L’avenir de l’hydroélectricité
L’innovation, le respect des sites, la miniaturisation sont les pistes à explorer de façon dépassionnée pour que l’hydroélectricité puisse être exploitée dans le long terme avec succès.Introduction
Une contribution essentielle à la production électrique mondiale
Une énergie pionnière et innovante
Des siècles de perfectionnements incrémentaux de la capture de l’énergie hydraulique
Les composantes de la révolution électrique
L’épopée de la houille blanche
L’accélération de l’équipement des ressources
Les riches heures de l’hydroélectricité
Une industrie au développement rapide
La diversification des grands barrages français
Redéfinir une nouvelle dynamique au XXIE siècle
Un champ d’expertise technique
L’hydraulique, un outil d’aménagement du territoire
Les perspectives de développement
L’optimisation du parc
Les voies d’innovation
L’économie de l’hydroélectricité
Le cadre juridique national
Une perspective mondiale dans le cadre de la géopolitique de l’eau
Conclusion
Résumé
L’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité est un objectif stratégique pour la France dans le cadre de la transition énergétique. L’énergie hydraulique, qui a marqué avec fierté l’histoire industrielle de notre pays, est-elle encore une candidate compatible avec ces multiples contraintes ? Elle est renouvelable, décentralisée et décarbonée, fonctionne sans obéir aux caprices du vent et du soleil, elle est stockable et libérable à la demande. C’est aussi une opportunité clé pour les quelque 1,2 milliard d’êtres humains dépourvus d’accès à l’électricité.
La production d’énergie hydraulique est une filière industrielle d’excellence essentielle à la stratégie énergétique comme à la régulation d’une production aléatoire. Elle doit se réinventer pour être acceptée tant la ressource est âprement disputée. L’innovation, le respect des sites, la miniaturisation sont les pistes à explorer de façon dépassionnée pour que l’hydroélectricité puisse être exploitée dans le long terme avec succès.
Jean-Pierre Corniou,
Partenaire au sein du cabinet de conseil Sia Partners.
Partenaire au sein du cabinet de conseil Sia Partners.
Politique énergétique française (1) : les enjeux
Politique énergétique française (2) : les stratégies
Good COP21, Bad COP21 (1) : le Kant européen et le Machiavel chinois
Good COP21, Bad COP21 (2) : une réflexion à contre-courant
Énergie-climat : pour une politique efficace
Transition énergétique européenne : bonnes intentions et mauvais calculs
Introduction
Cité par Bertrand Gilles, in « Prolégomènes à une histoire des techniques », in Bertrand Gille, Histoire des techniques, Gallimard, « Encyclopédie de la Pléiade », 1978, p. 51-52.
L’hydroélectricité est-elle une vieille dame de plus de cent trente ans qui, après avoir connu en France un engouement extraordinaire de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle, aurait vocation à être supplantée par les sources d’énergie plus contemporaines que sont l’éolien et le solaire ? Le silence qui entoure désormais l’énergie hydroélectrique en France pourrait le laisser penser. Néanmoins, il n’en est rien dans le monde car la gestion de l’eau, tant pour la production d’énergie que pour ses usages multiples, est un enjeu critique de géopolitique face aux incertitudes du réchauffement climatique. Les perspectives de l’hydroélectricité dans le monde sont considérables et s’insèrent dans une réflexion globale sur l’exploitation géopolitique de cette source d’énergie décarbonée. Dans les pays matures et déjà bien équipés, les potentialités nouvelles de l’hydroélectricité reposent sur la modernisation du parc installé et sur l’innovation technique.
L’histoire de la captation de l’énergie hydraulique est très ancienne. Depuis des centaines d’années, l’Homme a compris le parti qu’il pouvait tirer de l’eau, cette source d’énergie potentielle, naturelle, renouvelable et gratuite. Son acharnement a permis, à travers une longue lignée de scientifiques, d’inventeurs, d’entrepreneurs, la plupart du temps anonymes et rarement reconnus par l’histoire, d’exploiter cette énergie potentielle pour la transformer en énergie mécanique avant de trouver, à partir de 1880, la manière la plus efficace de l’exploiter en la transformant en électricité. C’est une longue histoire d’inventions et d’innovations. Si l’on reprend la définition de François Perroux selon laquelle « l’entrepreneur dynamique innove économiquement en faisant passer dans la réalité du marché l’invention technique, ou plus largement la combinaison nouvelle1 », le monde de l’énergie hydraulique illustre parfaitement ce cheminement patient entre invention et innovation. Et cette histoire n’est pas achevée.
L’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité est un objectif stratégique pour la France comme pour tous les pays matures dans le cadre de la transition énergétique. C’est aussi une exceptionnelle opportunité pour les quelque 1,2 milliard d’êtres humains encore dépourvus d’accès à l’électricité. L’énergie pionnière, décentralisée et décarbonée, que fut l’électricité hydraulique dès la fin du XIXe siècle représentait encore, fin 2017, 52% de la capacité de production d’électricité renouvelable installée en France et, en moyenne annuelle, 12% de la production électrique totale. Loin d’être une industrie mature à faible capacité d’innovation, la production d’énergie hydraulique représente une branche majeure de la famille des énergies renouvelables. C’est une filière essentielle aussi bien à la stratégie de décarbonation de l’électricité qu’à la régulation d’une production de plus en plus décentralisée et aléatoire.
Mais si les promesses de cette filière demeurent intactes, la concrétisation des nouveaux projets dans les pays qui ont fait l’objet d’équipements majeurs au XXe siècle se heurte à de multiples contraintes, tant la ressource en eau est convoitée et âprement disputée entre les différentes parties prenantes. Par ailleurs, ces pays pionniers de l’hydroélectricité sont aujourd’hui confrontés au vieillissement de leurs installations et à la recherche d’une optimisation de l’équilibre entre sources d’énergie. Tant pour l’hydroélectricité que pour les autres sources d’énergie, les acteurs publics et privés doivent intégrer de multiples paramètres qui font que la ressource hydraulique doit faire l’objet d’une analyse méthodique et dépassionnée pour être exploitée dans le long terme en fonction de ses atouts.
Une contribution essentielle à la production électrique mondiale
Avec 16% de la production électrique mondiale, l’hydroélectricité en constitue la troisième source, derrière le charbon (40%) et le gaz (19%). Chaque année, dans le monde, environ 4.000 térawatts-heure (TWh) d’électricité sont produits à partir de l’énergie hydraulique, soit plus de trente fois la production totale d’énergie électrique en France. La production mondiale a doublé entre 1990 et 2015.
L’hydroélectricité représente près de 20% des capacités électriques mondiales, avec 715 gigawatts (GW). En 2016, ce sont 36 GW de capacités hydrauliques nouvelles qui sont venus s’ajouter à ce potentiel, soit 5%. En 2017, les principaux pays producteurs étaient la Chine (28,5% de la production mondiale), le Canada (9,6%), le Brésil (9,6%) et les États-Unis (7,7%).
En France, l’hydroélectricité constitue un élément clé de la production électrique. L’hydraulique a généré en 2017, avec une production de 48,6 TWh, 54,6% de la production d’énergie renouvelable française, qui s’élève au total à 88,9 TWh. Elle a couvert, cette même année, 10,1% des besoins d’énergie électrique français, contre 5% pour la filière éolienne et 2% pour le solaire. Les Alpes du Nord y contribuent à hauteur de 40%. Sa production est plus prédictive et constitue une réserve essentielle dans l’équilibrage instantané du système électrique, tant pour compenser le caractère intermittent de la production éolienne et solaire que pour garantir aux clients la fréquence de 50 herz. La mobilisation de la réserve primaire, en moins de 30 secondes, et de la réserve secondaire, en moins de quinze minutes, est une contribution essentielle des centrales hydrauliques.
Par ailleurs, l’électricité hydraulique constitue la moins coûteuse des énergies renouvelables, et les installations de faible capacité deviennent compétitives.
Part de l’électricité produite par l’énergie hydraulique dans quelques pays
Source :
Observ.ER, 2011.
Production d’énergie hydroélectrique dans le monde (1990 – 2015)
Source :
Agence Internationale de l’Énergie, 2017.
Une énergie pionnière et innovante
Des siècles de perfectionnements incrémentaux de la capture de l’énergie hydraulique
René Bied-Chareton, « L’utilisation de l’énergie hydraulique. Ses origines, ses grandes étapes », Revue de l’histoire des sciences, Tome 8-1, 1955.
Les chutes d’eau ont été, avec le vent, la première source d’énergie renouvelable. Elles ont permis de produire de l’énergie mécanique depuis l’Antiquité avec de simples équipements, en bois. Durant des siècles, inventeurs, artisans et industriels ont travaillé afin de maîtriser la chaîne d’exploitation de l’énergie hydraulique. Capter, stocker, distribuer, transformer sont autant de problèmes techniques dont la résolution progressive a conduit à l’économie contemporaine de l’énergie. Si les solutions ont évolué, les problèmes des exploitants restent identiques : produire en quantité et en sécurité une énergie compétitive compatible avec les objectifs de la société.
Pour satisfaire des besoins croissants, il fallait cependant améliorer les techniques d’exploitation de l’énergie hydraulique. C’est un sujet de recherche constant depuis l’Antiquité. Les Romains ont mis au point le moulin à eau, à roue verticale, pour le broyage des grains. La Chine l’a connu à la même époque. Mais c’est dans l’Europe du Moyen Âge que cette technique a pris son essor et a contribué à la première révolution industrielle. Les moulins à eau, à roue verticale, se sont multipliés. On en dénombrait plus de 5.000 en Angleterre au milieu du XIIe siècle. En France, on estime que le nombre de moulins atteignait 100.000 à la fin du XIIIe siècle. Cet engouement pour cette technique donna naissance à un grand nombre de solutions d’amélioration des roues en bois en Europe du Nord, contrairement aux rives de la Méditerranée où le régime régulier des rivières permettait des aménagements et une exploitation performants. Léonard de Vinci lui-même a consacré des études aux roues des moulins.
Les moulins permettaient de broyer des céréales mais aussi d’affûter des outils, de pomper et d’élever l’eau dans les canaux d’irrigation. Ils constituent la première expérience à grande échelle d’utilisation rationnelle de l’énergie. C’est ensuite la découverte du système bielle-manivelle qui, en transformant un mouvement circulaire en mouvement alternatif, a permis de développer à partir du XIVe siècle les premières machines mécaniques mues par l’énergie hydraulique. Elles ont été progressivement employées dans les scieries hydrauliques, pour les pompes et les soufflets de forge.
Il a fallu des décennies de travail des inventeurs pour perfectionner les roues verticales, accroître leur puissance et mettre à l’essai des roues horizontales, alimentées par un canal d’amenée, ancêtres des turbines que l’on trouve illustrées dans l’Encyclopédie de 1752, avec les moulins du Bazacle qui datent du XVIIIe siècle. Ces moulins, implantés dès le XIe siècle sur la Garonne, à Toulouse, et décrits par Rabelais en 1534, sont un exemple remarquable d’exploitation collective de l’énergie hydraulique pour les besoins de la meunerie. Ils sont le premier exemple de sociétés par actions en France. En 1888, ils seront transformés en usines hydroélectriques, traduisant ainsi, dans la continuité de la même organisation, la capacité d’adaptation de l’énergie hydraulique.
Il faut attendre 1827 et l’invention de Benoît Fourneyron (1802-1867), qui lui-même s’inspire des projets antérieurs non réalisés de Leonhard Euler et Claude Burdin, son professeur à l’École des mines de Saint-Étienne, pour voir se développer la puissance des roues hydrauliques. Entre 1832 et 1867, plusieurs centaines de turbines, de plus en plus perfectionnées et puissantes, furent installées par Fourneyron en France et en Europe. Inventeur méticuleux et industriel, il fut surnommé « le Watt de l’hydraulique ». Il a notamment réussi industriellement cet exploit, qui reste au cœur de la performance des exploitants contemporains : « Faire entrer l’eau dans la roue mobile sans choc et la laisser sortir sans vitesse 2. » Les turbines de Fourneyron ont subi plusieurs développements, dont ceux apportés à partir de 1838 par l’Américain James B. Francis (1815-1892), qui leur a laissé son nom. Elles sont adaptées aux chutes moyennes (de 30 à 300 mètres) et aux débits moyens. Elles ont été modifiées pour les chutes de faible hauteur, de 2 à 25 mètres, par l’Autrichien Viktor Kaplan (1876-1934) qui les a brevetées entre 1912 et 1913.
Au milieu du XIXe siècle, on dénombrait en France plus de 200.000 roues hydrauliques produisant de l’énergie exploitée directement sur chaque site. Car l’énergie hydraulique, malgré ses progrès considérables, restait limitée par l’impossibilité de transporter l’énergie produite, même sur courte distance, limitant l’installation des machines à la proximité immédiate des chutes d’eau où l’énergie pouvait être transmise vers des machines tournantes par arbres de transmission et poulies. Toutefois, il s’agissait d’installations mécaniques complexes avec beaucoup de pertes d’énergie, à portée limitée, et qui, de plus, étaient dangereuses pour les ouvriers.
Cette difficulté stimula les inventeurs à la fin du XIXe siècle. C’est le câble métallique, se substituant aux poulies, qui permettra de s’affranchir partiellement de la contrainte de proximité. La distance maximale de transfert d’énergie mécanique fut atteinte par une technique d’origine suisse particulièrement innovante, le transport par câbles métalliques, nommés câbles télédynamiques. Développée en Suisse dès 1850, c’est à Schaffhouse que fut installée dès 1867 la plus grosse installation, permettant de transporter 570 CV sur 650 mètres. La France ne resta pas à l’écart de cette innovation. À Bellegarde-sur-Valserine, dans l’Ain, cette technique fut utilisée à partir de 1873 pour alimenter trois usines situées à 1,3 kilomètre des turbines. Mais si cette installation ingénieuse n’eut pas le succès économique escompté, Bellegarde, forte de ces expériences, fut une cité innovante de l’hydroélectricité. C’est également dans une région pionnière que fut installé en 1891, à Saint- Égrève, dans l’Isère, un système de transport par câble de l’énergie produite par une turbine Girard sur une centaine de mètres pour alimenter l’installation de broyage d’une cimenterie. Mais ces installations inventives furent rapidement rendues caduques par le développement de l’hydroélectricité.
Les composantes de la révolution électrique
Dans la seconde partie du XIXe siècle, les turbines connurent en effet un développement continu, permettant d’accroître la puissance fournie et d’en diminuer le coût. Avec le passage de la fonte à l’acier, aussi bien pour les turbines que pour les conduites, l’utilisation de turbines avec des chutes hautes devenait possible. Celle de Pelton, développée en Californie en 1879, donna un essor décisif à l’hydroélectricité : offrant un excellent rendement, elle permettait d’exploiter les chutes hautes à faible débit. Simultanément, les progrès du moteur électrique permirent une diversification de l’utilisation de l’énergie électrique.
En 1879, Thomas Edison (1847-1931) invente la lampe à incandescence qui permet de transformer en lumière l’énergie électrique. Cette invention se répand en Europe grâce à la société électrique Edison qui a pour but de faire fructifier le millier de brevets d’Edison et suscite de multiples initiatives d’élus et d’entrepreneurs qui veulent innover en développant rapidement l’éclairage public. L’éclairage électrique incarne la modernité dans cette fin de siècle avide de progrès technique. En 1881, l’Exposition internationale d’électricité de Paris et le Congrès international des électriciens donnent à cette nouvelle technique une impulsion décisive.
À partir de 1892, l’ingénieur français Marcel Deprez (1843-1918) expérimente le transport d’électricité à distance par courant continu. C’est à Munich qu’il réalise, sur 57 kilomètres, le transport d’un courant de 1.000 volts sur un fil télégraphique. Plusieurs expériences sont ensuite réalisées avec des compagnies de chemin de fer, très intéressées par cette nouvelle technique. En 1889, à Revel, dans le massif de Belledonne, démarre La Force, la première centrale hydroélectrique des Alpes, à partir de laquelle 300 CV sont transportés en continu à 2,8 kV, avec le système Desprez, sur 5 kilomètres, pour alimenter la papeterie du Moutiers, à Domène. Un autre Français, Lucien Gaulard (1850- 1888), se fait connaître lors de l’exposition de Turin de 1884 en mettant en service une liaison bouclée de démonstration alimentée par du courant alternatif sous 2.000 volts, de Turin à Lanzo aller et retour (80 kilomètres). Dans toute l’Europe, les expériences se multiplient au cours de ces décennies innovantes. À Francfort, en 1891, le courant alternatif s’impose comme solution efficace et élégante pour transporter l’énergie : 300 CV hydrauliques sont transportés à 170 kilomètres, avec un rendement de 74%, en courant alternatif triphasé 15 kV.
Enfin, c’est Nicolas Tesla (1856-1943) qui, après ses études en Autriche et son travail à la Compagnie Edison, en France, part aux États-Unis fonder la Tesla Electric Light & Manufacturing et dépose, entre 1887 et 1889, sept brevets majeurs sur la construction de moteurs asynchrones et la transmission d’électricité par courants polyphasés, permettant à la fois puissance et stabilité. Avec ces ultimes perfectionnements, l’énergie hydraulique, devenue enfin transportable et exploitable sous forme d’hydroélectricité, va connaître un développement considérable. Les premières installations sont exploitées pour l’éclairage urbain, l’électricité se substituant rapidement au gaz. Les transports publics exploitent très vite la souplesse de l’électricité. Le métro et le transport ferroviaire se convertissent. Mais c’est l’industrie qui va connaître, au pied des installations alpines et pyrénéennes, l’essor le plus rapide. L’électrochimie et l’électrométallurgie se concentrent dans de grandes installations, alors que l’électrification de toutes les machines industrielles va graduellement se diffuser pour représenter, en 1931, 62% des besoins énergétiques des entreprises. Grâce à la maîtrise du cycle complet de production d’énergie électrique, de distribution à distance et d’utilisation diversifiée dans des machines de toutes natures, les conditions étaient réunies pour un essor industriel qui allait permettre la croissance industrielle du XXe siècle.
L’épopée de la houille blanche
Cité par René Bled-Charreton, in « L’utilisation de l’énergie hydraulique. Ses origines, ses grandes étapes », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, vol. 8, n° 1, janvier-février 1955, p. 66.
Louis Barbillion, préface à l’ouvrage de Victor Sylvestre, La Houille blanche, éditions J. Rey, 1925, p. 13.
Gabriel Hanotaux, discours prononcé lors du Congrès de la houille blanche, 7 septembre 1902, « Compte rendu du Congrès », La Houille blanche, p. 97.
Voir Anne Dalmasso, « L’ingénieur, la Houille Blanche et les Alpes : une utopie modernisatrice ? », Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, « Le temps bricolé. Les représentations du Progrès (XIXe- XXe siècles) », vol. 29, n° 1-3, 1er-3e trimestres 2001, p. 25-38 .
La « houille blanche » a été une épopée industrielle et humaine qui a joué un rôle majeur dans la vision du progrès propagée par les acteurs de cette source d’énergie. L’inventeur de la formule « houille blanche » est un industriel papetier, Aristide Bergès (1833-1904), qui en a fait le symbole de l’éveil des vallées alpines au progrès scientifique, alors que leur éloignement et leur climat difficile constituaient auparavant des facteurs d’exclusion. Il écrit ainsi, pour l’Exposition universelle de 1889 : « J’ai voulu employer ce mot [l’expression« houille blanche »] pour frapper l’imagination et signaler avec vivacité que les glaciers des montagnes peuvent, étant exploités en forces motrices, être pour leur région et pour l’État, des richesses aussi précieuses que la houille des profondeurs3 . » Quelques décennies plus tard, le développement de l’économie touristique avec les sports d’hiver apportera le même esprit autour du thème de la conquête de l’« or blanc ».
La revue spécialisée La Houille blanche est créée en 1902, avec pour sous- titre « Revue générale des forces hydro-électriques et de leurs applications ». Sa devise est éloquente : « La houille noire a fait l’industrie moderne, la houille blanche la transformera. » Le Congrès de la houille blanche, en 1902, et l’Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme, à Grenoble, en 1925, entretiendront cette épopée qui a beaucoup marqué les générations d’avant la Seconde Guerre mondiale et influencé les grands investissements d’après-guerre sous l’impulsion de la nouvelle compagnie fédératrice de ces travaux, EDF. Louis Barbillion (1873-1945), directeur de l’Institut électrotechnique de Grenoble, illustre parfaitement cet état d’esprit conquérant et civilisateur en affirmant que les Alpes étaient « un pays qui il y a 40 ans encore ne comportait que trop de vallées pauvres, de régions incultes et de population aux mœurs arriérées et à la vie difficile4 », alors que Gabriel Hanotaux, de l’Académie française déclare avec enthousiasme : « Une grande révolution est accomplie : la montagne, jusque-là inactive et inféconde, va prendre part au labeur universel5. » Ce discours résolument moderniste, qui ne convainc pas toutes les populations, fut utilisé ultérieurement pour contrer les oppositions au développement des installations liées à cette houille blanche qui s’imposaient dans le paysage au détriment des pratiques traditionnelles6. Très vite, les conditions du développement des investissements industriels se sont mises en place. Un service des forces hydrauliques, à l’instar des services analogues créés en Suisse, en Italie et en Allemagne, fut instauré en 1903 au sein du ministère de l’Agriculture. Sa mission était d’établir un inventaire hydrographique complet des zones de montagne et des études sur la topographie, les glaciers et la pluviométrie. Pour réaliser ce travail, 150 stations de jaugeage furent installées. Un travail considérable d’inventaire fut réalisé en quelques années et donna lieu à d’abondantes publications, mises à disposition des industriels et des collectivités. Déjà, le rôle des données était perçu comme un facteur majeur de performance. Ce service deviendra ensuite le service central des forces hydrauliques et des distributions d’énergie électrique, rattaché au ministère des Travaux publics. De 1939 à 1969, la Société hydrotechnique de France publiera l’Annuaire hydrologique de la France qui constituera une référence pour la connaissance patrimoniale des cours d’eau.
L’accélération de l’équipement des ressources
Loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, titre Ier, art. 1.
À la veille de la Première Guerre mondiale, le charbon couvre 88% des besoins énergétiques de la France, le bois 9,5%, le gaz 1,4% et l’hydraulique 0,7%. La plus grande centrale hydroélectrique est alors celle de l’Argentière, sur la Durance, d’une puissance de 28 MW. Mais la guerre prive brutalement la France de ses ressources minières du Nord, où les deux tiers des fosses sont détruites. Le rationnement de cette ressource vitale qu’est le charbon devient la règle au moment où l’effort de guerre impose une intensification de l’activité industrielle. L’énergie hydroélectrique devient donc un recours indispensable. Les équipements de chutes se multiplient afin de fournir l’énergie nécessaire aux usines éloignées de la ligne de front. Entre 1914 et 1919, la puissance hydroélectrique installée en France passe de 475 à 852 MW.
Il s’agit d’usines de puissance moyenne, établies dans des vallées avec un fort débit mais une chute faible ou sur des torrents secondaires avec une forte chute mais de petits débits. Ces installations étaient indépendantes et, pour obtenir puissance et régularité, il est apparu nécessaire de mettre en place des systèmes permettant de collecter plusieurs sources secondaires en vue de constituer un système unique de conduites forcées et de turbines.
À la fin de la guerre, un cadre législatif s’impose pour rationaliser les investissements et discipliner l’exploitation, brouillonne, des ressources. La loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique fixe le cadre indispensable. Son article 1 dispose : « Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État. Toutefois aucune concession ou autorisation ne sera accordée sans avis préalable des conseils généraux des départements, représentant des intérêts collectifs régionaux, sur le territoire desquels l’énergie est aménagée7.» Cette nationalisation de la ressource hydraulique offre depuis un siècle un cadre de régulation durable. Elle ancre l’hydroélectricité dans deux plans indissociables : la politique énergétique nationale et l’aménagement des territoires.
La puissance installée était de 150.000 kWh en 1899, puis passe à 550.000 en 1914, à 880.000 en 1919 et à 1,1 million en 1923, pour ensuite plus que doubler en dix ans et passer à 2,4 millions en 1933. Ce programme sert en premier lieu l’électrification rurale : 33.000 communes sont électrifiées en 1933 et 40 millions d’habitants sont desservis, contre 16 millions en 1919. Le Massif central, les Alpes, les Pyrénées voient s’édifier des ouvrages de plus en plus audacieux qui font totalement changer d’échelle la production hydroélectrique. Le barrage d’Éguzon, dans la Creuse, est ainsi le premier ouvrage français en béton, l’un des plus importants du monde à l’époque. Plus encore, c’est la construction, dans les années 1930, d’un réseau d’interconnexion à haute tension entre centrales hydrauliques et thermiques couvrant le territoire qui assoit définitivement la primauté de l’électricité.
C’est un secteur industriel complet qui se constitue. Les entreprises de travaux publics et les sociétés de production électrique coopèrent pour développer un tissu industriel dynamique et une cohérence de filière. L’Énergie industrielle, fondée en 1906 et premier distributeur électrique de l’époque, se dote de sa propre structure de production hydroélectrique, l’Entreprise industrielle. Le second distributeur électrique, l’Union d’électricité, prend des participations dans les entreprises clés du secteur, comme Forclum. La Société générale d’entreprises (SGE), la principale constructrice de centrales hydroélectriques dès le début du XXe siècle, investit dans des sociétés de production électriques, comme la Société de forces motrices de la Truyère.
Les riches heures de l’hydroélectricité
Converties à la production d’énergie électrique, les ressources hydrauliques ont fait l’objet depuis la fin du XIXe siècle d’une innovation continue qui en a fait un des leviers majeurs de la démocratisation de l’électricité et du développement industriel. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, il y avait en France des centaines d’installations de production d’électricité hydraulique. Aux lendemains du conflit, la nationalisation de 1945 allait confier le destin de l’énergie hydroélectrique à un seul exploitant, EDF, créé le 8 avril 1946. Quelques collectivités locales, déjà propriétaires de leur fournisseur d’électricité, réussirent néanmoins à conserver leur indépendance historique. Ce sont les entreprises locales de distribution (ELD), dont plus d’une centaine, de taille très variable, sont encore très actives.
Une industrie au développement rapide
La nationalisation de l’énergie et la culture productiviste de la reconstruction allaient donner un essor décisif au développement de l’hydroélectricité en France. En 1938, la France importait 38% de son énergie. Outre la remise en état des mines et la relance rapide de la production charbonnière, c’est l’hydroélectricité qui a représenté la priorité des gouvernements de l’après- guerre. Elle fut ainsi l’une des priorités du plan Monnet (1946-1950), qui prévoyait que la part de l’hydraulique atteigne 60% des 40 milliards de kilowattheures de besoins estimés, soit 24 milliards, en augmentant la part des réservoirs de 7 à 11% de la production hydraulique. Énergie nationale et renouvelable, l’hydroélectricité avait toutefois l’inconvénient, dans le contexte de l’après-guerre, d’absorber des capitaux massifs sans donner de résultats à court terme. Le programme des grands barrages devenait, dès lors, une priorité nationale.
La diversification des grands barrages français
Voir Jean Demangeot, « Perspectives d’avenir de la “houille bleue” », Revue de géographie alpine, vol. 33, n° 2, 1945, p. 291-314 .
Un barrage est un ouvrage complexe qui, modifiant le cours de la nature, a un impact sur l’écosystème et présente des risques techniques et géologiques. Les barrages ont été peu nombreux avant le XIXe siècle, même si certains d’entre eux témoignent d’une maîtrise technique empirique assez solide. Ces barrages étaient associés à des installations industrielles, comme les forges, afin de garantir une continuité dans l’alimentation des moulins. Ils ont joué un grand rôle dans la régulation des canaux à écluses, tels le canal du Midi, célèbre pour le barrage de Saint-Ferréol, barrage-masse édifié en 1675 et d’une hauteur de 30 mètres, ou les cinq barrages du canal de Bourgogne. Le premier barrage- voûte, de 42 mètres de haut, mis en service en 1854, fut conçu par l’architecte François Zola (1795-1847), le père du célèbre écrivain, pour alimenter Aix-en-Provence en eau potable.
Toutefois, les connaissances techniques nécessaires à l’édification d’ouvrages complexes étaient encore insuffisantes. Au carrefour de la mécanique des fluides, de la maîtrise de la géologie et des contraintes techniques liées à l’ancrage d’un barrage dans le sol, de l’ingénierie de la construction et de la résistance des matériaux, la science des barrages est montée en puissance lentement, au prix parfois d’erreurs aux conséquences dramatiques, à l’image de la rupture du barrage de Bouzey, dans les Vosges, en 1895, qui causa la mort de 87 personnes. Plus près de nous, en 1959, avec ses 423 victimes, la rupture des ancrages dans le sol du barrage-voûte de Malpasset, dans le Var, construit pour l’alimentation en eau de Fréjus mais sans répondre aux normes de construction hydroélectrique, a frappé l’opinion. C’est un problème géologique de glissement de terrain, et non pas de construction, qui est à l’origine de la catastrophe du barrage de Vajont, en Italie, en 1963. Spectaculaires, ces drames sont heureusement marginaux dans l’histoire industrielle et ont contribué à la mise en œuvre d’une politique de sécurité très rigoureuse.
La diversité des ouvrages, barrages et centrales, répond à des modes de sollicitation différents et complémentaires dans le cadre d’installation de moyenne et forte puissance :
– les centrales réservoirs disposent d’une réserve d’eau qui leur permet de répondre rapidement aux sollicitations de la demande. Cette réserve est créée par un barrage, barrage-poids, dont la structure résiste à la poussée du réservoir, ou barrage-voûte, qui repousse la poussée de l’eau du réservoir sur les appuis ancrés dans les flancs de la vallée. Les centrales d’éclusée disposent d’une réserve d’eau correspondant à 400 heures d’accumulation, soit deux semaines, tandis que les centrales de lac disposent d’une réserve saisonnière ;
– les centrales au fil de l’eau turbinent en temps réel en fonction du débit d’eau. Elles produisent de façon continue et disposent, dans la majorité des cas, d’une faible capacité de stockage. C’est le cas des centrales réalisées sur le Rhin et le Rhône. Elles contribuent pour 52% à la production d’énergie électrique hydraulique en France.
Des travaux internationaux ont conduit à normaliser la notion de « grand barrage » grâce à la Commission internationale des grands barrages, fondée en 1928. On a ainsi défini un « grand barrage » comme étant un ouvrage de plus de 15 mètres de haut, sans justification technique particulière, limite qui a permis d’établir un « registre mondial des grands barrages ».
Quelque 70 barrages ont été édifiés jusqu’en 1919, puis le développement de l’hydroélectricité, favorisé par la loi de 1909, a ouvert le champ à la création de nombreux grands barrages, plus audacieux (trois ont une hauteur supérieure à 100 mètres), plus techniques également.
L’après-guerre a vu une accélération du programme de développement de l’hydroélectricité, avec la construction de nouvelles installations. De 1945 à 1960, 120 grands barrages ont été construits en France, dont 58 barrages- voûtes, auxquels est associé le nom de l’ingénieur André Coyne (1891-1960), qui en a conçu 44. Le nombre de grands barrages en France est ainsi passé de 249 en 1960 à 594 en 2000. De nouveaux procédés de construction ont été mis au point, notamment la maîtrise des ouvrages en terre, qui ont permis la construction d’ouvrages majeurs comme celui de Serre-Ponçon, dans le sud des Alpes françaises.
Au-delà des ouvrages, de nouvelles techniques de gestion de la ressource hydraulique sont apparues. Les stations de transfert d’énergie par pompage (Step) sont des installations conçues pour stocker l’énergie sous forme de réserve d’eau en altitude et, lorsque la demande le nécessite et lorsque les prix de marché font que cela est économiquement opportun, pour la libérer vers un bassin amont, où elle sera pompée pour être restockée lorsque la demande d’électricité sera plus faible. La réalisation de telles stations est une réponse pertinente au problème de l’optimisation du réseau électrique. Si ces installations sont coûteuses et complexes, elles sont appelées à jouer un rôle essentiel avec le développement des énergies alternatives intermittentes.
La France dispose de six Step, mises en service entre 1976 et 1987. Celle de Grand’Maison, sur la Romanche, en Savoie, réalisée en 1985, avec 1.790 MW de puissance de turbine, représente 8% de la puissance électrique installée française. Montézic, dans l’Aveyron, est la seconde centrale en puissance, entièrement souterraine. Les Step peuvent atteindre, en quelques minutes, le maximum de leur capacité.
Il faut aussi souligner la prouesse technique que fut la réalisation de la centrale marémotrice de la Rance, dans le nord-est de la Bretagne, d’une puissance de 240 MW, raccordée au réseau en 1966. Ce projet fut étudié dès 1941, mais la technique employée n’a pas connu le développement imaginé par ses promoteurs, puisque dix-huit sites potentiels avaient alors été identifiés dans l’Hexagone 8.
Redéfinir une nouvelle dynamique au XXIE siècle
Pierre Massé, « Les problèmes économiques de l’équipement hydroélectrique », La Houille blanche, n° 5, septembre-octobre 1949, p. 589-590.
Depuis le Moyen Âge, l’histoire de l’hydromécanique a marqué les progrès de la civilisation européenne. Depuis 1890, l’hydroélectricité s’insère dans l’histoire des progrès de l’énergie et de ses conséquences sur la structuration de la vie contemporaine. On ne mesure plus à quel point disposer d’énergie électrique de façon abondante, fiable et économique résulte de la gestion résiliente du temps long. Il ne s’agit pas de suivre des modes mais, étape après étape, de construire une architecture de l’énergie, au-delà des contingences du moment, afin d’assurer une production continue, fiable et économique. L’hydraulique s’inscrit naturellement dans ce temps long et implique des arbitrages entre de multiples contraintes.
Les enjeux du maintien et du développement de l’énergie hydraulique restent considérables pour le second producteur européen d’énergie électrique hydraulique qu’est la France. Non seulement le parc installé représente 25,5 GW et une production annuelle moyenne de 67 TWh, mais il joue par ailleurs un rôle majeur dans la régulation de la production et de la distribution d’électricité. D’autre part, il faut admettre que le monde de l’énergie, vital à notre prospérité et à notre bien-être, est aussi un monde traversé de controverses techniques et idéologiques. Il faut à ce propos méditer la sage remarque de Pierre Massé (1898-1987) qui, dans une conférence de 1949, expliquait que « le véritable critère économique ne réside pas dans la limitation intuitive de telle ou telle de nos ressources, mais dans le développement de chacune d’elle à l’optimum. Ce développement optimum peut d’ailleurs être conçu dans le dans le cadre national ou dans le cadre élargi permis par le progrès technique9».C’est dire que l’avenir de l’hydroélectricité doit se traiter sans a priori idéologique ou technique, en intégrant l’ensemble des paramètres de décision touchant ce qui constitue un patrimoine national unique élaboré depuis maintenant cent trente ans.
Un champ d’expertise technique
L’hydroélectricité représente un marché mondial considérable en croissance. L’Asie et le continent africain disposent de ressources non exploitées et de besoins considérables. C’est un marché mondial qui implique de nombreuses compétences, de l’ingénierie au génie civil, de la maîtrise de la production des turbines à leur exploitation, de la régulation informatique à la compréhension des biotopes (biologistes, spécialistes de l’environnement), de la mécanique des fluides à la mécanique des sols. Il faut également disposer d’expertise juridique pour mettre en place la gouvernance la plus appropriée de la ressource hydraulique entre toutes les parties prenantes. Le savoir-faire français, bâti en près de cent cinquante ans, peut être valorisé grâce à une filière industrielle nationale experte et compétitive aussi bien pour construire la continuité de l’histoire que pour explorer de nouvelles pistes, techniques et internationales. On estime que la filière générait, en 2015, 20.700 emplois au total dont 12.300 emplois directs pour un chiffre d’affaires annuel de 3,5 milliards d’euros en France.
Néanmoins, comme pour l’industrie nucléaire, ce savoir-faire ne peut se maintenir au meilleur niveau mondial que si les commandes industrielles assurent un plan de charge satisfaisant. Le rachat des activités de turbines hydrauliques d’Alstom par General Electric devait répondre à cette problématique de taille mondiale du marché. Toutefois, General Electric Renewable Energy a entériné en octobre 2018 un plan de réduction de ses effectifs sur son site de Grenoble. Ce plan, qui concerne 300 emplois sur 800, inquiète sur l’avenir de la filière française de production de turbines. Néanmoins, l’ingénierie française continue de remporter des succès sur les marchés étrangers, avec notamment une étude de Step dans les Émirats arabes unis gagnée par EDF.
La France n’a naturellement pas l’exclusivité de ces compétences de conception et de gestion. Plusieurs opérateurs européens ont, comme EDF et Engie, un savoir-faire dans l’exploitation hydroélectrique, comme Statkraft (Norvège), Verbund (Autriche), Alpiq ou BKW (Suisse), Vattenfall (Allemagne), Iberdrola (Espagne) et Enel (Italie). Il est à noter que si le marché hydroélectrique devient réellement mondial, l’expertise européenne, elle, est fragmentée, faute de cadre européen efficace. La concurrence ne doit pas s’exprimer entre Européens mais entre l’Europe et le reste du monde.
En dehors de l’Europe, il y a en effet de plus en plus d’acteurs compétitifs, aux États-Unis, au Brésil, en Russie ou au Canada, où il faut souligner l’expertise du producteur québécois Hydro-Québec. La Chine, qui a un gigantesque programme d’équipement hydroélectrique, a appris à maîtriser toute la filière industrielle. Avec une croissance annuelle de la production de plus de 10% depuis dix ans, elle est devenue le premier producteur d’énergie électrique hydraulique du monde avec ses 85.000 centrales hydroélectriques. Elle a commencé à exporter son savoir-faire, notamment en Afrique, où elle propose ses techniques et ses financements. Cette ambition de la Chine a été confirmée lors du 5ème Forum sur la Coopération Sino-Africaine qui s’est tenu à Pékin en septembre 2018. Elle vient notamment de conclure un accord avec le Nigeria pour construire la centrale hydroélectrique de Membila, d’une capacité de 3 MW, soit presque la moitié de la capacité actuelle du pays. De plus, l’empire du Milieu, par la société China Three Gorges Corporation (CTG), vient également de racheter par étapes la société Energias de Portugal (EDP) : 23,3% en 2011, puis la totalité en mai 2018, pour un total de près de 12 milliards d’euros. Et il faut savoir que 60% de l’électricité produite par EDP est issue de sources renouvelables. La filiale d’EDP, Hydroglobal, est un acteur dynamique en Amérique latine, où elle vient de remporter, fin 2017, la concession d’une nouvelle centrale hydraulique au Pérou. Les travaux seront réalisés par China International Water & Electric Corporation (CWE), une filiale de CTG, ce qui démontre l’emprise chinoise sur la filière complète. CTG est très active en Europe sur l’éolien et le solaire.
L’hydraulique, un outil d’aménagement du territoire
Claude Thirriot, « L’hydraulique au fil de l’eau et des ans à travers les XVIIe et XVIIIe siècles », La Houille blanche, n° 5-6, août 1994, p. 61.
La gestion de l’eau se trouve confrontée à de multiples contraintes et, selon une formule heureuse de Claude Thirriot, doit être étudiée selon trois points de vue, « l’hydraulique de l’effort, l’hydraulique du transport et l’hydraulique du confort10 ». L’exploitation de l’énergie hydraulique s’insère dans une approche systémique qui intègre, par exemple, l’usage agricole et récréatif des réserves d’eau, la pisciculture et la navigation, autant d’usages concurrents et complémentaires qui imposent une gestion de bassin cohérente au service de l’aménagement du territoire. Ces usages, qui peuvent se révéler conflictuels, exigent une concertation territoriale efficace.
Figurant parmi les énergies les moins polluantes, aux côtés de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire, de la biomasse ou de la récupération de chaleur, l’énergie hydraulique n’en est pas moins soumise aux principes stricts qui animent la protection de l’environnement. L’énergie hydraulique doit se soumettre aux filtres d’analyse scientifiques et légaux sur l’impact à long terme de ses installations sur la faune et la flore, sur les activités agropastorales, sur le respect des écosystèmes humides, sur les paysages. Elle doit aussi à court terme concilier de multiples objectifs, notamment l’impact sur les paysages et l’attractivité touristique, qui sont venus progressivement s’ajouter au seul objectif premier d’optimisation de la production électrique.
L’hydroélectricité au cœur d’un système écodynamique
Source :
Union française de l’électricité, Syndicat des énergies renouvelables et France Hydro- Électricité, L’Hydroélectricité à la croisée des chemins : donnons un nouvel élan à la première des énergies renouvelables. Livre blanc de l’hydroélectricité, p. 6.
Loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d’énergie et à l’utilisation de la chaleur. Voir le site
Convention d’engagements pour le développement d’une hydroélectricité durable en cohérence avec la restauration des milieux aquatiques suite au Grenelle de l’Environnement, 23 juin 2010. Voir le site
En effet, même si l’hydraulique est la plus fiable et la mieux prédictible des énergies renouvelables, elle n’est pas sans coût environnemental et humain. Cette dimension était présente dès le début de l’exploitation des ressources mais s’est amplifiée au fil des années avec la prise de conscience environnementale. L’hostilité à la submersion du village de Tignes, en 1952, oubliée aujourd’hui, a témoigné à l’époque de réactions vives contre l’irruption brutale d’un progrès qui venait bouleverser les écosystèmes ancestraux, imposé au nom de l’intérêt général. Au Québec, dans les années 1970, des débats intenses ont aussi accompagné le développement des grands barrages de la baie James, au nom de la protection des intérêts séculaires des Premières Nations. En Chine même, dans les années 1990, des oppositions vives se sont révélées lors de la conception et de la construction du barrage des Trois-Gorges, sur le Yangzi Jiang, considéré comme le plus grand barrage du monde et ayant entraîné le déplacement de près de 2 millions de personnes.
En France, la loi du 15 juillet 1980, en rendant plus facile la construction de microcentrales pour développer des sources décentralisées de production d’électricité, a relevé le seuil du régime de concession de 500 à 4 500 kW sans modifier l’obligation d’établir une étude d’impact et en protégeant certains cours d’eau sensibles de toute installation hydroélectrique par un régime d’interdiction. Elle contraint également les promoteurs d’équipements, autorisés ou concédés, à définir des mesures d’aménagement et d’exploitation protégeant la nature, la faune et la flore. L’usage de l’eau ne doit pas compromettre le maintien des équilibres biologiques, la qualité des sites et des paysages, la reproduction et la libre circulation du poisson11. L’hydroélectricité s’insère depuis longtemps dans une stratégie de respect des espaces naturels, ce qui n’est pas sans conséquence sur le coût des installations. C’est en particulier le cas pour la protection des ressources piscicoles. La signature, en juin 2010, entre les producteurs d’hydroélectricité et les associations de protection de l’environnement, d’une convention d’engagement définit entre toutes les parties concernées un cadre favorisant le développement des ressources hydroélectriques dans un strict respect des milieux naturels12. Couvrant dix points clés, cette convention vise à accélérer la mise aux normes des ouvrages existants, notamment pour l’observation des débits réservés et l’installation de passes à poisson, renforce les études et les suivis sur les milieux aquatiques, contribue à l’intégration des investissements nécessaires dans la rénovation des ouvrages en permettant le maintien d’un tarif d’achat préférentiel et développe la concertation permanente entre acteurs. Un exemple remarquable de cet effort de mise en cohérence des besoins de la production énergétique et du respect environnemental est la rénovation du barrage de Poutès, sur l’Allier : construit en 1941, cet ouvrage était un obstacle important à la circulation du saumon, mais des travaux importants, fruits d’une concertation avec toutes les parties prenantes, ont permis de réduire considérablement le temps de dévalaison des jeunes saumons, facteur majeur de mortalité.
Ce mode de concertation est un atout de la gestion française de l’hydroélectricité qui s’inscrit dans le long terme. Néanmoins, depuis le lancement de cette dynamique en 2010, on constate un ralentissement continu de la fréquence et de la qualité des échanges conduisant à la mise en sommeil de cette structure de concertation. Or c’est un cadre parfaitement approprié à la réflexion et à l’action sur la transition énergétique. Plus que jamais, avec les tensions prévisibles sur les ressources en eau à cause du réchauffement climatique, il est indispensable de faire vivre les outils techniques et de gouvernance d’une gestion cohérente et systémique des ressources pour gérer les potentiels conflits d’usage et agir sur le long terme. On mesure en effet les limites d’une vision purement concurrentielle de la gestion pour ce bien commun qu’est l’eau et qui implique des opérateurs stables et efficients.
Les perspectives de développement
L’électricité hydraulique est le résultat de la force motrice de l’eau. Si l’histoire de l’hydroélectricité a été marquée par l’équipement méthodique des torrents et rivières qui furent à l’origine de l’essor de la houille blanche, les besoins en « électricité verte » ont relancé l’innovation et redonné vie à des idées anciennes sur d’autres formes d’exploitation de la ressource hydraulique. De plus, le contexte a évolué et les projets hydroélectriques sont concurrencés par les parcs éoliens et par le développement du solaire industriel et domiciliaire. Chacune de ces techniques a ses propres mérites. Les installations réparties ont l’avantage d’utiliser moins d’espace et moins de capitaux, mais leur production est intermittente et leur puissance plus faible. L’implantation d’un champ de 500 éoliennes de 2 MW, soit la moitié de la puissance hydroélectrique du barrage de Grand’Maison, a un impact non négligeable sur l’espace, ce qui peut conduire les riverains à s’y opposer. Les microcentrales peuvent utilement s’insérer dans cette évolution vers une décentralisation des ressources énergétiques.
Par ailleurs, les études à long terme sur l’incidence du changement climatique sur le régime hydrologique des cours d’eau français font apparaître une diminution significative globale des débits moyens à l’échelle du territoire, qui pourrait être de l’ordre de 10 à 40% selon les simulations. Pour une majorité de cours d’eau, les modèles projettent une accentuation des étiages encore plus marquée. Cette tendance, due à l’accroissement de l’évaporation de surface et au régime perturbé des précipitations saisonnières, pluie et neige, introduit dans la gestion de la ressource une contrainte supplémentaire de continuité de disponibilité.
Il y a donc en permanence un arbitrage à opérer entre solutions techniques et niveaux d’investissements, compte tenu du prix de vente du kilowattheure, d’une part, mais également de l’impact sociétal et de l’acceptabilité des publics, d’autre part.
Le développement futur de l’hydroélectricité emprunte deux voies complémentaires : l’optimisation des installations anciennes et l’implantation de nouvelles capacités de production innovantes.
L’optimisation du parc
Décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques, Journal officiel, n° 0111, 14 mai 2015. Voir le site
Arrêté du 6 août 2018 fixant des prescriptions techniques relatives à la sécurité des barrages, Journal officiel, n° 0198, 29 août 2018 .Voir le site
Décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques et au comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques et modifiant le code de l’environnement, Journal officiel, n° 0289, 13 décembre 2007 (Voir le site), et décret no 2015-526, art. cit.
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Rapport sur l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques, par M. Christian Kert, député, Assemblée nationale, rapport n° 1047/Sénat, rapport n° 454, 9 juillet 2008. Voir le site
Le parc ancien, installé pour partie avant la fin des années 1950, doit être renouvelé et bénéficier des dernières techniques pour être plus efficient. EDF conduit actuellement un projet emblématique de renouveau de l’industrie hydroélectrique, le projet Romanche-Gavet. La Romanche, au sud-est de Grenoble, au pied du massif de Belledonne, est un des sites pionniers de l’hydroélectricité en France qui a été industrialisé grâce aux premières installations de production d’électricité hydraulique. De cet essor industriel, initié par des entrepreneurs privés, subsistent de nombreuses installations en friche et six centrales encore opérationnelles opérées par EDF, avec 5 barrages et 7,5 kilomètres de conduites forcées. Cet ensemble hétérogène et peu avenant dans une vallée à fort potentiel touristique va être remplacé par une seule installation souterraine, une seule prise d’eau en amont alimentant une galerie d’amenée de 9,3 kilomètres de long. Cette architecture souterraine, totalement discrète, est de même nature que celle de la centrale Step de Montézic, dans l’Aveyron. Efficiente, invisible et autorisant la réhabilitation du cours de la rivière et de ses berges, cette nouvelle installation, qui sera opérationnelle en 2019, va de plus augmenter la capacité de production de 38% pour atteindre 560 millions de kilowattheures par an. EDF est concessionnaire de cette installation pour soixante ans.
À la lumière de cette opération, il est clair que la modernisation des installations, souvent très anciennes, représente un enjeu majeur d’accroissement de la capacité installée. On considère que ce type de modernisation apporte un gain de capacité de production de 5 à 10%.
De façon plus large, les ouvrages vieillissent et nécessitent un entretien de plus en plus coûteux dans le temps. La sûreté de fonctionnement des barrages est un élément majeur de la politique hydraulique et a fait l’objet d’une mise à jour majeure en 2007 qui tient compte de la diversité des ouvrages et de l’évolution du statut de leurs exploitants. Un décret du 12 mai 2015 relatif aux digues et barrages est venu préciser les règles relatives à la sûreté de ces ouvrages13. Une actualisation de ces prescriptions techniques a été effectuée par l’arrêté du 6 août 2018 relatif à la sécurité des barrages14. Le durcissement des règles répond aux trois exigences suivantes, auxquelles sont associées des prescriptions techniques précises :
– dans les conditions normales d’exploitation du barrage, les risques liés à son fonctionnement sont pleinement maîtrisés, en tenant compte des contraintes pouvant s’exercer naturellement sur l’ouvrage, venant notamment des actions de l’eau de la retenue ;
– en cas d’événement naturel exceptionnel tel que lié à la crue du cours d’eau alimentant la retenue, le barrage conserve la disponibilité de tous ses organes de sécurité. En cas de séisme, le barrage n’est pas à l’origine d’une libération incontrôlée et dangereuse de l’eau contenue dans la retenue ;
– en cas d’incident exceptionnel pouvant impacter son bon fonctionnement, le barrage n’est pas à l’origine d’une libération incontrôlée et dangereuse de l’eau contenue dans la retenue.
Un classement des barrages a été effectué par le décret du 11 décembre 2007, modifié le 12 mai 201515. Ils sont désormais répartis en trois classes, en fonction de deux paramètres géométriques, la hauteur H (exprimée en mètres) de l’ouvrage au-dessus du terrain naturel et le volume V (exprimé en millions de mètres cubes) d’eau dans le réservoir :
–classe A : H≥20 et H2 xV0,5 ≥1500
–classe B :ouvrage non classé en A et pour le quel H≥10 et H2 xV0,5 ≥200;
–classe C : a) ouvrage non classé en A ou B et pour le quel H≥5 et H2 xV0,5 ≥ 20 ; b) ouvrage pour lequel les conditions prévues au a) ne sont pas satisfaites mais qui répond aux conditions cumulatives ci-après : i) H > 2 ; ii) V > 0,05 ; c) il existe une ou plusieurs habitations à l’aval du barrage, jusqu’à une distance par rapport à celui-ci de 400 mètres.
Les autres ouvrages sont considérés comme non classés.
Les ouvrages de catégorie A doivent faire l’objet d’une étude de danger, d’un examen technique complet et d’une revue de sûreté tous les dix ans. Tous les ouvrages doivent faire l’objet de procédures d’auscultation périodique et de gestion des crues.
Publié en 2008, un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) consacré à l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques a fait un point exhaustif sur ce sujet majeur16. Au moment où la confiance des populations dans la fiabilité des ouvrages publics est ébranlée, il est indispensable que les installations hydrauliques soient constamment encadrées par une politique de maintenance rigoureuse et une transparence totale. La continuité de gestion est un facteur clé de cette stratégie.
Les voies d’innovation
Un fluide en mouvement recèle de l’énergie potentielle. Plusieurs champs de réflexion et d’expérimentation coexistent depuis des décennies pour transformer cette énergie en électricité. Tous se heurtent, dans les conditions actuelles des techniques, à des problèmes de faisabilité à l’échelle industrielle et de prix de revient. Néanmoins, la multiplicité des projets et des startups, les projets techniques dans les matériaux et les outils de conception numérique, ainsi que l’échange d’information encouragé au plan international professionnalisent ce vaste champ d’expérience d’où émergent des solutions de plus en plus crédibles.
L’énergie des océans
Les océans, qui occupent 71% de la surface de la Terre, sont une masse liquide en mouvement qui produit de l’énergie renouvelable potentielle que l’on cherche depuis longtemps à capter par plusieurs techniques, dont les moulins à marée furent les précurseurs. L’énergie des marées, des courants marins et des vagues, ainsi que l’exploitation de l’énergie thermique des océans font depuis des décennies l’objet d’études. Ces projets s’inscrivent dans une réflexion de long terme, dont l’usine marémotrice de la Rance a été l’un des jalons majeurs, mais se heurtent à des problèmes multiples de mise au point et de maintenance en milieu difficile qui ont obéré leurs coûts. Il est aujourd’hui difficile de produire dans des conditions rentables et c’est pourquoi les multiples projets de R&D et de prototypes nécessitent une aide significative des pouvoirs publics. Les réflexions sur le développement de la filière française de l’énergie marine se sont accélérées depuis le début du XXIe, notamment parce que celle-ci, faiblement génératrice de CO2, s’insère dans un mix énergétique bas carbone renouvelable. Néanmoins, en dépit de la multiplicité des initiatives, les concrétisations sont lentes pour des raisons de maîtrise technologique et de prix de revient. Équiper un milieu aussi sévère et complexe pose de multiples problèmes dans la conception et la maintenance de ces équipements et dans la protection de l’écosystème marin. La résolution de ces questions est coûteuse. C’est pourquoi, si le potentiel énergétique théorique paraît considérable, le potentiel techniquement exploitable aujourd’hui l’est beaucoup moins.
Dans son plan Ocean Energy Europe, l’Union européenne considère qu’il s’agit pour l’Europe d’une opportunité majeure qui permettrait de produire 100 GW en 2050 et de fournir 10% des besoins énergétiques des États membres. Une plateforme de recherche et développement stratégique, financée par la Commission européenne, a été lancée en 2013 : European Technology Platform for Ocean Energy (ETIP Ocean Energy)17. Son mandat a été renouvelé pour trois ans à partir de septembre 2018. D’autres initiatives se sont développées en Europe : en Écosse, en Irlande, aux Pays-Bas, en Italie ou encore en Finlande. L’usine marémotrice de la Rance est restée en France un brillant mais coûteux prototype qui n’a pas fait d’émules à l’étranger en dépit de nombreux projets, tel le gigantesque projet de la baie de Penjine, en Russie, étudié dans les années 1980. C’est en Corée du Sud, quarante-cinq ans après la Rance, qu’a été mise en service en 2011 l’usine marémotrice de Shiwa (254 MW), devançant l’usine de la Rance avec ses 240 MW.
Un site comme la baie de Fundy, dans l’est du Canada, connue pour le potentiel de ses spectaculaires marées (17 mètres de marnage), fait l’objet d’études depuis des décennies mais un développement opérationnel s’est récemment concrétisé. Le Fundy Ocean Research Center for Energy (Force)18 s’y est implanté. Une première hydrolienne, installée en 2009 par l’entreprise OpenHydro dans la baie, n’a pas résisté plus d’un mois à la puissance des courants. Une deuxième hydrolienne a été immergée en novembre 2016, puis une troisième en juillet 2018. Ces installations, de faible puissance, sont opérationnelles et connectées au réseau électrique. Le Canada, qui dispose de façades maritimes propices et d’une grande expérience dans l’exploitation des ressources hydrauliques, a défini en 2011 une « feuille de route technologique sur l’énergie marine renouvelable » pour devenir l’un des leaders mondiaux de ce secteur.
Les ambitions en la matière du groupe français Naval Group, ex-DCNS, sont toutefois confrontées au réalisme économique. Après avoir investi, depuis 2008, 250 millions d’euros dans les technologies hydroliennes et ouvert en juin 2018 une usine à Cherbourg, dimensionnée pour produire 25 turbines par an, le groupe a décidé, un mois plus tard, le 23 juillet 2018, de cesser son activité faute d’un volume suffisant de commandes et de perspectives à moyen terme.
De fait, le projet pilote, mené entre Naval Group et EDF, d’implantation de sept hydroliennes dans le raz Blanchard, au large du Cotentin, est interrompu. Naval Group n’abandonne pas pour autant ses ambitions dans l’énergie marine, puisque le groupe a annoncé se redéployer dans deux autres domaines, l’énergie thermique des océans (Ocean Thermal Energy Conversion, OTEC) et les éoliennes off-shore flottantes.
En revanche, l’entreprise britanno-singapourienne SIMEC Atlantis Energy (SAE) ambitionne, quant à elle, de devenir le premier fournisseur indépendant de générateurs d’énergie renouvelable dans toutes les formes d’énergie hydraulique. Elle s’est développée par la fusion, en 2015, d’équipes issues de Siemens, qui avait racheté en 2012 la société britannique Marine Current Turbines (MCT), fondée en 2000, et de Lockeed Martin. La société gère un portefeuille de 1 000 MW de projets à des stades divers de développement. Son histoire est marquée par l’énergie marémotrice à travers le projet écossais MeyGen, sur le site de Pentland Firth. Ce projet, initié en 2010, comporte l’installation de turbines de 1,5 MW et de 16 mètres de diamètre pour une puissance totale de 400 MW. Huit d’entre elles étaient installées en 2018. L’appréciation stratégique de l’enjeu des hydroliennes marines semble donc très différente entre les deux rives de la Manche. Et SIMEC Atlantis Energy a d’ailleurs proposé de remplacer Naval Group dans le projet du raz Blanchard…
Les hydroliennes d’eau douce
Des hydroliennes fluviales sont également testées, comme sur le Rhône, en amont du barrage de Génissiat, ou sur la Garonne. De nombreuses startups s’attaquent à ce domaine qui peut transformer la production d’énergie, notamment pour les pays émergents. Ainsi EEL Energy propose une hydrolienne à membrane, en test depuis 2015. Il est aussi possible de turbiner l’eau potable et les eaux usées, comme à Rodez, où l’usine municipale de production d’eau potable est équipée d’une turbine produisant 320.000 kWh/ an, ou également à Annonay.
L’évolution technique a permis de développer des petites turbines permettant d’exploiter des puissances beaucoup plus faibles. Une nouvelle gamme de solutions est en cours de développement, avec de nombreuses startups, qui se proposent même de fournir des équipements, des pico-turbines, permettant de fournir une puissance de quelques watts à quelques centaines de watts. Le marché des installations sous le régime de l’autorisation (< 4,5 MW) pourrait bénéficier de ces évolutions techniques qui rendent les équipements accessibles pour de petites collectivités.
Par ailleurs, ces installations bénéficient des progrès en matière de matériaux, de monitoring et de maintenance qu’apportent les innovations techniques et l’Internet des objets. Ces innovations pourraient permettre d’étendre le champ de l’usage de l’énergie hydraulique en facilitant l’insertion de nouvelles solutions, notamment de faible puissance et peu capitalistiques.
Les perspectives du stockage
L’un des avantages déterminants de l’hydroélectricité par rapport aux énergies alternatives concurrentes que sont l’énergie éolienne et l’énergie solaire est sa capacité de stockage d’énergie immédiatement transformable en électricité sans perte de rendement. Les barrages sont ainsi de précieuses réserves d’énergie saisonnière, alors que les éclusées permettent une gestion quotidienne. Cette flexibilité dynamique est particulièrement exploitée dans les Step, qui représentent 96% des moyens de stockage disponibles dans le monde. Au niveau mondial, les Step en opération représentent 140 GW. L’Europe dispose de 43 GW, sur 1.000 GW de capacité de production. Mais c’est en Chine que cette technique a connu les investissements récents les plus spectaculaires : 20 GW de Step sont opérationnels et 30 GW supplémentaires sont programmés pour être mis en service d’ici à 2020.
EDF est un acteur historique de cette technologie éprouvée avec un parc de 5 GW de Step en France et un catalogue d’ingénierie sur 30 GW de Step dans le monde. Dans la réflexion générale sur les énergies renouvelables que va documenter la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) avant la fin de l’année 2018, il est important de réaffirmer que les Step sont, à court terme, la solution de stockage la plus efficiente. Disposant de la technologie et de l’expérience, il est indispensable pour la France de développer les Step pour faire face aux besoins croissants et affirmer une expertise constante sur les marchés internationaux. Cela passe par une augmentation significative de la capacité avec un engagement d’ici à 2023 à se doter d’au moins 1 GW de capacités supplémentaires de Step hebdomadaires, puis de réévaluer les performances obtenues pour relancer une seconde tranche de 1 GW d’ici à 2028. Cet investissement dédié doit se distinguer des solutions d’accroissement de la production en bénéficiant d’une fiscalité incitative, particulièrement une exonération de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer). Les Step jouent en effet pour le réseau un rôle d’assurance, qui doit être reconnu spécifiquement. De même, l’effort engagé en faveur des Step par la loi pour la transition énergétique et la croissance verte du 18 août 2015 doit être poursuivi. Il s’agit de continuer à baisser le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (Turpe), comme pour quelques autres industries électro-intensives.
L’économie de l’hydroélectricité
La concurrence entre sources d’énergie se joue naturellement sur la disponibilité de la ressource primaire et sur les coûts d’investissement et d’opération. Depuis deux décennies, les politiques de mix énergétique ont également intégré la réduction des émissions de CO2. L’inexorable développement des énergies non fossiles bouleverse un paysage énergétique qui avait jusqu’alors connu des transformations lentes, en introduisant de nouveaux paramètres de gestion. De plus, la sensibilité des populations aux dimensions environnementales, dans leur complexité systémique, introduit de nouvelles contraintes de coût et de temps qui impactent désormais aussi les projets d’énergie renouvelable.
C’est dans ce contexte que les opérateurs d’énergie hydraulique doivent optimiser leur performance économique en fonction des tarifs du marché.
Taux de couverture mensuel de la consommation électrique française par la production hydraulique (en %)
Source :
RTE.
« Onshore Wind Power Now as Affordable as Any Other Source, Solar to Halve by 2020 », irena.org, 13 janvier 2018 .
Le développement de l’hydroélectricité, fortement capitalistique dans ses installations majeures, se heurte à un problème de rentabilité. Toutefois, ses coûts sont inférieurs aux autres énergies renouvelables comme l’atteste un rapport de l’International Renewable Energy Agency (Irena) qui souligne qu’à horizon 2020 il sera possible de déployer des solutions d’énergie renouvelable à des prix concurrentiels par rapport à ceux des énergies fossiles19. La concurrence risque donc de se renforcer entre énergies renouvelables pour accélérer la substitution aux énergies fossiles.
Coûts moyens de production d’énergie renouvelable dans la gamme des combustibles fossiles en 2017
Source :
www.irena.org.
En raison de l’espace qu’elle nécessite, la production hydroélectrique subit une fiscalité locale forte qui, en France, représente entre le quart et le tiers de ses coûts de vente, soit 10 euros/MWh. La profession demande une exonération de la taxe foncière pour les équipements destinés au maintien de la biodiversité et souhaite que les nouveaux projets puissent être exonérés de cette taxe pendant dix ans.
Il serait également légitime que, dans les appels d’offres publics, la filière hydroélectrique puisse être identifiée, ce qui n’est pas le cas pour les appels d’offres qui doivent être « neutres » technologiquement. Cette pratique, qui privilégie la concurrence pure et dure entre filières, met au second plan la politique énergétique. Issue du Mexique, adoptée par l’Espagne et soutenue par Bruxelles en 2016, mais refusée par la France et l’Allemagne, elle privilégie la compétitivité-prix instantanée sans l’inscrire dans le long terme et sans tenir compte de la complémentarité saisonnière ou géographique des filières. Or la diversité et l’antériorité du parc hydroélectrique justifient des mesures assurant sa pérennité technique et financière par un financement de long terme adéquat. Dans l’immédiat, la proposition de la Commission européenne allant dans ce sens n’a pas été validée et les appels d’offres demeurent structurés par filière. La fonction stockage qui est un atout majeur de la filière hydroélectrique doit aussi être rémunérée par des mécanismes de prix spécifiques.
Si les coûts opérationnels sont en général limités pour des installations récentes, l’amortissement du capital et la mise à niveau technique impliquent des prix de cession rémunérateurs sur un horizon de temps stable.
Le cadre juridique national
Marie-Noëlle Battistel et Éric Straumann, dir., Rapport d’information sur l’hydroélectricité, Assemblée nationale, rapport n° 1404, 7 octobre 2013. Voir le site
Les cours d’eau appartenant au domaine public, la gestion de l’eau est soumise à un régime de droit public. L’hydroélectricité est réglementée par l’État depuis la loi de 1919 qui fait une distinction entre le régime de l’autorisation pour les centrales d’une puissance inférieure à 4,5 MW et le régime de concessions pour les centrales au-dessus de 4,5 MW. Ces dernières appartiennent à l’État et sont exploitées par un concessionnaire pour son compte. Aujourd’hui deux acteurs se partagent la production effectuée par les grandes centrales : EDF, avec 75% du parc, 436 centrales et 622 barrages, et Engie, qui produit 25% de l’hydroélectricité française avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydro-électrique du Midi (Shem). Quelque 90% de la puissance hydroélectrique installée est soumise au régime des concessions, accordées pour la plupart pour 75 ans.
Le débat sur le renouvellement des concessions dure depuis de longues années. Initiée lors du Grenelle de l’environnement en 2008, une première série de discussions s’est soldée en 2012 par le désir de la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie Delphine Batho d’éviter la libéralisation des concessions, encouragée, en revanche, par la Commission européenne. Le débat est technique. En 2013, un rapport des députés Marie-Noëlle Battistel et Éric Straumann a montré que les barrages n’étaient pas des biens comme les autres. Les auteurs insistaient notamment sur le fait que le découpage par lots des concessions risquait de nuire à la cohérence de la gestion par bassin de cette ressource multi-usages qu’est l’eau20.
Les exemples de la gestion du Rhône, confiée à la Compagnie nationale du Rhône depuis 1933, et qui fut pilotée par EDF dans le cadre d’une convention entre 1948 et 2001, et de celle du bassin Durance-Verdon, avec ses 30 centrales et 17 barrages gérés par EDF, ont montré la nécessité d’une politique cohérente de bassin et ses bénéfices pour toutes les parties prenantes. L’exploitant unique intègre l’ensemble de ces paramètres dans la gestion de son potentiel de production afin d’assurer une optimisation des usages.
Échéances de concessions hydroélectriques (en nombre et en puissance)
Source :
Direction générale de l’énergie et du climat.
Le dossier est actuellement relancé par le gouvernement pour répondre aux demandes de la Commission européenne qui, en octobre 2015, a mis la France en demeure d’ouvrir ce domaine à la concurrence. Si les concessions, remontant parfois à l’après-guerre, doivent être renouvelées par la mise en concurrence, comme le prévoit la loi de transition énergétique d’août 2015, un accord est difficile à trouver avec la Commission européenne dans un dossier où les oppositions politiques et syndicales sont fortes. Les discussions en cours autour d’une proposition du gouvernement inquiètent les concessionnaires actuels qui estiment inéluctable la dégradation de leurs positions en France sans compensation possible immédiate dans d’autres pays européens. En effet, chaque marché national dispose de son cadre spécifique qui ne donne pas en Europe des opportunités d’intervention pour les opérateurs français. De plus le bénéfice pour les consommateurs, qui est le seul ressort légitime de la concurrence, n’est pas démontré.
Après dix ans d’attente, le renouvellement des concessions concerne d’ores et déjà 20% de la puissance installée. L’échéancier de renouvellement des concessions s’étale sur cinquante ans. C’est dire que la résolution de ce sujet complexe risque de créer quelques remous et de connaître encore de nombreux avatars.
Une perspective mondiale dans le cadre de la géopolitique de l’eau
Part dans la production mondiale d’électricité en 2010
Source :
Observ.ER, 2011.
Commission mondiale des barrages, Barrages et développement : un nouveau cadre pour la prise de décisions, Earthscan, 2000.
Voir le site
Voir Bruce Byiers, « Is the Nile Basin Initiative a ‘regional sailboat’ in choppy geopolitical waters? », ecdpm. org, 3 mars 2017 .
Pour faire face aux besoins d’énergie d’une planète peuplée de 8 milliards d’habitants, toutes les ressources devront être mobilisées, et l’hydroélectricité représente un potentiel majeur, notamment dans les pays émergents. D’après la Banque mondiale, 1,6 milliard de personnes vivent dans des zones où l’eau est rare, ce chiffre pouvant doubler d’ici à 2040.
La recherche de sites nouveaux, la meilleure exploitation des sites anciens et le développement d’innovations font de l’énergie hydroélectrique un domaine foisonnant de développement technique, industriel et économique.
Dans les pays du Sud, une vague de grands projets a vu le jour après la décolonisation pour donner aux jeunes nouveaux États les moyens de leur développement. Les politiques de Nehru, en Inde, ou de Nasser, en Égypte, ont fait des grands barrages un symbole de souveraineté. Dans les années 1950-1960, la construction du barrage d’Assouan, sur le Nil, fut ainsi l’un des enjeux majeurs des relations Est-Ouest, l’Union soviétique prenant le relais de l’assistance technique des États-Unis et de la Grande-Bretagne, initialement acceptée puis retirée à la suite de la nationalisation du canal de Suez. Après l’euphorie initiale, on a constaté à partir des années 1970 que ces ouvrages comportaient des effets négatifs sur l’environnement et les populations. Ces conséquences non maîtrisées ont conduit la Banque mondiale à inciter à l’élaboration d’un nouveau cadre de réalisation de ces équipements, qui s’est concrétisé par la publication, en 2000, d’un rapport élaboré par la Commission mondiale des barrages21. Les principes mis en valeur par ce rapport ont un caractère universel qu’il convient de mettre en œuvre dans tout projet majeur :
– obtenir l’adhésion du public ;
– procéder à une évaluation exhaustive des options ;
– optimiser les avantages offerts par les barrages existants ;
– préserver les cours d’eau et les moyens de subsistance ;
– reconnaître les droits des parties concernées et partager les avantages ;
– exploiter en commun les cours d’eau pour la paix, le développement et la sécurité.
Le réchauffement climatique, le besoin croissant en énergie, la pression démographique et la recherche de solutions décarbonées poussent au développement de l’hydroélectricité dans les pays qui ne sont pas équipés. Mais la gestion partagée de ces ressources rares est aussi un enjeu de géopolitique qui jouera un rôle majeur dans les années à venir. Le respect des droits des populations, la diversité des espèces, la lutte contre le gaspillage de l’eau, la mise en place de meilleures méthodes culturales et l’impact à long terme sur le climat sont des sujets majeurs dont se sont emparées les organisations internationales publiques et privées, dont l’International Hydropower Association (IHA).
Les risques de conflit pour le partage des ressources sont réels dans les zones où fleuves et rivières franchissent les frontières. Or 40% de la population mondiale est établie dans les 250 bassins fluviaux transfrontaliers de la planète. Le Nil, vital pour l’Égypte, est partagé avec l’Éthiopie et le Soudan en amont. Un traité signé en 1959 entre l’Égypte et le Soudan a défini les règles de partage des eaux : 55,6% pour l’Égypte et 18,5% pour le Soudan. Cet accord, qui reflétait le rapport de force postcolonial de l’époque, est aujourd’hui remis en cause par l’Éthiopie et par les pays riverains du lac Victoria, l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya. Un accord tripartite signé entre l’Éthiopie, le Soudan et l’Égypte en 2015 reflète un nouveau rapport de force dans la région, sans convaincre l’Égypte, très dépendante d’un approvisionnement sûr de son fleuve emblématique. L’Égypte n’a eu de cesse de manifester sa nervosité face à la montée en puissance du barrage Grande Renaissance édifié sur le Nil bleu depuis 2011 par l’Éthiopie, avec une puissance visée de 6.000 MW. Il semble toutefois qu’un nouveau cadre de concertation a pu être mis en place entre les trois pays en mai 2018, promettant un travail scientifique commun sur les scénarios de remplissage du barrage. En dépit de ces tensions récurrentes, une coopération existe néanmoins à travers l’organisation Nile Basin Initiative, qui regroupe dix pays22.
Nous pourrions également citer d’autres exemples concernant d’autres régions du monde : le Tigre et l’Euphrate, qui irriguent la Syrie et l’Irak, prennent leur source en Turquie ; en Asie, l’Indus, le Gange, le Brahmapoutre et le Mékong prennent leur source dans la région du Tibet, contrôlée par la Chine.
Conclusion
L’hydroélectricité a accompagné l’histoire économique de la France depuis la fin du XIXe siècle et a contribué directement à son essor industriel. Énergie moderne, elle a représenté le progrès et permis l’audace de l’inventivité. La France doit aujourd’hui revisiter son potentiel hydroélectrique pour moderniser ses installations parfois vieillissantes, améliorer leur efficience et leur intégration.
Elle doit aussi explorer toutes les opportunités pour utiliser son potentiel hydroélectrique encore inexploité en innovant et en dialoguant avec toutes les parties prenantes pour en faire un projet collectif. Elle doit aussi investir dans son industrie pour continuer à jouer un rôle majeur dans l’équipement hydroélectrique des pays qui veulent accéder au potentiel de la ressource électrique.
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