Les attentats islamistes dans le monde 1979-2019
Une évaluation de la violence islamiste dans le monde de 1979 à 2019, par Dominique Reynié
1979, l’année critique
Définition du terrorisme
Définition de l’islamisme
Une base de données mondiale des attentats islamistes de 1979 à 2019
Pourquoi notre étude sous-estime cependant la réalité de la violence islamiste
Les prémices d’un terrorisme islamiste transnational (1979-2000)
La guerre soviéto-afghane, « matrice du terrorisme islamiste contemporain »
Les années 1980 et l’émergence du terrorisme islamiste
Années 1990, propagation du terrorisme islamiste au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
L’exportation du djihad
Le tournant du 11-Septembre (2001-2012)
Le 11-Septembre et la «guerre contre le terrorisme»
Globalisation des attentats islamistes
La migration des terroristes vers les médias sociaux
L’irruption de l’État islamique et de Boko Haram (2013-2019)
L’État islamique et l’«administration de la sauvagerie»
La région du lac Tchad à l’épreuve du terrorisme de masse de Boko Haram
L’attentat-suicide, le «martyr» et la terreur
Une donnée complémentaire : l’estimation des attentats en 2018 et en 2019
par l’extrapolation des tendances
Les territoires du terrorisme islamiste (1979-2019)
Les pays les plus touchés (1979-2019)
En conclusion, les principaux enseignements de notre étude
Entre 1979 et 2019, nous avons recensé 33.769 attentats islamistes dans le monde, qui ont provoqué la mort d’au moins 167.096 personnes.
Les attentats islamistes ont représenté 18,8% des attentats commis dans le monde entre 1979 et 2019.
Entre 1979 et 2019, les attentats (islamistes et autres) dans le monde ont tué au moins 436.170 personnes. Sur la même période, les attentats islamistes sont responsables de 39,1% des morts sur l’ensemble des attentats. Mais l’islamisme est devenu la cause majoritaire des morts par terrorisme à partir de 2013.
En moyenne, un attentat islamiste a causé la mort de 4,9 personnes. Le nombre de morts par attentat tend à augmenter.
On recense 2.518 attentats-suicides sur l’ensemble de la période, soit 7,5% des attentats islamistes.
La moitié (51,2%) des attentats islamistes ont été provoqués par des explosifs. Il s’agit du type d’arme le plus utilisé (17.303 attentats), suivi par les armes à feu (10.501 attentats), les armes incendiaires (810 attentats) et les armes de contact, comme les couteaux ou les machettes (785 attentats).
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne ont concentré 94,7% des attentats islamistes entre 1979 et 2019.
L’Afghanistan a été le pays le plus touché par le terrorisme islamiste, devant l’Iraq et la Somalie.
La France a été le pays le plus touché de toute l’Union européenne, avec 71 attentats islamistes commis sur son sol entre 1979 et 2019. Ces attentats ont fait au moins 317 morts.
L’affrontement indirect en Afghanistan des puissances américaine et soviétique est l’une des causes majeures de la violence islamiste du xxie siècle.
Les civils sont la cible principale (28,5%) des terroristes islamistes, devant les militaires (24,5%) et les forces de police (18,3%).
La plupart (89,1%) des attentats islamistes ont été commis dans des pays musulmans*. De même, la très grande majorité des morts provoquées par des attentats islamistes (91,2%) ont été enregistrées dans des pays musulmans.
Sur l’ensemble de la période étudiée, l’organisation la plus meurtrière a été l’État islamique (EI), en incluant ses différentes branches. Ses actions terroristes ont provoqué la mort de 52.619 personnes.
Entre 1979 et 2019, les organisations terroristes sunnites sont responsables de 89,4% des actes terroristes islamistes et de 93% des morts provoquées par les attentats islamistes.
Résumé
Depuis l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge, en 1979, le monde est ébranlé par le terrorisme djihadiste. En quarante ans, les attentats islamistes se sont multipliés, atteignant jusqu’au cœur des pays occidentaux, New York, Madrid, Londres, Paris, mais aussi Moscou, etc. Installant des sentiments de peur et de méfiance, par la violence aveugle et sa répétition le terrorisme islamiste alimente ou renforce les demandes d’autoritarisme et de fermeture que l’on voit monter en puissance dans les démocraties.
Mais avons-nous mesuré la réalité de cette violence qui nous inquiète tant ? Certes, nous savons que c’est aux États-Unis, le 11 septembre 2001, qu’a eu lieu la série d’attaques la plus meurtrière de l’histoire du terrorisme. Nous savons peut-être aussi qu’en Europe la France est le pays le plus touché. Nous devinons que la violence islamiste frappe plus souvent, plus durement encore, hors du monde occidental. Mais on ne peut dire qu’ainsi nous savons évaluer la violence islamiste.
La Fondation pour l’innovation politique a voulu contribuer à cette évaluation. Depuis le printemps 2018, nous œuvrons à la tâche de quantifier le terrorisme islamiste, de repérer les formes qu’il a pu prendre au fil de ces décennies, de recenser les actes qu’il a pu inspirer ou initier, d’estimer le nombre de ses victimes, d’identifier les organisations les plus meurtrières et les pays les plus meurtris.
Pour ce faire, nous avons collecté une très grande quantité d’informations, au point de construire une volumineuse base de données. Elle est disponible en open data sur notre site data.fondapol.org.
Nous pensons que la masse d’information recueillie éclaire sous un jour nouveau le phénomène de la violence islamiste. Elle permet de mieux la décrire, de mieux la comprendre, d’en documenter la gravité. Ainsi, à titre d’illustration, nous pouvons établir qu’entre 1979 et 2019, au moins 33.769 attentats islamistes ont eu lieu dans le monde. Ils ont provoqué la mort d’au moins 167.096 personnes. Nous pouvons dire aussi que les attentats islamistes représentent 18,8% de la totalité des attentats commis dans le monde, mais qu’ils sont responsables de 39,1% des vies perdues à cause du terrorisme ; ou encore, qu’au cours des années étudiées, on note une intensification de cette violence et que la période la plus meurtrière est la plus récente : à partir de 2013, selon nous, l’islamisme est devenu la cause principale (63,4%) des morts par terrorisme dans le monde. Nous identifions et quantifions les modes opératoires, les cibles. La vision du phénomène s’améliore, l’image devient plus claire. Nous montrons ainsi que la plus grande partie des victimes du terrorisme islamiste sont des musulmans (91,2%).
Une carte interactive de ces attentats est accessible sur fondapol.org.
Fondation pour l'innovation politique,
Think tank libéral, progressiste et européen.
Une évaluation de la violence islamiste dans le monde de 1979 à 2019, par Dominique Reynié
Le 3 octobre 2019, un attentat a eu lieu dans les locaux de la préfecture de police de Paris. Lors d’une attaque au couteau, trois policiers et un agent administratif ont été assassinés. Le meurtrier a été abattu. Il était employé comme adjoint administratif à la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP). Cependant, suivant les règles qui ont présidé à la réalisation de notre travail, nous ne pouvons retenir dans les informations avérées de notre base de données sur la violence islamiste ni cet attentat, ni le nombre de ses victimes alors que nous ne disposons pas des conclusions de l’enquête au moment où nous terminons cette étude.
« Discours du président de la République en hommage aux victimes de l’attaque à la préfecture de police », elysee.fr, 8 octobre 2019.
Si 6.291 personnes ont été blessées le jour même, des milliers d’autres ont témoigné de lésions physiques liées aux attentats du 11 septembre 2001, telles que des affections respiratoires ou des cancers, dans les années qui suivirent ces événements, comme en témoigne le World Trade Center Health Registry.
En France, sur une période récente, depuis le premier des attentats perpétrés par Mohammed Merah, le 11 mars 2012, on recense 47 actes terroristes, soit un attentat meurtrier tous les deux mois, ayant coûté la vie à au moins 280 personnes. Lors du discours prononcé à la préfecture de police de Paris en hommage aux victimes de l’attentat du 3 octobre 2019 1, le président de la République Emmanuel Macron a notamment déclaré : « L’administration seule et tous les services de l’État ne sauraient venir à bout de l’hydre islamiste. Non, c’est la Nation tout entière qui doit s’unir, se mobiliser, agir. Nous ne l’emporterons que si notre pays qui est venu à bout de tant et tant d’épreuves dans l’histoire se lève pour lutter contre cet islamisme souterrain qui corrompt les enfants de France. Une société de vigilance, voilà ce qu’il nous revient de bâtir. La vigilance, et non le soupçon qui corrompt. La vigilance : l’écoute attentive de l’autre, l’éveil raisonnable des consciences. C’est tout simplement savoir repérer à l’école, au travail, dans les lieux de culte, près de chez soi les relâchements, les déviations, ces petits gestes qui signalent un éloignement avec les lois et les valeurs de la République 2. »
La figure de l’hydre désigne un danger réapparaissant alors que l’on pensait en venir à bout. Quelles que soient les conclusions de l’enquête sur les motivations du tueur du 3 octobre 2019, l’observation des faits donne raison sur ce point au président de la République comme le montre le résultat de nos recherches.
C’est aux États-Unis, il y a moins de vingt ans, le 11 septembre 2001, qu’a eu lieu la série d’attaques la plus meurtrière de l’histoire du terrorisme, avec 3.001 morts et 16.493 blessés3 . En Europe, en quarante ans, outre la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la Géorgie, la Grèce, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, Royaume-Uni, la Suède et la Suisse, sans oublier la Russie, ont déjà été frappés, parfois à plusieurs reprises. C’est néanmoins en dehors du monde occidental que les pays ont subi la violence islamiste plus souvent et plus durement encore.
1979, l’année critique
Voir Gilles Kepel, Sortir du chaos. Les crises en méditerranée et au Moyen-Orient, Gallimard, 2018, p. 23-69.
Dans son rapport réalisé pour l’Institut Montaigne, Hakim El Karaoui présente les raisons pour lesquelles, selon lui, il est possible de considérer que l’autonomisation du djihadisme a pris forme en Afghanistan, à savoir « l’arrivée de plusieurs groupes islamistes que le conflit afghan a unis, l’autonomie financière des moudjahidines afghans grâce aux financements américains et saoudiens, la mise en pratique effective du djihad pour la première fois depuis la fin du xixe siècle et sa théorisation par le Frère musulman Abdallah Azzam » (La Fabrique de l’islamisme, Institut Montaigne, septembre 2018, p. 63).
Gilles Kepel, Jihad. Expansion et déclin de l’islamisme, 2e éd. refondue et mise à jour, Gallimard, coll. « Folio actuel », 2003, p. 26.
Ibid.
Nous nous sommes demandé s’il était possible de connaître l’ampleur de la violence islamiste dans le monde, d’en faire le recensement et d’en partager les résultats avec les publics intéressés sous la forme d’une base de données accompagnée de la présente étude. Pour mener à bien un tel travail, il fallait préalablement déterminer le point de départ du recensement, puis identifier les sources les plus fiables, les examiner et les valider, traiter ensuite les données recueillies, présenter les principaux enseignements et, enfin, mettre à la disposition du public les informations ainsi collectées.
Nous avons décidé de faire commencer la collecte des données à partir de l’année 1979. Cette année est retenue par la plupart des spécialistes parce qu’elle solde l’échec historique du nationalisme arabe concurrencé par les mouvements d’islamisation et d’affirmation du djihadisme 4. Cette même année, un certain nombre d’événements précipitent cette évolution : l’intervention militaire soviétique en Afghanistan, la révolution iranienne, la signature des accords de Camp David et la prise d’otages de la Grande Mosquée de La Mecque par un groupe de fondamentalistes islamistes, en novembre-décembre 1979 5. Pour Gilles Kepel, ce qui se déroule cette année-là est le résultat de « la lutte acharnée que se livrent la monarchie saoudienne et l’Iran de Khomeini 6 », mais elle est en même temps le moment d’une nouvelle confrontation indirecte entre l’URSS et les États-Unis : « Le jihad que financent dans ce pays [l’Afghanistan] les pétromonarchies de la péninsule Arabique et la CIA a pour but explicite d’infliger à l’Union soviétique […] un “Vietnam” qui précipite sa chute. À l’échelle de l’islam, il a aussi pour fonction de détourner les militants radicaux du monde entier de la lutte contre le Grand Satan américain – à laquelle les incite Khomeini – et de les canaliser contre l’URSS. Le jihad afghan a une importance cardinale dans l’évolution de la mouvance islamiste à travers le monde. Il en devient la cause par excellence, à quoi s’identifient tous les militants, modérés comme radicaux. Il supplante, dans l’imaginaire arabe, la cause palestinienne et symbolise le passage du nationalisme à l’islamisme 7. »
Définition du terrorisme
« The threatened or actual use of illegal force and violence by a non-state actor to attain a political, economic, religious, or social goal through fear, coercion, or intimidation » (Global Terrorism Database, National Consortium for the Study of Terrorism (START), Université du Maryland, Codebook: Inclusion Criteria and Variables, juillet 2017, p. 10).
Suivant cette définition, les actes relevant d’un terrorisme d’État ne sont pas retenus dans notre recensement.
Comme nombre de notions, le terrorisme est l’objet de définitions controversées. Dans cette note, nous entendrons par « terrorisme » les actes politiques répondant au principe et aux critères retenus par le National Consortium for the Study of Terrorism and Responses to Terrorism (START). Dans ce cadre, l’acte terroriste est présenté comme « la menace de l’usage ou l’usage effectif de la force et de la violence illégales par un acteur non étatique afin d’atteindre des objectifs politiques, économiques, religieux ou sociaux, par la peur, la coercition ou l’intimidation 8 ». Cette définition se prolonge dans l’énumération d’un ensemble de caractéristiques précisant la nature de l’acte terroriste :
- il doit être intentionnel et résulter d’un calcul conscient de la part de son auteur;
- il doit comprendre un certain niveau de violence ou de menace de violence imminente, qu’il s’agisse de violence physique ou matérielle;
- les auteurs de l’incident doivent être des acteurs non étatiques 9.
Pour être inclus dans la base de données, un événement doit de plus satisfaire au moins deux des critères suivants :
- l’acte violent doit viser un objectif politique, économique, religieux ou social;
- l’acte doit résulter d’une intention de coercition, d’intimidation, ou être motivé par la volonté de propager un message économique, politique, religieux ou social à destination d’une audience plus large que celle que représentent les victimes immédiates ; ce qui compte est l’intention de ceux qui ont planifié l’attentat ou de ceux qui ont pris la décision de l’exécuter;
- l’action doit se distinguer des activités considérées légitimes en temps de guerre. L’acte doit transgresser le cadre défini par les règles internationales à finalité humanitaire, notamment celles concernant l’interdiction de cibler intentionnellement des civils ou des non-combattants.
Notre contribution s’intéresse spécifiquement aux actes terroristes accomplis par des organisations ou des individus se réclamant de l’islamisme. Le critère définissant une action terroriste et selon lequel « l’acte violent doit viser un objectif politique, économique, religieux ou social » doit donc être précisé. Il est considéré comme essentiel à notre recensement et concerne les attentats qui ont fait l’objet d’une revendication islamiste ou à propos duquel les informations disponibles permettent de savoir qu’il a été planifié, décidé et accompli au nom de l’islamisme.
Définition de l’islamisme
Janine Sourdel et Dominique Sourdel (dir.), Dictionnaire historique de l’islam, PUF, 1996, p. 411.
Ibid.
Ibid.
Ibid. Voir également Mehdi Mozaffari, « What is Islamism? History and Definition of a Concept », Totalitarian Movements and Political Religions, vol. 8, no 1, mars 2007, p. 21.
« By “Islamism”, I mean the normative political ideology that has as its core program the establishment of Islam as a state religion and the implementation of Islamic law (shari’a). Militant Islamism, then, is any form of Islamism that advocates the use of violence to achieve Islamist objectives. This same distinction is made by Islamists themselves, who refer to “Parties of the Islamic Call,” or al-da’wa al Islamiyya (i.e. Islamist groups that do not advocate violence) on the one hand, and “Parties of the Muslim Revolution,” or al-thawra al-Islamiyya (i.e. Islamist groups that do advocate violence) » (Edward W. Walker, « Islam, Islamism and Political Order in Central Asia », Journal of International Affairs, vol. 56, no 2, printemps 2003, p. 22, note 1).
Voir Robin Simcox, Hannah Stuart, Houriya Ahmed et Douglas Murray, « Islamist Terrorism. The British Connection », The Henry Jackson Society and The Centre for Social Cohesion, 2e éd., 2010, p. XVI.
Pour les historiens, « islamisme » est un terme « employé à la fin du xixe siècle pour désigner l’islam en tant que religion et civilisation, mais qui a pris récemment une nouvelle acception d’islam militant fondamentaliste, traditionaliste et prosélyte 10 ». Désormais, l’islamisme désigne « une tendance qui consiste à exiger l’application stricte des prescriptions de la loi religieuse ou chari’a dont il considère que certaines avaient été abandonnées, de même que les principes de la foi, par divers gouvernements modernes des pays musulmans, notamment sous l’influence des pays européens, des idéologies occidentales et des mouvements réformistes 11 ». Il s’ensuit de cette évolution que les défenseurs d’une telle conception de l’islam, les « islamistes », prônent le djihad, « d’une part, dans leur propre pays contre les “mauvais” musulmans et les gouvernants corrompus de manière à instaurer, si besoin est, un État purement islamique, d’autre part, de façon plus générale, contre les valeurs séculières qui dominent le monde non musulman 12 ». Les mêmes auteurs considèrent que l’islamisme présente beaucoup d’analogies avec le mouvement des Frères musulmans 13.
Il existe de nombreuses autres définitions de l’islamisme, souvent très détaillées. Pour compléter sans compliquer exagérément, on peut notamment se référer à la définition proposée par Edward Walker, en raison de sa relative clarté et de sa concision : « Par “islamisme”, j’entends l’idéologie politique normative qui a pour programme central l’établissement de l’islam comme religion d’État et l’application de la loi islamique (shari’a). L’islamisme militant désigne toute forme d’islamisme qui préconise le recours à la violence pour atteindre ses objectifs. Cette même distinction est faite par les islamistes eux-mêmes, qui se réfèrent, d’une part, aux “partis de l’appel islamique” ou al-da’wa al Islamiyya – soit les groupes islamistes qui ne prônent pas la violence – et, d’autre part, aux “partis de la révolution musulmane” ou al-thawra al-Islamiyya – soit les groupes islamistes qui préconisent la violence14. » Constatant qu’il n’existe pas de définition universellement acceptée de l’islamisme, certains chercheurs le caractérisent comme une idéologie selon laquelle :
- l’islam n’est pas seulement une religion mais aussi un système sociopolitique holistique;
- la charia (islamique) doit devenir la loi de l’État;
- il existe une communauté musulmane transnationale, l’oumma, qui doit s’unir pour former un bloc politique;
- il faut instaurer un État « islamique », ou califat, au sein duquel le pouvoir souverain appartiendra à Dieu 15.
Une base de données mondiale des attentats islamistes de 1979 à 2019
Le 28 avril 2019, le journal allemand Welt am Sonntag a publié une liste des attentats islamistes. Cette liste porte sur une période plus courte, à savoir du 11 septembre 2001 au 28 avril 2019. Jusqu’en 2017, les données sont extraites de la Global Terrorism Database. Pour les années 2018 et 2019, le journal a procédé à son propre recensement. Nos données se distinguent de celles du Welt am Sonntag sur au moins trois points : en premier lieu, nous couvrons une période de quarante ans au lieu de dix-huit ans, ce qui nous permet de suivre les évolutions du terrorisme islamiste en mettant notamment au jour un phénomène de globalisation; en deuxième lieu, Welt am Sonntag a choisi de ne comptabiliser que les attaques ayant fait au moins douze morts, tandis que nous avons nous-mêmes enregistré tous les attentats identifiables ; en troisième lieu, Welt am Sonntag s’est focalisé sur les attaques menées par les principaux groupes terroristes (Abdullah-Azzam Brigade, Asaib Ahl ab-Haqq, Abu Sayyaf, Ansar al-Din, Allied Democratic Forces, djihadistes algériens, Ahrar al-Sham, Ansar al-Islam, Al-Ittihaad al-Islami, Parti Al-Islah, Aisha-Brigade, Brigade des martyrs Al-Aksa, Brigade Al-Muaqioon-Biddam, Ansar-Al-Din-Front, al-Qaida, Arakan Rohingya Salvation Army, Ansar al-Sunna, al-Shabaab, Ansar al-Sharia, Ansar al-Tawhid, Ansar ul-Islam, Boko Haram, Mouvement sunnite djihadiste d’Iran, Deccan Mujahideen, Gardiens de la religion, Groupe islamique armé, Groupe salafiste pour la prédication et le combat, Hezbollah, Hizb-i-Islami, Harkatul Jihad-e-Islami, Réseau Hakkani, Halqa-e-Mehsud, Hisbul Mujahideen, Hamas, Houthis, Hayat Tahrir al-Sham, Mouvement islamique d’Ouzbékistan, Jihad islamique, Front islamique, Moudjahidines indiens, Parti islamique du Turkestan, Jaish al-Adl, Jaish-al-Islam, Jamaat al-Tawhid wal-Jihad, Jaish-e-Mohammad, Jaish al-Fatah, Jaish-i-Islam, Jemaah Islamiya, Jund al-Khilafah, Jamiat ul-Mujahedin, Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin, Jundallah, Jundallah Pakistan, Jaljala Army, Kataib Hezbollah, Lashkar-e-Jhangvi, Lashkar-e-Omar, Lashkar-e-Taiba, Lashkar-e-Islam, Mujahideen Ansar, Mahaz-e-Inquilab, Moro Islamic Liberation Front, Moro National Liberation Front, Movement for Tawheed and Jihad in West Africa, Mujahedeen Shura Council, Armée Mukhtar, Front al Nosrah, Students Islamic Movement of India, Sipah-i-Mohammed, Salafia Jihadia, Shura des Moudjahidines de Derna, Special Purpose Islamic Regiment, Shura des révolutionnaires de Benghazi, Taliban, Tehrik-e-Taliban Islami, Tehrik-e-Taliban Pakistan, United Jihad Council); tandis que notre base de données recense, aussi précisément que possible, l’ensemble des attentats islamistes. Ainsi, outre les attentats commis par les groupes les plus connus, nous prenons également en compte les attaques menées par des individus ou des groupuscules se réclamant de l’islamisme sans appartenir à une organisation particulièrement connue. Voir « 18 Jahre Terror », Welt am Sonntag, no 17, 28 avril 2019, p. 12-14.
Nous pouvons citer, par exemple, la base de données rendue disponible par Le Monde sur les attentats du groupe État islamique de 2014 à 2016 ou encore celle du New York Times.
Global Terrorism Database, National Consortium for the Study of Terrorism (START), Université du Maryland).
La Global Terrorism Database ne fournit pas d’informations pour l’année 1993.
Depuis octobre 2019, l’année 2018 est disponible sur la GTD. Nous n’avions plus la possibilité de les comparer avec nos propres données pour ces deux années 2018 et 2019, d’autant plus que la GTD est désormais soumise à un système de licence plus contraignant.
C’est dans le cadre de ces définitions que nous avons conçu ce travail et que nous en proposons ici le résultat sous la forme d’une base de données répertoriant les attentats islamistes perpétrés dans le monde depuis le 27 décembre 1979. Les données intégrées dans notre base ne vont pas au-delà du 31 août 2019, compte tenu du temps nécessaire à la validation et au traitement des informations recueillies. En effet, si les attentats qui ont lieu dans les pays occidentaux ont une visibilité considérable, en raison de l’impact plus grand que peut avoir la violence dans des sociétés plus pacifiées, de leurs capacités à produire rapidement des données fiables et d’une présence médiatique particulièrement dense, il n’en va pas de même pour les attentats qui ont lieu, beaucoup plus souvent, dans d’autres parties du monde où tous les processus de repérage et de renseignement deviennent plus longs sans pouvoir être aussi performants. Dès lors, la validation et la classification des événements pertinents supposent un travail qui excédait le terme que nous devions nécessairement nous fixer pour rendre possible cette publication.
Pour mener à bien notre recherche, nous avons utilisé trois types de sources : le recueil d’informations sur les attentats depuis 1979 via les moteurs de recherche, le croisement des bases de données existantes et les recherches académiques. Il existe en effet diverses bases de données sur les attentats en général et sur les attentats islamistes en particulier 16. Toutes les bases de données en circulation nous ont été utiles pour confirmer ou enrichir le travail que nous étions en train d’effectuer 17. Cependant, la plupart des bases de données accessibles sont très incomplètes ou très inégalement renseignées. Dans certains cas, l’information peut être abondante à propos d’un pays, d’une région, d’une année ou d’une période, généralement très courte, puis très pauvre ou inexistante pour une autre année ou un autre pays. On le constate sur Wikipédia, où l’on trouve des données par année ou par thème, mais très lacunaires, très fragmentées et sous une forme qui ne permet pas le traitement statistique. C’est pourquoi notre source initiale a été la Global Terrorism Database (GTD) réalisée par l’université du Maryland, aux États-Unis 18. Cette base de données gigantesque compile les attentats terroristes entre 1970 et 2017. La valeur de cet ensemble est de recenser les attentats quelle que soit leur motivation. Cette richesse a été aussi pour nous le principal défi à relever, puisqu’il a fallu extraire les attentats de type islamiste des 171.787 attentats recensés dans le monde de 1979 à 2017. Nous avons donc préalablement réalisé un travail de sélection, de vérification et de classification des données contenues dans la GTD. Nous avons dû ensuite la compléter par nos informations, en particulier pour l’année 1993 19. Nous avons travaillé sans la GTD pour les années 2018 et 2019 puisqu’elles n’étaient pas renseignées 20.
Pour chaque attentat islamiste présent dans notre base de données, nous avons renseigné les points suivants :
- la date;
- la localisation de l’attaque : pays, ville, lieu exact quand il est possible de l’identifier;
- le nombre de morts confirmés et le nombre de blessés, y compris les attaquants ; il importe de signaler ici que le nombre de personnes blessées est à l’évidence très sous-estimé par les informations disponibles ;
- le ou les auteur(s) de l’attentat ;
- le ou les type(s) de cibles ;
- le ou le(s) type(s) d’attaque(s) dont il s’agit ;
- le ou le(s) type(s) d’arme(s) utilisé(es).
Pourquoi notre étude sous-estime cependant la réalité de la violence islamiste
Il n’est évidemment pas possible de prétendre proposer une base de données exhaustive des attentats islamistes commis dans le monde entre 1979 et 2019, et ce pour un ensemble de raisons détaillées ci-après.
a/ Un certain nombre d’attentats n’ont pas été répertoriés. Quels que soient les efforts déployés, il est certain qu’un nombre significatif d’attentats relevant de la catégorie islamiste n’ont pas pu être répertoriés, que ce soit sur l’ensemble de la période concernée ou que ce soit pour les années 1993, 2018 et 2019.
b/ Un certain nombre d’attentats ne figurent pas dans notre « estimation retenue » lorsque la motivation religieuse n’est pas clairement prépondérante dans une combinaison impliquant une autre détermination. Le terrorisme islamiste s’inscrit en effet dans des contextes à la fois singuliers et complexes qui rendent parfois difficile le recueil de données fiables. C’est notamment le cas dans des situations de guerres, civiles ou internationales, de luttes séparatistes ou indépendantistes et de conflits territoriaux qui perdurent sur de longues périodes, où les causalités sont mouvantes ou inextricables, comme autour de la question palestinienne, tandis que, dans un tout autre cadre, en Thaïlande par exemple, un mouvement séparatiste conduit une minorité musulmane à s’impliquer par les armes au nom d’objectifs qui peuvent atteindre, au-delà de la revendication politique, une dimension religieuse.
c/ La motivation islamiste n’est pas toujours identifiée. Les données disponibles ne permettent pas toujours aux agences de presse d’imputer l’attentat à la cause islamiste, et ce d’autant plus que le pays victime de l’attentat est caractérisé par la faiblesse de ses structures administratives. La non-revendication peut augmenter la probabilité pour qu’un attentat ne soit même pas répertorié par les agences ou que cette information n’atteigne pas la presse.
d/ Le nombre des morts différées est pratiquement inconnu. Or il est certainement très important. Dans la mesure où les victimes succombant à leurs blessures ultérieurement à l’attentat ne sont presque jamais mentionnées dans les informations disponibles, il est impossible de connaître leur nombre avec exactitude. Il est donc également impossible d’intégrer ces morts dans notre base de manière fiable. Ainsi, selon notre base de données, nous relevons au moins 167 096 morts et 151431 blessés, soit un nombre de blessés inférieur au nombre des tués. Or si nous considérons trois cas d’attentats, chacun menés avec des moyens différents, dans deux pays où la qualité de l’information est excellente, nous observons un rapport tout à fait inverse entre le nombre des morts et le nombre des blessés : aux États-Unis, pour les attentats du 11-Septembre, on dénombre cinq fois plus de blessés (16.493) que de morts (3.001) ; en France, lors des attentats du 13 novembre 2015, il y a eu trois fois plus de blessés (413) que de morts (137) ; à Nice, lors de l’attentat du 14 juillet 2016, il y a eu cinq fois plus de blessés (458) que de personnes tuées (87). Ces informations nous incitent à penser que le chiffre des blessés est très supérieur à celui de notre base de données. Il est certain que les pays pauvres, qui sont ceux où se déroulent la plupart des attentats, n’ont pas la même capacité à repérer et à prendre en charge les personnes blessées lors d’une attaque. Une partie de ces blessés ne sont probablement même pas comptabilisés, tandis que d’autres meurent de leurs blessures après un certain temps en raison de l’insuffisance ou de la fragilité des systèmes de secours et des institutions de santé. Si l’on appliquait au nombre des blessés indiqué dans notre base de données (151.431) les ratios des trois attentats pris en exemple, il faudrait corriger ce chiffre en le multipliant par trois (454.293) ou par cinq (757.155).
e/ Pour ces quatre raisons, nous proposons au lecteur deux types de quantification de la violence islamiste, sous la forme d’une « estimation retenue » et d’une « estimation possible ». L’« estimation retenue » résulte du recensement des attentats au cours de la période 1979-2019 dont la motivation islamiste ne fait pas de doute. L’« estimation possible » résulte du recensement des attentats susceptibles d’être qualifiés d’islamistes, en incluant certains actes terroristes relevant également de logiques séparatistes, politiques ou sociales, qui rendent plus difficiles l’imputation à une motivation exclusivement ou principalement islamiste. Dans tous les cas, le nombre des victimes, morts ou blessés est sensiblement inférieur à une réalité que l’on ne connaîtra pas plus précisément.
Nombre d’attentats islamistes dans le monde (1979-2019)
Fondation pour l’innovation politique – novembre 2019.
Nous avons recensé 33769 attentats islamistes ayant provoqué la mort d’au moins 167 096 personnes entre 1979 et 2019.
Les années 2018 et 2019 sont les moins bien renseignées. Pour 2018, nous avons recensé 1.606 attentats islamistes (8.715 morts) et, pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 août 2019, 826 attentats islamistes (4.953 morts). Le nombre moindre d’attentats en 2018 et en 2019 par rapport aux années précédentes, bien qu’il reste important, ne signifie pas une baisse de la violence islamiste mais résulte de l’état de notre base de données, qui doit être bien sûr consolidée. Cependant, le volume considérable de nos données autorise un exercice simple d’extrapolation qui est de remplacer les informations recueillies pour les années 2018 et 2019 par une moyenne annuelle des attentats islamistes et du nombre de leurs victimes. Si nous calculons ces moyennes en prenant pour base les années les plus récentes, celles correspondant au cycle 2001- 2017, nous obtenons un nombre annuel moyen de 1.715 attentats ayant causé la mort de 8.624 personnes. Affectés à 2018 et 2019, ces deux résultats permettent d’établir l’estimation du nombre d’attentats islamistes et de leurs victimes pour la période 1979-2019.
Notre recherche a débuté au printemps 2018. L’étude que nous publions ici procède de la base de données que nous avons élaborée, disponible en open data sur data.fondapol.org (en anglais). Dans les analyses qui suivent, nous présentons en premier lieu les évolutions du terrorisme islamiste de 1979 à nos jours; en second lieu, nous proposons une lecture des données selon les régions du monde et les pays touchés par la violence islamiste.
Nombre d’attentats islamistes dans le monde (1979-2019) corrigé par une extrapolation pour les années 2018-2019
Fondation pour l’innovation politique – novembre 2019.
La précision des chiffres ne saurait impliquer une connaissance aussi fine de la réalité observée; le degré de précision résulte des opérations de calcul appliquées à la base de données. Nous ne pouvions que reproduire exactement le résultat de ces opérations.
Les prémices d’un terrorisme islamiste transnational (1979-2000)
Voir Mohamed Louizi, Libérer l’islam de l’islamisme, Fondation pour l’innovation politique, janvier 2018 ; Mohamed Sifaoui, Taqiyya! Comment les Frères musulmans veulent infiltrer la France, L’Observatoire, 2019 ; ou encore Malik Bezouh, Crise de la conscience arabo-musulmane, Fondation pour l’innovation politique, septembre 2015
Ce travail n’ambitionne pas d’éclairer les fondements de l’islamisme ni de discuter les origines et les justifications, dans le contexte de l’islam, du recours à la violence et à la violence de type terroriste en particulier. Différemment, nous considérons que l’apport de notre contribution réside dans les informations que l’on peut tirer de l’exploitation d’une base de données consolidée et des analyses auxquelles elles peuvent donner lieu. Cependant, la compréhension de l’intérêt des données partagées ici nécessite de rappeler succinctement les évolutions du terrorisme islamiste depuis 1979.
Jusqu’au milieu des années 1970, l’islamisme reste peu influent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Dans le prolongement de la décolonisation et du rejet de l’impérialisme occidental, les nouveaux États de la région affirment une vision nationaliste et panarabique portée par des leaders tels que Nasser ou Boumediene et par des mouvements comme le Baath, en Syrie et en Iraq, ou l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), en Palestine. Les organisations islamistes sont fermement contenues ou durement réprimées, comme le fit Nasser, en Égypte, avec les Frères musulmans. Fondée en 1928 par Hassan el-Banna, l’organisation des Frères musulmans est née dans le but de restaurer l’islam politique disparu avec l’abolition du califat ottoman proclamée par Atatürk en 1924.
À la fin des années 1970, la revendication islamiste se renforce1. L’accroissement des inégalités sociales et la corruption des élites sont dénoncés. Les mouvements islamistes tentent d’incarner une alternative politique aux dictatures en place ou s’engagent dans des actions violentes, comme en Syrie, où les Frères musulmans lancent une lutte armée contre le régime baathiste d’Hafez el-Assad. Ces mouvements d’islamisation des sociétés du Moyen-Orient prospèrent d’autant plus que le nationalisme arabe périclite puis s’effondre. Dès la fin de la décennie, en 1979, un espace d’opportunité s’ouvre aux islamistes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
La guerre soviéto-afghane, « matrice du terrorisme islamiste contemporain »
Voir Gilles Kepel, « Le terrorisme islamiste est né en Afghanistan », propos recueillis par Héloïse Kolebka, L’Histoire, n° 293, décembre 2004, p. 18-19
L’année 1979 est une année charnière, théâtre de plusieurs événements importants, parmi lesquels la révolution iranienne et l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. L’opération militaire russe précipite l’émergence d’un nouvel islamisme. Au même moment, en Iran, l’opposition menée par le clergé chiite, grâce au contexte d’une intense contestation sociale, contraint le shah à fuir le pays (16 janvier 1979). Le 1er février 1979, Ruhollah Khomeyni parvient au pouvoir. Il engage la transformation du régime impérial d’Iran, accusé d’«occidentalisation», en une république islamique. Dans le sillage de la révolution iranienne, des groupes chiites prônant la lutte armée voient le jour. Parmi eux, on compte le Hezbollah libanais, créé en 1982. L’idéologie chiite s’affirme dans le contexte du processus d’islamisation du Moyen-Orient où elle concurrence la légitimité sunnite.
En Afghanistan, l’invasion soviétique ouvre le conflit qui sera considéré comme la matrice du terrorisme islamiste contemporain2. Le djihad est soutenu par l’Arabie saoudite, par l’Algérie ou encore par l’Égypte. Les djihadistes qui rejoignent l’Afghanistan deviennent des «moudjahidines»; ils sont regardés comme les libérateurs d’une «terre d’islam» (dar al-islam).
Les années 1980 et l’émergence du terrorisme islamiste
Avec 354 attentats, qui coûtent la vie à 1.447 personnes, les années 1980 sont les moins meurtrières par comparaison avec les décennies qui suivent. L’émergence du terrorisme islamiste est visible dès les années 1980-1983 qui correspondent à l’activisme des Frères musulmans en Syrie, alors en pleine insurrection contre le gouvernement de Hafez el-Assad.
De 1980 à 1982, on relève 69 attentats sur le territoire syrien, soit près des deux tiers (63,3%) des attentats islamistes répertoriés dans le monde au cours de ces trois années. Les attentats cessent après la répression du mouvement des Frères musulmans, notamment lors des massacres de Hama par l’armée syrienne, en 1982.
Les attentats islamistes dans le monde (1979-2000)
De 1980 à 1989, le pays le plus touché par le terro- risme islamiste est le Liban, avec 133 attentats, qui font au moins 515 morts. En proie à une guerre civile depuis 1975, le pays subit la montée en puissance de groupuscules terroristes. Ce contexte national instable et l’invasion du sud du Liban par Israël en 1982 favorisent, la même année, l’émergence du Hezbollah. Un an plus tard, l’organisation chiite déclenche une série d’attentats contre des institutions étrangères. Une patrouille italienne est touchée le 15 mars 1983, sans avoir à déplorer de pertes, mais le 18 avril un nouvel attentat atteint l’ambassade des États-Unis à Beyrouth, provoquant la mort de 63 personnes. À la fin de la même année, le 23 octobre, une base américaine et une patrouille française sont terriblement frappées par un attentat au cours duquel 299 personnes perdent la vie. L’activisme terroriste du Hezbollah est particuliè rement intense au Liban, où il provoque 276 attentats de 1983 à 2000, mais il ne s’y restreint pas. En tout, en intégrant les autres pays touchés, le Hezbollah est responsable de 341 attentats de 1983 à 2000, tuant 1.110 personnes. L’Arabie saoudite, l’Argentine, Chypre, le Danemark, l’Égypte, la Grèce, Israël, le Koweït et la Tunisie sont parmi les pays victimes.
En septembre 1986, Paris subit une série de six attentats, dont celui du 17 septembre, rue de Rennes, devant un magasin Tati, qui fait 7 morts et 55 blessés.
Ces attentats sont revendiqués par le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient, pour le compte du Hezbollah libanais.
L’organisation libanaise est aussi jugée responsable des deux attaques du 17 mars 1992 contre l’ambassade israélienne à Buenos Aires (30 morts, 220 blessés), ainsi que de l’attentat du 18 juillet 1994 contre une association juive, également à Buenos Aires (85 morts, 236 blessés). Sur l’ensemble de la période 1979-2019, l’Argentine reste le seul pays d’Amérique du Sud touché par le terrorisme islamiste, avec 3 attentats.
Types d’armes utilisées dans les attentats islamistes (1979-2000)
Années 1990, propagation du terrorisme islamiste au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
Le retrait de l’Armée rouge de Kaboul, le 5 février 1989, galvanise la mobilisation islamiste, déjà stimulée en 1987 par la création d’al-Qaida, par Abdullah Azzam et Oussama Ben Laden. La globalisation de la lutte djihadiste est engagée. Le discours repose principalement sur l’idée d’une communauté de musulmans unifiée (oumma) et revendiquant son autonomie vis-à-vis des spécificités ethniques, nationales et culturelles de chaque peuple. L’objectif est l’établissement du califat et de la cité prophétique exemplaire, qui doit aussi être étendue aux pays non musulmans. L’autonomisation du discours djihadiste par rapport aux référents classiques, nationalistes et politiques, n’est pas le propre d’al-Qaida. Elle est reprise par tous les musulmans venus en Afghanistan pour prendre part à l’action violente. À la suite du retrait soviétique, ces moudjahidines retournent dans leur pays d’origine et y diffusent les idées du salafisme djihadiste. C’est ainsi que, dans les années 1990, un nombre croissant de pays, notamment au Moyen-Orient, sont directement frappés par la violence islamiste.
En Algérie, un certain nombre de djihadistes se rassemblent en groupes militants dès les débuts de la guerre civile de 1991-2002. La victoire du Front islamique du salut (FIS) aux élections municipales de 1990 et aux élections législatives de 1991, puis l’annulation de ces élections par l’armée algérienne et la démission du président Chadli Bendjedid déclenchent une «décennie noire». Militaires et groupes islamistes s’engagent dans une lutte terrifiante pour le pouvoir. La confrontation ravage le pays. De 1990 à 1999, l’Algérie est le pays le plus durement touché par le terrorisme islamiste. On y recense 542 attentats, soit plus d’un tiers (34,6%) des attentats enregistrés dans le monde au cours de cette décennie par notre base de données; on compte au moins 2 390 morts, soit plus de la moitié (51,4%) des victimes du terrorisme islamiste dans le monde entre 1990 et 1999. La violence atteindra son paroxysme en 1997 : 967 personnes sont alors tuées à la suite des élections législatives remportées par le Rassemblement national démocratique (RDN), soutenu par l’armée.
Groupes terroristes les plus meurtriers en Algérie (1979-2000) En % du nombre des victimes des attentats commis en Algérie au cours de la période
Au cours de cette «décennie noire», les figures et les institutions religieuses ont été particulièrement touchées, notamment les chrétiens de nationalité étrangère : douze touristes croates sont assassinés le 14 décembre 1993, deux religieuses espagnoles sont tuées le 23 octobre 1994 et sept moines français de Tibhirine sont enlevés et assassinés au printemps 1996.
Voir Amr Hamzawy et Sarah Grebowski, « From Violence to Al-Jama’a al-Islamiya and al-Jihad », Carnegie Papers, n° 20, avril 2010
En Égypte, à la veille des années 2000, le paysage islamiste est structuré par deux mouvements : al-Jihad et al-Gama’a al-Islamiyya. L’objectif de ces deux organisations est l’instauration d’un État islamique et le moyen d’y parvenir est le terrorisme3. Dans les années 1990, al-Gama’a al-Islamiyya a lancé contre le gouvernement 257 attentats à visée insurrectionnelle, provoquant la mort de 489 personnes.
Cibles des attentats terroristes en Algérie (1979-2000)
Au Proche-Orient, les années 1990 sont marquées par l’islamisation du conflit israélo-palestinien. Une sorte de passation de pouvoir s’opère au profit du Hamas, mouvement islamiste palestinien né en 1987 au début de la première Intifada, et au détriment de l’OLP, issu de la mouvance nationaliste arabe. Cette évolution entraîne une mutation du conflit israélo-palestinien. En 1992, 417 dirigeants et activistes du Hamas sont arrêtés et conduits au Sud-Liban, dans le village de Marj al-Zouhour, après l’assassinat d’un officier israélien. Une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exige leur rapatriement. Cet événement est analysé par Gilles Kepel comme «le basculement symbolique qui donna au Hamas la parité avec l’OLP, sinon la primauté, pour l’incarnation de la cause palestinienne, et en conséquence l’islamisation de son image arabe et universelle4». Par-delà les vicissitudes politiques sur le terrain palestinien, «la multiplication des attentats-suicides – face au durcissement des gouvernements successifs de M. Netanyahou et l’intensification de la colonisa- tion – peut être considérée comme le modèle au miroir duquel le djihadisme international d’al-Qaida élaborerait son mode d’action privilégié5».
Types d’attentats en Israël (1979-2000)
Types d’attentats en Cisjordanieet dans la bande de Gaza (1979-2000)
Dans notre base de données, nous observons clairement une hausse du nombre des attentats affectant les territoires israéliens et palestiniens dès le début des années 1990. Les attaques terroristes sont en grande partie incriminables au Hamas mais aussi au groupe Jihad islamique palestinien (JIP). Entre 1979 et 2000, sur les 62 attentats dénombrés sur le sol israélien, 29 ont été revendiqués par le Hamas et 13 par le JIP. Sur 86 attentats commis en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, 65 ont été revendiqués par le Hamas et 12 par le JIP.
L’exportation du djihad
La violence islamiste se développe au Moyen-Orient et en Afrique du Nord à partir des années 1980 et d’autres régions du monde deviennent le théâtre de ce djihad, notamment l’Asie du Sud-Est (Philippines), l’Asie du Sud (Inde) et l’Europe.
La rapide autonomisation et la montée en puissancede l’islamisme finissent par susciter la crainte de pays qui ont pourtant œuvré à ce mouvement ou qui l’ont utilisé pour des raisons de politique intérieure ou de relations internationales. Ainsi, face à la menace islamiste, l’Arabie saoudite et l’Algérie se livrent à une implacable répression. Il en va de même pour l’Égypte et la Syrie. En une décennie, les salafistes changent de catégorie : d’abord admirés comme les «combattants de la liberté», ils sont ensuite anathématisés comme «fugitifs»6.
La violence islamiste dans le monde (1979-2000)
Ibid p. 62. Sur l’activisme salafo-djihadiste au Royaume-Uni, cf. aussi Dominique Reynié, Les Nouveaux Populismes, Paris, Fayard/Pluriel, 2013, en particulier la deuxième partie (« Le conflit des identités ») et notamment son chapitre 3,
Ce contexte régional conduit nombre de djihadistes à l’exil : certains, revenus d’Afghanistan, deviennent réfugiés politiques, souvent dans le but d’exporter leur combat islamiste vers de nouveaux territoires, y compris ceux qui ne sont pas à majorité musulmane. Ils demandent l’asile en Europe. Dans les années 1990, ces territoires d’implantation et de conquête sont d’abord l’Angleterre et la France. Londres devient ainsi un foyer de l’activisme salafo-djihadiste en Europe7. Entre juillet et octobre 1995, la France est touchée par une vague d’attentats islamistes, non sans lien avec le contexte algérien : le 25 juillet 1995 un attentat dans le métro parisien se solde par la mort de 7 personnes et 86 blessés.
L’Asie est durement frappée entre 1979 et 2000, tout particulièrement dans le sud et le sud-est. D’après notre base de données, on note un premier attentat islamiste en Inde en 1986. Le phénomène reste sporadique jusqu’en 1990. Cette année-là, 14 attentats sont commis sous l’impulsion du groupe Hizbul Mujahideen (HM) et de ses partisans. L’action de ce groupe islamiste prend place dans le conflit opposant l’Inde au Pakistan à propos de la région frontalière du Jammu-et-Cachemire, mais si le groupe souhaite l’intégration de la région au Pakistan, il milite aussi pour l’établissement d’un califat dans le monde.
Le paysage du terrorisme islamiste en Inde est fragmenté : un certain nombre de groupes gravitent autour de la problématique indépendantiste, notammment Allah’s Tigers («Tigres d’Allah»), les Frères musulmans, Harkat ul-Ansar ou encore Jamaat-eIslami. Entre 1979 et 2000, la plupart des attentats (78,8%) sont concentrés au Jammu-et-Cachemire. À partir de 2000 et de la création du groupe terroriste Jaish-e-Mohammed (JeM), les attaques sont à la fois plus nombreuses et plus meurtrières (25 attentats et 126 morts en 2000, 42 attentats et 200 morts en 2001). Ces années voient aussi les talibans pakistanais (Lashkar-e-Taiba) conduire des campagnes de terreur en Inde.
Aux Philippines, le terrorisme islamiste se déploie dans le cadre du combat séparatiste du peuple moro, une minorité musulmane du sud du pays. L’un des principaux groupes terroristes de la région, le groupe Abou Sayyaf (ASG), fondé en 1991 par Abdurajak Abubakar Janjalani, puise son inspiration dans les mouvements islamistes du Moyen-Orient. La première manifestation de cette mouvance terroriste survient le 7 septembre 1986, lorsque le Front Moro de libération islamique (FMIL) attaque une église catholique et une cérémonie de mariage à Salvador, sur l’île de Mindanao, faisant 20 morts et 186 blessés. Le groupe déclenche un attentat le 15 janvier 1987 dans le métro de Manille, la capitale, causant la mort de 8 personnes. En 1994, après une sorte d’éclipse, le groupe Abou Sayyaf (ASG) commet 7 attentats dans le sud du pays. Il deviendra l’un des acteurs principaux du terrorisme islamiste aux Philippines pendant les décennies suivantes.
Extrait de notre base de données, en libre accès sur data.fondapol.org.
Le tournant du 11-Septembre (2001-2012)
Les attentats du 11 septembre 2001 perpétrés par al-Qaida sur le sol américain forment à ce jour l’attaque terroriste la plus meurtrière de l’histoire, avec 3.001 morts et 16493 blessés au total. Ce jour-là, deux avions de ligne qui avaient été détournés ont été lancés contre les tours du World Trade Center, à New York. Un troisième appareil avait été dirigé sur le Pentagone, à Washington. À bord du quatrième avion détourné, c’est la révolte des passagers qui fait échouer le plan des terroristes, l’appareil s’écrasant en pleine campagne, en Pennsylvanie. La diffusion en direct et planétaire de cet événement dramatique et spectaculaire marque aussi le début d’une nouvelle ère dans la médiatisation du terrorisme. À l’information différée et destinée à des publics particuliers s’ajoute désormais une information immédiate et globale. Ce nouvel espace public affecte profondément le travail des médias traditionnels (télévision, presse et radio). L’avènement des réseaux sociaux et des smartphones ouvre les portes de la communication de masse à d’innombrables nouveaux acteurs, à commencer par les organisations terroristes.
Le 11-Septembre et la «guerre contre le terrorisme»
Les attentats du 11-Septembre ont considérablement modifié la géopolitique du Moyen-Orient 1. Qualifiée par l’administration de George W. Bush de « guerre contre le terrorisme », la riposte américaine est fulgurante. Le 7 octobre 2001, les États-Unis déclenchent une vaste offensive contre le régime taliban en Afghanistan, accusé d’avoir soutenu al-Qaida. Une année et demie plus tard, le 20 mars 2003, l’armée américaine envahit l’Iraq, afin de renverser le régime de Saddam Hussein dans la perspective d’une «démocratisation du Moyen- Orient». Malgré des victoires militaires écrasantes, les États-Unis ne parviennent ni à rétablir la paix, ni à éradiquer l’islamisme. Confrontés à la machine de guerre américaine dans la durée, les islamistes s’organisent, en acquérant une dimension internationale qu’ils ne cessent d’affirmer. Entre 2001 et 2012, le nombre d’attentats et de victimes croît de manière spectaculaire, en raison notamment des attentats perpétrés par les fondamentalistes talibans.
Leur mouvement se répand en Afghanistan et au Pakistan dès 1994. Deux ans plus tard, ils ren- versent le gouvernement en place lors de la prise de Kaboul. Ils instaurent le régime de l’Émirat islamique d’Afghanistan, avec à sa tête Mohammad Omar. Pendant les années qui suivent, les talibans persécutent les minorités, instaurent un régime fondé sur l’application stricte de la charia et accueillent de nombreux djihadistes recherchés, dont le chef d’al-Qaida, Oussama Ben Laden. En quelques années, l’Afghanistan devient un foyer pour des extrémistes islamiques du monde entier.
Après les attentats du 11-Septembre, les talibans sont chassés du pouvoir par une coalition interna- tionale menée par les Américains. À partir de ce moment, on observe une hausse exponentielle du nombre d’attentats et du nombre de victimes, notamment parmi les forces internationales ou les membres du gouvernement afghan. On passe de 4 attentats et 153 morts dans le pays en 2001 à 829 attentats et 2.604 morts en 2012. Au total, entre 2001 et 2012, 2.536 attaques ont lieu sur le sol afghan, faisant au moins 8.054 morts. Cela représente 30,7% du total des attentats islamistes répertoriés dans le monde entre 2001 et 2012. Les talibans sont responsables de la plupart (95,2%) de ces attentats.
Cibles des talibans en Afghanistan (2001-2012)
Les attentats islamistes en Afghanistan (2001-2012)
Source :
Selon une enquête, réalisée par la Fondation pour l’innovation politique et la Fondation pour la mémoire de la Shoah, parmi dix-sept événements proposés, la moitié des jeunes interrogés (47 %) citent les attentats du 11 septembre 2001 comme l’un des trois événements les plus marquants (voir Mémoires à venir, Fondation pour l’innovation politique-Fondation pour la mémoire de la Shoah, janvier 2015, fondapol.org/etude/ memoires-a-venir-une-enquete-presentee-par-dominique-reynie/).
Au Pakistan, on assiste également à la montée de groupuscules multipliant les actes terroristes entre 2001 et 2012, avec 1.009 attentats et 4 997 morts. Très présents sur ce territoire, les talibans s’organisent à partir de 2007 sous le nom Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) ; ils sont responsables de près des trois quarts (71,2%) des violences terroristes sur cette période (2001-2012). D’autres groupes islamistes sont également actifs, tels que Lashkar-e-Jhangvi (56 attentats, 386 morts) ou Lashkar-e-Islam (64 attentats, 115 morts). En 2007, deux attaques terroristes menées par al-Qaida et ses alliés marquent le pay- sage politique du pays : le 18 octobre, une attaque contre une foule rassemblée pour accueillir l’ancienne Première ministre Benazir Bhutto, de retour d’exil, cause la mort de 141 personnes et en blesse 250.Le 27 décembre, elle est à son tour assassinée, victime d’un attentat-suicide qui fait 20 morts et plus d’une centaine de blessés.
Les attentats islamistes au Pakistan (2001-2012)
Entre 2001 et 2012, l’Iraq est le troisième pays le plus touché par le terrorisme islamiste, avec 914 attentats. Particulièrement violents, ces attentats provoquent la mort de 8534 personnes, avec en moyenne 9,3 tués par action terroriste. À titre de comparaison, dans le monde, durant la même période un attentat tue en moyenne 4,6 personnes. La lutte contre l’ingérence étrangère est présentée comme un motif de violence par les islamistes. Dès le 19 août 2003, l’attentat à la voiture piégée contre le Canal Hotel, quartier général de l’ONU à Bagdad, fait 22 morts. L’année 2004 voit une série d’actes terroristes cibler les pays membres de la coalition internationale présents en Iraq, avec 9 attentats contre des patrouilles, des checkpoints ou des bases militaires de la Multi-National Force-Iraq (MNF-I).
On enregistre également à cette époque le développement de la prise d’otages dans le répertoire des actions terroristes : alors que l’on n’enregistre aucune prise d’otage ou enlèvement en 2001, 2002 et 2003, on en compte 27 en 2004, visant largement des civils de pays militairement déployés en Iraq (5 Américains, 4 Japonais, 3 Sud-Coréens, 1 Bulgare, 1 Canadien, 1 Italien). Parmi les pays belligérants, les États-Unis sont très touchés : entre 2001 et 2012, en Iraq, 34 attentats ciblent les Américains, dont 15 pendant l’année 2004.
Groupes terroristes les plus meurtriers en Iraq (2001-2012)
En % du nombre des victimes des attentats commis en Iraq au cours de la période
Globalisation des attentats islamistes
Entre 2001 et 2012, une propagation des attentats islamistes est observable dans plusieurs zones géographiques du monde. Par rapport à la période précédente (1979-2000), on note une forte augmentation du nombre d’attaques terroristes, avec 8.264 atten- tats (contre 2 190 au total entre 1979 et 2000) et 38.186 morts (contre 6.818 au total entre 1979 et 2000). Cette hausse spectaculaire s’explique en partie par la globalisation du djihad, facilitée par l’accéléra- tion de la circulation des personnes et des idées.
Les attentats islamistes dans le monde (2001-2012)
Gilles Kepel, Sortir du Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient, Gallimard, 2018, p. 147.
Voir David Martin Jones, Michael Smith et Mark Weeding, « Looking for the Pattern: Al Qaeda in Southeast Asia- The Genealogy of a Terror Network », Studies in Conflict & Terrorism, 26, n° 6, novembre 2003, p. 443-457.
Voir Gabriel Facal, « Les groupes islamistes radicaux en Asie du Sud-Est–Panoramas institutionnels, réseaux d’affiliation et références », Note d’actualité n° 10/16, Observatoire de l’Asie du Sud-Est, cycle 2018-2019, eu, juillet 2018
À partir de 2004, l’Europe se retrouve confrontée à une vague d’attentats d’une nouvelle ampleur. Le 11 mars, à Madrid, quatre trains explosent presque simultanément. Revendiquées par al-Qaida, ces attaques font 191 morts. Le 7 juillet 2005, quatre explosions touchent les transports publics de Londres, faisant 56 morts et 784 blessés. Si al-Qaida revendique ces attentats, les terroristes, contrairement à ceux du 11-Septembre, sont natifs du Royaume-Uni. Gilles Kepel y voit une mutation de la mise en œuvre des attentats islamistes, qui s’appuient désormais «sur une ressource humaine propre au pays occidental visé2».
De plus, nombre de mouvements islamistes intensifient leurs collaborations interrégionales, comme en Asie. Les attaques du 11-Septembre sur le sol américain revendiquées par al-Qaida puis l’intervention en Afghanistan des troupes américaines achèvent le rapprochement du mouvement de Oussama Ben Laden et de la nébuleuse de groupes sud asiatiques3 dont on peut citer pour exemples Abu Sayyaf aux Philippines et Jemaah Islamiyah (JI) en Indonésie. Toute la difficulté est d’examiner, dans chaque contexte, la façon dont les personnes et les groupes violents combinent les éléments locaux, régionaux et globaux au sein des référents, des objectifs et des modes opératoires qu’ils mobilisent et mettent en œuvre. Apparaissent alors des tendances oscillant entre l’ethno-nationalisme sans lien avec le djihad global et un référent religieux transnational4. La situation en Thaïlande à cette époque relève de cette dynamique. À partir de 2004, dans le cadre d’une insurrection séparatiste, le sud du pays où vit une minorité musulmane est traversé par un activisme violent. Les deux principaux groupes terroristes, le Runda Kumpalan Kecil (RKK) et l’Organisation unifiée de libération de Patani (PULO), s’organisent alors autour d’un discours djihadiste. Pour un certain nombre d’attaques survenant à ce moment-là, le caractère islamiste se retrouve parfois entremêlé à des revendications ethno-nationalistes. Notre base de données offre au lecteur la possibilité de conserver ou non ces événements dans la comptabilisation des attentats islamistes. Selon notre estimation retenue, entre 2001 et 2012, nous recensons en Thaïlande 111 attentats et 91 morts. D’après l’estimation possible, nous dénombrons 146 attentats et 121 morts sur la même période. Dans ce dernier cas, nous prenons également en compte des actes terroristes imputés à des séparatistes musulmans extrémistes.
Jusque-là relativement épargnée, l’Afrique sub-saharienne devient lors de la seconde moitié des années 2000 une cible du terrorisme islamiste. La création et l’expansion du groupe Al Shabaab en Somalie en 2006, auparavant bras armé de l’Union des tribunaux islamiques (UTI), sont décisives. Poursuivant un objectif de renversement du gouvernement somalien afin d’instaurer un régime fondé sur la charia, Al Shabaab cultive dès ses débuts des liens étroits avec al-Qaida, s’inscrivant ainsi dans le mouvement djihadiste global5. L’activité du groupe dépasse les frontières de la Somalie, où le groupe commet 459 attentats et tue 1.396 personnes, pour atteindre le Kenya, qu’il attaque à 97 reprises (126 morts), et l’Éthiopie, avec deux attentats, dont celui, dévastateur (100 morts), le 2 novembre 2007 contre des soldats éthiopiens dans un hôtel à Dolo.
L’essor du terrorisme islamiste s’explique enfin par le développement des ramifications d’al-Qaida, tels que al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) ou encore al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Nombre d’attentats par province en Thaïlande (2001-2012)
Ces différentes branches développent une capacité à frapper fort à l’étranger, comme le montrent les trois attaques successives du 9 novembre 2005 d’al-Qaida en Iraq, dans l’hôtel Grand Hyatt d’Amman, qui causent la mort d’au moins 61 personnes, ou encore celle du 28 novembre 2005 au Paradise Hotel de Mombasa, au Kenya, tuant 16 personnes.
Les ramifications d’al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) et d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI)
Jusque-là relativement épargnée, l’Afrique sub-saharienne devient lors de la seconde moitié des années 2000 une cible du terrorisme islamiste. La création et l’expansion du groupe Al Shabaab en Somalie en 2006, auparavant bras armé de l’Union des tribunaux islamiques (UTI), sont décisives. Poursuivant un objectif de renversement du gouvernement somalien afin d’instaurer un régime fondé sur la charia, Al Shabaab cultive dès ses débuts des liens étroits avec al-Qaida, s’inscrivant ainsi dans le mouvement djihadiste global5. L’activité du groupe dépasse les frontières de la Somalie, où le groupe commet 459 attentats et tue 1 396 personnes, pour atteindre le Kenya, qu’il attaque à 97 reprises (126 morts), et l’Éthiopie, avec deux attentats, dont celui, dévastateur (100 morts), le 2 novembre 2007 contre des soldats éthiopiens dans un hôtel à Dolo.
Cibles de Al-Shabaab en Somalie (2001-2012)
Types d’armes utilisées dans les attentats islamistes (2001-2012)
L’Afrique subsaharienne subit également les premiers actes de violence de Boko Haram, que l’on enregistre dès 2009 au Nigeria. L’ampleur considérable de ses attaques entre 2010 et 2012 (566 attentats, 1.655 morts) préfigure le pouvoir de destruction qui sera le sien au cours de la décennie suivante.
La migration des terroristes vers les médias sociaux
David Thomson, Les Français jihadistes, Paris, Les Arènes, 2014, « les jeunes qui découvrent les hadiths sur Internet sont complètement sourds à tous ceux qui, à la mosquée, peuvent essayer d’expliquer que le sens des prophéties s’inscrit dans un contexte : pour eux, qui sont venus aux textes sacrés seuls ou avec la propagande djihadiste, l’interprétation historique ou figurée est une “innovation”, c’est-à-dire la pire des choses puisqu’elle dénature et biaise le sens qu’ils pensent être original ».
Evan Kohlmann, cité in Gabriel Weimann, « Terrorist Migration to Social Media », Georgetown Journal of International Affairs, vol. 16, n° 1, 2015, p. 181
Internet joue évidemment un rôle clé dans la globalisation du terrorisme islamiste. Il se révèle être un outil redoutable de propagande et de recrutement6. L’apparition des réseaux sociaux permet aux groupes islamistes d’interagir de façon efficace et souvent anonymement, de partager des documents et des informations, mais également d’établir une communauté d’individus reliés entre eux. Selon Evan Kohlmann, «90% des activités terroristes sur Internet ont aujourd’hui lieu sur les réseaux sociaux. Ces forums servent de pare-feu virtuel pour protéger l’identité des utilisateurs et leur offrent une chance d’entrer directement en contact avec des représentants du terrorisme [trad.]7». Enfin, le cyber-terrorisme est aussi une modalité d’attaque pour les groupuscules islamistes qui démultiplient ainsi leurs capacités d’action.
L’irruption de l’État islamique et de Boko Haram (2013-2019)
Hakim El Karoui, La Fabrique de l’islamisme, Institut Montaigne, septembre 2018, p.85
Le 17 décembre 2010, l’immolation du jeune vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, dans la région de Sidi Bouzid, en Tunisie, conduit à l’embrasement des Printemps arabes. Après avoir un temps suscité l’espoir d’une démocratisation, ces événements débouchent, dans la première moitié des années 2010, sur des victoires électorales de partis proches des Frères musulmans. S’ils échouent parfois à conserver le pouvoir, ils sont «portés par des sociétés de plus en plus conservatrices, sous l’effet également de la progression d’un salafisme importé d’Arabie saoudite1».
Dans ce nouveau contexte, le djihadisme se développe régionalement, s’appuyant notamment sur la proclamation par l’organisation État islamique (EI) du califat, à Mossoul, en 2014. C’est durant cette période que le terrorisme est le plus meurtrier. On enregistre une augmentation sans précédent du nombre d’attentats dans le monde. La montée en puissance de l’EI et de Boko Haram est facilitée par des contextes géopolitiques chaotiques qui offrent aux terroristes de nombreuses opportunités d’expansion.
L’État islamique et l’«administration de la sauvagerie»
- Expression reprise de « L’administration de la sauvagerie : l’étape la plus critique que traversera l’oumma », texte
en arabe publié sur Internet en 2004 et écrit sous le nom de Abou Bakr Naji, pseudonyme de Mohamed Hassan Khalil al-Hakim, alias Abu Jihad al-Masri, un cadre d’al-Qaida. Ce texte a vocation à servir de guide spirituel à de nombreux extrémistes. Il explique la stratégie à mettre en place pour établir un califat islamique. Selon certains commentateurs, le manifeste compte
« 103 pages de discours de haine, contre le juif, contre le chrétien, contre l’apostat, contre la démocratie et ses valeurs. À tel point que certains ont qualifié ce brûlot de Mein Kampf du petit djihadiste. L’intérêt de ce livre est qu’il nous met, dès le titre, devant le paradoxe du djihadisme, qui d’un côté prône le déchaînement de la sauvagerie, l’installation de la loi de la jungle, avec l’appel à la destruction de l’ordre ancien, et en même temps théorise la gestion de cette sauvagerie et son “administration” » (Abderrazak Sayadi et Alberto Fabio Ambrosio, «Terrorisme : anatomie du “Mein Kampf” djihadiste», contrepoints.org, 27 mars 2018.
Voir Mathieu Guidère, Atlas du terrorisme D’Al-Qaida à Daech, Autrement, 2017.
Par exemple, les tentatives d’attentat à Villejuif, le 19 avril 2015, et dans le train Thalys, le 21 août 2015.
Voir Anne-Aël Durand, William Audureau, Maxime Vaudano, Madjid Zerrouky et Gary Dagorn, « Les attentats de l’État islamique ont fait plus de 2 500 morts en deux ans », lemonde.fr, 17 juin 2016
C’est pendant la guerre civile irakienne, entre 2003 et 2011, que le groupe État islamique émerge puis s’installe. L’organisation est créée en 2006 et, par trois fois, son changement de nom accompagne son expansion en dehors de son berceau irakien : elle se nomme d’abord État islamique en Iraq (EII, 2006-2013), puis État islamique en Iraq et au Levant (EIIL, 2013-2014) et, enfin, État islamique (EI, à partir de 2014).
Théorisée dans les années 2000, la stratégie de l’EI est de favoriser le chaos, l’«administration de la sauvagerie2», et de globaliser le djihad. Son objectif est de cultiver la religion dans l’esprit des masses, de faire de l’islam l’unique ordre politique et social, et de former les jeunes afin d’instituer une société militarisée. L’EI agit selon plusieurs modalités. Le groupe terroriste peut inciter des individus à agir seul. Ce sont les «loups solitaires». Popularisée dans les années 1990, cette expression a été reprise par l’EI à travers différentes publications. Un loup solitaire se radicalise à distance, planifie un attentat et agit de son côté, sans être affilié à un groupe terroriste en particulier, même s’il peut revendiquer l’attentat au nom de l’EI3. Notons que les attentats qui échouent ne sont généralement pas revendiqués par l’État islamique4. A contrario, la «maison mère» irako-syrienne revendique la plupart du temps directement l’attentat lorsqu’il est très meurtrier5. On pense par exemple à l’attaque du musée du Bardo, en Tunisie, le 18 mars 2015, ou aux attentats du 13 novembre 2015 en France, revendiqués dès le lendemain par l’EI.
Au fil de sa montée en puissance, l’EI étend son champ de bataille. Selon notre recensement, c’est à partir de 2013 que l’organisation a multiplié les actes terroristes. Pour cette année-là, nous recensons près de trente et une fois plus d’attentats commis par l’EI par rapport à l’année précédente (374 attentats en 2013, 12 en 2012).
Les attentats islamistes dans le monde (2011-2017)
À noter que Boko Haram n’est pas pris en compte ici, bien que ce groupe ait prêté allégeance à l’EI en mars 2015. Nous consacrons à ce groupe terroriste la section suivante afin de souligner sa singularité. Néanmoins, en ajoutant les actes terroristes de Boko Haram commis depuis mars 2015 au nombre d’attentats perpétrés par l’EI et ses différentes branches depuis sa création en 2006, nous obtenons le chiffre de 10.833 attentats ayant provoqué la mort de 74 895 personnes.
Suite à la proclamation du «califat», en juin 2014, une multitude de groupuscules islamistes rejoignent la bannière de l’EI. Cette stratégie d’élargissement permet à l’organisation de s’établir à travers l’Afrique et le Moyen-Orient en s’appuyant sur l’ancrage de groupes djihadistes locaux. En 2016, l’EI assassine 13.746 personnes. Il s’agit de l’année la plus meurtrière enregistrée sur l’ensemble de la période 1979-2019. Le nombre de victimes de l’EI a été multiplié par neuf en trois ans (1.458 morts en 2013, 13.746 morts en 2016). Le graphique de la page 31 permet de se rendre compte de l’évolution du nombre d’attentats commis par les différentes branches de l’organisation État islamique depuis sa création jusqu’en 2017.
Les territoires les plus touchés sont les lieux où l’EI s’est historiquement implanté, à savoir l’Iraq et la Syrie. Les guerres qui frappent ces États ont facilité son développement en lui permettant de conquérir plusieurs villes et provinces, et de mettre en place un ordre totalitaire animé par l’objectif de rétablir un «califat abbasside». C’est en Iraq que les terroristes de l’EI sont les plus destructeurs : ils y ont commis 5.350 attentats, provoquant la mort de 34.158 personnes. Cela signifie que sur les 41.544 personnes mortes en Iraq du fait du terrorisme islamiste depuis 1979, 82,2% ont été victimes de l’État islamique entre 2006 et 2019.
En Syrie, les attentats de l’État islamique ont été très meurtriers puisque les 746 attaques ont coûté la vie à 8.923 personnes ; en moyenne, dans le pays, l’EI provoque la mort de 12 personnes à chacun de ses attentats. Certains pays voisins subissent l’intrusion de l’EI, par ses ramifications, notamment à partir de 2014. Là encore, ces immixtions sont facilitées par des contextes de déstabilisation qui, à leur tour, favorisent l’emprise de l’organisation terroriste sur ces territoires que l’EI regarde comme ses «nouvelles provinces» : la Libye (550 attentats, 1.172 morts), l’Égypte (498 attentats, 1.888 morts), le Yémen (103 attentats, 947 morts), mais aussi l’Afghanistan (351 attentats, 2.695 morts) et le Pakistan (118 attentats, 743 morts).
Cibles de l’organisation État islamique en Iraq (2013-2019)
À l’exception de l’Amérique du Sud, les pays des autres continents sont visés par l’EI dans des attentats sur leur territoire aussi bien que contre leurs ressortissants à l’étranger. Plusieurs pays de l’Union européenne sont durement touchés, et la France, avec 19 attentats et 157 morts causés par l’EI, est le pays de l’Union européenne le plus meurtri.
Les attentats perpétrés par l’organisation État islamique en Europe (2013-2019)
La région du lac Tchad à l’épreuve du terrorisme de masse de Boko Haram
En langue haoussa boko haram peut être traduit par «l’éducation occidentale est un péché». Le mouvement Boko Haram a été fondé par le prédicateur nigérian Mohamed Yusuf en 2002, à Maiduguri, capitale de l’État de Borno, au Nigeria. Secte islamiste devenue mouvement de lutte armée en 2009, l’organisation prône un islam salafiste djihadiste hostile à toute influence occidentale. Son objectif est de créer un califat, régi par la charia, tout comme l’EI, auquel il prête allégeance en mars 2015 en se faisant désigner par le nom d’État islamique en Afrique de l’Ouest.
Le groupe amplifie son activisme terroriste à partir de 2009, en menant une insurrection pour la création d’un califat au Nigeria. En 2013, le président nigérian Goodluck Jonathan proclame l’État d’urgence et l’armée nigériane lance une offensive dans l’ensemble du pays. Malgré cela, Boko Haram prend le contrôle de nouvelles régions, notamment de l’État de Borno, où se concentrent 65% de ses attaques (1.461 sur les 2.248 attentats de Boko Haram au Nigeria). À partir de 2014, le théâtre d’opération du groupuscule islamiste s’étend dans les pays fron- taliers du lac Tchad, au nord du Cameroun, au Niger et au Tchad.
Les attentats islamistes perpétrés par Boko Haram (2009-2019)
Les attentats islamistes perpétrés par Boko Haram (2009-2019)
Entre 2009 et 2019, Boko Haram a été responsable de 2.649 attentats. Le bilan humain (22.287 morts) est particulièrement cruel. Un nombre important de réfugiés ont fui leur ville, voire leur pays. Des femmes et des enfants ont même été kidnappés afin de servir l’organisation terroriste, comme ce fut le cas en avril 2014 de 276 lycéennes enlevées à Chibok (Nigeria).
La quasi-totalité des victimes ont été des civils, notamment dans les écoles où l’enseignement est jugé trop occidental : entre 2009 et 2019, 88 institutions scolaires ont souffert de ces attaques terroristes. Les militaires qui luttent contre Boko Haram sont également des cibles ; de même les villageois qui tentent de se défendre en créant une milice d’autodéfense, et qui sont le plus souvent massacrés. S’agissant de son mode opératoire, on relève que Boko Haram recourt massivement à l’attentat-suicide.
Cibles de Boko Haram (2009-2019)
Le 23 mars 2019, grâce aux forces arabo-kurdes soutenues par les États-Unis, l’EI est défait. La fin du califat autoproclamé est officielle avec la prise du dernier territoire syrien tenu par l’organisation djihadiste. Mais, privé de son bastion irako-syrien, l’EI ne perd pas toute sa capacité de nuisance et décentralise son activisme vers ses filiales. À partir des données que nous avons recensées, nous comptabilisons 834 attentats (4.811 morts) émanant de l’EI entre 2018 et fin août 2019 (1.062 attentats et 6.690 morts en incluant Boko Haram). Cette liste est possiblement incomplète, mais ces chiffres illustrent néanmoins la persistance de l’action terroriste de l’EI. En témoignent les attentats meurtriers du 21 avril 2019 au Sri Lanka pendant le dimanche de Pâques, ainsi que, le même jour, les attaques contre trois policiers en Arabie saoudite.
Types d’armes utilisées par Boko Haram (2009-2019)
L’attentat-suicide, le «martyr» et la terreur
Voir Alain Louyot, « Les “petits martyrs” de la guerre Iran-Irak », lexpress.fr, 27 septembre 2001
C’est d’abord lors du conflit Iran-Iraq (1980-1988) que l’on parle des «attaques-suicides». Il s’agit d’une tactique de guerre. Le 30 octobre 1980, Mohammad Hossein Fahmideh, un chiite fanatique âgé de 13 ans, se donne la mort en se jetant, grenade à la main, sous un tank. Au total, ce sont plusieurs milliers d’enfants iraniens âgés de moins de 16 ans qui se précipiteront sur les champs de mines afin de provoquer leur explosion et permettre aux troupes de passer pour aller combattre au nom de la république islamique de Khomeyni6. C’est ensuite dans le cadre de la guerre du Liban que sont perpétrés les premiers «attentats-suicides». À Beyrouth, le 23 octobre 1983, deux attentats-suicides orchestrés par le Hezbollah ciblent les contingents américain et français de la Force multinationale de sécurité. Le premier entraîne la mort de 241 soldats américains, le second de 58 personnes, dont des parachutistes français et la famille libanaise d’un gardien d’immeuble.
Au total, 19 attentats-suicides seront commis entre 1979 et 2000. Ils représentent 0,9 % des 2 190 actes de violence islamiste dans le monde.
Les attentats-suicides demandent peu de moyens, produisent des dégâts considérables et sont susceptibles d’avoir une répercussion médiatique maximale. En effet, le récit de l’action en est profondément modifié. Ce n’est plus exactement un attentat perpétré par un terroriste susceptible de ne courir aucun risque lui-même ou d’avoir la vie sauve ; ils’agit d’un «martyr» qui accepte et conduit son propre «sacrifice» pour une cause. Son impact est encore augmenté par l’utilisation du nouvel ordre médiatique qui permet au «martyr» de mettre en scène sa mort en se filmant à l’aide de son smart-phone connecté au Web.
Les attentats-suicides islamistes dans le monde (1979-2000)
Voir Daniel Pipes, « The [Suicide] Jihad Menace », The Jerusalem Post, 27 juillet 2001
Voir Robert Pape, « The Strategic Logic of Suicide Terrorism », The American Political Science Review, vol. 97, no 3, août 2003, p. 343-361, ou Scott Atran, « The Moral Logic and Growth of Suicide Terrorism », The Washington Quarterly, vol. 29, no 2, printemps 2006, p. 127-147
Voir Ehud Sprinzak, « Rational Fanatics », Foreign Policy, no 120, septembre-octobre 2000, 66-73.
Entre 2001 et 2012, le recours aux attentats-suicides a fortement progressé (679), pour représenter alors 8,2% de l’ensemble des attentats islamiques (8.264). Le récit du martyr djihadiste est soigneusement élaboré et entretenu par les islamistes radicaux ; leurs efforts portent sur la valorisation religieuse du geste terroriste. Le « terroriste » doit se considérer comme un shahid (martyr). Ainsi, pour ces hommes et ces femmes qui, le plus souvent n’ont pas 30 ans, l’acte de tuer en se donnant la mort n’est plus perçu comme un suicide – considéré comme un péché –, mais il est supposé, au contraire, témoigner d’une grande piété dans la mesure où il nuit à des non-musulmans7.
Si, dans l’opinion publique occidentale, l’auteur d’un attentat-suicide est plus souvent associé à l’idée d’un fanatique, d’une personne misérable ou psychologiquement déséquilibrée, un certain nombre d’études semblent contraster ce portrait en soulignant le niveau socio-culturel relativement élevé d’une majorité des terroristes morts dans des attentats-suicides8. C’est le cas, par exemple, au sein du Hamas et du Mouvement du Jihad islamique palestinien, dont les terroristes recourant à l’attentat-suicide sont généralement identifiés comme des individus diplômés du supérieur et issus des classes moyennes9.
Sur la période 2013-2019, on a identifié 1.820 attentats-suicides, soit 7,8% des 23.315 attentats islamistes. Parmi les attentats menés par l’organisation État islamique et par Boko Haram, l’attentat-suicide est fréquemment utilisé. Il témoigne de la culture de
Les attentats-suicides islamistes dans le monde
Les attentats-suicides islamistes dans le monde (1979-2019)
Une donnée complémentaire : l’estimation des attentats en 2018 et en 2019
par l’extrapolation des tendances
Pour 2018 et pour la période janvier-août 2019, le recensement des attentats islamistes dans le monde est encore à préciser, à compléter et à consolider. Nous nous sommes efforcés de renseigner l’année 2018 et les mois de janvier à août 2019. Pour 2018, nous recensons 1.606 attentats et 8.715 morts. Pour 2019, nous recensons 826 attentats et 4.953 morts. Nous pensons néanmoins que ces chiffres sous-estiment sensiblement ce qu’il en est vraiment.
À ce stade de notre travail, pour mieux approcher cette réalité qui nous échappe en partie, nous proposons de recourir à une méthode simple d’extrapolation des résultats en prenant appui sur l’agrégation de nos données dans la mesure où l’importance du volume leur confère une valeur de signification.
Première extrapolation. À partir de notre base consolidée pour la période 2013-2017, nous calculons deux moyennes annuelles, celle du nombre d’attentats islamistes (4.177) et celle du nombre de morts (21.685) dus aux attentats islamistes, que nous affectons ensuite aux années 2018 et 2019.
Cependant, nos données concernent des réalités politiques qui dépendent fortement d’un contexte historique par définition susceptible de changer, parfois brusquement. C’est ce dont témoignent la montée en puissance fulgurante de l’organisation État islamique à partir de 2013 et l’intensification de son activisme terroriste jusqu’à sa chute présumée, en 2017. Notre première extrapolation reposant sur cette période, elle en appelle au moins une autre. Nous ferons ici l’hypothèse d’une époque «post-EI» de la violence islamiste.
Seconde extrapolation. À partir de notre base de données pour la période 2001-2017, nous calculons deux moyennes annuelles, celle du nombre d’attentats islamistes (1.715) et celle du nombre de morts (8.624) dus aux attentats islamistes, que nous affectons ensuite aux années 2018 et 2019
Les territoires du terrorisme islamiste (1979-2019)
La globalisation du terrorisme islamiste peut désigner la visibilité planétaire que le numérique assure à leurs attentats, mais elle peut aussi désigner une réalité géographique : peu ou prou, toutes les régions du monde ont été frappées. Bien sûr, les dégâts provoqués varient considérablement selon les parties du monde. Sur le nombre d’attentats répertoriés depuis 1979, la quasi-totalité (94,7%, soit 31.963 attentats) ont eu lieu dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, de l’Asie du Sud et de l’Afrique subsaharienne. En ce qui concerne les 167.096 morts, une proportion considérable (95,6%, soit 159.723 morts) a aussi été recensée dans ces trois régions. Indéniablement, l’Occident est moins touché. Cependant, l’Europe et les États-Unis ont dû faire face à une menace croissante et changeante, avec des attentats particulièrement sanglants, comme aux États-Unis en 2001, en Espagne en 2004, au Royaume-Uni en 2005, en France en 2015 et 2016. Autant de drames qui sont toujours très présents dans la mémoire collective.
Les pays les plus touchés (1979-2019)
Sur la période étudiée, 81 pays ont été touchés par au moins un attentat islamiste. Parmi ces pays, 19 sont des pays européens (20 en comptant la Russie), dont 15 sont membres de l’Union européenne. Dans l’ensemble, 23 pays sont dotés d’un régime démocratique. On observe aussi que les pays les plus affectés par des attentats islamistes ces quarante dernières années sont ceux qui ont connu des périodes de guerre : l’Afghanistan, l’Iraq, le Liban, la Libye, la Turquie, la Somalie, la Syrie… La plupart des 81 pays victimes de la violence islamiste sont des pays pauvres.
Enfin, il faut noter que l’immense majorité (89,2%) des attentats islamistes ont été commis dans des pays musulmans. Par voie de conséquence, la plupart des morts provoquées par des attentats islamistes (91,2%) sont aussi enregistrées dans des pays musulmans. Ces chiffres sous-estiment la réalité puisqu’ils ne prennent pas en compte les attentats islamistes perpétrés dans des pays à majorité non musulmane où des populations musulmanes sont concentrées dans certaines provinces. La plupart des vies perdues sont donc celles de musulmans.
En conclusion, les principaux enseignements de notre étude
Entre 1979 et 2019, nous avons recensé 33.769 attentats islamistes dans le monde, qui ont provoqué la mort d’au moins 167.096 personnes.
- 1979-2000 : 2.190 attentats et 6.818 morts
- 2001-2012 : 8.264 attentats et 38.186 morts
- 2013-2019 : 23.315 attentats et 122.092
Pour 2018 et pour la période janvier-août 2019, le recensement est toujours à préciser et à compléter. Pour 2018, nous avons recensé 1.606 attentats et 8.715 morts ; pour 2019, 826 attentats et 4.953 morts. Nous donnons dans l’introduction quelques-unes des raisons pour lesquelles ces chiffres sous-estiment la réalité. Avec un exercice d’extrapolation, ce qu’autorise précisément le volume de données recueillies, nous pouvons renseigner les années 2018 et 2019 par la moyenne annuelle 2001-2017 du nombre d’attentats (1.715) et du nombre de morts (8.624). On obtient alors 34.766 attentats islamistes dans le monde entre 1979 et 2019 et 170.676 morts.
Les attentats islamistes ont représenté 18,8% des attentats commis dans le monde entre 1979 et 2019.
- 1979-2000 : 3,5% (2.190 attentats islamistes sur 61.746 attentats).
- 2001-2012 : 19,8% (8.264 attentats islamistes sur 41.650 attentats).
- 2013-2019 : 29,9% (24.312 attentats islamistes sur 81.337 attentats).
Pour cette séquence chronologique, concernant les années 2018 et 2019, nous avons utilisé l’extrapolation présentée.
Entre 1979 et 2019, les attentats (islamistes et autres) dans le monde ont tué au moins 436.170 personnes. Sur la même période, les attentats islamistes sont responsables de 39,1% des morts sur l’ensemble des attentats. Mais l’islamisme est devenu la cause majoritaire des morts par terrorisme à partir de 2013.
- 1979-2000 : 5% (6.818 morts sur 137.690).
- 2001-2012 : 38,1% (38.186 morts sur 100.129).
- 2013 et 2019 : 63,4% (125.672 morts sur 198.351).
Pour cette séquence chronologique, concernant les années 2018 et 2019, nous avons utilisé l’extrapolation présentée.
En moyenne, un attentat islamiste a causé la mort de 4,9 personnes. Le nombre de morts par attentat tend à augmenter.
- 1979-2000 : un attentat a tué en moyenne 3,1 personnes.
- 2001-2012 : un attentat a tué en moyenne 4,6 personnes.
- 2013-2019 : un attentat a tué 5,2 personnes.
On recense 2.518 attentats-suicides sur l’ensemble de la période, soit 7,5% des attentats islamistes.
- 1979-2000 : 19 attentats-suicides (0,9% des attentats).
- 2001-2012 : 679 attentats-suicides (8,2% des attentats).
- 2013-2019 : 1.820 attentats-suicides (7,8% des attentats).
Parmi les principales organisations terroristes présentes dans la base de données, celle qui a eu le plus souvent recours aux attentats-suicides est Boko Haram : 16,5% de ses attentats ont été des attentats-suicides.
La moitié (51,2%) des attentats islamistes ont été provoqués par des explosifs. Il s’agit du type d’arme le plus utilisé (17.303 attentats), suivi par les armes à feu (10.501 attentats), les armes incendiaires (810 attentats) et les armes de contact, comme les couteaux ou les machettes (785 attentats).
- 1979-2000 : armes à feu (910), explosifs (853), armes de contact (124), armes incendiaires (68).
- 2001-2012 : explosifs (4.515), armes à feu (2.572), armes incendiaires (234), armes de contact (198).
- 2013-2019 : explosifs (11.935), armes à feu (7.019), armes de contact (463), armes incendiaires (508).
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne ont concentré 94,7% des attentats islamistes entre 1979 et 2019.
- Moyen-Orient et Afrique du Nord : 40,1% des attentats, 44,3% des morts.
- Asie du Sud : 34,5% des attentats, 30% des morts.
- Afrique subsaharienne : 20,1% des attentats, 21,4 % des morts.
- Asie du Sud-Est : 4,3% des attentats, 1,4% des morts
- Europe : 0,7% des attentats, 0,9% des morts
- Amérique du Nord : 0,2% des attentats, 1,9% des morts.
- Océanie : 0,03% des attentats, 0,01% des morts.
- Amérique du Sud : 0,01% des attentats, 0,1% des morts
L’Afghanistan a été le pays le plus touché par le terrorisme islamiste, devant l’Iraq et la Somalie.
Les pays les plus touchés sont l’Afghanistan (8.460 attentats), l’Iraq (6.265 attentats), la Somalie (3.134 attentats), le Nigeria (2.260 attentats), le Pakistan (2.184 attentats), l’Algérie (1.390 attentats), la Syrie (1.340 attentats), le Yémen (1.185 attentats), les Philippines (1.037 attentats), l’Égypte (977 atten- tats), l’Inde (816 attentats), et la Libye (699 attentats).
Dans ces douze pays, on enregistre 149.136 morts provoquées par les attentats islamistes, ce qui repré- sente 89,3% du total des morts recensées dans le monde.
La France a été le pays le plus touché de toute l’Union européenne, avec 71 attentats islamistes commis sur son sol entre 1979 et 2019. Ces attentats ont fait au moins 317 morts.
- 1979-2000 : 21 attentats, 37 morts.
- 2001-2012 : 8 attentats, 8 morts.
- 2013-2019 : 42 attentats, 272 morts (compte tenu de l’enquête en cours, nous avons choisi de ne pas prendre en compte l’attentat qui s’est déroulé le 3 octobre 2019 à la préfecture de police de Paris).
L’affrontement indirect en Afghanistan des puissances américaine et soviétique est l’une des causes majeures de la violence islamiste du xxie siècle.
Les États-Unis et la Russie ont été aussi frappés par le terrorisme djihadiste. Au cours de la période 1979- 2019, nous avons recensé aux États-Unis 48 attentats et 3.114 morts et, en Russie, 71 attentats respon- sables de la mort de 809 personnes.
Les civils sont la cible principale (28,5%) des terroristes islamistes, devant les militaires (24,5%) et les forces de police (18,3%).
- 1979-2000 : civils (424 attentats, 19,4%), militaires (343 attentats, 15,7%), forces de police (407 attentats, 18,6%).
- 2001-2012 : civils (2 168 attentats, 26,2%), militaires (1.411 attentats, 17,1%), forces de police (1.427 attentats, 17,3%).
- 2013-2019 : civils (7.042 attentats, 30,2%), militaires (6 520 attentats, 28 %), forces de police (4.353 attentats, 18,7%).
La plupart (89,1%) des attentats islamistes ont été commis dans des pays musulmans*. De même, la très grande majorité des morts provoquées par des attentats islamistes (91,2%) ont été enregistrées dans des pays musulmans.
- Nombre d’attentats islamistes commis dans des pays musulmans : 30.105 attentats (89,1% des attentats islamistes dans le monde).
- Nombre de morts provoquées par les attentats islamistes dans des pays musulmans : 152.353 morts (91,2% des morts provoquées par les attentats islamistes dans le monde).
Notons que ces chiffres sous-estiment la réalité puisqu’ils ne prennent pas en compte les attentats islamistes perpétrés dans des pays à majorité non musulmane où des populations musulmanes sont concentrées dans certaines provinces. C’est, par exemple, le cas du sud de la Thaïlande où les musulmans sont majoritaires dans les provinces de Satun, Yala, Pattani et Narathiwat, mais aussi aux Philippines, dans la région de Mindanao; en Inde, dans la province de Jammu-et-Cachemire ; ou encore en Chine, dans la région autonome ouïgour du Xinjiang.
*Pays musulmans : Afghanistan, Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Bangladesh, Burkina Faso, Cisjordanie et bande de Gaza1, Djibouti, Égypte, Émirats arabes unis, Indonésie, Iran, Iraq, Jordanie, Kazakhstan, Kirghizistan, Koweït, Liban, Libye, Malaisie, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigeria, Ouzbékistan, Pakistan, Qatar, Somalie, Soudan, Syrie, Tadjikistan, Tchad, Tunisie, Turkménistan, Turquie, Yémen.
Sur l’ensemble de la période étudiée, l’organisation la plus meurtrière a été l’État islamique (EI), en incluant ses différentes branches. Ses actions terroristes ont provoqué la mort de 52.619 personnes.
Les organisations terroristes les plus meurtrières, en prenant en compte leurs différentes ramifications, ont été le groupe État islamique (52.619 morts), les talibans (39.733 morts), Boko Haram (22.287 morts) et al-Qaida (14.680 morts). Ces quatre groupes terroristes ont été responsables de plus des trois quarts (77,4%) des victimes d’attentats islamistes entre 1979 et 2019.
Entre 1979 et 2019, les organisations terroristes sunnites sont responsables de 89,4% des actes terroristes islamistes et de 93% des morts provoquées par les attentats islamistes.
Depuis 1979, les organisations terroristes sunnites sont responsables de 89,4% des actes terroristes islamistes, tandis que 2% sont imputables aux groupes chiites. Les 8,9% restant sont le fait d’organisations dont l’affiliation n’est pas renseignée. Nos données montrent aussi que plus de la moitié (55,4%) des attentats islamistes sont le fait d’orga- nisations sunnites se revendiquant de l’idéologie salafiste djihadiste.