L’AfD : l'extrême droite allemande dans l'impasse
Introduction
Le fractionnement du système politique
Émergence et renforcement de l’AfD
Fondation et évolution sociologique de l’électorat AfD
Organisation, financement et communication de l’AfD
Les Allemands, l’Europe et l’AfD
L’opinion allemande et l’Union européenne
La perception de la démocratie et des institutions européennes
La perception de la Russie par les Allemands depuis la guerre en Ukraine
Le programme européen de l’AfD
Défis et perspectives pour l’AfD
Une réunification allemande inachevée : le tremplin de l’AfD
L’impact des difficultés économiques sur le soutien à l’AfD
Radicalisation interne, opposition et risques d’interdiction
Les institutions religieuses et syndicales face à l’AfD
L’AfD et Moscou : des liens controversés sous le feu des débats
L’AfD marginalisé par l’extrême-droite au Parlement européen
Les élections de Saxe, de Thuringe et du Brandebourg
Conclusion
Résumé
Les élections européennes de juin 2024, en Allemagne, ont souligné la montée de Alternative für Deutschland (AfD). Avec 15,9% des voix, ce parti d’extrême droite fondé en 2013, est arrivé en deuxième position et a remporté 15 sièges au Parlement européen, son meilleur score à ce jour. L’AfD poursuit sa progression, comme l’ont montré les élections régionales de septembre 2024 en Saxe, en Thuringe et dans le Brandebourg, où il a obtenu aux alentours de 30% des voix.
La crise migratoire de 2015 a marqué un tournant fondamental, en mettant en avant dans le débat public les thématiques privilégiées de l’AfD : immigration, rejet de l’islam, sécurité, famille, nation, dénonciation de l’échec des « vieux partis », etc. Le parti a su tirer profit de ce contexte, plus favorable encore depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la crise des approvisionnements énergétiques. L’AfD est désormais un acteur majeur de la vie politique allemande. En dix ans, il a opéré une véritable mue, passant de l’identité d’un parti de protestation à celle d’un parti d’adhésion capable de façonner un corpus idéologique singulier.
Alors que se profile l’élection du Bundestag (en 2025), la coalition Ampel, dirigée par Olaf Scholz, qui rassemble le Parti social-démocrate (SPD), le Parti libéral-démocrate (FDP) et les Verts, est frappée par une série d’échecs électoraux majeurs. À l’instar de l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), l’AfD a su se nourrir de la crise du système politique allemand et de la défiance à l’égard des partis traditionnels.
Malgré l’offensive menée par les autres partis, les Églises, le patronat, la société civile et les services secrets allemands, l’AfD résiste, poursuivant son ascension, au point de faire craindre une disparition du Brandmauer (« mur coupe-feu ») des partis démocratiques.
Cette dynamique ne doit pas abuser le jugement, car il ne faut pas sous-estimer la réalité des difficultés auxquelles le parti est confronté. Au Parlement européen, sa radicalité l’isole, au point d’avoir été exclu du groupe Identité et Démocratie (ID) conduit par le RN. À l’intérieur, malgré un enracinement régional réel à l’Est, l’AfD est toujours sans partenaire de coalition pour gouverner, rendant son arrivée au pouvoir plus qu’incertaine.
Patrick Moreau,
Docteur en Histoire, docteur d’État (FNSP) en sciences politiques, CNRS, spécialiste des partis extrémistes en Europe.
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L'émergence d'une gauche conservatrice en Allemagne : l'Alliance Sahra Wagenknecht pour la raison et la justice (BSW)
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L’ancienne brasserie Schultheiss de Dessau a été construite entre 1896 et 1899 comme un bâtiment industriel d’une taille impressionnante. L’architecture historique en brique est classée monument industriel de la ville. Après la faillite, certains bâtiments sont vides et tombent en ruine, d’autres sont utilisés par des institutions culturelles.
Introduction
Le fractionnement du système politique
Patrick Moreau, L’émergence d’une gauche conservatrice en Allemagne : l’Alliance Sahra Wagenknecht pour la raison et la justice (BSW), Fondation pour l’innovation politique, Janvier 2024 [en ligne].
L’Allemagne connaît une crise de son système politique due à la faiblesse de la coalition « Feu tricolore » (Ampel), qui rassemble le Parti social-démocrate (SPD), le Parti libéral-démocrate (FDP) et les Verts. La montée en puissance dans les sondages comme à l’occasion des élections régionales de l’Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland-AfD), surtout dans les nouveaux Bundesländer, mais aussi plus faiblement à l’Ouest, n’est pas la cause de cette crise, mais une de ses conséquences. La polarisation en cours de la société allemande profite à l’AfD qui, malgré sa radicalité politique, voire son extrémisme, parvient à convaincre un vaste électorat dont il faut analyser la diversité et les motivations au lendemain des élections en Saxe, en Thuringe et dans le Brandebourg de septembre 2024.
Les élections européennes ont été, pour tous les partis en lice, une étape essentielle vers l’élection au Bundestag de 2025. La question centrale est la survie électorale du Parti libéral-démocrate (Freie Demokratische Partei – FDP) et de La Gauche (Die Linke) qui sont, au lendemain des élections régionales de septembre 2024 dans les enquêtes d’opinion, menacés de ne plus franchir la barre de représentation des 5%, mais aussi la place que prendront les petits partis lors des consultations régionales de 2024 et nationales de 2025. Deux nouveaux acteurs seront présents : l’Alliance Sahra Wagenknecht – Pour la raison et la justice (Bündnis Sarah Wagenknecht – BSW)1, qui a aux Européennes largement absorbé les voix de La Gauche et marginalement de l’AfD, et les Électeurs libres (Freie Wähler), ciblant les sympathisants de la CDU-CSU et de l’AfD2. En 2025, la liste pourrait s’allonger encore avec l’Union des Valeurs (Werteunion) de Hans- Georg Maasen, qui veut rassembler les conservateurs mal à l’aise avec la politique de la CDU-CSU, et le parti islamiste Alliance démocratique pour la diversité et le renouveau (Demokratische Allianz für Vielfalt und Aufbruch – Dava), qui vise les immigrés de nationalité allemande. Le fractionnement grandissant du système politique pose la question des futures coalitions gouvernementales, tant au niveau du Bund que dans les nouveaux Bundesländer. Dans tous les cas de figures, l’AfD ne sera pas un partenaire de coalition national ou régional, ce qui est beaucoup moins évident au niveau communal, le « mur coupe-feu » (Brandmauer) s’effritant nettement.
Émergence et renforcement de l’AfD
Fondation et évolution sociologique de l’électorat AfD
Deutscher Bundestag, Bundestagswahlergebnisse seit 1949, bundestag.de [en ligne].
Die Bundeswahlleiterin, « Élections au 8e Parlement européen le 25 mai 2014 » [en ligne] ; pour les élections en Saxe : „Wahlen“, wahlen.sachsen.de [en ligne] ; pour les élections en Thuringe : „Wahlen“, [en ligne] ; pour les élections en Brandebourg: „Wahlen“, [en ligne].
Lewandowsky Marcel, ‚,Alternative für Deutschland (AfD)“, dans Frank Decker et Viola Neu (Hg.), Handbuch der deutschen Parteien, Springer VS, Wiesbaden, 2018, p. 161-170; Patrick Moreau, L’autre Allemagne. Le réveil de l’extrême droite, Paris, Vendémiaire, 2017.
a. Une brève histoire de l’AfD
L’origine de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) remonte au 25 mars 2010. La chancelière Angela Merkel déclarait devant le Bundestag que, pour sauver la Grèce du désastre financier, elle ne voyait d’autre possibilité qu’une aide financière massive de l’Union européenne. La chancelière justifiait ce choix en évoquant une « absence d’alternative », formule qui explique le nom d’« Alternative für Deutschland », choisi par le nouveau parti.
De très nombreux économistes, de toutes sensibilités politiques, ont manifesté leur désaccord avec la chancelière. Au cours de l’année 2012, un professeur d’économie de Hambourg, Bernd Lucke, décide la création d’un mouvement de rassemblement, Bündnis Bürgerwille – BBW (« Alliance de la volonté citoyenne »). Ce mouvement, affirmé supra-partisan, avait pour objectif d’imposer la tenue de consultations populaires sur les abandons de souveraineté et les questions monétaires. Cette démarche trouvait alors un écho très favorable auprès des associations des classes moyennes ou de PME, surtout d’inspiration conservatrice, mais aussi dans les partis politiques (CDU-CSU et FDP). Dans ce contexte, les futurs fondateurs de l’AfD allaient alors disposer d’un vaste réseau de sympathisants et de soutiens qui, en 2013, ont mis à leur disposition les ressources financières nécessaires à la fondation d’un parti.
Le 14 avril 2013, cinq mois avant les élections au Bundestag, l’AfD tenait son congrès fondateur. En quelques semaines, le parti disposait d’une implantation dans tous les Länder et pouvait publier la liste de ses candidats. L’AfD bénéficiait alors d’une formidable propagande médiatique, certes négative, mais qui lui permettait de populariser ses thèmes. À l’occasion des élections au Bundestag et aux régionales de la Hesse le 22 septembre 2013, l’AfD échouait à franchir la barre des 5% (4,7% au Bundestag, 4,1% dans la Hesse), mais, dès le mois de mai 2014, elle effectuait une percée politique décisive aux élections européennes (7,1% des voix et 7 élus). Les trois consultations régionales qui ont suivi ont eu lieu dans les nouveaux Bundesländer (9,7% en Saxe, 10,6% en Thuringe et 12,2% dans le Brandebourg) et ont représenté une nouvelle étape de la consolidation de l’AfD tant sur le plan organisationnel que sur le plan électoral3.
Sur le plan thématique, la campagne des élections au Bundestag en 2013 porte essentiellement sur les questions européennes. Les consultations suivantes font néanmoins émerger les nouveaux thèmes porteurs de l’AfD – la politique d’immigration, la sécurité publique, la protection familiale, les valeurs, la nation. L’argumentaire déroulé par l’AfD et l’iconographie de la campagne anti-immigration, dominante à partir de 2015, montrent que ce parti se rapprochait typologiquement d’autres formations nationales-populistes, telles le Front national français ou le FPÖ autrichien. La dénonciation des « vieux partis » présents au Bundestag, l’appel à sauver les systèmes de protection sociale menacés par l’arrivée des « étrangers », la critique de l’islam, présenté comme une religion politique antithétique des principes constitutionnels démocratiques et la dénonciation d’une immigration incontrôlée, renforçaient l’impression d’un glissement vers le nativisme.
La crise des réfugiés est le principal facteur de la percée de l’AfD. Le 31 août 2015, la phrase d’Angela Merkel ,,Wir schaffen das !’’ (« Nous y arriverons ! ») devient le symbole d’une société ouverte à la misère du monde. L’arrivée de plus de 900.000 migrants et réfugiés enregistrés en 2015 engendre une crise politique, surtout dans les rangs de la CDU-CSU, et offre à l’AfD la possibilité d’instrumentaliser une inquiétude collective et un sentiment de rejet vis-à-vis de l’islam. Le slogan « Madame Merkel doit partir » devient rapidement le leitmotiv de l’AfD. Aux élections de mars 2016, le parti s’impose sur l’ensemble du territoire comme une force politique incontournable4.
Les résultats de l’AfD aux élections nationales, régionales et européennes (2019 – 2024)
Source :
Bundeswahlleiterin [en ligne].
Fabian Virchow, ,,Landtagswahlen: AfD punktet dort, wo Wirtschaft vor Herausforderungen steht“, Ifri.org, Mars 2020 [en ligne].
Les pourcentages indiqués représentent la part de nouveaux électeurs issus de chaque parti par rapport à l’ensemble des nouveaux électeurs de l’AfD en 2017 (soit 3.820.000 nouveaux électeurs).
Ann-Katrin Müller et al. ,,Warum so viele junge Leute die AfD gewählt haben“, 10 octobre 2023 [en ligne].
L’AfD a connu en 2017 une crise politique interne due à l’affrontement de trois lignes politiques : les « conservateurs des valeurs » venus de la CDU-CSU, les nationaux-libéraux issus du groupe fondateur, enfin, les nationaux-völkisch venus des mouvements d’extrême-droite (völkisch signifiant « populaire » dans un sens ethnique). Après l’élimination des instances dirigeantes des nationaux-libéraux en 2022, le parti est dominé en 2024 par l’aile völkisch dirigée par Björn Höcke5. Celle-ci a radicalisé le discours de l’AfD et a accentué la propagande antiféministe, anti-immigration, anti-islam et anti-woke du parti. À l’occasion des consultations de Basse-Saxe, de Bavière, de Hesse et de Berlin en 2022 et 2023, l’AfD a progressé nettement dans ces Länder de l’Ouest, mais aussi aux élections de Thuringe, de Saxe et du Brandebourg en septembre 2024.
b. Les élections au Bundestag de 2017 et 2021 : les raisons du vote AfD
L’AfD est un parti très jeune par rapport à la plupart de ses concurrents. Pour comprendre sa force et ses faiblesses en 2024, il faut se reporter aux élections au Bundestag de 2017 et de 2021. À l’occasion de ces consultations, les milieux AfD se stratifient, en s’implantant dans les territoires et en rassemblant des couches ou groupes d’électeurs qui sont aujourd’hui la base électorale stable de l’AfD. Un profil type se dessine qui vaut pour les élections européennes de 2024, comme pour les consultations dans les nouveaux Bundesländer de l’Est.
À l’été 2017, la moitié des personnes interrogées était critique à l’égard de la Grande coalition CDU/CSU/SPD en place, notamment en raison des inégalités sociales perçues comme grandissantes, et de l’existence de zones de pauvreté dans des régions en crise. Cette population électorale se concentrait avant tout dans les nouveaux Bundesländer et rassemblait des électeurs à bas niveau de formation, les ouvriers, les adhérents de Die Linke et de l’AfD. Les sondages montraient que l’AfD était perçue par les électeurs comme une formation essentiellement protestataire, utile pour « dénoncer ce qui ne va pas ». La direction de l’AfD focalisait donc tout son discours sur le thème de l’immigration, principale inquiétude des Allemands, un thème toujours actuel.
À l’élection au Bundestag de 2017, l’Union (CDU + CSU) faisait son plus mauvais score depuis 1949 (32,9%) et le SPD (20,5%) le plus mauvais score de toute son histoire politique d’après-guerre. La percée de l’AfD (12,6%) était exceptionnelle dans les nouveaux Bundesländer (21,9% soit + 16,1 pts), alors qu’à l’Ouest il obtenait 10,7% (+ 6,3 pts). La croissance de la participation électorale à l’Est comme à l’Ouest était un facteur essentiel de gain pour l’AfD. Il gagnait des électeurs en provenance de tous les partis, dont presque 980.000 voix venues de la CDU-CSU (25%6), mais aussi 400.000 de Die Linke (10%) et 470.000 du SPD (12%). Le principal afflux était celui des abstentionnistes mobiles de 2013 (1,2 million, soit 31%).
15% des hommes et 9% des femmes désignent l’AfD comme parti favori, selon les données datant de 2017. Par ailleurs, plus le niveau de formation est élevé, moins l’AfD trouve d’électeurs. La ventilation par tranche d’âge montre que cette formation obtient ses meilleurs scores chez les 25-59 ans, un choix motivé par la peur du chômage et d’une dégradation de leur situation personnelle, comme d’une très forte hostilité à l’immigration perçue comme une double concurrence : sexuelle et économique7. Les plus jeunes et les plus de 60 ans étaient, pour leur part, tendanciellement résistants au choix AfD. Le choix par catégorie professionnelle confirmait la « prolétarisation » de ce vote, perceptible à l’occasion des élections régionales de la période 2016-2017 (ouvriers, 21% ; chômeurs, 21 % ; employés , 12% ; indépendants, 12% ; retraités, 11%)8.
Le choix AfD est commandé en 2017, comme en 2024, par un fort sentiment de perte de contrôle. Les électeurs AfD se sentent au plus bas de la société et sont persuadés de connaître une « dégringolade » sociale. Sur le plan politique, les élites partisanes et les institutions sont perçues comme éloignées de la réalité et incapables d’écoute, principalement sur la question migratoire. Les électeurs AfD sont, de loin, les plus insatisfaits du fonctionnement de la démocratie allemande (à 80%). Au cœur du choix AfD (« Les raisons premières de mon choix AfD »), on trouve « juguler la criminalité » (61%) et « le contrôle de l’arrivée des réfugiés » (60%). Ce sont les domaines dans lesquels le programme de ce parti est jugé crédible par ses électeurs. Autant de dimensions des campagnes AfD de 2024.
Lors des élections fédérales de 2021, l’AfD enregistre un échec électoral par rapport à 2017. Le parti perd 2,3 pts et termine en cinquième position avec 10,3% des voix. Le SPD remporte cette élection avec 25,7% des voix (+ 5,2 pts), devant la CDU/CSU (24,1%, – 8,9 pts), l’Alliance 90/ Les Verts (14,8%, + 5,9 pts) et le FDP (11,5%, + 0,8 pts). La Gauche n’obtient plus que 4,9% et divise ainsi par deux son résultat des dernières élections fédérales (- 4,3 pts)9.
L ’Allemagne partagée entre la République fédérale d ’Allemagne (RFA) à l ’Ouest,
et la République démocratique allemande (RDA) à l ’Est
Les secondes voix pour l ’AfD lors des élections au Bundestag de 2021 Zweitstimmenergebnis der AfD
Copyright :
Der Bundeswahlleiter 2020
Source :
Atlas électoral – Le directeur du scrutin fédéral, bundeswahlleiterin.de
Note : Les secondes voix de l’AfD aux élections au Bundestag de 2021. L’électeur a deux voix. Avec sa première voix il élit un candidat dans sa circonscription électorale ; il y a 299 circonscriptions en tout. Avec la seconde il choisit au niveau du Land la liste (Landesliste) d’un parti. Les secondes voix sont décisives pour les rapports de forces exprimés en nombre de mandats entre les partis.
Viola Neu et Sabine Pokorny, ,,Wahlanalyse der Bundestagswahl in Deutschland“, Konrad Adenauer Stiftung, 26 septembre 2021 [en ligne].
Parmi les autres catégories : les 25-34 ans (12%, -2 pts), les 45 – 59 ans (12%, -2 pts), les 60-69 ans (10%, -2 pts).
Viola Neu et Sabine Pokorny, op.cit.
Knut Bergmann et al., ,,Landtagswahlen: AfD punktet dort, wo Wirtschaft vor Herausforderungen steht‘‘, iwkoeln.de, 11 octobre 2023 [en ligne].
L’AfD perdait 80.000 voix au profit de la CDU/CSU, 260.000 au profit du SPD, 210.000 au profit du FDP, 60.000 au profit des Verts, 180.000 au profit des abstentionnistes et 180.000 au profit des divers petits partis. Les seuls gains provenaient de La Gauche, qui perdait 90.000 voix au profit de l’AfD. Ce parti connaissait, comme en 2019, ses meilleurs résultats dans les nouveaux Bundesländer (18,9%), contre seulement 8,2% à l’Ouest10.
L’analyse par tranche d’âge montrait que le parti restait fort chez les 35-44 ans (15%, – 1 pt par rapport à 2017). Il reculait chez les 18-24 ans (7%, – 3 pts) et était très faible chez les 70 ans et plus (5%, – 2 pts)11. Le gender gap de 2017 perdure (femmes 8%, hommes 13%). Ventilé par niveau de formation, l’AfD rassemblait 13% des bas niveaux de formation et 6% seulement des bacs et plus. En conclusion, la sociographie du vote AfD en 2021 était proche de celle de 2017 : indépendants (9%, – 3 pts), ouvriers (21 %, + 0 pt), chômeurs (17%, – 4 pts), employés (11%, – 1 pt), retraités (7%, – 4 pts). Le caractère néoprolétarien de l’AfD se confirmait donc en 2021.
Sur les thèmes motivant le choix AfD, les personnes interrogées répondaient « l’immigration » (40%), « la politique gouvernementale pendant la pandémie de la Covid-19 » (18%), « la sécurité sociale et les retraites » (17%) ainsi que « le travail et l’économie » (11%). Le programme du parti jouait un rôle central dans le choix de l’AfD (programme : 71% ; candidat : 14% ; lien partisan sur le long terme : 7%). En 2021, l’AfD n’était plus seulement un parti de protestation, mais aussi une offre idéologique donnant à son électorat un profil relativement unitaire, ce que confirment les sondages de 202412.
Les élections de la période 2022-2023 montrent que l’AfD, par-delà la question migratoire, se renforce dans les régions de transition13. Il s’agit de communes ou de districts ayant un taux d’emploi élevé dans les entreprises à forte consommation d’énergie ou dans l’industrie automobile, c’est-à-dire des « branches industrielles auxquelles la décarbonisation est un défi ». Ce qui est le cas en Hesse et en Bavière. L’étude de l’Institut de l’économie allemande (IW) montre que l’AfD a, dans les régions bavaroises en mutation structurelle, obtenu en moyenne 3,1 pts de pourcentage de plus que son résultat global (14,6%). En Hesse, il a gagné 2,6 pts en moyenne. Après l’immigration, la transformation est devenue un thème de mobilisation efficace pour l’AfD. En 2024, le parti atteint les personnes qui sont soumises au « stress de la transformation ». Il s’agit moins de personnes pauvres ou au chômage que de la « partie de la classe moyenne qui se voit menacée de déclassement face aux changements structurels ».
Le ministère de l’Intérieur évoque, dans les rapports sur l’AfD, une radicalisation du parti, qui se lit dans les textes, mais qui est aussi mesurable dans les sondages. Une analyse de la Konrad Adenauer Stiftung de la fin de 2023 conforte cette thèse. Elle montre que, avec une moyenne de 6,5, l’électorat de l’AfD se positionne de loin le plus à droite sur l’échelle gauche-droite (SPD 4, CDU/CSU 4,7, Verts 3,3)14.
Auto-évaluation des électeurs de l’AfD sur l’échelle gauche-droite (échelle de 0, très à gauche ; à 10, très à droite)
Source :
Sabine Pokorny, « Bäumchen wechsel dich? Politische Einstellungen im Wandel », kas.de, 18 février 2024, p.41 [en ligne].
32% des électeurs de l’AfD se classent au milieu de l’échelle avec une valeur de 5, tandis que 23% s’auto-évaluent à 8. Enfin, 11% de l’électorat se positionne à 10 sur l’échelle gauche-droite, largement au-dessus de la moyenne de l’électorat qui est à 6,5. La comparaison dans le temps montre un « net déplacement vers la droite de l’électorat de l’AfD » en seulement six mois. Les sondeurs constatent que le positionnement aux valeurs 3 et 6 est devenu plus rare. En revanche, les électeurs de l’AfD se positionnent désormais plus souvent aux valeurs 7 et 8. Le positionnement très à droite, la valeur 10, a « également nettement augmenté », passant de 4% à 11%. Un signal fort de la radicalisation en cours de l’AfD15.
c. Les élections régionales de Hesse et de Bavière : L’annonce de la percée électorale de l’AfD aux Européennes de juin 2024
Les élections régionales de Hesse et de Bavière d’octobre 2023 permettent de comprendre les raisons du succès de l’AfD aux Européennes de 202416. Au niveau national, le parti rassemble certes plus d’électeurs en pourcentage dans les nouveaux Bundesländer, mais son score actuel repose sur sa montée en puissance dans les vieux Bundesländer qui rassemblent 68 millions d’habitants contre 15 millions à l’Est (une progression de quelques points est donc plus significative à l’Ouest qu’à l’Est).
En octobre 2023, l’AfD en Hesse obtenait 18,4% des suffrages, soit une augmentation de 5,3 pts par rapport à 2019. En Bavière, ce parti rassemble 14,6% des suffrages (+4,4 pts).
Résultats des principaux partis aux Européennes de 2024 et évolution 2019-2024 (en %)
Source :
Bundeswahlleiterin [en ligne].
Les élections européennes sont aujourd’hui perçues et vécues comme une consultation nationale du même type que les législatives, ceci malgré les différences fondamentales existant sur les buts de la consultation.
Le choix pour un parti a été causé par … – 2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 9 juin 2024 [en ligne]
La CDU/CSU a remporté les élections européennes avec 30% des suffrages et devance largement tous les autres partis. Les partis de l’Union envoient 29 députés au Parlement européen (23 CDU et 6 CSU). Le résultat de l’Union est nettement meilleur en Allemagne de l’Ouest (32,4%) qu’en Allemagne de l’Est (20,7%).
Après leur résultat record de 2019, les Verts subissent de lourdes pertes et n’atteignent plus que 11,9% (-8,6 pts), le SPD tombe à 13,9% (-1,9 pt), son résultat historiquement le plus faible aux élections européennes. L’AfD progresse à 15,9% (+4,9 pts) et obtient 15 sièges au Parlement européen (+4). Dans les nouveaux Bundesländer, l’AfD rassemble 28% des suffrages contre 13% seulement en Allemagne de l’Ouest17. Si l’on compare les résultats de l’AfD aux Européennes avec l’élection au Bundestag de 2021, la progression de l’AfD est plus importante en Allemagne de l’Est qu’en Allemagne de l’Ouest. L’AfD obtient les meilleurs résultats à l’Est, à l’exception du Land de Berlin (Saxe : 31,8%, Thuringe : 30,7%, Saxe-Anhalt : 30,5%). L’analyse des sondages de 2023 montre que le maximum d’intention de vote pour l’AfD était de 22/23% en fin d’année. Le parti recule à partir de janvier 2024, d’abord à la suite de la publication par Correctiv de la rencontre de Postdam sur la remigration18, puis au printemps avec les affaires des députés Bystron et Krah soupçonnés de corruption au profit de Moscou et de contacts avec la Chine (voir infra). Cette phase de déclin s’achève à l’été 2024. La crise de la coalition Ampel au pouvoir, une forte augmentation de l’immigration incontrôlée, enfin plusieurs actes terroristes commis par des immigrés donnaient à l’AfD sa dynamique électorale.
La Gauche recule à 2,7% (-2,8 pts), une conséquence de la scission Wagenknecht et de la fondation de son nouveau parti, le BSW. Cette formation effectue une percée conséquente, mais limitée à 6,2%. Le FDP reste quasiment stable à 5,2% (-0,2 pt), mais est menacé à l’avenir de tomber en dessous de la barre de représentativité des 5%. Tous les autres partis totalisent 14,2% des voix, dont 2,7% pour les Electeurs Libres (Freie Wähler) et 2,6% pour le parti Volt.
Les résultats des partis vainqueurs dans les Länder
Source :
Bundeswahlleiterin, Europawahl 2024 [en ligne].
La CDU/CSU gagne par rapport aux élections fédérales de 2021 1.450.000 électeurs venus du SPD et 560.000 électeurs Verts. L’Union enregistre toutefois des pertes au profit de l’AfD (-570.000) et du BSW (-260.000). L’AfD gagne des électeurs venus de presque tous les partis (SPD et CDU/CSU : 570.000 chacun, Die Linke : 150.000). Seule perte importante : 160.000 électeurs AfD en 2021 rejoignent le BSW. Ce transfert montre que cette formation est en mesure de rogner l’électorat AfD, mais aussi celui de Die Linke, une tendance qui s’est confirmée à l’occasion des élections régionales dans les nouveaux Länder à l’automne 2024.
Les transferts électoraux 2021 – 2024 en milliers de suffrages
Source :
Source: Viola Neu / Jochen Roose, Tabellenanhang zur Europawahl in Deutschland am 9. Juni 2024 [en ligne].
Dans les deux Länder bavarois et de Hesse ainsi qu’aux Européennes de 2024, la percée de l’AfD a les mêmes causes. Cependant, dans les derniers moments de la campagne électorale des Européennes, deux événements, largement relayés dans les médias, ont eu un impact : les inondations en Bavière, qui ont été présentées comme une nouvelle preuve de la nécessité d’une politique climatique renforcée, n’ont toutefois pas permis aux Verts de compenser leur mauvaise image dans la population. Le meurtre d’un policier par un islamiste a eu, par contre, un effet mobilisateur pour la CDU/CSU et l’AfD, ce dernier réussissant à faire quelque peu oublier sa désastreuse campagne (les affaires Krah et Bystron – voir infra).
Quels thèmes ont influencé votre choix de voter AfD ?
Source :
Wer wählte die AfD – und warum ? 18 octobre 2023, tagesschau.de. Résultats de l’enquête en Hesse et en Bavière [en ligne]. Source : Viola Neu / Jochen Roose, Tabellenanhang zur Europawahl in Deutschland am 9. Juni 2024.
L’AfD, en dehors des questions migratoires et de l’islam, a plutôt mauvaise presse en 2024. Il est perçu comme un parti extrémiste de droite, inféodé aux intérêts russes et chinois et promoteur d’une « autre Europe », dont ne veulent pas la très grande majorité des Allemands.
La perception de l’AfD (en %)
Source :
Taggeschau, 26 mai 2019 [en ligne]
L’analyse des compétences des partis montre que l’Union domine pratiquement tous les thèmes, sauf l’environnement (Verts, 33%), la question des retraites (SPD, 25%) et de la justice sociale (SPD, 27%). Le SPD reste, malgré la perception négative du chancelier par les électeurs, le second parti en termes de capacités et de crédibilité. Le BSW n’a, pour sa part, pas de profil clair. L’AfD a, depuis 2019, acquis une compétence limitée dans les domaines de l’immigration et de la lutte contre la criminalité. Il est aussi sur le thème des « réponses aux questions d’avenir » à 8%, à un point du SPD (9%) et largement en tête devant le FDP (4%), le BSW (4%) et Die Linke (2%).
Les compétences des principaux partis candidats – 2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 9 juin 2024 [en ligne].
Les sympathisants de l’AfD peuvent être qualifiés d’électeurs « téflon ». Cet électorat se montre de fait pratiquement indifférent à l’égard des critiques et des arguments des partis concurrents. Leur parti est perçu comme une victime d’attaques injustifiées. Ce qui explique pourquoi les scandales Bystron et Krah (voir infra) n’ont pas entrainé de désaffection massive des adhérents, ceci tout particulièrement dans les nouveaux Länder.
Électeurs AfD : La perception de leur parti (en %)
La sociologie du vote AfD aux Européennes en 2024 (évolution par rapport à 2019)
Source :
Wer wählte die AfD – und warum ? 18 octobre 2023, tagesschau.de. Résultats de l’enquête en Hesse et en Bavière [en ligne].
L’AfD a progressé dans toutes les tranches d’âges en 2023 et 2024, mais son succès est localisé chez les moins de 60 ans. La ventilation par tranche d’âge, pour les Européennes en 2024, chez les moins de 25 ans n’est pas directement comparable avec 2019, car les 16-18 ans avaient pour la première fois le droit de voter. Néanmoins, la dynamique est claire : l’AfD obtient en 2024 16% des suffrages des 16-24 ans, surtout des jeunes hommes (21%). L’AfD devance dans cette catégorie largement tous les autres partis. En termes de niveau éducatif, la dynamique existante depuis 2015 se confirme : plus le niveau éducatif est bas, meilleurs sont les résultats de l’AfD. Sa progression 2019-2024 se localise aussi dans les niveaux éducatifs les moins élevés (diplôme d’études secondaires : 18,7%, +6,3 pts ; certificat de fin des études secondaires : 22,5%, +7,4 pts).
Le vote AfD progresse en 2024 dans toutes les couches sociales, principalement chez les ouvriers et les indépendants. L’AfD est enfin surreprésenté en 2024 chez les personnes interrogées en mauvaise situation économique (32%, +13 pts). Sur le plan géographique, seules les grandes villes résistent encore au parti.
Les principales raisons du vote AfD aux élections Européennes en 2024
Source :
Wer wählte die AfD – und warum ? 18 octobre 2023, tagesschau.de. Résultats de l’enquête en Hesse et en Bavière [en ligne].
Les craintes des électeurs AfD : « Je suis très inquiet… »
Source :
Wer wählte die AfD – und warum ? 18 octobre 2023, tagesschau.de. Résultats de l’enquête en Bavière [en ligne].
Le vote AfD reste commandé par la déception des électeurs de la politique des autres partis. Cependant, c’est l’offre programmatique du parti qui persuade de plus en plus. En ce sens, l’AfD n’est plus un parti unidimensionnel protestataire.
La perception de l’AfD – Ensemble des électeurs
Source :
Wer wählte die AfD – und warum ? 18 octobre 2023, tagesschau.de. Résultats de l’enquête en Hesse et en Bavière [en ligne].
Ces données montrent que l’AfD est devenu un parti populaire (« Volkspartei ») implanté dans tous les milieux. Ce qui unit les électeurs du parti, ce n’est pas tant leur métier, leur sexe, leur niveau d’éducation ou leur âge, mais leur choix idéologique. La critique des partis établis aboutit à un rejet radical du système politique et de la démocratie. Le thème le plus important est l’immigration qui permet sous différents aspects de rassembler la clientèle du parti. La question de l’extrémisme ne joue qu’un rôle très marginal pour les sympathisants de l’AfD, ce qui laisse douter de l’efficacité électorale des campagnes « antifascistes » actuelles. Les succès de l’AfD dans les nouveaux Bundesländer en septembre 2024 lui ont redonné une dynamique électorale tant à l’Ouest que dans les nouveaux Länder. Si la politique migratoire de la coalition Ampel échoue et si la crise économique actuelle s’aggravait, l´AfD verrait s´ouvrir un avenir électoral radieux.
Organisation, financement et communication de l’AfD
Bundeszentral für politische Bildung, ,,Mitgliederentwicklung der Parteien“, bpb.de, 21 octobre 2022 [en ligne].
Deutscher Bundestag, ,,Fundstellenverzeichnis der Rechenschaftsberichte“, bundestag.de [en ligne].
Deutscher Bundestag, ,,Rechenschaftsbericht der AfD veröffentlicht“, bundestag.de, 16 avril 2024 [en ligne].
Idem.
Frankfurter Allgemeine, „Kein Geld für AfD-nahe Desiderius-Erasmus-Stiftung“, faz.net, 10 novembre 2023 [en ligne].
,,Bundestag beschließt Finanzierungsregeln für parteinahe Stiftungen“, zeit.de, 10 novembre 2023 [en ligne].
Pfahl-Traughber Armin, Intellektuelle Rechtsextremisten. Das Gefahrenpotenzial der Neuen Rechten, Dietz, Bonn, 2022.
a. L’expansion du nombre d’adhérents
L’AfD revendiquait 40.131 adhérents en janvier 202419, 48.000 en juin 2024. Le parti a connu une expansion très rapide du nombre de ses adhérents, même s’il reste en deçà de ses concurrents : la CDU (371.976 membres en 2022), la CSU (131.000 membres en 2023), le SPD (365.190 membres en 2023) et l’Alliance 90/Les Verts (126.451 membres en 2023)20.
Au moment de sa fondation, l’AfD rassemblait 10 000 adhérents qui sont passés à plus de 17.000 fin 2013. Le parti dispose également d’une organisation de jeunesse, Jeune Alternative (Junge Alternative – JA), qui compte aujourd’hui 2.100 adhérents. L’un des principaux problèmes de l’AfD est sa difficulté à recruter des femmes (17% en 2018)21. Le parti a une solide base financière : en dehors des dons (6.463.027 euros en 2021, 3.866.321 euros en 2022), l’AfD reçoit des remboursements légaux (11.002.878 euros en 2021, 10.409.359 euros en 2022)22.
b. Le profil des cadres du parti
L’AfD est dirigé par Tino Chrupalla, un peintre en bâtiment23, et Alice Weidel, une économiste spécialiste de la Chine24. Il dispose de 78 élus sur 733 au Bundestag, de 251 députés dans les Landtag sur un total de 1.894, de 15 élus au Parlement européen. Il a enfin une fondation « proche du parti », la Desiderius-Erasmus-Stiftung25, dont le financement fait l’objet d’une vive bataille juridique26.
S’il n’existe pas de sociologie interne officielle des cadres et des élus de l’AfD, l’analyse des professions exercées montre la présence de policiers, d’avocats, de médecins, d’enseignants, mais quasiment pas d’ouvriers ou d’artisans. Ce haut niveau de formation (études universitaires, maîtrise et doctorat) des élus AfD dans les Länder et au Bundestag les prédispose à être très actifs au sein des commissions parlementaires. L’AfD aime, dans ce cadre, attirer l’attention par ses provocations : ainsi, bien qu’il veuille se donner l’image d’un parti sérieux et apte à gouverner, ses thèses, volontairement provocatrices, restent extrêmement radicales.
c. Présence médiatique et influence sur les réseaux sociaux
La force de l’AfD sur le plan électoral est corrélée avec sa présence médiatique. Le parti s’est inspiré de l’expérience du FPÖ en Autriche27. Il dispose d’une chaîne de télévision (AfDTV), d’un organe central (AfD Kompakt), mais aussi d’un vaste réseau de publications et de structures amies de sensibilité Nouvelle Droite28. Parmi les partis représentés au Bundestag, l’AfD est le plus présent sur les réseaux sociaux.
Les utilisateurs des réseaux sociaux des partis politiques allemands
Source :
AfD auf Social Media am breitesten aufgestellt, statista.com, 27 février 2024 [en ligne].
Matthias Janson, « AfD auf Social Media am breitesten aufgestellt », de.statista.com, 27 février 2024 [en ligne].
Selon une étude Statista, c’est sur les réseaux sociaux X (anciennement Twitter), Facebook, Instagram, Youtube et TikTok que l’AfD a le plus de followers (2,66 millions). Les Verts sont en seconde position avec 1,43 million de followers, mais loin derrière l’AfD29. Aux Européennes, TiKTok allait jouer un rôle central dans la percée de l’AfD chez les moins de 25 ans30.
La présence des partis sur TIKTOK en juin 2024
Source :
AfD siegt bei EU-Wahl dank TikTok – Kulturnachrichten – Kultur – WDR, wdr.de, 10 juin 2024 [en ligne].
Les Allemands, l’Europe et l’AfD
L’opinion allemande et l’Union européenne
European Commission, « Standard Eurobarometer 100 – Autumn 2023 », europa.eu, décembre 2023 [en ligne].
Pour mesurer les positions des Allemands par rapport à l’Europe, nous disposons de deux enquêtes complémentaires. Elles datent de la fin 2023 : d’une part l’enquête Eurobaromètre réalisée en automne 202331, d’autre part une étude publiée par la Konrad Adenauer Stiftung en février 202432.
Selon l’enquête Eurobaromètre, plus des trois quarts (78%) des Allemands se sentent citoyens de l’UE. La proportion est stable par comparaison à l’enquête précédente de l’été 2023 (+1 pt). Cependant, l’écart entre l’Allemagne de l’Ouest (81%, + 3 pts) et l’Allemagne de l’Est (65%, – 6 pts) s’est nettement creusé en quelques mois, passant de 7 à 16 pts. Si l’Europe a bonne presse, des zones d’ombres existent.
La confiance dans l ’avenir souligne la coupure entre les deux Allemagne
Source :
Source : Sabine Pokorny, ,,Bäumchen wechsel dich? Politische Einstellungen im Wandel“, Konrad Adenauer Stiftung, 18 février 2024 [en ligne].
On le voit, qu’il s’agisse de la partie Ouest de l’Allemagne ou de la partie Est, la confiance en l’avenir est à peu près stable mais à un niveau relativement faible. Dans l’étude de la Konrad Adenauer Stiftung, on observe que chez les électeurs de la CDU/CSU, autrefois plus optimistes que la moyenne, la confiance a significativement reculé entre décembre 2022 (67%) et décembre 2023 (56%). Toutefois, c’est auprès des électeurs de l’AfD que l’on enregistre, en décembre 2023, le niveau d’optimisme le moins élevé (25%).
Selon les données de l’Eurobaromètre, 55% (+ 4 pts) des Allemands pensent que leur voix compte dans l’Union européenne et que les intérêts de l’Allemagne sont bien pris en compte (65%, – 2 pts). Il faut noter que près de la moitié des personnes interrogées (48%) estiment que des décisions devraient être prises au niveau de l’Union Européenne, ce qui est une revendication de l’AfD depuis sa création.
Allemands de l’Est et Allemands de l’Ouest jugent le fonctionnement de la démocratie dans leur pays
Source :
Sabine Pokorny, ,,Bäumchen wechsel dich? Politische Einstellungen im Wandel“, Konrad Adenauer Stiftung, février 2024 [en ligne].
Les données de la Konrad Adenauer Stiftung montrent d’abord que les jugements portés par les Allemands de l’Est et les Allemands de l’Ouest sur le fonctionnement de la démocratie dans leur pays tend à converger. Elles montrent ensuite que la convergence se fait dans un recul de la satisfaction qui est le fait de l’opinion des Allemands de l’Ouest. En effet, ces données témoignent d’un recul de la satisfaction en ce qui concerne le fonctionnement de la démocratie allemande, qui est particulièrement marqué dans l’Allemagne de l’Ouest. Cet espace était jusqu’à présent le point d’ancrage du soutien de l’opinion allemande à la démocratie, lequel s’effondre en une année, passant de 52% à 36%.
La satisfaction à l’égard de la démocratie selon la proximité partisane
Source :
Sabine Pokorny, ,,Bäumchen wechsel dich? Politische Einstellungen im Wandel“, Konrad Adenauer Stiftung, février 2024 [en ligne].
On le voit, l’effondrement en une année de la satisfaction vis-à-vis du fonctionnement de la démocratie en Allemagne recouvre d’abord l’expression d’une insatisfaction chez les Allemands de droite ; cela révèle une traduction en termes politiques de la convergence soulignée plus haut entre l’opinion des Allemands de l’Ouest et l’opinion des Allemands de l’Est. L’insatisfaction est devenue majoritaire chez les Allemands proches de la CDU/CSU. Ce sont donc les Allemands proches de la CDU/CSU qui tendent à se rapprocher sur ce point des Allemands proches de l’AfD, lesquels expriment une insatisfaction massive. Le fait que la satisfaction à l’égard du fonctionnement de la démocratie en Allemagne recule en moyenne de 16 pts souligne l’orientation à droite de l’électorat allemand.
La perception de la démocratie et des institutions européennes
Sabine Pokorny, ibid.
La satisfaction à l’égard de la démocratie est en forte baisse depuis 2022. Selon la Konrad Adenauer Stiftung, seulement 28% des Allemands de l’Est et 39% des Allemands de l’Ouest sont désormais satisfaits de la démocratie. L’évolution négative la plus forte concerne les électeurs de la CDU/CSU. Les sondeurs y voient un effet « de la faible confiance de ces électeurs dans le gouvernement fédéral », mais aussi une conséquence de la crise actuelle (immigration, déclin économique, inflation, environnement). La baisse de confiance est particulièrement sensible à l’Ouest, ce qui explique les gains électoraux de l’AfD en 2023 aux élections régionales. Les électeurs AfD sont, sans surprise, parmi ceux qui critiquent le plus le fonctionnement de la démocratie. La satisfaction à l’égard de la démocratie a davantage baissé entre 2022 et 2023 chez les personnes ayant un faible niveau d’éducation scolaire (-21 pts) que chez les personnes ayant un niveau moyen ou élevé (-15 pts)33.
Selon la Konrad Adenauer Stiftung, de toutes les institutions interrogées, c’est la police qui bénéficie en décembre 2023 de la plus grande confiance (75%), suivis par les tribunaux (63%). La confiance dans les médias de service public est la plus haute parmi les personnes ayant un niveau d’éducation scolaire élevé (59%). Parmi les personnes ayant un niveau d’éducation formelle faible ou moyen, à peine une personne sur deux fait confiance aux médias de service public (49% et 46%). Enfin, la confiance dans les médias de service public est toujours la plus faible dans l’électorat de l’AfD (10% fin 2023).
La confiance dans le Bundestag a baissé entre décembre 2022 (51%) et juin 2023 (42%), tant en Allemagne de l’Ouest qu’en Allemagne de l’Est. En Allemagne de l’Ouest, la confiance actuelle est de 44% contre seulement 34% en Allemagne de l’Est.
Source :
Sabine Pokorny, ibid.
La confiance dans le gouvernement fédéral a elle aussi baissé de 13 pts par rapport à 2022 (34%, -13 pts). Cette baisse s’observe en Allemagne de l’Ouest (-14 pts) mais moins marquée à l’Est (-4 pts).
Selon les données de l’Eurobaromètre, au niveau international, la majorité des Allemands (58%) font confiance à l’OTAN (soit +4 pts en un an), mais là aussi, l’écart est important entre les Allemands de l’Est (37%) et les Allemands de l’Ouest (63%)34.
Interrogés sur ce que représente pour eux l’Union européenne, les Allemands répondent que l’UE représente avant tout la liberté de voyager, d’étudier et de travailler en Europe (56%). Pour 36% des Allemands, l’UE est toutefois synonyme de trop de bureaucratie.
Pour assurer l’influence de l’Europe, 81% des Allemands soutiennent une politique étrangère, de sécurité et de défense commune des États membres. Le soutien à l’élargissement de l’UE dans les prochaines années (Ukraine, Turquie…) a toutefois baissé entre 2022 et 2023 en Allemagne (38%, -2 pts).
Enfin, concernant l’appartenance à l’Union européenne, les données de l’Eurobaromètre montrent que 71% des Allemands ne croient pas que leur pays s’en sortirait mieux s’il la quittait. Toutefois, si, en moyenne, près de la moitié (48%) des Allemands font confiance à l’Union européenne, le clivage séparant sur ce point l’opinion les Allemands de l’Ouest (53%) de l’opinion des Allemands de l’Est (30%) est frappant.
En 2023, la moitié des Allemands (50%) font confiance au Parlement européen, 46% à la Commission européenne, 48% à la Banque centrale européenne, 43% au Conseil européen. Là encore, il existe cependant de fortes différences d’appréciations entre l’Est et l’Ouest. Ainsi, pour la confiance dans le Parlement européen, la différence est de 23 pts entre les Allemands de l’Est (32%) et les Allemands de l’Ouest (55%). Il s’agit du niveau de confiance le plus bas au sein de l’Union européenne. En ce qui concerne la confiance dans la Commission européenne, l’écart est de 20 pts entre la partie Est (30%) et la partie Ouest (50%), soit le niveau le plus faible des pays de l’UE. Enfin, le Conseil européen bénéficie de la confiance de 25% des Allemands de l’Est et de 47% des Allemands de l’Ouest.
Les tendances de 2023 se voyaient confirmées aux Européennes de 2024. Le bilan de l’Europe est très positif, malgré un léger affaiblissement entre 2019 et 2024. Seul l’AfD ne croit pas que l’Europe nous protège en période de crise35.
La perception de l ’Union Européenne – 2019 – 2024 (en %)
L’UE offre une protection pendant les périodes de crise – 2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 24 juin 2024 [en ligne].
L’AfD est aussi le seul parti persuadé que l’Europe est en crise économique.
L’adhésion à l’UE fait que nous allons bien économiquement – 2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 24 juin 2024 [en ligne].
Le soutien massif des Allemands (82%) à l’euro impose une limite encore infranchissable au discours de l’AfD qui a inscrit dans son programme le retour aux monnaies nationales (cf. plus loin). Mais la question des frontières et de l’immigration offre en revanche à l’extrême droite allemande des perspectives de progression électorale. Fin 2023, plus des trois quarts des Allemands (78%) sont favorables à une politique commune en matière de migration et d’asile. Si une large majorité des Allemands interrogés disent ne pas avoir de problèmes avec l’immigration de personnes originaires d’autres pays de l’Union européenne, il en va différemment s’agissant des migrants issus de pays extra-européens, puisque 53% des Allemands sont hostiles à leur immigration dans le pays, ce qui représente une augmentation de 5 pts par rapport à 2022. Ce thème allait jouer à plein aux Européennes de 2024 comme aux élections régionales de Thuringe, de Saxe et du Brandebourg en septembre 2024.
La perception de la Russie par les Allemands depuis la guerre en Ukraine
La guerre d’agression lancée par la Russie contre l’Ukraine joue un rôle important dans l’évolution de l’opinion allemande. La plupart des Allemands voient dans l’invasion russe en Ukraine une menace pour la sécurité de l’Europe (79%) et un danger pour l’Allemagne (76%). Cependant, en décembre 2023, seule la moitié des personnes interrogées (49%) se disaient satisfaites de la réaction du gouvernement fédéral à l’attaque russe contre l’Ukraine, mais le soutien au gouvernement venait principalement de la partie occidentale du pays (53%), tandis que dans sa partie orientale, l’insatisfaction était majoritaire (63%). La situation est similaire lorsqu’il s’agit d’évaluer la réaction de l’Union européenne à l’attaque russe : 55% des Allemands de l’Ouest sont satisfaits de la réaction de l’Europe, contre seulement 34% des Allemands de l’Est36. Les Allemands les plus favorables à l’AfD sont aussi ceux qui approuvent le moins les réactions de leur gouvernement et de l’Europe face à la guerre déclenchée par Poutine, peut-être par crainte d’être plus directement et rapidement exposés à ses conséquences.
Le sondage Infraset Dimap montre que nombre d’électeurs (27%) sont sceptiques sur la capacité des partis actuels à rétablir et sécuriser la paix en Europe, un aspect du pessimisme régnant actuellement en RFA.
Dans quel parti avez-vous le plus confiance pour rétablir et sécuriser la paix en Europe – 2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 24 juin 2024 [en ligne].
Pia Lamberty, ,,Jahrestag des russischen Angriffskriegs auf die Ukraine : Glaube an Propaganda – und Verschwörungserzählungen“, cemas.io, 22 février 2024 [en ligne].
European Commission, Directorate-General for Communications Networks, Content and Technology, ‘’Digital Services Act – Application of the risk management framework to Russian disinformation campaigns”, Publications Office of the European Union, op.europa.eu, 2023 [en ligne].
European Commission, ‘‘Standard Eurobarometer 100 – Autumn 2023“, europa.eu, décembre 2023, [en ligne].
European Commission, ‘‘Standard Eurobarometer 100 – Autumn 2023“, europa.eu, décembre 2023, op.cit.
Dans une série de sept sondages, le CEMAS a mesuré l’approbation croissante de thèses russes visant à affaiblir l’Ukraine37. L’Union européenne s’est intéressée de manière intensive à la propagande russe, qualifiée de partie intégrante de l’agenda militaire russe, de menace pour la sécurité publique et les processus électoraux dans l’Union européenne38. Or, 77% des Allemands et 81% des Européens craignent les effets négatifs de la désinformation pour la démocratie39. De fait, on peut mesurer l’efficacité des fake news transportées par les usines à troll de Moscou ou de Pékin, relayées par les médias AfD et extrémistes de droite. C’est pourquoi l’opinion publique soutient cette lutte contre la propagande russe : 66% des Allemands se prononcent en faveur de l’interdiction des médias russes tels que Sputnik et Russia Today dans l’ensemble de l’Union européenne. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Allemands (81%) souhaitent une coopération renforcée au niveau européen sur les questions de défense. Le fait que l’Europe doive renforcer ses capacités de production d’équipements militaires recueille 71% de soutien en Allemagne. L’enquête Eurobaromètre s’est également penchée sur les conséquences en matière de politique énergétique engendrées par l’agression russe. Il apparaît que la plupart (80%) des Allemands sont favorables à des investissements massifs dans les énergies renouvelables pour assurer la sécurité énergétique de l’UE40.
Récits de conspiration pro-russes et de propagande et évolution 2022-2023 (en %)
Source :
Pia Lamberty, « Jahrestag des russischen Angriffskriegs auf die Ukraine : Glaube an Propaganda – und Verschwörungserzählungen », cemas.io, 22 février 2024 [en ligne].
Ce tableau montre qu’entre 2022 et fin 2023, si la Russie n’a pas réussi à convaincre la majorité des Allemands, une minorité grandissante s’est montrée sensible à la propagande du Kremlin. Les données de ces sondages révèlent un fort degré d’identification des Allemands à l’Union européenne, un soutien solide à la réponse de l’Europe vis-à-vis de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine – y compris les sanctions économiques contre la Russie – et une large majorité en faveur de la transition énergétique fondée sur le recours aux énergies renouvelables. La grande majorité est globalement satisfaite de la vie et ne s’attend pas à ce que la situation se dégrade l’année prochaine. Le principal problème personnel cité par les Allemands est l’augmentation du coût de la vie. Au niveau européen, ce sont surtout l’immigration et la guerre en Ukraine qui préoccupent les citoyens. De toute évidence, l’AfD, avec son programme, était en mesure de convaincre environ 15 à 20% des électeurs, mais ne disposait pas de grandes réserves électorales.
Le programme européen de l’AfD
a. L’Union européenne conçue comme une communauté d’États souverains
Le programme de 2016, revu et étendu en 2017, a été complété pour les élections européennes de 2024. Le programme de 202441 avait pour ambition de couvrir la totalité des champs politique, économique, social et culturel. La lecture de ce texte montre de fait que l’AfD n’est politiquement pas un parti monothématique et qu’il offre aux électeurs un cadre d’orientation idéologique clair et structuré. En ce sens, si l’AfD est un parti de protestation, c’est aussi un parti de rupture et une machine de guerre idéologique. Son programme européen montre cependant qu’il s’éloigne des préférences des électeurs allemands.
L’AfD aspire à une transformation radicale de l’UE. Celle-ci doit devenir une communauté d’États souverains libres et autodéterminés, une « fédération de nations européennes » et pas un « super-État » ou « des États-Unis d’Europe ». Le parti demande que l’UE se concentre à l’avenir sur des objectifs limités : la « protection des frontières extérieures, une autonomie stratégique visant à sécuriser l’Europe, un marché commun fort, la préservation des multiples identités de la culture européenne ». L’UE ne pouvant être réformée, il faudra « refonder » une communauté économique aux termes de « référendum nationaux », qui concerneraient aussi « les nouveaux traités, les droits souverains, le maintien dans l’UE ou dans l’union monétaire » ainsi que les projets supranationaux.
b. Transformations des institutions et mécanismes européens
L’AfD propose de supprimer le Parlement européen. La compétence législative serait confiée au seul Conseil, qui serait lié par les décisions des parlements nationaux. Il demande enfin que soit consacré le principe selon lequel toute décision doit avoir obtenu l’accord de l’unanimité des États membres. L’appareil administratif de l’UE doit être réduit et les partis européens doivent disparaitre. Pour éviter la mise sous influence de la Commission, l’AfD demande un registre obligatoire des lobbies actifs à Bruxelles. Une « nouvelle cour de Justice » sera créée avec des « juges envoyés par les cours constitutionnelles nationales ».
L’AfD veut défendre la « souveraineté culturelle » des nations face à l’UE. Le parti rejette une « culture de la culpabilité et de la honte » concernant l’histoire coloniale européenne. Dans les institutions européennes, l’allemand doit être mis sur un pied d’égalité avec l’anglais et le français. L’AfD est contre un « espace européen de l’éducation » et réclame le renforcement de la souveraineté des États membres en matière d’éducation. Il plaide pour la liberté de recherche et d’enseignement et rejette les programmes de recherche financés par l’UE.
Pour l’AfD, l’euro est un échec ; le parti réclame un « retour aux monnaies nationales ». La responsabilité communautaire et les paiements de transfert sont à abolir. L’argent liquide est présenté comme le mode de paiement par excellence et l’euro numérique rejeté. Le budget de l’UE doit être réduit et la gestion centralisée des investissements doit être supprimée. La priorité doit être mise sur les marchés du travail nationaux et régionaux. Les grands groupes internationaux doivent être « imposés en fonction de leur activité économique dans l’État qui perçoit les impôts ». L’AfD s’oppose toutefois à une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne. Les entreprises allemandes doivent bénéficier d’un faible taux d’imposition. Enfin, le parti s’oppose à toute forme de tarification du CO2.
Dans le domaine de l’écologie, l’AfD nie la responsabilité humaine dans le changement climatique. L’interdiction des moteurs à combustion est rejetée. La politique énergétique doit être le fait des seules nations. La production d’énergie fossile et l’énergie nucléaire doivent continuer d’être soutenues.
c. L’AfD réclame une refonte de la politique étrangère allemande
Pour l’AfD, la politique étrangère allemande doit être rénovée. Le but est une « coopération équilibrée entre tous les États européens », une tâche revenant à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le parti se prononce en faveur d’un regroupement des intérêts paneuropéens en matière de politique étrangère, « sans limiter les États nationaux dans leur souveraineté ».
Si de bonnes relations avec les États-Unis sont affirmées essentielles pour l’Allemagne et l’Europe, elles doivent prendre place dans le cadre d’un « partenariat d’égal à égal ». Les intérêts géopolitiques et économiques des États-Unis sont affirmés « de plus en plus différents de ceux de l’Allemagne », comme le montre « la tentative massive des États-Unis d’empêcher la mise en service du gazoduc Nord Stream ». La politique étrangère et de sécurité des États-Unis « oblige l’Allemagne à formuler ses intérêts de manière autonome ». Le rapport à la Russie doit en conséquence se normaliser. La situation géostratégique de la Russie et les « interdépendances historiques et économiques qui en résultent », notamment avec l’Allemagne, « rendent nécessaire l’utilisation de moyens diplomatiques pour mettre fin à la guerre et assurer ainsi des relations germano-russes pacifiques ». L’AfD réclame le « rétablissement d’un commerce ininterrompu avec la Russie », « la levée immédiate des sanctions économiques à l’encontre de ce pays et la remise en état des conduites du Nord Stream ». Les relations de l’Allemagne avec l’Union économique eurasienne doivent être « renforcées ».
L’AfD constate la naissance d’un « ordre multipolaire » qui rend impératif un système de sécurité collective européen passant par un « regroupement de leurs forces armées au sein d’une communauté de défense ». L’OTAN ne peut pas remplir ce rôle. L’AfD s’oppose toutefois à une armée européenne et s’en tient à une « Bundeswehr, pierre angulaire de la souveraineté allemande ». Dans l’état actuel des choses, l’AfD pense que l’armée allemande n’est pas en mesure de défendre le territoire allemand, ni en termes d’effectifs ni en termes d’équipement ». Le budget de la défense doit, pour ces raisons, « être adapté aux exigences de la stratégie de politique de sécurité de l’Allemagne ». Les nouvelles acquisitions de matériel de défense doivent provenir en priorité de la production allemande et européenne.
En conclusion, il est évident qu’un certain nombre de mesures ont pu convaincre les Allemands eurosceptiques, prorusses, antiaméricains et préoccupés par l’immigration. Le nationalisme exacerbé de l’AfD est resté cependant largement répulsif.
Défis et perspectives pour l’AfD
Une réunification allemande inachevée : le tremplin de l’AfD
Patrick Moreau, L’émergence d’une gauche conservatrice en Allemagne : l’Alliance Sahra Wagenknecht pour la raison et la justice (BSW), Fondation pour l’innovation politique, Janvier 2024.
Der Beauftragte der Bundersregierung für Ostdeutschland, « « Zum Stand der Deutschen Einheit » Bericht der Bundesregierung 2023 », bundesregierung.de, 27 septembre 2023 ; Hanz Omar Sayami et al. ,,Was die Deutschen heute eint – und was sie noch immer trennt“, spiegel.de, 13 septembre 2020 ; Susanne Dähner et al. ,,Vielfalt der Einheit – Wo Deutschland nach 30 Jahren zusammengewachsen ist“, berlin-institut.org, 2020 [en ligne].
Ibid.
La réunification allemande est inachevée et reste, du fait de ses déficits, le terreau fertile pour la croissance de l’AfD et du BSW de Sahra Wagenknecht42. La publication annuelle sur l’état d’avancement de ce processus montre certes d’évidents progrès, mais insuffisants pour combler le fossé existant entre l’Est et l’Ouest43.
En 2023, 33 ans après la réunification, un sondage Infratest Dimap révèle l’ampleur du malaise. Les personnes interrogées tant à l’Ouest qu’à l’Est constatent l’existence de déficits dans le rapprochement Est-Ouest44. 56% des personnes interrogées de l’Ouest et 62% de celles de l’Est pensent que l’on est « encore moins ou pas du tout unis ». En Allemagne de l’Est, le sentiment d’être des citoyens de seconde zone est fort (43%), ce qui contribue à la stabilisation d’une identité régionale est-allemande.
40% des sondés à l’Est déclarent se sentir avant tout Allemands de l’Est, 52 % se sentent Allemands et 5% Ouest-Allemands. Dans les anciens Länder, 18% seulement des personnes interrogées se considèrent comme Allemands de l’Ouest, 76% se voient avant tout comme des Allemands et 2% comme des Allemands de l’Est. Le regard porté sur l’AfD est corrélé à cette division spatiale : 67% des Allemands de l’Ouest considèrent en fin 2023 l’AfD comme un danger pour la démocratie fédérale, alors que seulement 43% des Allemands de l’Est sont de cet avis45.
L’impact des difficultés économiques sur le soutien à l’AfD
Alternative für Deutschland, ,,Leitantrag Der Bundesprogrammkommission Programm Der Alternative Für Deutschland“, afd.de, 14 juin 2023 [en ligne].
Deustcher Bundestag, ,,Alice Weidel: Den Bürgern droht die Verarmung und dem Mittelstand die Insolvenz“, bundestag.de, 27 décembre 2022 [en ligne].
L’AfD, par-delà la dénonciation de l’inflation qui touche surtout les familles modestes, critique l’affaiblissement de l’économie allemande46, les délocalisations en cours et les faillites de petites et moyennes entreprises47. Les Allemands sont en 2024 à 77% inquiets et la peur du chômage est une réalité au sein de la population48. Ce malaise atteint un niveau exceptionnel chez les personnes interrogées AfD et BSW, mais est aussi majoritaire chez les électeurs de tous les partis politiques.
La situation en Allemagne donne lieu à… (en %)
Source :
[en ligne] (2024).
Newsletter Statistik und Arbeitsmarktberichterstattung der BA – 6/2024 4. Juin 2024.
En moyenne, environ 2,61 millions de personnes étaient inscrites au chômage en 2023 soit 5,6% de la population. Au mois de janvier 2024, l’Allemagne comptait environ 2,81 millions de chômeurs soit une augmentation d’environ 168.000 personnes par rapport au mois précédent (6,1%), une tendance qui se poursuit à l’été 202449. Ce thème a donc pris naturellement toute sa place dans la campagne européenne de l’AfD (désindustrialisation, délocalisations, faillite d’entreprises, chômage croissant…).
Les peurs des Allemands en février 2024
Source :
Welche drei der folgenden Themen bereiten Ihnen in Deutschland am meisten Sorgen?, statista, 2024 [en ligne].
De fait, l’économie allemande se trouve depuis près de quatre ans en crise quasi permanente. Le dernier épisode, l’attaque russe sur l’Ukraine en février 2022, a très fortement fait grimper les prix de l’énergie et des denrées alimentaires dans un pays particulièrement sensible à l’inflation (le taux d’inflation en 2023 a été de 5,9%)50.
Les sondages révèlent un étonnant renversement de la perception économique de l’Allemagne entre 2014 et 2024. Elle est aujourd’hui très négative pour 70% des personnes interrogées.
La situation économique en Allemagne – 2009 -2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 24 juin 2024 [en ligne].
La situation économique personnelle en Allemagne – 2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 24 juin 2024 [en ligne].
Ce pessimisme est d’autant plus surprenant que la situation individuelle des sondés est bonne (85%). Il se localise d’abord chez les électeurs AfD et marginalement BSW.
Choix électoral personnes interrogées en mauvaise situation économique personnelle en Allemagne -2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 24 juin 2024 [en ligne].
L’Allemagne est aujourd’hui « l’homme malade de l’Europe »51. Selon les experts, la raison principale est une « conjoncture mondiale paralysée », mais également le frein à la consommation qu’est l’inflation. Le secteur en crise est d’abord l’industrie, le moteur de l’économie allemande, qui contribue pour un peu plus d’un quart au produit intérieur brut du pays52.
Indice de la production manufacturière en Allemagne
Source :
Produktionsindex des produzierenden Gewerbes in Deutschland. [en ligne].
Enfin, la hausse des taux d’intérêt qui freine le secteur de la construction et les investissements reste un facteur négatif pour l’économie en 2024.
La situation économique en Allemagne : ventilation par parti – 2024 (en %)
Source :
Tagesschau, 24 juin 2024 [en ligne].
La politique budgétaire de la coalition Ampel est une autre cause de la récession en cours, l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale du 15 novembre 2023 ayant obligé la coalition à réduire les dépenses aboutissant aux récentes protestations des agriculteurs et à une détérioration du climat économique53. Pour les analystes, l’État devient « un frein à conjoncture ». La réduction des possibilités de soutien par l’État, en particulier les moyens désormais manquants dans le fonds pour le climat et la transformation, freinera les investissements des entreprises dans les domaines concernés et renforce les risques de délocalisations. Un thème porteur pour l’AfD.
Radicalisation interne, opposition et risques d’interdiction
Tagesspiegel, « „NPD light“: Die AfD pflegt enge Kontakte zu Rechtsextremen und Neonazis » tagesspiegel. de, 21 jullet 2023 [en ligne].
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Bundesministerium des Innern und für Heimat, ,,Rechtsextremismus entschlossen bekämpfen – Instrumente der wehrhaften Demokratie nutzen“, bmi.bund.de, 13 février 2024 [en ligne].
Alexandra Tadey, ,,Demokratiefördergesetz:Wo sich die Ampel-Parteien uneinig sind“, zdf.de, 8 février 2024 [en ligne].
Tagesschau, ,,Baumann sieht « infame Kampagne » gegen AfD“, tagesschau.de, 21 janvier 2024 [en ligne]. WELT Netzreporter, « GESICHERT RECHTSEXTREM: « Diffamierung » Afd Sachsen sieht sich als Opfer eines politischen Schachzugs », youtube.com, 22 décembre 2023 [en ligne].
Süddeutsche Zeitung, ,,AfD-Verbot? – Politiker und Juristen zeigen Risiken auf“, sueddeutsche.de, 14 février 2024 [en ligne].
Par-delà des contacts fréquents avec les groupes néonazis54 et identitaires55, l’AfD se radicalise en interne, suscitant un débat sur son éventuelle interdiction en recourant à l’article 21 II de la Loi fondamentale : « Les partis qui, par leurs objectifs ou le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre fondamental libéral et démocratique ou à l’éliminer, ou qui mettent en danger l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont inconstitutionnels. La question de l’inconstitutionnalité est tranchée par la Cour constitutionnelle fédérale ».
Parmi les arguments avancés par les partisans d’une telle mesure, il y a le fait que les fédérations régionales de l’AfD en Saxe, Thuringe et en Saxe-Anhalt ont été classées par les Offices régionaux de protection de la Constitution (Verfassungsschutz) comme « extrémistes de droite confirmées ». L’organisation de jeunesse de l’AfD, la « Junge Alternative », a été également classée comme extrémiste56. L’ensemble du parti est quant à lui considéré comme un « cas suspect d’extrémisme de droite », une classification que l’AfD conteste devant les tribunaux57.
La proposition faite par la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser d’intensifier la lutte contre l’extrémisme de droite en recourant à 13 mesures phares58 a toutefois provoqué un débat sur les risques pour la liberté d’expression en Allemagne, en particulier dans les rangs du FDP et de la CDU/CSU59. L’AfD en profite pour se présenter en victime du « cartel antidémocratique » des partis60, une argumentation populaire dans les nouveaux Bundesländer.
Une interdiction de l’AfD par le Tribunal constitutionnel est toutefois très risquée et peu probable selon la majorité des constitutionalistes61, ce qui explique les réticences du chancelier Scholz et du président de la République62. D’autres fronts ont cependant été ouverts pour affaiblir l’AfD.
Rbb 24, ,,NPD-Nachfolgerin bekommt keine staatlichen Gelder mehr“, rbb24.de, 23 janvier 2024 [en ligne].
Jörg von Heinemann et Pia Lorenz, ,,Keine Parteienfinanzierung für Verfassungsfeinde: Eine Blaupause für die AfD?“, rsw.beck.de, 23 janvier 2024 [en ligne].
Ursula Knapp, ,,AfD im Aufwind: Petition fordert, Höcke die Grundrechte zu entziehen – und jetzt?“, fr.de, 26 janvier 2024 [en ligne].
Tottmann Berit, Strategisches Framing bei Björn Höcke – wie ein rechtsextremer Politiker den Rahmen sprengt, dans ZRex – Zeitschrift für Rechtsextremismusforschung, Jg. 2, Heft 1/2022, p. 128–140.
La Cour constitutionnelle fédérale qui a décidé d’exclure pour une durée de six ans le parti « Die Heimat » de tout financement public des partis politiques offre un cadre possible63. Une campagne a démarré visant à interdire le financement public de l’AfD, ce qui de fait provoquerait son effondrement politique64.
Un ultime aspect de l’offensive anti-AfD est la remise au Bundestag d’une pétition, signée par plus de 1,6 million de personnes, visant à retirer à Bjorn Höcke, le leader de l’AfD de Saxe, ses droits politiques fondamentaux (Grundrechte), ce qui le rendrait inéligible65. Les signataires font référence à l’article 18 de la Loi fondamentale : « Celui qui abuse de la liberté d’expression, notamment de la liberté de la presse, de la liberté d’enseignement, de la liberté de réunion […] pour lutter contre l’ordre fondamental libéral et démocratique, perd ces droits fondamentaux ». Les chances que cette démarche aboutisse sont réelles, ceci contrairement aux quatre tentatives des années 1960 et 1970, qui ont toutes échoué66.
Quel que soit l’avenir de ces démarches et de l’efficacité du plan Faeser, l’AfD n’est pas menacé à court terme, une procédure de dissolution prenant des années. La mobilisation de la rue a pu sembler beaucoup plus effective pour un temps, mais elle est retombée aujourd’hui. Enfin, un « effet pervers » de ces mobilisations sociétales est perceptible. La pression sur l’AfD renforce l’identité commune des sympathisants qui se radicalisent en réaction.
Les institutions religieuses et syndicales face à l’AfD
Ce terme désigne les individus qui déclarent au tribunal l’abandon de leur appartenance religieuse et qui cessent alors d’être soumis à l’impôt obligatoire versé aux différentes confessions.
Deutschlandfunk, ,,KathoNegativrekord 2022: Mehr als 500.000 Menschen ausgetreten“, deutschlandfunk. de, 28 juin 2023 [en ligne].
Anna Siebenhaar, ,,Für deutliche Mehrheit haben christliche Werte kaum Bedeutung“, mdr.de, 20 novembre 2023 [en ligne].
Tagesspiegel, « Kirche gegen Rechtsextremismus : AfD wirft katholischen Bischöfen „Polithetze“ vor », tagesspiegel.de, 23 février 2024 [en ligne].
,,Pressemitteilungen der deutschen bischofskonferenz, Völkischer Nationalismus und Christentum sind unvereinbar“, dbk.de, 22 février 2024 [en ligne].
Annette Zoch, ,,Deutsche Bischöfe warnen vor der AfD“, sueddeutsche.de, 22 février 2024 [en ligne].
En 2022, l’Allemagne (84.669.000 habitants) compte 24% de catholiques, 21,9% de protestants, 3,8% de musulmans et 46,2% de la population n’a pas d’appartenance religieuse67. La déchristianisation s’accélère ; elle touche les catholiques et les protestants. En 2022, la Conférence des évêques catholiques allemands (DBK) annonçait un nombre record de départs68 (522.821 catholiques69), les protestants parlant de 380.000 démissions70.
Un sondage MDR montre que la déchristianisation en cours est plus forte dans les nouveaux Bundesländer71. La majorité des 23.000 personnes interrogées n’accordent guère d’importance aux valeurs chrétiennes. La majorité d’entre elles considèrent que l’influence des Églises dans la société est faible (77% faible, 18% forte). Près des deux tiers des participants à l’enquête estiment que quitter l’Église ne pose pas de problème (64% contre 27%). Enfin, 70% des personnes interrogées pensent que les Églises perdront de l’importance à l’avenir (20% pensent que leur influence restera stable et 3% qu’elle augmentera).
Les deux grandes confessions se sont prononcées contre l’AfD, ce que fustige la direction du parti72. La Conférence des évêques, dans un manifeste de quatre pages73, affirme ainsi : « Nous disons clairement que le nationalisme völkisch est incompatible avec l’image chrétienne de Dieu et de l’homme […] Les partis d’extrême droite et ceux qui prolifèrent en marge de cette idéologie ne peuvent donc pas être un lieu d’activité politique pour les chrétiens et les chrétiennes et ne sont pas éligibles. La diffusion de slogans d’extrême droite – dont font notamment partie le racisme et l’antisémitisme – est en outre incompatible avec un service à plein temps ou bénévole dans l’Église »74. Les protestants sont sur la même ligne, mais ne veulent pas ostraciser les protestants membres de l’AfD75.
L’analyse des appartenances confessionnelles aux Européennes de 2024 montre que l’AfD est fort chez les « sans religion », ce qui renvoie à la déchristianisation des nouveaux Bundesländer.
Élections européennes du 9 mai 2024. Choix de vote dans les groupes sociaux (différence par rapport aux élections de 2019)
Source :
Viola Neu / Jochen Roose, Tabellenanhang zur Europawahl in Deutschland am 9. Juni 2024 [en ligne].
Rüdiger Soldt, ,,Unternehmer und Gewerkschaften positionieren sich gegen die AfD“, Frankfurter Allgemeine (faz.net), 26 février 2024 [en ligne].
Hans-Jürgen Urban, ,,Kampf um die Hegemonie: Gewerkschaften und die Neue Rechte“, blatter.de, mars 2018 [en ligne ] ; Süddeutsche Zeitung, ,,Soziologe sieht wachsenden AfD-Einfluss auf Betriebsräte“, sueddeutsche.de, 18 septembre 2019 [en ligne] ; Till-Reimer Stoldt, ,,Wo ist sie hin, die Macht der Arbeiter?“, welt.de, 26 avril 2022 [en ligne] ; Bose Sofie, ,,Gewerkschaften und Rechtspopulismus in Europa“, Länderstudie Deutschland, Janvier 2023 [en ligne].
En conclusion, il est difficile d’estimer l’effet des prises de position des Églises sur le potentiel électoral de l’AfD. De toute évidence, à l’Est, il est faible. A l’Ouest, on a pu observer lors des manifestations de masse (100 manifestations avec 3,5 millions de participants) la présence de nombreux chrétiens qui, au nom de leur foi, exprimaient leur hostilité à l’AfD.
En fin février 2024, les syndicats et le patronat se positionnaient contre l’AfD, une stratégie intensifiée lors des élections régionales de septembre 202476. Cette alliance part d’une constatation : depuis l’élection au Bundestag de 2017, l’appartenance syndicale ne protège plus du choix AfD. La recherche montre une pénétration grandissante de ce parti dans les syndicats, ce qui le lie avec force au monde ouvrier77. Là encore, cette campagne n’a pas eu d’effets notables sur le lien existant entre l’AfD et le monde ouvrier, ce que montrent les résultats électoraux de l’AfD en 2024.
Élections européennes du 9 mai 2024. Choix de vote dans les groupes sociaux (différence par rapport aux élections de 2019)
Source :
Viola Neu / Jochen Roose, Tabellenanhang zur Europawahl in Deutschland am 9. Juni 2024 [en ligne].
L’AfD et Moscou : des liens controversés sous le feu des débats
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Pierre Emmanuel Ngendakumana, ,,Von der Leyen castigates far-right AfD over Russiagate scandal“, politico.eu. 13 avril 2024 [en ligne].
Lukáš Prchal, Zdislava Pokorná., «Důkazem mají být zvukové nahrávky. Co řekl Koudelka vládě o proruské síti a německém politiku Bystroňovi », denikn.cz, 2 avril 2024 [en ligne].
Emanuele Bonini, « Czech Republic “shuts down” Voice of Europe, spread pro-Russia news », eunews.it, 28 mars 2024 [en ligne].
Maik Baumgärtner et al. „Das fragwürdige Netzwerk von AfD-Politiker Petr Bystron“, spiegel.de, 13 avril 2024 [en ligne].
Jean Peters et Marcus Bensmann, ,,Tschechischer Parlamentarier bestätigt: Bis zu einer Million Euro russisches Geld soll über Polen geflossen sein“, correctiv.org, 5 avril 2024 [en ligne].
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Ibid.
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‘’The war is an afterthought at the St. Petersburg forum, once a marquee event for Putin“ [en ligne].
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Le 11 avril 2024, L’AfD a dû faire face à des critiques massives lors d’une séance d’actualité intitulée « Faire toute la lumière sur les éventuelles implications et coopérations de membres du groupe parlementaire de l’AfD avec des régimes autoritaires », inscrite à l’ordre du jour à la demande du SPD, de l’Alliance 90/Les Verts et du FDP78. Le député AfD et candidat en seconde position aux élections européennes Petr Bystron se voyait soupçonné d’avoir reçu de l’argent de la Russie, ce qu’il niait79. La direction de l’AfD s’est rangée derrière Bystron en se référant à la présomption d’innocence ; la ligne de défense choisie étant d’exiger l’accès aux informations des services secrets tchèques pour démontrer ou non l’innocence du député AfD.
L’affaire Bystron est extrêmement dangereuse pour l’AfD du fait de l’enquête judiciaire en cours en Allemagne ou en Belgique, mais aussi de par ses implications au niveau européen80. Au début du mois d’avril, « Denik N » publiait un rapport détaillé sur Bystron et son implication dans l’affaire de « Voice of Europe »81. Le service secret tchèque BIS aurait participé à une réunion de cabinet à huis clos avec des responsables politiques tchèques. Au cours de celle-ci, le BIS aurait informé les participants de l’existence de « preuves documentées » (des enregistrements sonores) qui pourraient attester d’un paiement versé à Bystron, mais aussi à d’autres hommes politiques de France, de Pologne, de Belgique, des Pays-Bas et de Hongrie. Toutefois, les enregistrements sont restés partiellement secrets.
Le gouvernement tchèque a placé « Voice of Europe » ainsi que ses opérateurs, les Ukrainiens prorusses Viktor Medvedtchuk (un proche de Poutine) et Artem Martschewski, sur une liste de sanctions contre la Russie82. Le gouvernement tchèque a légitimé cette décision en affirmant que Moscou a financé, via « Voice of Europe », les campagnes électorales de politiciens prorusses83 qui se présentaient aux élections européennes de 2024. En effet, Pavel Žáček, du parti libéral-conservateur (ODS) et président de la commission parlementaire de sécurité en République tchèque, le confirme : « L’argent versé aux agents au sein de la politique européenne – y compris de l’AfD – est arrivé en République tchèque via la Pologne. Il s’agissait en tout cas de plusieurs centaines de milliers d’euros, jusqu’à un million »84. Par ailleurs, l’AfD rencontre un autre problème : Maximilian Krah, tête de liste des candidats de l’AfD pour les élections européennes, a donné par le passé des interviews à Voice of Europe et a rencontré Viktor Medvedtchuk. Ceci a amené de nombreux observateurs à s’interroger sur une éventuelle corruption du député européen, un soupçon à ce jour non confirmé. De surcroît, un de ses collaborateurs d’origine chinoise a été arrêté pour espionnage au profit de la Chine85.
Les relations de l’AfD avec la Russie sont anciennes. Elles remontent à 2015, lorsque Alexander Gauland, figure de proue des néoconservateurs de l’AfD, se rend pour une « analyse stratégique » à l’ambassade russe de Berlin86. Une démarche que les « libéraux » du parti n’apprécient guère. Après leur élimination politique, l’AfD va, sur le plan programmatique, devenir un allié de Moscou et un relais de la guerre asymétrique de Poutine contre l’Allemagne et l’UE87.
L’analyse des programmes de 2013 à 2024 illustre cette thèse. En 2013, l’AfD dirigé par son fondateur Bernd Lucke se reconnaît dans les valeurs occidentales et soutient l’OTAN, ce que montre le programme électoral de l’AfD pour les élections européennes de 2014 : « L’OTAN est et reste (une) architecture de sécurité transatlantique dont l’ancrage décisif est l’alliance avec les États-Unis. (…) L’AfD approuve (…) une politique étrangère et de sécurité commune de l’UE ». Le programme de l’AfD pour les élections européennes de 2024 est à l’antithèse de celui de 2014 et est dominé par l’antioccidentalisme. L’AfD veut dépasser l’UE. Il demande que l’Allemagne obtienne un statut d’observateur au sein de l’« Organisation de coopération de Shanghai » dominée par la Chine et la Russie88. Le parti veut également coopérer avec l’« Union économique eurasiatique (UEEA)» dirigée par Moscou. Dans le préambule du programme de 2024, la « domination des grandes puissances non européennes » – essentiellement les États-Unis – est rendue responsable du fait que « les États européens [sont acteurs de] conflits » qui « s’opposent diamétralement aux relations commerciales fructueuses dans l’espace euroasiatique ». Le concept d’« ordre mondial multipolaire » fait parallèlement son entrée dans le programme (Chapitre Europa neu denken)89.
Afin de comprendre les raisons d’un tel glissement idéologique, il faut distinguer deux périodes. La première va jusqu’à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine, la seconde de février 2022 à aujourd’hui.
Dans la première période, l’alliance au sein de l’AfD entre les néoconservateurs et les völkisch à la Höcke fait que les thèses de Dougine sur l’Eurasie et la venue inéluctable d’une « quatrième Rome » dirigée par une Russie dominant l’Europe deviennent les références idéologiques dominante des cadres dirigeants de l’AfD et des cercles Nouvelle Droite existant en périphérie de l’AfD, mais aussi en France autour de de Benoist90. Les voyages de députés de l’AfD en Russie sont un aspect essentiel de cette évolution. Nombre d’entre eux sont des provocations voulues, par exemple lorsqu’il s’agissait de se rendre en Crimée, annexée par la Russie, ou dans les régions séparatistes de Louhansk et de Donetsk, soutenues par la Russie. En octobre 2021, Die Welt a enquêté sur plus de 100 voyages de ce type91.
Au niveau des cadres dirigeants du parti, Frauke Petry (porte-parole de l’AfD et présidente de l’AfD de Saxe) a ouvert le bal en 201792. Elle était suivie du député de l’AfD Marcus Pretzell, accompagné de Markus Frohnmaier, alors chef du mouvement de jeunesse du parti, la Junge Alternative93. En 2018, le député de l’AfD Stefan Keuter est invité par l’État russe à observer les élections94. Son collègue à la Chambre des députés de Berlin, Gunnar Lindemann, rend plusieurs fois visite aux séparatistes soutenus par la Russie à Donetsk et Luhansk95. Il va devant un parterre de presse rencontrer à Berlin le gang de rockers « Les Loups de la Nuit », proche de Poutine, et reçoit une médaille des séparatistes96. En décembre 2020, le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov reçoit le chef de l’AfD Tino Chrupalla97. En mars 2021, la cheffe de l’AfD Alice Weidel se rend à son tour en Russie afin de « mettre enfin fin » aux sanctions98. En été 2021, Chrupalla est de nouveau à Moscou et se fait le porte-parole de la propagande russe99.
Le 24 février 2022, l’armée russe envahit l’Ukraine, sans que la politique de l’AfD ne change. Les députés du Landtag de Saxe-Anhalt Hans-Thomas Tillschneider et Daniel Wald ainsi que Christian Blex, élu de Rhénanie-Westphalie, partent en Russie en septembre 2022100. D’autres voyages ont lieu. Petr Bystron, député AfD au Bundestag, se rend secrètement en Biélorussie en novembre 2022101 et son collègue de groupe Matthias Moosdorf à une conférence économique à Saint-Pétersbourg102. Quant à Tillschneider, il part à nouveau à Moscou en août 2023103.
La deuxième période est cependant profondément différente de la première. Jusqu’en 2022, la Russie et le FSB voyaient dans l’orientation prorusse de plusieurs partis nationaux-populistes et d’États « illibéraux » comme la Hongrie, une arme utile pour affaiblir l’Europe et l’Alliance Atlantique. La propagande de ces partis était marquée par des campagnes de presse et de désinformation conçues dans les usines à Troll russes (et aussi chinoises), mais aussi par des financements ponctuels comme en Italie ou au Royaume-Uni. Les choses changent avec la guerre. Dans le cas allemand, qui reste spécifique en Europe, l’AfD a une fonction très claire, qu’ont présentée des documents américains : la constitution d’un fer à cheval idéologique « pacifiste et prorusse », rassemblant le parti Wagenknecht, l’AfD et sa périphérie Nouvelle Droite, une partie du SPD et de l’élite économique des nouveaux Bundesländer104. La stratégie d’affaiblir l’Europe et l’OTAN reste d’actualité, mais la Russie a compris qu’une unification stratégique des partis nationaux-populistes était impossible vu les fortes tensions idéologiques existant entre ces mouvements105.
L’AfD marginalisé par l’extrême-droite au Parlement européen
Tonia Mastrobuoni, «La versione di Krah: “Non prendo soldi dai russi. Le SS criminali? Sbagliato generalizzare » », La Repubblica, 18 mai 2024.
Cf. Patrick Moreau, Le Parti National-Démocrate d’Allemagne dans la vie politique de la R.F.A.: études organisationnelle, sociologique et électorale d’une formation de l’opposition nationale 1964-1976, doctorat d’État FNSP ; Les héritiers du IIIe Reich. L’extrême droite allemande de 1945 à nos jours, Seuil, Paris 1994.
Nicolas Massol, « Parlement européen : le RN rompt avec ses alliés allemands de l’AfD après des déclarations sur les SS », Libération, 21 mai 2024.
Junge Freiheit, „Jetzt wendet sich auch Salvini von der AfD ab“, Junge Freiheit, 22 mai 2024.
» Der Standard, „Nach SS-Eklat: ÖVP und SPÖ fordern von der FPÖ ein Ende der Kooperation mit der AfD “, Der Standard, 22 mai 2024.
Die beste Freundin der AfD, L’alliance de droite au Parlement européen, initiée par le Premier ministre hongrois Viktor Orban, a abouti à la création d’un groupe politique : Les « Patriotes pour l’Europe » qui regroupent au total 84 députés de partis nationalistes ou d’extrême-droite issus de douze pays. Ce groupe est aujourd’hui la troisième force derrière les chrétiens-démocrates (PPE) avec 188 sièges et les sociaux-démocrates (PSE) avec 136 sièges. L’alliance nationaliste-conservatrice des « Conservateurs et réformateurs européens », rassemble 84 députés conduit par la chef du gouvernement italien Georgia Meloni.
FPÖ – Kickl: Herzliche Gratulation der AfD und den Wählern in Thüringen und Sachsen.
AfD plant Gründung europäischer Partei.
À quelques jours des élections européennes, l’AfD a connu une nouvelle crise, qui vient s’ajouter aux affaires de corruption en cours d’enquête, concernant les deux têtes de liste Petr Bystron et Maximilian Krah. Le 18 mai dernier, ce dernier donnait au journal italien La Repubblica une interview, dans laquelle il relativisait la nature criminelle de la SS. La Repubblica avait demandé à Krah si sa déclaration selon laquelle les Allemands devraient être fiers de leurs ancêtres s’appliquait également aux officiers SS. Krah répondait que la culpabilité de chaque combattant devait être « évaluée individuellement ». « À la fin de la guerre, il y avait près d’un million de SS. Günter Grass aussi était dans les Waffen SS » déclarait-il. Évoquant la famille de son épouse, des Allemands hongrois, il affirmait qu’« ils avaient le choix de s’engager dans l’armée hongroise ou dans la SS. S’ils s’étaient engagés dans l’armée hongroise en tant qu’Allemands, c’eût été leur condamnation à mort, comme ils le savaient depuis la Première Guerre mondiale. Ils ont donc rejoint les SS. Parmi les 900.000 SS, il y avait beaucoup de paysans. Il y avait certainement un pourcentage élevé de criminels de guerre parmi eux, mais pas tous. Je ne dirai jamais que tous ceux qui portaient l’uniforme SS étaient automatiquement des criminels »106.
Cette thèse est un classique du révisionnisme historique en Allemagne, qui fut défendu par le NPD dans les années 60 et 70, les Republikaner dans les années 80, mais surtout par la Hilfsgemeinschaft auf Gegenseitigkeit der Angehörigen der ehemaligen Waffen-SS e. V. (association d’entraide mutuelle des anciens membres des Waffen-SS – HIAG)107. Krah ce faisant ignorait volontairement le jugement du Tribunal de Nuremberg qui qualifiait la SS dans sa totalité d’organisation criminelle.
Le Rassemblement National a décidé alors de rompre avec l’AfD108, en déclarant ne plus souhaiter collaborer avec ce parti ni rester dans le même groupe. Salvini, chef de la Lega en Italie, pourtant jusqu’alors proche de l’AfD, se désolidarisait aussi109. Le FPÖ, pour un temps resté muet, a été mis sous pression par les autres partis politiques autrichiens pour qu’il rompe avec l’AfD110. Il a toutefois décidé dans une première phase de se solidariser avec l’AfD avant de choisir une autre alliance, celle des « Patriotes pour l’Europe »111. Les liens avec l’AfD restent cependant intenses112.
L’AfD a en juillet 2024 fondé un groupe au Parlement européen intitulé « Europe des Nations souveraines » (ENS). Ce groupe doit servir à la fondation d’un parti européen113. L’objectif est de profiter du financement légal et des privilèges accordés à ce type de parti. 25 députés européens originaires de 8 pays en sont membres : Bulgarie : Renouveau / Възраждане, 3 députés ; République Tchèque : Liberté et démocratie directe / Svoboda a přímá demokracie (SPD), 1 ; France : Reconquête (R !), 1 ; Allemagne : Alternative pour l’Allemagne / Alternative für Deutschland (AfD), 14 ; Hongrie : Mouvement pour notre patrie / Mi Hazánk Mozgalom (MHM), 1 ; Lituanie : Union du peuple et de la justice (centristes, nationalistes) / Tautos ir teisingumo sąjunga (centristai, tautininkai) (TTS), 1 ; Pologne : Nouvelle Espérance / Nowa Nadzieja (NN), 3 ; Slovaquie : Mouvement de la République / Hnutie Republika, 1.
L’analyse des programmes de ces partis montrent leur extrémisme politique. Les relations de l’ENS avec les autres groupes national-populistes et illibéraux sont mauvaises, ce qui est un signe des difficultés que rencontreront ces formations à trouver une ligne politique et une « maison commune ».
Les élections de Saxe, de Thuringe et du Brandebourg
a. Les résultats des élections de Thuringe, Saxe et Brandebourg
Les élections de Thuringe, de Saxe et du Brandebourg marquent la naissance d’un nouveau système politique dans les nouveaux Bundesländer.
Résultats des principaux partis en 2024 et évolution 2019-2024 (en %)
Source :
Landtagswahlleiter [en ligne].
Lorsqu’un parti détient plus d’un tiers des sièges au Parlement, il peut bloquer des décisions parlementaires importantes. En Thuringe et en Saxe, c’est le cas. Les décisions parlementaires qui requièrent une majorité des deux tiers ne seraient alors plus possibles sans un accord avec l’AfD. Il s’agit notamment de modifications de la Constitution du Land, de l’élection des juges constitutionnels et de l’élection du président de la Cour des comptes.
Dans les trois Länder, les électeurs se sont fortement mobilisés.
En Thuringe, l’AfD est devenu le premier parti régional. Il progresse de 9,4 pts par rapport à 2019, ce qui lui permet d’obtenir une minorité de blocage au Parlement114. La stratégie de radicalité politique et de provocations voulue par Höcke a donc fonctionné115. Le succès de l’AfD est cependant trompeur. La stratégie extrémiste a certes permis une forte mobilisation des électeurs hostiles à la coalition Ampel, préoccupés par l’insécurité et l’immigration incontrôlée, mais aboutit à un isolement du parti qui ne peut pas gouverner. La CDU progresse aussi marginalement (+1,9 pt), mais reste loin des scores de l’AfD. Le second vainqueur de l’élection est le BSW (15,8%). Le Parti de gauche (Die Linke) dirigé par le ministre-président sortant Bodo Ramelow perd près de 18 pts et n’obtient plus que 13,1% des voix. Malgré sa popularité, il a été victime de la crise de Die Linke au niveau national. Le FDP est atomisé et tombe au niveau des Électeurs Libres (Freie Wähler : 1,3%). Enfin, les Verts sont éliminés du Parlement.
En Saxe, la CDU obtient 31,9% des voix, l’AfD 30,6% et l’alliance Sarah Wagenknecht 11,8%. Les Verts perdent massivement des électeurs, tout comme Die Linke (4,5%, -5,9 pts). Ce parti ayant toutefois gagné deux mandats directs à Leipzig, la « clause de sauvegarde » fait que Die Linke a six élus à la chambre, malgré son non-franchissement de la barre de représentativité des 5%116. Le FDP n’est plus représenté au Landtag.
La mise en place d’une coalition gouvernementale en Saxe et en Thuringe va se révéler fort complexe et se focalise autour de la question d’une alliance avec le BSW. La CDU se trouve confrontée à la question de la « nature » idéologique de ce parti117. Sahra Wagenknecht est pour sa part favorable à une coopération avec la CDU, mais multiplie les conditions préalables118. En cas d’échec des négociations, les électeurs seront rappelés aux urnes.
La courte victoire (30,9%) du ministre-président du Brandebourg, Dietmar Woidke (SPD) fut le fruit d’une campagne basée sur le bilan économique positif de ses onze années de gouvernement, sur une communication claire centrée sur la politique régionale, y compris l’annonce de son départ en cas de défaite. Son refus de voir le chancelier Scholz venir le soutenir pendant sa campagne a joué en sa faveur. La priorité donnée à sa stratégie anti-AfD a certes permis d’attirer des électeurs abstentionnistes, mais a siphonné les « petits » partis qui se sont effondrés électoralement. Au lendemain de la consultation, il se retrouve toutefois dans une impasse politique. Le SPD et la CDU obtiennent ensemble 44 sièges sur 88 au nouveau Landtag, la majorité étant de 45 sièges. L’AfD et le BSW ont eux aussi 44 élus. La CDU ayant refusé une grande coalition avec le SPD et le BSW, Woidke devra se coaliser avec le BSW. Certes, l’AfD ne gouvernera pas, mais il a obtenu en Brandebourg une minorité de blocage qui va perturber le fonctionnement du nouveau Parlement.
b. Transferts électoraux
Les transferts électoraux observables dans les trois Länder sont du même type : progrès de l’AfD et du BSW, un effondrement des libéraux et des petits partis, une faible capacité de résistance de la CDU et du SPD à la poussée populiste.
En Thuringe, c’est l’AfD qui profite le plus largement de l’augmentation de la participation électorale, une situation que l’on retrouve en Saxe et au Brandebourg. Il gagne 71.000 abstentionnistes, 28.000 électeurs en provenance de la CDU et 23.000 anciens électeurs de Die Linke. L’AfD enregistre des gains marginaux en provenance du FDP (+8.000), du SPD (+5.000) et des Verts (+2.000). En revanche, l’AfD perd 11.000 électeurs au profit du BSW.
Landtagswahl Thüringen 2024
Wählerwanderung
Source :
Données Infratest Dimap, Tagesschau, Thüringe [en ligne].
En Saxe, 89.000 abstentionnistes choisissent l’AfD. Ce parti gagne aussi 44.000 voix de la CDU, 10.000 des autres partis, 8.000 électeurs de Die Linke, 5.000 du SPD et 4.000 des Verts. Les seules pertes de l’AfD sont là encore au profit du BSW (-23.000 suffrages).
Landtagswahl Sachsen 2024
Wählerwanderung
Source :
Données Infratest Dimap, Tagesschau, Sachsen [en ligne]
Landtagswahl Brandenburg 2024
Wählerwanderung
Source :
Données Infratest Dimap, Tagesschau, Brandeburg [en ligne]
En Brandebourg, l’AfD gagne des électeurs venus de toutes les formations et profite de l’augmentation de la participation électorale. Dans les trois Länder, le BSW montre qu’il est capable de rogner l’électorat AfD, mais que son succès se bâtit pour l’essentiel de l’effondrement de Die Linke.
c. Sociographie de l’AfD
Les sondages Dimap montrent une très nette progression de l’AfD chez les moins de 25 ans, hommes comme femmes. Le gender gap qui existe depuis 2015, reste très affirmé, les femmes votant nettement moins pour l’AfD.
Le vote AfD apparaît élevé parmi les personnes interrogées ayant un niveau d’études inférieur ou égal au baccalauréat, et ceci depuis 2015. A l’inverse, la fréquentation de l’université est facteur négatif pour l’AfD, une constante depuis 2015.
Les ouvriers et les chômeurs soutiennent massivement l’AfD. Les fonctionnaires restent peu enclins à voter pour le parti. Le vote AfD corrèle positivement avec les sondés ayant des problèmes économiques, mais aussi avec le fait d’être un résident du Länder depuis plus de 20 ans.
Dans les trois Länder l’AfD obtient ses meilleurs scores dans les petites communes jusqu’à 5.000 habitants. Le parti est faible dans les grandes villes de plus de 50.000 habitants et n’y progresse que marginalement depuis 2019. Il existe un fort lien entre le dynamisme démographique des cercles électoraux et la progression de l’AfD comme le montre le cas saxon (croissance : 25,9% ; déclin : 36,1% ; fort déclin : 35,8%).
Dans un milieu catholique pourtant traditionnellement hostile à l’AfD, le parti fait en Thuringe une percée surprenante (32%, +13 pts) alors que le parti ne progresse pas sur ce segment de la population en Saxe (-1 pt) et en Brandebourg (-1 pt). La déchristianisation des nouveaux Bundesländer est un facteur favorisant le choix AfD.
d. Les déterminants du vote
La perception négative de la politique du gouvernement fédéral et l’impopularité croissante de la coalition Ampel ont dominé la campagne dans les trois Länder. Si l’insatisfaction face à la coalition Ampel se localise dans les trois Länder surtout dans les marges du système (AfD : 98% BSW : 91%), il est frappant de constater que les électeurs SPD de Thuringe (59%) soient aussi très critiques à l’égard de la politique de la coalition Ampel, des chiffres que l’on retrouve en Saxe et en Brandebourg SPD : 58%. Ce rejet massif explique les transferts électoraux vers l’AfD et le BSW observables dans les trois Länder lors de ce vote.
Bilan de la coalition Ampel (en %)
Les principaux points de critique des électeurs portent, en dehors des questions migratoires et sécuritaires, sur le style de communication des partis de la coalition Ampel et sur la cacophonie politique permanente entre les trois partenaires. Une majorité des personnes interrogées ont fait de cette élection un vote sanction.
Les mesures sécuritaires prises récemment par la coalition Ampel (contrôles aux frontières, expulsion de criminels afghans…) n’ont pas convaincu les électeurs du Brandebourg. À la question de l’efficacité de ces mesures pour vivre « plus sûrement » en Allemagne, 66% des personnes interrogées répondent négativement (SPD : 48%, CDU : 69%, BSW 78%, AfD : 93%).
Ce mécontentement généralisé ne profite cependant pas à Friedrich Merz – leader de la CDU – qui reste mal aimé des personnes interrogées (entre 28 et 29%). Sahra Wagenknecht est la grande gagnante du malaise collectif (entre 39 et 46%). Les niveaux de satisfaction des personnes interrogées à propos des principaux leaders politiques allemands sont très bas, Habeck (Verts), Weidel (AfD) et Scholz (SPD) étant particulièrement impopulaires119.
Satisfaction à propos du travail du gouvernement régional et perception de l’état des Länder
Une des raisons importantes de la percée de l’AfD et du BSW est l’insatisfaction majoritaire à l’égard du travail des gouvernements régionaux. La radicalité de l’AfD dans les trois Länder effraie cependant une majorité des personnes interrogées. En Thuringe, 57% d’entre elles rejettent une option gouvernementale pour ce parti (59% en Brandebourg).
Les sondages révèlent un étonnant renversement entre 2019 et 2024 de la perception économique dans les trois Länder. Elle est aujourd’hui très négative pour une majorité des personnes interrogées.
Ce pessimisme offre à l’AfD et au BSW un thème permanent de campagne (désindustrialisation, faillite d’entreprises, chômage croissant…). Ce pessimisme est d’autant plus surprenant que la situation individuelle des personnes interrogées est jugée bonne en Thuringe et en Saxe.
L’hostilité Est-Ouest
Ces tableaux montrent l’intensité de la frustration des Allemands de l’Est.
La perception des nouveaux Bundesländer (en %)
Un sondage s’est penché sur les causes de cette méfiance – voire de cette hostilité – des « Ossis » envers l’Ouest120. Les données d’une enquête à long terme du projet de recherche SOSEC, montre que 50% des personnes interrogées à l’Est (30% à l’Ouest) pensent que les crises actuelles sont voulues pour servir les intérêts des « élites » et que la politique n’améliore délibérément pas la situation des populations.
e. Le choix AfD
Thématiquement, la montée de la criminalité et les actes terroristes récents inquiètent les électeurs des trois Länder, un thème qui est corrélé à la question de l’immigration. La sécurité sociale (retraite, santé, mais aussi les transports…) préoccupe les personnes interrogées alors que la question climatique n’intéresse plus guère. Cette tendance lourde explique le déclin électoral continu des Verts, mais aussi de Die Linke, qui en avait fait une dimension centrale de sa politique.
Pourcentage des personnes interrogées inquiètes par les différents thèmes (en %)
Le choix de l’AfD est commandé en 2024, et ceci depuis 2015, par la question de l’immigration, de la sécurité sociale et de la criminalité. L’attentat islamiste, le 23 août 2024, qui fit trois morts et quatre blessés a eu un effet mobilisateur pour l’AfD et le BSW lors des élections du 1er septembre. Le BSW, qui lui aussi mobilise sur ces thèmes, trouve une part de ses électeurs chez les personnes interrogées pacifistes, un thème non porteur pour l’électorat AfD.
La perception de l’AfD en 2024 (en %)
Ce tableau montre que le « mur coupe-feu » (Brandmauer) au cœur des campagnes « antifascistes » de la coalition Ampel et marginalement de la CDU se lézarde dans les nouveaux Bundesländer. Toutefois, au-delà de ce pragmatisme politique, les personnes interrogées restent méfiantes envers le projet politique de l’AfD.
L’AfD a fait du thème de l’immigration et de son corrolaire sécuritaire son principal argumentaire et semble coller aux sentiments collectifs. De fait, au Brandebourg, la peur de l’augmentation de la criminalité atteint les 70% (+15 pts par rapport à 2019), et le rejet de l’islam monte à 70% (+16 pts). Le sondage Infratest Dimap pour ce Land montre cependant que les adhérents de l’AfD sont tendanciellement moins radicaux que les leaders du parti. Si 93% des électeurs AfD sont pour une expulsion des migrants sans droits de séjour, ils ne sont que 10% à vouloir que les migrants ayant un travail et un passeport allemand soient renvoyés chez eux.
Perception des compétences de l’AfD dans la période 2019 – 2024 (en %)
Armin Pfahl-Traughber, Intellektuelle Rechtsextremisten. Das Gefahrenpotenzial der Neuen Rechten, Dietz Verlag, Bonn 2022.
Ce tableau montre un changement drastique de la perception des compétences de l’AfD. Le travail idéologique et programmatique des Nouvelles Droites en périphérie du parti a porté ses fruits. Les personnes interrogées accordent à l’AfD des capacités nouvelles qui se sont élargies à d’autres thèmes que la lutte contre la criminalité et l’immigration121. Cette mutation explique pourquoi le profil électoral de l’AfD a changé. Il fut longtemps un parti de protestation, mais est devenu une formation que l’on choisit par conviction politique. Cette évolution fait qu’un retour rapide des électeurs AfD vers des partis démocratiques est peu vraisemblable puisqu’ils votent pour l’AfD par conviction.
Conclusion
Kommunalwahl in BW: Rechtsruck in den Kommunalparlamenten.
AfD-Wahlerfolg in Sachsen-Anhalt: Politikwissenschaftler nennt Gründe.
Was die Ergebnisse der Kommunalwahl 2024 für Thüringen bedeuten.
Machtkampf in AfD eskaliert weiter – Parteiausschluss von Höcke gefordert.
Rechts, rechter, am rechtesten – Austritte aus der AfD, „Politische Dummheit“ – AfD-Abgeordnete verlässt nach Krah-Skandal die Partei.
Les élections européennes de 2024 comme les élections régionales de Saxe et de Thuringe ont vu l’AfD progresser électoralement. Ces consultations montrent que ce parti, malgré l’offensive menée par les autres formations politiques, les Églises, le patronat, la société civile et les services secrets allemands, a résisté. Certes, si l’AfD se voyait confronté à l’avenir à de nouvelles révélations sur ses liens avec la Russie ou la Chine, une nouvelle campagne anti-AfD se mettrait en place. Cependant, comme le montre l’affaire Bystron/Krah, l’effet de ces sandales restera limité aux sympathisants hésitants du parti. Le noyau de l’AfD n’est pas atteignable par les scandales. Les consultations de 2024 montrent aussi que l’AfD peut devenir non seulement le premier parti régional (cas de la Thuringe), mais aussi comme le montrent les élections locales en Bade-Wurtemberg122, en Saxe-Anhalt123 et en Thuringe124 de s’enraciner sur le long terme dans les communes et d’y exercer un réel pouvoir aboutissant localement à une disparition du Brandmauer (le mur coupe-feu) des partis démocratiques. Ces élections montrent aussi que Die Linke est agonisante et que le BSW est un parti d’avenir, au moins sur le moyen terme (élections régionales et au Bundestag).
Le succès de l’AfD aux élections régionales et européennes de 2024 est toutefois trompeur car le parti se trouve dans une impasse politique et stratégique. Au sein du Parlement européen, la radicalité du parti a entraîné son isolement, depuis son exclusion du groupe Identité et Démocratie (ID). Il est aujourd’hui ostracisé par les « Patriotes pour l’Europe » et le groupe de Giorgia Meloni (le CRE/ECR pour Conservateurs et Réformistes européens). Cette hostilité des groupes entre eux montre que la « maison commune » de tous les partis nationaux-populistes et illibéraux ayant pour objectif de dompter la Commission européenne est un projet mort-né, malgré la montée en puissance dans toute l’Europe du national-populisme et de l’illibéralisme.
Tout n’est pas rose pour l’AfD en dehors du cadre européen. C’est sur le plan intérieur que ce parti connaît des difficultés grandissantes. Nombre de cadres de ce parti s’opposent à la ligne völkisch de Höcke125 ou le quittent126. La stratégie de radicalisation est perçue par nombre de cadres AfD, surtout à l’Ouest, comme un cul de sac. Certes, la faiblesse de la coalition Ampel, l’inachèvement de la réunification, le manque de contrôle de l’immigration, la récession économique et la peur de la guerre restent des moteurs politiques, mais le vent mauvais pour l’AfD vient d’ailleurs.
L’AfD a certes fait aux élections régionales à l’Est d’excellents scores, mais il n’a pas de partenaires de coalition pour gouverner. A l’Ouest, le parti s’est bien renforcé électoralement en 2024, mais son potentiel électoral semble plus limité. Enfin, l’hostilité au projet de l’AfD reste très forte dans une population allemande polarisée et son classement prochain en parti extrémiste par les Autorités de protection de la Constitution devrait fortement l’ébranler et provoquer la démission de nombreux adhérents actifs dans les administrations, la police, la justice et l’armée.
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