Résumé
I.

Introduction

II.

Une loi promulguée dans un contexte international favorable

1.

Les chefs de l’exécutif successifs de Hongkong n’ont pas réussi à faire adopter la LSN, pourtant inscrite dans la loi fondamentale de la RAS

2.

L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping à Pékin en 2012 a accru la pression sur le gouvernement hongkongais pour qu’il adopte la LSN

3.

La situation internationale a permis à Pékin de renforcer son contrôle sur Hongkong sans susciter de véritables mesures de rétorsion

III.

Des dispositions qui visent à intimider la société civile et à supprimer tout contestation

1.

De nouveaux « crimes », punis de lourdes peines, ont été ajoutés à la loi fondamentale de Hongkong

2.

Les institutions chargées de traiter ces nouveaux « crimes » sont établies en parallèle des institutions hongkongaises existantes

3.

Une police locale aux pouvoirs élargis

IV.

Les libertés publiques sont les premières à pâtir de cette nouvelle loi

1.

Les manifestations, l’expression publique des opinions et les élections désormais très surveillées

2.

Une justice davantage soumise au pouvoir exécutif

3.

Les organisations étrangères devraient connaître les mêmes difficultés qu’en Chine continentale

V.

Une société civile rapidement mise au pas

1.

Entre résignation et contestation

2.

L’éducation mise peu à peu au format « continental »

3.

La liberté de la presse remise en cause

VI.

Le monde des affaires et la place financière progressivement mis au pas

1.

De nombreuses entreprises et banques contraintes de faire allégeance à la LSN

2.

Les sanctions de l’administration Trump ne devraient pas perturber le monde des affaires hongkongais

3.

La LSN peut directement affecter les milieux d’affaires à travers les risques sur la confidentialité des données

VII.

LA FIN DU PRINCIPE « UN PAYS, DEUX SYSTÈMES » ?

1.

Un rattachement rapide à la Chine continentale peu probable

2.

Le maintien d’une large autonomie de Hongkong désormais exclu

3.

Une plus grande emprise de Pékin, directement sur la gouvernance et la société civile de Hongkong, indirectement sur les milieux économiques et financiers

Conclusion

Annexe

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Résumé

Entrée en vigueur le 30 juin 2020, soit la veille de l’anniversaire de la rétrocession de Hongkong à la Chine (1er juillet 1997), la loi de sécurité nationale (LSN) vise à intimider la société civile hongkongaise et à supprimer toute contestation. De nouveaux « crimes » sont désormais lourdement punis. Certaines dispositions vont très loin dans l’insécurité juridique. Directement subordonnées à Pékin, de nouvelles institutions de sécurité chargées de traiter ces « crimes » ont été mises en place.

Les libertés publiques sont les premières à pâtir de cette nouvelle loi. La société civile hongkongaise balance entre résignation et contestation. Le monde des affaires et la place financière sont également peu à peu obligés de rentrer dans le rang.

Limitées, les sanctions américaines ne devraient pas directement perturber le monde des affaires hongkongais. Mais la LSN peut affecter les milieux d’affaires à travers les risques sur la confidentialité des données et les pouvoirs exceptionnels dont jouissent désormais la police et les organes de sécurité de Pékin.

Pour autant, peut-on parler de la fin du principe « Un pays, deux systèmes » ? L’intégration complète de Hongkong à la Chine continentale semble peu probable. Cependant, le maintien d’une large autonomie de la région administrative spéciale (RAS) est désormais exclu. Il semblerait que Pékin veuille exercer une plus grande emprise, directement sur la gouvernance et la société civile de Hongkong, ainsi que, indirectement, sur les milieux économiques et financiers. La LSN s’apparente à une « seconde rétrocession ».

Jean-Pierre Cabestan,

Professeur à la Hong Kong Baptist University, directeur de recherche au CNRS et chercheur associé à Asia Centre (Paris).

Laurence Daziano,

Maître de conférences en économie à Sciences Po et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique. Spécialiste des pays émergents.

Auteur de l’ouvrage Les Pays émergents, approche géo-économique (Armand Colin, 2014).

Notes

1.

Sur l’arrière-plan politique de la LSN, voir Sebastian Veg, « Hong Kong Through Water and From the mass protests of 2019 to the national security law of 2020 », thediplomat.com, 1er juillet 2020.

+ -

2.

Une traduction française de la loi est disponible en annexe de la présente note.

+ -

Entrée en vigueur le 30 juin 2020, soit la veille de l’anniversaire de la rétrocession de Hongkong à la Chine (1er juillet 1997), la loi de sécurité nationale (LSN) a été promulguée à un moment favorable pour la Chine. L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping à Pékin en 2012 a accru la pression sur le gouvernement hongkongais pour qu’il adopte la LSN et la situation internationale a permis à Pékin de renforcer progressivement son contrôle sur Hongkong au cours des huit dernières années, sans susciter de véritables réactions 1.

La LSN et ses soixante-six articles 2, désormais ajoutés à la loi fondamentale de Hongkong, visent à intimider la société civile et à supprimer toute contestation. De nouveaux « crimes », en particulier la promotion de l’indépendance de Hongkong ou les violences contre la police, qualifiées d’actes « terroristes », sont désormais lourdement punis. Certaines dispositions vont très loin dans l’insécurité juridique, comme la remise en cause de l’indépendance judiciaire et le renforcement du pouvoir discrétionnaire des organes de sécurité. Directement subordonnées à Pékin, de nouvelles institutions de sécurité chargées de traiter ces « crimes » ont été mises en place en parallèle des institutions hongkongaises existantes, à présent placées sous leur étroite supervision.

Les libertés publiques sont les premières à pâtir de cette nouvelle loi. Les manifestations et les élections seront désormais très encadrées. La justice en matière de sécurité nationale dépendra largement du pouvoir exécutif qui choisira les juges et exclura les juges étrangers. Les organisations étrangères devraient connaître les mêmes difficultés qu’en Chine continentale.

La société civile hongkongaise, qui sera sans aucun doute rapidement mise au pas, balance entre résignation et contestation. L’éducation devrait être mise peu à peu au format « continental » et la liberté de la presse remise en cause.

Le monde des affaires et la place financière sont également peu à peu obligés de rentrer dans le rang. De nombreuses entreprises et banques ont été contraintes de faire allégeance à la nouvelle LSN. Limitées, les sanctions de l’administration Trump ne devraient pas directement perturber le monde des affaires hongkongais, mais la LSN peut cependant affecter les milieux d’affaires à travers les risques sur la confidentialité des données et les pouvoirs exceptionnels dont jouissent désormais la police et les organes de sécurité de Pékin.

Pour autant, peut-on parler de la fin du principe « Un pays, deux systèmes » ? Bien que l’intégration complète de Hongkong à la Chine continentale semble peu probable, le maintien d’une large autonomie de la région administrative spéciale (RAS) est désormais exclu. Il semblerait que Pékin veuille exercer une plus grande emprise, directement sur la gouvernance et la société civile de Hongkong, indirectement sur les milieux économiques et financiers. La LSN semble bien s’apparenter à une « seconde rétrocession ».

II Partie

Une loi promulguée dans un contexte international favorable

1

Les chefs de l’exécutif successifs de Hongkong n’ont pas réussi à faire adopter la LSN, pourtant inscrite dans la loi fondamentale de la RAS

Notes

3.

L’emphase a été placée ici par les auteurs.

+ -

4.

Né en 1937 à Shanghai (Chine), cet ancien homme d’affaires fut le premier chef exécutif de la région administrative spéciale de Hongkong à partir du 1er juillet 1997, quand Hongkong fut rendu à la Chine par le Royaume-Uni. Il démissionna en 2005, prétextant des problèmes de santé, mais plusieurs commentateurs ont fait allusion plutôt à son incompétence pendant la crise économique de 1997-1998 et l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en Les Hongkongais lui ont reproché sa trop grande proximité avec le gouvernement de Pékin et son manque de charisme.

+ -

5.

Né en 1944 à Hongkong, cet ancien fonctionnaire de l’administration coloniale britannique a été secrétaire en chef pour l’administration de Hongkong avant d’être chef de l’exécutif de 2005 à Son mandat fut marqué par l’adoption, en 2010, de la seule réforme électorale négociée entre Pékin et une partie du camp pan-démocratique : l’augmentation du nombre de sièges démocratiquement élus au LegCo de 30 à 40, sur un total passant de 60 à 70 sièges.

+ -

6.

Né en 1954 à Hongkong, ce chef d’entreprise devint chef de l’exécutif de Hongkong en 2012 avec le soutien de Pékin, ce qui lui fut reproché. En 2014, le projet de Pékin, accepté par Leung Chun-ying, d’élire le chef de l’exécutif au suffrage universel direct sur la base de candidats choisis par un comité de sélection dominé par l’establishment déclencha les manifestations connues sous le nom de « mouvement des parapluies ». Lors de son mandat, la société hongkongaise s’est considérablement divisée et le sujet de l’indépendance de Hongkong est devenu majeur, au grand dam de Pékin.

+ -

Aux termes de l’article 23 de la loi fondamentale de Hongkong, sorte de mini-Constitution qui organise les institutions politiques de la RAS établie lors du retour du territoire à la Chine en 1997, « la RAS doit promulguer elle- même 3 une loi de sécurité nationale (LSN) qui prohibe tout acte de trahison, de sécession, de sédition, de subversion contre le gouvernement populaire central, ou vol de secrets d’État, qui interdit à toute organisation ou tout groupe politique étranger de mener des activités dans la RAS et interdit toute organisation ou groupe politique d’établir des liens avec des organisations ou des groupes étrangers ». Le fait que la RAS de Hongkong est supposée rédiger et promulguer « elle-même » la LSN signifie que ni le gouvernement central ni l’Assemblée populaire nationale (APN) ne sont supposés intervenir dans ce processus.

Aucune date limite n’avait été fixée dans la loi fondamentale. Sur instruction de Pékin, le premier chef de l’exécutif de Hongkong, Tung Chee-hwa 4 tenta, en 2003, de faire adopter une telle loi de sécurité nationale par l’organe législatif, le Legislative Council of the Hong Kong Special Administrative Region (LegCo). Mais il se heurta à une forte opposition au sein de la population et dut renoncer à ce projet. Depuis, ses deux successeurs, Donald Tsang 5 (2005-2012) et Leung Chun-ying 6 (2012-2017), ont été incapables de remettre en chantier ce projet de loi, craignant de provoquer de nouvelles vagues de protestations.

Depuis la rétrocession de Hongkong à la Chine, le chef de l’exécutif est élu pour un mandat de cinq ans par un comité électoral composé initialement de 400 membres et aujourd’hui de 1.200 membres, représentants des divers secteurs de la société et de l’économie de Hongkong et élus sur une base corporatiste. Les 38 collèges professionnels dominent ce comité, tandis que les 70 membres du LegCo, et les représentants des conseils de districts (instances élues) y sont minoritaires. Le comité électoral est donc largement pro-establishment et pro-Pékin.

Sorte de Premier ministre, le chef de l’exécutif ne représente pas le principal parti politique du territoire. Il est en général un ancien haut fonctionnaire (Donald Tsang, Leung Chun-ying ou, aujourd’hui, Carrie Lam) ou du milieu des affaires (Tung Chee Hwa) en qui le gouvernement central a confiance. Ainsi, on soupçonne Leung Chun-ying d’être un membre souterrain du Parti communiste chinois, organisation qui paradoxalement n’est pas officiellement présente à Hongkong. L’élection du chef de l’exécutif n’est que très modérément compétitive, dans la mesure où tout candidat d’une formation d’opposition, comme le Parti démocrate et le Parti civique, n’a aucune chance d’être choisi par le comité électoral. Bien qu’élu, le chef de l’exécutif est cependant nommé par le gouvernement central. Il est donc fortement soupçonné de représenter davantage les intérêts de Pékin que ceux de la population de Hongkong qui, depuis 1997, vote en majorité (entre 55 et 60%) pour les partis d’opposition. Mais comme le LegCo, élu tous les quatre ans, n’est qu’à moitié démocratique (30 des 70 sièges représentent des collèges professionnels largement pro-establishment), ces partis d’opposition n’y occupent qu’une minorité de sièges (23 depuis 2016), source de frustrations permanentes parmi les milieux favorables à une extension de la démocratie à Hongkong.

2

L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping à Pékin en 2012 a accru la pression sur le gouvernement hongkongais pour qu’il adopte la LSN

L’échec de la campagne d’éducation patriotique lancée par Leung Chun-ying en 2012 puis le « mouvement des parapluies » en 2014, provoqué par le refus de Pékin d’introduire un mode d’élection démocratique du chef de l’exécutif hongkongais, ont retardé une fois encore le projet d’adoption de la LSN. De telle sorte que Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif de Hongkong depuis 2017, indiquait encore, au printemps 2019, que les circonstances n’étaient pas propices à l’adoption d’une telle loi. Mais le vaste mouvement de protestation dirigé contre un autre projet lancé au même moment par Carrie Lam, la loi d’extradition vers le continent chinois des fugitifs accusés de crimes, devait changer la donne. Parvenant dès la mi-juin 2019 à convaincre le gouvernement de Hongkong de suspendre ce projet de loi puis, début septembre 2019, de le retirer purement et simplement, ce mouvement de protestation a profondément polarisé la société hongkongaise.

Sa frange la plus déterminée et la plus violente a particulièrement inquiété le Parti communiste chinois qui, lors du 4e Plénum de son comité central, en octobre 2019, a décidé, lors de ses débats à huis clos, d’introduire coûte que coûte la LSN.

Étant donné les blocages récurrents dont le LegCo a été le théâtre ces dernières années (par exemple autour de la loi sur l’hymne national, finalement entrée en vigueur le 12 juin 2020), le gouvernement chinois annonçait, le 21 mai 2020, qu’il demanderait à l’Assemblée populaire nationale (APN), le parlement chinois, et en particulier à son comité permanent (175 membres qui se réunissent en moyenne six fois par an), de rédiger une telle loi et de l’ajouter à l’annexe III de la loi fondamentale, où figure un nombre limité de lois nationales qui s’appliquent à Hongkong. Cette décision a été approuvée, le 28 mai 2020, par l’APN. Trois semaines plus tard, le 18 juin, de manière exceptionnelle, le comité permanent de l’APN se réunissait à nouveau et indiquait qu’il allait, au cours de la session qu’il venait d’ouvrir, discuter du « projet de loi de sauvegarde de la sécurité nationale de la RAS de la RPC ». Il publia alors un résumé de la loi, mais son texte est resté secret jusqu’à son vote, sa promulgation puis son ajout à l’annexe III de la loi fondamentale, le 30 juin 2020. Aucune consultation publique de ce projet de loi n’eut lieu.

3

La situation internationale a permis à Pékin de renforcer son contrôle sur Hongkong sans susciter de véritables mesures de rétorsion

Notes

7.

Voir S. Department of States, « G7 Foreign Ministers’ Statement on Hong Kong », Media Note, Office of the Spokesperson, 17 juin 2020.

+ -

8.

Ibid. (Trad: « It would jeopardize the system which has allowed Hong Kong to flourish and made it a success over many years »).

+ -

9.

Ce jour-là, la police a procédé à l’arrestation de 370 personnes, dont 10 au titre de la nouvelle loi.

+ -

10.

Voir Alasdair Sandford, « Hong Kong: Johnson and Raab promise ‘new route’ to UK citizenship for British nationals », com, 1er juillet 2020.

+ -

11.

Outil administratif utilisé par les présidents des États-Unis et d’autres dirigeants fédéraux permettant l’application sélective de certaines lois.

+ -

12.

Voir « More than 70 countries voice support for China’s HK national security law at UNHRC », cn, 3 juillet 2020.

+ -

À l’annonce par Pékin du projet de LSN, les réactions du camp pan-démocratique ne se sont pas fait attendre : pour celui-ci, ce projet sonnait le glas du principe « Un pays, deux systèmes » imaginé par Deng Xiaoping. Les réactions des pays occidentaux ont été aussi à la fois rapides et négatives. Considérant cette loi comme une remise en cause de l’autonomie du territoire, les États-Unis ont menacé d’abolir, ou tout au moins de réviser, le Hong Kong Policy Act adopté en 1992 et qui accorde à la RAS de multiples avantages administratifs (notamment en ce qui concerne les visas) et commerciaux (l’absence de droits de douane par exemple), et menacé aussi de prendre des sanctions, alors encore indéterminées, à l’encontre de la Chine et de Hongkong.

Bien que l’Union européenne ait exclu d’imposer des sanctions à l’encontre de la Chine ou de Hongkong, elle a rapidement exprimé sa préoccupation. Dans une lettre datée du 26 mai 2020, le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a déclaré que le contrôle croissant de Pékin sur Hongkong affectait non seulement les intérêts directs de l’UE à Hongkong mais aussi le maintien d’un ordre international fondé sur des normes et dans lequel les engagements légaux et politiques sont respectés. Il a aussi appelé l’Union européenne à adopter une politique chinoise cohérente et unie.

Le 17 juin 2020, la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 a rendu publique une déclaration particulièrement critique à l’égard du gouvernement chinois 7, estimant que sa décision n’était pas conforme à la loi fondamentale de Hongkong, ni à ses engagements internationaux, en particulier la déclaration conjointe sino-britannique de 1984, traité international enregistré aux Nations unies aux termes duquel le gouvernement chinois s’engageait à accorder un « haut degré d’autonomie » au territoire. La déclaration du G7 jugeait également que le projet de LSN « mettait en danger le système qui avait permis à Hongkong de prospérer avec succès jusqu’à maintenant 8 ».

Au lendemain de l’entrée en vigueur de la LSN, à la lecture de ses dispositions et, surtout, à la suite des premières arrestations par la police lors des manifestations du 1er juillet 2020 9, les réactions des gouvernements étrangers ont été verbalement plus violentes mais sans grande conséquence pour autant jusqu’à présent. Le Canada a mis en garde ses ressortissants à Hongkong contre un risque de « détention arbitraire » et d’extradition vers la Chine continentale, puis, le 3 juillet, a suspendu son accord d’extradition avec Hongkong. À l’ONU, vingt-sept États, dont la France et le Japon, ont invité la Chine à réexaminer cette loi qui « menace » les libertés. À Londres, Boris Johnson a dénoncé une violation des conditions de la rétrocession et annoncé à la Chambre des communes, début  juin, une extension  des droits à l’immigration des quelque 350.000 Hongkongais nés avant la rétrocession en 1997 et détenant un passeport dit BNO (British National Overseas), qui  en principe ne leur permet pas de résider au Royaume-Uni. Début juillet, il a étendu ce droit aux enfants de ces BNO, rendant 2,9 millions de Hongkongais potentiellement éligibles 10. Pékin a laissé entendre qu’elle prendrait des mesures de rétorsion. Mais, à part refuser de reconnaître la validité de ce document de voyage et empêcher les Hongkongais de l’utiliser pour quitter le territoire, on voit mal quelles représailles pourrait exercer le gouvernement chinois.

Les États-Unis sont le seul pays qui a décidé de prendre des sanctions contre la Chine. Dès la publication du résumé de la loi, fin mai, l’administration Trump annonçait des mesures de rétorsion contre tous les fonctionnaires hongkongais ou chinois impliqués dans l’application de la LSN. Le 3 juillet 2020, le Congrès américain a adopté à l’unanimité le Hong Kong Autonomy Act, une loi étendant ces sanctions aux institutions financières dont ces fonctionnaires seraient les clients, provoquant une certaine incertitude dans les milieux bancaires internationaux établis à Hongkong. Le 14 juillet, le président Trump a signé cette loi, tout en utilisant la souplesse qu’elle lui offre en matière d’application (waivers 11). Parallèlement, fin juin, le département d’État des États-Unis annonçait que le pays mettrait fin aux ventes de hautes technologies et de matériel militaire à Hongkong. Cela étant, cherchant à protéger les intérêts des entreprises américaines actives dans la RAS, ces sanctions sont relativement limitées et ne sont pas de nature à remettre en cause l’application de la LSN.

Le coup de force de Pékin contre Hongkong couvait depuis la multiplication des contestations et des manifestations. Le contexte international du début 2020, avec le repli des États-Unis et la crise du Covid-19, a constitué un moment favorable en limitant les possibilités de réaction et, surtout, de sanction de la part des membres de la communauté internationale, plus occupés à gérer leurs propres difficultés sanitaires et économiques. À telle enseigne que, début juillet, le gouvernement chinois a réussi à convaincre plus de 70 pays de soutenir sa LSN, oubliant pour l’occasion son sacro-saint attachement à la non-ingérence dans ses affaires intérieures 12.

III Partie

Des dispositions qui visent à intimider la société civile et à supprimer tout contestation

Notes

13.

Une version de la LSN traduite en français est annexée à la présente note.

+ -

Dès le début de la LSN (art. 9) 13, il est indiqué que les écoles, les universités, les organisations publiques, les médias et Internet seront étroitement supervisés par la LSN. Le chef de l’exécutif est responsable de la bonne exécution de la LSN devant le gouvernement central de Pékin et doit soumettre un rapport annuel sur sa performance (art. 11). La LSN se conclut par diverses dispositions, notamment celles indiquant que cette loi prévaut dans son domaine sur toutes les autres lois de Hongkong (art. 62) et que le pouvoir d’interprétation de la loi revient au comité permanent de l’APN à Pékin (art. 65).

1

De nouveaux « crimes », punis de lourdes peines, ont été ajoutés à la loi fondamentale de Hongkong

Parmi les quatre principaux crimes inscrits à ce projet de loi, figurent la « sécession » (fenliezhuyi, art. 20), la « subversion » (dianfu guojia zhengquan, art. 22), le « terrorisme » (kongpuzhuyi, art. 24) et la « collusion avec des forces étrangères ou extérieures qui porte atteinte à la sécurité nationale » (goujie waiguo huo jingwai shili weihai guojia anquan, art. 29). La qualification de ce quatrième crime a changé et remplace « les activités d’ingérences de forces étrangères ou extérieures dans les affaires de la RAS de Hongkong » (waiguo huo waijing shili ganyu Xianggang tebie xingzhengqu shiwu de huodong). Tous ces crimes sont passibles de peines très lourdes, aussi bien pour les instigateurs (de 10 ans minimum à de la prison à vie) que pour les participants (de 3 à 10 ans de prison). La dénonciation d’autres participants permet d’alléger la peine de prison (art. 33). Les étrangers qui contreviennent à la loi peuvent être expulsés (art. 34).

La disposition visant à interdire à une personne condamnée au titre de la LSN d’être élue ou d’occuper un emploi public (art. 35) permettra d’écarter plus aisément les opposants, qui font généralement de bons scores dans les scrutins locaux lors des élections, notamment les élections législatives prévues le 6 septembre 2020.

Mais cette loi va plus loin encore. En effet, elle s’applique non seulement aux actes commis à Hongkong ou qui auraient des conséquences à Hongkong (art. 36), mais aussi aux personnes physiques ou aux personnes morales (art. 37), donc les entreprises, les fondations et les ONG, ou encore aux actes commis contre Hongkong « de l’extérieur » par « une personne qui n’est pas un résident permanent » (art. 38), ce qui revient à mettre en place une extraterritorialité de la LSN.

Globalement, le plus grand danger de cette loi est à la fois le caractère très vague des crimes contre la sécurité nationale qui y sont inclus ainsi que l’approche extensive de la sécurité nationale adoptée par le régime chinois depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. De fait, la LSN ne définit pas la notion même de sécurité nationale : sécurité du pays ou du régime, sécurité de l’État ou du Parti communiste chinois ?

2

Les institutions chargées de traiter ces nouveaux « crimes » sont établies en parallèle des institutions hongkongaises existantes

La LSN institue une nouvelle Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale (weihu guojia anquan weiyuanhui, art. 12), dirigée par le chef de l’exécutif et responsable devant le gouvernement central de Pékin. Le secrétaire général de cette commission est d’ailleurs désigné par le gouvernement central.

Mais la personne la plus importante de cette commission est le « conseiller » (guwen), choisi également par Pékin (art. 15). Nommé le 3 juillet 2020, celui-ci n’est autre que Luo Huining, le directeur du bureau de liaison du gouvernement central à Hongkong.

Une nouvelle unité placée sous l’autorité du chef de la police (Commissioner of Police) sera chargée d’appliquer la LSN (jingwuchu weihu guojia anquan bumen, art. 16). Elle coopérera avec les organes de sécurité publique et de sécurité d’État continentaux. Ces derniers aideront cette unité dans son travail. Ni la taille de cette nouvelle unité, ni les procédures organisant sa relation avec les organes de la sécurité publique et de la sécurité d’État établis sur le territoire de Hongkong ne sont pour l’instant connues.

Les relations entre la police de Hongkong et la sécurité publique sur le continent sont très étroites depuis la rétrocession. Ces liens se sont resserrés depuis le « mouvement des parapluies » de 2014. Depuis l’été 2019, plusieurs sources d’information ont attesté la présence d’éléments de la sécurité publique au sein de la police de Hongkong, probablement concentrés  dans la hiérarchie. Cette présence devrait devenir plus visible et, surtout, pour la première fois officielle. En effet, en mai 2020, il a été annoncé que des bureaux de la sécurité publique, de la police continentale et de la sécurité d’État, administration chargée de l’espionnage et du contre-espionnage, seront établis à Hongkong. S’il est fortement probable que, succédant à la Special Branch de l’époque britannique, des agents de la sécurité d’État opéraient à Hongkong depuis 1997, ils n’y avaient exercé jusqu’à maintenant aucun rôle officiel. Désormais, ce n’est plus le cas. Les articles 48 à 61 de la LSN instituent à Hongkong un bureau du gouvernement central chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale (weihu guojia anquan gongshu). Celui-ci est investi de larges pouvoirs discrétionnaires. Il guide et contrôle les organes hongkongais chargés de la sécurité nationale. Si ses fonctionnaires doivent respecter les lois de Hongkong, ils n’ont de comptes à rendre qu’à leur hiérarchie (art. 50). Financé par Pékin, ce bureau coopère étroitement avec les autres organes du gouvernement central présents dans la RAS, notamment le bureau de liaison, la représentation du ministère des Affaires étrangères et la garnison de Hongkong de l’Armée populaire de libération (APL) (art. 52). Il est chargé de surveiller plus étroitement les consulats étrangers ainsi que les ONG et les organes de presses internationaux installés dans la RAS (art. 54). Il peut se saisir des « cas complexes » de sécurité nationale, en particulier ceux impliquant une collusion avec l’étranger. Dans de tels cas, c’est la loi de procédure pénale chinoise qui s’applique et le « suspect » est transféré sur le continent pour y être incriminé et jugé (art. 57). Le « suspect » a droit à un avocat (art. 58). Les agents de ce bureau ne peuvent être soumis à une inspection de la police locale et jouissent de la même immunité que les diplomates chinois ou les soldats de l’APL (art. 60). D’après certaines sources, 300 fonctionnaires seraient déjà affectés à ce bureau.

Nommés le 3 juillet 2020, les responsables de ce bureau sont Zheng Yanxiong (directeur), l’ancien numéro trois de la province du Guangdong, qui a fait sa carrière dans les organes de propagande ; Li Jianzhou (directeur adjoint), ancien responsable des relations avec la police de Hongkong au sein du bureau de liaison du gouvernement central et représentant la sécurité publique ; et Sun Qingye (directeur adjoint), un fonctionnaire du ministère de la Sécurité d’État dont, par définition, on sait peu de choses.

Pékin se donne ainsi les moyens officiels et légaux de surveiller plus étroitement les personnes et les organisations susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale. Le gouvernement central de Pékin aura, en conséquence, moins besoin de s’appuyer sur la police de Hongkong et peut, parallèlement, lancer ses propres investigations avec l’aide de la sécurité publique ou de la sécurité d’État.

Mi-juin 2020, Deng Zhonghua, l’un des directeurs adjoints du Bureau des affaires à Hong Kong et Macao (BAHKM), dépendant du gouvernement chinois, a déclaré que les autorités centrales entendaient exercer le pouvoir d’enquêter, d’instruire puis de juger sur le continent « un petit nombre de cas graves » d’infractions à la LSN survenues « dans des circonstances particulières ». S’il a assuré que la majorité des infractions à la LSN seraient de la compétence des autorités de police et judiciaires de Hongkong, ses propos ont provoqué une vive inquiétude dans la RAS, y compris parmi les personnalités connues pour leur soutien à Pékin, comme Regina Ip, la secrétaire à la Sécurité de Hongkong en 2003 et la principale initiatrice du premier projet de LSN élaboré cette année-là. Ces déclarations visent à l’évidence à intimider tout Hongkongais ou même tout ressortissant étranger susceptible de commettre des actes portant atteinte à la sécurité de la République populaire. Deng Zhonghua s’est voulu néanmoins rassurant en confirmant le caractère non rétroactif de la LSN. De nombreux observateurs, en particulier les diplomates, craignaient en effet que cette loi soit rétroactive et par conséquent appelée à réprimer des activités politiques passées jugées subversives par la sécurité chinoise.

La nouvelle loi soulève de nombreuses interrogations sur les limites ainsi imposées à l’application de la Common Law à Hongkong pour certaines infractions pénales et sur la compatibilité entre la Common Law et le droit continental socialiste en vigueur dans le reste de la Chine populaire. Tout transfert de suspect vers le continent signifie que celui-ci ne pourra plus se réclamer des garanties juridiques fournies par la Common Law. Bien que Deng Zhonghua et les autres responsables de Pékin aient voulu rassurer en indiquant que, sur le continent, le principe de la « présomption d’innocence » était également respecté (celui-ci est inscrit à l’article 5 de la LSN), peu de Hongkongais ont confiance dans un système judiciaire continental dirigé à chaque échelon par le Parti communiste chinois et donc par la police politique.

D’une manière plus générale, la LSN va accroître les ingérences du bureau de liaison du gouvernement central (art. 52). Ce dernier ne s’estime déjà plus concerné, de manière officielle depuis le début 2020, par l’article 22 de la loi fondamentale selon lequel les organes du gouvernement central ne peuvent pas interférer dans l’administration de Hongkong. En réalité, depuis plusieurs années, en particulier depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2012, le bureau de liaison est déjà le véritable gouvernement de Hongkong. Il donne régulièrement des instructions aux divers départements du gouvernement de Hongkong présidé par Carrie Lam.

Depuis janvier 2020, on l’a vu, le bureau de liaison est dirigé par un poids lourd du régime, Luo Huining, membre du comité central du Parti communiste chinois, ancien secrétaire du parti de la province du Shanxi et proche de Xi Jinping. Depuis le début février, un autre poids lourd et allié de Xi Jinping, Xia Baolong, a pris la direction du BAHKM à Pékin. Au même moment, le bureau de liaison a été intégré au BAHKM, Luo Huining devenant (comme son collègue à Macao), directeur adjoint de ce dernier.

Parmi les interventions les plus récentes du bureau de liaison figure la dénonciation en avril 2020 du député Dennis Kwok, qui présidait le House Committee du LegCo, accusé de bloquer l’adoption de la loi sur l’hymne national. Peu après, Dennis Kwok  a été remplacé  quasiment  manu militari  à la tête de ce comité par une députée pro-establishment et la loi est passée.

3

Une police locale aux pouvoirs élargis

Notes

14.

Voir « Implementation Rules for Article 43 of the Law of the People’s Republic of China on Safeguarding National Security in the Hong Kong Spêvoal Administration Region », 6 juillet 2020.

+ -

En vertu de la LSN, la police de Hongkong a établi début juillet 2020 un département chargé d’appliquer la loi sur la sécurité nationale (art. 16). Ce département est investi de vastes pouvoirs d’enquête (art. 17). Ses compétences lui permettent d’inspecter, entre autres, les domiciles, les véhicules et les appareils électroniques des personnes physiques ou morales, sans toujours avoir forcément l’autorisation d’un juge. La police peut aussi geler les comptes en banque de tout suspect, intercepter ses communications, lui interdire de sortir du territoire ou bien le contraindre à supprimer des messages électroniques, sous peine d’amende ou de prison. La police a aussi désormais le pouvoir de demander des informations à toute organisation étrangère, même si celle-ci est située en dehors du territoire chinois (art. 43). Le 7 juillet, est entré en vigueur le règlement d’application de cet article 43, qui précise les circonstances dans lesquelles la police peut agir sans mandat émis par un juge. Ces circonstances sont à la fois vagues et vastes – les besoins de l’enquête –, en violation directe des normes internationales et de toute idée d’État de droit 14. Cet aspect de la LSN est aussi en flagrante contradiction avec l’esprit de la Common Law, en place à Hongkong.

IV Partie

Les libertés publiques sont les premières à pâtir de cette nouvelle loi

1

Les manifestations, l’expression publique des opinions et les élections désormais très surveillées

Notes

15.

Voir « Open letter from 86 groups: China – scrap national security law to save Hong Kong freedoms », com, 17 juin 2020.

+ -

16.

Voir « Beijing Expected to Use New Law to Stifle HK Politicians », asiasentinel.com, 10 juin 2020.

+ -

17.

Ibid.

+ -

La LSN ne s’applique pas seulement aux actes de sécession, de subversion, de sédition, de trahison ou de collusion avec l’extérieur, mais aussi aux paroles publiques susceptibles de favoriser de tels actes. En conséquence, la définition des crimes inclus dans la LSN est particulièrement large et vague. Par exemple, des déclarations en faveur de l’indépendance de Hongkong ou dénonçant le système politique de la Chine populaire peuvent faire l’objet de poursuites pénales.

En outre, est « criminalisé » tout propos susceptible de favoriser, « par des moyens illégaux », la « haine » du gouvernement central ou du gouvernement de la RAS (art. 29). Ainsi, la LSN institue pour la première fois  à Hongkong le délit d’opinion.

Contrairement à ce qui pouvait être craint, la LSN a été déclarée non rétroactive. Les autorités de police hongkongaises et continentales surveilleront néanmoins de près toute personne ou organisation qui, avant la promulgation de la loi, a commis un acte ou fait des déclarations qui tombent désormais sous le coup de cette loi. La LSN alourdit les peines déjà prévues par loi (minimum 10 ans de prison, voire prison à vie, au lieu de 10 ans pour les « émeutiers », comme le prévoit la LSN de Macao en vigueur depuis 2009).

En principe non menacé, le droit de manifester risque dans la réalité d’être progressivement remis en cause. Les manifestations du 1er juillet dernier, premier jour d’entrée en vigueur de la LSN, ont parfaitement illustré cette évolution. Interdites pour des raisons à la fois sanitaires et d’ordre public, elles n’ont réuni que quelques milliers de participants, rapidement pourchassés par la police et incapables de former un véritable cortège. Le grand nombre d’arrestations (370) et les premiers cas d’interpellation pour atteinte à la LSN (une dizaine) sont désormais de nature à dissuader nombre de jeunes protestataires de manifester, sauf si un tel défilé est expressément autorisé par la police, ce qui sera probablement de plus en plus rare.

En conséquence, il faut sans doute prendre au sérieux les menaces d’un Leung Chun-ying qui annonçait déjà, en mai 2020, que la soirée de commémoration du massacre de Tiananmen, le 4 juin, ne pourrait sans doute plus avoir lieu  à l’avenir, comme cela était le cas chaque année à Victoria Park depuis 1990.

Parmi les organisations, les partis politiques « localistes », c’est-à-dire favorables à une sorte d’autodétermination de Hongkong, et les organisations religieuses illégales sur le continent, comme le Falun Gong, seront probablement bannis. Le parti Demosistō, le parti pro-démocratie fondé par Joshua Wong, Agnes Chow et Nathan Law en 2016, a pris les devants : il s’est autodissous le 30 juin dernier et Nathan Law a quitté Hongkong. Les organes de presse les plus critiques à l’égard du Parti communiste chinois, comme Apple Daily News (Pingguo ribao) sont également menacés. Son directeur Jimmy Lai fait l’objet d’une surveillance constante depuis au moins le début du mois de juillet et pourrait être prochainement poursuivi pénalement.

Le 17 juin 2020, 86 organisations hongkongaises et internationales (ONG, institutions religieuses, institutions culturelles et organisations de droits de l’homme) ont écrit à Li Zhanshu, le président de l’APN, pour lui exprimer leur inquiétude sur la LSN et l’avenir de leurs activités à Hongkong 15.

Pour l’heure, aucune entreprise industrielle et commerciale hongkongaise, continentale, taïwanaise ou étrangère n’est visée directement par la LSN. Mais si une telle entreprise venait à financer des partis ou des personnalités politiques jugés indépendantistes ou subversifs par Pékin, à afficher de telles idées ou à laisser ses employés le faire, elle pourrait être poursuivie pour atteinte à la LSN. Les mesures restrictives prises à l’encontre de tout message électronique jugé en infraction avec la LSN vont à coup sûr accroître l’inquiétude des entreprises étrangères.

Dès l’entrée en vigueur de la LSN, la rapide interdiction par la police des Lennon Walls, ces murs couverts de billets exprimant une revendication politique particulière et souvent installés dans des cafés ou des restaurants dits « jaunes » c’est-à-dire favorables au mouvement de protestation, a surpris beaucoup de Hongkongais. En effet, ces messages sont loin de tous promouvoir l’indépendance de Hongkong. Ils demandent pour la plupart au gouvernement de satisfaire les revendications du mouvement anti-extradition, notamment la mise en place d’une enquête indépendante sur les violences policières et une véritable démocratisation des institutions politiques de la RAS. Cette nouvelle limite à la liberté d’expression constitue à l’évidence une remise en cause supplémentaire de l’autonomie du territoire.

La LSN va aussi permettre à l’administration de disqualifier plus facilement les candidats démocrates ou localistes aux élections législatives prévues pour le 6 septembre 2020 16. Les candidats localistes potentiels comme Joshua Wong sont particulièrement visés, mais l’on peut craindre que tout candidat pan-démocratique qui a critiqué la LSN soit disqualifié par le fonctionnaire chargé de l’enregistrement des candidatures. Ce fonctionnaire jouit d’un pouvoir quasi discrétionnaire en la matière, dont il a déjà usé lors des précédentes élections, notamment en 2016, pour écarter de la consultation des candidats jugés indépendantistes ou favorables à l’autodétermination de Hongkong, tels Alice Lai ou Edward Leung. Certaines déclarations de responsables de Hongkong vont dans ce sens, demandant à chaque candidat de faire allégeance à la loi fondamentale, en particulier à son annexe III, émettant déjà ex ante des doutes sur la sincérité du soutien des candidats pan-démocratiques à la LSN et laissant le fonctionnaire en charge de l’enregistrement des candidatures seul juge en la matière 17. Certains candidats disqualifiés à l’élection législative partielle de 2018, comme Agnes Chow, ont par la suite obtenu partiellement gain de cause devant les tribunaux (pour vice de procédure), mais le juge n’a pas pour autant invalidé sur le fond la décision administrative prise à son égard.

L’objectif de Pékin comme du camp pro-establishment à Hongkong est d’éviter coûte que coûte de laisser les partis pan-démocratiques prendre le contrôle de la majorité des sièges au LegCo. Même si cet objectif reste difficile à atteindre pour l’opposition, du fait du caractère faussé des élections législatives, la victoire inattendue du camp pan-démocratique aux élections des conseils de district en novembre 2019 – les seules élections véritablement démocratiques – a alimenté les inquiétudes du Parti communiste chinois.

Plus largement, la LSN risque de remettre en cause l’application à Hongkong du pacte de l’ONU relatif aux droits civils et politiques, pacte qui figure pourtant dans la loi fondamentale de Hongkong comme dans la LSN (art. 4). En effet, loi nationale, la LSN l’emporte sur la Bill of Rights Ordinance (1991), loi locale de Hongkong où sont consignés les droits figurant dans le pacte de l’ONU. À noter que la République populaire de Chine a signé ce pacte mais  ne l’a pas ratifié.

2

Une justice davantage soumise au pouvoir exécutif

La LSN remet en cause l’indépendance du pouvoir judiciaire. En effet, jusqu’à présent, tous les juges étaient nommés par le chef de l’exécutif sur proposition de la commission de recommandation des officiers judiciaires, dont les avis étaient en général suivis. Or les juges chargés des affaires de sécurité nationale sont désormais choisis et nommés par le chef de l’exécutif (art. 44). Celui-ci peut consulter la commission chargée de sauvegarder la sécurité nationale ou le président de la cour d’appel final (Chief Justice) avant de prendre sa décision mais il n’en a pas l’obligation. Le 3 juillet 2020, Carrie Lam a ainsi nommé six juges, mais seul le nom du principal d’entre eux a été rendu public.

En outre, les affaires de sécurité nationale ne pourront pas être jugées par des juges étrangers, qui pourtant siègent régulièrement dans les divers tribunaux de Hongkong, mais par des juridictions spécialement établies à cet effet. La « double allégeance » des juges étrangers est devenue suspecte aux yeux de Pékin 18, ceux-ci venant du Royaume-Uni ou de pays du Commonwealth, comme l’Australie ou le Canada. Cette évolution est de nature à inquiéter les milieux d’affaires, notamment en matière de protection de la propriété intellectuelle ou en cas de conflit avec un grand groupe d’État chinois.

Elle va aussi contribuer à affaiblir le rôle de la Commission indépendante contre la corruption (Independent Commission Against Corruption). Déjà contestée depuis plusieurs années, notamment pour avoir refusé d’enquêter sur les revenus, jugés illégaux par certains, perçus par l’ancien chef de l’exécutif Leung Chun-ying, cette commission devra sans doute rester à l’écart de toutes les affaires de corruption touchant à la sécurité nationale. Celles-ci seront sans doute traitées par le bureau de sécurité nationale du gouvernement central en étroite coordination avec les organes de contrôle de la discipline du Parti communiste chinois si elles mettent en cause une entreprise continentale.

3

Les organisations étrangères devraient connaître les mêmes difficultés qu’en Chine continentale

Désormais, il sera aussi plus facile, grâce à la LSN, de réprimer ou de démanteler les organisations étrangères. Par exemple, les fondations américaines comme la National Endowment for Democracy ou le National Democratic Institute, accusées par Pékin de dépendre de la CIA, seront probablement interdites et les financements qu’elles apportent à des études ou à des projets, y compris universitaires, seront sans doute aussi proscrits. De même, les ONG s’occupant des droits de l’homme, telles Amnesty International, auront sans doute du mal à maintenir leur bureau à Hongkong. Certaines d’entre elles, comme Human Rights Watch, pensent déménager à Taiwan.

Alors qu’elles subissent de nombreuses restrictions sur le continent, il faudra voir également si les fondations politiques allemandes, telles la Konrad Adenauer Stiftung ou la Friedrich Ebert Stiftung, pourront poursuivre leurs activités à Hongkong comme auparavant.

V Partie

Une société civile rapidement mise au pas

1

Entre résignation et contestation

Notes

19.

Né en 1928 en Chine, cet homme d’affaires milliardaire a fait sa fortune notamment dans l’immobilier.

+ -

On ne sait pas trop quelle va être la réaction de la société civile hongkongaise à l’introduction de la LSN. Bien que le mouvement de protestation qui a émergé en 2019 se soit quelque peu essoufflé, une reprise de la contestation et même des nouvelles bouffées de violence ne peuvent être exclues.

Dans un cas d’extrême violence, l’intervention de l’APL ou de la Police armée populaire (PAP), dont certains détachements se sont déjà installés dans les casernes de l’APL de la RAS, est possible. Nouveau et pas encore officiel, le positionnement à Hongkong d’un contingent de la PAP a un caractère avant tout dissuasif. Mais, contrairement à l’APL, dont le rôle sur le territoire est avant tout symbolique, la PAP pourrait être amenée à épauler la police de Hongkong et ses 31.000 policiers si celle-ci se trouvait d’aventure incapable de faire face à la situation. Officiellement forte de 5.000 officiers et soldats, la garnison de l’APL de Hongkong ne compte pas plus de 2.000 personnes sur le territoire de la RAS. En revanche, les effectifs de la PAP sont inconnus. En outre, déjà ouvertement prépositionnée en 2019, la PAP stationnée à Shenzhen pourrait également intervenir en cas de crise.

Dans de telles circonstances, la crédibilité de la place financière de Hongkong pourrait être sérieusement atteinte, du moins pendant un certain temps. Cela dépendra du niveau de violence utilisé par la PAP et de l’opposition locale à son intervention. Si la PAP contribue à rétablir l’ordre et à rassurer les milieux d’affaires, l’impact négatif de son intervention restera provisoire. Si, au contraire, les milieux d’affaires y voient une menace à la crédibilité de la place financière, le gouvernement de Hongkong devra rapidement reprendre en main la situation par lui-même.

Ce scénario reste extrême et peu probable tant que la police de Hongkong sera capable de gérer les manifestations, de les interdire ou de les canaliser afin d’éviter qu’elles tournent à la violence. Si l’on ne peut exclure une reprise de la contestation et de l’activisme étudiant ou parmi certains secteurs de la jeunesse hongkongaise, le reste de la société, bien qu’inquiète, aspire à un retour à la normale et fait preuve d’une certaine résignation.

Dans ces circonstances, la vie économique hongkongaise ne devrait pas être perturbée de manière significative. À mesure que le territoire lève les restrictions imposées par l’épidémie de Covid-19, la consommation redémarre. La reprise progressive des voyages vers d’autres pays (la Thaïlande, par exemple) ou d’autres régions (Macao ou le Guangdong) déclarés sûrs sur le plan sanitaire va également contribuer à une relance de la consommation.

En outre, en hausse depuis la promulgation de la LSN, la place boursière de Hongkong est de plus en plus dominée par les grands groupes chinois continentaux (près de 80% de la capitalisation boursière en 2020). Le découplage progressif entre l’économie chinoise et l’économie américaine pourrait inciter la Bourse de Hongkong à devenir encore plus « chinoise ».

Quant aux tycoons hongkongais, leur rôle apparaît limité dans cette évolution. Ils n’ont pas été consultés lors de l’élaboration de la LSN et il est clair qu’ils n’occupent plus la place dominante qui était la leur au moment de la rétrocession. Li Ka-shing 19, le patron de Cheung Kong Holding et l’homme le plus riche de Hongkong, a entrepris depuis longtemps de diversifier la localisation de ses avoirs et de ses investissements. Tous n’ont pas suivi son exemple, mais ses décisions restent une source d’inspiration et influence de nombreux acteurs économiques et financiers à Hongkong. Les empires hongkongais ne risquent pas d’être démantelés mais ils vont continuer de perdre en puissance relative. Certains d’entre eux seront marginalisés ou contraints de fusionner avec les nouveaux groupes publics ou privés continentaux.

2

L’éducation mise peu à peu au format « continental »

Notes

20.

Voir « EDB provides schools with guidelines on display of national flag and regional flag, and playing and singing of national anthem », gov.hk, 18 juin 2020.

+ -

21.

Voir « ‘Glory to Hong Kong song not allowed at school’ », news.rthk.hk, 11 juin 2020.

+ -

22.

Voir Chan Ho-him et Victor Ting, « Hong Kong protests: Ying Wa College pupils defiant after principal vows disciplinary action and Education Bureau ‘highly concerned’ over campus rally », scmp.com, 19 juin 2020.

+ -

23.

Voir Kelly Ho, « Students cannot be ‘poisoned’ with ‘false, biased’ information says Hong Kong’s Carrie Lam, vowing action », hongkongfp.com, 11 mai 2020.

+ -

24.

Voir « Hong Kong must now rely on its own efforts to protect academic freedom », hongkongfp.com, 2 juin 2020.

+ -

Des restrictions à la liberté politique dans les écoles sont également à craindre. Déjà, depuis le 12 juin 2020, toutes les écoles de Hongkong doivent obligatoirement arborer le drapeau de la Chine populaire et enseigner à leurs élèves l’hymne national communiste 20. Ceux-ci devront l’apprendre et le chanter régulièrement. Mais, d’après le secrétaire à l’Éducation Kevin Yeung, le chant du mouvement de protestation Glory to Hong Kong sera interdit, tandis que le chant de cantopop Love the Basic Law sera autorisé 21. Deux poids, deux mesures.

Ces nouvelles interdictions seront difficiles à faire respecter dans un premier temps. En effet, le 18 juin, un certain nombre de lycéens 22 ont déjà défié le pouvoir, chantant justement Glory to Hong Kong et criant « L’indépendance de Hongkong est la seule solution » dans de leur école. Cependant, annoncé le 6 juillet, le retrait des bibliothèques publiques puis des écoles de livres indépendantistes ou même favorables à la démocratie, comme celui de la députée du Parti civique Tanya Chan, a fait l’effet d’une douche froide.

Ce retrait préjuge d’une volonté de répression non seulement du mouvement « localiste » mais aussi de toutes les idées favorables à l’extension de la démocratie à Hongkong ou tout simplement critiques à l’égard du Parti communiste chinois.

Les sujets enseignés dans les écoles, le contenu des questions posées lors des examens d’histoire et les autres matières dites « libérales » devraient également faire l’objet d’un contrôle plus étroit. Ces matières et les professeurs qui les enseignent sont de plus en plus critiqués par l’establishment, y compris par Carrie Lam elle-même, comme étant responsable des mouvements récents de protestation et du manque de « sentiments patriotiques » parmi les élèves hongkongais 23.

Début juin 2020, il a été demandé aux présidents des huit universités de Hongkong de se prononcer en faveur de la LSN. Si tous les conseils des huit universités ont apporté leur soutien à la nouvelle loi, seuls cinq des huit présidents ont accepté de le faire. Exigée par le Parti communiste chinois, cette déclaration d’allégeance se nomme biaotai en jargon de la République populaire.

Pour l’instant, si l’autonomie des universités est de plus en plus sujette à caution, la liberté académique semble encore préservée. Mais la LSN vise expressément les universités, qui, comme les écoles, devront enseigner le contenu de cette loi ainsi qu’introduire des cours d’éducation patriotique. De telles mesures se heurteront probablement à une résistance des étudiants. Néanmoins, les risques encourus vont probablement convaincre la plupart d’entre eux à accepter ou à faire semblant de se soumettre. Le corps enseignant, en particulier celui d’origine étrangère, se pose beaucoup de questions sur les limites éventuelles imposées au contenu des enseignements, notamment dans les disciplines relevant des sciences sociales. En réalité, la montée en puissance et en prestige des universités chinoises, pourtant soumises à la censure, pourrait inciter le gouvernement central à peu à peu étendre les restrictions politiques imposées aux universités de Hongkong. Les sciences sociales en souffriront mais pas les sciences dures, les seules qui intéressent vraiment le Parti communiste chinois.

De fait, il y a déjà un certain nombre de sujets de recherche que les universitaires hongkongais évitent, comme la question des Ouïgours au Xinjiang, les problèmes politiques du Tibet ou même les activités des mouvements dissidents en Chine. La recherche reste financée et gérée par des instances dans lesquelles siègent des universitaires étrangers, comme le Research Grant Council. Ce  modus operandi n’est pas pour l’instant menacé.

Mais le maintien de la liberté académique, c’est-à-dire de la possibilité d’enseigner et de travailler sur tous les sujets sans restriction politique, n’est plus garanti 24. Le niveau de liberté dépendra du rapport des forces que les universitaires pourront établir et maintenir aussi bien avec les autorités de Hongkong qu’avec celles de Pékin.

3

La liberté de la presse remise en cause

Notes

24.

Voir « Hong Kong must now rely on its own efforts to protect academic freedom », hongkongfp.com, 2 juin 2020.

+ -

25.

Voir Tom Grundy, « Hong Kong public broadcaster suspends satirical show hours after gov’t demands apology for ‘insulting’ police », hongkongfp.com, 19 mai 2020.

+ -

26.

Voir Primrose Riordan et Nicolle Liu, « Foreign journalists warned on HK independence reporting », Financial Times, 7 juillet 2020.

+ -

27.

Voir « Hong Kong: how the national security law could be used against journalists », rsf.org, 19 juin 2020.

+ -

28.

Voir « Hong Kong: Journalists overwhelmingly oppose China’s National Security Law », ifj.org, 19 juin 2020.

+ -

29.

Voir Matt Clinch, « Carrie Lam suggests foreign influence in Hong Kong protests: ‘Perhaps there is something at work’ », com, 21 janvier 2020.

+ -

30.

Voir https://rsf.org/en/ranking/2020.

+ -

Déjà mise à mal depuis plusieurs années, la liberté de la presse va progressivement être plus largement remise en cause. Ainsi, Radio Television Hong Kong (RTHK) devrait voir son autonomie se réduire et la radio a déjà été rappelée à l’ordre en mars 2020 pour avoir diffusé une émission sarcastique sur la police de Hongkong 25 ou posé des questions jugées politiquement déplacées à propos de Taiwan, notamment sur sa mise à l’écart de l’Organisation mondiale de la santé. Début juillet, certaines personnalités hongkongaises proches de Pékin ont mis en garde les médias étrangers leur demandant d’éviter de soutenir le mouvement indépendantiste ou de publier des « fausses nouvelles », sous peine d’expulsion 26.

Le 18 juin dernier, l’organisation Reporters sans frontières a exprimé son inquiétude concernant les atteintes à la liberté de la presse que la nouvelle LSN pourrait imposer 27. D’après une enquête, 98% des journalistes hongkongais sont opposés à la LSN 28. Ils craignent en particulier d’être accusés de diffuser des « secrets d’État » ou de complicité d’activités « terroristes », de sécession ou de subversion s’ils se montrent trop favorables ou compréhensifs à l’égard des mouvements de protestation. Les médias internationaux sont également visés, surtout depuis qu’en janvier 2020 Carrie Lam a accusé des organes de presse étrangers de soutenir les manifestants et donc de s’ingérer dans les affaires intérieures de Hongkong 29. Occupant la dix-huitième place en 2002, Hongkong est tombée à la quatre-vingtième place mondiale en termes de liberté de la presse en 2020, d’après le RSF Press Freedom Index 30.

VI Partie

Le monde des affaires et la place financière progressivement mis au pas

1

De nombreuses entreprises et banques contraintes de faire allégeance à la LSN

Comme un prélude aux demandes de déclaration d’allégeance, déjà lors du mouvement de protestation de 2019, la compagnie aérienne de Hongkong, Cathay Pacific, fut obligée par Pékin de sanctionner ses employés qui s’étaient montrés favorables à ce mouvement. À l’époque, 30% des parts de Cathay Pacific appartenaient à Air China, la compagnie officielle chinoise. Mais la menace avancée par Pékin de suspendre les liaisons aériennes vers le continent a contraint Cathay Pacific, qui appartient encore principalement (45% des parts) au groupe anglo-hongkongais Swire, à céder. Début juin 2020, afin d’éviter une faillite du groupe, le gouvernement de Hongkong a recapitalisé Cathay Pacific à hauteur de 39 milliards de dollars de Hongkong (5 milliards de dollars américains), ramenant les parts de Swire, d’Air China et de Qatar Airways à respectivement 42%, 28% et 9,4%. En conséquence, le gouvernement de Hongkong, qui souhaite rester un actionnaire à long terme de Cathay Pacific, a été en droit de nommer deux observateurs au conseil d’administration du groupe. À l’avenir, il sera plus difficile encore pour les employés de Cathay Pacific d’exprimer en public une quelconque opinion politique critique.

En mai 2019, la Hongkong and Shanghai Banking Corporation (HSBC) et la Standard Charter Bank ont dû publiquement manifester leur soutien (biaotai) à la LSN, bien que le contenu de cette loi ne fût pas alors encore connu et que ces deux banques aient leur siège à Londres. Les deux banques jouent en effet un rôle officiel à Hongkong : avec la Bank of China, elles font partie des trois banques émettrices de dollars Hongkong. Elles se trouvent dans une situation délicate, le gouvernement britannique et une partie de leurs actionnaires leur demandant de respecter leurs responsabilités sociales d’entreprise au regard de la loi du Royaume-Uni et, surtout, d’assumer leurs responsabilités politiques en termes de droits de l’homme et de démocratie. Parmi les solutions pour sortir de l’impasse, une scission de ces deux banques pourrait être envisagée, la partie hongkongaise se libérant de toute obligation de ce genre à l’extérieur et vice-versa.

En plus des entreprises ou organisations d’État chinoises, et d’après des informations réunies sur place, d’autres sociétés ou institutions financières ont également été discrètement approchées pour faire allégeance à la LSN. Mais cette déclaration d’allégeance n’a pas été dans la plupart des cas rendue publique, les entreprises cherchant à se protéger contre d’éventuelles représailles d’activistes du mouvement de protestation et Pékin souhaitant maintenir l’attractivité de la place de Hongkong.

Cette promesse de confidentialité n’a pas convaincu toutes les sociétés. Ainsi, un propriétaire hongkongais d’immeubles et de locaux commerciaux a refusé de signer une telle déclaration de crainte de voir ses magasins dévastés par les protestataires. Il est encore difficile de savoir si cette demande d’allégeance s’est étendue à l’ensemble des groupes étrangers implantés à Hongkong, par exemple dans l’industrie du luxe ou de la vente en détail. Il est probable que seules les grandes sociétés ont été ou seront approchées par le Parti communiste chinois ou ses représentants.

De nombreux représentants des milieux d’affaires hongkongais ou même étrangers implantés sur le territoire aspirent à un retour au calme et par conséquent soutiennent la LSN. Les sociétés ou institutions financières étrangères ont dû se « discipliner » ou se séparer de leurs employés qui utilisaient leur affiliation officielle pour exprimer des opinions critiques à l’égard de la Chine populaire. En 2019, BNP Paribas, présente à Hongkong depuis 1860, a dû présenter ses excuses et déclarer avoir pris des mesures internes après qu’un de ses employés hongkongais s’était moqué sur les réseaux sociaux d’un groupe d’individus ayant chanté l’hymne national chinois à Hongkong.

Les milieux d’affaires se sont habitués à la perte progressive d’autonomie de Hongkong, tant que cette évolution n’affecte pas leurs activités quotidiennes. En outre, ils ont été les principales victimes des mouvements de protestations de 2019 ou même de 2014. Mais si Pékin estime avoir mis les milieux d’affaires de son côté, ceux-ci sont dans la réalité plus inquiets qu’ils ne le disent en public sur les conséquences de la LSN.

2

Les sanctions de l’administration Trump ne devraient pas perturber le monde des affaires hongkongais

Brandies comme menace, les sanctions de l’administration Trump n’ont pas encore été complètement rendues publiques et leurs conséquences sont pour l’instant limitées. Il est cependant peu probable qu’elles portent directement atteinte aux intérêts des 13 000 entreprises et des quelque 85 000 citoyens américains établis à Hongkong. L’American  Chamber  of  Commerce  in Hong Kong a déjà, à plusieurs reprises, exprimé son inquiétude à la fois sur l’impact de la LSN et sur la nature des sanctions que l’administration Trump pourrait prendre.

Les sanctions américaines resteront probablement ciblées et éviteront d’introduire des mesures extrêmes, de type « nucléaire », comme l’interdiction des opérations en dollars américains ou l’introduction de restrictions sur les transferts de capitaux en direction des États-Unis (ou dans l’autre sens). Ces sanctions ne devraient pas non plus introduire des droits de douane sur les

 

produits ou services en provenance de Hongkong, et sans doute aussi de Chine, s’ils sont fabriqués par des entreprises non chinoises (Hongkong réexporte de nombreux produits chinois). Les États-Unis jouissent d’un excédent commercial avec Hongkong (31 milliards de dollars en 2018) et seraient donc les premières victimes de telles restrictions.

Parmi les personnes physiques probablement visées par les sanctions américaines, on peut citer le secrétaire hongkongais à la Sécurité John Lee Ka-chiu, la secrétaire à la Justice Teresa Cheng Yeuk-wah, le chef de la police Chris Tang Ping-keung et les responsables du nouveau bureau de sécurité nationale. Leurs avoirs éventuels aux États-Unis seront gelés et tout déplacement vers les États-Unis leur sera interdit. Il est aussi possible que certains groupes chinois installés à Hongkong (ou sur le continent) fassent l’objet de sanctions ou de restrictions, par exemple en termes de transferts de capitaux à partir des États-Unis.

D’après le Hong Kong Autonomy Act, les banques ou entreprises chinoises qui ont déjà des « transactions significatives » avec des personnes ou des entités responsables d’atteintes à l’autonomie de Hongkong (police, responsables du Parti communiste chinois) pourraient être visées. La Banque de Chine, la Banque chinoise de la construction, la Banque industrielle et commerciale de Chine et la China CITIC Bank sont probablement déjà sur la liste. Mais il reste difficile pour l’heure de déterminer quels groupes seront effectivement sanctionnés.

Le secteur des hautes technologies sera directement touché par les sanctions américaines. À l’avenir, tout transfert de technologies avancées ou duales vers Hongkong sera soumis aux mêmes restrictions que les transferts vers la Chine continentale, et ceci en dépit de la coopération qui existe depuis longtemps entre le FBI et le service des douanes de Hongkong et qui permet d’éviter en principe toute fuite de ces technologies vers le continent. Depuis l’adoption et la promulgation de la loi américaine sur les droits de l’homme et la démocratie à Hongkong (Hong Kong  Human Rights and Democracy Act) en novembre 2019, les contrôles sur les transferts de telles technologies ont déjà été renforcés. Avec l’introduction de la LSN, ces contrôles ont été durcis. Ces restrictions pourraient toucher de nombreuses sociétés chinoises et pas uniquement Huawei ou ZTE, qui sont déjà la cible de l’administration Trump. Elles seraient également susceptibles d’affecter les centres de recherche des universités de Hongkong, comme ceux de la Hong Kong University of Science and Technology, qui travaillent souvent en étroite collaboration avec des centres de recherches installés sur le continent.

3

La LSN peut directement affecter les milieux d’affaires à travers les risques sur la confidentialité des données

Notes

31.

Voir « Security law – Facebook, Google and Twitter suspending user info requests from Hong Kong gov’t », hongkongfp.com, 6 juillet 2020.

+ -

32.

Voir Peter Landers et Chieko Tsuneoka, « Japan Woos Hong Kong Business as Abe Cools to China », wsj.com, 18 juin 2020.

+ -

La frontière entre la sécurité et les autres aspects du système légal hongkongais pose potentiellement problème. Cette question touche particulièrement la confidentialité des données des entreprises étrangères ou même hongkongaises et la cybersécurité des entreprises. Dans quelle mesure cette confidentialité pourrait être remise en question dans le cadre d’enquêtes conduites par la police de Hongkong sur la sécurité publique ou la sécurité d’État au nom de la LSN, cela reste à déterminer. Et les autorités de Hongkong pourront-elles continuer à assurer la sécurité – et la liberté en principe garantie – des communications informatiques ? Bien que l’accès à Google, Facebook et Twitter reste autorisé à Hongkong, ces risques existent désormais et pourraient aussi porter atteinte à la protection de la propriété intellectuelle, en particulier si une entreprise fait l’objet d’une enquête pour infraction à la LSN.

C’est la raison pour laquelle, au nom de la liberté d’information et de la vie privée, les plateformes comme Facebook WhatsApp, Twitter et Telegram ont annoncé le 6 juillet 2020 qu’elles suspendaient provisoirement leur coopération avec la police de Hongkong si celle-ci leur demandait des informations sur leurs clients. Mais combien de temps ces sociétés pourront- elles maintenir une telle position ? À terme, il leur faudra soit se soumettre, soit abandonner Hongkong 31. L’application TikTok, qui appartient au groupe chinois ByteDance, en a déjà tiré les conséquences : elle a quitté Hongkong mais au même moment Douyin, qui dépend du même groupe et concentre ses activités en Chine, s’y est installé. Ainsi ByteDance s’est rapidement adapté à la « continentalisation » du territoire.

Cependant, un tel scénario ne peut être complètement exclu. Par exemple, une entreprise étrangère qui a obtenu des données ou des informations considérées comme légales à Hongkong mais secrètes ou « internes » (neibu) sur le continent pourrait se trouver face à une telle situation, ses responsables étant contraints d’être transférés vers le continent pour y être jugés.

De telles conséquences de l’introduction de la LSN pourraient inciter un certain nombre d’entreprises étrangères (et même hongkongaises) à quitter Hongkong et à se réinstaller à Singapour ou ailleurs en Asie orientale. Le Japon s’est récemment positionné pour accueillir de telles entreprises 32.

De même, l’indépendance des décisions de justice qui possèdent une dimension sécuritaire risque sérieusement d’être remise en cause. Les juges étrangers ne pourront pas siéger dans les juridictions qui seront mises en place pour appliquer la LSN. Ces tribunaux « spéciaux » ne seront composés que de juges nommés par le pouvoir exécutif et non pas de juges et de jurés, comme le veut la tradition de la Common Law. Si la plupart des litiges civils et commerciaux resteront jugés par des tribunaux indépendants qui offrent une sécurité juridique autrement meilleure qu’en Chine continentale, tout litige qui possède une dimension sécuritaire pourrait faire l’objet d’un jugement bien plus secret, aléatoire et contestable.

En outre, dans les cas graves, les affaires de sécurité nationale seront jugées en Chine continentale. Certes, ces cas sont appelés à rester exceptionnels et affecteront rarement les activités des entreprises installées à Hongkong.

VII Partie

LA FIN DU PRINCIPE « UN PAYS, DEUX SYSTÈMES » ?

Maintenant que la LSN est promulguée et entrée en vigueur, trois scénarios se dégagent pour Hongkong : le rattachement rapide à la Chine continentale, le maintien d’une large autonomie de Hongkong ou une plus grande emprise par Pékin directement sur la gouvernance et la société civile de Hongkong et indirectement sur les milieux économiques et financiers. Le troisième scénario est le plus probable, mais les deux premiers méritent d’être évoqués.

1

Un rattachement rapide à la Chine continentale peu probable

Notes

33.

Voir John Pomfret, « The Hongkong security law could be China’s blueprint to deal with the ‘Taiwan problem’ », washingtonpost.com, 6 juillet 2020.

+ -

La fin de la formule « Un pays, deux systèmes » est peu probable. Pékin a encore besoin de Hongkong, de sa place financière et des facilités qu’elle offre, notamment en matière de levée de fonds et de liberté de transferts des capitaux. Pékin entend aussi rassurer la population et les milieux d’affaires de Hongkong.

En outre, toute intégration complète de Hongkong au système socialiste de la Chine continentale, dirigé à chaque échelon par le Parti communiste chinois, provoquerait un choc tel dans le territoire qu’elle serait une nouvelle source d’instabilité économique et sociale qui s’ajouterait à celles déjà existantes (refus de toute démocratisation complète des institutions, surveillance accrue de l’opposition politique, éducation patriotique, etc.).

La formule « Un pays, deux systèmes » devait à l’origine être maintenue afin d’amadouer Taiwan et de convaincre l’île à se réunifier à la Chine populaire.

Cependant, aujourd’hui, même pour les responsables du Parti communiste chinois, le succès de cette formule n’a plus pour but de séduire Taiwan, trop hostile à toute forme de rapprochement politique avec le continent. C’est au contraire la LSN qui pourrait, en cas d’invasion de Taiwan, servir de modèle pour mettre au pas les Taïwanais 33. Quoi qu’il en soit, déjà promise par plusieurs responsables chinois, la perpétuation de cette formule à Hongkong, y compris au-delà de 2047, a surtout pour but de maintenir la crédibilité de la place financière et la stabilité sociale à long terme du territoire.

2

Le maintien d’une large autonomie de Hongkong désormais exclu

Ce scénario est également peu probable. Les ingérences du gouvernement central qui se sont accrues depuis 2012 et l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping vont se multiplier à la faveur de l’introduction de la LSN.

La hantise du Parti communiste chinois est que Hongkong devienne une base de subversion susceptible de déstabiliser le régime politique sur le continent. C’est pourquoi le gouvernement central veut contrôler Hongkong afin de mieux juguler toute force hostile au Parti communiste chinois. Pourtant promis en 1997, tout maintien d’un haut degré d’autonomie à Hongkong est donc désormais impossible.

3

Une plus grande emprise de Pékin, directement sur la gouvernance et la société civile de Hongkong, indirectement sur les milieux économiques et financiers

Notes

34.

Politologue et commentateur politique chinois, Zheng Yongnian a étudié et écrit sur de nombreux aspects de la Chine contemporaine et sur la politique chinoise. Depuis 2008, il est professeur et directeur de l’East Asian Institute, à l’Université nationale de S’il se prononce souvent en faveur de réformes du système chinois, depuis le début du XXIe siècle il est devenu le chroniqueur de la montée du « modèle chinois » sur la scène internationale. Ses analyses de la politique chinoise sont régulièrement reprises par la presse de Pékin.

+ -

Avec l’introduction de la LSN, on passe à une autre interprétation, beaucoup plus restrictive, de la formule « Un pays, deux systèmes ». D’une certaine manière, comme l’ont appelé de leurs vœux certains intellectuels publics chinois, comme Zheng Yongnian 34, le gouvernement central organise à présent une « seconde rétrocession » (di’er huigui), la première, celle de 1997, étant restée, à leurs yeux, inachevée et, surtout, insatisfaisante.

Pékin va exercer une plus grande emprise sur la gouvernance de Hongkong à travers le bureau de liaison et les organes de la sécurité publique et la sécurité d’État installés dans la RAS.

Il s’agit désormais de faire des Hongkongais des citoyens chinois à part entière avec, sur le plan politique, toutes les responsabilités et contraintes que cela implique : éducation patriotique, soutien, respect ou tout au moins non-contestation publique du système politique « unitaire » en place sur le continent – c’est-à-dire la dictature du Parti communiste chinois – et prise de distance avec les « forces étrangères » qui portent atteinte à la sécurité nationale et à la stabilité du régime communiste.

Cela ne signifie pas que toutes les libertés publiques existantes à Hongkong seront remises en cause et la RAS restera sans doute un peu plus libre que la Chine continentale. Néanmoins, à l’avenir, le Parti communiste chinois va tout d’abord contrôler plus étroitement les relations entre la société hongkongaise et l’extérieur, en particulier les États-Unis, les pays européens, le Japon et Taiwan. Plus généralement, le gouvernement central s’emploiera à intégrer un peu plus Hongkong, non seulement sur le plan économique, au Greater Bay Area (la région de l’estuaire de la rivière des Perles) mais aussi, sur le plan politique, à la République populaire de Chine. On va donc assister à une « poutinisation » ou une « singapourisation » de la vie politique à Hongkong en ce sens   que, comme dans la Russie de Poutine et le Singapour de Lee Kuan Yew  et de Lee Hsien Loong, il deviendra de plus en plus difficile non seulement pour les localistes mais aussi pour l’ensemble du camp pan-démocratique de participer de manière libre et équitable à la vie politique. Déjà biaisé, le système politique risque de devenir encore plus favorable au camp pro-establishment, au risque de marginaliser toute véritable opposition politique, grâce en particulier à une utilisation intimidante de la LSN. Aujourd’hui hybride, le système politique hongkongais est appelé à devenir plus autoritaire. Toute démocratisation des institutions est donc exclue, sauf celle, peu convaincante, proposée par Pékin en 2014.

Cela étant, cette « poutinisation » ou « singapourisation » risque de se heurter à de nombreuses résistances. Les tensions grandissantes et, pour le dire plus ouvertement, la nouvelle « guerre froide » entre les États-Unis et la Chine ne vont pas manquer de peser sur Hongkong et d’aviver la confrontation entre les forces pro-Pékin et le camp pro-démocratie. Le gouvernement chinois va tenter d’accroître son influence idéologique sur la société hongkongaise mais cette entreprise risque de faire face à la forte opposition d’une large partie de la société hongkongaise, profondément méfiante à l’égard du Parti communiste chinois, pour en avoir été fréquemment la victime par le passé.

La liberté académique risque de progressivement s’effriter, mais plutôt lentement. Et les universités resteront probablement un foyer durable de contestation. Une partie des protestataires, les plus virulents, quitteront Hongkong (s’ils en ont les moyens financiers), mais la plupart d’entre eux y resteront et continueront de peser de diverses manières sur le pouvoir afin de tenter de limiter les effets de la LSN.

Fin 2019, plus de la moitié des habitants de la RAS (55%) se sentaient exclusivement hongkongais (et plus de 80% des moins de 30 ans) et non pas chinois (11%) ou même hongkongais et chinois (32%). Il est peu probable que l’introduction de la LSN les fasse changer d’avis, bien au contraire.

La plus grande emprise de Pékin et les sanctions américaines sont de nature à convaincre un certain nombre d’entreprises de quitter Hongkong, pour s’installer à Singapour ou ailleurs. Mais si leur marché principal est la Chine, l’avantage marginal d’être à Hongkong restera déterminant. Pour ces raisons, les entreprises comme Axa, BNP Paribas, Estée Lauder, JP Morgan, Prudential ou Fedex n’ont aucune raison de quitter Hongkong. Par exemple, le marché de l’assurance santé ou personnelle privée se développe à grande vitesse en Chine continentale et ce n’est donc pas le moment pour les sociétés d’assurances transnationales de partir.

Dans le domaine du luxe, la place de Hongkong continuera à offrir l’avantage d’une meilleure fiabilité et qualité de l’origine des produits vendus. Une fois la stabilité de Hongkong retrouvée et la crise du Covid-19 terminée, les touristes continentaux vont recommencer à se rendre sur le territoire, même si désormais l’éventail de choix de destinations à leur disposition est bien plus large qu’auparavant. En conséquence, bien que l’on puisse penser que  le nombre de touristes continentaux n’atteindra pas à l’avenir les chiffres des années passées (65 millions en 2018), ces touristes continueront de dominer la masse des visiteurs extérieurs à Hongkong.

Cependant, l’évolution de la situation politique et sociale à Hongkong a déjà conduit plusieurs entreprises à retarder, à suspendre ou même à annuler leur décision de s’installer ou d’investir sur le territoire. Par exemple, un certain nombre de hedge funds britanniques et américains envisagent de quitter Hongkong pour se réinstaller ailleurs dans la région.

Inversement, les sociétés chinoises qui ont été exclues de la Bourse de New York ou qui y affrontent des difficultés pourraient décider en plus grand nombre de lever des fonds à la Bourse de Hongkong. Par exemple, en juin 2020, la société chinoise de jeux en ligne NetEase y a levé 2,6 milliards de dollars américains (sur le second marché) ; de même, le géant du e-commerce JD.com y a levé 3,9 milliards de dollars américains. D’autres entreprises chinoises ont annoncé leur intention de quitter les États-Unis au profit de Hongkong, dont le moteur de recherche Baidu.

Hongkong, en conséquence, pourrait pâtir du découplage progressif entre les économies chinoise et américaine. Ce découplage va toucher l’activité boursière de Hongkong, déjà largement contrôlée par les entreprises chinoises. Néanmoins, ce découplage restera partiel. La plupart des entreprises et institutions financières étrangères préféreront adopter une forme d’omertà politique (ou même d’allégeance politique) tant qu’elles pourront gagner de l’argent à Hongkong.

L’objectif de Pékin est de persuader les entreprises et les sociétés financières que Hongkong restera attractif sur le plan économique. La plupart des entreprises et banques étrangères accepteront bon gré mal gré cette « poutinisation » ou « singapourisation » progressive de la vie politique hongkongaise.

À l’avenir, l’économie de Hongkong continuera de jouer un rôle important, mais décroissant, dans plusieurs secteurs en particulier la finance et la Bourse, les services et le transport aéroportuaire. L’activité portuaire classique va continuer de perdre de son importance au profit des ports continentaux du Guangdong ou de la région de Shanghai.

L’instauration de la LSN à Hongkong a pour objectif d’endiguer le mouvement indépendantiste, de rétablir l’ordre selon Pékin sur le territoire et de combler, autant que possible, le fossé grandissant, et inquiétant aux yeux de Pékin, entre les sociétés de Chine continentale et de la RAS.

Cette loi vise avant tout à intimider et à mettre en garde. Son caractère dissuasif ne doit pas être sous-estimé. Elle est de nature à rassurer les milieux d’affaires mais peut inquiéter le corps social, notamment sa frange libérale. Seule une introduction progressive et en douceur de cette loi pourra rassurer les Hongkongais. Une application trop brutale risque d’effrayer non seulement la société mais aussi les entreprises étrangères, la communauté expatriée et même les milieux d’affaires hongkongais. Les sociétés transnationales seraient alors tentées de rechercher d’autres lieux d’implantation en Asie orientale.

Le régime de Pékin fait le pari que les milieux d’affaires chinois, hongkongais et étrangers seront derrière lui. Si la société dans sa majorité se résigne et s’habitue à cette nouvelle situation, le Parti communiste chinois aura gagné la partie et Hongkong pourra continuer à jouer un rôle économique et financier au sein de la République populaire.

Mais ce pari n’est pas gagné d’avance. Si le gouvernement central a pour projet non seulement d’éliminer les forces localistes mais aussi de délégitimer l’opposition pan-démocratique et de la marginaliser, il risque de se heurter à une résistance puissante et durable de la société civile hongkongaise, de ses partis politiques, de ses ONG, de ses organisations religieuses et d’une partie de ses élites (avocats, enseignants, universitaires, artistes…). Il est à espérer qu’il ne commettra pas cette erreur, mais les mesures qui ont déjà été annoncées depuis l’entrée en vigueur de la LSN penchent plutôt vers un changement brutal du régime institutionnel, juridique et politique établi il y a vingt-trois ans.

En tout cas, le Hongkong que l’on a connu depuis 1997 est en train de disparaître pour laisser la place à une RAS sous une tutelle bien plus étroite du Parti communiste chinois, et cela tant que ce parti continuera à diriger le pays. Mais à plus long terme, si la résistance démocratique des Hongkongais parvient à survivre, les tendances pourraient s’inverser. Pourquoi ne pas faire le pari que Hongkong, un peu comme à la fin de l’ère mandchoue, jouera un rôle moteur dans la modernisation du système politique chinois et vers une démocratisation que, déjà au début du XXe siècle, Sun Yat-sen appelait de ses vœux depuis Hongkong ?

Loi de la République populaire de Chine sur la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hongkong

Cette traduction, effectuée par Madeleine Hamel pour la Fondation pour l’innovation politique à partir de la traduction anglaise du texte fournie par l’agence de presse chinoise Xinhua, est fournie ici à titre purement informatif et ne saurait être considérée comme un texte juridique. Toute proposition nous permettant d’améliorer cette traduction est la bienvenue.


Chapitre I. Principes généraux

Chapitre II. Les devoirs et les organismes gouvernementaux de la région administrative spéciale de Hongkong pour la sauvegarde de la sécurité nationale

Partie 1 – Devoirs

Partie 2 – Organismes gouvernementaux

 

Chapitre III. Infractions et sanctions

Partie 1 – Sécession Partie 2 – Subversion Partie 3 – Terrorisme

Partie 4 – Collusion avec des forces étrangères ou extérieures qui porte atteinte à la sécurité nationale

Partie 5 – Autres dispositions relatives aux sanctions Partie 6 – Portée de l’application

Chapitre IV. Juridiction, droit applicable et procédure

Chapitre V. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong

Chapitre VI. Dispositions complémentaires

 

CHAPITRE I PRINCIPES GÉNÉRAUX

Article 1. La présente loi est promulguée, conformément à la Constitution de la République populaire de Chine, à la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine et à la décision du Congrès national du peuple sur l’établissement et l’amélioration du système juridique et des mécanismes d’application pour sauvegarder la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hongkong, dans le but :

  • d’assurer la mise en œuvre résolue, complète et fidèle de la politique « Un pays, deux systèmes », en vertu de laquelle la population de Hongkong administre Hongkong avec un degré élevé d’autonomie ;
  • de sauvegarder la sécurité nationale ;
  • de prévenir, réprimer et punir les délits de sécession, de subversion, d’organisation et de perpétration d’activités terroristes et de collusion avec des forces étrangères ou extérieures qui porte atteinte à la sécurité nationale en ce qui concerne la région administrative spéciale de Hongkong ;
  • de maintenir la prospérité et la stabilité de la région administrative spéciale de Hongkong ;
  • de protéger les droits et intérêts légitimes des résidents de la région administrative spéciale de Hongkong.

Article 2. Les dispositions des articles 1 et 12 de la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong sur le statut juridique de la région administrative spéciale de Hongkong sont les dispositions centrales de la loi fondamentale. Aucune institution, organisation ou individu dans la région ne peut contrevenir à ces dispositions dans l’exercice de ses droits et libertés.

Article 3. Le gouvernement populaire central est responsable des affaires de sécurité nationale concernant la région administrative spéciale de Hongkong. La région administrative spéciale de Hongkong a le devoir, en vertu de la Constitution, de sauvegarder la sécurité nationale et la région doit s’acquitter de ce devoir en conséquence.

Les autorités exécutives, législatives et judiciaires de la région doivent prévenir, réprimer et sanctionner efficacement tout acte ou activité mettant en danger la sécurité nationale conformément à la présente loi et aux autres lois pertinentes.

Article 4. Les droits de l’homme sont respectés et protégés dans le cadre de la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hongkong. Les droits et libertés, y compris les libertés d’expression, de la presse, de publication, d’association, de réunion, de cortège et de manifestation, dont jouissent les résidents de la région en vertu de la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong et des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tels qu’ils s’appliquent à Hongkong, sont protégés conformément à la loi.

Article 5. Le principe de la primauté de l’État de droit doit être respecté dans la prévention, la répression et la sanction des infractions mettant en danger la sécurité nationale. Toute personne qui commet un acte constituant une infraction à la loi sera condamnée et punie conformément à la loi. Nul ne peut être condamné et puni pour un acte qui ne constitue pas une infraction à la loi. Une personne est présumée innocente jusqu’à ce qu’elle soit condamnée par un organe judiciaire. Le droit de se défendre et les autres droits dans les procédures judiciaires auxquels un suspect, un défendeur et d’autres parties à une procédure judiciaire ont droit en vertu de la loi sont protégés. Nul ne peut être jugé ou puni de nouveau pour une infraction pour laquelle il a déjà été définitivement condamné ou acquitté dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Article 6. Il est de la responsabilité commune de tout le peuple chinois, y compris le peuple de Hongkong, de sauvegarder la souveraineté, l’unification et l’intégrité territoriale de la République populaire de Chine.

Toute institution, organisation ou individu de la région administrative spéciale de Hongkong doit se conformer à la présente loi et aux lois de la région en ce qui concerne la sauvegarde de la sécurité nationale, et ne doit se livrer à aucun acte ou activité mettant en danger la sécurité nationale.

Un résident de la région qui se présente à une élection ou assume une fonction publique doit confirmer par écrit ou faire le serment de respecter la loi fondamentale de la région administrative spéciale de la République populaire de Chine de Hongkong et prêter allégeance à la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine conformément à la loi.

 

CHAPITRE II

LES DEVOIRS ET LES ORGANISMES GOUVERNEMENTAUX DE LA RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONGKONG POUR LA SAUVEGARDE DE LA SÉCURITÉ NATIONALE

Partie 1 – Devoirs

Article 7. La région administrative spéciale de Hongkong achève, dans les meilleurs délais, la législation relative à la sauvegarde de la sécurité nationale telle que stipulée dans la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong et améliore les lois pertinentes.

Article 8. Afin de sauvegarder efficacement la sécurité nationale, les autorités policières et judiciaires de la région administrative spéciale de Hongkong appliquent pleinement la présente loi et les lois en vigueur dans la région concernant la prévention, la répression et la sanction des actes et activités mettant en danger la sécurité nationale.

Article 9. La région administrative spéciale de Hongkong renforce son action en matière de sauvegarde de la sécurité nationale et de prévention des activités terroristes. Le gouvernement de la région administrative spéciale de Hongkong prend les mesures nécessaires pour renforcer la communication, les directives, la supervision et la réglementation publiques sur les questions concernant la sécurité nationale, y compris celles relatives aux écoles, aux universités, aux organisations sociales, aux médias et à Internet.

Article 10. La région administrative spéciale de Hongkong encourage l’éducation à la sécurité nationale dans les écoles et les universités et par le biais des organisations sociales, des médias, d’Internet et d’autres moyens pour sensibiliser les résidents de Hongkong à la sécurité nationale et à l’obligation de respecter la loi.

Article 11. Le chef de l’exécutif de la région administrative spéciale de Hongkong est responsable devant le gouvernement populaire central des affaires relatives à la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hongkong et soumet un rapport annuel sur l’exercice des obligations de la région en matière de sauvegarde de la sécurité nationale.

À la demande du gouvernement populaire central, le chef de l’exécutif soumet dans un délai convenable un rapport sur des questions spécifiques relatives à la sauvegarde de la sécurité nationale.

 

Partie 2 – Organismes gouvernementaux

Article 12. La région administrative spéciale de Hongkong crée la Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale. La Commission est chargée des questions relatives à la sécurité nationale dans la région et assume la responsabilité principale de la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région. Elle est placée sous le contrôle du gouvernement populaire central et est responsable devant lui.

Article 13. Le chef de l’exécutif est le président de la Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong. Les autres membres de la Commission sont le secrétaire en chef pour l’administration, le secrétaire aux Finances, le secrétaire à la Justice, le secrétaire à la Sécurité, le chef de la police [Commissionner of Police], le chef du département de la police de Hongkong chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale, créé en vertu de l’article 16 de la présente loi, le directeur de l’immigration, le commissaire aux douanes et accises et le directeur du bureau du chef de l’exécutif.

Un secrétariat dirigé par un secrétaire général est établi dans le cadre de la Commission. Le secrétaire général est nommé par le gouvernement populaire central sur proposition du chef de l’exécutif.

Article 14. Les devoirs et les fonctions de la Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong sont les suivants :

  • analyser et évaluer les développements relatifs à la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hongkong, établir des plans de travail et formuler des politiques pour la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région ;
  • faire progresser le développement du système juridique et des mécanismes de mise en œuvre [Enforcement mechanisms] de la région pour sauvegarder la sécurité nationale ;
  • coordonner les travaux majeurs et les opérations importantes pour la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région.

Aucune institution, organisation ou individu dans la région ne doit interférer avec le travail de la Commission. Les informations relatives aux travaux de la Commission ne sont pas soumises à divulgation. Les décisions prises par la Commission ne peuvent faire l’objet d’un examen judiciaire.

Article 15. La Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong dispose d’un conseiller pour la sécurité nationale, qui est désigné par le gouvernement populaire central et qui donne des conseils sur les questions relatives aux devoirs et les fonctions de la Commission. Le conseiller pour la sécurité nationale participe aux réunions de la Commission.

Article 16. Les forces de police de la région administrative spéciale de Hongkong créent un département chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale et doté d’une capacité de maintien de l’ordre.

Le chef du département de la police de Hongkong chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale est nommé par le chef de l’exécutif. Le chef de l’exécutif demande par écrit l’avis du bureau créé en vertu de l’article 48 de la présente loi avant de procéder à la nomination. Lors de sa prise de fonction, le chef du département de la police de Hongkong chargé de la protection de la sécurité nationale jure de respecter la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine, de prêter allégeance à la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine, de respecter la loi et le devoir de discrétion.

Le département de la police de Hongkong chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale peut recruter des professionnels et du personnel technique qualifiés en dehors de la région administrative spéciale de Hongkong pour l’aider à s’acquitter de ses fonctions de protection de la sécurité nationale.

Article 17. Les devoirs et les fonctions du département de la police de Hongkong chargé de la sauvegarde de la sécurité sont les suivants :

  • collecter et analyser les renseignements et informations concernant la sécurité nationale ;
  • planifier, coordonner et faire appliquer les mesures et les opérations visant à sauvegarder la sécurité nationale ;
  • enquêter sur des infractions mettant en danger la sécurité nationale ;
  • mener une enquête sur la lutte contre l’ingérence et un examen de la sécurité nationale ;
  • s’acquitter des tâches de sauvegarde de la sécurité nationale assignées par la Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong ;
  • exercer d’autres devoirs et fonctions nécessaires à l’application de la présente loi.

Article 18. Le département de la Justice de la région administrative spéciale de Hongkong crée une division spécialisée des poursuites, chargée de poursuivre les infractions mettant en danger la sécurité nationale et d’autres travaux juridiques connexes. Les procureurs de cette division sont nommés par le secrétaire à la Justice après avoir obtenu l’accord de la Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong.

Le chef de la division spécialisée des poursuites du département de la Justice est nommé par le chef de l’exécutif, qui demande par écrit l’avis du bureau créé en vertu de l’article 48 de la présente loi avant de procéder à la nomination. Lors de son entrée en fonction, le chef de la division spécialisée des poursuites jure de respecter la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine, de prêter allégeance à la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine, et de respecter la loi et le devoir de discrétion.

Article 19. Le secrétaire aux Finances de la région administrative spéciale de Hongkong, sur approbation du chef de l’exécutif, prélève sur le revenu général un fonds spécial destiné à couvrir les dépenses de sauvegarde de la sécurité nationale et approuve la création des postes correspondants, qui ne sont soumis à aucune restriction dans les dispositions pertinentes des lois en vigueur dans la région. Le secrétaire aux Finances soumet un rapport annuel sur le contrôle et la gestion du fonds à cette fin au Legislative Council of the Hong Kong Special Administrative Region.

 

CHAPITRE III

INFRACTIONS ET SANCTIONS

Partie 1 – Sécession

Article 20. Est coupable d’une infraction quiconque organise, planifie, commet ou participe à l’un des actes suivants, que ce soit ou non par la force ou la menace de la force, en vue de faire sécession ou de porter atteinte à l’unification nationale :

  • séparer de la région administrative spéciale de Hongkong ou toute autre partie de la République populaire de Chine de la République populaire de Chine ;
  • modifier par des moyens illicites le statut juridique de la région administrative spéciale de Hongkong ou de toute autre partie de la République populaire de Chine ;
  • céder la région administrative spéciale de Hongkong ou de toute autre partie de la République populaire de Chine à un pays étranger.

Une personne qui est l’auteur principal d’une infraction ou une personne qui commet une infraction grave est condamnée à une peine d’emprisonnement à vie ou à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins dix ans ; une personne qui participe activement à l’infraction est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins trois ans et d’au plus dix ans ; et les autres participants sont condamnés à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au plus trois ans, à une détention de courte durée ou à une restriction.

Article 21. Toute personne qui incite, aide, encourage ou fournit une aide pécuniaire ou autre assistance financière ou matérielle, pour la commission par d’autres personnes de l’infraction visée à l’article 20 de la présente loi est coupable d’une infraction. Si les circonstances de l’infraction commise par une personne sont de nature grave, cette personne est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins cinq ans et d’au plus dix ans ; si les circonstances de l’infraction commise par une personne sont de nature mineure, cette personne est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au plus cinq ans, à une détention de courte durée ou à une restriction.

 

Partie 2 – Subversion

Article 22. Est coupable d’une infraction quiconque organise, planifie, commet ou participe à l’un des actes suivants, que ce soit par la force ou la menace de la force ou par d’autres moyens illicites, en vue de subvertir le pouvoir de l’État :

  • renverser ou saper le système de base de la République populaire de Chine établi par la Constitution de la République populaire de Chine ;
  • renverser l’organe du pouvoir central de la République populaire de Chine ou de l’organe du pouvoir de la région administrative spéciale de Hongkong ;
  • interférer gravement, perturber ou compromettre l’exécution des tâches et fonctions prévues par la loi par l’organe du pouvoir central de la République populaire de Chine ou par l’organe du pouvoir de la région administrative spéciale de Hongkong ;
  • attaquer ou endommager les locaux et installations utilisés par l’organe du pouvoir de la région administrative spéciale de Hongkong pour s’acquitter de ses devoirs et fonctions, le rendant ainsi incapable de s’acquitter de ses devoirs et fonctions habituels.

Une personne qui est l’auteur principal d’une infraction ou une personne qui commet une infraction grave est condamnée à une peine d’emprisonnement à vie ou à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins dix ans ; une personne qui participe activement à l’infraction est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins trois ans et d’au plus dix ans ; et les autres participants sont condamnés à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au plus trois ans, à une détention de courte durée ou à une restriction.

Article 23. Toute personne qui incite, aide, encourage ou fournit une aide pécuniaire ou autre assistance financière ou matérielle, pour la commission par d’autres personnes de l’infraction visée à l’article 22 de la présente loi est coupable d’une infraction. Si les circonstances de l’infraction commise par une personne sont de nature grave, cette personne est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins cinq ans et d’au plus dix ans ; si les circonstances de l’infraction commise par une personne sont de nature mineure, cette personne est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au plus cinq ans, à une détention de courte durée ou à une restriction.

 

Partie 3 – Terrorisme

Article 24. Est coupable d’une infraction quiconque organise, planifie, commet, participe à ou menace de participer à l’une des activités terroristes suivantes, causant ou ayant pour objectif de causer un grave préjudice à la société en vue de contraindre le gouvernement populaire central, le gouvernement de la région administrative spéciale de Hongkong ou une organisation internationale, ou d’intimider le public à des fins politiques :

  • violence grave contre une ou plusieurs personnes ;
  • explosion, incendie criminel ou dissémination de substances toxiques ou radioactives, d’agents pathogènes de maladies infectieuses ou d’autres substances ;
  • sabotage de moyens de transport, d’infrastructures de transport, d’installations électriques ou gazières, ou d’autres infrastructures combustibles ou explosibles ;
  • interruption grave ou sabotage des systèmes de contrôle électronique pour la fourniture et la gestion de services publics tels que l’eau, l’électricité, le gaz, les transports, les télécommunications et Internet ;
  • d’autres activités dangereuses qui mettent gravement en danger la santé, la sûreté ou la sécurité publique.

Toute personne qui commet l’infraction causant des dommages corporels graves, la mort ou des pertes importantes de biens publics ou privés est condamnée à une peine d’emprisonnement à vie ou à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins dix ans ; dans les autres circonstances, toute personne qui commet l’infraction est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins trois ans et d’au plus dix ans.

Article 25. Toute personne qui établit ou prend en charge une organisation terroriste se rend coupable d’une infraction et est condamnée à la prison à vie ou à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins dix ans, et est passible de la confiscation de ses biens ; une personne qui participe activement à une organisation terroriste est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée de trois ans au moins et de dix ans au plus et est passible d’une amende pénale ; et les autres participants sont condamnés à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au plus trois ans, à une détention de courte durée ou à une restriction, et sont passibles d’une amende pénale.

Aux fins de la présente loi, on entend par organisation terroriste une organisation qui commet ou a l’intention de commettre l’infraction visée à l’article 24 de la présente loi ou qui participe ou aide à la commission de l’infraction.

Article 26. Toute personne qui fournit un appui, une assistance ou un dispositif, tels que des formations, armes, informations, fonds, fournitures, main-d’œuvre, transports, technologies ou lieux à une organisation terroriste ou à un terroriste, ou pour la commission d’une activité terroriste ; ou qui fabrique ou possède illégalement des substances telles que des substances explosives, toxiques ou radioactives et des agents pathogènes de maladies infectieuses ou utilise d’autres moyens pour préparer la commission d’une activité terroriste, se rend coupable d’une infraction. Si les circonstances de l’infraction commise par une personne sont graves, celle-ci est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins cinq ans et d’au plus dix ans, et est passible d’une amende pénale ou de la confiscation de ses biens ; dans les autres circonstances, une personne est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au plus cinq ans, à une détention de courte durée ou à une restriction, et est passible d’une amende pénale.

Si l’acte visé au paragraphe précédent constitue également d’autres infractions, la personne qui le commet est condamnée pour l’infraction qui entraîne une peine plus sévère.

Article 27. Toute personne qui prône le terrorisme ou incite à la commission d’une activité terroriste se rend coupable d’une infraction. Si les circonstances de l’infraction commise par une personne sont graves, celle-ci est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins cinq ans et d’au plus dix ans, et est passible d’une amende pénale ou de la confiscation de ses biens ; dans les autres circonstances, elle est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au plus cinq ans, à une détention de courte durée ou à une restriction, et est passible d’une amende pénale.

Article 28. Les dispositions de la présente partie n’affectent pas la poursuite des infractions terroristes commises sous d’autres formes ou l’imposition d’autres mesures telles que le gel de biens conformément aux lois de la région administrative spéciale de Hongkong.

 

Partie 4 – Collusion avec des forces étrangères ou extérieures qui porte atteinte à la sécurité nationale

Article 29. Est coupable d’une infraction quiconque vole, espionne, obtient contre rémunération ou fournit illégalement des secrets d’État ou des renseignements concernant la sécurité nationale pour un pays étranger ou une institution, une organisation ou un individu en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao ; est coupable d’une infraction quiconque sollicite un pays étranger ou une institution, une organisation ou un individu en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao, ou qui conspire avec un pays étranger ou une institution, une organisation ou un individu en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao, ou reçoit directement ou indirectement des instructions, un contrôle, un financement ou tout autre type de soutien d’un pays étranger ou d’une institution, d’une organisation ou d’un individu en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao, pour commettre l’un des actes suivants :

  • mener une guerre contre la République populaire de Chine, ou utiliser ou menacer d’utiliser la force pour porter gravement atteinte à la souveraineté, à l’unification et à l’intégrité territoriale de la République populaire de Chine ;
  • perturber gravement la formulation et l’application des lois ou des politiques par le gouvernement de la région administrative spéciale de Hongkong ou par le gouvernement populaire central, qui est susceptible d’entraîner de graves conséquences ;
  • le truquage ou le sabotage d’une élection dans la région administrative spéciale de Hongkong, qui est susceptible d’entraîner de graves conséquences ;
  • imposer des sanctions ou un blocus, ou se livrer à d’autres activités hostiles contre la région administrative spéciale de Hongkong ou la République populaire de Chine ;
  • provoquer par des moyens illicites la haine des résidents de Hongkong envers le gouvernement populaire central ou le gouvernement de la région, qui est susceptible d’entraîner de graves conséquences.

La personne qui commet l’infraction est condamnée à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins trois ans et d’au plus dix ans ; la personne qui commet une infraction de nature grave est condamnée à la prison à vie ou à une peine d’emprisonnement à durée déterminée d’au moins dix ans.

L’institution, l’organisation et l’individu situés en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao, visés au premier paragraphe du présent article, sont condamnés et punis pour la même infraction.

Article 30. Toute personne qui conspire avec ou reçoit directement ou indirectement des instructions, un contrôle, un financement ou d’autres types de soutien d’un pays étranger ou d’une institution, d’une organisation ou d’un individu en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao pour commettre les infractions visées à l’article 20 ou 22 de la présente loi est passible d’une peine plus sévère conformément aux dispositions qui y sont respectivement prévues.

 

Partie 5 – Autres dispositions relatives aux sanctions

Article 31. L’organisme constitué ou non en société, tel qu’une entreprise ou une organisation, qui commet une infraction à la présente loi est passible d’une amende pénale.

L’exploitation d’un organisme constitué ou non en société, tel qu’une entreprise ou une organisation, est suspendue ou sa licence ou son permis d’exploitation sont révoqués si l’organisme a été sanctionné pour avoir commis une infraction à la présente loi.

Article 32. Les produits obtenus à travers la commission d’une infraction à la présente loi, y compris les aides financières, les gains et les récompenses, ainsi que les fonds et les outils utilisés ou destinés à être utilisés pour la commission de l’infraction, sont saisis et confisqués.

Article 33. Une peine plus légère peut être infligée, ou la peine peut être réduite ou, dans le cas d’une infraction mineure, exemptée, si le contrevenant, le suspect ou le défendeur :

  • en train de commettre une infraction, cesse volontairement de la commettre ou en prévient volontairement et efficacement les conséquences ;
  • se rend volontairement et donne un compte rendu véridique de l’infraction ; ou
  • fait rapport de l’infraction commise par une autre personne, dont la véracité est vérifiée, ou fournit des informations matérielles qui aident à résoudre d’autres affaires pénales.

L’alinéa 2 du paragraphe précédent s’applique à un suspect ou une personne mise en cause qui fait l’objet de mesures obligatoires [mandatory measures] et qui fournit un compte rendu véridique d’autres infractions qu’il ou elle a commises en vertu de la présente loi et qui sont inconnues des autorités policières ou judiciaires.

Article 34. Une personne qui n’est pas un résident permanent de la région administrative spéciale de Hongkong peut faire l’objet d’une expulsion comme peine unique ou supplémentaire si elle commet une infraction à la présente loi. Une personne qui n’est pas un résident permanent de la région peut faire l’objet d’une expulsion si elle contrevient aux dispositions de cette loi mais n’est pas poursuivie pour quelque raison que ce soit.

Article 35. Toute personne reconnue coupable par un tribunal d’une infraction portant atteinte à la sécurité nationale est déchue de son droit de se porter candidate aux élections du Legislative Council et des conseils de district de la région administrative spéciale de Hongkong, d’exercer toute fonction publique dans la région ou de faire partie du comité électoral chargé d’élire le chef de l’exécutif. Si une personne ainsi condamnée est un membre du Legislative Council, un fonctionnaire, un agent de l’État, un membre du conseil exécutif, un juge ou un officier de justice, ou un membre des conseils de district, qui a prêté serment ou fait une déclaration sous serment de respecter la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine et a prêté allégeance à la région administrative spéciale de Hongkong de la République populaire de Chine, elle sera démise de ses fonctions dès sa condamnation, et sera disqualifiée pour se présenter aux élections susmentionnées ou pour occuper l’un des postes susmentionnés. La déchéance et la révocation des fonctions visées au paragraphe précédent sont annoncées par les autorités chargées d’organiser et de gérer les élections concernées ou de nommer et de révoquer les titulaires de charges publiques.

 

Partie 6 – Portée de l’application

Article 36. La présente loi s’applique aux infractions à la présente loi qui sont commises dans la région administrative spéciale de Hongkong par quiconque. Une infraction est considérée comme ayant été commise dans la région si un acte constituant l’infraction ou la conséquence de l’infraction se produit dans la région.

La présente loi s’applique également aux infractions à la présente loi commises à bord d’un navire ou d’un avion immatriculé dans la région.

Article 37. La présente loi s’applique à une personne qui est un résident permanent de la région administrative spéciale de Hongkong ou à un organisme constitué ou non en société tel qu’une société ou une organisation qui est établie dans la région si la personne ou l’organisme commet une infraction à la présente loi en dehors de la région.

Article 38. La présente loi s’applique aux infractions à la présente loi commises contre la région administrative spéciale de Hongkong depuis l’extérieur de  la région par une personne qui n’est pas un résident permanent de la région.

Article 39. La présente loi s’applique aux actes commis après son entrée en vigueur aux fins de condamnation et d’application de la peine.

 

CHAPITRE IV

JURIDICTION, DROIT APPLICABLE ET PROCÉDURE

 

Article 40. La région administrative spéciale de Hongkong est compétente pour les affaires concernant les infractions à la présente loi, sauf dans les circonstances spécifiées à l’article 55 de la présente loi.

Article 41. La présente loi et les lois de la région administrative spéciale de Hongkong s’appliquent aux questions de procédure, y compris celles relatives aux enquêtes, poursuites et procès criminels et à l’exécution des peines, dans les affaires concernant des infractions mettant en danger la sécurité nationale et relevant de la compétence de la région.

Aucune poursuite ne peut être engagée pour une infraction mettant en danger la sécurité nationale sans l’accord écrit du secrétaire à la Justice. La présente disposition ne porte pas atteinte à l’arrestation et à la détention d’une personne soupçonnée d’avoir commis l’infraction ou à la demande de mise en liberté sous caution par cette personne conformément à la loi.

Les affaires concernant des infractions mettant en danger la sécurité nationale dans la juridiction de la région administrative spéciale de Hongkong sont jugées par mise en accusation.

Le procès se déroule en audience publique. Lorsque des circonstances se présentent, telles que le procès impliquant des secrets d’État ou l’ordre public, tout ou partie du procès est fermé aux médias et au public, mais le jugement est rendu en audience publique.

Article 42. Lors de l’application des lois en vigueur dans la région administrative spéciale de Hongkong concernant des questions telles que la détention et le délai de jugement, les autorités policières et judiciaires de la région veillent à ce que les affaires concernant des infractions mettant en danger la sécurité nationale soient traitées de manière équitable et en temps utile afin de prévenir, de réprimer et de sanctionner efficacement ces infractions.

Aucune caution n’est accordée à un suspect ou à une personne mise en cause dans une affaire pénale, sauf si le juge a des raisons suffisantes de croire que le criminel, le suspect ou le défendeur ne continuera pas à commettre des actes mettant en danger la sécurité nationale.

Article 43. Lorsqu’il traite des affaires concernant des infractions mettant en danger la sécurité nationale, le département des forces de police de la région administrative spéciale de Hongkong chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale peut prendre les mesures que les autorités chargées de l’application de la loi, y compris les forces de police de Hongkong, sont autorisées à appliquer en vertu des lois en vigueur dans la région administrative spéciale de Hongkong lors d’enquêtes sur des infractions graves, et peut également prendre les mesures suivantes :

  • fouiller des locaux, véhicules, navires, avions et autres lieux pertinents et des appareils électroniques susceptibles de contenir des preuves d’une infraction ;
  • ordonner à toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction mettant en danger la sécurité nationale de remettre des documents de voyage, ou interdire à l’intéressé de quitter la région ;
  • geler, faire une demande d’ordonnance de blocage, d’inculpation et de confiscation, ou confisquer des biens utilisés ou destinés à être utilisés pour la commission de l’infraction, des produits du crime ou d’autres biens liés à la commission de l’infraction ;
  • exiger d’une personne qui a publié des informations ou du prestataire de services concerné qu’il supprime les informations ou fournisse une assistance ;
  • exiger qu’une organisation politique d’un pays étranger ou en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao, ou un agent des autorités ou d’une organisation politique d’un pays étranger ou en dehors de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao, fournisse des informations ;
  • sur approbation du chef de l’exécutif, intercepter des communications et conduire une surveillance secrète d’une personne soupçonnée, pour des motifs raisonnables, d’avoir participé à la commission d’une infraction mettant en danger la sécurité nationale ;
  • exiger d’une personne, qui est soupçonnée, pour des motifs raisonnables, d’avoir en sa possession des informations ou du matériel pertinents qu’elle réponde à des questions et fournisse de telles informations ou produise de tels documents.

La Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong est chargée de superviser l’application des mesures prévues au premier paragraphe du présent article par les autorités chargées de l’application de la loi, y compris le département de la police de Hongkong pour la sauvegarde de la sécurité nationale.

Le chef de l’exécutif est autorisé, en liaison avec la Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong, à établir les règles d’application pertinentes aux fins de l’application des mesures prévues au premier paragraphe du présent article.

Article 44. Le chef de l’exécutif désigne un certain nombre de juges parmi les magistrats, les juges de la District Court, les juges de la Court of First Instance et de la Court of Appeal of the High Court, et les juges de la Court of Final Appeal, et peut également désigner un certain nombre de juges parmi les juges adjoints ou les greffiers, pour traiter les affaires concernant les infractions mettant en danger la sécurité nationale. Avant de procéder à cette désignation, le chef de l’exécutif peut consulter la Commission pour la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong et le Chief Justice of the Court of Final Appeal. La durée du mandat des juges désignés susmentionnés est d’un an.

Une personne ne peut être désignée comme juge pour statuer sur une affaire concernant une infraction mettant en danger la sécurité nationale si elle a fait une déclaration ou s’est comportée d’une manière qui met en danger la sécurité nationale. Un juge désigné est radié de la liste de désignation s’il fait une déclaration ou se comporte de quelque manière que ce soit mettant en danger la sécurité nationale pendant la durée de son mandat.

Les procédures relatives à la poursuite des infractions mettant en danger la sécurité nationale dans les tribunaux de première instance, le District Court, la High Court et la Court of Final Appeal sont traitées par les juges désignés dans les tribunaux respectifs.

Article 45. Sauf disposition contraire de la présente loi, les Magistrate’s Courts, la District Court, la High Court et la Court  of Final Appeal  traitent  les procédures relatives à la poursuite des infractions mettant en danger la sécurité nationale conformément aux lois de la région administrative spéciale de Hongkong.

Article 46. Dans les procédures pénales devant le Court of First Instance of the High Court concernant des infractions mettant en danger la sécurité nationale, le secrétaire à la Justice peut délivrer un certificat ordonnant que l’affaire soit jugée sans jury pour des raisons, entre autres, de protection des secrets d’État, d’implication de facteurs étrangers dans l’affaire et de protection de la sécurité personnelle des jurés et des membres de leur famille. Lorsque le secrétaire à la Justice a délivré le certificat, l’affaire est jugée au Court of First Instance sans jury par un collège de trois juges.

Lorsque le secrétaire de la Justice a délivré le certificat, la référence à un « jury » ou à un « verdict du jury » dans toute disposition des lois de la région administrative spéciale de Hongkong applicables aux procédures concernées doit être interprétée comme faisant référence aux juges ou aux fonctions du juge en tant que juge des faits.

Article 47. Les tribunaux de la région administrative spéciale de Hongkong doivent obtenir un certificat du chef de l’exécutif pour certifier si un acte met en jeu la sécurité nationale ou si les preuves pertinentes concernent des secrets d’État lorsque de telles questions se posent dans le cadre du jugement d’une affaire. Le certificat a force d’obligation pour les tribunaux.

 

CHAPITRE V

LE BUREAU CHARGÉ DE LA SAUVEGARDE DE LA SÉCURITÉ NATIONALE DU GOUVERNEMENT POPULAIRE

CENTRAL DANS LA RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONGKONG

Article 48. Le gouvernement populaire central crée dans la région administrative spéciale de Hongkong un bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong exerce son mandat de sauvegarde de la sécurité nationale et exerce les pouvoirs qui lui sont dévolus conformément à la loi.

Le personnel du bureau est envoyé conjointement par les autorités compétentes en matière de sécurité nationale sous l’égide du gouvernement populaire central.

Article 49. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong exerce le mandat suivant :

  • analyser et évaluer les développements relatifs à la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hongkong, ainsi que fournir des avis et faire des propositions sur les grandes stratégies et les politiques importantes pour la sauvegarde de la sécurité nationale ;
  • superviser, guider, coordonner et soutenir la région dans l’exercice de ses fonctions de sauvegarde de la sécurité nationale ;
  • collecter et analyser les renseignements et les informations concernant la sécurité nationale ; et
  • traiter les affaires concernant les infractions mettant en danger la sécurité nationale conformément à la loi.

Article 50. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong exerce son mandat dans le strict respect de la loi et est soumis à un contrôle conformément à la loi. Il ne doit pas porter atteinte aux droits et intérêts légitimes de toute personne ou organisation.

Le personnel du bureau se conforme aux lois de la région administrative spéciale de Hongkong ainsi qu’aux lois nationales.

Le personnel du bureau est soumis à la surveillance des autorités nationales de contrôle conformément à la loi.

Article 51. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong est financé par le gouvernement populaire central.

Article 52. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong renforce les relations de travail et la coopération avec le bureau de liaison du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong, le bureau du commissaire du ministère des Affaires étrangères dans la région administrative spéciale de Hongkong et la garnison de Hongkong de l’Armée populaire de libération de la Chine.

Article 53. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong établit un mécanisme de coordination avec la Commission pour  la sauvegarde de la sécurité nationale de la région administrative spéciale de Hongkong afin de superviser et de guider les activités de la région administrative spéciale de Hongkong en matière de sauvegarde de la sécurité nationale.

Les services du bureau établissent des mécanismes de collaboration avec les autorités compétentes de la région chargées de la sauvegarde de la sécurité nationale afin d’améliorer le partage des informations et la coordination des opérations.

Article 54. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong et le bureau du commissaire du ministère des Affaires étrangères dans la région administrative spéciale de Hongkong prennent, conjointement avec le gouvernement de la région administrative spéciale de Hongkong, les mesures nécessaires pour renforcer la gestion des et les services aux organes des pays étrangers et des organisations internationales dans la région, ainsi que des organisations non gouvernementales et des agences de presse des pays étrangers et de l’extérieur de la Chine continentale, de Hongkong et de Macao dans la région.

Article 55. Le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong exerce, après approbation par le gouvernement populaire central d’une demande formulée par le gouvernement de la région administrative spéciale de Hongkong ou par le bureau lui-même, sa juridiction sur une affaire concernant une infraction mettant en danger la sécurité nationale en vertu de la présente loi, si :

  • l’affaire est complexe en raison de l’implication d’un pays étranger ou d’éléments extérieurs, ce qui rend difficile pour la région d’exercer sa compétence sur l’affaire ;
  • une situation grave se produit, rendant le gouvernement de la région n’est pas en mesure d’appliquer efficacement cette loi ; ou
  • une menace majeure et imminente pour la sécurité nationale s’est produite.

Article 56. Dans l’exercice de sa juridiction sur une affaire concernant une infraction mettant en danger la sécurité nationale conformément à l’article 55 de la présente loi, le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong ouvre une enquête sur l’affaire, le Supreme People’s Procuratorate désigne un organisme de poursuite pour la poursuivre et la Supreme People’s Court désigne un tribunal pour la juger.

Article 57. La loi de procédure pénale de la République populaire de Chine et les autres lois nationales connexes s’appliquent aux questions de procédure, y compris celles liées à l’enquête, à l’examen et aux poursuites pénales, au procès et à l’exécution de la peine, dans les affaires pour lesquelles la juridiction est exercée en vertu de l’article 55 de la présente loi.

Lorsqu’elles exercent leur juridiction sur des affaires en vertu de l’article 55 de la présente loi, les autorités judiciaires et d’application de la loi visées par l’article 56 de la présente loi exercent leurs pouvoirs conformément à la loi. Les documents juridiques émis par ces autorités concernant leurs décisions de prendre des mesures obligatoires [mandatory measures] et d’enquête et leurs décisions judiciaires ont force de loi dans la région administrative spéciale de Hongkong. Les institutions, les organisations et les particuliers concernés doivent se conformer aux mesures prises par le bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong, conformément à la loi.

Article 58. Dans une affaire pour laquelle la juridiction est exercée en vertu de l’article 55 de la présente loi, un suspect a le droit de retenir les services d’un avocat pour le représenter à partir du jour où il reçoit pour la première fois une demande de renseignements du bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong ou à partir du jour où une mesure obligatoire [mandatory measure] est prise à son encontre. Un avocat de la défense peut fournir une assistance juridique à un suspect ou à un prévenu au pénal conformément à la loi.

Un suspect ou un prévenu qui est arrêté conformément à la loi a droit à un procès équitable devant une instance judiciaire sans retard injustifié.

Article 59. Dans une affaire sur laquelle la juridiction est exercée en vertu de l’article 55 de la présente loi, toute personne qui détient des informations relatives à une infraction mettant en danger la sécurité nationale en vertu de la présente loi est tenue de témoigner sincèrement.

Article 60. Les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong et son personnel conformément à la présente loi ne sont pas soumis à la juridiction de la région administrative spéciale de Hongkong.

Dans l’exercice de ses fonctions, le titulaire d’un document d’identification ou d’un document d’attestation délivré par le bureau et ses biens, y compris les véhicules utilisés par le titulaire, ne peuvent faire l’objet d’une inspection, d’une perquisition ou d’une détention par les agents des forces de l’ordre de la région. Le bureau et son personnel jouissent des autres droits et immunités prévus par les lois de la région.

Article 61. Les départements compétents du gouvernement de la région administrative spéciale de Hongkong fournissent la facilitation et l’appui nécessaires au bureau chargé de la sauvegarde de la sécurité nationale du gouvernement populaire central dans la région administrative spéciale de Hongkong dans l’exercice de son mandat conformément à la présente loi, et mettent fin à tout acte faisant obstacle à l’exercice de ce mandat et tiennent pour responsables ceux qui commettent un tel acte conformément à la loi.

 

CHAPITRE VI

DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES

Article 62. La présente loi prévaut lorsque les dispositions des lois locales de la région administrative spéciale de Hongkong sont incompatibles avec la présente loi.

Article 63. Les autorités policières judiciaires et leur personnel qui traitent des affaires concernant des infractions mettant en danger la sécurité nationale en vertu de la présente loi, ou les autorités policières et judiciaires de la région administrative spéciale de Hongkong et leur personnel qui traitent d’autres affaires concernant des infractions mettant en danger la sécurité nationale, doivent garder confidentiels les secrets d’État, les secrets commerciaux ou les informations personnelles dont ils prennent connaissance dans le cadre du traitement de ces affaires.

L’avocat qui assure la défense ou la représentation légale doit garder confidentiels les secrets d’État, les secrets commerciaux ou les informations personnelles dont il prend connaissance dans l’exercice de sa profession.

Les institutions, organisations et personnes concernées qui contribuent au traitement d’une affaire doivent garder confidentielles toutes les informations relatives à cette affaire.

Article 64. Dans l’application de la présente loi dans la région administrative spéciale de Hongkong, les termes « emprisonnement à durée déterminée [fixed-term imprisonment] », « emprisonnement à vie [life imprisonment] »,  « confiscation  de  biens  [confiscation of property] » et « amende pénale [criminal fine] » dans la présente loi signifient respectivement « emprisonnement [imprisonment] », « emprisonnement à vie [imprisonment for life] », « confiscation des produits du crime [confiscation of proceeds of crime] » et « amende [fine] » ; l’expression « détention de courte durée [short- term detention] » doit être interprétée, en référence aux lois pertinentes de la région, comme « emprisonnement [imprisonment] », « détention dans un centre de détention [detention in a detention centre] » ou « détention dans un centre de formation [detention in a training centre] » ; l’expression « restriction [restriction] » doit être interprétée, en référence aux lois pertinentes de la région, comme « travail d’intérêt général [community service] » ou « détention dans un centre de redressement [detention in a reformatory school] » ; et « révoquer la licence ou le permis d’exploitation [revoke licence or business permit] » signifie « révoquer l’inscription ou l’exemption d’inscription, ou révoquer la licence [revoke registration or exemption from registration, or revoke licence] » comme prévu dans les lois pertinentes de la région.

Article 65. Le pouvoir d’interprétation de la présente loi est dévolu au Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale [Standing Committee of the National People’ s Congress].

Article 66. La présente loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.

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