Résumé
I.

Le contexte européen et la législation française

1.

Une directive européenne déjà ancienne

2.

Un monopole français figé par la Loi d’orientation des transports intérieurs (Loti)

3.

Un retard accumulé par rapport à nos voisins

II.

La SNCF, une entreprise qui a marqué l’histoire et la géographie de la France

1.

L’héritière de groupes privés de la révolution industrielle

2.

Le symbole de l’étatisme d’après-guerre

3.

La référence mondiale de la technologie et de l’innovation ferroviaire

4.

La confiance du public en termes de sécurité

5.

Le symbole mondial du TGV et le revers de la médaille sur le réseau existant

III.

La réussite du TER régionalisé

1.

Une décentralisation ferroviaire encore récente

2.

Des résultats probants

3.

Le modèle précurseur alsacien

4.

La confirmation par le Grand Est

IV.

Les atouts de l’entreprise et les aspirations des cheminots

1.

Un groupe puissant et pérenne

2.

Une activité ferroviaire relancée par les nouvelles contraintes mondiales

3.

Des métiers valorisants avec des compétences reconnues

V.

Le chemin vertueux vers la concurrence

1.

Le marché mondial, un gisement déjà exploité par la SNCF

2.

En France, la nécessaire reconquête du réseau ferré national

3.

Une ouverture par étapes pour ne pas déstabiliser un système complexe

4.

La préparation concertée entre la SNCF et les autorités organisatrices, gage de réussite

Conclusion

Voir le sommaire complet Replier le sommaire

Résumé

La mise en concurrence du transport régional de  voyageurs  constitue une évolution inéluctable. Au contraire d’une privatisation, elle doit être considérée comme une chance pour ce fleuron français qu’est la SNCF, forte de son histoire issue du libéralisme de la révolution industrielle du XIXe siècle, des compétences exceptionnelles de ses collaborateurs et de sa renommée mondiale. L’opportunité lui est donnée, au travers de cette évolution majeure, de contribuer encore davantage au développement du service public ferroviaire qui appartient à notre patrimoine national.

Plus que jamais ce service public joue un rôle essentiel pour les transports du quotidien, la cohésion territoriale et sociale de notre pays, le développement de notre économie et la transition écologique et énergétique. Maintenant que le droit national est conforme aux ambitions européennes, la SNCF possède toutes les cartes en main pour réussir ce défi, aussi bien pour limiter la dépense publique et améliorer l’offre de services aux usagers que pour maintenir – mieux encore, pour développer – la desserte de tous les territoires.

David Valence,

Vice-Président de la Région Grand Est, maire de Saint-Dié-des-Vosges.

I Partie

Le contexte européen et la législation française

1

Une directive européenne déjà ancienne

Notes

1.

Commission des communautés européennes, « Livre Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires », 30 juillet 1996, p. 17-25.

+ -

Ouvrir à la concurrence le système ferroviaire français, l’idée vient de loin. De si loin qu’elle avait fini par sembler rejoindre la longue liste des tabous, des Arlésiennes ou autres serpents de mer du débat public hexagonal. Dès les années 1990, la concurrence était apparue aux économistes des transports comme un des moyens à mobiliser pour permettre au train de retrouver son attractivité modale face à la voiture ou à l’avion. Il y avait urgence puisque, entre 1970 et 1993, la part du ferroviaire était passée de 31,7 à 15,4% pour le transport de marchandises et de 10,4 à 6,4% pour le transport de voyageurs.

Assez vite, la Commission européenne s’est alors rendu compte que l’ouverture à la concurrence apporterait nombre d’effets induits plutôt vertueux : amélioration de la qualité du service à l’usager, augmentation des investissements dans la modernisation des réseaux et des infrastructures, voire – mais ce n’était pas nécessairement le principal – baisse des tarifs. La stratégie européenne a trouvé une expression très directe en 1996, avec la publication d’un livre blanc. L’argument central de ce document, intitulé « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires » était notamment la volonté d’« introduction des forces du marché1 ». La Commission européenne y regardait les monopoles nationaux comme autant de freins à la croissance économique, de causes de la mauvaise santé du réseau ferroviaire et d’obstacles à la baisse des prix.

Cette analyse reprenait en réalité des initiatives plus anciennes de la Commission européenne. En 1991, une première directive avait ouvert la voie avec deux mesures significatives : la séparation obligatoire entre la gestion des infrastructures et l’exploitation des services, d’une part, et l’instauration d’un droit d’accès aux réseaux ferroviaires nationaux pour les entreprises européennes, limité au transport combiné et au transport international de marchandises, d’autre part. Cette première directive était promise à une postérité nombreuse, désignée sous le nom peu poétique de « paquets ». C’est en effet par étapes qu’allait cheminer l’ouverture à la concurrence du ferroviaire européen.

Le premier paquet ferroviaire voit ainsi le jour en 2001. Il concerne la libéralisation du fret européen, transnational et national. Des autorités de contrôle indépendantes sont mises en place dans les États pour en vérifier la mise en œuvre, laquelle deviendra effective en 2004 avec l’adoption du deuxième paquet ferroviaire. L’ouverture à la concurrence intervient en conséquence le 1er janvier 2006 pour le fret international et le 1er janvier 2007 pour le fret national. L’Agence ferroviaire européenne (European Railway Agency, ERA) est alors créée pour assurer le rapprochement des règles techniques et de sécurité au sein de l’Union européenne.

Le troisième paquet ferroviaire (2007) représente une étape décisive dans la libéralisation du rail : il s’agit désormais d’ouvrir à la concurrence le transport de passagers. Les Européens s’entendent pour qu’elle intervienne à partir de 2010, mais seulement pour le transport international de passagers, avec possibilité de cabotage. Deux mesures techniques mais décisives accompagnent cette évolution : la certification européenne des conducteurs et l’harmonisation des droits des voyageurs.

Le quatrième paquet, adopté en 2016 après trois longues années de négociations, porte sur le sujet le plus sensible : le transport national de passagers. Deux mesures sont décidées : l’ouverture totale des lignes à grande vitesse et l’établissement obligatoire d’appels d’offres européens pour les lignes conventionnées (lignes régionales, comme les TER, ou d’équilibre du territoire, comme les Intercités).

Concrètement, à partir de décembre 2019, des entreprises européennes pourront se positionner, sans appel d’offres (principe de l’open access) pour opérer sur les lignes à grande vitesse françaises. Leurs trains pourront y circuler au plus tôt en janvier 2021. C’est donc d’abord sur des lignes nationales à grande vitesse que la concurrence pourrait se déployer pour le marché français du transport ferroviaire de voyageurs. S’agissant des lignes régionales, les Régions françaises conservent leur compétence d’autorité organisatrice des transports : elles continueront de décider et de financer leur offre de trains.

De plus, la loi de 2018 portant sur le nouveau pacte ferroviaire2 pose des principes de souplesse et de progressivité. Les Régions qui le souhaitent pourront attribuer dès 2019 tout ou partie des services trains express régionaux (TER) au prestataire de leur choix sous forme de délégation de service public. À ce jour, le Grand Est, les Hauts-de-France, les Pays de la Loire et le Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur ont déjà fait connaître leur intérêt, avec des calendriers différents. Elles négocieront des clauses d’ouverture à la concurrence dans les conventions passées avec SNCF Mobilités – certaines avaient anticipé cette perspective – ou via des avenants à ces conventions.

Les Régions qui préféreront contractualiser directement avec la SNCF pourront le faire jusqu’en décembre 2023. Après cette date, le lancement d’un appel d’offres sera obligatoire. Mais toutes les Régions seront libres, à la veille de cette échéance, de signer de gré à gré avec la SNCF une nouvelle convention d’une durée pouvant aller jusqu’à dix ans, repoussant de fait la mise en concurrence à 2033. L’ouverture totale du transport ferroviaire à la concurrence sera donc assurée au plus tard au début des années 2030 pour les dernières lignes.

Le 9 janvier 2019, l’État a par ailleurs décidé d’amorcer le processus d’ouverture à la concurrence pour les lignes Intercités Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux, dont il assure la responsabilité, avec l’objectif de faire circuler un nouvel opérateur en 2022. Ces lignes font partie des trains d’équilibre du territoire (TET), pour lesquelles une convention lie l’État à la SNCF jusqu’à fin 2020. Un avis de pré-information officialisant cette démarche sera publié au Journal officiel de l’Union européenne, le lancement de l’appel d’offres devant survenir au début de l’année 2020. La SNCF a déjà confirmé qu’elle sera candidate pour poursuivre l’exploitation de ces deux lignes.

Trois remarques s’imposent, à rebours de certaines idées fausses parfois répandues :

  • les États membres demeurent libres dans l’adoption de leur stratégie pour effectuer le changement ;
  • l’Europe ne prévoit pas la privatisation systématique des entreprises nationales du ferroviaire. L’ouverture à la concurrence n’est donc pas synonyme de privatisation de la Et ici les mots ont un sens : le capital d’un opérateur de transport ferroviaire – tel SNCF Mobilités en France – peut ainsi être détenu à 100% par l’État membre sans que cela entrave le développement de la concurrence. Ainsi, par exemple, le capital de la Deutsche Bahn est détenu à 100% par l’État fédéral allemand, alors que l’Allemagne a ouvert son marché national à la concurrence dès 1994. En revanche, un certain nombre de règles européennes visent, en toute logique, à s’assurer que la SNCF ne sera pas avantagée par rapport à ses concurrents, ce qui implique – et justifie – la réforme de l’entreprise nationale initiée en 2018 par le gouvernement d’Édouard Philippe ;
  • l’ouverture à la concurrence se concilie parfaitement avec la notion de service public, dont les caractéristiques resteront définies par les autorités organisatrices ou l’État. La réglementation européenne prévoit la possibilité d’un soutien public approprié pour maintenir un service au bénéfice des Concrètement, l’autorité organisatrice élabore un cahier des charges précisant les liaisons attendues, leur fréquence, la qualité de service souhaitée (ponctualité, services à bord, etc.) et sélectionne la meilleure offre au meilleur prix pour le service considéré. En d’autres termes, le service public est attribué aux entreprises ferroviaires présentant cette meilleure offre, et non plus dévolu de manière automatique à SNCF Mobilités. Il convient de préciser qu’il n’y aura pas plusieurs concurrents sur une même ligne après attribution : une seule entreprise assurera le service qui lui sera confié par l’autorité organisatrice.
2

Un monopole français figé par la Loi d’orientation des transports intérieurs (Loti)

Notes

3.

Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, Journal officiel, 31 décembre 1982, p. 4004-4011.

+ -

4.

Ibid, art 18, p.4007

+ -

Depuis la nationalisation des chemins de fer en 1937 (voir infra), la SNCF est en France la seule société autorisée à transporter des voyageurs par le train. Opérateur historique et unique, elle remplit les missions que lui confie l’État, son principal actionnaire, même celles qui sont non lucratives. Cette situation de monopole trouve son origine dans l’idée que le transport ferroviaire est un service public et doit donc, en tant que tel, échapper à la logique du marché.

Or un rappel historique suffit à relativiser cette situation de monopole et, surtout, d’apparente immuabilité dans le temps : de 1938 à 1983, la SNCF était formellement une société d’économie mixte (SEM), à qui l’État avait concédé l’exploitation de son réseau ferroviaire d’« intérêt général » pour une durée de quarante-cinq ans (voir infra). À l’approche de ce terme, la question du statut futur de la SNCF se posa. Elle aboutit à la loi d’orientation des transports intérieurs (Loti) du 30 décembre 19823. Au travers de celle-ci, le législateur fit de la SNCF un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), au capital entièrement détenu par l’État, et surtout consacra (article 18) son monopole, au moins pour le trafic voyageurs : « Il est créé, à compter du 1er janvier 1983, un établissement public industriel et commercial qui prend le nom de “Société nationale des chemins de fer français”. Cet établissement a pour objet d’exploiter, d’aménager et de développer, selon les principes du service public, le réseau ferré national4. » Le monopole de fait de la SNCF devint ainsi un monopole de droit.

Il convient de rappeler qu’un monopole s’entend d’une entreprise qui est seule à produire un bien ou un service et doit satisfaire seule la totalité de la demande de ce bien ou service. L’origine du monopole réside soit dans le fonctionnement même du secteur – on parle alors de monopole naturel ou d’innovation –, soit dans le choix politique de protéger un secteur particulier

  • il s’agit alors d’un monopole légal. Dans ce dernier cas, le monopole ne subsiste qu’en raison des obstacles réglementaires à l’entrée de concurrents.

Le secteur actuel du ferroviaire en France cumule les deux cas de figure :

  • la gestion de l’infrastructure relève d’un monopole apparemment naturel : le coût de construction d’une ligne de chemin de fer serait si élevé que la création de réseaux parallèles concurrents s’avérerait économiquement inefficace, et l’existence de rendements croissants dans le développement de l’infrastructure justifierait l’organisation monopolistique de sa gestion à une échelle géographique suffisamment large ;
  • la production de services de transport relève, avec la Loti, d’un monopole légal, empêchant l’arrivée d’entreprises concurrentes sur le marché français.

Ainsi, au travers de la Loti, la France, pourtant historiquement et résolument attachée au projet européen, a affirmé une position largement divergente à celle de l’Europe qui, au même moment, commençait à évoquer sérieusement une libéralisation du secteur.

Comme on l’a vu plus haut, la France devant transposer avant le 25 décembre 2018 les directives du quatrième paquet ferroviaire sous peine de sanctions, une remise en cause du monopole légal s’imposait donc, et fut réalisée par la loi de juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

3

Un retard accumulé par rapport à nos voisins

Contrairement à la France, la plupart des autres grands pays ferroviaires d’Europe ont tenu à anticiper la date limite d’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire international puis national de passagers. S’y préparant, ils ont modifié leur gestion en conséquence afin de rester les premiers acteurs de leur marché national.

L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire en Europe

Source : Fondation pour l’innovation politique – 2019.

Notes

Au Royaume-Uni, le rail a été libéralisé dès les années 1980 tant pour l’exploitation que pour la gestion du réseau ferré, avec des résultats tout d’abord mitigés qui ont marqué durablement l’opinion publique de l’autre côté de la Manche. En effet, l’ouverture à la concurrence n’y a pas permis, dans un premier temps, l’augmentation des investissements dans l’entretien des rails. Les infrastructures étant déjà vieillissantes au moment de la libéralisation, la sécurité des voyageurs a pu en être ensuite menacée, avec plusieurs accidents mortels. En matière d’exploitation, en revanche, le bilan se révèle beaucoup plus positif, avec un accroissement sensible du nombre de passagers.

En Allemagne, le secteur ferroviaire est libéralisé depuis 1994. Toutefois, l’État fédéral, qui contrôle le réseau, est responsable des investissements et a repris à son compte la dette de la Deutsche Bahn, l’entreprise nationale. Dans ce pays, il est intéressant de relever que l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire régional de voyageurs a permis d’accroître significativement le trafic et de réduire les contributions publiques tout en préservant la croissance de l’opérateur historique. Le transfert aux Länder de la gestion du transport ferroviaire de proximité, décidé en 1996, s’est accompagné de son ouverture progressive à la concurrence. En 2007, 25% des trains-kilomètre (trains-km) étaient mis en concurrence et plus de 15% étaient gérés par des concurrents de l’opérateur historique, la Deutsche Bahn. Entre 2002 et 2006, les appels d’offres lancés par les Länder ont été majoritairement attribués à des entreprises concurrentes (soit 60% des trains-km), avec des variations selon les Régions : si plus du quart de l’offre ferroviaire régionale a été confiée à des opérateurs alternatifs dans le Schleswig-Holstein, le Bade-Wurtemberg et en Thuringe, l’opérateur historique conserve la quasi-totalité des services de proximité à Berlin, dans le Brandebourg, en Saxe et en Bavière.

Cette régionalisation et cette ouverture à la concurrence chez nos voisins outre-Rhin se sont traduites assez vite par une forte augmentation de l’offre de transport (+ 28% entre 1993 et 2006) et de la demande (+ 43% sur la même période). Elles ont été accompagnées d’une généralisation du cadencement du réseau, d’un renouvellement du parc de matériel roulant et de la mise en place de tarifications contrôlées par les autorités organisatrices. En 2006, le transport ferroviaire régional de voyageurs représentait 637 millions de trains-km en Allemagne, plus de trois fois l’offre française (208 millions de trains-km, en comptant les TER et le Transilien) pour une infrastructure à peine plus étendue. Dans un contexte de faible participation propre des Länder au financement des transports régionaux et de baisse des dotations de l’État fédéral, la concurrence est, pour eux, le seul moyen de réellement faire baisser les coûts.

Cette ouverture à la concurrence ne s’est pourtant pas faite au détriment de l’opérateur historique, qui a vu son volume de trafic s’accroître alors même que sa part de marché diminuait. Dans un marché globalement en croissance, tous les opérateurs, aussi bien les nouveaux entrants que l’opérateur historique, ont pu bénéficier de la dynamique nouvelle. En 2009, la Deutsche Bahn a ainsi transporté 41,1 milliards de voyageurs-kilomètre (voyageurs-km) contre 36,7 milliards seulement en 2002 (+ 12%). Dans le même temps, les nouveaux entrants atteignaient un volume de trafic de 5,6 milliards de voyageurs-km en 2009, contre seulement 1,5 milliard en 2002.

Du côté de l’Italie, de nouvelles sociétés de transport ferroviaire ont vu le jour à partir du début des années 2000 pour les dessertes régionales ou transfrontalières. En 2012, Italo, groupe privé, s’est positionné sur le marché de la grande vitesse avec une offre de TGV différenciée qui a connu un succès important et généré une baisse du prix moyen des billets. En revanche, le réseau ferré italien pâtit d’un investissement insuffisant.

Aucun de ces exemples de libéralisation ne constitue toutefois un modèle potentiel pour notre pays, même si le précédent allemand reste probablement le plus inspirant. La France possède en effet davantage de lignes à grande vitesse que les autres États européens et le réseau français a la particularité d’être historiquement organisé autour de Paris. Selon l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), il est même peu probable que la SNCF voie apparaître une multitude de concurrents dans les années à venir : l’expérience étrangère montre que ce sont d’abord les entreprises nationales historiques qui ont les moyens d’intégrer un nouveau marché, compte tenu du coût d’entrée très élevé. Le rapport annuel d’observation des marchés établi par le réseau européen des régulateurs ferroviaires indépendants (IRG-Rail) et portant sur un état des lieux de la libéralisation des marchés et de l’entrée effective de nouveaux acteurs dans vingt-quatre pays européens, à partir de données 2015, indique en effet : « Qu’il s’agisse du transport de marchandises ou de voyageurs, les opérateurs historiques s’arrogent la plus grande part des marchés avec, en moyenne, presque 67% des trains-km de voyageurs et environ 60% des trains-km de marchandises. Parmi les nouveaux entrants, les opérateurs historiques étrangers sont minoritaires (en train-km de voyageurs et de marchandises) comparés aux entreprises ferroviaires alternatives, c’est-à-dire non liés à un opérateur historique. En revanche, ces entreprises alternatives se déplacent très peu sur le marché européen, contrairement aux opérateurs historiques qui prennent des parts de marché dans les pays voisins. Cette observation est d’autant plus vraie pour le transport de voyageurs que trois entreprises alternatives opèrent dans un autre pays que leur pays d’origine, contre 15 opérateurs historiques présents à l’étranger. Si certains marchés nationaux semblent “statiques”, aucun nouvel opérateur ne venant concurrencer les opérateurs historiques, ces derniers sont en revanche dynamiques à l’international5. »

II Partie

La SNCF, une entreprise qui a marqué l’histoire et la géographie de la France

1

L’héritière de groupes privés de la révolution industrielle

Notes

6.

Bernard Chenot, Les Entreprises nationalisées, PUF, « Que sais-je ? », 1956.

+ -

L’idée de pousser des wagonnets sur des rails, spécifiquement pour sortir des matériaux des mines, remonte au XVIIIe siècle. En France, la première ligne fut établie près du bassin minier de Saint-Étienne : inaugurée en 1827, elle parcourait dix-huit kilomètres, de Saint-Étienne au port d’Andrézieux, sur la Loire. La traction des wagons était alors assurée par des chevaux.

Dans les années 1830-1840, tandis que le journal Le Globe soutient que le chemin de fer sera « d’une immense utilité pour améliorer le sort des nations, multiplier les rapports des peuples et des cités, changer les conditions de l’existence humaine », le scientifique François Arago assure qu’on y gagnera surtout « des fluxions de poitrine et des pleurésies ». Adolphe Thiers, plusieurs fois ministre et président du Conseil sous la monarchie de Juillet, affirme à cette époque que « les chemins de fer n’auront jamais d’applications pratiques, […] c’est une question d’amusement scientifique sans utilité réelle ».

Pourtant des compagnies privées vont progressivement se créer sur l’ensemble du territoire national. Elles seront même au nombre de trente-trois en 1846, pour 1.900 kilomètres de lignes, et connaîtront des fortunes diverses. Sur la longue durée, les plus significatives sont les suivantes :

  • la Compagnie de l’Ouest, initiée en 1837 par les frères Pereire, avec des lignes vers Saint-Germain, Versailles, la Normandie, le Maine et la La multiplication « électorale » des petites lignes et l’absence d’un solide trafic de marchandises la rendent déficitaire, même si la gare Saint-Lazare reste de très loin la première gare en France (20 millions de voyageurs au départ et à l’arrivée en 1895). Première à électrifier ses lignes, la compagnie sera rachetée par l’État et intégrée au Réseau de l’État en janvier 1909 ;
  • le Réseau de l’État, né en 1878 du rachat de très petites compagnies en difficulté financière (Compagnies de la Vendée et des Charentes, de Saint- Nazaire au Croisic, de Clermont à Tulle, d’Orléans à Châlons-sur-Marne, d’Orléans à Rouen, de Poitiers à Saumur, de Maine-et-Loire et de Nantes, Chemins de fer nantais) ;
  • la Compagnie des chemins de fer d’Orléans, exploitant principalement les axes Paris-Nantes via Tours et Paris-Bordeaux via Poitiers ; ses premiers tronçons furent ouverts en 1840 ;
  • la Compagnie du Midi, de Bordeaux aux Pyrénées, qui fusionne en janvier 1934 avec le Paris-Orléans ;
  • la Compagnie Paris-Lyon-Marseille (PLM), née de la fusion des Compagnies Paris-Lyon, Lyon-Méditerranée, Marseille-Avignon et du Chemin de fer Lyon- Genève ; elle devient à partir de 1857 le premier réseau français ;
  • le Grand Central, couvrant le Massif central, racheté par morceaux en 1857 par toutes les compagnies mitoyennes ;
  • la Compagnie de l’Est, regroupant la ligne Paris-Strasbourg et la Compagnie des Ardennes, dont une partie des lignes est annexée par la Prusse en 1871 et dont le réseau, détruit lors de la Première Guerre mondiale, est rétabli à 99% dès La compagnie ne s’en relèvera pourtant pas et signera en 1937 des conventions la rattachant à la SNCF ;
  • la Compagnie du Nord, initiée en 1840 par l’État, développée à partir de 1845 par le banquier James de Rothschild en reprenant tous les petits réseaux Elle fut première à doubler ses voies, mais le réseau, détruit à 80% par la guerre de 1914-1918, ne se redressera pas dans une région économiquement dévastée et la Compagnie signera donc elle aussi une convention de rattachement à la SNCF.

Pendant plus d’un siècle, de 1827 à 1938, le système ferroviaire français s’est donc développé à la jonction des initiatives privées et des sollicitations ou incitations de l’État, mais, au cours des années 1930, plusieurs éléments majeurs (crise économique de 1929, dévaluation continue du franc, crise politique de 1936, concurrence affirmée de la route…) ont ébranlé ce modèle hybride. Très fragilisées financièrement, les différentes compagnies ont dû peu à peu signer des conventions avec le gouvernement. Un réseau unique est alors devenu envisageable sur le territoire national, par fusion des Compagnies du Nord, de l’Est et PLM avec les deux réseaux déjà publics, le Réseau de l’État et les Chemins de fer d’Alsace-Lorraine. C’est ainsi que débute l’histoire de la SNCF : le 31 août 1937, un décret-loi entérine la convention de création, pour une durée de quarante-cinq ans, de la Société nationale des chemins de fer français, société anonyme d’économie mixte, régie par le Code du commerce et la législation sur les sociétés. À partir du 1er janvier 1938, la SNCF est chargée, en tant que concessionnaire, d’exploiter les réseaux des compagnies privées, désormais propriété de l’État, d’assurer la construction éventuelle de nouvelles lignes et de participer à toutes opérations se rattachant à son objet social. Trois missions d’intérêt général, de service public, sont dévolues à cette société : le transport de voyageurs et de marchandises, l’égalité tarifaire et l’aménagement du territoire. Et, par suite logique, elle se voit reconnaître une situation de monopole. Un monopole dont il convient de préciser qu’il n’est alors que de fait, son cahier des charges lui imposant en effet d’accepter les trains en provenance d’autres réseaux.

Le capital de la nouvelle société, d’une valeur de 1.419.412.000 francs (47 millions de francs au 31 décembre 1982), est d’ailleurs réparti entre les anciennes compagnies (49%) et l’État (51%). L’apport de ce dernier est constitué par ses contributions en nature (Chemins de fer d’Alsace-Lorraine et Réseau de l’État) et par ses avances remboursables, soit sur les travaux de construction de lignes, soit en subventions d’exploitation. Les actions des compagnies privées sont progressivement amortissables pendant quarante- cinq ans, c’est-à-dire jusqu’en 1982, date à laquelle la totalité du capital  est revenue à l’État. Celui-ci dispose d’emblée de prérogatives d’autorité : il désigne vingt et un des trente-trois membres du conseil d’administration, parmi lesquels son président, nommé par décret en conseil des ministres. Il y est également représenté par le directeur général des transports terrestres (ministère des Transports) et par le chef de la mission de contrôle financier des chemins de fer (ministère des Finances). Enfin, si les règles régissant la gestion de la SNCF relèvent du droit civil et du droit commercial, « elles sont à tel point dominées par l’idée de service public que ni le régime des biens, ni le statut du personnel, ni même les relations avec les usagers, ne sont analogues à ce qu’ils seraient dans une entreprise commerciale6 ».

À la fin des années 1930, le réseau français connaît sa plus grande extension avec 42.700 kilomètres de voies, dont 37.200 kilomètres ouverts aux voyageurs. Seuls 3.350 kilomètres sont électrifiés. L’entreprise compte alors 550.000 cheminots.

Notes

7.

Johann Chapoutot, « La SNCF, une histoire française », Libération, 30 mai 2018.

+ -

Comme le fait remarquer l’historien Johann Chapoutot : « Le train, c’est la France : notre pays s’est construit par les 60.000 kilomètres de voies dont la IIIe République, essentiellement, l’a doté. Des voies improbables, jalonnées d’ouvrages d’art impressionnants, en pierre de taille et fer forgé – viaducs, tunnels en épingle, et une voirie titanesque. Ce sont nos pyramides d’Égypte – avec ces mairies écoles et ces maisons de garde-barrière dont la République, au nom de l’État, de l’égalité des territoires et du droit de se mouvoir, a revêtu l’Hexagone7. »

Logo historique de la SNCF, utilisé du 1er janvier 1938 au 10 janvier 1972

2

Le symbole de l’étatisme d’après-guerre

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France, affaiblie notamment sur le plan industriel, doit procéder à la reconstruction rapide du pays pour assurer son redémarrage économique et retrouver sa place dans le concert des nations. De ce point de vue, la reconstruction et la modernisation du réseau ferroviaire sont particulièrement stratégiques. Elles contribuent en effet puissamment au redressement national, à la dynamique des territoires et à l’attractivité du pays sur les plans européen et international. Plus que jamais, l’entreprise SNCF, alors la plus grande entreprise de France, auréolée du prestige de l’action héroïque des cheminots durant la guerre, incarne les valeurs de l’intérêt général et s’affirme comme un grand service public, de surcroît porteur d’innovations, avec notamment l’électrification du réseau. Avec pour directeur général le Vosgien Maurice Lemaire, la SNCF est alors envisagée comme un « tout homogène », selon l’expression du ministre des Transports de l’époque, c’est-à-dire un service public efficace reposant sur un triptyque : monopole d’exploitation, contrôle public de l’entreprise et statut des cheminots.

3

La référence mondiale de la technologie et de l’innovation ferroviaire

Ce logo, utilisé par la SNCF sur ses documents au début des années 1960, révèle la fierté de l’entreprise quant à sa performance technologique, sa stabilité et sa puissance. C’est ce que signifient les épais caractères du logo. Les lettres sont en italique et veulent transmettre une idée de vitesse – le record du monde de vitesse de 331 km/h a été atteint par un train de la SNCF en 1955 – mais aussi le fait que la SNCF est une entreprise qui veut aller de l’avant. La locomotive stylisée est une BB 9200, incarnation du renouveau et de la modernité de la SNCF, ces locomotives étant les premières en France à atteindre les 200 km/h en tête de trains de voyageurs tels le Capitole ou le Mistral.

Au-delà des discours officiels ou publicitaires, il est incontestable que la SNCF a souvent été et demeure « la » référence en matière de technologie ferroviaire. Dès les années 1970, la parfaite maîtrise des voies sur ballast a permis le développement de la grande vitesse dans des conditions de grande sécurité, comme la technique de solidarisation des caisses des rames TGV. Il en est de même pour l’électrification rapide de l’après-guerre, grâce au courant alternatif, qui a permis un développement plus rapide du service aux voyageurs.

Il ne fait donc aucun doute que l’entreprise SNCF est parfaitement apte à trouver de nouvelles solutions aux problèmes qui se posent aujourd’hui et auxquels doivent désormais répondre tous les prestataires européens de transports : desservir des territoires fragiles à moindre coût ou, au contraire, trouver des capacités supplémentaires d’accueil de trains dans les gares fréquentées. L’ingénierie et l’exploitation de l’entreprise SNCF disposent aujourd’hui de toutes les compétences pour prendre position sur un marché qui va devenir enfin concurrentiel : le transport national de voyageurs.

 

4

La confiance du public en termes de sécurité

Notes

8.

Voir « Le réseau ferroviaire français jugé parmi les plus performants d’Europe », latribune.fr, 28 avril 2015.

+ -

Le transport ferroviaire français est extrêmement sûr : si, en 2015, 54 personnes ont quand même été tuées sur le réseau national – et c’est évidemment trop –, ce chiffre est à rapporter au trafic (87 milliards de voyageurs-km) et à comparer aux chiffres de l’accidentologie routière (3.461 morts la même année pour un trafic de 809 milliards de voyageurs-km). Le transport ferroviaire est en pratique sept fois plus sûr que le transport routier (automobiles ou cars), avec un nombre d’accidents stable au cours des dix dernières années.

À l’échelle de l’Europe, la France se classe parmi les pays les plus sûrs, à un niveau comparable à celui de l’Allemagne. En avril 2015, selon une étude menée par le cabinet de conseil international Boston Consulting Group, le réseau ferroviaire français a été élu troisième meilleur réseau d’Europe sur vingt-cinq pays européens8. Cette performance ne doit rien au hasard : la SNCF a le souci constant d’améliorer la sécurité et la qualité de son service pour les personnes circulant sur le réseau ferré national (entreprises ferroviaires, voyageurs, tiers et personnels) et a mis en place à cet effet de nombreuses actions stratégiques, matérielles et humaines. Sur la base d’un engagement d’excellence, elle s’est dotée d’une stratégie dédiée à faire du réseau français un des plus sûrs et des plus régulés au monde, et s’est fixée deux objectifs pour 2020 : diviser par deux le nombre d’accidents mortels sur le réseau et diminuer de 20% les incidents liés à une mauvaise fiabilité du réseau structurant.

5

Le symbole mondial du TGV et le revers de la médaille sur le réseau existant

Avec près de 29.000 kilomètres de lignes exploitées et près de 3.000 gares, le réseau ferroviaire français occupe la deuxième position en Europe en termes de couverture géographique, derrière l’Allemagne. En termes de fréquentation des trains, avec près de 90 milliards de voyageurs-km, elle se positionne également à la deuxième place en Europe, juste derrière l’Allemagne mais assez loin devant les autres pays européens. S’agissant de l’offre ferroviaire, avec 424 millions de trains-km, notre pays se situe en troisième position en Europe, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni.

En 2016, quelque 473 millions de trains-km (trains de voyageurs et de fret) ont circulé sur le réseau français, dont 84,6% affectés au seul transport de voyageurs. Ce volume de trains-km place la France en troisième position européenne, après l’Allemagne et le Royaume-Uni. La part du transport de voyageurs sur le réseau ferroviaire en France est en revanche proche de celle observée en Belgique, en Espagne et en Norvège, soit légèrement supérieure à la moyenne européenne qui s’établit à 81,6% en 2015. Cette part est inférieure à celle de Grande-Bretagne (93,5%), mais supérieure à celle d’Allemagne (75%), où le fret est très développé.

Sur le plan technique  et  commercial,  le  lancement  du  TGV  Paris-Lyon (2 milliards d’euros) en septembre 1981 a par ailleurs marqué un tournant décisif dans l’histoire de la SNCF. Cette ligne à grande vitesse développée à l’époque par la SNCF seule face au scepticisme de l’État a placé Lyon à deux heures et quarante minutes de Paris, puis à deux heures seulement en 1983. En raison de son succès, la rentabilité de la ligne a incité les pouvoirs publics à opérer une volte-face spectaculaire… et sans doute exagérée ; puisque, au travers du schéma directeur de 1991, le « tout TGV » a été mis à l’ordre du jour. Contribuant au prestige de notre pays, à l’égal du Concorde, le TGV s’est dès lors affiché comme la vitrine d’un savoir-faire technologique français de premier plan, en même temps que comme le mode de transport le plus propre au monde.

Plusieurs lignes à grande vitesse (LGV) ont progressivement été mises en place

  • elles sont une douzaine à l’heure actuelle –, dont la ligne Atlantique à la fin des années 1980, la LGV Nord en 1993, la LGV Est européenne en 2007 et, dernières en date, début juillet 2017, les lignes Sud Europe Atlantique (entre Tours et Bordeaux) et Bretagne-Pays de Loire (entre Le Mans et Rennes), mettant la métropole aquitaine et la capitale de la Bretagne respectivement à deux heures et une heure et vingt-cinq minutes de Beaucoup d’autres projets de LGV existent, mais leur réalisation n’est pas planifiée avant 2030, voire repoussée à beaucoup plus tard, pour des raisons budgétaires. En 2017, le réseau français de lignes à grande vitesse comptait 2.800 kilomètres et occupait la troisième place mondiale, derrière ceux de la Chine et du Japon, et la première place en Europe, devant l’Espagne.

Le TGV détient aussi des records du monde : en avril 2007, quelques semaines avant l’ouverture de la nouvelle ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg, la SNCF a ainsi établi un nouveau record de vitesse sur rail, à 574,8 km/h (la France détient toujours aujourd’hui le deuxième record de vitesse au monde, un prototype japonais s’étant classé premier en atteignant, en avril 2015, les 603 km/h sur une ligne conçue spécifiquement pour une telle expérimentation). Au quotidien, le TGV français actuel roule à 320 km/h, ce qui représente à la fois un équilibre raisonnable entre vitesse, coût, consommation énergétique et bruit, et la meilleure performance mondiale en ce domaine.

Cette médaille possède néanmoins son revers : le choix d’investir prioritairement dans le réseau TGV durant des décennies s’est fait au détriment des trains du quotidien, avec des conséquences bien connues :

  • un réseau ferroviaire vieillissant (deux fois plus âgé qu’en Allemagne), souffrant d’un manque d’entretien, ce qui génère des retards sur de très nombreuses lignes (incidents plus fréquents, trains roulant au ralenti par mesure de sécurité), une réduction des performances offertes aux usagers et, in fine, le mécontentement de ceux-ci ;
  • un accroissement des charges d’entretien : l’obsolescence des composants de l’infrastructure nécessite une surveillance renforcée et des opérations de maintenance « corrective » pour remplacer au cas par cas les composants défaillants. Ceci a un coût significatif, qui a lourdement accru la dette de Réseau ferré de France (RFF) puis de SNCF Réseau, conduisant l’entreprise à augmenter les péages qu’elle impose aux exploitants ferroviaires pour l’utilisation des voies (allant jusqu’à représenter 20 à 30% de coûts) ;
  • des inégalités territoriales (les grandes agglomérations étant seules reliées par la grande vitesse), au détriment des villes moyennes et des territoires ruraux laissés de côté, et la fermeture de petites lignes ferroviaires, qui ne date pourtant pas d’hier et risque de s’accélérer dans les dix prochaines années, accentuant un sentiment d’abandon de pans entiers du territoire national, dont le mouvement des Gilets jaunes représente sans doute l’une des

C’est au regard de ces conséquences, pour redynamiser l’offre de desserte des territoires en région et restaurer sa qualité comme son attractivité commerciale, que la régionalisation des transports du quotidien, assurés par les trains express régionaux (TER), a été initiée. Cette évolution a constitué une première révolution pour le système ferroviaire français, rompant le face-à-face ouvert en 1938 entre l’État et la SNCF.

III Partie

La réussite du TER régionalisé

1

Une décentralisation ferroviaire encore récente

La régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs, mise en place par la loi du 13 décembre 20009, a transféré aux Régions, à partir du 1er janvier 2002, l’organisation et le financement des services ferroviaires régionaux de voyageurs (et des services routiers effectués en substitution de ceux-ci). Ceux-ci relevaient jusqu’alors de la seule responsabilité de l’État. Les Régions sont ainsi devenues autorités organisatrices des services ferroviaires régionaux de voyageurs : dans le cadre d’un contrat avec la SNCF10, ce sont elles, désormais, qui décident de la consistance et de la nature des services, fixent les objectifs de qualité, de régularité ainsi que la tarification applicable. Par ailleurs, les Régions ont obtenu satisfaction quant à leurs principales revendications : comblement de l’insuffisance de la contribution de l’État au titre de l’exploitation, participation de celui-ci au financement du renouvellement du matériel roulant et transit de l’ensemble des financements publics par les Régions afin d’avoir un moyen de pression sur la SNCF, laquelle garde le monopole du transport ferroviaire régional de voyageurs.

Du fait de sa complexité technique, économique et de ses enjeux politiques, cette décentralisation débuta par une expérimentation, proposée en 1994 dans un rapport rédigé par Hubert Haenel, sénateur et premier vice-président du conseil régional d’Alsace11, dont le principe fut inscrit dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire de 199512.

L’expérimentation fut ainsi engagée en 1997 avec sept Régions volontaires (Alsace, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Provence-Alpes- Côte d’Azur, Rhône-Alpes, Limousin), l’État leur versant directement une contribution financière globale afin d’assurer la pérennité des services transférés. En leur qualité d’autorités organisatrices, ces Régions expérimentales reçurent pleine compétence pour définir le contenu du service (dessertes, tarification, qualité de service et d’information de l’usager).

 

2

Des résultats probants

Le bilan de l’expérimentation étant largement positif – entre 1996 et 1999, le trafic augmenta de 12,1% et les recettes de 11,7% dans les régions expérimentales, contre respectivement 6,3% et 6,7% dans les autres régions –, elle fut généralisée à toutes les autres Régions par la loi SRU en 2000 (à l’exception de l’Île-de-France et de la Corse qui bénéficient de statuts particuliers).

Le succès du TER

Source : Conseil supérieur du service public ferroviaire, Évaluation de la réforme du secteur du transport ferroviaire, novembre 2001, p. 107. www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/034000012.pdf

Notes

13.

Yves Crozet et Christian Desmaris, « Le transport ferroviaire régional de voyageurs : un processus collectif d’apprentissage », Recherche Transports Sécurité, vol. 27, n° 3, août 2011, p. 151.

 

+ -

Grâce au volontarisme des Régions, l’offre TER a globalement progressé de plus de 25% depuis 1997, et le trafic de plus de 50%. Ces chiffres sont  le fruit d’investissements conséquents consentis par les Régions, soucieuses de renouveler les matériels roulants, d’assurer le confort et la sécurité des voyageurs, de mettre en place des tarifications attractives, de procéder à l’augmentation des fréquences et d’adapter les schémas de dessertes aux besoins des usagers. À l’instar des comités locaux d’animation de ligne (CLAL) mis en place par la Région Alsace – auxquels ont succédé les comités régionaux des services de transport (COREST) de la Région Grand Est, associant outre la collectivité régionale, des représentants de la SNCF, des usagers, des cheminots et des acteurs locaux – elles se sont attachées à assurer un suivi régulier et attentif de la qualité de service aux usagers, dans le cadre de démarches de concertation, afin d’identifier les besoins et d’y répondre par des adaptations de l’offre et des services, dans un souci constant d’amélioration du réseau.

Pour accroître l’attractivité du transport ferroviaire régional, allant au-delà de leur périmètre de compétences, certaines Régions ont participé au financement d’investissements dans les gares et autres installations fixes de la SNCF, à l’exemple du vaste programme de rénovation et de mise en accessibilité des gares initié dès 1997 par la Région Alsace sous l’impulsion de son président Adrien Zeller, en partenariat avec la SNCF qui assure les maîtrises d’ouvrage et d’œuvre des projets.

Forte d’un large succès, la régionalisation a également induit des évolutions de posture tant pour la SNCF que pour les Régions. Celles-ci ont su, pour leur part, se donner les moyens de s’affirmer comme des donneurs d’ordres à la légitimité et à la compétence désormais incontestables. Au total, comme le soulignent deux chercheurs, « la régionalisation ferroviaire a été l’occasion pour la SNCF de vivre une sorte de révolution culturelle, qui lui a imposé d’appréhender le transport régional, non plus d’abord en fonction de contraintes techniques de production, mais selon les besoins exprimés par les acteurs des territoires. Nombre d’élus n’ont pas hésité à rendre hommage à ces mutations des cheminots eux-mêmes qui ont accepté de “jouer le jeu” et de remettre en cause un grand nombre d’habitudes13».

De fait, pour les cheminots, la régionalisation a eu un impact des plus positifs : elle a signifié la fin ou à tout le moins l’atténuation de la logique de fermetures de lignes (et de gares) et de transferts sur la route, le moindre intérêt pour la desserte du quotidien dans les territoires au profit du « tout TGV » et in fine la désaffection sans cesse croissante du public pour le transport ferroviaire. En d’autres termes, elle a permis à la SNCF et à tous ses collaborateurs de renouer avec l’esprit et la vocation originelle de l’entreprise : entreprendre et innover dans le cadre d’un vrai projet d’entreprise au service de l’intérêt général.

La régionalisation a également eu une autre vertu, qui revêt une importance des plus significatives à l’heure de l’ouverture à la concurrence : elle a permis d’instaurer des relations renouvelées, approfondies et exigeantes entre les Régions et la SNCF, comme l’illustre l’exemple des Régions Alsace et Grand Est.

3

Le modèle précurseur alsacien

Parmi les Régions expérimentales de 1997, l’Alsace a été celle où les résultats, en dix ans, ont été les plus spectaculaires en termes d’offre, avec deux fois plus de trains (de 330 à 740 trains/jour) et de fréquentation, avec trois fois plus de voyageurs (de 29.000 à 75.000 voyageurs/jour), la Région consacrant chaque année plus de 200 millions d’euros au transport ferroviaire, soit un tiers de son budget d’intervention.

 

Évolution du nombre de voyageurs par kilomètres de 1997 à 2010

Source : SNCF.

Forte de ces résultats, la Région a été également pionnière quelques années plus tard, en signant en 2002, pour une durée de huit ans, la première convention d’exploitation entre une Région et la SNCF, suivie d’une autre, signée en janvier 2010, pour la période 2010-2018, marquant une nouvelle étape décisive pour le transport régional de voyageurs.

Évolution du nombre de trains de 1997 à 2010

Source : SNCF.

En Alsace, la régionalisation a eu cette vertu fondamentale d’établir une relation positive, efficace et confiante avec les équipes de la SNCF, permettant, année après année, de rechercher ensemble tous les moyens de progrès et les gains de productivité qui ont conduit à poursuivre le développement du TER tout en stabilisant la dépense publique nécessaire. Cette relation positive avec la SNCF s’est à nouveau illustrée en 2007, lors de l’arrivée du TGV Est européen, puisque le président de la Région a souhaité que les avantages induits par la grande vitesse en termes d’accessibilité nationale et internationale bénéficient au plus grand nombre d’habitants. Concrètement, la Région Alsace a souhaité restructurer de manière équilibrée la desserte TER du territoire régional au regard de tous les besoins de déplacements, rechercher un maximum de cadencement sur l’ensemble du réseau et faire de son TER 200 (circulant à 200 km/h) le prolongement du TGV en plaine d’Alsace et la colonne vertébrale de l’offre TER. En 2012, la Chambre régionale des comptes a ainsi porté l’avis suivant sur l’expérimentation menée en Alsace : « Cette nouvelle offre de services a consisté en une adaptation et une réorganisation des horaires, la création des trains TER “inter régionaux” permettant la desserte des gares de Metz et Nancy, une amélioration des correspondances sur la nouvelle desserte TGV Est européen. Elle a apporté une réponse à des besoins nouveaux de déplacement avec la création de nouveaux trains sur les axes, entre autres, de Strasbourg-Lauterbourg, Colmar-Metzeral… La Région a travaillé en amont avec la SNCF pour augmenter les liaisons afin d’améliorer les dessertes et les correspondances […]. Cette évolution s’est traduite par une augmentation sensible de 13% de l’offre ferroviaire (+ 1,145 million de trains x kms) par rapport à l’offre préexistante, notamment pour permettre de favoriser les correspondances en gare (de Strasbourg, Colmar et Mulhouse) avec les TGV de/vers Paris, en augmentant de 17% le nombre de trains régionaux et de 28% celui des places supplémentaires14. »

4

La confirmation par le Grand Est

C’est donc à la suite d’un premier élan de partenariat positif que la convention globale 2017-2024 entre la SNCF et la nouvelle  Région Grand Est, relative à l’organisation et au financement du service public de transport régional de voyageurs, a été négociée dès 2016, année de création de la Région, et signée à la fin de cette même année. La Région Grand Est a d’ailleurs été  la première collectivité dont le périmètre avait été modifié à signer une convention d’exploitation TER unique. Cette convention a permis de faire circuler 200 trains de plus chaque jour par rapport à 2015, à coût constant, grâce au cadencement du réseau mis en œuvre ou amélioré successivement en Lorraine, sur le triangle marnais (Reims, Châlons-en-Champagne, Épernay) et sur le TER 200 en Alsace, tout en stabilisant la contribution publique. Par ailleurs, cette même convention a prévu d’entrée une hypothèse d’ouverture à la concurrence sur une première tranche du réseau, dès que la loi le permettrait.

Que ce soit en termes de qualité de service ou de performance économique, le réseau TER Grand Est a fait la preuve de son efficacité et de sa robustesse puisque, par exemple, le coût moyen d’un train-km régional est de 20 euros pour le TER Grand Est en 2018 (le moins cher de France), alors qu’il est de 23,50 euros pour la moyenne française (mais de 15 euros en Allemagne), et que le taux de régularité des circulations s’est établi à 94,62% en 2017.

IV Partie

Les atouts de l’entreprise et les aspirations des cheminots

« Par de nombreux aspects, le système ferroviaire français est une réussite qui place la France dans une situation enviable: un vaste réseau, une grande vitesse très développée, des services de « mass transit » denses et performants, un transport régional dynamique, une desserte fine du territoire. Le transport ferroviaire français permet d’offrir aux voyageurs et aux chargeurs des services compétitifs avec les autres modes de transports, sur l’ensemble du territoire, pour répondre à des besoins très diversifiés. Il est un facteur clé de compétitivité et d’attractivité, à l’échelle nationale comme à celle des territoires. Il contribue à la réduction des inégalités sociales et territoriales en assurant la mobilité de tous. Il est enfin un atout majeur pour la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.»

Jean-Cyril Spinetta (dir.), L’Avenir du transport ferroviaire,

rapport au Premier ministre, 15 février 2018, p. 7.

 

1

Un groupe puissant et pérenne

Dans sa configuration actuelle, avec ses trois établissements publics à caractère industriel et commercial (SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités) et leurs filiales de droit privé, le groupe SNCF se classe parmi les premiers groupes d’Europe dans les domaines du transport et de la logistique.

Les résultats 2017 du Groupe témoignent également de sa solidité et de ses performances sur le plan économique et commercial :

  • la SNCF a ainsi transporté 14 millions de voyageurs quotidiens et compte 170.000 clients chargeurs de fret en France et à l’étranger. Sa politique commerciale repensée a porté ses fruits, avec une hausse des fréquentations de plus de 10% pour le TGV (+ 53% pour Ouigo), plus de 4,7% pour les TER et plus de 3,3% pour les Intercités ;
  • son chiffre d’affaires s’élève à 3,5 milliards d’euros (32,3 milliards en 2016), en progression de plus de 4% grâce à une dynamique commerciale générant une croissance du volume de voyageurs et de marchandises transportés ;
  • un montant historique d’investissements, à hauteur de 8,8 milliards d’euros (8,5 milliards en 2016), dont près de 95% en France. Plus de 5 milliards d’euros ont ainsi été consacrés à la régénération et à la modernisation-sécurisation du réseau pour les transports du quotidien (plus de 1.600 chantiers, plus de 1.000 kilomètres de voies renouvelées, 500 aiguillages changés…) ;
  • 830 millions d’euros de gains de productivité ont permis de dégager une marge opérationnelle de 4,6 milliards d’euros (4 milliards en 2016, soit une hausse de + 16%).

Au total, le résultat net récurrent du Groupe en 2017 s’élève à 679 millions d’euros (218 millions en 2016). La SNCF a pu finir positivement l’année 2018 malgré la grève des cheminots du printemps. Toutefois, la situation financière de SNCF Réseau reste structurellement déséquilibrée, avec une dette de 46,6 milliards, en augmentation de plus de 2 milliards.

La force du Groupe SNCF tient également à ses filiales :

  • Keolis affirme sans conteste son leadership urbain (8 millions de clients/jour), se classant au premier rang mondial du métro automatique et du tramway, et au premier rang en France pour le transport urbain et le transport de personnes à mobilité réduite. Ses performances à l’international sont tout aussi remarquables : lancement du projet de métro d’Abidjan, contrat d’exploitation et de maintenance du métro automatique reliant l’aéroport de Pudong à Shangai ou, plus récemment, exploitation des trains régionaux au Pays de Galles ;
  • Systra, fer de lance de l’ingénierie ferroviaire française dans le monde, leader des infrastructures de transports guidés, accroît son développement dans les zones à forte croissance (pays du Golfe, Asie-Pacifique, nord de l’Europe) ;
  • sans oublier le secteur de la logistique, avec SNCF Logistics, et notamment son pôle Geodis, premier acteur français, quatrième européen, huitième mondial, 50.000 collaborateurs, 170.000 clients et un chiffre d’affaires de 10,2 milliards d’euros en 2017, dont 55% réalisés à l’international.

La SNCF est enfin un acteur majeur de la vie économique et sociale de notre pays. Le Groupe demeure en effet l’un des plus gros employeurs de France, avec environ 260.000 collaborateurs, dont 215.000 en France et 45.000 dans

le monde. En 2017, 12.000 personnes ont été recrutées (dont plus de 4.000 jeunes de moins de 30 ans et 21% de femmes), dont la moitié dans les activités ferroviaires, et 7.200 contrats ont été réalisés en alternance. Les embauches dans le Groupe sont permanentes à tous les niveaux d’études et concernent, dans 60% des cas, des débutants qui bénéficient d’une formation spécifique à l’entreprise.

De même, l’activité du Groupe a un impact conséquent pour la vitalité économique des territoires de notre pays : 165.000 emplois indirects sont ainsi créés ou maintenus grâce aux achats effectués par le Groupe, dont le montant 2017 s’élève à 16,6 milliards d’euros, auprès de 31.000 fournisseurs à travers toute la France, dont 25% de très petites, petites et moyennes entreprises.

 

2

Une activité ferroviaire relancée par les nouvelles contraintes mondiales

Notes

16.

Ministère de la Transition écologique et solidaire, Plan Climat, 6 juillet 2017, axe 11, 9.

+ -

18.

Voir Benoît Siman (dir.), « Le verdissement des matériels roulants du transport ferroviaire en Comment répondre aux défis de la sortie du diesel et se tenir à la pointe de l’innovation technologique pour la transition environnementale ? », rapport au Premier ministre et à la ministre chargée des Transports, auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, novembre 2018.

+ -

Le ferroviaire représente un enjeu écologique de premier plan : son développement permet de respecter une trajectoire résolue pour la réduction des gaz à effet de serre (GES), compatible avec l’objectif de maintenir le réchauffement de la planète en dessous des 1,5°C ou 2°C fixé par l’Accord de Paris de décembre 2015.

La France s’est donné des objectifs ambitieux de réduction de GES. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015 a prévu de « réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 205015 », tandis que le plan Climat de 2017 fixe un objectif de neutralité carbone à l’horizon 205016.

En France, les transports sont le secteur le plus émetteur de GES, la route représentant 95% de ces émissions. Pour respecter les objectifs fixés par la loi, les émissions de GES dans le secteur des transports devront être réduites de 29% sur la période 2015-2028. Au niveau européen, en 2011, la Commission européenne a fixé un objectif de réduction de 60% des émissions de GES par le secteur des transports d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 199017. Compte tenu de sa part dans les émissions de GES, l’effort devra porter d’évidence sur la route (efficacité croissante des véhicules thermiques, déploiement de véhicules alternatifs, promotion de modèles alternatifs à l’autosolisme…), mais le report modal (modification de la répartition entre modes de transport) au bénéfice des transports non carbonés doit aussi être un levier essentiel pour réduire ces émissions. Le secteur ferroviaire est, à ce titre, fondamental : il reste le mode de transport de masse le plus propre. Un voyageur émet cinquante fois moins de CO2 par kilomètre parcouru en TGV qu’en voiture, vingt-cinq fois moins qu’en covoiturage et huit fois moins qu’en bus ; un train de fret émet dix fois moins de CO2 par kilomètre que le nombre de poids lourds nécessaires au transport de la même quantité de marchandises.

D’ici à 2025, la SNCF a l’ambition d’améliorer sa performance  énergétique de 20%, (écoconduite, exploitation optimisée des circulations, écoconception des matériels, réduction des consommations d’énergie…) et de 25% sa performance carbone. Un premier pas a déjà été franchi avec l’arrivée des trains du quotidien bi-mode, qui permettent d’alterner motorisation thermique sur les axes non électrifiés et recours à l’alimentation électrique par caténaire quand elle est possible. L’entreprise a également engagé un programme d’études pour s’adapter au changement climatique (prise en charge de ses clients, protection des matériels et infrastructures…). Il convient enfin de citer le récent rapport du député Benoît Simian, qui prône la solution de l’hydrogène pour renouveler proprement les lignes régionales circulant actuellement encore au diesel18.

Par ailleurs, l’activité ferroviaire permet de répondre à d’autres grands enjeux économiques et sociétaux, dont certains mis particulièrement en lumière par la crise que traverse aujourd’hui notre pays, à savoir :

  • les besoins de mobilité croissants dans et entre les grandes zones urbaines, liés à la croissance démographique et à la métropolisation ;
  • la desserte des territoires enclavés, singulièrement des villes moyennes, des territoires périurbains et ruraux, qui souffrent d’un sentiment d’abandon et de déclassement ;
  • le prix du pétrole et les perspectives liées à la fin des gisements dans les grands pays producteurs ;
  • les innovations multiples (dans le numérique, le digital) qui se font jour dans le domaine de la mobilité et qui soulignent le rôle pertinent du rail comme maillon indispensable d’une chaîne de transport multimodale. Le Groupe SNCF investit ainsi fortement dans le digital (280 millions d’euros en 2017) afin d’accroître son efficacité (appli SNCF, Wi-Fi gratuit et illimité dans plus de 250 gares, moteur de vente et plateforme digitale relationnelle OUI.sncf, etc.) ;
  • le fort engouement des consommateurs pour les mobilités touristiques à petits prix, comme l’atteste le succès commercial  du TGV Ouigo  (lancé  en 2013, il a déjà transporté quelque 33 millions de voyageurs), dont l’offre devrait représenter 25% du trafic grande vitesse de l’entreprise en 2020 (26 millions de passagers), lui permettant de mieux appréhender la concurrence du En 2019, la SNCF entend par ailleurs resserrer ses liens avec les agences de voyages, en ligne ou physiques, un canal de distribution précieux puisque représentant 25% de ses ventes.
3

Des métiers valorisants avec des compétences reconnues

Notes

19.

« Guillaume Pepy : “Il ne peut pas y avoir de SNCF à deux vitesses” », interview par David Barroux, Elsa Dicharry, Lionel Steinmann et François Vidal, lesechos.fr, 4 octobre 2018.

+ -

À côté de ses métiers traditionnels, notamment en gare ou à bord des trains, pour assurer la circulation ferroviaire et la maintenance des équipements et de l’infrastructure, la SNCF promeut l’émergence de nouveaux savoir-faire avec une ambition d’excellence, notamment dans les domaines de la technologie et du numérique. Le président de SNCF Mobilités Guillaume Pepy déclarait ainsi récemment : « Les gains de productivité passeront […] par la construction d’un nouveau pacte social, la remise à plat de l’organisation du travail au niveau local, une polyvalence accrue… […] D’ici à 2026, de 10 à 15% des 140.000 postes actuels vont disparaître du fait de la digitalisation. D’autres vont naître de la croissance du trafic et des innovations industrielles. Et 35% des postes vont voir leur contenu changer radicalement. […] Nous allons conduire un programme sans précédent de développement des compétences de près de 1 milliard d’euros19. »

Pour répondre à ces évolutions, la SNCF se veut un creuset d’innovations dans de multiples domaines de compétence ainsi qu’un gisement d’activités et d’emplois du futur. Elle mène pour ce faire une politique de gestion des compétences développée : actuellement, 7% de la masse salariale est consacrée à la formation professionnelle et près de 80% des salariés ont réalisé une formation en 2017. La polyvalence, source de valorisation personnelle des agents et gage d’efficience dans un contexte concurrentiel, est fortement encouragée.

Il convient également de relever que, fidèle à son histoire et à sa culture, la SNCF demeure très attachée à assurer la progression professionnelle de ses agents. Ainsi, plus de 70% de ses cadres actuels le sont devenus par promotion interne, l’évolution des carrières faisant partie intégrante des parcours professionnels au sein de l’entreprise. Le Groupe continue donc ainsi, fidèle à lui-même, de promouvoir l’« ascenseur social », une démarche d’autant plus précieuse et attractive qu’elle est en régression dans beaucoup d’autres secteurs d’activité.

Enfin, au-delà même de la question des compétences, il ne saurait être question d’oublier l’« esprit cheminot », celui qui fait que, fondamentalement, au-delà des critiques, les cheminots sont reconnus pour leur professionnalisme, pour leur mission assurée 24 heures sur 24 et 365 jours par an, pour leur présence, depuis des décennies, au cœur du quotidien et de l’histoire des Français.

V Partie

Le chemin vertueux vers la concurrence

1

Le marché mondial, un gisement déjà exploité par la SNCF

L’ouverture à la concurrence (chez les autres !) a déjà permis à la SNCF de remporter de nombreux contrats à l’étranger. Jusqu’à récemment, le groupe ne devait d’ailleurs sa croissance qu’à ses activités hors de France. Un tiers du chiffre d’affaires de la SNCF est aujourd’hui réalisé à l’international. L’entreprise est présente dans plus de 120 pays, ce qui n’est pas sans conséquence en termes de chiffre d’affaires et d’emplois, y compris en France. Les retombées de ce dynamisme sont réelles pour notre pays en termes de croissance et de bénéfices.

Le chiffre d’affaires réalisé à l’étranger en 2017 s’élève à près de 10,8 milliards d’euros (voir carte p.36), sur un chiffre d’affaires total de 33,5 milliards d’euros, en croissance de 4,2% par rapport à 2016. Il y a dix ans, l’international ne représentait que 12% de l’activité de la SNCF. Dans son rapport annuel, le groupe affirme vouloir atteindre 50% de son activité en dehors de la France, dont la moitié en Europe.

La SNCF est très implantée en Europe. Hors de France, elle y affiche un chiffre d’affaires de près de 6,6 milliards d’euros (2,5 milliards au seul Royaume-Uni). Elle est aussi très active en Amérique du Nord (plus de 2 milliards d’euros), Australie-Océanie (818 millions d’euros) et Asie centrale (468 millions d’euros). Enfin, près de 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires est réalisé en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie du Sud.

La partie logistique, principalement prise en charge par sa filiale Geodis pour la branche fret, représente (France non comprise) un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros, soit la moitié du chiffre d’affaires de la SNCF à l’international. Vient ensuite le transport public, géré par la filiale Keolis, avec 3,5 milliards d’euros, puis les grandes lignes (1,5 million d’euros) et la partie conseil et ingénierie (158 millions d’euros).

Concrètement, la présence de la SNCF à l’international se traduit par les parts détenues dans les sociétés de transport transfrontalières Eurostar, Thalys, Westbahn, Alleo, Lyria, TGV Italia et Elipsos. Sa filiale Keolis chapeaute le transport de personnes avec, entre autres, 225 kilomètres de lignes de métro automatique, 16 réseaux de tramway, 6.000 kilomètres de lignes ferroviaires et 23.000 bus et cars. Au Royaume-Uni, elle exploite la joint-venture Govia, première franchise du pays. Elle est aussi présente au capital des trains KeolisAmey Docklands et du « métro léger » de Manchester. En Allemagne, Keolis Deutschland est le troisième opérateur privé, sous la marque Eurobahn. Outre-Atlantique, la société a remporté le contrat de trains de banlieue de la ville de Boston en 2014 (1.000 kilomètres de lignes, 134 gares). Et ce ne sont là que quelques exemples des nombreuses sociétés appartenant, intégralement ou en partie, à Keolis, c’est-à-dire au groupe SNCF.

Avec la généralisation de l’ouverture à l’ensemble des États membres, c’est autant de marchés européens sur lesquels la SNCF pourra se positionner. Les perspectives de développement sont donc particulièrement fortes pour l’entreprise.

La SNCF dans le monde : l’entreprise réalise un tiers de son activité à l’international

Source : SNCF, résultats annuels 2017 du Groupe SNCF, 27 février 2018, p. 57.

2

En France, la nécessaire reconquête du réseau ferré national

Notes

20.

Arafer, L’Observatoire des transports et de la mobilité. Le marché français du transport ferroviaire de voyageurs 2015-2016, mise à jour du 23 janvier 2018, 11.

+ -

21.

Voir « La SNCF veut des petites lignes moins chères, y compris en testant le privé », fr, 5 octobre 2018.

+ -

Avec ses quelque 29.000 kilomètres de lignes exploitées, la France a le deuxième plus grand réseau ferroviaire européen, après l’Allemagne : 55,5% du réseau est électrifié et 7% sont des lignes à grande vitesse. L’âge moyen du réseau est de 30,9 ans (ce qui est particulièrement élevé au regard des autres pays européens), celui des voies à grande vitesse de 19,4 ans. Enfin, près de 24% des voies étaient considérées comme étant hors d’âge en 2015.

Avec une moyenne de 40 trains de voyageurs circulant chaque jour par kilomètre de ligne et par sens en 2015, la France se place en dixième position en Europe en matière d’intensité d’utilisation de son réseau ferroviaire, devant l’Espagne mais derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie. Ce classement s’explique par le fait que l’intensité d’utilisation du réseau comporte de fortes disparités, 80% des circulations de trains de voyageurs s’effectuant sur seulement 27% des lignes du réseau.

Selon l’Arafer, « en 2016, 2.634 communes [étaient] desservies par au moins un service ferroviaire, dont 89% par un TER. 69% des communes de France métropolitaine [étaient] situées à moins de 10 km (à vol d’oiseau) d’une des 2.996 gares ou haltes ferroviaires exploitées et 90% de la population [résidait] à moins de 10 km de l’une de ces gares. […] Parmi les 2 996 gares et haltes ferroviaires exploitées sur le RFN [réseau ferré national], 245 gares seulement, dont 212 en Île-de-France, [enregistraient] plus de 100 mouvements de trains régionaux (TER et Transilien) chaque jour20. »

Le nouveau pacte ferroviaire de 2018 prévoit expressément la reconquête et la modernisation du réseau par des investissements conséquents (3,6 milliards d’euros chaque année entre 2017 et 2026, auxquels s’ajouteront 200 millions d’euros supplémentaires à partir de 2022) pour remplacer rails et caténaires, mettre en place de nouveaux systèmes de signalisation permettant de faire rouler plus de trains, et développer de nouvelles voies là où le trafic est engorgé. Ce pacte ferroviaire tourne par ailleurs le dos à la préconisation émise dans le rapport Spinetta de 2018 en faveur de la fermeture des « petites lignes ». Essentielles pour la desserte et l’offre de service dans les territoires périurbains et ruraux, ces lignes bénéficient, pour leur remise à niveau, d’une contribution de l’État à hauteur de 1,5 milliard d’euros dans le cadre des contrats de plan État-Régions (CPER).

Pour autant, cet effort se révèle de toute évidence insuffisant malgré l’apport financier grandissant des Régions aux côtés de l’État. Ainsi, dans le Grand Est, au-delà des 200 millions d’euros prévus au CPER 2015-2020, 800 millions d’euros sont encore nécessaires pour pérenniser le réseau existant dans les dix ans à venir, tandis que la suspension de trois lignes n’a pu être empêchée depuis 2016 faute de crédits suffisants.

Toujours pour la Région Grand Est, l’objectif commun des acteurs (État, Région, SNCF Réseau, SNCF Mobilités et autres exploitants potentiels) doit être de « renverser la vapeur » et de démontrer que l’ouverture à la concurrence ferroviaire n’est pas synonyme d’attrition du réseau, mais au contraire de reconquête du train, comme cela a été le cas en Allemagne. Ainsi, la Région souhaite s’engager à tester cette ouverture à la concurrence à court terme dans un secteur où les lignes ferroviaires sont sujettes à de fortes menaces, voire ont déjà subi des régressions. Elle invite SNCF Réseau et l’État à accompagner cette dynamique en finançant des projets de sauvetage ou de revitalisation de petites lignes ferroviaires selon des techniques innovantes, dans l’esprit du kit méthodologique proposé par SNCF Réseau à l’automne 201821.

3

Une ouverture par étapes pour ne pas déstabiliser un système complexe

Les principaux rapports portant sur l’ouverture à la concurrence prônent une démarche progressive, voire le lancement préalable d’expérimentations, de manière notamment à ne pas reproduire les erreurs qui ont présidé à la libéralisation du fret ferroviaire, engagée de manière à la fois globale, trop rapide et sans grande préparation, avec les conséquences négatives qui en ont résulté. Il en va ainsi du rapport du sénateur Hubert Haenel de 2009, qui indique : « Si nul ne sait quelle sera l’ampleur de cette ouverture, nul ne doit ignorer l’avalanche de difficultés juridiques, techniques, sociales, qu’elle entraînera. […] Il semble que les enseignements d’une expérimentation sont irremplaçables. L’expérimentation permet de faire émerger l’ensemble des questions pratiques que soulève la mise en concurrence du transport ferroviaire, et permet aussi de bénéficier d’un effet d’apprentissage, utile dans les perspectives d’une éventuelle mise en concurrence des trafics grande ligne22. » De même, le rapport Grignon de 2011 proposait, entre autres, d’expérimenter l’ouverture à la concurrence des TER sur un ensemble de lignes formant un ensemble techniquement et géographiquement homogène, avec un principe de délégation de service public, des comptes par lignes et des comptages sur le trafic transparents, fournis par la SNCF pour pouvoir comparer les offres des candidats avec la situation de référence23.

Enfin, en janvier 2018, au terme d’un important travail d’analyse, d’observation et d’audition des acteurs concernés, l’association Régions de France a élaboré des propositions tendant, elles aussi, à une progressivité de l’ouverture à la concurrence : « Les Régions sont convaincues que le processus d’ouverture doit être progressif. Chaque Région doit pouvoir avancer à son propre rythme, selon les caractéristiques de son réseau, la qualité de sa relation contractuelle avec SNCF Mobilités et les enjeux de son territoire. Elle doit pouvoir si elle le souhaite assurer directement le service, via une régie ou une société publique locale (SPL). La loi doit également introduire un cadre souple pour les relations contractuelles entre Région et opérateur. Elle doit permettre à chaque Région de disposer d’un maximum d’options pour pouvoir adapter les conditions d’exploitation du service ferroviaire à ses spécificités locales, en permettant notamment le transfert du matériel roulant et des ateliers de maintenance. La loi doit […] permettre aux Régions d’exercer pleinement leur rôle d’autorités organisatrices de transport (AOT) : transmission obligatoire des données d’exploitation et des données financières par l’opérateur en charge du service, organisation de la distribution, de l’information voyageurs et de la tarification des TER à l’échelon régional24. »

4

La préparation concertée entre la SNCF et les autorités organisatrices, gage de réussite

On l’a vu, dans le Grand Est, la Région et le Groupe SNCF  préparent  d’ores et déjà ensemble l’ouverture à la concurrence, dans leur intérêt commun bien compris. La Région porte en effet deux grandes priorités pour le ferroviaire :

  • ouvrir le Grand Est à 360°, en développant toutes les liaisons vers les régions et pays voisins ;
  • développer et dynamiser les liens entre villes moyennes et métropoles, en modernisant les lignes de desserte fine du territoire, en exploitation et en

Si elle est préparée de manière intelligente et pragmatique avec l’État et les acteurs de la filière ferroviaire, l’ouverture à la concurrence peut répondre à ces deux défis. En d’autres termes, la Région entend faire de l’ouverture à la concurrence le symbole d’un engagement fort en faveur de la construction européenne et de la modernisation des transports régionaux, deux enjeux emblématiques de l’action du gouvernement, pour lesquels le Grand Est entend être en pointe grâce à son positionnement particulier au cœur de l’Europe.

Plusieurs étapes ont déjà été menées en ce sens :

  • depuis la signature de la convention TER, démarche partenariale entre la Région et SNCF Mobilités pour améliorer la qualité et réaliser des gains de productivité, afin que la SNCF devienne suffisamment compétitive pour remporter des appels d’offres le moment venu ;
  • nouvelle gamme complète de tarifs TER lancée en septembre 2017 et stabilisée depuis septembre 2018 sur l’ensemble du périmètre Grand Est, y compris sur les relations vers Paris ;
  • inscription dans la convention TER  de  la  possibilité  d’expérimenter la concurrence ferroviaire sur une fraction détachable du réseau : 10% maximum, soit 3 millions de trains-km par an à partir du 1er janvier 2021. La Région souhaite lancer cet « appel d’offres test » en 2020, pour une attribution en 2021 et une exploitation à partir de 2022, ce qui nécessite d’écrire un cahier des charges dès 2019. Ce calendrier est conforme à la loi pour un nouveau pacte ferroviaire votée en juin 2018 (ouverture possible à partir de décembre 2019) et pourrait faire du Grand Est la première Région à mettre en œuvre la concurrence ferroviaire.

D’autres régions françaises abordent également l’ouverture du TER à la concurrence comme une réelle opportunité de repenser l’offre de transport dans une double perspective de développement économique et d’aménagement du territoire.

 

Notes

25.

Cité in Vincent Grimault, « Faut-il enterrer le train ? », Alternatives économiques, 20 mars.

+ -

La mise en concurrence du transport régional de  voyageurs  constitue une évolution inéluctable. Au contraire d’une privatisation, elle doit être considérée comme une chance pour ce fleuron français qu’est la SNCF, forte de son histoire issue du libéralisme de la révolution industrielle de XIXe siècle, des compétences exceptionnelles de ses collaborateurs et de sa renommée mondiale. L’opportunité lui est donnée en effet, au travers de cette évolution majeure, de contribuer encore davantage au développement du service public ferroviaire qui appartient à notre patrimoine national. Plus que jamais, on l’a vu, ce service public joue un rôle essentiel pour les transports du quotidien, la cohésion territoriale et sociale de notre pays, le développement de notre économie, la transition écologique et énergétique.

Maintenant que le droit national est conforme aux ambitions européennes, la SNCF possède toutes les cartes en main pour réussir ce défi, aussi bien pour limiter la dépense publique et améliorer l’offre de services aux usagers que pour maintenir – mieux encore, pour développer – la desserte de tous les territoires.

C’est d’abord, toute son histoire le démontre, une entreprise courageuse et volontariste, qui a toujours su se mobiliser et innover pour relever les défis qui se posaient à elle, qu’ils soient techniques, technologiques, économiques, sociétaux.

C’est ensuite un groupe qui a appris à fonctionner avec les donneurs d’ordre que sont les autorités organisatrices dont le rôle est, justement, de pousser l’entreprise à se transformer et à se remettre en question au service des usagers et du service public.

Ainsi, il nous apparaît que la SNCF est tout à fait à même d’être challengée et de se mesurer à la concurrence. « De façon globale, une dose de compétition est favorable à la performance du ferroviaire, estime ainsi Christian Desmaris, du Laboratoire Aménagement Économie Transports (LAET). Mais le plus important reste la qualité de la gouvernance publique. […] Des compétences que les Régions, qui gèrent les TER, ont désormais plutôt bien acquises25. »

C’est aussi un corps social fort de ses équipes, engagées au quotidien. L’ouverture à la concurrence ne réussira pas sans un nouvel élan de motivation et un appel à l’innovation et aux idées nouvelles.

Au-delà de la motivation des équipes, la pérennisation du réseau, les expérimentations progressives et la concertation avec les autorités organisatrices seront, à n’en pas douter, les trois ingrédients majeurs qui feront de l’ouverture à la concurrence une chance pour la SNCF, pour les Régions et pour la France.

Nos dernières études
Commentaires (0)
Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.