Les déchets nucléaires : une approche globale (2)
Les solutions pour maîtriser le risque effectifLes solutions pour maîtriser le risque effectif pour les générations présentes et futures
Les solutions de recyclage/confinement/entreposage-stockage mises en œuvre aujourd’hui
Le stockage géologique en France et dans le monde
Les perspectives de progrès technologique pour une utilisation durable des ressources en uranium et la séparation-transmutation des déchets
Résumé
Les solutions pour maîtriser le risque des déchets radioactifs reposent sur deux principes : réduire les quantités à la source et empêcher les radionucléides d’arriver jusqu’à l’être humain et de se répandre dans l’environnement. C’est à leur sortie du réacteur, pendant les premières décennies qui suivent, que les déchets nucléaires sont les plus dangereux, c’est-à-dire émettent plus de rayonnement et de chaleur. Les solutions de protection contre ces rayonnements passent par des moyens simples : interposer entre ces produits et l’être humain de l’eau, du béton ou du plomb. Diverses solutions, selon les différentes catégories de déchets, sont actuellement mises en œuvre en France sous le contrôle de l’ASN. Elles permettent de protéger efficacement les populations et l’environnement à un horizon de deux ou trois siècles.
Une très petite partie de ces déchets nécessite de mettre en place des solutions à très long terme pour préserver les générations futures. Les travaux de recherche scientifique très importants menés ces dernières décennies en France comme à l’échelle internationale permettent de disposer aujourd’hui de solutions adaptées au long terme, qui combinent entreposage de longue durée, transmutation et stockage géologique (projet Cigéo en France). Le stockage géologique est considéré par la communauté internationale comme la solution de référence.
Jean-Paul Bouttes,
Ingénieur et économiste. Il a été directeur de la stratégie et de la prospective ainsi que chef économiste à EDF. Il a également été membre du comité des études du Conseil mondial de l’énergie et professeur chargé de cours en sciences économiques à l’École polytechnique.
ancien directeur de la Stratégie et de la Prospective et chef économiste à EDF, ancien professeur chargé de cours en sciences économiques à l’École polytechnique.
Les déchets nucléaires : une approche globale (1)
Les déchets nucléaires : une approche globale (3)
Les déchets nucléaires : une approche globale (4)
Glossaire, principaux acronymes, sigles et symboles utilisés dans l'étude - Les déchets nucléaires : une approche globale
Énergie nucléaire : la nouvelle donne internationale
Relocaliser en décarbonant grâce à l'énergie nucléaire
L’avenir de l’hydroélectricité
Good COP21, Bad COP21 (1) : le Kant européen et le Machiavel chinois
Good COP21, Bad COP21 (2) : une réflexion à contre-courant
Énergie-climat : pour une politique efficace
Transition énergétique européenne : bonnes intentions et mauvais calculs
Politique énergétique française (1) : les enjeux
Politique énergétique française (2) : les stratégies
Une civilisation électrique (1) un siècle de transformations
Une civilisation électrique (2) vers le réenchantement
Les solutions pour maîtriser le risque effectif pour les générations présentes et futures
Enseignements principaux de la partie III
(concernant les déchets les plus radioactifs et à vie longue) :
Données de base et gestion de ces déchets à quelques décennies et siècles
Les déchets à haute activité et à vie longue sont issus directement des combustibles usés après leur « combustion » dans le cœur des réacteurs nucléaires. Si l’on utilise le nucléaire en « cycle ouvert » (c’est le cas aux États-Unis ou en Finlande), c’est-à-dire sans chercher à recycler les matières énergétiques qui n’ont pas été utilisées lors de cette première « combustion » (le plutonium et l’uranium résiduel, soit 95% du combustible initial), ces déchets sont simplement les combustibles usés. Si l’on utilise le nucléaire en cycle fermé (comme c’est l’objectif en France), en séparant les matières réutilisables (plutonium et uranium) des « cendres » de cette première combustion (produits de fission et actinides mineurs), ces déchets sont alors essentiellement les déchets HA qui regroupent dans des matrices de verre ces produits de fission et actinides mineurs. Il s’agit dans les deux cas de très faibles quantités : 50t/an pour les déchets HA, soit 1g/hab./an (et 1.000t/an pour les combustibles usés en cycle ouvert soit 20g/hab./an). Ces déchets sont plus dangereux, c’est-à-dire qu’ils émettent plus de rayonnements et de chaleur, à leur sortie du réacteur et les premières décennies qui suivent. La décroissance radioactive très forte des trois premiers siècles diminue beaucoup les risques d’irradiation externe à cet horizon. Se protéger contre ces rayonnements les premières décennies et les premiers siècles passe par des moyens simples : il suffit d’interposer de l’eau, du béton, du plomb entre ces produits et l’homme ou l’environnement. C’est d’autant plus aisé qu’il s’agit de très faibles volumes, tracés et contrôlés avec rigueur et précision grâce à des instruments de mesure (compteur Geiger) et sous le contrôle de l’ASN. Les études internationales et européennes (JRC, Extern’E) montrent que cette gestion des déchets est efficace et que les impacts sanitaires sont pratiquement inexistants grâce à l’utilisation de matrices, de colis et de conteneurs, et d’entreposages en piscine ou à sec qui sont autant de barrières de protection.
Déchets à vie longue et protection des générations futures lointaines
Même si la décroissance radioactive continue à diminuer la dangerosité de ces déchets à très long terme, leur très grande concentration (contrepartie de leurs faibles volumes) nécessite des précautions à quelques dizaines ou centaines de milliers d’années, de moins en moins contre l’irradiation externe mais plutôt pour empêcher des traces de ces produits de se retrouver dans la chaîne alimentaire des habitants vivant à proximité. L’entreposage de longue durée peut remplir cette fonction mais il exige une surveillance et une maintenance siècle après siècle : ces coûts, faibles à l’échelle du siècle, cumulés ainsi à très long terme peuvent devenir prohibitifs, et, surtout, on ne peut exclure à ces horizons lointains des sociétés moins prospères que la nôtre ayant perdu les capacités de poursuivre cette gestion active des déchets.
Ces considérations ont amené à explorer ces quarante dernières années deux voies alternatives pour protéger les générations futures lointaines, grâce à des programmes de recherche structurés en France (surtout depuis la loi Bataille de 1991) et dans le monde (AIEA, OCDE, Union européenne) :
– le stockage géologique : dans des géologies stables, il protège les colis de déchets contre les agressions externes et empêche les radionucléides de migrer vers les nappes phréatiques et la surface. L’argile, le granite et le sel sont des candidats sérieux, très abondants dans la croûte terrestre à des profondeurs comprises entre 300 et 1.000m. Il fallait cependant démontrer et vérifier ces propriétés sur des sites réels, via des forages et la construction de laboratoires souterrains (Suède, Finlande, France, Belgique, Suisse, Allemagne, Russie, Chine, Japon…). Les travaux effectués en France sur le site de Meuse/Haute-Marne de l’Andra ont permis de montrer la capacité de ce site à retenir totalement les radionucléides jusqu’au million d’années, durée au terme de laquelle seules quelques traces de radioactivité inférieure à un millième de la radioactivité naturelle pourraient être détectées à proximité des exutoires. Compte tenu des très faibles volumes en cause, la place nécessaire en profondeur n’est pas un enjeu technique significatif, tout en prenant la précaution de bien espacer les colis dans la roche pour que la chaleur dégagée en début de période par ces déchets ne diminue pas les propriétés de confinement de cette roche. Le potentiel en France, comme dans d’autres pays, n’est donc pas sur le plan technique une contrainte à un déploiement significatif du nucléaire à plusieurs siècles ;
– la transmutation : il s’agit de transformer certains déchets à vie longue en déchets à vie courte, ou mieux encore en produits stables (non radioactifs) grâce à la mise au point et à l’utilisation de réacteurs à neutrons rapides (RNR). Si les recherches poursuivies de façon active ces trois dernières décennies en France ont permis d’obtenir des résultats positifs concernant la séparation des différents radionucléides, la transmutation des produits de fission vie longue n’est en revanche pour le moment pas accessible, sachant qu’ils seraient les seuls à être retrouvés à l’état de traces au bout d’un million d’années à l’exutoire du stockage. La transmutation des actinides mineurs a été obtenue en laboratoire, mais le passage à l’étape industrielle ne pourrait transformer qu’une partie des actinides et poserait en l’état des problèmes délicats de radioprotection et de sûreté. Elle suppose de toute façon en préalable la maîtrise de la filière neutrons rapides et la capacité à d’abord recycler et transmuter le plutonium (utile en premier lieu pour bénéficier de son potentiel énergétique). À un horizon raisonnable, on ne pourra transmuter au mieux qu’une partie des déchets à vie longue. La transmutation est donc une voie complémentaire qui permettrait de réduire les quantités de déchets. Elle n’apporte pas de contribution significative sur le plan sanitaire pour les générations futures si l’on met en œuvre des stockages géologiques avec les propriétés de confinement que l’on a obtenues ces dernières décennies sur l’argile de Cigéo ; en revanche, elle pourrait être utile si l’on choisissait l’entreposage de longue durée.
Les solutions de recyclage/confinement/entreposage-stockage mises en œuvre aujourd’hui
Les réacteurs demandent en particulier davantage en termes de confinement (épaisseur de béton, d’acier, etc.) et de systèmes de pilotage de la réaction en chaîne et de refroidissement du cœur, systèmes et confinement comme on a su les concevoir et mettre en œuvre tout au long de ces dernières décennies en France.
Voir les études récentes de l’IRSN sur le tritium, ainsi que Louis Patarin (dir.), Le Cycle du combustible nucléaire, EDP Sciences, 2002, p. 154-155.
Voir Louis Patarin (dir.), op. cit.
« La gestion des déchets radioactifs », asn.fr, s.d.
Voir « Inventaire national des matières et déchets radioactifs », inventaire.andra.fr.
Entreposage en piscine sur site pendant 1 à 3 ans, puis une quinzaine d’années en piscine à La Hague.
Voir Louis Patarin (dir.), op.cit., p. 153.
Andra, « Le centre de stockage de l’Aube », mai 2014, p. 10.
Commission européenne, « Technical assessment of nuclear energy with respect to the ‘do no significant harm’ criteria of Regulation (EU) 2020/852 (‘Taxonomy Regulation’) », European Atomic Energy Community, 2021, p. 171.
Le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation-UNSCEAR) estime que la dose effective pour des populations vivant à proximité d’une centrale nucléaire (1 km) est de l’ordre de 0,02 mSv/an.
Commission européenne, ibid., p. 167.
Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite « loi Bataille », du nom de son rapporteur Christian Bataille, ainsi que les différentes mises à jour.
Sur ces sujets, voir les exemples de StocaMine en France (stockage conçu pour accueillir les déchets industriels les plus toxiques dans une ancienne mine de potasse), les incidents survenus dans d’anciennes mines de sel ou de potasse en Allemagne (Asse…) et dans le stockage de WIPP aux États-Unis (déchets MA-VL militaires).
Les verres (déchets HA) ne seraient mis en stockage géologique qu’après un siècle environ d’entreposage préalable pour faire décroître la charge thermique.
« Loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs », Journal officiel, 29 juin 2006.
Voir Andra, « Dossier 2005 Argile », juin 2005.
a) Plusieurs facteurs expliquent l’élaboration rapide de solutions permettant de minimiser les risques effectifs liés aux déchets lors du déploiement du nucléaire civil (1970-1980)
Dès l’entre-deux-guerres, face au développement des premières applications de la radioactivité dans le monde médical et industriel, une communauté de scientifiques, parmi lesquels des médecins et des biologistes, a contribué de façon décisive à la réflexion et a mené des recherches sur l’impact des rayonnements ionisants. Une commission – qui a pris en 1950 le nom de Commission internationale de la protection radiologique (CIPR) – fut mise en place dès 1928 pour proposer, dans les années 1930 puis surtout à partir des années 1950-1960, des recommandations concernant la protection des travailleurs et des populations, propositions reprises ensuite par plusieurs États. La première étape des réacteurs de recherche et des premières centrales de la génération 1 des années 1950-1960 aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni structurera la communauté scientifique internationale dans le domaine du nucléaire civil, qui va très vite se préoccuper de la gestion des déchets nucléaires afin de limiter leurs impacts sanitaires à court comme à long terme. Dès cette époque, les grandes pistes de recherche qui seront explorées dans les deux ou trois décennies suivantes sont identifiées : confinement en entreposage de longue durée, en stockage géologique sous les continents (préconisé par l’Académie des sciences américaine dès 1957) ou dans les couches sédimentaires stables (loin des failles) des océans profonds, ou bien dilution dans les océans pour les déchets les moins dangereux. La voie de la diminution des quantités en amont est aussi d’emblée présente via l’intérêt pour le recyclage du plutonium et de l’uranium 238 et les neutrons rapides car, dès les débuts, dans les années 1945-1950, on anticipe une contrainte sur les ressources en uranium 235 fissile en cas de développement significatif du nucléaire. Le premier RNR de recherche sodium-potassium est réalisé aux États-Unis en 1951, l’Experimental Breeder Reactor I (EBR-I).
Dans les années 1970-1980, la mise en œuvre de ces solutions de gestion des déchets est accélérée par la concomitance du déploiement des grands programmes nucléaires de génération 2 (utilisant pour l’essentiel les centrales à eau légère et à neutrons thermiques) et l’émergence des préoccupations environnementales. En effet, les côtés négatifs de l’essor industriel des Trente Glorieuses apparaissent alors : accumulation sans précaution de volumes importants de déchets industriels – par exemple Love Canal dans les années 1970, un canal désaffecté entre New York et les Grands Lacs utilisé comme décharge non contrôlée pour se débarrasser de déchets industriels –, pics de pollutions dangereuses pour la santé (smog de Londres, en 1952) et accidents industriels d’ampleur (marée noire du pétrolier Torrey Canyon, en 1967), dont certains frappent l’opinion et révèlent les dangers liés à la dispersion non contrôlée des matières dangereuses.
b) Les solutions pour réduire les différents types de dangers potentiels des déchets à des risques effectifs négligeables pour l’homme et les écosystèmes
La recherche de solutions s’est orientée logiquement dans deux directions : réduire le danger potentiel à la source et empêcher les radionucléides d’arriver jusqu’à l’homme.
Réduire le danger potentiel à la source passe par la réduction des quantités de déchets. Des progrès importants ont été réalisés et sont encore possibles concernant les déchets technologiques des centrales ou les volumes de certains effluents du cycle du combustible. Le recyclage des combustibles usés dans un « cycle fermé » est également intéressant de ce point de vue, car cette technique permet de diminuer le volume de déchets HA, qui sont les plus dangereux, grâce à l’utilisation du plutonium et sa destruction in fine.
Les techniques actuelles pour empêcher les rayonnements de parvenir jusqu’à l’homme soit par irradiation externe (rayonnements β et γ), soit par contamination interne (via notamment les chaînes alimentaires, en particulier pour les radionucléides émettant des rayonnements α), se déclinent en deux temps : immobilisation dans des matrices-colis adaptés et confinement dans des entreposages adaptés eux aussi au type de déchets. Ces solutions sont simples à mettre en œuvre par comparaison avec celles nécessaires dans une centrale nucléaire en fonctionnement1 : décroissance rapide les premiers siècles des β et des γ les plus irradiants, pas de pression, niveau thermique limité même pour les déchets HA (2,5 kW par colis puis décroissance assez rapide en quelques décennies). Restent ensuite dans les déchets HA surtout des α (non pénétrants) liés aux actinides peu mobiles. C’est encore plus simple pour les déchets FMA-VC qui n’ont pratiquement pas de rayons α et de produits de fission vie longue, mais essentiellement des β-γ vie courte en concentration très faible par rapport à ceux des HA et revenant à des niveaux comparables à la radioactivité naturelle au bout de 300 ans.
La voie de dilution et de dispersion, en particulier dans les océans, a été abandonnée au début des années 1980 compte tenu de l’incertitude quant à l’impact sur les écosystèmes et l’être humain de possibles reconcentrations liées par exemple aux chaînes trophiques. Elle ne subsiste que pour les rejets qui ne présentent pas de danger, sous contrôle des autorités de sûreté nucléaire dans le cadre de la réglementation existante. C’est le cas, par exemple, pour des quantités réglementées de krypton 85 émetteur β de période courte de 11 ans, gaz rare et inerte chimiquement (il ne se reconcentre donc pas dans la chaîne alimentaire et possède un temps de séjour dans l’organisme très court), ou pour le tritium, de période radioactive courte, également de 12 ans, faiblement toxique car avec des β de faible énergie et de période biologique très courte (de 10 à 40 jours)2.
Les résidus miniers résultant de l’extraction de l’uranium naturel et laissés sur place font l’objet de solutions spécifiques. On garantit leur confinement durable grâce à une couverture résistant à l’érosion pour limiter la sortie du radon (cancérogène pulmonaire avéré) et l’infiltration de la pluie, et on met en place une surveillance des éventuelles voies de transfert à l’homme de l’uranium et de ses descendants3.
La gestion des déchets nucléaires s’appuie sur la capacité à mesurer finement la radioactivité et à tracer et contrôler (par spectrométrie) les radionucléides, à rassembler dans les colis ou à séparer et distinguer. Les quantités de déchets, déjà très faibles au départ, peuvent encore être réduites par le recyclage, y compris des radionucléides provenant des combustibles usés comme le plutonium, mais sous réserve de poursuivre la mise au point et le déploiement de technologies comme les RNR. Le petit nombre de sources de déchets et d’acteurs concernés constitue également un avantage pour favoriser le suivi de procédures sécurisées strictes, en comparaison avec le nombre de sources et d’acteurs pour les déchets industriels et ménagers.
Une caractéristique importante des déchets nucléaires réside dans la décroissance de leur dangerosité au fil du temps. On peut situer un tournant au bout d’une période de 300 ans : à cet horizon de temps, les β-γ des produits de fission vie courte les plus actifs en matière de rayonnement ont fortement décru et donc, avec eux, l’essentiel du danger d’irradiation externe ; les α des actinides peu pénétrants et peu mobiles ou solubles dominent globalement (même si subsiste une possibilité faible d’irradiation externe à ne pas négliger, en particulier liée au freinage des β des produits de fission vie longue comme le technétium 99 à l’origine de rayons X). Le danger principal est alors lié à l’ingestion ou à l’inhalation de ces α (ainsi que, dans une bien moindre mesure, à l’ingestion des β énergétiques des produits de fission vie longue, moins radiotoxiques mais plus solubles et mobiles que les actinides). Les déchets FMA-VC, eux, ont alors atteint un niveau de radioactivité semblable à la radioactivité naturelle et ne présentent plus de danger.
L’entreposage de surface répond bien aux besoins pour les produits en sortie du réacteur et pour les premières décennies (voir l’exemple de la France), mais sur la longue durée il est pertinent d’envisager le stockage géologique comme solution « pérenne passive » pour les déchets à vie longue (et activité significative liée principalement à leur concentration). La comparaison entre entreposage de longue durée et stockage géologique doit prendre en compte plusieurs critères pour comparer les avantages de chaque mode de gestion des déchets en très longue période (jusqu’au million d’années) : les coûts récurrents d’entretien et de renouvellement de l’entreposage de longue durée sur longue période (qui dépendent du taux d’actualisation retenu) par rapport au coût d’un investissement (stockage géologique) pesant sur les générations présentes, l’efficacité par rapport aux actes éventuels de malveillance, et enfin, pour l’entreposage de longue durée, les risques sanitaires en cas de société future fragilisée et n’ayant plus le niveau de compétences scientifiques et techniques requis pour ne pas laisser ces entreposages à l’abandon.
c) L’exemple de la France pour la gestion des déchets à l’horizon des 300 premières années
La France s’est dotée progressivement d’un cadre lui assurant un niveau particulièrement précis et exhaustif d’information et de traçabilité des déchets nucléaires. Cette organisation s’est structurée en particulier autour :
– du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), initié par l’ASN en 2003 et formalisé dans la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Publié pour la première fois en mai 2007, mis à jour tous les trois ans sous l’égide du gouvernement et de l’ASN, ce plan « dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et des déchets radioactifs, recense les besoins prévisibles d’installations d’entreposage ou de stockage, et précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d’entreposage4 » ;
– de l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs réalisé et publié périodiquement par l’Andra, et qui fournit chaque année une vision des quantités de matières et déchets radioactifs présents sur le territoire français, ainsi que tous les trois ans des « inventaires prospectifs » qui fournissent des estimations des matières et déchets selon plusieurs scénarios contrastés liés au devenir des installations nucléaires et à la politique énergétique de la France à long terme5.
La France a fait le choix depuis plusieurs décennies d’aller vers la fermeture du cycle nucléaire par étapes. Actuellement, les combustibles usés sont retraités quelques années après la sortie du réacteur6 pour séparer, d’un côté, les produits de fission et les actinides mineurs qui seront immobilisés dans les colis de verre des déchets HA, et, de l’autre, l’uranium et le plutonium. Ce dernier est recyclé dans des réacteurs à eau légère en utilisant les combustibles MOX avec 8% de plutonium et 92% d’uranium appauvri issu de l’enrichissement de l’uranium naturel réalisé à Tricastin. C’est donc environ 120t/an de combustibles MOX qui sont utilisées dans une vingtaine de réacteurs 900 MW à eau légère du parc actuel. Ce monorecyclage dans les REP contribue ainsi à 12 ou 13% de l’électricité nucléaire annuelle et économise d’autant les besoins en uranium du pays.
Les combustibles MOX usés issus de ce monorecyclage sont entreposés en piscine sur le site de La Hague pour y refroidir. Ils attendent ainsi pendant quelques décennies avant d’être à leur tour retraités pour être recyclés dans les futurs RNR, seuls capables d’aller au bout de ce processus de recyclage du plutonium et de l’ensemble de ses isotopes, tout en permettant d’utiliser l’uranium appauvri (donc l’uranium 238) en mode isogénérateur ou surgénérateur dans les prochains siècles. Ceci suppose de poursuivre activement le travail de recherche et d’innovation pour finaliser la mise au point, et ensuite de déployer industriellement cette filière ainsi que les outils nécessaires : retraitement des MOX, transport des combustibles RNR sécurisés, fabrication des combustibles RNR. La maîtrise de la séparation de l’ensemble plutonium-uranium des produits de fission et des actinides, puis du seul plutonium, à La Hague (procédé Purex), la fabrication du combustible MOX à l’usine Melox, près de Marcoule, et la mise au point de la matrice de verre pour les déchets HA représentent un ensemble unique d’innovations techniques, de maîtrise industrielle et de compétences humaines. Si une partie des déchets MA-VL sont communs au cycle fermé et au cycle ouvert (les déchets liés aux produits d’activation des internes de la cuve, par exemple), une part significative est liée au retraitement des combustibles à La Hague (effluents du processus de séparation, coques et embouts des assemblages combustibles cisaillés par le retraitement…).
Les solutions de confinement et de recyclage des déchets HA, conceptuellement simples, passent donc cependant par des innovations techniques et organisationnelles importantes. Si c’est clairement le cas pour les déchets HA, cela l’est aussi, dans une moindre mesure, pour les déchets MA-VL et FMA-VC : mise au point de matrices de bitumes ou de béton, compactage des coques et des embouts pour en limiter les volumes, diminution significative de la radioactivité sous forme liquide ou gazeuse par EDF (division par 10 entre 1990 et 1998) et l’usine de La Hague (division par plus de 50 entre 1984 et 1998)7, activité de l’usine d’incinération et de fusion des déchets métalliques (Centraco) qui permet de réduire les volumes avant cimentation des déchets FMA-VC, etc.
Après ce travail de séparation des différentes catégories de déchets, de réduction des quantités, de mise en matrices, en colis et en conteneurs adaptés, le processus de gestion et de confinement des déchets se termine par le choix d’entreposages et de stockages adaptés :
– les déchets TFA : le site de stockage de surface qui leur est dédié, le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires), se trouve à Morvilliers, dans l’Aube ; la radioactivité de ces déchets est proche du niveau de la radioactivité naturelle et leur volume est largement lié au démantèlement des installations nucléaires ;
– les déchets FMA-VC sont stockés au Centre de stockage de l’Aube (CSA), à Soulaines-Dhuys. Mis en service en 1992, il a pris le relais du Centre de stockage de la Manche. C’est une installation nucléaire de base (INB) exploitée par l’Andra sous le contrôle de l’ASN. Ce centre est autorisé à accueillir 1 million de mètres cubes de colis de déchets, sur une superficie totale de 95ha, dont 30 sont réservés au stockage de déchets radioactifs FMA-VC. À fin 2016, cette capacité totale de stockage autorisée était utilisée à environ 32%. Il s’agit d’un stockage de surface, la dose annuelle de radioactivité devant être aussi limitée que possible et ne pouvant dépasser 1mSv pour la population. À la fin de son exploitation, le CSA continuera d’être surveillé pendant au moins 300 ans, jusqu’à ce que sa sûreté ne nécessite plus aucune intervention humaine car la radioactivité des déchets aura rejoint le niveau de la radioactivité naturelle. La sécurité actuelle du site est bien confirmée par les contrôles effectués : selon l’Andra, « l’impact radiologique du CSA pour l’année 2012 est évalué à 0,00097 microsievert (μSv), soit plus de 100.000 fois inférieur à la limite réglementaire et donc à l’impact moyen de la radioactivité naturelle en France8 » ;
– les déchets FA-VL sont aujourd’hui entreposés, en attente de solutions de stockage en subsurface ou en profondeur. Leurs quantités sont limitées et, surtout, liées aux réacteurs historiques de première génération (filière des réacteurs nucléaires à l’uranium naturel graphite gaz-UNGG) ;
– les déchets MA-VL et HA sont entreposés en attendant une solution de stockage pérenne à très long terme. L’essentiel des déchets HA, les plus radioactifs, sont entreposés à La Hague, dans des puits ventilés par convection naturelle ou forcée pour évacuer leur chaleur résiduelle, sous une épaisseur de béton suffisante pour assurer la protection contre les rayonnements γ prégnants surtout au cours des premières décennies. Là aussi, l’exposition des travailleurs et des populations vivant à proximité est contrôlée étroitement par l’ASN et reste négligeable. Cet entreposage est prévu pour durer quelques décennies et pourrait être renouvelé si nécessaire en fonction de la stratégie retenue pour la gestion à long terme de ces déchets.
Le résultat de ce travail de recherche et de mise en œuvre d’innovations pour limiter les impacts sur la santé des rayonnements ionisants de la filière nucléaire civile, en particulier de la partie déchets de la chaîne d’activité, est particulièrement satisfaisant à l’échelle française comme internationale. Une étude importante menée en 2020 sous l’égide de l’Union européenne indique ainsi que l’impact moyen de la filière électrique nucléaire sur l’ensemble de la population est de 0,0002 mSv/an9. Ces chiffres sont environ 10.000 fois plus faibles que la radioactivité naturelle10. Cette étude réalise la synthèse des travaux sur le sujet et conclut sur « l’absence d’impact significatif sur la santé ou l’environnement », vérifiant ainsi le respect du critère fondamental « Do No Significant Harm » (DNSH) : « In the light of the above analysis it can be concluded that activities related to the storage & the disposal of technological & radioactive waste, as well as spent nuclear fuel do not pose significant harm to human health or to the environment11. »
d) Des solutions pour le très long terme (au-delà de 300 ans) pour les déchets HA et MA-VL, et l’intérêt du stockage géologique : la démarche retenue par la France
Trois axes de recherche déterminés dans les années 1980 :
entreposage de surface de longue durée, stockage géologique, transmutation
À un horizon de quelques décennies ou quelques siècles, nous disposons donc de solutions sûres pour tous les types de déchets en entreposage ou en stockage de surface ou subsurface. Ces solutions à cet horizon sont suffisantes pour la plus grande part (en volume), mais pas pour les combustibles usés (cycle ouvert) ou les déchets HA (cycle fermé), avec leurs déchets MA-VL associés, car ces derniers ont une activité significative au-delà de deux ou trois siècles et jusqu’à quelques centaines de milliers ou millions d’années. Ces horizons interrogent la capacité des sociétés futures lointaines à maintenir et à renouveler les entreposages de surface de longue durée. Il pourrait d’ailleurs être « collectivement » plus économique d’investir une fois pour toutes dans une solution pérenne et à sécurité passive comme le stockage géologique. Parallèlement à cette réflexion sur les avantages comparés de l’entreposage de longue durée et du stockage géologique, une troisième voie de solutions consiste à explorer les innovations techniques permettant à un horizon pas trop éloigné de transformer certains de ces déchets à vie longue en déchets à vie courte, ou mieux encore en éléments stables, et si possible en les utilisant pour produire de l’énergie (séparation-transmutation).
Ces trois voies – entreposage en surface (ou subsurface) de longue durée, stockage géologique et transmutation – ont été identifiées au cours des années 1980 dans les différents pays engagés dans des programmes nucléaires. En France, la loi de 199112 structurera le travail de recherche pour quinze ans dans ces trois directions en le mettant sous le pilotage du politique et du législateur (avec l’appui scientifique de la Commission nationale d’évaluation).
Les démarches engagées dans le contexte de la loi de 1991
Il s’agit d’abord de prendre en compte la forte dimension politique du débat sur la gestion des déchets nucléaires dans ses deux volets :
– local : avec les questions légitimes des populations vivant à proximité sur les impacts à court et moyen termes de l’implantation d’un site de stockage géologique (sûreté pendant les décennies d’exploitation, effets sur l’image du territoire…) ;
– national : ces décisions engagent notre responsabilité vis-à-vis des générations futures lointaines et dépendent donc aussi de nos positions sur les évolutions possibles de notre société, les perspectives de progrès et le rôle de la science, l’avenir et la place du nucléaire dans le mix énergétique.
Il s’agit aussi de prendre le temps de réduire les incertitudes scientifiques et techniques et de passer du « concept-papier » à l’expérimentation sur le terrain et « à l’échelle », puis à la préparation de la mise en œuvre industrielle. Quelles sont les perspectives réalistes de transmutation, à quels horizons, et quels sont les produits à vie longue susceptibles d’être transformés à l’échelle industrielle ? Concernant le stockage géologique, il faut d’abord écouter les inquiétudes des riverains potentiels, issues pour une part des incidents et des accidents survenus dans certains stockages de déchets industriels ou nucléaires, surtout dans d’anciennes mines (sel, potasse…), et également tenir compte des interrogations des citoyens sur le degré de confiance à accorder au discours scientifique sur l’efficacité de la barrière géologique à des horizons aussi éloignés que le million d’années.
L’analyse des incidents qui ont pu avoir lieu montre qu’ils surviennent en phase d’exploitation lorsque le stockage n’est pas encore fermé, du fait de colis contenant des produits dont la proximité peut provoquer des incendies ou des explosions (manque de rigueur dans la traçabilité et le contrôle, colis et matrices non adaptés aux produits…). Ce risque est renforcé si l’exploitation entraîne la présence d’initiateurs d’incendie ou d’explosion (sources électriques, systèmes de ventilation) qui peuvent entrer en relation avec les déchets dont on n’a pas fermé les alvéoles pour les isoler. En outre, l’installation d’un stockage dans une ancienne mine implique de nombreuses ouvertures, et donc des fragilités du confinement face à la circulation de l’eau pouvant attaquer les colis et disperser certains produits toxiques (en fonction du cycle de l’eau). Si, en plus, la récupérabilité n’a pas été prévue dans cette phase de fonctionnement, la gestion d’incidents initialement peu dangereux peut devenir délicate.
Les leçons qui en sont tirées sont simples mais importantes13 :
– disposer d’un cadre réglementaire solide ainsi que d’une autorité de contrôle et d’exploitants compétents ;
– mettre en place des contrôles et une traçabilité des produits et colis (voir notamment les inventaires Andra et le PNGMDR évoqués plus haut) ;
– vérifier la robustesse des matrices et des enveloppes de colis tant que les alvéoles et les galeries ne sont pas fermées et scellées de façon étanche ;
– perturber le moins possible la géologie en évitant d’utiliser d’anciennes mines, en limitant les intrusions et les forages inutiles dans la roche, et en fermant les ouvertures (alvéoles, galeries) aussi vite que possible ;
– prévoir la récupérabilité des colis tant que les alvéoles sont ouvertes, mais à nouveau en veillant à les refermer dans un délai le plus court possible pour les protéger des agressions externes.
Dernier point clé travaillé pendant cette période (à partir de 1991) : rendre plus robustes des raisonnements sur des échelles de temps inédites, à savoir des centaines de milliers d’années ou le million d’années, concernant le confinement géologique. Cela suppose :
– d’expliciter et d’articuler les différentes temporalités : le temps des civilisations (des siècles aux millénaires), le temps de l’évolution de la fine couche biochimique à la surface de la terre et celui de son climat avec le cycle à la fois des glaciations et déglaciations (horizons de 50.000 ou 100.000 ans) et de l’érosion des sols liée au cycle de l’eau (qui affectent le sous-sol sur 100 ou 200m), le temps de l’évolution de l’espèce humaine à l’échelle de quelques centaines de milliers d’années (Homo sapiens apparaît il y a 200.000 ou 300.000 ans), le temps de la décroissance radioactive de la plupart des radionucléides à vie longue qui atteignent de faibles niveaux d’activité en quelques centaines de milliers ou quelques millions d’années, et le temps propre à l’histoire des couches géologiques à distance des zones de fracture liées à la tectonique des plaques et stables à l’échelle de plusieurs centaines de millions d’années (comme celles de l’argile du callovo-oxfordien) ;
– de conforter ces études par des expériences in situ ou en laboratoire portant sur les propriétés spécifiques de la roche sur un site donné afin, par exemple, de vérifier la faible circulation de l’eau, qui est l’ennemi numéro 1, et de pouvoir tester également la vitesse de migration des différents produits, tout cela en sollicitant toutes les disciplines concernées (géotechnique, hydraulique, chimie, biologie, simulations numériques…), en mettant en place un travail de recherche scientifique et technique multidisciplinaire.
Pour mener à bien toutes ces recherches concernant les trois axes de stockage, une gouvernance spécifique a été mise en place en 1991 sous l’égide du parlement avec la contribution de l’OPECST. Les préoccupations des territoires sont inscrites au cœur de la problématique (voir par exemple le rôle des commissions locales d’information ou des comités locaux d’information et de suivi). L’ASN, avec son support technique (l’IRSN), joue un rôle central concernant le respect des normes de sûreté et de radioprotection. Tous les organismes publics concernés – CNRS, BRGM, CEA, IRSN, Andra, Orano, EDF – contribuent à un travail scientifique et technique multidisciplinaire, avec un pilotage scientifique également multidisciplinaire et indépendant assuré par la CNE.
Le débat sur la réversibilité
La réversibilité est apparue au cœur des débats sur la gestion des déchets nucléaires à partir des années 1980 et il est utile de bien discerner à ce stade les différentes significations possibles de ce terme :
– il traduit d’abord l’idée qu’il n’y a pas nécessairement d’urgence dans les choix futurs à faire concernant les modalités de gestion des déchets nucléaires à vie longue. En effet, ces déchets sont actuellement gérés en sûreté dans des entreposages temporaires sans contrainte de temps à court ou moyen terme. On peut donc ouvrir les options, le temps de réduire les incertitudes par la recherche, pour instruire et informer les décisions à prendre in fine (vision cohérente avec le principe de précaution tel qu’introduit dans la Charte de l’environnement), le temps aussi de conduire la concertation essentielle avec les parties prenantes (c’est le diagnostic initial de 1990-1991 qui a conduit aux travaux de recherche des quinze années suivantes) ;
– il a également un sens plus concret de récupérabilité des colis, en particulier en cas de problème, pour une gestion efficace des incidents tant que le stockage est en exploitation et les alvéoles ouvertes ;
– il traduit aussi le fait que le processus engagé est bien un « processus par étapes » dans lequel le politique entend garder la main sur les décisions structurantes (choix du site, décision d’engagement de la construction, date de stockage des déchets nucléaires, date de fermeture du stockage…). Ces décisions pourront être ainsi fonction des évolutions possibles de la stratégie nucléaire et de l’inventaire des déchets à stocker associés (arrêt ou non du nucléaire, cycle fermé avec les RNR ou cycle ouvert). Cette dimension actée en 1991 demeure pertinente dans la durée ;
– le dernier sens donné à cette notion est intimement lié au conflit possible entre deux finalités (ou valeurs) : la « protection passive » des générations futures lointaines versus la « liberté de choix » laissée à ces générations concernant la solution de gestion de ces déchets. L’entreposage de longue durée (associé à la transmission d’un corpus de savoirs sur les diverses solutions) correspond bien à l’option « liberté de choix », le stockage géologique fermé (après diminution des quantités de déchets) correspond bien à l’option « protection passive ».
La réversibilité, dans ses deux premiers sens, qui concernent les générations présentes, est amenée à s’effacer progressivement au fil des prises de décisions qui fermeront les options possibles, lorsque par exemple sera lancée la construction d’un stockage ou enclenchée sa fermeture. En ce qui concerne la dernière signification de la réversibilité, le maintien éventuel d’une réversibilité pour laisser la liberté de choisir les solutions, pérennes ou non, aux générations futures, il faut d’abord rappeler, à la suite des avis successifs de l’ASN (depuis 2006), que le scellement des alvéoles (une fois remplies)14 puis la fermeture du stockage (lui aussi une fois rempli) sont nécessaires pour assurer l’efficacité du confinement. Dit peut-être un peu brutalement, un stockage géologique ouvert n’est pas autre chose qu’un entreposage de longue durée à quelques centaines de mètres sous terre. Et, à part quelques situations spécifiques, la protection offerte aux générations futures lointaines n’est pas meilleure que celle de l’entreposage de longue durée. On peut même se demander si cela n’introduit pas des fragilités supplémentaires par la plus grande complexité du design. Rappelons aussi que, pour autant, l’irréversibilité comme la réversibilité d’un stockage géologique seront toujours relatives : même un stockage complètement fermé demeure accessible aux techniques de forage et aux techniques minières. La difficulté d’accès en termes de récupération augmente dans le temps avec le scellement des alvéoles, la fermeture du stockage et la plasticité de la roche hôte qui se referme sur les alvéoles et les colis, mais elle ne sera jamais absolue face à une intrusion humaine disposant d’outils scientifiques et techniques supérieurs ou équivalents aux nôtres. En revanche, la protection contre les éléments naturels et l’œuvre du temps est acquise de façon passive dès lors que les alvéoles et le stockage seront fermés. Cette alternative entreposage de longue durée/stockage géologique, liée à une pondération entre ces deux objectifs protection/liberté de choix, renvoie donc à une réflexion et à une discussion tenant compte de ces remarques et sollicitant une prospective des sociétés futures ainsi que les ressources des philosophies éthiques, points importants que nous aborderons en quatrième partie.
La « solution de référence » de la loi de 200615 : vers le stockage géologique
La loi de 2006 (et l’avis de l’ASN de février 2006 qui l’accompagne) tire les leçons des quinze années de recherches qui la précèdent (effort significatif d’un peu plus de 3 milliards d’euros) :
– le recyclage du plutonium et de l’uranium appauvri doit être assuré par la mise au point industrielle de la filière neutrons rapides dans les prochaines décennies. La séparation-transmutation au-delà du plutonium ne sera pas mûre dans les prochaines décennies pour un déploiement industriel et ne permettra, de toute façon, ni de recycler les déchets HA vitrifiés existants, ni de transmuter dans un avenir accessible les déchets MA-VL et la totalité des déchets HA. C’est donc une voie de recherche toujours intéressante pour diminuer les quantités, mais qui ne dispense pas d’avoir des solutions d’entreposage de longue durée ou de stockage géologique pérenne ;
– le « Dossier 2005 Argile » de l’Andra montre les qualités du futur site Cigéo, qui dispose d’une géologie très favorable16. Il est désormais la solution de référence, dans la mesure où l’entreposage de longue durée n’apparaît pas comme une solution robuste de protection des générations futures en cas de fragilisations institutionnelle, technique et économique des sociétés futures à long terme (raisonnement éthique sur nos responsabilités). Les nouveaux objectifs pour la décennie qui suit sont de compléter les recherches tout en préparant le passage à un projet industriel qui devra pouvoir accueillir les déchets HA et MA-VL. Ils sont confirmés par la loi de 2016 pour un coût estimé à 25 milliards d’euros. Les différentes étapes nécessaires pour engager l’investissement sont pour l’essentiel franchies aujourd’hui, la demande de déclaration d’utilité publique est en cours d’instruction (déposée en août 2020) et les pouvoirs publics vont être en situation de pouvoir décider cet investissement.
Au terme d’un processus entrepris depuis plusieurs décennies, la France s’oriente donc clairement vers un stockage géologique de ses déchets à vie longue. La complémentarité entre transmutation pour diminuer les quantités à stocker, entreposage pour gérer la thermique des déchets et le temps de la concertation et des recherches, et stockage géologique comme solution pérenne de référence apparaît ainsi comme une conclusion de ces quinze années de recherche (1991-2006) sur ces trois voies.
Ces approches ont fait l’objet de discussions et de travaux dans la plupart des pays dotés de programmes nucléaires civils. Les institutions internationales comme l’AIEA, l’AEN-OCDE ou l’Union européenne ont également permis de converger vers cette vision commune sur les outils de gestion des déchets à vie longue et sur le stockage géologique comme solution de référence.
Le stockage géologique en France et dans le monde
Pour cette partie, voir Andra, « Les recherches de l’Andra sur le stockage géologique des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue. Résultat et perspectives », juin 2005, et les mises à jour, en particulier « Étude relative au stockage direct des combustibles des réacteurs à eau pressurisée et des réacteurs à neutrons rapide », 3 juillet 2013. Voir aussi CEA, « Avancées des recherches sur la séparation-transmutation et le multi-recyclage du plutonium dans les réacteurs à flux de neutrons rapides », juin 2015.
Voir Andra « Dossier 2005 Argile », www.andra.fr. Voir aussi Ghislain de Marsily, « Enfouissement des déchets nucléaires en formation géologique », in R. Turlay (dir.), Les Déchets nucléaires. Un dossier scientifique, Les Éditions de physique, 1997, chap. 10, le rapport Castaing (1983), ainsi que le rapport Goguel, « Stockage des déchets radioactifs en formations géologiques, CIDN, septembre 1988.
a) Les différentes géologies disponibles à l’international, les sites en France17
On attend d’un stockage géologique définitif en profondeur pour des déchets à vie longue qu’il remplisse une fonction de protection et de rétention pendant une durée très longue (100.000 ans à 1 million d’années, pendant le temps nécessaire à la décroissance radioactive), en protégeant les colis de déchets des agressions extérieures et en empêchant leur contenu d’en sortir. Ce stockage est mis en place après être allé jusqu’au bout de ce que l’on peut faire pour réduire les volumes et concentrer les déchets (concentration qui entraine leur danger potentiel même à long terme). Cette protection passive présente l’avantage de ne nécessiter aucune action humaine après fermeture du stockage (à la différence de l’entreposage de longue durée). Les agressions extérieures peuvent être humaines (malveillance) ou naturelles : évolutions climatiques comme les glaciations et déglaciations (d’où la nécessité d’une profondeur de plus de 150-200 m pour ne pas les subir), instabilité des couches géologiques, circulation d’eau qui risquerait de transporter des produits pouvant corroder les contenants… Si, après un processus qui s’étend sur une très longue durée, la barrière ouvragée, le colis et la matrice sont détériorés, les caractéristiques des couches géologiques doivent empêcher, le temps nécessaire, la migration des radionucléides vers les nappes phréatiques et la surface (c’est l’approche sûreté des « barrières » successives de la « défense en profondeur »).
Les couches géologiques stables à très long terme et susceptibles de présenter ces propriétés sont assez répandues et diverses. Le granite, le sel et l’argile sont les principaux candidats pour des sites de stockage :
– le granite présente de très bonnes caractéristiques géotechniques. De par sa forte résistance mécanique, il permet la construction de grandes cavités sans besoin de soutènement, à la différence des roches plus plastiques et sujettes au fluage comme l’argile et, surtout, le sel. La construction du stockage est plus aisée, et la récupérabilité des colis également. Sa bonne conductibilité thermique lui permet d’accueillir plus rapidement les déchets les plus thermiques. En revanche, il peut être fissuré (failles) et donc, bien que peu perméable, n’empêche pas dans ce cas une certaine circulation de l’eau. Au-delà de la recherche de granite peu « fissuré », cet inconvénient peut être compensé par des premières barrières (colis et barrières ouvragées) plus imperméables à l’eau, et plus confinantes pour les radionucléides : colis en cuivre pur (très résistant en milieu réducteur granitique) et enrobage en bentonite (argile) comme barrière ouvragée autour des colis dans les alvéoles (ces protections seront d’autant plus utiles qu’il s’agit de combustibles usés et non de matrices de verre plus résistantes à l’attaque de l’eau). Ces solutions sont envisagées en Finlande et en Suède, pays qui prévoient le stockage de combustibles usés (cycle ouvert) dans le granite du « bouclier scandinave » ;
– le sel, à l’opposé, exclut a priori la présence d’eau (avant creusement par l’homme) et, très plastique, il se referme rapidement sur les colis et scelle hermétiquement les alvéoles. Cela rend la récupérabilité des colis rapidement peu accessible. Il est bon conducteur thermique. En revanche, il pourrait être une cible potentielle pour des explorations futures car il est en soi une ressource ou proche de ressources intéressantes pour l’homme. En outre, il peut être fragilisé par trop de forages et par d’éventuelles infiltrations d’eau consécutives à ces forages (c’est le problème rencontré dans certaines anciennes mines utilisées comme stockages) ;
– l’argile est moins bon conducteur thermique et il est donc préférable de laisser refroidir quelques décennies (au moins 60 ans) en entreposage les déchets les plus thermiques (HA). L’objectif est de limiter la température dans la roche pour ne pas dégrader ses qualités de confinement. Elle a une plasticité moins forte que le sel mais qui nécessite des soutènements plus importants que le granite. La récupérabilité des colis est possible à un horizon raisonnable. C’est un milieu saturé d’eau dans des micropores mais sans circulation entre les pores ; il est donc très imperméable et présente le plus souvent de très bonnes caractéristiques de rétention des radionucléides, surtout les actinides α. Et l’argile n’est pas a priori une ressource justifiant des forages.
Quelle que soit la roche retenue, il est indispensable de vérifier in situ l’absence si possible (ou du moins la faible présence) de failles et de gradient hydraulique significatif, ainsi que les propriétés de faible perméabilité et de robustesse de la roche lors des travaux géotechniques. Des études spécifiques sont donc indispensables. Des progrès très importants ont été réalisés ces dernières décennies dans la connaissance et la compréhension des diverses géologies, en particulier sur leur stabilité selon leur éloignement par rapport aux zones de rencontres des plaques tectoniques et sur leurs diverses propriétés (conductibilité thermique, milieu réducteur ou oxydant, gradients hydrauliques, imperméabilité…). L’observation d’analogues naturels a conforté ces résultats de la recherche, en particulier celle de mines d’uranium et la découverte de « réacteurs nucléaires naturels » en fonctionnement au Gabon, à Oklo, il y a quelque 2 milliards d’années.
En fonction des caractéristiques du site, il est nécessaire de penser ensemble et de façon cohérente les caractéristiques des trois barrières de confinement : géologique, « ouvragée » et colis-matrice. Dans ce domaine aussi, un travail considérable a été conduit à l’échelle internationale sur différents sites depuis cinq décennies, avec une coordination internationale de la communauté scientifique et des différentes disciplines concernées (autour de l’Union européenne, de l’OCDE-AEN, de l’AIEA) permettant de confronter les points de vue et de tester les analyses.
Les différentes études menées en France au cours des quatre ou cinq dernières décennies ont permis de repérer un nombre significatif de sites a priori favorables sur le plan technique dans le granite, le sel ou l’argile. En 2005, la dernière étude de l’Andra sur le granite a mis en évidence l’intérêt de 78 zones de plus de 20 km2 chacune situées dans le Massif central et le Massif armoricain, à l’écart des grandes failles. Ce sont des sites granitiques d’épaisseur importante entre 300 et 1.000 m de profondeur. On dispose là d’un exemple de potentiel technique favorable dont les capacités cumulées seraient au moins d’un ordre de grandeur supérieur à la zone de Transposition (250 km2) du site situé en Meuse/Haute-Marne retenu pour le projet Cigéo de stockage français. Rappelons aussi quelques zones explorées dans les années 1980 : argile dans la région de Laon (Aisne), sel dans la région de Bourg-en-Bresse (Ain), granite dans la région de Niort (Deux-Sèvres), schiste (argile ancienne plissée très épaisse) dans la région d’Angers (Maine-et-Loire) et, plus récemment (fin des années 1990), argile du Gard, près de Marcoule, et granite dans la Vienne. Les études et recherches n’ont pas été menées à leur terme sur ces zones, le plus souvent pour des raisons politiques et d’acceptabilité par les populations et non pour des raisons scientifiques et techniques, mais il est intéressant de garder en mémoire leur potentiel technique à chaque fois sous réserve d’analyses rigoureuses sur site18.
Nous verrons plus loin que les autres pays disposent pour les mêmes raisons d’un potentiel significatif de couches géologiques favorables dans l’argile, le granite ou le sel.
Voir « RFS-III.2.f (abrogée par le guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde du 12.02.08) du 01/06/1991 », asn.fr, 6 octobre 2009.
Voir Andra, « Les recherches de l’Andra sur le stockage géologiques des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue. Résultats et perspectives », juin 2005, p. 12. Pour aller plus loin, voir Andra, « Dossier 2005 Argile », le tome « Évolution phénoménologique du stockage géologique », juin 2005.
Voir Andra « Dossier 2005 Argile », www.andra.fr. Voir aussi les rapports annuels de la CNE, le dossier d’options de sûreté (DOS) élaboré par l’Andra et les analyses de l’IRSN associées sur la qualité de ces études de sûreté, également validées par des expertises scientifiques internationales.
Ces différents chiffrages pourront donc évoluer en fonction des hypothèses et des marges retenues dans les études. L’ordre de grandeur de 15 km2 pour l’emprise de l’inventaire de référence évoqué plus loin dans le texte semble un dimensionnement robuste.
Voir Andra « Dossier 2005 Argile » et ses mise à jour, en particulier le document technique Andra, « Étude relative au stockage direct des combustibles des réacteurs à eau pressurisée et des réacteurs à neutrons rapides », 3 juillet 2013. Voir aussi CEA « Avancées des recherches sur la séparation-transmutation et le multi-recyclage du plutonium dans les réacteurs à flux de neutrons rapides », juin 2015.
b ) Le stockage géologique en France : le projet Cigéo de stockage dans l’argile
Revenons de façon plus précise, et à titre d’illustration, sur la roche et le site retenus par la France, l’argile du callovo-oxfordien au confluent de la Meuse et de la Haute Marne, ainsi que sur les approches de sûreté, scientifique et politique mises en place pour tester et qualifier ce qui deviendra le projet Cigéo.
Un impact pour la santé et l’environnement négligeable à très long terme
La Règle fondamentale de sûreté III.2 (RFS III.2) concernant le stockage définitif de déchets radioactifs en formation géologique profonde a été émise en 1991 par l’ASN19, qui s’est depuis, comme nous l’avons déjà évoqué, beaucoup impliquée sur la sûreté du stockage géologique et sur le choix d’une solution pérenne pour les déchets à vie longue. Cette Règle énonce les principaux objectifs pour un site de stockage en profondeur :
– absence de risque sismique à terme ;
– absence de circulation d’eau importante dans le stockage ;
– roche permettant le creusement des installations (puits, galeries, alvéoles) ;
– propriété de confinement vis-à-vis des substances radioactives (en lien avec le choix de la matrice, du colis-conteneur, des matériaux de scellement et d’enrobage) ;
– profondeur suffisante pour mettre les déchets à l’abri des agressions diverses ;
– absence de ressources rares exploitables à proximité.
L’ASN a ainsi fixé en lien avec cette Règle un objectif extrêmement prudent et exigeant de dose effective à très long terme pour les individus les plus impactés à proximité des exutoires du site, inférieure à 0,25 mSv/an, soit un dixième de la radioactivité naturelle, et un quart de la norme retenue aujourd’hui pour protéger les générations présentes des rayonnements ionisants de façon générale (1 mSv).
Le site de Meuse/Haute-Marne remplit toutes ces exigences et apparaît au terme de trois décennies de recherche, grâce en particulier au laboratoire souterrain creusé en 2000, comme l’une des géologies les plus favorables en France : ces argilites de plus de 130 m d’épaisseur et situées entre 400 et 600 m de profondeur datent de 155 millions d’années. Les alvéoles de stockage qui devront accueillir les déchets les plus radioactifs, les colis de déchets HA, seront des micro-tunnels de 100 à 150 m de long pour un diamètre de 60 à 70 cm accueillant chacun quelques colis. Ces colis, conteneurs standards de déchets vitrifiés (CSD-V), contiennent des déchets HA incorporés dans une matrice de verre dotée d’un fort pouvoir de confinement sur plusieurs centaines de milliers d’années dans les conditions du stockage géologique. Ces « verres » sont coulés dans des fûts en inox, eux-mêmes insérés dans des surconteneurs cylindriques en acier bas carbone de 6,5 cm d’épaisseur pour résister à la corrosion et assurer l’étanchéité pendant au moins les premiers 4.000 ans.
Au cas où, après ces périodes de temps, un radionucléide commence à migrer en dehors du colis dans l’argile, il pourrait s’« appuyer sur les services » d’une gouttelette d’eau pour se déplacer. Or une gouttelette d’eau ne parcourt dans ce type d’argile que quelques centimètres en 100.000 ans20. Par ailleurs, les compositions chimiques de la roche et de l’eau interstitielle de la roche conduisent à la capture (précipitation, adsorption…) de la plupart des radionucléides. De ce fait, les atomes lourds que sont les actinides ne migrent quasiment pas à l’échelle du million d’années (en raison de leurs propriétés chimiques, ils précipitent en milieu réducteur), et seuls quelques produits de fission ou d’activation les plus solubles (iode 129, sélénium 79, chlore 36) pourraient être trouvés à l’état de trace au bout d’un million d’années dans les couches situées autour de cette argile du callovo-oxfordien, sans impact pour l’homme ou son environnement.
Les chercheurs obtiennent ces résultats en construisant des scénarios d’évolution normale ou altérée (intrusion humaine, par exemple) et calculent les doses individuelles du groupe constitué par les individus les plus exposés vivant à proximité des exutoires possibles de ces couches géologiques, en retenant des modélisations « pénalisantes » chaque fois qu’il y a incertitude. Même dans le cadre de ces hypothèses pessimistes, les traces qui apparaissent seulement au bout du million d’années pour ces doses individuelles se situent à un niveau inférieur à 0,0025 mSv pour les colis de déchets HA et MA-VL, soit 100 fois en dessous de la norme édictée par l’ASN, et un niveau inférieur à 0,025 mSv s’il s’agit de combustible usé (soit 10 fois en dessous)21.
Un potentiel technique de stockage sur la « zone de transposition » suffisant pour quelques siècles de production nucléaire
Ces résultats obtenus grâce aux expériences du laboratoire souterrain et aux modélisations associées peuvent être transposés sur une zone de 250 km2 en profondeur, la zone de transposition. Le projet de stockage Cigéo sur ce site est prévu pour accueillir uniquement aujourd’hui l’ensemble des déchets de haute et moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL) déjà produits par les installations existantes et passées – y compris les outils de recherche des années 1950-1970 ou les centrales nucléaires UNGG de génération 1 aujourd’hui fermées et en phase de démantèlement –, ainsi que ceux qui seront produits par des installations nucléaires autorisées et actuellement en construction (EPR de Flamanville, ITER, réacteur expérimental Jules Horowitz), avec l’hypothèse d’une durée de fonctionnement des réacteurs de 50 ans en moyenne. Cela représente de l’ordre de 10 000 m3 de déchets HA et 75.000 m3 de déchets MA-VL : c’est ce que l’on appelle l’« inventaire de référence » du projet Cigéo. Bien que leur volume soit dix fois plus faible que les déchets MA-VL, ce sont les déchets HA « thermiques » qui occupent le plus de surface en profondeur. Il faut en effet les espacer suffisamment pour éviter de trop chauffer l’argile (moins de 90°C) les premiers siècles et pour conserver les propriétés de confinement de la roche.
En 2009, l’Andra a proposé de retenir pour le projet Cigéo une zone souterraine de 30 km2, zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie (Zira), située à l’intérieur de la zone de transposition, en concertation avec les populations et les élus locaux, pour être sûr de pouvoir y stocker l’inventaire de référence et a priori aussi ce que l’on appelle l’« inventaire de réserve », c’est-à-dire les combustibles usés (alors requalifiés en déchets) si l’on devait basculer en cycle ouvert et poursuivre le fonctionnement des centrales existantes sans retraitement ou si l’on décidait d’arrêter le nucléaire après 50 ans de fonctionnement, ainsi que les déchets HA et MA-VL supplémentaires si l’on prolongeait la durée de fonctionnement des réacteurs actuels.
Pour estimer le potentiel de stockage du site géologique de Meuse/Haute-Marne au-delà du seul inventaire de référence, qui par définition ne prend pas en compte les éventuelles générations suivantes de parc nucléaire, il est nécessaire de partager quelques ordres de grandeur, selon différents scénarios d’avenir du parc nucléaire français : cycle ouvert ou fermé, arrêt du nucléaire. Ces ordres de grandeur sont reconstitués à partir de données dispersées dans différents documents22. Ce sujet important mériterait une présentation d’ensemble précise, rigoureuse et synthétique.
Dans tous les scénarios, pour une génération, 50 ans, de parc nucléaire produisant 400 TWh/an, il faut mobiliser environ 2 km2 pour stocker les déchets MA-VL et il faut compter de 1 à 3 km2 pour un « talon commun » (autres déchets, galeries d’accès communes…). La surface en profondeur nécessaire pour stocker les déchets HA (dimensionnant, comme nous l’avons vu, à cause de leur thermique) serait de l’ordre de 4 km2 pour 50 ans du parc français actuel. Si l’on exploitait le même parc (400 TWh/an) en cycle ouvert, il faudrait compter plutôt sur environ 10 km2 pour stocker les combustibles usés cumulés sur 50 ans. Si l’on poursuivait le retraitement jusqu’à la fin de vie du parc existant et qu’on ne développait pas la filière neutrons rapides pour continuer à recycler les combustibles usés MOX issus du monorecyclage des UOX dans les réacteurs à eau pressurisée, il faudrait stocker en plus des déchets HA les combustibles usés MOX cumulés sur la durée de vie du parc. L’emprise en profondeur serait alors à peine inférieure à celle du cycle ouvert, autour de 8 km2.
On voit donc que, sur le plan strictement scientifique et hors la question de l’acceptabilité par les populations, la place disponible en profondeur dans le site géologique de Meuse/Haute-Marne suffirait pour plusieurs générations de parc nucléaire, même en cycle ouvert si l’on garde en tête non seulement les 30 km2 de la Zira, mais aussi les 250 km2 de la zone de transition. Pour une génération (50 ans de production) d’un parc nucléaire (400 TWh/an), on aurait en effet une emprise en profondeur, pour l’ensemble des déchets concernés, d’environ 15 km2 pour un scénario REP en cycle ouvert ou REP avec monorecyclage, et 7 km2 (soit l’équivalent d’un rectangle de 2 km par 3,5 km) pour un scénario en cycle fermé avec RNR, soit une emprise de 150 km2 pour 500 ans en cycle ouvert, et de 70 km2 pour le cycle fermé.
Le seul monorecyclage présente un intérêt limité du seul point de vue de la réduction du volume des déchets et de leur emprise dans le stockage. En revanche, la « transmutation-recyclage » du principal actinide, le plutonium, via les réacteurs à neutrons rapides, permettrait de diviser les surfaces en profondeur au moins d’un facteur 2. Ajoutons que si l’on entreposait les déchets HA pendant 100 ou 120 ans au lieu de 60 ans pour les laisser refroidir avant de les stocker, la surface en profondeur occupée serait presque deux fois plus faible, on gagnerait alors un facteur 4 par rapport au cycle ouvert (ou au simple monorecyclage), et on aurait un potentiel de stockage sur ce site pour plus d’un millénaire sur le plan technique. L’étape d’après sur la transmutation consiste à fissionner l’américium. Elle permettrait de gagner encore un tiers de surface, à condition de le faire dans la longue durée, ce qui n’est pas inintéressant, mais clairement moins transformationnel que les deux étapes précédentes (et qui sont, bien sûr, plus faciles à mettre en œuvre)23.
Voir en particulier le dossier d’options de sûreté (DOS) relatif au projet déposé en 2017 et à son examen la même année par l’IRSN (le support technique de l’ASN) et le dossier de demande de déclaration d’utilité publique déposé par l’Andra en 2020.
Voir l’étude Extern’E, et l’étude JRC pour l’Union européenne.
Cigéo : un projet industriel prêt pour une décision politique, aux coûts limités au regard des coûts de production du nucléaire, qui demande une gouvernance adaptée pour la réussite de sa mise en œuvre
Le projet Cigéo est aujourd’hui un projet finalisé sur le plan industriel et sur le plan des options principales de sûreté24. Il reste à obtenir les autorisations réglementaires et le décret d’autorisation de création pour pouvoir démarrer les travaux, sous réserve de la décision d’engagement qui relève bien sûr des pouvoirs publics et du politique. Le travail de concertation nationale et locale a été particulièrement intense ces dernières années. L’Andra s’est gréée en compétences industrielles de design et de mise en œuvre, avec en particulier l’appui des producteurs de déchets (EDF, CEA, Orano), en complément de ses compétences en termes de recherche et de sûreté. On est donc maintenant pour l’essentiel en attente d’une décision politique. L’emprise en profondeur serait de l’ordre de 15 km2 (l’équivalent de l’emprise au sol de l’aéroport de Paris-Orly), enveloppe de ce qui serait nécessaire, en plus des déchets HA et MA-VL du parc nucléaire existant à eau légère, pour les déchets « historiques » (recherche, militaire, parc UNGG, etc.). Les objectifs du projet se veulent clairement centrés sur cet inventaire de référence (élargi, le cas échéant, seulement aux « inventaires de réserve » si on devait en particulier arrêter progressivement le nucléaire et le retraitement et stocker les combustibles usés). On ne parle donc plus depuis quelques années de l’emprise en profondeur nécessaire pour continuer durablement le programme nucléaire comme nous l’avons fait ci-dessus.
S’il était décidé et mis en œuvre, ce projet aurait une durée d’une centaine d’années : environ 15 ans pour une première phase pilote de construction des principales infrastructures, de 2025 à 2040 ; puis, à partir de 2040 jusqu’en 2100, stockage des MA-VL ; et de 2080 à 2140, stockage des HA (le creusement des galeries et alvéoles se fait au fur et à mesure des besoins de stockage). Le décalage dans le temps du stockage des déchets HA est lié au refroidissement pendant au moins 60 ans de ces déchets en entreposage. Le coût du projet serait de l’ordre de 25 milliards d’euros, dont une dizaine de milliards dès la première phase de construction 2025-2040, les investissements comptant globalement pour la moitié des dépenses totales de ces 25 milliards (le reste est lié à l’exploitation-maintenance, à la fiscalité, aux coûts de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre). Ces coûts bruts cumulés sur plus de 100 ans sans actualisation et divisés brutalement par 400 TWh par an pendant 50 ans, sont de l’ordre de 1 €/MWh, à comparer à des prix de l’électricité en base qui (comme les coûts complets du mégawattheure nucléaire) se situent autour de 50 €/MWh. On est donc de l’ordre au plus de quelques pour cent (les calculs économiques cohérents prenant en compte la temporalité des choix donnent des résultats encore plus faibles pour une large plage de taux d’actualisation). On se situe donc à des niveaux de coût du stockage qui ne remettent pas en cause la compétitivité du nucléaire, à la différence du prix du CO2 qui multiplie le coût complet du charbon a minima par 2 et ajoute au gaz au moins 50% de son coût (avec un prix du CO2 de l’ordre de 50 à 100 €/t). En outre, avec une vision plus large des externalités des filières énergétiques, la prise en compte du coût économique des impacts sanitaires des différentes pollutions des centrales thermiques fossiles (particules, SO2, NOx, déchets chimiques toxiques…) est au moins d’un ordre de grandeur au-dessus25. Ce coût du stockage reste donc faible au regard des coûts de production nucléaire (comme du coût des externalités des autres filières énergétiques), mais il est fort dans l’absolu, en particulier quant aux coûts de construction des infrastructures communes de la phase pilote (infrastructures de surface, descenderie, etc.).
C’est en effet un grand projet d’investissement, complexe en particulier par sa durée (une centaine d’années), par ses nombreux points de décision et, surtout, par sa gouvernance et le nombre d’acteurs publics, privés et associatifs impliqués, avec un enjeu de continuité des compétences dans la durée. Cette complexité implique la mise en place d’une gouvernance claire, d’un pilotage industriel efficace et d’une chaîne de décision et de responsabilité visible et simple si l’on veut éviter les dérives dans les coûts et les délais, notamment si l’on veut délivrer un ouvrage sûr pour les générations futures.
Le centre de stockage Cigéo
Source :
www.andra.fr/cigeo.
AIEA, « Rapport d’ensemble sur la technologie nucléaire », 2020, p. 23.
Nathalie Steiwer, « Nucléaire : l’Allemagne n’aura pas de site de stockage avant 2030 », lesechos.fr, 19 août 2021.
Ibid.
Sauf pour des pays de petite taille ne disposant pas de géologies favorables et ne pouvant bénéficier d’économies d’échelle associées à des sites construits pour stocker un volume suffisant de déchets. Lorsque plusieurs stockages géologiques auront été construits dans le monde, la question se posera de faire jouer la solidarité internationale pour trouver des solutions efficaces pour l’ensemble des pays qui souhaitent utiliser le nucléaire civil.
c) Panorama international sur le stockage géologique
L’ensemble des pays dotés d’un programme nucléaire civil significatif partagent une approche globale qui s’appuie sur l’objectif de stockage géologique à long terme pour protéger les générations futures, avec des solutions d’entreposage d’attente de plus ou moins longue durée. Cette convergence s’est opérée grâce à l’organisation de programmes de recherche partagés entre les différents pays autour de l’Union européenne, de l’OCDE (AEN) et de l’AIEA.
Cette communauté de vue se décline différemment selon les pays, en fonction des stratégies énergétique et nucléaire (cycle ouvert, cycle fermé, arrêt à terme du nucléaire…), des géologies retenues et de leur capacité à organiser des concertations-débats de qualité dans les cadres politiques locaux et nationaux. On peut établir une typologie en prenant quelques pays représentatifs de cette diversité et en l’organisant à partir de leur stratégie nucléaire : cycle ouvert, cycle fermé et arrêt du nucléaire.
Cycle ouvert
• La Finlande et la Suède sont les plus avancés dans leur processus : site qualifié dans les deux cas pour les combustibles usés, avec décision politique d’engagement et construction démarrée en Finlande, attente de décision politique en Suède. La géologie retenue dans les deux cas est le granite (caractéristique du sous-sol scandinave), qui permettrait une récupérabilité provisoire des colis (avant mise en place de la bentonite), intéressante car le potentiel énergétique (plutonium) des combustibles usés pourrait bien devenir utile à l’horizon des prochaines décennies pour produire massivement de l’électricité sans CO2 (sous réserve de la maturité des RNR). Pour protéger les colis de combustibles usés contre la circulation d’eau dans les failles du granite (a priori peu nombreuses car les sites sont peu fracturés), la Finlande et la Suède s’appuient sur des conteneurs en cuivre et des barrières ouvragées en bentonite (argile).
• Les États-Unis ont choisi le cycle ouvert (décision de Jimmy Carter en 1979, dans le cadre de la politique de non-prolifération). Le pays dispose déjà d’un stockage géologique mis en service en 1999 dans un dôme de sel pour les MA-VL militaires (Waste Isolation Pilot Plant-WIPP). Le site envisagé depuis le début des années 1980 pour le stockage des combustibles usés des centrales nucléaires civiles est Yucca Mountain, dans le désert du Nevada, dans du tuf volcanique à flanc de montagne. Le processus est pour le moment bloqué pour des raisons politiques, sachant que le site, bien que protégé par le désert, ne présente pas les meilleures propriétés d’imperméabilité par rapport à celles des nombreux autres sites possibles du sous-sol américain. En attendant, les combustibles usés sont entreposés à sec dans la durée sur les sites des centrales sous le contrôle vigilant de la Nuclear Regulatory Commission (NRC). Les Américains ne semblent pas préoccupés par l’entreposage de longue durée « réversible » qui leur permettrait de récupérer le plutonium ces prochaines décennies si nécessaire, sachant qu’ils ont lancé des programmes de recherche ambitieux pour des réacteurs de toutes catégories, y compris les neutrons rapides. Les réflexions se poursuivent également sur des solutions d’entreposage de plus longue durée au niveau fédéral comme sur des stockages géologiques au niveau de chaque État concerné pour ses propres déchets (en utilisant, le cas échéant, la technologie de deep borehole ou forage à des profondeurs de 3.000 à 4.000 m).
Cycle fermé
• La France est aujourd’hui le pays le plus avancé sur le retraitement à l’échelle industrielle et avec le projet Cigéo.
• La Russie est le pays le plus avancé sur les RNR (après l’arrêt récent du projet Astrid en France et l’arrêt, ces dernières années, de Superphénix 1.200 MW et Phénix 250 MW). Le pays développe les technologies de retraitement et de vitrification, mais ne dispose pas encore de la maîtrise industrielle de la France sur ces sujets. Il s’y prépare activement. Une trentaine de sites potentiels de stockage géologique ont été identifiés dans plusieurs régions (le granite de la péninsule de Kola, en Sibérie, dans l’Oural, dans la région de la Volga…), et l’entité en charge de la gestion des déchets envisage un laboratoire souterrain près de Krasnoyarsk (4.000 km à l’est de Moscou, en Sibérie centrale) avant de construire un stockage géologique pour l’horizon 2035-2040.
• La Chine part de plus loin mais rattrape son retard rapidement dans tous les aspects du cycle fermé, avec des projets de réacteurs rapides prototypes sur pratiquement toutes les filières. Concernant le stockage géologique des déchets HA, la Chine avance également comme l’indique l’AIEA : « En Chine, l’autorisation finale de la construction d’un laboratoire de recherche souterrain dans la région de Beishan, dans le désert de Gobi (milieu granitique), a été délivrée le 6 mai 2019. Le laboratoire, qui sera construit à 560 mètres de profondeur, aura pour mission de déterminer si la roche granitique locale peut accueillir un dépôt de DHA [déchets de haute activité] en formations géologiques profondes, et d’autres États membres intéressés pourront, sur demande, y mener des travaux ou participer aux recherches. De plus, les activités de sélection d’un site pour la construction d’un éventuel dépôt en couches argileuses en Chine progressent. Le premier projet a été achevé fin 2018 et accepté par l’Autorité chinoise de l’énergie atomique en octobre 2019. Deux sites potentiels ont été retenus en vue d’études approfondies26. »
Arrêt du nucléaire
•L’Allemagne, après avoir décidé d’arrêter la poursuite du nucléaire au début des années 2000 (coalition Verts-SPD dirigée par le chancelier Schröder), a décidé d’arrêter le retraitement de ses combustibles usés en 2005. Elle doit donc gérer à la fois les déchets vitrifiés avant 2005 et les combustibles usés après cette date. Le site de Gorleben, en Basse-Saxe, avait été retenu pour stocker ces déchets à 800 m de profondeur dans un dôme de sel d’anciennes mines. Ce projet a été interrompu en raison des oppositions fortes d’une partie de la population locale (initialement opposée à l’entreposage en surface ou subsurface des déchets) ainsi que des Verts allemands dans le cadre de leur combat pour sortir rapidement du nucléaire. Maintenant que la sortie du nucléaire est acquise (après la décision d’Angela Merkel à la suite du tsunami et de l’accident nucléaire de Fukushima survenus au Japon en 2011), l’Allemagne doit gérer correctement ces déchets historiques et repart dans son processus de recherche de site mais avec trente ans de retard. La Bundesgesellschaft für Endlagerung (BGE), l’agence fédérale en charge de la gestion des déchets, a élaboré une première analyse des géologies potentielles, granite, argile et sel, et « 240.000 kilomètres carrés, soit plus de 54% du territoire allemand, pourraient accueillir un stockage en profondeur27 ».Ilfautpassermaintenantauxétapessuivantes:concertation politique avec les élus et les populations, et analyse précise des propriétés de confinement des sites géologiques. Mais, comme le raconte une journaliste : « Paradoxalement, les plus grands mouvements d’opposition ne viennent pas des Verts. Le ministre président Vert du Bade-Wurtemberg, Winfried Kretschmann, a reconnu que les déchets doivent être stockés là où ils seront le plus en sûreté. La région du Schleswig-Holstein, au nord, a également pris la décision d’accueillir des déchets si nécessaire, avec le soutien des Verts après un débat dans la “colère et les larmes” au sein du parti, lorsqu’il y était encore ministre de l’Environnement, raconte le coprésident du parti, Robert Habeck. Après le “nucléaire non merci” des années soixante-dix, le parti des Verts est entré dans une ère de “la responsabilité”, explique-t-il28. »
Dans les différents pays, les géologies explorées sont les mêmes et des potentiels significatifs existent comme en France (en raison de la composition même de la croûte terrestre) :
– le sel en Allemagne, aux États-Unis ;
– le granite en Scandinavie, en Suisse, en Russie, en Chine ;
– l’argile en Suisse, en Belgique, en France, en Chine.
Et des pays comme la France, l’Allemagne, la Chine ou les États-Unis sont largement dotés avec à la fois des sites d’argile, de granite et de sel. Il n’y a donc pas, aujourd’hui, de contraintes techniques sur le stockage géologique des déchets nucléaires29, même si l’on devait déployer cette technologie massivement face aux enjeux du climat pour les deux ou trois prochains siècles. Le verrou à faire sauter serait alors plutôt celui des ressources en combustible, préoccupation qui motive les recherches qui s’accélèrent en Russie, en Chine et aux États-Unis sur les RNR. Partout la dimension d’acceptabilité politique tant au niveau local que national joue un rôle important qu’il faut également prendre en compte.
Les perspectives de progrès technologique pour une utilisation durable des ressources en uranium et la séparation-transmutation des déchets
Voir IAEA-NEA, Uranium 2020. Resources, Production and Demand, 2020, ainsi que les éditions précédentes (disponibles sur www.oecd-nea.org).
Voir CEA « Avancées des recherches sur la séparation-transmutation et le multi-recyclage du plutonium dans les réacteurs à flux de neutrons rapides », juin 2015. Voir aussi CEA, « Le CEA au cœur des grands défis du futur. Rapport annuel 2015», 2015, et Thomas Gassilloud, député, et Stéphane Piednoir, sénateur, « L’énergie nucléaire du futur et les conséquences de l’abandon du projet de réacteur nucléaire de 4e génération “Astrid” », rapport fait au nom de l’OPECST, 8 juillet 2021, Assemblée nationale, rapport n° 4331.
Voir CEA, «Séparation–transmutation des éléments radioactifs à vie longue», décembre 2012, et « Avancées des recherches sur la séparation-transmutation et le multi-recyclage du plutonium dans les réacteurs à flux de neutrons rapides », juin 2015.
Un enjeu important pour le nucléaire, si l’on veut qu’il contribue fortement et durablement à la lutte contre le changement climatique, sera de desserrer à long terme les contraintes de ressources en uranium 235 : on estime que le niveau de réserves prouvées et de ressources possibles, accessibles à des coûts raisonnables, serait suffisant pour faire fonctionner pendant 250 ans le parc nucléaire mondial avec la puissance installée actuelle en utilisant des réacteurs à neutrons lents (à eau légère), soit 10% de l’électricité mondiale (60.000 t d’uranium naturel par an et environ 15 millions de tonnes de réserves mondiales)30. En utilisant tout l’uranium 238 grâce aux filières de RNR, ces ressources seraient alors suffisantes pour quelques millénaires (on multiplie le potentiel de ces 15 millions de tonnes par un facteur de l’ordre de 50 à 100), sans tenir compte du thorium qui rajouterait encore un facteur 3.
Parmi ces filières à neutrons rapides, la plus avancée est la filière RNR sodium ; elle permet également (comme les autres filières rapides) de recycler le plutonium et donc de supprimer l’actinide dominant en termes de radiotoxicité potentielle des déchets à vie longue, et dominant également en termes de charge thermique et donc d’emprise en surface de stockage. On peut espérer que cette technologie sera complètement mature entre le milieu et la fin du siècle.
Après un aperçu des perspectives concernant la filière à neutrons rapides sodium, nous ferons un bref état des lieux des recherches en cours sur la séparation-transmutation des autres radionucléides à vie longue, produits de fission et actinides mineurs.
Enfin, cette revue des perspectives de recherche se terminera avec quelques remarques sur les autres filières « rapides » de génération 4 (RNR plomb, RNR gaz hélium, sels fondus), ainsi que sur l’utilisation possible (pour la transmutation) d’accélérateurs de protons, les Accelerator-Driven System (ADS), et de lasers couplés avec des réacteurs sous-critiques.
a) La filière RNR sodium : la transmutation du plutonium et la valorisation de l’uranium 23831
On peut utiliser des réacteurs à eau légère et neutrons ralentis (« thermiques ») pour brûler une petite partie du plutonium en monorecyclage, mais le spectre thermique ne permet pas de fissionner facilement ces atomes lourds qui, par conséquent, capturent les neutrons et produisent des isotopes « poisons » de la réaction en chaîne (comme les isotopes pairs du plutonium). Cette difficulté amène à durcir le spectre en eau légère (c’est-à-dire à accepter des neutrons plus rapides) avec un enrichissement plus important en plutonium dans le cœur, très vite limité pour des problèmes de sûreté (moins de neutrons retardés et moins d’eau en proportion pour moins ralentir les neutrons). Il faut donc des neutrons rapides pour fissionner le plutonium (y compris les isotopes pairs), comme les actinides mineurs, et des réacteurs conçus pour cela, c’est-à-dire avec un caloporteur qui ne ralentit pas les neutrons comme c’est le cas pour l’eau, d’où l’exploration du sodium, du plomb et de l’hélium, plus performants de ce point de vue.
Dans les filières à neutrons rapides, c’est le sodium qui est la filière la plus mature, y compris sur le plan industriel et avec des grandes ou des petites tailles unitaires. La France dispose d’une expérience industrielle et scientifique forte (la meilleure, peut-être, jusqu’à l’arrêt récent du projet Astrid) : Rapsodie 40 MW 1967-1983, Phénix 250 MW 1973-2010, Super Phénix, EDF-CEA en coopération avec ENEL et RWE, 1.200 MW, 1985-1997. La Russie dispose aussi de compétences industrielles. Elle est aujourd’hui leader dans la filière rapide avec à la fois des réacteurs rapides sodium (BN 800 et 600 MW, en projet BN 1.200 MW), et des réacteurs rapides au plomb (plomb bismuth, projet BREST 300 MW plomb). Le Japon (réacteur sodium Monju de 250 MW qui doit être démantelé) a investi depuis de nombreuses années au travers d’une coopération étroite avec la France sur ces différents domaines associés : les rapides sodium, le retraitement et la vitrification des déchets HA. Le Japon était fortement impliqué dans la recherche et l’étude du passage au stade industriel, mais ce processus a été suspendu ces dernières années pour réévaluer et redimensionner la stratégie nucléaire du pays après l’accident de Fukushima. La Chine mène un programme de recherche très ambitieux et rattrape progressivement son retard avec des prototypes et des démonstrateurs industriels sur l’ensemble des filières rapides prévus pour la prochaine décennie (dont un RNR sodium de 600 MW en construction). Les rapides sodium constituent pour l’Inde une étape importante dans sa stratégie nucléaire de long terme qui vise à utiliser ses ressources en thorium.
Les États-Unis, pionniers dans les années 1950, ne sont pas passés au stade de déploiement industriel car ils ont renoncé au cycle fermé en 1979 (décision de Jimmy Carter). Cependant, ils restent au meilleur niveau scientifique avec les grands laboratoires publics Argonne, Idaho, Oak Ridge, Los Alamos… de l’United States Department of Energy (DOE) et les besoins importants de réacteurs de petite taille (SMR) pour la propulsion des sous-marins et des porte-avions militaires. Ils relancent un programme de recherche d’ampleur en sollicitant également les initiatives du secteur privé avec des projets innovants – comme le projet Natrium, rapide sodium 350 MW avec Terra Power (Bill Gates) et GE Hitachi –, et le projet de réacteur d’essai polyvalent, le Versatile Test Reactor (VTR), projet piloté par le DOE avec comme objectif un RNR de recherche pour 2026.
Cette technologie sodium doit résoudre deux problèmes principaux pour passer au stade du développement industriel : d’une part, mettre la sûreté au niveau des réacteurs de génération 3 concernant la prévention et la « mitigation » des accidents graves (fusion du cœur et risque de criticité-coefficient de vide négatif) ; d’autre part, simplifier le design d’ensemble pour rendre l’exploitation plus robuste et ramener les coûts à des niveaux plus proches de ceux des réacteurs à eau légère (avec Astrid, on visait des surcoûts d’investissement inférieurs à 30%, niveau encore trop élevé et, surtout, pas acquis à ce jour). Des voies possibles existent pour atteindre les objectifs de sûreté : développer des réacteurs de petite taille (SMR rapides) ou travailler la conception du cœur de grande taille (certaines pistes ont été expérimentées dans le projet Astrid avec le « cœur faible vidange » : intercaler des couches fertiles, « plenum sodium »). Il semble possible de trouver des solutions à ces problèmes en quelques décennies (à l’horizon 2050) avec une coopération internationale forte et un cahier des charges clairement focalisé sur ces trois points clés : sûreté (fusion-criticité), simplification-robustesse et maîtrise des coûts, outils du cycle adaptés (fabrication, retraitement et transport du combustible). Dans ce domaine, la France pourrait jouer un rôle important.
b) État des lieux des recherches sur la séparation-transmutation des actinides mineurs et des produits de fission à vie longue32
La transmutation des produits de fission à vie longue (iode 129, technétium 99, césium 135) ne peut se faire que par capture de neutrons (radionucléides non fissiles). Or ceci n’est pratiquement pas possible aujourd’hui (sauf pour une partie seulement du technétium 99 et avec des cycles récurrents à poursuivre sur plusieurs générations de parcs) : on ne sait pas introduire des cibles avec de l’iode en réacteur et le césium 135 est toujours accompagné de son isotope 133 qui, en absorbant des neutrons lui aussi, redonne du césium 135. On serait cependant capable de réaliser la première étape de séparation afin de mettre certains produits comme l’iode 129 dans des matrices-colis spécifiques (dont il faudrait cependant garantir la résistance à très long terme).
La séparation des actinides mineurs est également faisable et la transmutation de l’américium est accessible en RNR sodium. Elle est efficace à condition de multirecycler dans la durée (processus séculaire), elle réduit peu la radiotoxicité potentielle des verres à long terme (en raison de la production de curium), mais elle limite significativement leur thermique et permettrait ainsi, dans la durée, un gain d’un facteur 2 sur l’emprise en surface de stockage des déchets HA. Elle suppose acquis la maîtrise et le déploiement industriel des RNR et elle poserait des problèmes supplémentaires de radioprotection et de thermique lors de la manipulation des combustibles contenant l’américium dans les diverses phases du cycle du combustible (fabrication, retraitement, transport), qui devront être résolus. Il est nécessaire d’évaluer ce que l’on risquerait de perdre à court terme en matière de radioprotection des travailleurs par rapport au gain long terme sur le stockage. Au-delà de l’américium, la transmutation du curium serait techniquement possible et contribuerait à réduire la toxicité à long terme, mais elle apparaît aujourd’hui particulièrement délicate pour ces raisons de radioprotection, avec un gain très faible sur la charge thermique et donc sur l’emprise du stockage.
Comme nous l’avons déjà remarqué, la transmutation du plutonium dans les réacteurs à neutrons rapides présente un intérêt pour la gestion des déchets car elle diminue à la fois leur radiotoxicité et la thermique (donc l’emprise du stockage), mais la motivation principale tient bien à l’utilisation du potentiel énergétique du plutonium et à celui, considérable, de l’ensemble de l’uranium naturel, y compris son isotope 238.
La transmutation, au-delà de celle du plutonium, peut en effet permettre :
– de diminuer la dose à l’exutoire d’un stockage géologique ;
– de diminuer la radiotoxicité potentielle à long terme des déchets ;
– de diminuer la charge thermique des déchets en stockage, donc l’emprise en profondeur des alvéoles.
Pour le projet Cigéo, les doses à l’exutoire sont inexistantes jusqu’à l’horizon d’un million d’années, où elles sont négligeables par rapport à la radioactivité naturelle (1.000 fois inférieures à la radioactivité naturelle pour les déchets HA, 100 fois inférieures si l’on devait stocker des combustibles usés) et sont liées à quelques traces de produits de fission et d’activation (iode 129, sélénium 79, chlore 36). Transmuter les actinides mineurs ne présente donc aucun intérêt (ils restent capturés par l’argile), et transmuter les produits de fission vie longue n’apporterait quasiment rien en termes sanitaires. De plus, cela n’est pas accessible pour le moment.
Réduire la radiotoxicité potentielle ne présente donc pas d’intérêt sur le plan sanitaire si l’on construit Cigéo. Cela peut présenter un intérêt si on retient l’entreposage de longue durée, pour diminuer les risques sanitaires en cas d’abandon de la surveillance-maintenance de cet entreposage. L’essentiel des gains en termes de baisse de la radiotoxicité est obtenu si l’on transmute le plutonium, et à condition de le faire vite, c’est-à-dire de retraiter les combustibles usés (UOX et MOX) et de les multirecycler dans des réacteurs rapides sans attendre (pour éviter la production, par décroissance radioactive du plutonium et de ses descendants, de radionucléides vie longue et radiotoxiques comme le curium). Si l’on voulait aller au-delà, il faudrait transmuter aussi le curium, ce qui exigerait des précautions importantes pour assurer la protection des travailleurs (vérifier le bilan bénéfices/risques).
Si l’on veut réduire la charge thermique des déchets afin d’éviter d’avoir à trop les espacer pour ne pas affecter les qualités de la roche en termes de confinement, au-delà de la transmutation du plutonium, c’est celle de l’américium qui pourrait diminuer l’emprise en stockage d’un facteur 2 à long terme. C’est l’étape la plus accessible une fois la maîtrise des réacteurs rapides et la transmutation du plutonium acquises. Au vu des potentiels géologiques, elle n’apparaît pas pour le moment urgente.
c) Les perspectives d’innovation à plus long terme sur la transmutation :
les autres filières rapides de génération 4, et les accélérateurs/lasers couplés avec des réacteurs rapides sous-critiques (systèmes ADS)
Les filières à neutrons rapides de génération 4 susceptibles de contribuer au recyclage du plutonium et, à plus long terme, à la transmutation de certains déchets à vie longue
• Les RNR plomb et plomb-bismuth : c’est la filière la plus avancée derrière le sodium. Les Russes la maîtrisent dans les moteurs de sous-marins et il faudrait regarder avec intérêt leur prototype plomb 300 MW Brest. Nous avons une opportunité de développer nos compétences en Europe avec le prototype de réacteur sous-critique (plomb-bismuth) envisagé par les Belges pour l’ADS Myrrha (projet porté par l’Union européenne). Il y a des verrous technologiques, en particulier autour de la corrosion liée au plomb-bismuth.
• Les RNR gaz (hélium) : il y a des verrous technologiques à franchir très importants (sûreté, matériaux combustibles-cœur qui résistent à des très hautes températures). Le CEA avait investi ce champ de recherche au début des années 2000. Les États-Unis ont un projet innovant financé par le DOE sur cette filière (Fast Modular Reactor 50 MW, General Atomics avec des coopérations industrielles).
• Les réacteurs à sels fondus dans leur version rapide : c’est une technologie très novatrice dans son principe. Le combustible est « dissous » dans le caloporteur du circuit primaire, ce qui permet un retraitement en ligne avec le réacteur. Cette technologie présente des perspectives séduisantes (pour « brûler » l’ensemble des actinides, y compris le thorium), mais aussi des verrous technologiques très forts tant sur le concept de sûreté à inventer sur ce nouveau type de réacteur que sur les matériaux du circuit primaire et du combustible qui doivent être résistants à la corrosion des sels fondus sous irradiation. Le CNRS a construit des compétences scientifiques utiles concernant cette filière, pour le moment encore au stade de concept.
Au-delà : les accélérateurs de protons et les lasers, couplés à des réacteurs rapides sous-critiques
Des progrès spectaculaires en densité de puissance ont été faits ces dernières décennies, au niveau des outils de recherche, dans le domaine des accélérateurs de particules comme des lasers. Ces techniques butent sur le passage à l’échelle industrielle, et en particulier pour passer de la transmutation de l’atome à la transmutation d’un très grand nombre d’atomes. C’est pourquoi les projets de recherche envisagés aujourd’hui couplent ces accélérateurs de protons ou ces lasers à des réacteurs sous- critiques rapides via des cibles de spallation que les protons/laser vont frapper pour générer les neutrons nécessaires afin d’entretenir la réaction en chaîne des réacteurs sous-critiques.`
Ce sont des systèmes intéressants conceptuellement car ils permettraient la transmutation de nombreux radionucléides en étant dédiés à cette fin (et non conçus pour la production d’électricité) : ce sont en effet des « machines » dédiées à la transmutation, car elles pourraient accepter des concentrations élevées en actinides mineurs dans le cœur, ce qui est difficile dans les filières RNR « classiques » pour des raisons de sûreté. La contrepartie est que ces systèmes sont extrêmement complexes en raison du couplage entre accélérateur/laser-cible de spallation-réacteur à neutrons rapides sous-critique, avec des défis technologiques très importants à relever (y compris le réacteur rapide sous-critique et sa sûreté).
Dans le cadre d’une coopération européenne, la Belgique porte le projet d’Accelerator Driven System (ADS) Myrrha, auquel la France participe, couplant accélérateur de protons et réacteur rapide au plomb-bismuth. Le Français Gérard Mourou, prix Nobel de physique 2018 et spécialiste des lasers, a fait des propositions intéressantes de recherche utilisant les lasers. Ces systèmes ont peu de chance de déboucher rapidement, mais ils font partie de domaines féconds d’innovations et ces recherches méritent d’être examinées avec attention.
Au total, les enjeux liés à la mise au point de l’ensemble de ces innovations technologiques (des réacteurs à neutrons rapides aux ADS) et à leur compétitivité sont considérables : elles permettraient au nucléaire de produire massivement de l’énergie pilotable sans CO2 pendant de nombreux siècles sans problème de ressources en combustible, avec une sécurité d’approvisionnement garantie pour la France et avec une meilleure gestion des déchets vie longue. C’est sans doute la raison pour laquelle les Russes et les Chinois passent à la vitesse supérieure, et les États-Unis, après un long sommeil, mettent en place des projets de recherche public-privé dans pratiquement toutes les directions intéressantes évoquées ci-dessus. C’est aussi un enjeu pour la France et l’Europe en termes de compétences scientifiques, de contribution dans la durée à la neutralité carbone et de souveraineté industrielle et énergétique. La première étape incontournable, probablement la plus utile, pour atteindre ces objectifs est la mise au point des RNR (le sodium étant le premier candidat) pour brûler le plutonium et l’uranium appauvri. Ajoutons aussi que le démarrage des réacteurs à neutrons rapides repose sur la capacité à mobiliser le plutonium issu des combustibles usés des REP, ce qui peut permettre de comprendre l’hésitation de certains pays, aujourd’hui en cycle ouvert, à le mettre avec le combustible usé en stockage géologique destiné à être fermé ou à l’utiliser dans des REP en multirecyclage.
Si l’on revient plus spécifiquement sur la gestion des déchets à vie longue, il est clair que, quels que soient les progrès (souhaitables) réalisés, il subsistera des déchets à vie longue à gérer (même si les quantités pourront devenir encore plus faibles à l’avenir), à commencer par les MA-VL et les déchets vitrifiés existants quasi impossibles à transmuter. Les perspectives de progrès concernant la transmutation ne dispensent donc pas d’affronter la question du choix entre stockage géologique et entreposage de longue durée.
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