Résumé

Introduction

I.

La mobilité urbaine : contexte et enjeux pour métropoles européennes

II.

Les politiques de déplacements des villes européennes : axes structurants et bilan

III.

Le potentiel des systèmes et services basés sur les outils de la mobilité numérique

IV.

L’écosystème de la mobilité numérique

V.

Une proposition de gouvernance et de répartition des rôles des acteurs publics et privés pour la mobilité urbaine numérique

Conclusion

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Résumé

Ville intelligente, smart city, open data, big data, smart mobility… Au-delà des discours marketing, il est certain que le numérique atteint désormais les fonctions majeures de la ville et jouera un rôle fondamental avec la multiplication et l’amélioration des données de mobilités disponibles, et les gains apportés sur les outils de traitement de l’information.

Des interrogations, des débats et parfois des controverses se font cependant jour : la ville intelligente se résume-t-elle au déploiement de technologies ? Quel rôle pour le citoyen et le politique ? N’y a-t-il pas un risque de perte de contrôle par le public et, a contrario de prise de pouvoir par le privé ? L’open data est-il la solution pour le développement des innovations et des nouveaux services ? La ville intelligente va-t-elle être un relais de croissance fort pour les entreprises françaises ? La ville et la mobilité seront-elles vraiment plus intelligentes avec le déploiement de ces technologies ?

Après un rappel sur le contexte historique du système de mobilité urbaine et des enjeux des métropoles européennes, cette note met en perspective l’écosystème de la mobilité numérique et présente la répartition des rôles des différents acteurs afin d’utiliser au mieux leurs atouts respectifs en vue de faire émerger une mobilité durable, source de développement économique, en usant de tout le potentiel des technologies du numérique.

De facto, le schéma proposé repose sur un financement plus important par les usagers des services de mobilité. Il place ces mêmes usagers en situation de consommateur-payeur et les responsabilise plus sur leur comportement de mobilité que des services soi-disant « gratuits », dont le financement repose in fine sur l’impôt des particuliers et des entreprises. N’est-ce pas cela aussi la ville intelligente ?

Jean Coldefy,

directeur du programme mobilité 3.0, ATEC ITS France, expert indépendant, ancien adjoint du service mobilité urbaine de la Métropole de Lyon.

Ville intelligente, smart city, open data, big data, smart mobility… Au-delà des discours marketing, il est certain que le numérique atteint désormais les fonctions majeures de la ville et jouera un rôle fondamental avec la multiplication et l’amélioration des données de mobilités disponibles, et les gains apportés sur les outils de traitement de l’information.

Dans le milieu urbain, qui concentre l’essentiel des problèmes de mobilité, les outils numériques de la mobilité – appelés aussi les Intelligent Transport Systems (ITS), le terme « intelligence » étant à prendre au sens du mot anglais information – sont particulièrement efficaces pour répondre aux besoins des collectivités locales et des habitants, et permettre aux entreprises du secteur de se développer. Ils permettent d’optimiser dans le temps et l’espace les infrastructures existantes, de construire de nouveaux services améliorant la qualité de vie et d’avoir une utilisation plus judicieuse de la voiture particulière. Ces outils de la mobilité numérique interrogent la place du public et du privé, et l’organisation de leur complémentarité.

Force est cependant de constater que le sujet est complexe. Des interrogations, des débats et parfois des controverses se font jour : la ville intelligente se résume-t-elle au déploiement de technologies ? Quel rôle pour le citoyen et le politique ? N’y a-t-il pas un risque de perte de contrôle par le public et, a contrario, de prise de pouvoir par le privé ? L’open data est-il la solution pour le développement des innovations et des nouveaux services ? La ville intelligente va-t-elle être un relais de croissance fort pour les entreprises françaises ? La ville et la mobilité seront-elles vraiment plus intelligentes avec le déploiement de ces technologies ?

Après un rappel sur le contexte historique du système de mobilité urbaine et des enjeux des métropoles européennes, cette note met en perspective l’écosystème de la mobilité numérique et présente la répartition des rôles des différents acteurs afin d’utiliser au mieux leurs atouts respectifs en vue de faire émerger une mobilité durable, source de développement économique, en usant de tout le potentiel des technologies du numérique.

I Partie

La mobilité urbaine : contexte et enjeux pour métropoles européennes

Notes

1.

sur ce sujet, voir notamment les recherches du laboratoire d’économie et des transports effectuées par bruno faivre d’arcier, ralph buehler et John pucher sur la durabilité du financement des transports publics.

+ -

Les enjeux de mobilité se focalisent de plus en plus dans les centres urbains, compte  tenu  de  leur  importance  croissante  dans  le  monde,  en  particulier en  Europe  (75%  des  habitants  de  l’Union  européenne  vivent  dans  des agglomérations) : le xxie  siècle est bien celui des métropoles, qui concentrent l’essentiel  du  développement  économique  et  du  potentiel  d’innovation. Ce phénomène de concentration urbaine génère des difficultés, marquées dans les zones périurbaines et les centres urbains. Ceci est dû à un usage excessif de la voiture pour accéder aux centres-villes compte tenu de l’étalement urbain, mais  aussi  pour  parcourir  des  distances  relativement  faibles,  notamment dans ces mêmes centres-villes.

Les grandes villes françaises n’échappent pas à ces tendances de fond avec des enjeux locaux importants de mobilité, et plus particulièrement en termes :

  • d’accessibilité : des centaines de milliers de voitures pénètrent chaque jour dans les agglomérations européennes, avec des situations de saturation que rencontrent également les axes forts de transports en commun ;
  • d’environnement : les transports représentent 30% des émissions de CO2et de particules, ce qui pose de vrais problèmes de santé publique ;
  • de qualité de vie dans les centres urbains (accidentalité, nuisances sonores, encombrement…), avec une nécessité de report modal de la voiture individuelle vers d’autres modes : avec la moitié des déplacements en voiture en ville inférieurs à 3 kilomètres dans la plupart des villes européennes, des marges de manœuvre existent ;
  • d’approvisionnement de la ville : le fret urbain est un enjeu spécifique, avec notamment l’explosion des achats sur Internet. Il doit partager l’espace (infrastructures et stationnement) avec d’autres usages et est perçu, à tort (la fonction d’approvisionnement est essentielle à la ville) comme moins noble ; il représente 10 à 15 % du trafic urbain ;
  • de gestion de l’espace public : tous ces enjeux, parfois contradictoires, se concentrent sur un espace public contraint qui est à partager entre l’ensemble des modes de déplacements (modes doux, transports en commun, voiture particulière, fret urbain…) et les autres usages (réseaux techniques, activités commerciales, lieux de détente ou d’aménagements architecturaux…). Avec, dans les villes européennes, un taux d’occupation de la voiture individuelle de 1 personne/voiture sur des trajets domicile- travail, il y a là aussi des marges de manœuvre pour réduire l’espace occupé par la voiture.

Cette situation intervient après un demi-siècle d’investissements massifs depuis les années 1960 dans les infrastructures de transport pour arriver, tant au plan national que local, à construire des réseaux routiers, ferroviaires et de transports collectifs urbains performants, permettant d’accompagner l’accroissement de la population et le développement économique et urbain. Ces infrastructures et leur exploitation font massivement appels aux fonds publics, les usagers en matière de transports en commun urbains ne participant que très partiellement aux coûts : en moyenne 35% du coût d’exploitation financé par l’usager en France, Lyon faisant figure d’exception avec 50%. Le solde est financé par les entreprises via le versement transport qui est une fraction de leur masse salariale (≈ 2%). Dans de grandes agglomérations, le versement transport (VT) peut représenter 7% de la marge opérationnelle des entreprises, ce qui correspond à l’écart entre la France (≈ 30% de marge) et la moyenne européenne, loin derrière l’Allemagne (42%). C’est tout à fait considérable et sans doute à terme non soutenable. À titre de comparaison, en Allemagne, l’usager finance près de 80% des coûts d’exploitation des réseaux de transports en commun urbains, sans mise à contribution des entreprises via le versement transport mais, il faut le souligner, avec des coûts d’exploitation plus faibles que chez nous, après des efforts importants pour réduire ceux-ci1.

Dans les années 1980, connecter ces réseaux entre eux s’est révélé indispensable, ce qui s’est traduit par l’apparition dans les politiques publiques des concepts d’intermodalité, de multimodalité puis, plus récemment, de comodalité (par la Commission européenne), transcrits sur le terrain notamment par les pôles multimodaux.

Avec le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) sont apparus dans les années 1990 les premiers systèmes de gestion de trafic routier puis des transports collectifs, prémices indispensables à la constitution de données qui alimenteront les premiers services d’information des usagers des réseaux de transport.

Par ailleurs, depuis les années 2000, les contraintes d’environnement – le code de l’environnement dépasse désormais en volume celui du code de l’urbanisme – et de budget ont grandement limité la capacité à créer facilement de nouvelles infrastructures de transport.

Enfin, l’assise du financement des transports publics, qui pèse en France essentiellement sur le coût du travail, rend particulièrement critique le développement des réseaux dans le contexte de perte de compétitivité que connaissent les entreprises nationales.

Avec la mobilité numérique, nous sommes  désormais  entrés  dans  l’ère de l’optimisation des infrastructures existantes et du développement de nouveaux services de véhicules partagés (vélos en libre-service, covoiturage, autopartage…) afin de répondre à une demande de mobilité toujours croissante mais de manière plus économe en espaces et en fonds publics. Cette tendance s’est renforcée avec deux développements majeurs sur les plans technologique et sociétal qui influent durablement la mobilité et le positionnement des acteurs publics et privés :

  • la libéralisation de la géolocalisation satellitaire GPS et l’explosion des développements cartographiques numériques associés ;
  • la diffusion généralisée des smartphones (50% de la population équipée fin 2013) et de l’Internet mobile, accessible aujourd’hui au plus grand nombre compte tenu de la baisse sensible des tarifs.

Il faut ajouter à cela les développements de l’industrie automobile mondiale, qui avance à marche forcée et mettra sur le marché d’ici à 2020 des petites citadines hybrides, émettant zéro gramme de CO2 et consommant 2 litres aux 100 kilomètres : cette innovation majeure va diviser par deux le coût d’usage de la voiture qui sera très proche – hors amortissement – du coût des transports en commun urbains pour l’usager. Cela va être un puissant vecteur d’incitation individuelle à la reprise de la voiture qui, qu’elle soit électrique ou diesel, occupera toujours 10 mètres carrés au sol, l’espace public étant la ressource rare par excellence en ville. Cette innovation risque de perturber fortement les politiques de mobilité, sans parler de l’impact sur les finances publiques.

C’est dans ce cadre que les villes européennes ont à faire face à un challenge particulièrement complexe :

  • garantir l’accessibilité et le développement économique de l’agglomération ;
  • diminuer les nuisances environnementales des déplacements (bruits, pollution de l’air, temps perdu dans les bouchons, consommation d’espaces naturels…) ;
  • reconquérir de l’espace public sur l’usage de la voiture au bénéfice des modes alternatifs durables ;
  • et plus récemment dans leur agenda : favoriser le développement de l’économie numérique.

Tout cela dans un contexte d’éclatement institutionnel et de tensions budgétaires.

figure 1 : l’environnement de la mobilité urbaine

Paradoxalement, la situation de crise des finances publiques pourrait servir de catalyseur pour faire de cette contrainte budgétaire un levier en vue d’adapter notre organisation et nos modes de travail entre acteurs publics et privés : le public ne peut plus tout financer et le secteur privé, tout comme le particulier, doit s’adapter à cette nouvelle donne.

II Partie

Les politiques de déplacements des villes européennes : axes structurants et bilan

Les villes européennes ont mis en place une politique volontariste pour répondre à ces enjeux, avec en ligne de mire un report modal de la voiture individuelle vers d’autres modes de transport et une optimisation du fret urbain, dans un contexte de volumes de déplacements représentant des facteurs multiplicatifs des populations résidentes urbaines (un facteur 2, voire 3, constaté dans les métropoles).

Ces politiques de déplacements sont structurées autour de deux axes :

  • une augmentation de l’offre : investissements dans les infrastructures de transport – ce qui sera de plus en plus difficile dans le contexte des finances publiques en France – et, plus récemment, la mise en place de nouveaux services de mobilité centrés sur le partage des véhicules (vélos en libre- service, autopartage, covoiturage…) ;
  • une action visant à modifier la demande : campagnes de communication incitant aux changements des habitudes de mobilité, outils visant à simplifier l’usage des modes alternatifs à la voiture individuelle (billettique intégrée dans les TC, information multimodale centrée sur les TC…). Par ailleurs, des idées de projets (et des réalisations ailleurs en Europe) de tarification de l’usage de la voiture se font jour dans différents documents sur les stratégies de mobilité urbaine de villes françaises, ce qui est le volet manquant à une politique intégrée de la mobilité.

Sur le premier axe, des efforts très important ont été réalisés depuis vingt ans sur les infrastructures de transports en commun pour faire des villes européennes des champions mondiaux en matière de TC. Néanmoins, les parts modales des TC en Europe stagnent aujourd’hui entre 15 et 25%, sauf à de rares exceptions. Ainsi, dans les agglomérations françaises, un effort très important a été porté depuis quinze ans sur les infrastructures de transports en commun, représentant en grande masse des montants de plusieurs milliards d’euros par mandat municipal, avec de très nombreuses réalisations en matière de transports en commun en site propre : métro, tramway, BHNS (bus à haut niveau de service).

Au-delà des investissements massifs sur les infrastructures de transport, les agglomérations européennes ont développé beaucoup plus récemment une politique spécifique de nouveaux services de mobilité (vélos en libre-service, covoiturage, autopartage…) visant à optimiser l’espace public, avec des véhicules partagés, essentiellement des vélos et, de manière plus marginale, des voitures.

Ces nouveaux services de mobilité ont rencontré un succès immédiat dans le cas des vélos en libre-service (Vélo’v, premier service du genre en France, qui compte aujourd’hui 52.000 abonnés, Vélib’ à Paris, Vélhop, VCub, V’Lille…). Le pari était osé mais il est aussi particulièrement adapté au contexte urbain compte tenu du nombre important de déplacements de courte distance : plus de 50% des déplacements en voiture sont inférieurs à 3 kilomètres dans la plupart des métropoles européennes, ce qui n’est pas à l’évidence la zone de pertinence de la voiture.

Ces services sont encore à des stades de maturation pour ce qui est de la voiture partagée, qui peine à trouver son modèle économique indépendamment des fonds publics. Cependant, avec le faible taux d’occupation de la voiture individuelle (autour de 1 dans les villes  européennes)  et  la saturation des transports en commun urbains, la voiture partagée (autopartage ou covoiturage) est promise à un bel avenir : en milieu urbain les capacités résiduelles de mobilité sont aujourd’hui dans la voiture plus que dans les TC. Ils préfigurent à notre sens une nouvelle organisation de la mobilité et des usages plus efficace, plus sobre en énergie et bien plus économe en fonds publics.

Le bilan tiré de ces actions est certes positif mais reste encore modeste   au vu de l’objectif de report modal : entre le milieu des années 1990 et 2005, la part modale de la voiture a diminué de quelques pour-cent  sur les aires urbaines françaises, ce qui n’était certes jamais arrivé. Ces efforts indispensables ont permis d’accompagner le développement des villes mais n’ont pas véritablement remis en cause la prédominance de la voiture dans le modèle de référence pour les déplacements urbains. Par ailleurs, les problématiques de fret urbain s’accroissent, avec notamment l’explosion des achats sur Internet, et appellent à une action plus forte, impliquant les différents acteurs concernés.

Pour répondre aux objectifs de mobilité urbaine, il est nécessaire aujourd’hui de développer des stratégies qui mobilisent d’autres éléments que les seules infrastructures de transport qui – qu’elles soient routières ou de transports en commun – génèrent toujours une augmentation de la demande de mobilité (comme le montrent la plupart des études sur le sujet en Europe, notamment en Suisse, pays où la part modale des TC est parmi la plus élevée d’Europe mais où l’on a constaté un doublement des personnes habitants à plus de 100 kilomètres de leur lieu de travail « grâce » au développement massif du ferroviaire).

Enfin, à l’heure de la baisse des fonds publics, de la réforme territoriale et du nécessaire renforcement de la compétitivité des territoires, il est certainement nécessaire d’adapter le fléchage des financements des transports vers plus d’efficience. Le potentiel économique et de population se situe dans les villes. Il est donc essentiel que les financements et les efforts portent en priorité sur les aires urbaines, ce qui passe par une bonne coordination entre les Régions et les Métropoles. Au-delà des postures partisanes et des frontières administratives, les Régions doivent accompagner et soutenir les politiques de transport des aires urbaines, parce que ce sont les métropoles qui tirent le dynamisme économique et démographique des régions.

III Partie

Le potentiel des systèmes et services basés sur les outils de la mobilité numérique

Les évaluations montrent que les outils de la mobilité numérique – Intelligent Transport Services and systems (ITS), en anglais – constituent l’un des moyens pour répondre aux enjeux de mobilité urbaine. Transformant la donnée en information, ils permettent d’optimiser dans le temps et l’espace les infrastructures existantes, de construire de nouveaux services améliorant la qualité de vie et permettant une utilisation plus judicieuse de la voiture particulière. Le déploiement des ITS passe par des approches innovantes guidées par les usages et par les possibilités offertes par les technologies, en particulier celles de l’Internet mobile et de la géolocalisation satellitaire, accessibles aujourd’hui à tous avec la baisse très sensible des forfaits Internet sur smartphones.

Ces approches doivent dépasser les frontières entre les modes, souvent gérés de manière trop individuelle. Cependant, le report modal ne se décrète pas. Une approche pragmatique consiste à promouvoir des alternatives qui le rendent crédible, ce qui sera le meilleur moyen pour inciter le citoyen à évoluer vers ses habitudes de mobilité plus durables. Susciter de nouvelles pratiques, faire évoluer les comportements des usagers, des entreprises, des transporteurs, des fabricants automobiles, de transports en commun ou de camions sont des leviers essentiels permettant d’influencer la qualité de la vie et la santé en ville à court, moyen et long terme. Dans ce domaine, des projets doivent être développés, permettant de répondre à la diversité des attentes de mobilité pour des publics variés et pour les usages tant privés que professionnels (taxi, livraisons…).

L’un des plus bels exemples est certainement le covoiturage : les responsables de la SNCF affirment que le service de covoiturage BlaBlaCar leur aurait pris 4 à 5% de leur trafic longue distance. Un rapport du ministère de l’Écologie estime quant à lui à 15% la part potentielle du covoiturage en milieu urbain, ce qui est considérable puisque similaire aux parts modales des transports en communs urbains. Ce service de partage de la voiture, rendu possible grâce aux outils numériques et une réflexion marketing aboutie, est l’une des plus belles illustrations des apports du numérique et d’une potentielle complémentarité entre les nouveaux services de mobilité et les modes classiques portés par le secteur public.

En milieu urbain, avec des modèles économiques simples (par exemple    1 euro le trajet quelle que soit la distance) et une coopération avec les autres modes de transport, il est probable que le covoiturage rencontrera son public et son modèle économique dans la décennie à venir. Il est même très souhaitable et probable que les applications de covoiturage dynamique soient présentes de manière native dans les voitures au même titre que les systèmes de navigation.

Un autre exemple est celui de l’information voyageur en milieu urbain. Il s’agit pour les autorités publiques de permettre d’accéder à l’ensemble de l’offre de mobilité de manière simple et influer ainsi sur les comportements qui sont essentiellement basés sur des habitudes et des représentations – justes ou fausses – du système urbain de mobilité. Pour y arriver, au-delà des actions de sensibilisation du public menées par les agglomérations, des solutions d’information grand public pour faciliter les déplacements au sein de l’ensemble de l’agglomération sont à Il s’agit notamment d’imaginer, de tester, d’offrir et d’exploiter des services très innovants conjuguant l’ensemble des modes de transport. Pour y arriver, il est cependant important de développer des solutions ITS adaptées aux spécificités de la mobilité urbaine, particulièrement complexes. Ainsi, à infrastructures de déplacements constantes, l’objectif est d’optimiser leur utilisation par l’adaptation des comportements de mobilité des usagers quels qu’ils soient et d’améliorer l’exploitation des réseaux urbains.

L’information multimodale doit ainsi être l’un des éléments pour induire un usage plus modéré de la voiture quand cela est possible et pour démontrer que, dans un contexte d’une offre de mobilité foisonnante, cela est plus efficace. L’information multimodale est à comprendre alors comme un service permettant de proposer différentes options pour aller de A à B en combinant l’ensemble des offres de déplacement disponibles : la voiture, les TC urbains, les TER, le vélo, les vélos en libre-service, les parcs relais voitures ou vélos, le covoiturage, l’autopartage, etc.

Une information sur l’ensemble des solutions de mobilité avant et pendant le trajet, disponible à tout moment, où que l’on soit, en temps réel, est un puissant levier pour permettre aux usagers de prendre les bonnes décisions en fonction de leurs besoins et contraintes. Des études menées aux Pays-Bas et en Autriche ont établi que l’information multimodale – telle que définie ici, c’est-à-dire allant bien au-delà des seuls transports publics – peut avoir un impact allant jusqu’à 6% de report modal de la voiture vers d’autres modes de transport. Cet impact a des conséquences importantes en termes de fluidité de la circulation, de réduction de la pollution, de réduction du temps perdu dans les congestions automobiles et d’occupation de l’espace public par la voiture individuelle.

Il a ainsi été calculé que, sur une grande agglomération (Lyon, Bordeaux…), 1% de report modal de la voiture particulière vers d’autres modes de transport induit une réduction de 24.000 tonnes de CO2/an. Différents ratios ont ainsi été établis (avec un prix marché de la tonne de CO2 estimé à 20 euros) pour mesurer le rapport coût/efficacité en termes de réduction de

CO2 des différentes mesures employées pour faciliter le report modal et le rendre possible et crédible :

  • information multimodale : 10 euros/t CO2 économisés ;
  • covoiturage : 100 euros/t CO2 économisés ;
  • 400 kilomètres de pistes cyclables : 100 euros/t CO2 économisés ;
  • nouvelle ligne de transport en commun en site propre : 17.000 euros/t CO2 économisés.

Si ces chiffres sont à prendre avec prudence, ils montrent toutefois le potentiel indéniable de l’information voyageur sur les comportements de mobilité et sa très forte efficience.

IV Partie

L’écosystème de la mobilité numérique

Notes

2.

À l’heure de l’engagement des débats parlementaires sur l’ouverture des données, l’enjeu clé est que la va- leur ajoutée des données profite également aux acteurs du territoire et ne soit pas accaparée par des groupes employant au final peu de personnes en france et optimisant à outrance leur fiscalité.

+ -

Pourtant, si l’on reste sur le champ de l’information sur la mobilité, jugé   le plus prometteur en matière d’économie numérique, il n’y a pas à ce  jour de modèle économique autonome des fonds publics. Mis à part l’information routière, financée par l’usager – la plupart du temps sans qu’il en ait conscience, via un coût attaché à l’achat du véhicule et redistribué aux opérateurs d’information routière –, il n’y a pas d’exemple de services d’information de mobilité financés autrement que par des fonds publics.

L’une des raisons invoquée a été à juste titre la disponibilité des données : avec l’open data, nous allions libérer les énergies et la créativité de nombreux acteurs et les services aux citoyens allaient se diffuser largement et en nombre. Force est de constater que si les acteurs – PME et start-up – sont nombreux et créatifs, le bilan économique de l’open data est faible : il y a bien eu       la création d’applications sur la mobilité issue des démarches d’open data, mais ces applications n’ont quasiment généré aucun business significatif et leur pérennité s’est révélée très fragile une fois les fonds publics d’aide au lancement épuisés.

La raison en est en fait assez simple : l’ouverture des données est certainement une condition nécessaire à l’émergence de nouveaux services, mais ce n’est pas une condition suffisante. Il existe bien d’autres facteurs empêchant la diffusion de services numériques et il faut aller au-delà de la démarche d’open data en se rappelant qu’il s’agit là d’un moyen et non une fin : l’objectif de l’ouverture des données pour une métropole, c’est aussi la création de nouveaux services et de modèles économiques indépendants des fonds publics. Dans des marchés non matures, il faut travailler en partenariat avec le secteur privé afin de créer les conditions d’émergence de nouveaux modèles économiques.

En matière d’information mobilité, les barrières au développement de services innovants et trouvant leur propre modèle économique sont les suivantes :

  • des services incomplets, et donc à faible valeur ajoutée : les services d’information sur la mobilité urbaine sont aujourd’hui organisés par silos de données et sont le reflet du millefeuille institutionnel ; vous avez autant d’applications et de sites Internet que d’organisations : trafic routier par zone, TER, vélos en libre-service, parkings, autopartage, covoiturage, transports en commun urbains, aéroport, taxis, Pris individuellement ces services ont peu de valeur marchande leur permettant de se développer. Ils n’ont pas tous une couverture géographique suffisante, ne disposent pas toujours d’informations en temps réel et proposent dans le meilleur des cas une juxtaposition des modes de transport, mais sans combinaison de ces modes ;
  • un accès aux données parfois limité : la situation a particulièrement évolué sur le sujet grâce au mouvement open data. Les acteurs publics sont aujourd’hui engagés dans une mise à disposition des données et la question n’est plus de savoir s’il faut le faire, mais comment il faut le faire. Ces acteurs demandent en particulier qu’il y ait une cohérence entre leurs politiques publiques et les services produits avec leurs données. Par ailleurs, de nombreuses données échappent au mouvement open data et, dans le domaine de la mobilité, certaines sont particulièrement critiques. Ainsi les données des opérateurs privés, agissant souvent mais pas systématiquement dans le cadre de contrats ou de statuts publics, ne sont pas toutes accessibles : données ferroviaires, parkings et autoroutes concédés, etc. Si la négociation échoue, comment accéder à ces données ? Il en va de même des données issues des usagers, parfois sans leur consentement formel, qui peuvent pourtant très utilement compléter les bases de données des réseaux et services de transport, pour peu que l’on assure la protection de la vie privée et que l’on reste dans un cadre légal de protection des données personnelles ;
  •  des acteurs dominants qui perturbent une logique économique rationnelle : il y a d’abord, on l’oublie trop souvent en France, les acteurs publics qui ont tendance à diffuser une large gamme de services bien au-delà de leurs obligations réglementaires, mais aussi bien sûr de grands acteurs, en particulier (mais pas seulement) de l’Internet – notamment Google –, qui diffusent aujourd’hui des services très performants, et ce gratuitement, leur modèle économique étant fondé sur la publicité et des commissions sur la mise en relation entre les particuliers et de multiples services. Ces opérateurs ont des stratégies et, pour certains déjà, des positions monopolistiques sur l’information (par exemple, 70% de taux de pénétration pour Google sur de grandes agglomérations comme Lyon, à quasi-égalité avec le service public d’information sur les transports en communs). Ils perturbent le marché avec des phénomènes qui ne sont pas sans rappeler la bulle Internet du début des années 2000 : Waze, start-up fournissant de l’information routière, a ainsi été rachetée plus de 1 milliard de dollars, soit trente-sept fois son chiffre d’affaires cumulé ! La culture du tout gratuit qu’ils diffusent est également un non-sens économique et un outil au service de leur stratégie de monopole ;
  • une notoriété insuffisante et des circuits de distribution difficiles à monter : corollaire du point précédent, quand bien même une entreprise arriverait à élaborer un service performant, la difficulté pour elle va être de le faire connaître du plus grand nombre et de le diffuser sur les territoires urbains de manière à créer son modèle économique. Tout le monde ne s’appelle pas Google ni SNCF, ni Lille, Rennes Métropole, etc.

Il n’est donc pas surprenant qu’il soit particulièrement complexe pour une PME de pouvoir lancer un service viable économiquement. A contrario, l’ouverture des données en open data est pour les grands monopoles privés une véritable aubaine et constitue une menace certaine pour les pure players de l’information mobilité et risque fort de conduire à l’effet inverse recherché avec le renforcement du poids de ces acteurs et la disparition des modèles économiques naissant2.

Ce contexte a figé la situation côté fournisseurs, avec des entreprises liées aux opérateurs de transport public, donc très peu nombreuses, financés exclusivement sur fonds publics et qui travaillent sur des niches non encore accessibles à des Google faute d’accès aux données. Cet environnement a institué de facto des oligopoles sur le plan national, ce qui n’est pas favorable à l’innovation. Comment en sortir ?

 

V Partie

Une proposition de gouvernance et de répartition des rôles des acteurs publics et privés pour la mobilité urbaine numérique

Avant d’étudier les stratégies possibles pour développer de nouveaux services numériques de mobilité autonomes des fonds publics, il convient de resituer les acteurs de la mobilité urbaine et le cadre dans lequel ils agissent.

Globalement, les acteurs de la mobilité urbaine sont de trois types :

  • les acteurs publics, qui agissent aujourd’hui en maître d’ouvrage, construisant pour les usagers (et électeurs) des infrastructures de transport, leur offrant des services d’exploitations de ces infrastructures, et également des services d’information sur les réseaux de transport ;
  • les acteurs privés, agissant dans le cadre de contrats publics (essentiellement des marchés publics, DSP et concessions) qui exploitent les réseaux de transport et les services d’informations sur ces réseaux ;
  • les usagers (personnes et fret urbain), qui aujourd’hui consomment ces offres de transport et services associés en n’en payant qu’une fraction du coût d’exploitation (≈ 35% du coût d’exploitation en France, le reste étant financé par une taxe assise sur le coût du travail).

Les objectifs de ces acteurs sont les suivants :

  • les acteurs publics, déploient une politique de mobilité, garante de l’intérêt général, avec les quatre objectifs rappelés dans la partie I de cette note, la situation de congestion des métropoles européennes démontrant, si besoin est, qu’on ne peut laisser à la seule initiative privée la gestion des problèmes de mobilité ;
  • les acteurs privés, qui ont pour clients essentiellement les acteurs publics dans le secteur de la mobilité, ont besoin de revenus leur permettant de poursuivre et développer leurs activités et leur R&D. Perdurer sur les seuls fonds publics est aujourd’hui un vrai facteur de risque dans la période actuelle de tension budgétaire ;
  • les usagers (personnes et fret urbain) demandent de pouvoir se déplacer de la manière la plus efficace dans les agglomérations tout en assurant un moindre impact environnemental, compte tenu des problèmes récurrents de pollution de l’air.

Ainsi toute solution efficace de mobilité urbaine devra trouver, autant que faire se peut, un compromis entre ces trois objectifs. C’est dans ce contexte particulier qu’il faut penser la construction de nouveaux modèles pour les services de mobilité numérique.

La proposition qui suit vise à développer des services de très haut niveau d’information sur la mobilité et à les déployer sans appels aux fonds publics. C’est la stratégie mise en œuvre sur la métropole de Lyon, avec les projets Optimod’Lyon et Opticities, mais également à Bordeaux, pour prendre les deux agglomérations certainement les plus avancées sur ces sujets.

Pour ce faire il faut organiser un écosystème favorable au développement de services autonomes en surmontant les quatre barrières précédemment identifiées.

En premier chef, il est indispensable de développer des services complets et de haut niveau, dont la valeur ajoutée perçue permettra l’émergence de modèles économiques. Ces services d’information doivent sortir de la logique par silos et intégrer l’ensemble des modes de transport, y compris la voiture,  sur une zone géographique cohérente et avec l’ensemble des temporalités : temps de parcours habituels, temps réel, voire la prédiction de trafic à 1 heure.

Par ailleurs l’information doit être crédible, c’est-à-dire fiable et sans manipulation de l’information en faveur d’un mode. Nous sommes tous, selon nos besoins, tour à tour marcheurs, cyclistes, conducteurs, utilisateurs des transports en commun. Le report modal ne se décrète pas et il serait particulièrement paradoxal de ne pas intégrer la voiture (50% de la part modale dans les villes) dans les services d’information si l’on veut réduire son usage excessif. Des travaux (notamment ceux d’Optimod’Lyon) ont prouvé un intérêt très élevé pour des services intégrés de ce type et une propension à payer très importante : 80% des usagers sondés !

En deuxième lieu, il faut construire à l’échelle d’un territoire cohérent (c’est- à-dire du point de vue de l’usager, et donc ne collant pas strictement aux frontières administratives) un entrepôt rassemblant l’ensemble des données mobilité, quel que soit leur statut, public ou privé, et en assurer l’accès aux opérateurs de services d’information. Ce set de données mobilité doit être contrôlé par les acteurs publics, d’une part parce qu’ils sont les principaux fournisseurs de données, et, d’autre part, parce qu’ils ont en charge la gestion des réseaux urbains de transport, et qu’à ce titre ils ont une fonction de régulation publique qui n’est pas délégable. Ainsi l’accès aux données doit être conditionné à la prise en compte des politiques publiques par les services développés à l’aide des donnés publiques : comment en effet comprendre qu’un service utilisant des données publiques envoie le trafic routier devant les écoles parce que la rue parallèle est encombrée ? Ou qu’un autre dirige de manière préférentielle les usagers vers son parking, son réseau de transport ? Pour faciliter ce travail, au vu des expériences passées et du temps considérable perdu, il est nécessaire d’adapter le cadre réglementaire actuel afin que toute donnée produite dans le cadre d’un contrat public avec financement public quel qu’il soit (marché, DSP, concession, PPP…) revienne de droit à l’autorité publique contractante, avec tous les droits de réutilisation.

En troisième lieu, réinterroger le positionnement du secteur public afin qu’il laisse des espaces aux acteurs privés :

  • des services portés par la puissance publique là où il n’y a pas de modèle économique autonome. Dans ce cas, c’est la puissance publique qui porte sous maîtrise d’ouvrage publique le développement et  l’exploitation  des services : constitution de données fiables, exploitation  optimisée des réseaux, information sur tous les modes de manière individuelle et combinée sur des médias de base. Sont concernés ici les trafics routiers, des services de vélo en libre-service, les transports en commun sur des médias de masse (Internet et radio) ; ces services doivent intégrer l’enrichissement permanent des données afin d’améliorer la complétude géographique et modale. Pour laisser des espaces, le public doit réinterroger ses services, et en particulier les médias de diffusion : par exemple, est-ce à lui de diffuser et de maintenir des applications mobiles, alors que les procédures publiques ne lui permettront jamais de suivre le rythme des évolutions technologiques ?
  •  des services portés par le privé là où les modèles économiques autonomes sont viables. Afin de favoriser ces services, les autorités publiques mettent à disposition leurs données à des opérateurs privés avec la condition que leur utilisation ne soit pas contraire à la politique publique de mobilité de l’agglomération. Pour ce faire, le set de données urbaines rassemble l’ensemble des données mobilité, publiques mais aussi privées, avec une plateforme unique d’accès et des formats normalisés. Ce set de données mobilité, contrôlé et opéré sous maîtrise d’ouvrage publique, est une facilité offerte aux opérateurs privés afin qu’ils développent des solutions innovantes et performantes d’information sur la mobilité urbaine, combinées avec d’autres sources d’information. Ces services à haute valeur ajoutée peuvent rencontrer leur public et permettre de sortir du tout gratuit actuel du numérique, mortifère économiquement.

Quatrièmement, intégrer dans l’accès aux données des clauses permettant de gérer les situations monopolistiques actuelles et futures, avec par exemple une tarification dissuasive se déclenchant à partir d’un seuil élevé de part de marché ou de pénétration du marché. Pour une PME ou une ETI se développant, l’accès est totalement gratuit. Pour une entreprise avec des visées monopolistiques, le principe de la tarification et son niveau devra être suffisamment dissuasif pour éviter qu’il s’empare d’un marché ou y perdure avec une position dominante excessive. Il peut y avoir d’autres dispositifs, mais la logique et la finalité sont essentielles si l’on veut que l’open data ne produise pas le résultat inverse à celui recherché, c’est-à-dire la destruction d’un écosystème naissant et la délocalisation des emplois et des revenus du numérique.

Enfin, permettre à des PME et à des start-up de bénéficier des marques des territoires pour la diffusion de leurs produits. Cela passe par une logique de labellisation et permet à des produits numériques d’être diffusés via les sites Web des acteurs publics urbains, les sites Internet étant parmi les plus consultés dans les métropoles.

Les villes européennes ont de grandes ambitions pour offrir à leurs habitants et à tous ceux qui voyagent et travaillent sur leurs agglomérations les meilleures conditions de déplacements. Des initiatives remarquables se font jour, à Bordeaux (cf. le Grenelle des mobilités et les projets de mobilité numériques de la métropole de Bordeaux), à Lyon (projets Optimod’Lyon sur l’information multimodale, Opticities sur l’intégration du covoiturage dans la voiture et la portabilité d’applications mobilité entre villes européennes), à Strasbourg (l’excellente application StrasMap), à Lille (carte de vie quotidienne multi-applicatives), etc.

L’organisation proposée ici nous semble satisfaire les différents groupes d’acteurs, avec :

  • des acteurs publics focalisés sur la gestion des réseaux et les politiques publiques, et le développement économique de leur territoire ;
  • des acteurs privés sur le développement d’outils performants d’information voyageurs et de nouveaux services de mobilité avec de nouveaux modèles économiques autonomes ;
  • des usagers souhaitant limiter les nuisances liées à leurs nécessaires déplacements et participant plus directement aux modèles économiques des services qu’ils utilisent.

Cette stratégie rencontrera des obstacles à court terme, compte tenu d’un secteur qui aujourd’hui ne fonctionne quasiment qu’avec de l’argent public. Il sera difficile aux acteurs publics de laisser de la place au secteur privé, ce qui sera d’abord considéré comme une perte de contrôle et un dessaisissement. Il sera tout aussi difficile à des acteurs privés se finançant essentiellement sur des contrats publics avec un faible nombre de clients publics de passer à des modèles économiques avec une multitude de clients privés et des prises de risque plus fortes.

Il est cependant très probable que l’organisation ici proposée entre acteurs publics et privés deviendra un standard dans la décennie à venir, non seulement en France mais aussi en Europe. Ce schéma renforce le financement par les usagers des services de mobilité – à l’image de BlaBlaCar – et les place en situation de consommateur payeur.

Il les responsabilise ainsi plus sur leur comportement de mobilité que des services soi-disant « gratuits », dont le financement repose in fine sur l’impôt des particuliers et le coût du travail. N’est-ce pas cela aussi la ville intelligente ?

Si le public ne doit pas tout prendre en charge en direct, il ne peut pour autant abandonner la politique publique au secteur privé, dont ce n’est pas le rôle. Ainsi le public restera l’acteur prépondérant en matière de collecte de données et de gestion des réseaux de transport. La mise à disposition d’information mobilité avec les garanties exprimées ci-avant favorisera le développement de services innovants, pérennes et autonomes économiquement, permettant aux citoyens de disposer rapidement des services adéquats de mobilité, à des coûts raisonnables.

Le secteur privé peut dans ce contexte grandement contribuer à la mobilité urbaine en utilisant les données des villes européennes. L’enjeu est cependant bien l’adéquation de ces services avec la politique publique de mobilité urbaine et la mise à disposition des données ne peut être décorrélée de garanties en la matière : la somme des comportements individuels ne constitue pas forcément l’intérêt général, la situation des déplacements dans les agglomérations nous le montre tous les jours.

Par ailleurs, la mobilité numérique est un champ important de développement économique et d’innovation. À l’heure où la voiture se réinvente (de la possession de la voiture à la voiture servicielle), les opérateurs sont à la recherche de nouveaux modèles économiques combinant les différents modes de transport. Le secteur public ne peut ignorer ces travaux et doit  y prendre sa place, en favorisant le développement de l’innovation et des modèles économiques pérennes, en coopération avec les acteurs privés.

La mise en commun des ressources et des atouts des acteurs publics et privés, avec une articulation intelligente des rôles, est la seule solution pour développer des outils et services de mobilité numérique adaptés au milieu urbain, performants et fiables, qui rencontrent un marché indépendant des fonds publics en se frayant un chemin au milieu des monopoles publics    et privés. Avec les entreprises, les laboratoires de recherche, présents sur les territoires et ceux qui demain s’y implanteront, il y a tout un champ ouvert pour inventer ensemble la ville de demain en matière de mobilité et d’économie numérique.

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