisans, commerçants et agriculteurs distingue également la droite et le RN des partis de gauche et du camp présidentiel. C’est à l’UDI que ces catégories socioprofessionnelles sont les plus nombreuses, avec 15,2% contre 10,8% pour l’ensemble des candidats. Ces catégories se trouvent fortement sous-représentées à gauche, où elles comptent pour moins de 7% des candidats dans tous les partis. Le RN se distingue par la place qui est accordée aux artisans et commerçants plutôt qu’aux agriculteurs. Ces derniers y sont légèrement sous-représentés (1,9%, contre 3,3% au global), tandis que les artisans et commerçants comptent pour 11,1% des troupes lepénistes, alors que leur poids moyen n’est que de 7,5%26.

II Partie

Le premier tour des élections régionales et départementales

1

Une abstention record

Notes

27.

Ce chiffre concerne la France entière. La participation en métropole (moins la Corse, Paris et la métropole de Lyon, non concernées par les élections départementales) s’élève à 33,1% aux élections régionales et 33,2% aux élections départementales, un écart très léger et peu significatif, à l’avantage de la participation aux élections départementales.

+ -

28.

La barre d’un électeur votant sur deux a été franchie lors des élections régionales de 2010 et 2015.

+ -

29.

La participation aux élections cantonales (devenues départementales en 2015), régulièrement organisées en même que d’autres scrutins plus mobilisateurs, présente un profil nettement moins linéaire. Le renouvellement des conseillers généraux, seulement, pour moitié tous les trois ans, invite également à privilégier les élections régionales pour l’analyse de l’abstention dans le temps (avant 2015).

+ -

30.

Instauration du vote majoritaire à deux tours.

+ -

1.1. L’impact de la Covid-19

Appelés aux urnes le 20 juin 2021 pour le premier tour des élections régionales et départementales, organisées conjointement, les Français se sont massivement abstenus. Un seul électeur inscrit sur trois s’est rendu dans son bureau de vote, établissant un nouveau record d’abstention, toutes élections confondues. La participation, quasiment identique lors des élections régionales et départementales, s’est établie à 33,3%27. Ce record d’abstention n’est-il que le fruit de la crise sanitaire ou bien un nouveau cap, avec seulement un tiers de participation, a-t-il été franchi28 lors de ces élections ?
La baisse de la participation lors des élections régionales29 est une constante depuis les années 1980 (voir graphique 17), malgré les lois décentralisatrices accordant de nouvelles prérogatives aux régions. Ainsi, de 1986 à 1998, la participation a baissé de près de 17 points (de 74,8% à 58%), tandis qu’entre 200430 et 2021 la participation a chuté de 27,5 points, passant de 60,8% à 33,3%.

Graphique 17 : Participation aux élections régionales depuis 1986 (en % des inscrits)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

31.

La participation a enregistré une hausse de 3,6 points aux régionales entre 2010 et 2015, de 46,3% à49,9%.

+ -

32.

Municipales 2020 (1er tour) : sondage Ifop et Fiducial pour CNews et Sud Radio, réalisé par Internet, le 15 mars 2020, auprès d’un échantillon représentatif de 2.524 personnes inscrites sur les listes électorales ; Régionales 2021 (1er tour) : sondage Ifop et Fiducial pour TF1 et LCI, réalisé par Internet, le 20 juin 2021, auprès d’un échantillon représentatif de 2.642 personnes inscrites sur les listes électorales.

+ -

33.

C’est même la première fois que la participation aux élections municipales passe sous la barre des 60%, la progression de l’abstention entre le premier tour des élections municipales de 2014 et celui des municipales de 2020 étant de 18,9 points.

+ -

La très faible participation à ces élections s’inscrit donc dans une évolution longue, et sans doute durable, de notre démocratie représentative. Toutefois, la chute de participation entre 2015 et 2021 montre une forte accélération du phénomène puisqu’entre décembre 2015 et juin 2021 la participation a baissé de 16,6 points. Cette chute est d’autant plus spectaculaire que les élections régionales du 6 décembre 2015 avaient enregistré une légère baisse de l’abstention31.

Si le contexte sanitaire a certainement joué et qu’il est encore trop tôt pour prendre pleinement conscience de son impact sur nos sociétés, nous pouvons nous référer à une série de données recueillies par l’Ifop lors de chaque élection, dans des sondages dits du « jour du vote » afin de nous faire une idée précise de l’impact direct de la Covid-19 sur la participation aux élections en France32. Ces données recueillies lors du premier tour des élections municipales de 2020 et du premier tour des élections régionales et départementales de 2021 permettent de mesurer la différence d’impact de la pandémie mondiale sur l’abstention lors des élections des deux dernières années. En effet, l’abstention lors des élections municipales de 2020 a également connu un record, puisque la participation le 15 mars 2020 n’a été que de 44,7%, passant pour la première fois sous la barre des 50% pour des élections municipales33. Interrogés à propos des raisons de leur abstention, 55% des sondés abstentionnistes aux municipales ont désigné comme déterminante l’inquiétude provoquée par « la progression de la pandémie de coronavirus en France » dans leur choix de s’abstenir de voter.

Le 20 juin 2021, lors du premier tour des élections régionales et départementales, cette cause n’était déterminante que pour 17% des abstentionnistes interrogés par l’Ifop. Si l’impact direct de la Covid-19 sur le premier tour des élections municipales de 2020 a donc été majeur, il a été nettement plus modéré lors des élections de juin 2021, et la raison de l’abstention massive aux élections régionales et départementales ne réside pas essentiellement dans la crise sanitaire.

 

1.2. Le manque d’intérêt, moteur de l’abstention malgré un réflexe civique parmi les électeurs les plus âgés

La comparaison entre l’intérêt pour la campagne électorale, que l’Ifop mesure auprès des électeurs à chaque élection, et le niveau de participation est éclairante quant à l’abstention record enregistrée lors des élections régionales et des départementales. Comme le montre le graphique 18, l’intérêt pour une campagne électorale est un bon indice pour mesurer la participation. On remarque également que la participation est immanquablement supérieure de plusieurs points à l’intérêt déclaré par les électeurs sondés, allant de + 3,7 points lors des élections municipales de 2020 à un maximum de + 11,1 points aux élections européennes de 2019. Cet écart était de + 9,3 points lors des élections régionales de 2021.

Graphique 18 : Un fort lien entre pourcentage d’intérêt des sondés et taux de participation aux élections

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

34.

D’après les données de l’Ifop, les abstentionnistes déclarant avoir été détournés des urnes en mars « uniquement par les risques d’être affectés par le coronavirus en allant voter » sont de 20% chez les 18-24 ans, de 31% chez les 25-34 ans, de 35% chez les 35-49 ans, de 38% chez les 50-64 ans et de 46% chez les 65 ans et plus.

+ -

Cette différence marquée laisse à penser qu’une partie de l’électorat se mobilise à chaque élection, malgré une absence d’intérêt pour la campagne électorale et les enjeux de pouvoir qui y sont liés.

Cet esprit civique est nettement plus fort parmi l’électorat le plus âgé. On observe même un phénomène inverse chez les plus jeunes, qui semblent plus s’intéresser aux diverses campagnes électorales qu’ils ne votent. De fortes variations quant à l’intérêt suscité par les dernières campagnes électorales ont été mesurées (voir graphique 18).

Le tableau 1, qui donne le détail de cet intérêt et du vote enregistré par tranches d’âge, présente également de grands écarts et permet d’identifier un certain nombre de constantes. Tout d’abord, les plus jeunes électeurs (18-24 ans) sont invariablement ceux qui s’expriment le moins alors qu’ils ne sont pourtant pas ceux qui se déclarent le moins intéressés par les campagnes électorales. Ce sont les électeurs de 25 à 34 ans qui semblent s’enthousiasmer le moins pour la chose politique dans quatre des cinq élections étudiées (régionales 2015, européennes 2019, municipales 2020, régionales 2021). Cette attitude peu civique de la partie la plus jeune de l’électorat contraste avec le civisme des plus âgés. En effet, les électeurs de 50 à 64 ans et ceux de plus de 65 ans, s’ils s’intéressent généralement plus aux élections que leurs cadets, remplissent également leur devoir civique avec une plus grande rigueur. Par exemple, lors des élections régionales de 2015, les électeurs de 50 à 64 ans et ceux de 65 ans et plus présentent un niveau de vote respectivement de 17 points et 16 points supérieur à leur intérêt déclaré. Cet indicateur du civisme par tranches d’âge, qui s’élevait encore à + 18 points et à + 15 points lors des élections européennes de 2019 pour ces deux catégories d’âge, a été fortement entamé avec l’irruption de la crise sanitaire. D’abord, sur l’ensemble de la période, il n’y a qu’aux élections municipales de 2020 que les électeurs de plus de 65 ans ont déclaré un intérêt supérieur à leur participation avec une attitude civique en berne (– 2 points)34.

Tableau 1 : Intérêt et participation par tranche d’âges lors de plusieurs élections depuis 2015 (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Aussi s’il est difficile de mesurer l’influence de la Covid-19 sur la participation en 2021, il est manifeste que cette influence n’a pas été aussi directe qu’en 2020, comme nous l’avons montré précédemment. On peut toutefois faire l’hypothèse d’une influence plus diffuse de la crise sanitaire sur l’intérêt pour ces élections et l’état d’esprit des Français. Les angoisses, les dépressions et les colères provoquées par la crise sanitaire dont nous alerte le monde médical et psychiatrique, mais également l’omniprésence de l’épidémie dans les médias ont très certainement eu un effet majeur sur la disponibilité psychologique et intellectuelle des électeurs. L’environnement psychologique pesant sur l’ensemble de nos concitoyens (et bien au-delà) a certainement favorisé une attitude de retrait qu’ils ont largement partagée.

 

1.3. Le rôle de l’âge sur la participation, le signe d’une rupture générationnelle

Notre propos n’est pas de pointer du doigt les jeunes comme uniques ou principaux responsables de la forte abstention lors des scrutins de 2021. Tout d’abord, cet âge, qui correspond à celui de la prise de distance avec le foyer parental, est propice à développer ses opinions politiques personnelles au contact du milieu du travail ou dans le cadre des études, parfois en déménageant dans une nouvelle région, ce qui ne se fait pas sans doute ni hésitation. D’autre part, la participation s’est effondrée entre les élections régionales de 2015 et 2021 dans toutes les classes d’âge. La chute de participation est même sensiblement moins forte chez les plus jeunes.

Cette démobilisation de l’ensemble des classes d’âge, à l’exception des 65 ans et plus, implique que la participation est fortement corrélée à la part des électeurs les plus âgés comme le figure le graphique 19. On le voit, plus la part des personnes de plus de 65 ans augmente dans les communes, plus la participation s’en est trouvée renforcée en moyenne puisque la participation se trouve sous la moyenne nationale (33,3%) lorsque le taux de personnes âgées de plus de 65 ans est inférieur à 20, puis la participation passe légèrement au-dessus de la moyenne nationale lorsque ce taux se trouve entre 20 et 25% et poursuit sa hausse, jusqu’à la strate des communes avec plus de 40% de personnes de 65 ans et plus. La participation y atteint un maximum de 40,6%, soit près de 7 points au-dessus de la moyenne nationale.

Graphique 19 : Participation moyenne en fonction du poids des personnes de 65 ans et plus (en % des inscrits)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Note de lecture : Dans les communes où les personnes de 65 ans et plus représentent moins de 15% de la population, la participation est de 29,9%.

Il en résulte une cartographie de l’abstention (voir carte 3) profondément structurée par la place des électeurs les plus âgés (voir carte 4). En effet, les zones plus dynamiques démographiquement se distinguent par un niveau de participation très bas, comme en Île-de-France ou dans les agglomérations lilloise, bordelaise, lyonnaise ou encore toulousaine. Se distinguent également les Pays de la Loire, l’Alsace et les zones frontalières du nord-est du pays ou la partie nord de la région Rhône-Alpes, où la part des 65 ans et plus est faible et l’abstention largement au-dessus de la moyenne nationale (33,3%).

Carte 3 : Participation lors du premier tour des élections régionales de 2021 (en % des inscrits, par cantons)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Le poids des électeurs les plus âgés qui comptent pour plus de 30% de la population communale dans toute une série de communes selon une diagonale nord-est-sud-ouest, s’accompagne d’une participation très nettement supérieure à la moyenne. Une participation en berne, en lien avec une moindre présence des électeurs âgés, se retrouve également le long de la vallée du Rhône et sur le pourtour méditerranéen, où apparaît un fort contraste avec l’arrière-pays.

Carte 4 : Part des habitants âgés de 65 ans et plus (en %, par communes)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Insee

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

35.

Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier, « Abstention aux régionales : manifestation spectaculaire de la crise de foi républicaine », Fondation Jean-Jaurès, 7 juillet 2021.

+ -

Ce constat démographique et géographique a amené Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier à s’interroger sur ce qu’ils ont intitulé « la crise de foi républicaine », voyant dans la progression de l’abstention le résultat d’un renouvellement générationnel sur le long terme qui a petit à petit sapé les fondements de la mobilisation électorale en France et de la démocratie représentative35. Ils pointent notamment la montée de l’individualisme et de nouveaux modes de consommation numérique et leur explosion à l’occasion de la crise sanitaire. Si le diagnostic de ces auteurs nous paraît tout à fait pertinent, nous pensons utile d’insister, concernant un phénomène abstentionniste forcément multifactoriel, sur un élément que nous avons mis en lumière plus tôt dans cette note. En effet, le décalage dans la composition sociologique qui existe entre la population générale française et le groupe que constituent les candidats aux élections nous semble alarmant. Il n’en résulte pas seulement que les ouvriers, fortement sous-représentés sont également la CSP qui s’abstient le plus, avec seulement 24% de participation contre 31% pour les cadres et professions intellectuelles supérieures. Il nous semble aussi que ce déséquilibre nourrit la représentation selon laquelle une oligarchie ou une caste politique au pouvoir, tous bords confondus, est au service de ses intérêts et de ceux des puissants. Aussi, cet avatar de la lutte des classes, en l’absence de véritables représentants pour les classes populaires et en cette période de théories complotistes massivement diffusées, nous semble tout aussi important à souligner concernant le poids de l’abstention et sa tendance dans le temps.

2

Le premier tour des élections régionales de 2021

2.1. L’absence de vote sanction

Force est de constater que ces élections ont été marquées du sceau de la stabilité pour les forces de gauche et de droite. Ce constat s’impose d’abord à la lecture des scores réalisés par ces deux blocs idéologiques (voir graphique 20). Depuis 1998, les résultats de la droite et du centre, de la gauche et du FN/RN varient grandement d’une élection à l’autre.

Graphique 20 : Évolution des scores aux élections régionales de la gauche, de la droite et du FN/RN depuis 1998 (en % des votes exprimés)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

36.

La gauche, qui ne dirigeait que 2 régions sur 22 en 1992, était à la tête de 21 régions avant les élections régionales de 2015.

+ -

37.

Auvergne-Rhône-Alpes, Grand-Est, Hauts-de-France, Île-de-France, Normandie, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

+ -

La gauche, dans l’opposition en 1998, 2004 et 2010, a su bénéficier d’un vote sanction pour progresser fortement, tant en pourcentage des votes recueillis qu’en nombre de régions gagnées. Avec un gain modéré de 3,6 points entre 1998 et 2004, la gauche parvient par exemple à conquérir 12 nouvelles régions et à diriger 20 régions métropolitaines sur 22. En 2010, la gauche avait conquis une région supplémentaire avec sa victoire en Corse (seule l’Alsace avait résisté à la double vague rose de 2004 et 2010) et avait consolidé largement son avance en voix, avec une hausse de 10 points par rapport à 2004.

En 2015, de la même façon, le profond mécontentement à l’égard de François Hollande, à gauche notamment, a permis à la droite de conquérir une majorité de régions et d’effacer les gains réalisés par la gauche depuis une vingtaine d’années36 à la faveur d’élections intermédiaires classiquement défavorables à la majorité présidentielle et parlementaire.

En juin 2021, l’absence de vote sanction s’est fait ressentir lors du premier tour par la stabilité des scores des blocs de gauche (– 1 point) et de droite (– 2,2 points). Cette stabilité n’est pourtant qu’apparente dans la mesure où les rapports de force régionaux ont été profondément bouleversés par rapport à 2015.

 

2.2. Une nette prime aux sortants

Lors de ces élections, les exécutifs régionaux ont été plébiscités et chacun des blocs politiques est sorti nettement renforcé dans les régions qu’ils dirigeaient.

Dans les régions dirigées par la droite
Dans les 7 régions37 qu’elle dirigeait (voir graphique 21), la droite a enregistré une progression de son score de 8,4 points (de 28,8% à 37,2%), quand dans le même temps, la gauche voyait le sien baisser de 5,4 points. Le constat pour le RN est encore plus douloureux puisque dans ces 7 régions, ses résultats s’effondrent littéralement avec une chute de 10,3 points. La majorité présidentielle, avec seulement 9,4%, montre les limites d’un parti jeune et à l’implantation territoriale très imparfaite.

Graphique 21 : Évolution des scores par blocs politiques entre 2015 et 2021 (premier tour) dans les régions dirigées par la droite (en points de % des votes exprimés)38

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

38.

Calculs effectués par l’auteur à partir des résultats électoraux fournis par le ministère de l’Intérieur.

+ -

39.

Hervé Morin a été le conseiller général du canton de Cormeilles de 1992 à 2004, puis de 2011 à 2014, et député de la troisième circonscription de l’Eure de 1998 à 2007, puis de 2010 à 2016.

+ -

40.

Christelle Morançais a remplacé Bruno Retailleau à la tête de la région en octobre 2017 et s’est présentée comme tête de liste de la droite et du centre avec le statut de présidente de région sortante.

+ -

41.

Fief électoral de Christelle Morançais, tête de liste pour la droite et présidente sortante.

+ -

42.

Les listes conduites par Bruno Retailleau étaient premières au soir du 1er tour en Maine-et-Loire, Mayenne et Vendée, son fief électoral.

+ -

La lecture de la carte 5 vient confirmer ces données chiffrées. On y distingue très clairement les 7 régions dirigées par la droite. Déjà en tête au premier tour des élections régionales de 2015 en Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France, Pays de la Loire et Normandie, la droite vire évidemment en tête dans ces régions en juin 2021. L’ancienne région Auvergne se singularise tout particulièrement puisque la droite y dépasse les 50% des suffrages dans 3 des 4 départements (54,2% dans l’Allier, 66,1% dans le Cantal et 67,7% en Haute-Loire, le fief de Laurent Wauquiez). Même en calculant le score cumulé des listes de gauche, la droite reste en tête dans 11 départements sur 12 d’Auvergne-Rhône-Alpes, la seule exception étant l’Isère, avec 36,9% pour les forces de gauche contre 34,9% à la droite. En Normandie, où Hervé Morin devançait Nicolas Bay de seulement 0,2 point et à peine plus de 2.000 voix en 2015, l’écart s’est considérablement accentué. Hervé Morin devance désormais le leader du RN en Normandie de 17 points et est en tête dans tous les départements, alors que Nicolas Bay le devançait en Seine-Maritime, dans l’Eure ainsi que dans l’Orne en 2015. On remarque parmi les scores les plus élevés de la droite (supérieurs à 50% des suffrages exprimés) l’ancienne zone d’élection d’Hervé Morin dans l’Eure39.

En Île-de-France, Valérie Pécresse se plaçait déjà en tête lors du premier tour des élections régionales de 2015. Elle n’arrivait toutefois première que dans 6 départements franciliens sur 8 et ne parvenait à surclasser l’ensemble des listes de gauche cumulées que dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine. En 2021, elle est en tête dans tous les départements, y compris la Seine- Saint-Denis, et ses scores dépassent ceux du cumul des forces de gauche dans 5 départements (Yvelines, Hauts-de-Seine, Essonne, Seine-et-Marne et Val-d’Oise). La droite dépasse même les 50% des suffrages dans quelques arrondissements de l’Ouest parisien, ainsi que dans quelques cantons des Hauts-de-Seine et des Yvelines.

Dans la région Pays de la Loire, malgré le changement de candidat40, la droite se maintient en tête, dépassant les 40% des suffrages dans la Sarthe41 et la très conservatrice Vendée. Christelle Morançais parvient même à placer la droite en tête dans 4 départements sur 5 (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Sarthe et Vendée), contre 3 seulement en 201542.

Carte 5 : Scores des listes de droite et du centre lors du premier tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par cantons)*

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

* Nous avons retenu le maillage cantonal, qui offre à la fois une bonne lisibilité et une grande précision.

Notes

43.

Une même stratégie a été décidée dans la région Grand-Est, mais Jean-Pierre Masseret, la tête de liste, s’y est opposé et s’est maintenu au second tour.

+ -

44.

En 2015, Marine Le Pen recueillait 40,6% des voix au premier tour et ses listes arrivaient en tête dans tous les départements.

+ -

45.

Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse. En 2015, Christian Estrosi devançait Marion-Maréchal-Le Pen de 0,1 point dans les Alpes-Maritimes.

+ -

46.

Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.

+ -

Dans les Hauts-de-France, dans le Grand-Est et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la droite était largement devancée par le FN lors du premier tour des élections de 2015. Dans 2 de ces 3 régions, la gauche s’était même retirée au second tour afin de permettre à la droite de défaire le FN, emmené par Marine Le Pen dans les Hauts-de-France et par Marion Maréchal-Le Pen en Provence-Alpes-Côte d’Azur43.

Dans les Hauts-de-France et en Grand-Est, la droite est parvenue à inverser le rapport de domination avec le RN. Xavier Bertrand, qui recueille 41,4% des suffrages contre 25% en 2015, finit en tête dans les 5 départements de la région, alors que Sébastien Chenu ne réunit sur son nom que 24,4% des suffrages44. Dans son fief de l’Aisne, Xavier Bertrand s’approche de la majorité absolue, avec 48,8% des suffrages.

En Grand-Est, Jean Rottner, qui a remplacé Philippe Richert à la tête de la région en novembre 2017, hisse la droite en tête avec 10,1 points d’avance sur le RN (31,2%, contre 21,1%). Son prédécesseur ne recueillait que 25,8% des voix et accusait 10,3 points de retard sur Florian Philippot et ses 36,1%.

Enfin, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier n’est pas parvenu à se hisser devant le RN. Il a remplacé Christian Estrosi à la tête de la région en mai 2017, alors que Thierry Mariani a remplacé Marion Maréchal-Le Pen à la tête des listes du RN. Dans la région, les listes de la droite ne passent en tête que dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans les Hautes-Alpes, et sont devancées par le RN dans les quatre autres départements45.

Dans les régions dirigées par la gauche
Dans les cinq régions tenues par la gauche46, le rapport de force se trouve inversé (voir graphique 22). La gauche y progresse de 6,5 points et atteint un score cumulé de 45,9% dès le premier tour. La droite s’écroule (– 8,8 points) et se trouve, avec seulement 14,8%, à plus de 30 points des forces de gauche. Le RN, ici aussi, subit un fort recul (– 6,9 points) et passe sous la barre des 20%. La majorité macroniste, qui présente des listes dans les 5 régions, s’en sort un peu mieux que dans les régions de droite, avec 12,6%.

Graphique 22 : Évolution des scores par blocs politiques entre 2015 et 2021 (premier tour) dans les régions dirigées par la gauche(en points de % des votes exprimés)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

48.

En 2015, les listes conduites par Louis Aliot terminaient en première position dans la région avec 31,8% des voix. Les listes de Carole Delga ne recueillaient alors que 24,4% des suffrages, ce qui leur permettait de se classer en deuxième position.

+ -

49.

La gauche a présenté quatre listes qui ont dépassé 5% des suffrages : la liste PS-PCF et alliés, menée par Loïg Chesnais-Girard, président sortant ; la liste EELV, conduite par Claire Desmares-Poirrier ; la liste LFI, de Pierre-Yves Cadalen ; et enfin la liste de Daniel Cueff, maire de Langouet, connu du grand public pour avoir publié un certain nombre d’arrêtés municipaux visant à protéger l’environnement local.

+ -

La carte 6 expose une même logique de domination du bloc de gauche dans les régions dirigées par celle-ci. En région Occitanie, le cumul des scores réalisés par les listes de gauche dépasse la barre des 50% des suffrages lors du premier tour des élections régionales. Les listes emmenées par Carole Delga, présidente socialiste de la région, par Antoine Maurice, leader de EELV et finaliste des élections municipales de 2020 à Toulouse, et par Myriam Martin, pour LFI et la gauche radicale, parviennent à un score édifiant de 53,5% des voix. Cette écrasante domination est d’abord le fruit des bons résultats de la présidente sortante, qui totalise 39,6% des suffrages et se classe en tête47 quand EELV et LFI contribuent plus modestement à hauteur de 8,8% et 5,1%. Les forces de gauche parviennent même à dépasser les 60% des suffrages dans les départements de l’Ariège (64%), des Hautes-Pyrénées (60,5%), de la Lozère (60,2%), ou s’en approchent en Haute-Garonne où se trouve Toulouse, la capitale régionale, avec 58,9%.

Dans les régions Nouvelle-Aquitaine et Bretagne, où la gauche socialiste terminait en tête au premier tour des élections régionales de 2015, une nette domination des forces de gauche se dégage également. Les listes de gauche cumulent 46,6% des suffrages en Nouvelle-Aquitaine et totalisent 47,9% des voix en Bretagne. On identifie un très fort tropisme à gauche dans les métropoles bordelaise et rennaise, ainsi qu’autour de Niort et Poitiers, dans l’ancienne région Poitou-Charentes. L’Ouest breton montre aussi une nette préférence pour la gauche malgré les divisions de celle-ci48 lors du premier tour.

En Bourgogne-Franche-Comté et en Centre-Val de Loire, où les listes du PS avaient terminé troisième au premier tour des élections régionales de 2015, les présidents sortants Marie-Guite Dufay et François Bonneau terminent en tête du premier tour de 2021. Présidente de l’ancienne région de Franche- Comté, de 2008 à 2015, Marie-Guite Dufay s’est appuyée sur les bons résultats dans son fief électoral, puisqu’elle récolte ses meilleurs scores dans les départements de l’est de la région avec 32,2% dans le Doubs, 29,1% dans la Haute-Saône ou encore 29,3% dans le Jura, pour une moyenne régionale de 26,5%.

Carte 6 : Scores des listes de gauche et des écologistes lors du premier tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par cantons)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

49.

Les conseils départementaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud ont été supprimés à cette occasion.

+ -

50.

En 2017, Gilles Simeoni, Jean-Guy Talamoni et Jean-Christophe Angelini s’étaient unis dans la coalition Un paese da fà. Jean-Félix Benedetti s’était présenté en dehors de cette large alliance nationaliste. Le score des deux listes se montait à 52,1% des suffrages au premier tour.

+ -

51.

Paul Giacobbi, héritier d’une longue tradition politique familiale de gauche (radicaux), a été condamné en 2018 pour détournement de fonds publics et était inéligible lors des élections régionales de 2021. Il avait terminé en deuxième position en 2015.

+ -

52.

Une quarantaine de maires se présentaient sur les différentes listes en concurrence. En moyenne, la liste à laquelle ils participaient récolte 58,6% des suffrages dans leur commune.

+ -

53.

Calcul effectué à partir des 12 régions métropolitaines dans lesquelles la majorité présidentielle présentait des listes, donc à l’exclusion de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

+ -

54.

Au total, les listes présidentielles obtiennent moins de 7% des suffrages dans 18 départements métropolitains.

+ -

François Bonneau, son alter ego en Centre-Val de Loire, bien qu’il ne recueille que 24,8% des suffrages, voit ses adversaires chuter lourdement, puisque le RN perd 8,3 points quand la droite recule de 7,5 points. Ses bons résultats dans les grandes agglomérations que sont Tours (25,9%), Orléans (27,6%) et, surtout, Bourges (33,2%), et leurs périphéries lui permettent de finir en tête du premier tour.

Les nationalistes dominent le premier tour des élections régionales
En Corse, l’effet de soutien aux sortants s’exprime également. Au contraire de 2017, lors de la première élection de l’Assemblée de Corse49, le camp nationaliste s’est présenté extrêmement divisé au premier tour des élections régionales de 2021, avec quatre listes conduites par Gilles Simeoni (Femu a Corsica), Jean-Guy Talamoni (Corsica Libera), Jean-Christophe Angelini (Partitu di a Nazione Corsa) et Jean-Félix Benedetti (Rinnovu)50. Le cumul des voix nationalistes au premier tour (57,7%) est en hausse de 5,1 points par rapport à 2017, tandis que l’audience nationaliste double si on la compare au premier tour de 2015. La victoire aux élections régionales de 2015 avait été un moment clé dans la domination nationaliste. C’est le parti du président sortant, Gilles Simeoni (Femu a Corsica) qui profite le plus de cette forte dynamique, puisqu’il gagne 11,6 points et termine en tête (29,2%) devant le candidat de la droite et maire d’Ajaccio Laurent Marcangeli51. Ce dernier s’est appuyé sur un réseau d’élus52 (anciens conseillers départementaux et maires, notamment) qui lui permet de récolter 24,9% dès ce premier tour, en hausse de 12,3 points sur la candidate LR Valérie Bozzi au premier tour de 2017.

 

2.3. Des destins différents pour la majorité présidentielle, le RN et EELV

L’échec de la majorité présidentielle
Avant de nous attarder sur la carte du vote pour les listes de la majorité présidentielle, nous pouvons noter que cette dernière semble bien avoir subi les foudres de l’électorat et un réel vote sanction puisque la majorité présidentielle n’a recueilli que 11,4% des votes en juin 202153. Le très faible score métropolitain des listes soutenues par LREM et le MoDem résulte d’une absence totale d’implantation territoriale dans certains départements (voir carte 7), comme les Ardennes (4,6%), la Haute-Loire (4,8%), la Haute-Corse (5,2%), la Lozère (5,4%), les Pyrénées-Orientales (6,2%), ou encore l’Aisne (6,5%)54.

Carte 7 : Scores des listes de la majorité présidentielle lors du premier tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par cantons)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

55.

Elles se classent même derrière les listes Génération.s-LFI conduite par Aurélie Filippetti dans 8 départements sur 10.

+ -

56.

Leur influence se limite à leur département d’implantation.

+ -

Ces scores faméliques sont d’autant plus notables que certains candidats sont parvenus grâce à leur implantation locale à apporter une réelle et forte plus-value aux listes régionales qu’ils dirigeaient. Ainsi, Brigitte Klinkert, dont l’implantation politique se situe à Colmar, parvient à hisser sa liste en deuxième position dans le département du Haut-Rhin (24,5%), quand ses listes terminent quatrième dans la région Grand-Est avec 10,8% des suffrages55. De la même manière, Denis Thuriot, maire de Nevers, recueille 25,4% dans la Nièvre, où la liste de LREM termine en tête, contre une quatrième place régionale et seulement 11,7% des votes. Marc Fesneau, ministre de la majorité présidentielle, qui termine quatrième en région Centre-Val de Loire (16,7%), derrière le PS, le RN et LR, parvient à récolter 24% des voix dans le Loir-et-Cher (premier) où se situe son fief électoral de Marchenoir. En Bretagne, Thierry Burlot, élu des Côtes-d’Armor, y recueille 17,7% et termine deuxième dans une région où LREM réalise ses meilleurs scores avec une moyenne régionale de 15,5%. Enfin, la ministre Geneviève Darrieussecq, dont Mont-de-Marsan est le cœur de son influence électorale, obtient 22,2 % des suffrages dans les Landes (deuxième), alors qu’elle ne rassemble que 13,7% des voix sur l’ensemble de la région de Nouvelle-Aquitaine, où elle finit troisième.

On le voit, en dehors de ces quelques têtes d’affiche56 et de résultats plutôt meilleurs sur la façade Ouest et dans quelques grandes agglomérations, les listes de la majorité présidentielle ont été en grande difficulté, comme dans les Hauts-de-France ou en Occitanie où elles ne se sont pas qualifiées pas pour le second tour.

La lourde défaite du RN, abandonné par sa base
L’autre fait politique marquant de ce premier tour est le net recul de l’audience du RN, qui passe de 28,4% des suffrages recueillis en 2015 à 18,9% en juin 2021. Le parti de Marine Le Pen, qui se classait premier dans 6 régions en 2015, ne devance plus ses concurrents qu’en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette chute spectaculaire s’explique par la démobilisation de son électorat.

Comme l’illustre le tableau 2, l’électorat du RN, qui affichait une mobilisation supérieure à la moyenne nationale de 14,9 points en 2015, s’est cette fois-ci abstenu massivement puisqu’il s’est caractérisé en juin 2021 par une mobilisation des électeurs inférieure de 4,3 points à la moyenne. Les lourdes défaites subies au second tour des élections régionales de 2015 en Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nord-Pas-de-Calais-Picardie, mais aussi en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes et en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et à l’élection présidentielle de 2017 sont passées par là. N’auraient-elles pas imprimé au cœur de l’électorat RN l’idée que leurs champions ne sont pas en mesure d’emporter une victoire électorale d’envergure ?

Tableau 2 : Participation de l’électorat frontiste aux régionales de 2015 et 2021 (premier tour)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

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Régionales 2015 (1er tour) : sondage Ifop et Fiducial pour I>Télé, Paris-Match et Sud Radio réalisé par Internet le 6 décembre 2015 auprès d’un échantillon représentatif de 2.904 personnes inscrites sur les listes électorales ; Régionales 2021 (1er tour) : sondage Ifop et Fiducial pour TF1 et LCI réalisé par Internet le 20 juin 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 2.642 personnes inscrites sur les listes électorales et chiffres du ministère de l’Intérieur.

Le RN se trouve ainsi concurrencé dans les segments de l’électorat qui lui sont habituellement favorables sans parvenir à en conquérir de nouveaux. Les baisses les plus fortes se trouvent dans les parties de l’électorat qui accordaient le plus de suffrages au FN en 2015 (voir graphique 23). Il perd 20 points chez les artisans et commerçants, 18 points chez les ouvriers ou encore 16 points chez les employés et les inactifs (hors retraités).

Graphique 23 : Vote pour le FN/RN par catégorie socioprofessionnelle lors des premiers tours des élections régionales de 2015 et 2021 (en % des votes exprimés)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

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Régionales 2015 (1er tour) : sondage Ifop et Fiducial pour I>Télé, Paris-Match et Sud Radio réalisé par Internet le 6 décembre 2015 auprès d’un échantillon représentatif de 2.904 personnes inscrites sur les listes électorales ; Régionales 2021 (1er tour) : sondage Ifop et Fiducial pour TF1 et LCI réalisé par Internet le 20 juin 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 2.642 personnes inscrites sur les listes électorales.

Notes

57.

Les difficultés rencontrées par les sondeurs pour estimer l’abstention expliquent en grande partie les écarts entre les intentions de vote et les résultats finaux. Lors des élections régionales de 2021, la mobilisation électorale a été très variable d’un électorat à l’autre.

+ -

En conséquence, le RN, qui recueillait une majorité des voix des ouvriers (51%), est relégué en deuxième position avec 33% dans cet électorat, quand les forces de gauche en récoltent 35%. De la même manière, la catégorie des artisans et commerçants délaisse le RN et rejoint la droite et le centre, qui récoltent 36% de leurs suffrages (+ 8 points entre 2015 et 2021).

In fine, les scores du RN sont très en deçà des attentes et des mesures effectuées par les sondeurs tout au long de la campagne57. La carte 8 présente une géographie classique mais aussi un resserrement de ses meilleurs résultats dans le Sud-Est. Si la façade Ouest reste une terre à conquérir pour le RN, on remarque aussi sa très faible audience en région Auvergne-Rhône-Alpes où Laurent Wauquiez a fait une campagne très offensive sur les questions de sécurité. Dans les Hauts-de-France, Sébastien Chenu, qui avait la lourde tâche de remplacer Marine Le Pen comme tête de liste, a souffert de la démobilisation et de la prime aux sortants puisqu’il ne récolte que 24,4% des suffrages, en baisse de 16,3 points par rapport à 2015. La chute est presque aussi spectaculaire dans la région Grand-Est, où Laurent Jacobelli, candidat DLF en 2015 remplaçait Florian Philippot. Le RN, qui chute de 15 points, passant de 36,1% à 21,1% souffre par ailleurs de la concurrence des listes Les Patriotes et de leur ancienne tête de liste Florian Philippot (7% des suffrages en 2021).

En région Bourgogne-Franche-Comté, le RN, qui perd 8,3 points par rapport aux scores de Sylvie Montel, partie chez Les Patriotes avec Florian Philippot, réalise d’excellents résultats dans l’extrême nord-ouest de la région, autour de Sens. Julien Odoul, conseiller régional depuis 2015 et tête de liste du RN en 2021, est conseiller municipal dans cette ville depuis 2020. Cette figure montante du RN vient confirmer le poids que revêt la tête de liste régionale d’une force politique majeure.

En Occitanie, malgré les bons scores réalisés le long de la Méditerranée, notamment dans les fiefs perpignanais et biterrois de Louis Aliot et de Robert Ménard, la chute du RN est importante (– 9,2 points).

Enfin, dans les zones de force traditionnelle du RN, seuls les scores réalisés par Thierry Mariani, remplaçant de Marion Maréchal-Le Pen, supportent la comparaison avec les résultats de 2015. Non seulement le RN reste en tête de la région avec une perte de seulement 4,2 points (40,6% pour Marion Maréchal-Le Pen contre 36,4% aux listes Mariani) mais, dans son ancien fief électoral du Vaucluse, Thierry Mariani semble peser de tout son poids pour compenser le retrait de la vie politique de la petite-fille de Jean-Marie Le Pen.

Carte 8 : Score des listes du RN lors du premier tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par cantons)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

La dynamique électorale d’EELV se confirme

Pour 2021, les responsables de EELV nourrissaient de fortes ambitions suite aux bonnes performances réalisées lors des élections européennes de 2019 et lors des élections municipales de 2020. Tout d’abord, il convient de garder à l’esprit que EELV menait les listes de la gauche unie dans les régions Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est donc l’ensemble de la gauche dans ces deux régions que présente la carte 9. De la même manière, dans le Grand-Est et en Normandie, EELV et le PS se sont alliés dès le premier tour, la tête de liste allant à EELV en Grand-Est et au PS en Normandie. On remarque dans ces régions le poids de la gauche dans les grandes métropoles que sont Amiens, Rouen, Caen, Lille, Marseille-Aix-en-Provence ou encore Strasbourg (conquise en 2020 par EELV).

Il nous semble ensuite utile de souligner l’extrême faiblesse des scores d’EELV dans une grande diagonale qui part des Ardennes et de la Marne jusqu’aux régions du Sud-Ouest que sont la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie. La gauche PS au pouvoir dans les régions concernées, malgré des scores plus ou moins élevés, conserve une nette avance sur les Verts (+ 16,7 points en Nouvelle-Aquitaine, + 16,2 points en Bourgogne-Franche-Comté et + 14 points en Centre-Val de Loire), voire conforte cette avance comme en Occitanie (+ 30,7 points), où les Verts ne se qualifient pas pour le second tour.

En Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France, les listes écologistes parviennent à dominer les autres partis de la gauche. Malgré une forte domination de la droite sortante, EELV obtient de bons scores dans l’ancienne région Rhône-Alpes, notamment à Grenoble (30,4%), et devance également le PS dans la métropole lyonnaise. En Île-de-France, les listes conduites par Julien Bayou se hissent en tête de la gauche, avec 1,9 point d’avance sur le PS d’Audrey Pulvar. Cette avance, certes modeste, contraste avec les 17,2 points de retard qu’accusaient les listes d’Emmanuelle Cosse (EELV) face à Claude Bartolone (PS) au premier tour des élections régionales de 2015. Les Verts sont en tête de la gauche dans 5 départements franciliens sur 8 (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Yvelines et Essonne) et semblent profiter de la forte présence de catégories socioprofessionnelles supérieures dans ces départements.

Carte 9 : Score des listes conduites par EELV lors du premier tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par cantons)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

58.

On peut ajouter Bordeaux et Poitiers en Nouvelle-Aquitaine.

+ -

Enfin, dans l’Ouest, en Pays de la Loire et en Bretagne, les Verts capitalisent sur l’implantation de leur tête de liste Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire, et sur la présence de CSP+qui leur sont habituellement favorables dans les métropoles de Nantes et de Rennes58, ainsi que sur une grande partie des côtes bretonnes où les résultats sont bien meilleurs que dans l’intérieur des terres.

3

Le premier tour des élections départementales de 2021 : une histoire de sortants et d’élus locaux

Notes

59.

Ce chiffre concerne la métropole où s’affrontaient au total 15 238 candidats répartis en 7 619 binômes paritaires.

+ -

60.

La configuration avec 3 sortants dans un même canton s’est présentée dans 8 cantons. Elle résulte du choix de certains conseillers départementaux de se présenter dans un autre canton que celui dans lequel ils ont été élus en 2015.

+ -

Si le premier tour des régionales, qui a beaucoup été commenté, a donné à voir une considérable prime aux sortants, en a-t-il été de même lors des élections départementales ? Le statut de sortant constitue également un formidable atout lors de ce genre d’élection. Le premier tour des élections départementales a vu s’aligner 2.647 conseillers départementaux sortants59. Dans 854 cantons, des binômes sortants complets (soit 1.708 candidats) se soumettaient au suffrage universel en vue de leur éventuelle réélection. Dans 779 cantons, un seul sortant se représentait, tandis que dans 75 cantons, les deux sortants étaient présents mais s’affrontaient lors de ce premier tour60.

 

3.1. Un taux de qualification des sortants très élevé
Sur 2.647 sortants, 177 ont été élus dès le premier tour (73 binômes complets, soit 146 conseillers sortants, ainsi que 31 binômes composés d’un sortant et d’un novice). Seuls 146 conseillers sortants ont été éliminés dès le premier tour, dont 20 binômes complets (40 sortants) et 106 binômes avec un seul sortant. Dans 44 cas, c’est l’affrontement entre deux sortants qui a provoqué la défaite précoce de l’un d’eux, tandis que dans 3 cantons, les deux sortants qui s’affrontaient ont été éliminés.

Graphique 24 : Taux de qualification et de victoire des sortants au premier tour des élections départementales de 2021 (en % des candidats sortants)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

61.

On dénombre 1.524 candidats sortants qualifiés dans 762 binômes dont les deux membres ont été reconduits et 800 sortants qualifiés dans des binômes également composés d’un ou d’une novice.

+ -

62.

À titre indicatif, les binômes composés d’aucun sortant ont récolté en moyenne 19,3% des suffrages.

+ -

Tous les autres conseillers départementaux sortants (soit 2.324 candidats) se sont qualifiés pour le second tour 61, présentant ainsi un taux de qualification de 87,8%, auquel il convient d’ajouter les 6,7% de vainqueurs au soir du premier tour. Un tel taux de qualification signifie évidemment que les conseillers sortants ont recueilli sur leur nom un grand nombre de suffrages (voir graphique 25). La moyenne des scores réalisés par les binômes composés d’au moins un sortant est de 43,3%62, et passe de 39,5% lorsqu’un seul membre du binôme est sortant à 47,6% lorsque le binôme se représente au complet.

Graphique 25 : Scores réalisés en fonction du nombre de sortants dans le binôme aux élections départementales de 2021 (en % des votes exprimés)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

63.

Du fait d’alliances variables et volatiles entre les forces politiques et d’un grand nombre de binômes panachés, nous présentons le taux de qualification des candidats par parti plutôt que par binôme, qui impliquerait un trop grand nombre de combinaisons possibles.

+ -

3.2. Un taux de qualification très variable selon les partis

Ce soutien manifeste aux sortants a structuré les résultats de ce premier tour des élections départementales, entraînant une stabilité certaine des rapports de force politique. Le taux de qualification des candidats63 (voir graphique 26) présente une rupture entre les candidats des partis qui se sortent le mieux de ce premier tour et les autres. En effet, les trois partis qui présentent les meilleurs taux de qualification, l’UDI, le PS et LR, voient les trois quarts ou plus de leurs candidats se qualifier pour le second tour. Le taux de qualification des autres forces politiques varie d’un tiers (majorité présidentielle, PCF ou RN) à un sur deux (Génération.s). Un peu plus de quatre candidats EELV sur dix (43,2%) se qualifient, tandis que LFI ferme la marche avec à peine plus d’un qualifié pour dix candidats.

Graphique 26 : Taux de qualification au second tour par parti aux élections départementales de 2021 (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Ce taux de qualification est largement à rapprocher du nombre de sortants qui s’alignaient sur la ligne de départ pour les principaux partis concernés, puisque l’UDI présentait 68% de sortants, quand le PS et LR en présentaient respectivement 43,9% et 50,3%. Pour les autres partis, ce taux était nettement plus faible, puisque la majorité présidentielle ne pouvait s’appuyer que sur 10,6% de sortants et que le PCF n’en possédait que 9,6%, quand ce taux était de 6,7% chez Génération.s. Pour les autres partis, ce taux est infiniment faible, avec 1,3% pour EELV, 0,9% pour LFI et 0,8% pour le RN.

Notes

64.

Dans ces cantons sans concurrence interne au bloc de gauche ou au bloc de la droite et du centre (majorité présidentielle incluse), les binômes se présentent avec le soutien de leur parti ou d’une alliance plus large.

+ -

65.

La majorité présidentielle n’alignait que 24,4% de sortants.

+ -

Au regard de ces contraintes, Génération.s et EELV présentent des taux de qualification tout à fait satisfaisants, le jeu des alliances et du panachage des binômes leur ayant permis de rattraper, en partie, leur manque de candidats expérimentés.

Les candidats se présentant avec une étiquette DVD (1.909 candidats, dont 27,1% de sortants), DVG (1.719 candidats, dont 15,1% de sortants) et divers centre (396 candidats, dont 8,6% de sortants) affichent des taux de qualification qui se situent respectivement à 68,8%, 55,2% et 56,8%. Pour ces candidats, le statut de sortant et les alliances réalisées a été primordial dans leur quête de qualification pour le second tour. À titre d’illustration, parmi les 495 candidats DVD qui se sont présentés dans des binômes LR-DVD ou LR-UDI, le taux de qualification est de 81,4%.

 

3.3. Le difficile calcul des scores des différents partis

La nature de cette élection rend le calcul du rapport de force politique difficile. La constitution de binômes, possiblement composés de membres appartenant à des partis politiques différents, et finalement concurrents autant qu’alliés, participe de cette difficulté. Les alliances aux contours changeants d’un département à l’autre mais également au sein d’un même département rendent également le calcul délicat. Nous présentons donc dans un premier temps les scores réalisés par les binômes composés de deux membres du même parti, dans des cantons ou leur bloc politique n’est représenté que par ce binôme64.

On remarque tout d’abord que les situations où un binôme est composé de deux membres d’un même parti et profite d’une absence de concurrence au sein de son bloc politique sont relativement rares (voir graphique 27). Cette configuration s’est présentée plus souvent pour les partis de la droite et du centre qu’à gauche, avec respectivement 317 cantons contre seulement 260.

Nous avons vu précédemment qu’à gauche ces cantons sans concurrence se caractérisaient par une moindre audience de la gauche lors des élections européennes de 2019. Il en va de même pour le bloc de la droite et du centre (majorité présidentielle comprise), même si le phénomène de concurrence en fonction des scores réalisés par ce bloc est moins marqué qu’à gauche. On le voit, les partis de la droite et du centre profitent pleinement de cette absence de concurrence interne pour réaliser de bons (LR avec 43,7% des voix), voire d’excellents résultats (l’UDI avec 50,5%). Même LREM, dont les candidats étaient susceptibles d’être la cible d’un vote sanction, récoltent une part des suffrages correcte. Dans ces cantons, où l’audience cumulée de la droite et du centre se situait entre 30,9% et 32,8% aux élections européennes de 2019, le poids des sortants présentés par l’UDI (75% de candidats sortants) et par LR (54,5% de sortants) se fait nettement sentir65.

Graphique 27 : Score des binômes « unis » dans les cantons sans concurrence interne aux élections départementales de 2021 (en % des votes exprimés)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

66.

Les candidats se présentaient dans des zones ayant cumulé en moyenne des scores pour la gauche légèrement différents lors des élections européennes de 2019. Pour le PS, 30,3% ; pour EELV, 27% ; pour le PCF, 27,4% ; et pour LFI, 25,2%.

+ -

67.

Dans une moindre mesure, puisque l’UDI ne présentait de binômes « unis » que dans 12 cantons concurrentiels.

+ -

À gauche, si le PS réalise de meilleurs scores que les autres partis, ce n’est que partiellement en raison de candidatures dans des secteurs où le vote à gauche était plus fort en 201966. Un premier rapport de force s’est donc joué entre les partis de gauche pour se positionner sur des secteurs plus ou moins porteurs politiquement. La différence dans les votes récoltés par les binômes « unis » de gauche est ensuite à rechercher dans le nombre de sortants qui se présentaient. Ainsi, au PS, les binômes étaient composés à 46,8% de conseillers départementaux sortants, permettant ainsi de dépasser le potentiel électoral de 2019. Au PCF, 19,6% des candidats étaient sortants, ce qui a permis de réaliser de meilleurs scores que les binômes de EELV ou de LFI puisque aucun sortant ne se présentait pour ces deux partis.

La différence d’audience entre les partis les mieux implantés et ceux qui disposent d’une moindre implantation locale est plus visible encore lorsqu’une concurrence interne à chaque bloc a été rencontrée lors de ce premier tour (voir graphique 28). Les binômes du PS mis en concurrence dans 251 cantons y réalisent les meilleurs scores avec 34,4% des suffrages, soit plus du double de leurs concurrents à gauche où EELV ne recueille que 16,6% des suffrages en cas d’affrontements avec d’autres forces de gauche. Même constat pour LR et l’UDI67, qui recueillent près du double des suffrages des partis de la majorité présidentielle.

Graphique 28 : Score des binômes « unis » dans les cantons avec deux à quatre binômes concurrents par bloc politique aux élections départementales de 2021 (en % des votes exprimés)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

3.4. Les bonnes performances des maires candidats aux élections départementales

Un dernier élément à souligner concernant le premier tour des élections départementales concerne le nombre de maires candidats et du succès qui a été le leur à l’occasion du premier tour. Sur 2.319 maires qui se sont présentés, 938 pouvaient également se prévaloir du statut de sortant. Seul 1,4% d’entre eux ont été battus dès le premier tour ou ont raté la qualification pour le second tour. À l’inverse, 9% ont été élus dès le premier tour et 89,7% se sont qualifiés pour le second.

Parmi les 1.381 candidats auréolés du statut de maire mais non sortants, 36 ont été élus dès le premier tour (2,6%) et 1.058 se sont qualifiés pour le second tour, soit un taux de qualification de 76,6%.

III Partie

Le second tour des élections régionales et départementales

1

Le second tour des élections régionales de 2021

Notes

68.

En 2021, le RN ne s’est pas qualifié pour le second tour en Corse. Le score du RN est donc calculé sur les 12 régions où ses listes étaient présentes. Si l’on ne considère que ces 12 régions, le score du FN change très peu (28%) eu égard au faible poids démographique de la Corse.

+ -

69.

Malgré une chute de 8,1 points par rapport à 2015, à mettre en relation avec les 12,2% obtenus par Brigitte Klinkert pour la majorité présidentielle.

+ -

1.1. La dynamique du premier tour confirmée

Globalement, la dynamique aperçue lors du premier tour a été confirmée, puisque tous les sortants ont été réélus. Le recul du RN s’est également confirmé : le parti de Marine Le Pen a récolté 20% des suffrages au second tour des régionales de 2021 contre 27,9% en 201568.

En nous appuyant sur la carte 10, nous allons nous pencher sur le rapport de force entre la gauche et la droite à l’issue du second tour dans les 11 régions où ces deux blocs politiques se sont affrontés. À l’instar du premier tour, chaque camp semble sortir renforcé dans les régions dirigées et la domination du camp sortant paraît incontestée dans plusieurs régions. Ainsi, en Occitanie (39,6 points d’avance), en Nouvelle-Aquitaine (39,5 points d’avance) ou encore en Bretagne (22,1 points d’avance), les sortants de gauche possèdent une avance considérable sur le camp de la droite.

De la même manière, la droite règne presque sans contestation dans les Hauts-de-France (30,4 points d’avance), en Auvergne-Rhône-Alpes (21,6 points d’avance), en Normandie (18,1 points d’avance), dans le Grand Est (19,1 points d’avance69) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur où la gauche a dû se retirer pour barrer la route au RN. Dans ces différentes régions, seules les métropoles et les grandes villes (Lille, Rouen, Grenoble) penchent en faveur de la gauche.

Carte 10 : Rapport de force entre la gauche et la droite lors du second tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par cantons)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

70.

Sans compter le score de François De Rugy pour la majorité présidentielle, qui recueille 8,2% des suffrages au second tour.

+ -

71.

Laurent Saint-Martin, pour les listes de la majorité présidentielle obtient 9,6 % lors de ce second tour.

+ -

72.

Toutefois, si l’on cumule les 16% de Marc Fesneau aux scores de la droite, le président sortant ne dispose plus que de 0,5 point d’avance.

+ -

73.

En 2015, porté par une forte mobilisation entre les deux tours, Christian Estrosi devançait Marion-Maréchal Le Pen de 187.338 voix.

+ -

Dans les 4 autres régions (Île-de-France et Pays de la Loire pour la droite, Centre-Val de Loire et Bourgogne-Franche-Comté pour la gauche), les résultats sont plus contrastés (voir carte 10). Dans les Pays de la Loire, si la droite dispose d’une avance confortable (11,6 points d’avance70), les grandes zones urbaines (Nantes, Angers, Laval) apparaissent comme des points d’appui pour la gauche. En Île-de-France, Valérie Pécresse surclasse la gauche (12,3 points d’avance71), unie derrière Julien Bayou à l’occasion de ce second tour, et n’est contestée que dans le cœur de l’agglomération (arrondissements de l’Est parisien, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et dans le nord des Hauts-de-Seine).

Dans les deux dernières régions, la gauche accroît considérablement son avance. En Centre-Val de Loire, François Bonneau, qui ne l’avait emporté en 2015 qu’avec une marge très réduite (0,9 point d’avance sur la droite) surclasse cette fois la liste de la droite (16,5 points d’avance72), notamment en s’appuyant sur les zones urbaines (Chartres, Orléans, Blois, Tours, Bourges) qui lui sont très favorables. En Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay bénéficie d’une même dynamique par rapport à 2015. Elle ne s’était classée en tête que de 1,8 point en 2015 lorsqu’elle a emporté la région, mais cette avance a augmenté en 2021 (18 points d’avance) et elle conserve même encore 8,2 points d’avance si l’on ajoute les 8,2% de la majorité présidentielle aux scores des listes LR-UDI.

1.2. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, un front républicain toujours actif

Seul espoir de victoire pour le RN à l’issue du premier tour, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur constitue une déception de plus pour les cadres et sympathisants de ce parti. Renaud Muselier obtient 57,3% des suffrages et près de 180.000 voix d’avance73. Malgré un moindre risque de victoire du RN qu’en 2015, les électeurs de la région se sont mobilisés entre les deux tours, la participation ayant augmenté de 3,1 points, contre seulement 1,4 point sur l’ensemble du territoire.
Comme en 2015, le RN a été confronté à un véritable tir de barrage, notamment du fait du retrait de la liste de gauche (voir graphique 29). Plus le score de la gauche, unie derrière les Verts dès le premier tour, était élevé dans une commune, plus Renaud Muselier a creusé l’écart avec le RN. Eu égard aux cohortes d’électeurs libérés par le retrait de la gauche et à l’apport de nouveaux électeurs pour ce second tour, les listes conduites par Thierry Mariani progressent également en fonction des scores de la gauche, mais de façon beaucoup plus modérée, ce qui les rend en définitive perdantes.

Graphique 29 : Évolution des scores pour les listes Muselier et Mariani en fonction du score de la gauche au premier tour des élections régionales de 2021 (en points de % des votes exprimés)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Note de lecture : Dans les communes où le score des listes d’union de la gauche et des écologistes menées par Jean-Laurent Félizia était inférieur à 5%, le score des listes menées par Thierry Mariani a progressé de 4,8% quand le score des listes menées par Renaud Muselier a progressé de 12,7%.

La résultante de cet apport des voix de gauche et de ce « front républicain » actif n’est pas seulement la défaite du RN mais également la géographie du rapport de force lors de ce second tour. En effet, Renaud Muselier devance le RN dans des zones habituellement favorables à la gauche, comme le centre- ville marseillais ou encore les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence. Le RN, bien qu’en tête, avec une forte avance dans la vallée du Rhône (Vaucluse), ancienne terre d’élection de Thierry Mariani, et dans certains cantons varois, ne parvient pas, une fois de plus, à franchir l’obstacle du second tour.

Carte 11 : Rapport de force entre le RN et la droite lors du second tour des élections régionales de 2021 en Provence-Alpes-Côte d’Azur (en % des suffrages exprimés, par cantons)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

74.

La Martinique et la Guyane, collectivités territoriales uniques (à l’instar de la Corse), n’étaient concernées que par les élections régionales en vue du renouvellement de leurs assemblées respectives. En Guadeloupe et à La Réunion, se tenaient à la fois des élections régionales et des élections départementales, tandis qu’à Mayotte les électeurs ne votaient que pour désigner leurs conseillers départementaux.

+ -

75.

Alors que la Martinique compte 34 communes, 25 maires étaient présents sur les différentes listes en concurrence lors des élections régionales.

+ -

76.

Créé en 1958 par Aimé Césaire et André Aliker, le PPM est dirigé depuis 2005 par Serge Letchimy.

+ -

1.3. De nombreux changements en outre-mer

Dans les régions d’outre-mer74, les électeurs ont réservé un sort bien différent aux sortants. Si en métropole, tous les exécutifs régionaux ont été reconduits, en outre-mer, lors de ces élections régionales, la tendance a été au changement puisque seul Ary Chalus, président sortant du conseil régional de Guadeloupe, a été réélu (avec 72,4% des suffrages exprimés au second tour), offrant ainsi sa seule victoire régionale à LREM.

En Guyane, Rodolphe Alexandre, président du conseil régional de Guyane de 2010 à 2015, puis de l’Assemblée de Guyane à partir de 2015, a été battu par la coalition de gauche emmenée par Gabriel Serville au second tour (avec 54,8% des exprimés). À La Réunion, Didier Robert (ex-LR soutenu par la droite et le centre), président du conseil régional depuis 2010, est battu par la communiste Huguette Bello, à la tête d’une large coalition de gauche (avec 51,9% des suffrages exprimés, contre 48,1% pour la liste de Didier Robert). Enfin, en Martinique, où les élus locaux se sont largement investis dans le scrutin75, Alfred Marie-Jeanne, à la tête du Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM), est battu par Serge Letchimy, président du Parti progressiste martiniquais (PPM)76. S’appuyant sur un large réseau d’élus, il l’emporte en quadrangulaire lors du second tour avec 37,7% des suffrages exprimés contre 35,3% pour la liste d’Alfred Marie-Jeanne. Ce dernier souffre du maintien au second tour de Jean-Philippe Nilor, ex-membre du MIM (12,5% des suffrages), même si les électeurs des communes du sud de la Martinique lui sont restés largement fidèles malgré la présence de plusieurs maires sur la liste conduite par Jean-Philippe Nilor (voir cartes 12 et 13).

Cartes 12 : Martinique : votes pour les listes conduites par Serge Letchimy et pour les listes conduites par Alfred Marie-Jeanne lors du second tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par communes)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

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Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

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Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Carte 13 : Martinique : les maires présents sur les listes Letchimy, Marie-Jeanne et Nilor

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

77.

Nous avons reconstitué les cantons de 2015 à partir des bureaux de vote. Certaines communes corses ont un nombre d’électeurs très faible, alors que les cantons pèsent entre 5.000 et 15.000 électeurs.

+ -

78.

Sa liste récolte 46% des voix à Ajaccio.

+ -

1.4. En Corse, les nationalistes de Gilles Simeoni gardent la main

Le second tour des régionales en Corse consacre la victoire des nationalistes de Femu a Corsica et de Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse depuis 2015 et maire de Bastia de 2014 à 2016. Arrivé en tête avec 40,6% des suffrages, il devance la droite de Laurent Marcangeli et assoit un peu plus sa domination sur le camp nationaliste, puisque l’alliance entre le PNC et Corsica Libera ne récolte que 15,1%, tandis que Rinnovu doit se contenter de 12,3% des votes. La liste conduite par Simeoni, qui a laissé la mairie de Bastia à son adjoint Pierre Savelli, domine la concurrence dans la quasi-totalité de la Haute-Corse (voir carte 1477). Cette domination s’appuie sur la conquête de Bastia en 2014, la liste nationaliste y recueillant plus de 50% des suffrages (52,3%), ainsi que dans la plupart des communes du Cap Corse. La liste de Femu a Corsica se classe en tête dans 13 cantons de Haute-Corse sur 15 et possède même une avance de plus de 10 points sur son plus proche concurrent dans 11 de ces 13 cantons. En Corse-du-Sud, ce sont les nationalistes du Partitu di a Nazione Corsa et, surtout, la droite menée par Laurent Marcangeli, maire d’Ajaccio, qui s’imposent, parfois largement (plus de 45% des suffrages dans les cantons d’Ajaccio-1, 2, 3 et 4)78.

Carte 14 : Corse : votes pour les listes conduites par Gilles Simeoni, Laurent Marcangeli et Jean-Christophe Angelini lors du 2nd tour des élections régionales de 2021 (en % des suffrages exprimés, par cantons)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Notes

79.

De nombreux conseillers départementaux étaient également présents sur la liste de Laurent Marcangeli mais leur influence est relativement faible. La disparition des conseils départementaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud explique certainement le faible impact de ces élus confirmés.

+ -

80.

La commune de Porto-Vecchio était divisée pour moitié dans ces deux cantons en 2015. La commune de Zonza, conquise par le Partitu di a Nazione Corsa en 2020 fait également partie de l’ancien canton de Bavella.

+ -

L’influence de Marcangeli et les performances de la droite semblent toutefois se limiter à la zone d’influence ajaccienne malgré la présence de nombreux maires et conseillers départementaux élus en 2015 sur sa liste (voir carte 15)79.

Enfin, à l’extrême sud de l’île, ce sont les nationalistes du Partitu di a Nazione Corsa, emmenés par le maire de Porto-Vecchio, Jean-Christophe Angelini, qui s’imposent dans les deux cantons de Bavella et Grand Sud80.

Carte 15 : Les maires corses présents sur les listes Marcangeli, Simeoni et Angelini

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

2

Le second tour des élections départementales de 2021

Notes

81.

Les Alpes-de-Haute-Provence, l’Ardèche, le Finistère, le Puy-de-Dôme et le Val-de-Marne passent à droite, quand dans le même temps la gauche conquiert la Charente, les Côtes-d’Armor et le Tarn-et-Garonne.

+ -

82.

La gauche présente une balance positive de 13 conseils généraux en 1998, de 4 en 2001, de 10 en 2004, de 7 en 2008 et seulement de 1 en 2011.

+ -

83.

Nous avons comparé le nombre d’élus obtenus aux premier et second tours avec le nombre d’élus dont les partis disposaient avant les élections de juin 2021 à partir de la consultation des sites internet des conseils départementaux notamment.

+ -

84.

Les candidats DVD et DVG présentent des taux de victoire de 66,9% et 45,4%.

+ -

2.1. Des élections sous le signe de la stabilité

Le second tour des élections départementales s’est aussi soldé sous le signe de la stabilité. Si 8 conseils départementaux métropolitains changent de camp politique, 5 passant de gauche à droite et 3 effectuant le chemin inverse81, la balance entre les deux blocs n’est que de deux gains pour la droite. Rappelons que, lors des élections cantonales de 1998 à 2011, la gauche a affiché en moyenne une balance de +7 conseils généraux (en cinq élections) malgré un renouvellement de la moitié des cantons lors des cantonales82. En 2015, lors des premières élections départementales marquées par un redécoupage des cantons et un renouvellement total des conseillers, la droite, profitant d’un fort vote sanction anti-Hollande, avait conquis 26 conseils départementaux précédemment dirigés par la gauche.

Le taux de victoire des sortants présents au second tour est un autre élément qui plaide pour ce bilan de grande stabilité : parmi les 2.324 sortants qualifiés pour le second tour, 2.040 l’ont emporté, soit un taux de victoire de 87,8%.

 

2.2. Quel bilan pour les principaux partis ?

Pour les différents partis politiques présents lors de ce second tour, le taux de victoire et le nombre total d’élus mettent en lumière la force ou la faiblesse de l’implantation locale de leurs cadres mais également la dynamique générale dans laquelle ils se trouvent83.

Le taux de victoire par parti présente des écarts considérables (voir graphique 30). Quand 8 candidats LR ou UDI sur 10 remportent la victoire, seuls un peu plus de 4 candidats du PCF et de la majorité présidentielle en font autant. Les candidats du PS sont 6,5 sur 10 à l’emporter contre seulement 2 sur 10 chez EELV et Génération.s. LFI et le RN ferment la marche avec 8,6% et 2,4% de victoire lors du second tour des élections départementales84.

Graphique 30 : Taux de victoire des candidats qualifiés par parti aux élections départementales de 2021 (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

85.

Nous n’avons pris en compte que les maires qui n’étaient pas sortants du conseil départemental afin d’éviter les doublons.

+ -

86.

En Haute-Garonne, par exemple, où les Verts et le PS se sont affrontés au premier tour dans la plupart des cantons. Dans ce département, aucun binôme EELV n’est sorti vainqueur de ces confrontations avec le PS, maître du jeu en Haute-Garonne comme dans la région Occitanie.

+ -

87.

Nous comptons les élus soutenus par Robert Ménard dans nos calculs de victoires du RN.

+ -

88.

Ce taux est de 92,5% pour les maires qui étaient en même temps conseillers départementaux sortants.

+ -

89.

Nous avons retiré les binômes battus par d’autres sortants (cas de parachutage ou d’affrontement entre le membre d’un même binôme, élus conjointement en 2015).

+ -

Au-delà de la problématique de second tour rencontrée par le RN, dans l’impossibilité de faire des alliances et victimes d’un front républicain qui ne se dément pas, ces taux de victoire témoignent de l’implantation locale de ces différents partis. Sur les 1.183 candidats se présentant avec l’étiquette LR, 703 étaient sortants, auxquels on peut ajouter 142 maires85. À l’UDI, sur 271 candidats, 198 étaient sortants et 38 étaient maires. Au PS, ce sont 508 sortants et 122 maires parmi les 984 candidats qui sont venus appuyer le taux de victoire. Au PCF et dans le camp présidentiel, ce sont respectivement 87 sortants et 40 maires et 83 sortants et 49 maires qui s’alignaient. À l’inverse, parmi les taux de victoire les plus faibles, on ne trouve que 11 sortants et 6 maires pour EELV et 26 sortants et 13 maires pour le RN.

Si l’on tire le bilan du nombre d’élus dont disposent les uns et les autres, les grands partis restent largement dominateurs : LR dispose de 1.020 conseillers départementaux, le PS en compte 691, l’UDI 233, le PCF 143, la majorité présidentielle en récolte 171 et les Verts en ont 100.

Pourtant, la dynamique constatée à partir de l’évolution du nombre d’élus est tout autre. Le PS perd un grand nombre d’élus, passant d’un peu plus de 920 à 691 élus, quand LR perd une centaine d’élus (de 1.109 à 1.020). Ces pertes profitent notamment aux candidats DVG et DVD, qui sont parfois très proches ou d’anciens membres de ces partis, mais qui ont préféré s’en tenir à l’écart lors de ces élections locales. L’UDI perd également une part importante de ses conseillers (de 347 à 233).

Le seul parti qui sort effectivement renforcé des élections départementales est EELV, qui quadruple le nombre de ses conseillers départementaux, passant de 27 à 100 élus. Bien qu’aucun président de conseil départemental ne soit membre d’EELV, il nous semble que la dynamique que connaît ce parti depuis les élections européennes de 2019 s’illustre une nouvelle fois à travers cette multiplication par quatre du nombre de ses membres élus dans les départements métropolitains. Malgré la complexité des alliances locales et l’exacerbation des rivalités avec le PS dans certains départements86, les écologistes ont su tirer leur épingle du jeu et valider leur montée en puissance électorale au sein de la gauche.

À l’opposé du destin des Verts, le RN a perdu la majorité de ses conseillers lors de ce second tour des élections départementales. Vainqueurs dans 31 cantons en 2015, les troupes de Marine Le Pen87 ne l’ont emporté que dans 14 cantons, dont 11 gagnés en 2015. On remarque que parmi les trois nouveaux cantons gagnés, l’un l’a été par le maire de Moissac, Romain Lopez, et l’autre par celui de Bruay-la-Buissière, Ludovic Pajot. Le troisième canton a été gagné à Marseille par Sandrine d’Angio, nièce de Stéphane Ravier qu’elle a remplacé à la mairie du 7ème secteur de Marseille entre 2017 et 2020.

2.3. Ardèche et Val-de-Marne : le rôle central des maires dans le basculement des conseils départementaux

Ces rares succès du RN, s’appuyant sur des villes conquises en 2014 et 2020 et sur leurs maires, rappellent combien les élus parviennent à peser sur ces scrutins locaux. Ainsi, sur 1.899 maires qualifiés pour le second tour, 1.396 en sont sortis vainqueurs, soit un taux de victoire de 73,5%88. Parmi les maires qui n’avaient pas également le statut de conseiller départemental sortant, le taux de victoire se monte à 58,4%, du fait notamment de la confrontation entre maires lors de ce second tour, faisant baisser ce taux de victoire.

Un dernier chiffre suffit à se convaincre de la pertinence pour les partis politiques de s’appuyer sur les maires pour tenter de conquérir les cantons de leurs adversaires : parmi les 186 binômes, constitués d’un ou deux sortants, ayant été battus lors de ce second tour89, 64% l’ont été par des maires du canton.

L’Ardèche
En 2015, la gauche, emmenée par le PS, avait conservé la direction du conseil départemental de l’Ardèche en remportant 12 cantons sur 17 et semblait donc disposer en 2021 d’une confortable avance afin de poursuivre sa domination sur le département. Conquis par la gauche lors des élections cantonales de 1998 en même temps que douze autres conseils départementaux métropolitains, le conseil départemental d’Ardèche a pourtant basculé à droite lors du second tour des élections départementales de 2021. La droite et ses alliés remportent 9 cantons sur 17.

Dans les 4 cantons conquis par la droite, le second tour a été l’occasion de voir s’affronter plusieurs maires pour la gauche comme pour la droite (voir carte 16). On dénombre 9 maires parmi les titulaires de 8 binômes qui s’affrontaient et 6 parmi leurs remplaçants, tandis qu’une majorité (6 sur 8) de conseillers départementaux sortants se représentaient. La présence des maires de droite, comme titulaires ou remplaçants, semble avoir eu un plus fort impact puisque dans 5 cas sur 8, ils ont permis d’emporter plus de 75% des suffrages, quand dans le même temps aucun des maires de gauche n’a apporté un tel écot dans sa ville.

Dans le canton d’Annonay-2, la droite s’est appuyée sur deux maires (un titulaire et un remplaçant) pour ravir les deux sièges de conseillers départementaux à la sortante PS et à son nouveau binôme. Les suffrages recueillis par la droite dans ces deux communes offrent une marge de 309 voix au binôme de droite sur un total de 311 voix d’avance sur l’ensemble du canton.

Dans le canton d’Aubenas-2, la situation était plus complexe. D’une part, les deux sortants de gauche se représentaient et, d’autre part, l’un d’eux était également maire d’une commune du secteur, ce qui était aussi le cas d’un remplaçant du binôme. À droite, les deux candidats titulaires sont maires. C’est grâce à l’avance cumulée dans leurs communes respectives que les maires de droite parviennent à renverser les sortants (voir graphique 31). La différence en voix entre le binôme de droite et le binôme de gauche dans les quatre communes concernées est supérieure (avec 233 voix) à l’écart final entre les deux binômes (148 voix d’avance pour la droite). Ainsi, les électeurs des deux communes dont les maires étaient candidats pour la droite ont fait la différence dans ce canton où les conseillers sortants avaient su bénéficier de leur statut pour virer en tête sur le reste du canton.

Carte 16 : Ardèche : rapport de force entre la gauche et la droite lors du second tour des élections départementales de 2021 dans les cantons d’Annonay-2, Rhône-Eyrieux, Aubenas-2 et des Cévennes ardéchoises

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

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Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Graphique 31 : Écart en voix entre la gauche et la droite sur les communes dont un candidat est maire aux élections départementales 2021 (canton d’Aubenas 2) (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Dans le canton des Cévennes ardéchoises, la gauche présentait un sortant également maire d’une commune du canton, auquel il convient d’ajouter un maire en position de remplaçant. À droite, seul un candidat pouvait se prévaloir du statut de maire. Ce dernier réunit sur sa personne 75,5% des suffrages sur sa commune (Rosières), qui lui apporte 289 voix d’avance sur la gauche. Le conseiller sortant, maire de Chambonas, ne parvient à fidéliser que 61,1% de ses administrés et 54 voix d’avance à Chambonas, quand le remplaçant du binôme n’apporte que 4 voix d’avance sur sa commune (voir graphique 32). Au final, sur ce canton, les 231 voix d’avance gagnées dans ses trois communes ne constituent qu’environ la moitié des voix qui font basculer le canton que la droite conquiert avec 53,4% des suffrages au second tour.

Graphique 32 : Écart en voix entre la gauche et la droite sur les communes dont un candidat est maire aux élections départementales 2021 (canton des Cévennes ardéchoises) (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Enfin, le dernier canton qui contribue à faire basculer le conseil départemental à droite est celui de Rhône-Eyrieux, où pas moins six maires étaient candidats titulaires ou remplaçants. La situation dans ce canton est particulière puisque les deux sortants s’affrontaient lors de ce second tour. Si le maire de Saint-Fortunat-sur-Eyrieux, élu avec la majorité de gauche en 2015, mais qui a rompu avec cette dernière se revendiquait « sans étiquette », il est à noter que la droite n’a pas présenté de binôme dans ce canton. Il disposait de deux remplaçants qui sont des maires du secteur. Si chaque camp peut s’appuyer sur le statut de sortant, les deux titulaires de gauche sont maires ainsi qu’un remplaçant, ce qui confère au binôme de gauche un réel avantage. L’analyse des scores réalisés dans les communes dont les maires sont candidats le confirme, puisque la gauche y glane une avance de 79 voix, notamment grâce aux 72,5% des suffrages récoltés dans la commune de Soyons, dont le maire est candidat titulaire (voir graphique 33).

Graphique 33 : Écart en voix entre la gauche et la droite sur les communes dont un candidat est maire aux élections départementales 2021 (canton de Rhône-Eyrieux) (en %)

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Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Notes

90.

Le binôme indépendant y récolte 493 voix de plus que ses adversaires.

+ -

91.

Il est également membre du conseil d’administration de la Fédération des chasseurs de l’Ardèche.

+ -

92.

Le fait que les grandes villes soient divisées en plusieurs cantons rend d’ailleurs la chose proprement impossible.

+ -

93.

Depuis 2015, le nouveau canton de L’Haÿ-les-Roses comprend les communes de L’Haÿ-les-Roses et Fresnes ; il est issu de la réunion des cantons de L’Haÿ-les-Roses et Fresnes, précédemment tenus par la gauche.

+ -

94.

Bien qu’intitulé « Villeneuve-Saint-Georges », ce canton n’est composé que d’une partie de cette commune, ainsi que des communes de Limeil-Brévannes et de Valenton. En 2015, la commune de Limeil-Brévannes comptait pour environ 49,3% des électeurs du canton.

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95.

Trois binômes de gauche s’affrontaient au premier tour, présentés par EELV, le PS et le FdG pour un total de voix de 35,9% nettement supérieur à celui des candidats du FN (26,4%).

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96.

Ce canton n’était composé que de ces deux communes.

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97.

Dirigée par la gauche (PCF de 1944 à 1957, SFIO de 1957 à 1977 et PCF de 1977 à 1983) du milieu des années 1940 aux années 1980, la ville, dirigée alternativement par l’UDF et le PRG de 1983 à 2008 avait été reconquise par le PCF en 2008.

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Malgré cette avance prise dans les communes dont les maires se sont mêlés à la bataille électorale, le canton est remporté par la liste du candidat indépendant, notamment grâce aux 73,2% des voix récoltées sur la commune de La Voulte-sur-Rhône90, dont le maire DVD, Bernard Brottes, est l’ancien président du Comité de défense de la chasse ardéchoise (CDCAR)91.

Le Val-de-Marne, dernier bastion communiste, bascule à droite
Si dans les grandes agglomérations, ce n’est pas toujours le maire qui s’est présenté aux élections départementales92, les victoires emportées aux élections municipales de 2020 ont pesé sur le scrutin de 2021. La dynamique des élections municipales s’est confirmée et les alliances créées à cette occasion ont pu être reconduites chez les vainqueurs comme chez les déçus, ce qui a parfois ajouté une couche de complexité aux accords départementaux conclus.

Le département du Val-de-Marne illustre le rôle pivot des grandes villes et de leur conquête lors des élections municipales ayant précédé le scrutin départemental de 2021. La conquête de ce dernier bastion départemental communiste, remporté par la droite au soir du 27 juin 2021, s’est faite à partir des communes gagnées, notamment en 2014 et 2020, par la droite départementale (LR, UDI et DVD). Cette victoire est également l’aboutissement de la lente et inéluctable perte d’influence du PCF dans la banlieue parisienne, ponctuée par la perte de nouvelles communes emblématiques à chaque élection municipale depuis une quarantaine d’années. Nous retenons les élections de 2014 et 2020 afin d’illustrer ce processus et ses conséquences sur les élections départementales (voir carte 17). La défaite enregistrée en 2014 dans la commune de L’Haÿ-les-Roses, dirigée depuis 1954 par la SFIO puis le PS, s’est soldée par la perte du canton de L’Haÿ-les-Roses en 201593. Le maire LR Vincent Jeanbrun et son binôme UDI Frédérique Pradier l’emportent au second tour avec 58,6% des suffrages à L’Haÿ-les-Roses et 51,4% à Fresnes. La victoire en 2014 de Françoise Lecoufle (LR) à Limeil-Brévannes, ville dirigée par l’ex-PS Joseph Rossignol depuis 1995, entraîne la perte du nouveau canton de Villeneuve-Saint-Georges94. Largement en tête dans les communes de Villeneuve-Saint-Georges et Valenton (56,9% et 59,8%) lors du second tour des départementales, le binôme FdG est battu par la maire de Limeil-Brévannes et son binôme grâce à sa large domination sur la commune de Limeil-Brévannes (59,9%). D’autres communes, gagnées par LR sur le PCF (La Queue-en-Brie) ou le PS (Noiseau et Marolles-en-Brie) font partie du nouveau canton du Plateau briard, remporté au second tour par un bonôme DVD contre un binôme RN. Dans ce canton, les divisions à gauche95 ont permis la qualification du RN pour le second tour et en conséquence la large victoire de la droite. En 2020, c’est face au PCF que la droite locale a remporté les mairies clés qui lui assureront la victoire de juin 2021. Ainsi, Champigny-sur-Marne et Choisy-le-Roi, communes dirigées sans interruption respectivement depuis 1950 et 1959 parle PCF, ont été conquises par Laurent Jeanne (Libres) et Tonino Panetta (LR). Ce dernier s’est présenté en binôme dans le canton de Choisy-le-Roi et a été élu avec 55,9% des suffrages au second tour face aux candidats PCF et LFI, terminant en tête à Choisy-le-Roi avec 53,6% des suffrages et à Villeneuve-Saint-Georges avec 64,1%96. Cette dernière commune avait également été conquise par un maire DVD en 2020 face au PCF97. Dans le canton de Champigny-1, la droite l’emporte avec 52,5% des voix. Ce canton est composé de la partie nord de la commune de Champigny-sur-Marne (environ les deux tiers des électeurs de la commune dépendent de ce canton) et la victoire de 2020 a donc été un coup dur et décisif pour les candidats PCF-LFI sortants. Le canton de Champigny-2 regroupe le reste de la commune de Champigny-sur-Marne et la commune de Chennevières-sur-Marne. Dans ce canton, la droite a présenté le maire de cette dernière commune. S’il ne récolte que 43,5% des votes à Champigny-sur-Marne, sa présence dans le binôme apporte 62,6% des voix à Chennevières-sur-Marne. Il totalise 52% des voix au second tour et apporte à la droite le dernier canton qui lui manquait pour emporter le conseil départemental.

Carte 17 : Val-de-Marne : évolution de la couleur politique des communes et des cantons de 2014 à 2021

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Carte 18 : Val-de-Marne : évolution de la couleur politique des communes et des cantons de 2014 à 2021 (suite)

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – décembre 2021

Source :

Chiffres du ministère de l’Intérieur

Conception-réalisation : Sylvain Manternach et Céline Colange

Ces défaites municipales suivies des répliques départementales sont d’autant plus symboliques que le modèle géopolitique communiste de la ceinture rouge a longtemps reposé sur ce que l’on appelle le « communisme municipal », dont les derniers avatars dans le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis tombent un à un depuis les années 1980.

Marquées par une abstention historiquement forte, les élections régionales et départementales de juin 2021 se sont également distinguées par la réélection de l’immense majorité des sortants. En métropole, tous les exécutifs régionaux ont été reconduits, tandis que 83,8% des conseillers départementaux qui se représentaient ont été réélus. Seulement 8 conseils départementaux ont basculé (5 vers la droite, 3 vers la gauche), alors que la droite en avait conquis 26 en 2015. La configuration politique nationale, avec un président et un gouvernement centristes, a mis à l’abri la gauche et la droite d’un vote sanction. Généralement puissant lors des élections intermédiaires locales, ce vote sanction ne s’est donc abattu que sur le camp présidentiel, à l’implantation locale par ailleurs limitée. La droite et le centre (essentiellement LR et UDI), sortis largement vainqueurs des élections régionales et départementales de 2015, ont donc conservé leurs positions de pouvoir, tandis qu’à gauche le PS est parvenu à conserver les régions gagnées en 2015 malgré la concurrence accrue de EELV. Le parti écologiste a confirmé sa progression et obtenu un nombre inédit d’élus départementaux (100 conseillers départementaux en 2021, contre 27 en 2015).

À l’inverse, à un an d’une élection présidentielle dont Marine Le Pen est l’une des favorites pour rallier le second tour, le RN (avec ses alliés biterrois) a vu ses scores s’effondrer par rapport à 2015 et ne l’a emporté que dans 14 cantons en 2021 contre 31 en 2015.
Si le statut de sortant a été déterminant, ces élections ont également montré l’importance d’une implantation locale forte. Les résultats obtenus aux élections régionales par les différents partis montrent l’importance du choix de la tête de liste régionale, cette dernière attirant vers sa liste de nombreux électeurs de son fief électoral. Aux élections départementales, les maires se montrent d’excellents candidats, capables, grâce aux très bons scores obtenus dans leurs communes respectives, de contrarier, voire de battre des conseillers départementaux en quête de réélection.

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