Législatives 2024 : le grand désarroi des Français
Éléments d'analyse pour l'entre-deux-toursAvant-propos
La méthodologie de l’enquête
Les Français veulent échapper à l’inquiétude provoquée par la dissolution
Alliance électorale, le NPF ne parvient pas à ressembler à une majorité gouvernementale
Sur quelques déterminants du second tour
Avant-propos
La dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin 2024, au lendemain des élections européennes, a provoqué une situation singulièrement critique au sein du paysage politique français. La Fondapol a voulu contribuer à une analyse de cette crise inédite dans laquelle se trouve le pays en concevant une enquête d’opinion, administrée par OpinionWay, auprès de plus de 3000 personnes. Si cette enquête contient une intention de vote, son intérêt principal réside dans le questionnaire invitant les électeurs à dire dans quel état d’esprit et depuis quelles contraintes ils abordent ce scrutin. Réalisée sur les candidatures réelles, cette enquête a pris fin le lundi 24 juin. Nous tenions à partager, peu avant le premier tour des élections législatives, le dimanche 30 juin, et avant vendredi 28 juin minuit, conformément à la législation, les premiers résultats recueillis ainsi que nos premières analyses, ce qui nous a contraints à les publier sous la forme d’un document de travail. Le lecteur trouvera donc ici nos premières hypothèses sur la situation politique du pays après la dissolution et à la veille d’une échéance décisive. La Fondapol, fondation reconnue d’utilité publique, tient à partager ce document avec le public.
Élections législatives 2022
Résultats du premier tour
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Source :
Ministère de L’Intérieur /Laurent de Boissieu pour France-politique.fr
Composition de l’Assemblée nationale au moment de la dissolution le 9 juin 2024
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Élections législatives 2024 : moyenne des 20 intentions de vote publiées pour le premier tour (sur offre réelle)*
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
La méthodologie de l’enquête
Sondages Ipsos, Ifop, Odoxa, OpinionWay, Harris Interactive, Cluster17 et Elabe, depuis le 17 juin 2024.
Échantillon de 3040 personnes inscrites sur listes électorales, issu d’un échantillon de 3326 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
L’échantillon est constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence.
L’échantillon a été interrogé par questionnaire auto-administré en ligne sur système CAWI (Computer Assisted Web Interview).
Les interviews ont été réalisées du 21 au 24 juin 2024.
Pour les remercier de leur participation, les panélistes ont touché des incentives ou ont fait un don à l’association proposée de leur choix.
OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant les procédures et règles de la norme ISO 20252.
Les résultats de ce sondage doivent être lus en tenant compte des marges d’incertitude :
0,8 à 1,8 points au plus pour un échantillon de 3000 répondants.
Sondage conçu par la Fondation pour l’innovation politique et administré par OpinionWay.
Les Français veulent échapper à l’inquiétude provoquée par la dissolution
Avez-vous compris les raisons pour lesquelles Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale ?
Réponses : « Oui, tout à fait » et « Oui, plutôt » ; « Non, plutôt pas » et « Non, pas du tout »
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Incomprise, bousculant, voire bouleversant le cours ordinaire des existences, la dissolution du 9 juin semble préparer un procès de la classe politique si le résultat des élections ne permettait pas de restaurer l’ordre institutionnel et gouvernemental. Les Français veulent reprendre le cours d’une existence que la dissolution a bouleversée sans raison. Ainsi si la plupart (63%) disent anticiper la formation d’une majorité au terme de ces élections législatives, c’est parce qu’ils réclament le retour de l’ordre institutionnel et gouvernemental qui permet à chacun de suivre le cours normal de son existence. La politique est chargée de garantir cet ordre minimal mais les décisions qu’elle engendre sont régulièrement accusées par les citoyens de le perturber gravement.
Quelle opinion avez-vous de chacune des personnalités suivantes ?
Réponses : « Une très bonne opinion » et « Une assez bonne opinion » ;
« Une assez mauvaise opinion » et « Une très mauvaise opinion »
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
La dissolution est devenue l’illustration parfaite d’un conflit croissant entre les Français et leur classe politique. Ainsi, Emmanuel Macron, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon et, avec une intensité moindre, Marine Le Pen, subissent une dépréciation dans l’opinion. Pour autant, si Jordan Bardella et Gabriel Attal sont relativement épargnés, le niveau des appréciations positives (« bonnes opinions »), ne dépasse pas le niveau des appréciations négatives (« mauvaises opinions »). La dissolution suscite chez beaucoup de Français une sorte de découragement, souvent d’exaspération, radicalisant le rejet de la classe politique dans son ensemble, voire de la politique.
Parmi ces possibilités, quel sera, selon vous, le résultat le plus probable de ces élections législatives ?
Base : Ensemble de l’échantillon
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Or, cette demande, non négociable, d’un retour à l’ordre ordinaire des choses favorise le RN. De fait, dans cette étude, il est le plus souvent associé à l’idée d’une majorité stabilisatrice, par opposition avec le projet d’une majorité révolutionnaire, donc perturbatrice, que propose, souvent de façon tapageuse, la gauche du Nouveau Front populaire (NFP) ; l’opposition est également visible avec l’option d’une majorité présidentielle, que les électeurs se représentent difficilement car jusque-là, elle n’existait que sous la forme laborieuse d’une majorité relative. Et c’est ce fragile équilibre qui a été rompu par le Président lui-même. Il demeure un tiers des répondants pour imaginer une Assemblée nationale sans majorité à l’issue de la dissolution.
Si dans l’Assemblée nationale qui sera élue le 30 juin et le 7 juillet prochains, aucun camp n’a de majorité absolue, estimez-vous que ce serait …
Réponses : «Plutôt une mauvaise chose» et «Une très mauvaise chose» ;
«Plutôt une bonne chose» et «Une très bonne chose»
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Si l’Assemblée nationale devait, à l’issue de la dissolution, rester sans majorité, nul doute que le jugement des Français se ferait de plus en plus sévère (« une mauvaise chose »), ceux qui déclarent l’intention de voter RN se montrant les plus critiques. On voit aussi que la moitié des personnes interrogées qui déclarent ce que nous appellerons une intention d’abstention (abstention, Blanc/Nul) appréhendent cette absence de majorité (« une mauvaise chose »). Ces électeurs potentiellement abstentionnistes, qui sont pour certains indéterminés quand d’autres sont disposés à l’abstention, pourraient décider de se mobiliser au dernier moment, le jour du vote, comme entre les deux tours, précisément pour précipiter la formation d’une majorité à laquelle tiennent la moitié des « abstentionnistes » déclarés.
Ainsi, le degré de mobilisation des électeurs dépend du degré d’inquiétude que suscite l’absence de majorité. Les électeurs du bloc central, sans doute aussi déçus par leur camp, se montrent moins capables de donner le jour à une majorité parce qu’ils se trouvent inévitablement impliqués dans la décision de dissoudre. En revanche, une partie des électeurs du bloc RN et alliés sont encouragés par la dissolution du 9 juin qui leur offre la possibilité d’une victoire historique, tandis qu’une autre partie des électeurs rejoignent le RN moins, ou pas seulement, pour des motifs idéologiques et un projet politique, que pour échapper à une situation à leurs yeux angoissante parce qu’ils l’apparentent à un désordre croissant.
Intentions de vote OpinionWay pour Fondapol (21-24 juin)
Si le premier tour des élections législatives avait lieu dimanche prochain, pour lequel des candidats suivants voteriez-vous dans votre circonscription ?
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Si le niveau des intentions de vote en faveur du RN devait se confirmer le 30 juin, alors cela signifierait que le nombre des électeurs a été multiplié par deux en suffrages exprimés, mais davantage encore en nombre de suffrages si le niveau de la participation estimé en juin 2024 (63,5%) dépassait de beaucoup le niveau du premier tour du 12 juin 2022 (48,7%). Cet apport massif d’électeurs implique nécessairement une transformation du profil de l’électorat RN.
2022-2024, l’évolution du vote RN
Lors des élections législatives de juin 2022, la Fondapol a réalisé une importante étude sur les électorats macronistes, de la droite LR-UDI et du centre. Nous avons montré à cette occasion que les électeurs de la droite modérée et les deux tiers des électeurs de Renaissance formaient en réalité une seule et même famille de sensibilité. Notre enquête portait également sur un échantillon important (3000 personnes), permettant de renseigner les différents électorats, y compris bien sûr celui du RN, qui avait alors réalisé un exploit sans précédent dans son histoire en réunissant près de 19% des suffrages exprimés. Nous pouvons ainsi procéder à la comparaison du profil électoral du RN en 2022 et en 2024, alors que les sondages d’intentions de vote lui promettent de doubler son score d’il y a deux ans .
Élections législatives 2022 – Élections législatives 2024 : Évolution du vote RN
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Source :
*Données tirées des résultats de la troisième vague de l’enquête Mutations politiques et majorité de gouvernement dans une France à droite, Dominique Reynié (dir.), Fondation pour l’innovation politique, septembre 2022
Le sentiment d’inquiétude domine
Stupéfiés et désorientés par la dissolution, précipités dans une campagne électorale qui n’était pas au programme, puisque les Français attendaient les vacances et les Jeux olympiques, les électeurs vont se rendre aux urnes dans un état d’esprit dominé par des sentiments négatifs (59%). Si ce pessimisme est plus marqué au sein des électorats dont le camp risque la défaite, celui de la majorité présidentielle et celui des LR et alliés, il est majoritaire dans chacun des électorats potentiels. C’est bien par le mot « inquiétude » que les personnes interrogées identifient le plus souvent leur état d’esprit présent.
Quel est votre état d’esprit actuel ?
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
On retiendra enfin que les électeurs qui se disent disposés à ne pas aller voter ou à voter Blanc/Nul reconnaissent davantage leur état d’esprit actuel dans l’inquiétude que dans l’indifférence, ce qui fait écho à la possibilité d’une participation électorale des citoyens que le cours des événements cesserait de rendre indifférents.
Et quel serait votre état d’esprit en cas de victoire du …. ?
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Alliance électorale, le NPF ne parvient pas à ressembler à une majorité gouvernementale
Le Nouveau Front populaire est une agrégation de divergences
Les divergences entre les différentes organisations partisanes qui composent le NFP sont nombreuses et fortes, mais elles se retrouvent aussi au sein même des électorats. On le voit aisément à propos des hypothèses de choix d’une personnalité pour la fonction de Premier ministre à l’issue de ces élections législatives. Nous avons testé deux scénarios, à partir de deux séries de trois noms, un pour chacun des trois blocs, en conservant à chaque fois les noms de Gabriel Attal et de Jordan Bardella, mais en faisant varier, pour représenter la gauche, le nom de Jean-Luc Mélenchon et celui de François Ruffin.
Parmi les personnalités suivantes, quelle est celle que vous souhaiteriez vous voir accéder au poste de Premier ministre à l’issue de ces élections législatives ?
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Parmi les personnalités suivantes, quelle est celle que vous souhaiteriez voir accéder au poste de Premier ministre à l’issue de ces élections législatives ?
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Quelle est votre opinion sur chacune des personnalités suivantes ?
Base : Ensemble de l’échantillon
La comparaison entre les différents électorats appelés à former le NFP montre que de profondes différences séparent les organisations associées, y compris dans la question du choix du Premier ministre.
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Ainsi, Gabriel Attal se distingue par le fait qu’il obtient le soutien majoritaire des socialistes et une approbation qui demeure importante de la part des écologistes. En revanche, chez les mélenchonistes, ils ne sont pas loin de préférer Jordan Bardella à Gabriel Attal. Notons d’ailleurs qu’au sein du NFP les électeurs de LFI sont, et de loin, les plus favorables au jeune président du RN (22%) et plus encore lorsque la comparaison se fait non plus avec Jean-Luc Mélenchon mais avec François Ruffin, Jordan Bardella étant alors choisi par 27% des électeurs de LFI.
Chacun aura remarqué que la popularité, d’ailleurs relative, de Jean-Luc Mélenchon est comparable à celle de François Ruffin, conduisant à penser qu’en l’état si LFI possède un leader de rechange, sa position dans l’opinion est médiocre, y compris au sein de son propre électorat.
Notre observation au travers des préoccupations des trois électorats confirme que le NFP s’est formé sans unité ni cohérence idéologique. Le pouvoir d’achat préoccupe moins les électeurs de LFI que les socialistes ou même les écologistes, et surtout bien moins que l’opinion moyenne de l’électorat national. Il en va de même sur l’immigration, sur l’influence de l’islam, et dans ce cas à rebours du discours de Jean-Luc Mélenchon, sur la dette et le déficit ou encore sur le réchauffement climatique.
La confiance suscitée par le Nouveau Front Populaire sur les grands enjeux au sein des principaux électorats de gauche
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Grille de lecture : 76% des électeurs qui ont voté pour la liste LFI conduite par Manon Aubry lors des élections européennes 2024 font confiance au Nouveau Front Populaire pour le montant de leurs impôts.
Ce que montre l’approche par les thèmes jugés prioritaires
Pour l’ensemble des électeurs, les trois enjeux prioritaires pour la France sont le pouvoir d’achat, l’immigration et la délinquance. Seul le pouvoir d’achat se situe à un niveau comparable chez les électeurs du NFP et dans l’ensemble de l’électorat. En revanche, et nul ne sera surpris, si l’on prend en compte le deuxième thème (l’immigration) et le troisième thème (la délinquance), l’ensemble des électeurs se séparent des électeurs potentiels du NFP pour ressembler davantage aux électeurs potentiels du RN.
Quelles sont, selon vous, les priorités pour la France parmi les sujets suivants ?
Réponses : Total en premier, en deuxième, en troisième et en quatrième
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Quelles sont, selon vous, les priorités pour la France parmi les sujets suivants ?
Réponses : Total en premier, en deuxième, en troisième, en quatrième
Base : Ensemble de l’échantillon
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Seule la volonté d’éviter la victoire du RN semble pouvoir faire tenir ensemble les électorats qui composent le NFP. On le voit lorsqu’il s’agit de dire quelle est la perspective de victoire que l’on voudrait éviter prioritairement, entre la victoire du RN et la victoire de la majorité présidentielle. Mais c’est à ce sujet que l’on a vu plus haut que la perspective d’une victoire du NFP préoccupait davantage les électeurs en général que la perspective d’une victoire du RN.
Pour vous dans ces élections législatives, quelle est la priorité ?
Réponse : En premier
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Sur quelques déterminants du second tour
Les candidats du Nouveau Front populaire (NFP) confrontés au problème de l’étiquette LFI
Un tiers des électeurs qui déclarent leur intention de voter pour un candidat du Nouveau Front populaire disent ne pas savoir si l’appartenance politique du candidat est LFI, PS, EELV ou PC. Notre enquête a été administrée entre le 21 et le 24 juin, et il est certain que le développement de la campagne a permis à un nombre de plus en plus important d’électeurs d’accéder à cette information. LFI suscite un puissant rejet chez les électeurs en général, y compris chez les électeurs de gauche. On note même au sein de l’électorat LFI une fracture provoquée par le cas Mélenchon, comme le montrent les appréciations concernant le choix d’un Premier ministre. Il est donc très probable que le fait de découvrir qu’un candidat du NFP est étiqueté LFI pèse sur la décision électorale.
Savez-vous quelle est l’appartenance politique du candidat du ‘Nouveau Front Populaire’ (qui est le nom de l’alliance des partis de gauche associant France insoumise, Europe-Ecologie Les Verts, Parti socialiste et le Parti communiste) qui est candidat dans votre circonscription aux élections législatives du 30 juin prochain ?
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
De la même façon et pour les mêmes raisons, lorsque les électeurs, toutes tendances confondues, découvrent que, dans leur circonscription, le candidat de la gauche NFP est soutenu par LFI, leur décision première de ne pas aller voter ou de voter, et dans ce cas pour tel ou tel candidat, s’en trouve certainement affectée, par exemple en décidant de participer, quand le premier élan était l’abstention, ou en choisissant de voter pour un candidat de la majorité présidentielle quand le choix initial était de voter à gauche, ou encore de choisir au second tour un candidat jugé capable de battre le candidat LFI.
Les Français ne parviennent pas à envisager une issue heureuse à la dissolution
En proposant aux personnes interrogées d’envisager trois options de victoire et d’imaginer quel serait leur état d’esprit pour chacune de ces options, on voit que c’est l’hypothèse d’une victoire du NFP qui suscite le plus haut niveau de sentiment négatif (59%), devant une victoire RN (50%). Il est frappant de constater que si l’hypothèse d’une victoire de la majorité présidentielle est celle qui inquiète le moins, elle suscite néanmoins un niveau d’inquiétude extraordinairement élevé (46%).
Pour vous dans ces élections législatives, quelle est la priorité ?
Réponses : Total en premier et en deuxième
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Pour la première fois dans l’histoire de la mesure des opinions politiques, une victoire du FN/RN devient la perspective que les électeurs redoutent le moins, en tout cas par rapport aux options qui se présentent en juin 2024. C’est un changement spectaculaire et décisif à la fois. Il s’explique certainement par l’évolution du FN/RN, sa lente mais puissante ascension électorale depuis les années 1980 jusqu’au second tour de l’élection présidentielle de 2022 (41,45%), puis son succès lors des élections législatives de 2022 et lors des élections européennes du 9 juin 2024 (31,4%), celles qui ont provoqué la dissolution ; mais ce changement s’explique aussi par la volonté de rendre au pays une majorité parlementaire stable tandis que la majorité relative sortante ne semble plus capable d’être reconduite et que le bloc des gauches est fortement rejeté.
Si on se limite à la réponse donnée « en premier », on voit que la volonté d’éviter la victoire du RN demeure la plus répandue (37%), mais la volonté d’éviter les deux autres options proposées est à peine moins grande. La peur du RN n’existe plus parce que les forces alternatives ne parviennent plus à convaincre, voire sont discréditées. L’issue du second tour ne reposera pas sur ce rejet.
Parmi les partis politiques suivants, lequel est selon vous le plus dangereux pour la démocratie ?
Réponse : En premier
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Confrontées à ces trois hypothèses de second tour, les personnes interrogées expriment d’abord un niveau de « sans réponse » tellement élevé que l’on pourrait penser qu’il n’y a guère d’enseignement à tirer d’une telle question. Il est logiquement très difficile, presque impossible, de se projeter dans un choix de second tour avant d’avoir passé le premier tour, c’est-à-dire avant d’avoir voté, de constater les résultats du scrutin et de commencer, à ce moment-là seulement, à réfléchir sur le choix ultime. Par ailleurs, la dissolution a fait surgir soudainement une situation électorale inédite, obéissant à une tripartition caricaturale : un bloc central, modéré, celui de la majorité sortante, majorité présidentielle, en fait une majorité relative, fortement dépréciée par la dissolution ; un bloc de gauche, associant la France Insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Europe-Écologie-les-Verts (EELV), le Parti communiste (PC), sans oublier le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), dans une alliance électorale, appelée le « Nouveau Front populaire » (NFP) procédant principalement du rapport de forces au sein des gauches relevé lors de l’élection présidentielle et des élections législatives de mai-juin 2022, centré sur la figure de Jean-Luc Mélenchon.
Si le deuxième tour des élections législatives avait lieu dimanche prochain, pour lequel des candidats suivants voteriez-vous dans votre circonscription ?
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Chacun de ces trois blocs suscite des formes de rejet : le bloc central en raison de son rôle de majorité présidentielle, Emmanuel Macron étant de plus affecté par la dissolution du 9 juin, les deux autres blocs en raison de leur positionnement politique jugé radical ou extrémiste.
On notera que le premier scénario (scénario n°1, imaginant un second tour entre un candidat du RN et un candidat du NFP) et le troisième scénario (scénario n°3, l’hypothèse d’un second tour entre un candidat du RN et un candidat de la majorité présidentielle) sont les deux qui produisent le niveau de « sans réponse » relativement le plus bas (27% dans le scénario n°1 et 37% dans le scénario n°3), se soldant par un écart très important, 10 points, en faveur du RN. Seule l’hypothèse d’un duel final entre un candidat de la majorité présidentielle et un candidat du NFP (scénario n°2), permet à la majorité présidentielle de l’emporter, mais avec un écart plus réduit (4 points). Enfin, on voit que dans ces trois cas envisagés, le NFP est battu.
Vous-même, diriez-vous que vous vous situez
Base : Ensemble de l’échantillon
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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024
Grille de lecture : 63% des répondants déclarant une intention de voter pour un candidat soutenu par le « Front populaire » se situe « à gauche ».
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