Résumé

Méthodologie

Introduction

I.

En 2024, le soutien à l’Union européenne est massif (87%)

1.

Les Européens approuvent l’appartenance de leur pays à l’Union1

2.

Au lieu de raviver le nationalisme, la montée des périls affermit l’idée européenne

II.

Les Européens à la recherche d’une puissance publique

1.

Que peuvent les États pour leur peuple ?

2.

La sécurité, première des revendications

3.

Les Européens veulent la protection des frontières communes (86%)

4.

Reprendre le contrôle démocratique de l’espace public

III.

Des électeurs raisonnables laissés aux démagogues

1.

Qu’est-ce qu’être Européen ?

2.

La démocratie comme liberté

3.

Qu’est-ce qui distingue encore les électeurs populistes ?

Conclusion

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Résumé

Ébranlée par la montée en puissance d’un vote protestataire dont les partis populistes de droite ont été les principaux bénéficiaires, déstabilisée par les crises institutionnelles, en particulier l’échec du Traité constitutionnel européen, en 2005, l’Union européenne a résisté. Elle a même fait la preuve de sa capacité à traverser, sinon toujours à surmonter, des crises inédites et particulièrement violentes qui, peut-être, l’auraient détruite un quart de siècle plus tôt : crises financières, budgétaires, institutionnelles, migratoires, politiques, sanitaires, géopolitiques… Les élections européennes de l’année 2024 sont marquées par un contexte menaçant alourdi par la perspective d’une nouvelle poussée des partis populistes, principalement ceux de droite, des partis qui se sont historiquement constitués dans l’expression d’une hostilité radicale à l’Union européenne.

Les données présentées ici ne contredisent pas mais précisent la thèse d’une vague « populiste », si l’on entend par là une montée en puissance de forces électorales désireuses d’en finir avec l’Union européenne, voire de remettre en cause la forme démocratique qui caractérise l’organisation politique interne de chacun des États membres.

Mais, à la lumière de la présente étude de la Fondation pour l’innovation politique, il apparaît qu’au moment des élections européennes, la plupart des 360 millions d’électeurs sont indubitablement acquis à la fois aux valeurs de la démocratie et à l’idée européenne, peut-être plus que jamais. Cette double conviction populaire est d’autant plus significative qu’elle s’exprime dans une Europe géographiquement très étendue et qui atteint le degré d’intégration des États le plus élevé à ce jour.

En 2024, l’idée européenne, les principes qui la fondent, les institutions qui en émanent, bénéficient du puissant soutien de la plupart des Européens. Dès lors, la question se pose de savoir quel peut être le sens des votes populistes. Il apparaît que la plupart des leaders populistes et de leurs adversaires n’ont pas une bonne compréhension de la réalité politique parce qu’ils se sont enfermés dans un même malentendu sur l’interprétation du vote populiste, confondant le plus souvent l’expression d’une protestation ou d’une revendication avec une adhésion à une promesse de rupture, amalgamant les électeurs avec les chefs et les représentants des partis populistes.

Dominique Reynié,

Professeur des universités à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique.

Auteur, entre autres, du Triomphe de l’opinion publique. L’espace public français du XVIe au XXe siècle (Odile Jacob, 1998), du Vertige social nationaliste. La gauche du Non (La Table ronde, 2005) et des Nouveaux Populismes (Pluriel, 2013). Il a également dirigé l’ouvrage Où va la démocratie ? (Plon, 2017) et Démocraties sous tensions (Fondation pour l’innovation politique, 2020), deux enquêtes internationales de la Fondation pour l’innovation politique.

Fondation pour l'innovation politique,

Think tank libéral, progressiste et européen.

AUTEUR

Dominique REYNIÉ, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique

COORDINATION ÉDITORIALE

Nicola GADDONI

PRODUCTION

Diane de CHARRY, Clément DE CARO, Anne FLAMBERT, Éric GARCIA, Alice LE FAUCHEUR, Jean MICHEL,
Claire-Marie MORINIÈRE, Enzo MUS, Claude SADAJ

MAQUETTE ET RÉALISATION

Julien RÉMY

IMPRESSION

GALAXY Imprimeurs

PARUTION

2024

L’enquête a été réalisée par l’institut Ipsos

Brice TEINTURIER, directeur général délégué

Au sein du département Politique et Opinion :

Federico VACAS, directeur adjoint du département Xavier BALEYTE, directeur du traitement
Pierre LATRILLE, chef de groupe Alexandre LERAY, chargé d’études senior Felix TENTILLIER, chargé d’études

Crédits

La présente enquête est basée sur un questionnaire élaboré par la Fondation pour l’innovation politique. Elle a été administrée dans les 27 pays membres de l’Union européenne et au Royaume-Uni par l’institut Ipsos, entre le 22 mars et le 26 avril, auprès d’échantillons représentatifs de la population âgée de 18 ans et plus dans chaque pays. Au total, 23.788 personnes ont été interrogées. L’enquête a été administrée dans 24 langues.
Les échantillons ont été interrogés on-line via l’Access Panel d’Ipsos et par téléphone (Chypre et Malte). La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas, au regard des critères de genre, d’âge, de profession, de catégorie d’agglomération et de région de résidence. Les résultats globaux ont été pondérés en fonction du poids démographique de chaque pays.

Précisions sur l’intervalle de confiance

L’intervalle de confiance (appelé aussi marge d’erreur) est l’intervalle dans lequel se trouve la valeur recherchée avec une probabilité fixée (le niveau de confiance). L’amplitude de cet intervalle dépend du niveau de confiance, de la valeur observée et de la taille de l’échantillon. Le calcul n’est justifié que pour les sondages aléatoires. Il ne peut pas être déterminé dans le cas de sondages par quotas mais on considère qu’il est proche de celui des sondages aléatoires.

Intervalle de confiance (95% niveau de confiance)
Résultats obsérvés

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Note : Dans le cas d’un échantillon de 1.000 répondants, si la mesure est de 25%, il y a 95% de chances que la proportion réelle dans la population totale soit contenue dans un intervalle allant de 22,3% à 27,7% (plus ou moins 2,7 points).

Dans le cadre de cette étude, nous comparons en plusieurs occasions les résultats de chacun des 28 pays de l’enquête avec la moyenne européenne, la moyenne des six pays fondateurs de l’Union européenne, la moyenne des pays qui appartenaient à l’ancien bloc soviétique et la moyenne des pays européens membres de l’Otan.

Les six pays fondateurs (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) ont signé le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951 et le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, considérés comme les actes fondateurs de l’Union européenne. Ces pays sont également ceux dans lesquels le processus d’intégration est le plus avancé. L’analyse de l’opinion dans ces pays peut fournir des informations précieuses quant à la solidité et à la pérennité du projet d’intégration européenne. En outre, ces pays élisent 43% des eurodéputés lors des élections européennes 2024, ce qui leur confère un poids politique majeur au sein du Parlement européen. Enfin, ces pays représentent les économies les plus importantes au sein de l’Union européenne, ils influencent de manière significative les politiques économiques de l’Union.

Les pays qui appartenaient à l’ancien bloc soviétique (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Tchéquie, Roumanie et Slovaquie) ont intégré l’Union européenne en 2004 et en 2007. Ces pays ont rejoint l’Union après avoir connu le régime communiste, ce qui pourrait conduire à percevoir l’intégration européenne comme un moyen de renforcer la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. En outre, leur passé récent sous le joug de Moscou pourrait alimenter des tendances d’opinion distinctes en matière de sécurité et de politique étrangère européennes, dans un contexte marqué par de fortes tensions avec la Russie en raison de l’invasion de l’Ukraine.

La Croatie et la Slovénie n’ont pas été intégrées dans ce sous-ensemble. Bien qu’elles aient été des républiques socialistes yougoslaves, ces deux pays ne sont pas traditionnellement inclus dans ce que l’on appelle l’ancien bloc soviétique, en raison du non-alignement de la Yougoslavie. Cette nuance est particulièrement importante car l’histoire de leurs relations avec la Russie diffère de celle des pays mentionnés précédemment.

Ébranlée par la montée en puissance d’un vote protestataire dont les partis populistes de droite ont été les principaux bénéficiaires, déstabilisée par les crises institutionnelles, en particulier l’échec du Traité constitutionnel européen, en 2005, l’Union européenne a résisté. Elle a même fait la preuve de sa capacité à traverser, sinon toujours à surmonter, des crises inédites et particulièrement violentes qui, peut-être, l’auraient détruite un quart de siècle plus tôt : crises financières, budgétaires, institutionnelles, migratoires, politiques, sanitaires, géopolitiques… Les élections européennes de l’année 2024 sont marquées par un contexte menaçant alourdi par la perspective d’une nouvelle poussée des partis populistes, principalement ceux de droite, des partis qui se sont historiquement constitués dans l’expression d’une hostilité radicale à l’Union européenne.

Les données présentées ici ne contredisent pas mais précisent la thèse d’une vague « populiste », si l’on entend par là une montée en puissance de forces électorales désireuses d’en finir avec l’Union européenne, voire de remettre en cause la forme démocratique qui caractérise l’organisation politique interne de chacun des États membres. Mais, à la lumière de la présente étude de la Fondation pour l’innovation politique, il apparaît qu’au moment des élections européennes, la plupart des 360 millions d’électeurs sont indubitablement acquis à la fois aux valeurs de la démocratie et à l’idée européenne, peut-être plus que jamais. Cette double conviction populaire est d’autant plus significative qu’elle s’exprime dans une Europe géographiquement très étendue et qui atteint le degré d’intégration des États le plus élevé à ce jour.

En 2024, l’idée européenne, les principes qui la fondent, les institutions qui en émanent, bénéficient du puissant soutien de la plupart des Européens. Dès lors, la question se pose de savoir quel peut être le sens des votes populistes. Il apparaît que la plupart des leaders populistes et de leurs adversaires n’ont pas une bonne compréhension de la réalité politique parce qu’ils se sont enfermés dans un même malentendu sur l’interprétation du vote populiste, confondant le plus souvent l’expression d’une protestation ou d’une revendication avec une adhésion à une promesse de rupture, amalgamant les électeurs avec les chefs et les représentants des partis populistes.

I Partie

En 2024, le soutien à l’Union européenne est massif (87%)

La quasi-totalité des électeurs se sentent membres de l’Union européenne. Ils l’approuvent et la soutiennent nettement. C’est un premier paradoxe manifeste que d’observer une expansion du vote populiste chez des Européens de plus en plus largement convaincus par l’Union européenne.

1

Les Européens approuvent l’appartenance de leur pays à l’Union1

Notes

1.

Dans la suite du document, nous utiliserons « Union européenne », « Union » et « Europe » comme des équivalents afin de réduire le nombre des répétitions et de ne pas alourdir davantage le texte.

+ -

2.

Cf. Dominique Reynié (dir.), Libertés, l’épreuve du siècle, Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, Community of Democracies, Konrad-Adenauer-Stiftung, Genron NPO, Fundación Nuevas Generaciones, República do Amanhã, 2022 [fondapol.org].

+ -

Malgré des contestations récurrentes au cours des années récentes et en dépit de la montée en puissance d’un vote populiste et de discours souvent plus « antieuropéens » qu’eurosceptiques, l’Union européenne et l’euro plus encore sont largement soutenus par les Européens.

a. Le souhait de quitter l’Union européenne est devenu marginal (13%)

En 2024, plus des deux tiers des Européens (69%) soutiennent l’appartenance de leur pays à l’Union européenne ; un cinquième (18%) cependant n’y sont pas favorables mais ne veulent pas quitter l’Union, et ce, au motif que « ce qui est fait est fait ». On ne trouve finalement que 13% des Européens qui souhaitent voir leur pays quitter l’Union européenne. L’approbation du principe de l’Union s’accompagne d’un soutien solide aux institutions qui la représentent et agissent en son nom : l’euro, la Commission et le Parlement. Ces données mettent en lumière le faible poids de ceux que nous appellerons ici les « Exiters », ces électeurs qui veulent voir leur pays quitter l’Union européenne et qui ne représentent qu’un groupe minoritaire, voire marginal. Les pays dans lesquels leur poids est le plus important sont la Bulgarie (22%), la République tchèque (20%), l’Autriche (19%), la France (18%), le Luxembourg (17%), la Slovaquie (16%), la Suède (15%) et Chypre (15%).

b. Le soutien à l’Euro : 92% des personnes interrogées disent accepter la monnaie européenne

Au sein de la zone euro, le soutien à la monnaie domine largement, plus des deux tiers (69%) des répondants souhaitant conserver l’euro ; ensuite 23% répondent souhaiter que leur pays revienne à la monnaie nationale mais pensent que ce n’est pas possible ; ainsi au total, dans la zone euro, 92% des personnes interrogées disent accepter la monnaie européenne. Par rapport aux résultats de l’enquête Libertés : l’épreuve du siècle2, réalisée l’été 2021, le soutien à l’euro progresse de 5 points en moyenne, mais de 13 points en Lituanie (63%), de 11 points en Lettonie (65%) et de 11 points en Allemagne (69%). Le soutien le plus faible est observé en Croatie (50% des répondants souhaitant conserver l’euro). Rappelons que ce pays est le dernier à avoir intégré la zone euro en janvier 2023, et l’on peut penser que le processus d’adaptation des citoyens à la monnaie unique est en cours.

Il faut rappeler cependant que le soutien à l’euro est affecté par la situation financière des répondants ; ils sont 54% à soutenir l’euro parmi ceux qui rencontrent des difficultés financières, tandis qu’il sont 81% parmi ceux qui déclarent s’en sortir facilement avec leurs revenus. Un deuxième clivage significatif est dans le rapport à la mondialisation. La quasi-unanimité (98%) de ceux qui ont une perception positive de la mondialisation, ceux qui jugent qu’elle offre plus d’avantages que d’inconvénients, souhaitent conserver l’euro comme monnaie ; mais ce soutien demeure massif (85%) chez les répondants qui ont une perception négative de la mondialisation, ceux qui estiment au contraire qu’elle présente plus d’inconvénients que d’avantages. En clair, ces chiffres signifient que ceux qui ont une opinion négative de la mondialisation et à la fois veulent revenir à la monnaie nationale ne sont que 15%.

Le soutien des Européens à l’Union
Question : « Concernant l’Union européenne, parmi les opinions suivantes de laquelle êtes-vous le plus proche ? »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

L’euro fait l’unanimité
Question :
« En ce qui concerne l’euro, de laquelle des opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ? »
Base :
Pays de la zone euro

Évolution 2021/2024

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Note : Les chiffres dans le tableau indiquent l’évolution en points de pourcentage par rapport aux résultats de l’enquête Libertés, l’épreuve du siècle, Dominique Reynié (dir.), Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, Community of Democracies, Konrad-Adenauer-Stiftung, Genron NPO, Fundación Nuevas Generaciones, República do Amanhã, 2022 [fondapol.org].

Notes

3.

Cf. Libertés, l’épreuve du siècle, op.cit. pp. 49-50 [fondapol.org] ; Katherine Hamilton et Dominique Reynié : « Le soutien à l’euro protège l’Europe », Démocraties sous tension, Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, 2019, pp. 114 et suivantes [fondapol.org] ; Dominique Reynié (dir.), Où va la démocratie ? Une enquête internationale de la Fondation pour l’innovation politique, Plon, 2017, p. 265-267.

+ -

4.

Ce qui conduit à souligner l’importance de l’enjeu patrimonial. Les partis populistes sont les seuls à prendre en charge la double dimension du patrimoine, le patrimoine matériel, soit globalement le niveau de vie, et le patrimoine immatériel, soit le style de vie, donnant lieu à un populisme patrimonial dont Fratelli d’Italia offre aujourd’hui l’expression la plus structurée. Cf. en particulier Dominique Reynié, Populismes, la pente fatale, Paris, Plon, 2011 et Les nouveaux populismes, Paris, Pluriel, 2013.

+ -

5.

Cf. Patrick Moreau, L’AfD, l’extrême droite allemande dans l’impasse, Paris, Fondation pour l’innovation politique, juin 2024 [fondapol.org].

+ -

6.

Cf. Christophe de Voogd, Victoire populiste aux Pays-Bas : spécificité nationale ou paradigme européen ? Paris, Fondation pour l’innovation politique, mai 2024 [fondapol.org].

+ -

La Fondation pour l’innovation politique a mené antérieurement plusieurs enquêtes d’opinion dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Chaque enquête a montré avec plus de force que l’hostilité à l’euro est perçue par les électeurs comme une menace pour leurs intérêts personnels et matériels3. Si le discours contre l’Europe a pu recevoir un écho favorable en raison de son caractère général et antisystème, sous la forme d’une protestation rhétorique qui ne coûtait rien, le discours contre l’euro, en revanche, est identifié comme une menace pour le patrimoine matériel des électeurs4. Les populistes qui s’obstinent à combattre l’euro, ou entretiennent le doute à ce sujet, s’exposent donc à la stagnation voire à l’érosion de leur influence électorale. C’est le risque pris en Allemagne par l’AfD à la suite du retour, en 2023-2024 du discours sur le « Dexit », la sortie de l’Allemagne de l’Union européenne et le retour au Deutsche Mark5. On l’a vu également aux Pays-Bas, lors des élections législatives du 22 novembre 2023, quand le Parti de la Liberté de Geert Wilders, le PVV, grand vainqueur du scrutin grâce à un score historique (25% des suffrages exprimés), a été tenu à l’écart d’une coalition gouvernementale notamment en raison du projet d’un « Netxit », l’abandon de l’euro par les Pays-Bas, voulu par les populistes néerlandais6. Pour les populistes du PVV, il a fallu céder sur ces points afin de rendre possible l’accord du 15 mai 2024 donnant le jour à une coalition majoritaire, associant le PVV, appartenant au groupe de Marine Le Pen Identité et Démocratie, le parti néo-populiste pro-agriculteurs (BBB), le Parti libéral (VVD) membre du groupe Renew Europe et le parti anti-corruption NSC.

En revanche, par voie de conséquence, ce puissant mécanisme d’opinion contraignant les leaders populistes n’est efficace qu’autant que l’euro est solide. C’est une façon de rappeler que le soutien à l’Europe et à l’euro est exposé aux changements de conjoncture, ce que confirme le rôle du jugement porté sur la mondialisation.

Il en est ainsi dans les pays de la zone euro. Si le vote populiste est fort, l’opinion n’en affirme pas moins son souhait de conserver la monnaie européenne : au Portugal (82%), en Belgique (77%), en Espagne (76%), en Slovénie (75%), en Finlande (74%), en Slovaquie (72%), en Autriche (71%), aux Pays-Bas (70%), en France (69%), en Allemagne (69%) ou encore en Italie (61%).

Nous observons donc deux mouvements simultanés, l’un qui est l’enracinement du soutien à l’Europe et à l’euro, il concerne désormais peu ou prou tous les Européens ; l’autre, qui est l’expansion du vote populiste. Or, ces deux mouvements se déployant simultanément impliquent nécessairement que les électeurs populistes sont massivement favorables à l’euro, amenant les leaders populistes à se convertir à l’idée d’une monnaie européenne sinon à perdre leurs électeurs.

Qui sont les « Exiters »?
Question :
« Concernant l’Union européenne, parmi les opinions suivantes de laquelle êtes-vous le plus proche ? »
Réponse : « Vous n’êtes pas favorable à l’Union européenne et vous souhaitez que votre pays en sorte »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Grille de lecture : 52% de ceux qui ont répondu « Vous n’êtes pas favorable à l’Union européenne et vous souhaitez que votre pays en sorte » (13% des répondants dans l’Union européenne) sont âgés de 35 à 59 ans, 30% sont âgés de plus de 60 ans et 18% sont âgés de 18 à 34 ans.

c. Majorité d’opinion, le soutien à l’Europe est aussi une réalité électorale

L’analyse des résultats électoraux dans les États membres montre que le soutien à l’idée européenne ne s’exprime ni d’abord ni principalement par des sondages d’opinion mais par des choix électoraux. Le soutien à l’idée européenne s’est d’abord manifesté dans les élections législatives nationales. Depuis les débuts de la construction européenne, dans chacun des États membres, dont le nombre est passé de six à vingt-sept, la plupart des scrutins nationaux ont accordé une majorité de gouvernement à des partis ou à des coalitions favorables à la préservation ou au déploiement du projet européen7.

L’analyse politique a tendance à oublier ou à minorer l’un des enseignements majeurs de l’histoire de la construction européenne qui est que, pour spectaculaires qu’ils puissent être, quelques scrutins hostiles à l’idée européenne ne peuvent pas occulter la réitération du soutien démocratique à la construction de l’Union. Dans chacun des États membres, à partir de leur adhésion, les électeurs ont presque toujours voulu des majorités parlementaires proeuropéennes. Des dizaines d’élections législatives nationales nous fournissent la preuve du soutien démocratique à l’idée européenne et à son développement. Depuis la fin des années 1990, jusqu’à aujourd’hui, les partis antieuropéens ont été tenus à la périphérie de la vie politique et du pouvoir. Depuis le début des années 2000, des partis populistes, le plus souvent de droite, quelquefois de gauche8, ont commencé à prendre part à des coalitions majoritaires, en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Suède, puis à prendre la tête d’une coalition majoritaire. C’est le cas pour la première fois en Grèce, avec Syriza, en 2015, puis en Italie, en juin 2018 avec le gouvernement de Giuseppe Conte associant la Lega et le M5S et aujourd’hui, depuis septembre 2022, avec Giorgia Meloni ; mais c’est presque toujours en satisfaisant la condition électorale fondamentale de préserver les liens avec l’Union européenne, à l’exception de l’expérience Syriza, en Grèce, mais qui fut de courte durée9. Certes tonitruants et parfois capables de mobiliser des partisans, les partis populistes ne sont pas encore parvenus à organiser une majorité de gouvernement.

2

Au lieu de raviver le nationalisme, la montée des périls affermit l’idée européenne

Notes

7.

On peut le voir précisément sur le quart de siècle qui vient de s’écouler, ce que montre le livre de Corinne Deloy, Le vote des Européens. Vingt-trois ans d’élections nationales en Europe, Paris, Les Éditions du Cerf/Fondation pour l’innovation politique, 2024.

+ -

8.

On peut citer les partis Syriza, en Grèce, Podemos, en Espagne ou Die Linke, en Allemagne. Sur Podemos, cf. Joan Marcet : « Podemos, entre populisme et radicalisme », in L’opinion européenne en 2015, Paris, Éditions Lignes de repères/Fondation pour l’innovation politique, Paris, 2015, pp. 23-31.

+ -

9.

Cf. Stellina Galitopoulou : « La première victoire des populistes en Europe depuis la naissance de l’Union : analyse du scrutin grec de janvier 2015 », in L’opinion européenne en 2015, Paris, Éditions Lignes de repères/Fondation pour l’innovation politique, Paris, 2015, pp. 13-21.

+ -

Depuis que la mondialisation déploie ses effets à la suite de l’effondrement de l’empire soviétique, les Européens voient surgir peu à peu un monde sous domination américano-chinoise. Ces deux grandes puissances imposent un duopole planétaire agressif qui semble devoir étouffer les nations européennes. L’avènement d’un monde indéniablement plus hostile fait à présent converger les électeurs vers un repli européen, en lieu et place d’un repli national.

a. La mondialisation inquiète davantage les Européens

En moyenne, 24% des Européens voient plus d’avantages que d’inconvénients à la mondialisation ; 46% portent sur la mondialisation un jugement négatif, y voyant « autant d’avantages que d’inconvénients », et 30% y voient plus d’inconvénients que d’avantages. Ce jugement négatif est beaucoup plus marqué dans certains pays, notamment en France, qui détient le record européen : près de la moitié (45%) des Français interrogés considèrent que la mondialisation apporte plus d’inconvénients que d’avantages. Dans l’ensemble, le niveau des opinions qui évaluent favorablement la mondialisation n’est jamais très élevé ; il dépasse difficilement, et rarement, le tiers des répondants. La mondialisation a cessé d’enthousiasmer les Européens. Désormais, elle les inquiète et, à tout le moins, elle suscite une grande méfiance. Plus répandue, la volonté de se placer à l’abri, sinon à l’écart, des effets négatifs de la mondialisation, constitue une des raisons principales du soutien à l’Europe.

Mondialisation, la fête est finie
Question : « De laquelle des opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ? »
Base : Pays membres de l’Union européenne et Royaume-Uni

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Perception de la mondialisation et taille de la commune de résidence
Question : « De laquelle des opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ? »
Réponses : « La mondialisation offre plus d’avantages que d’inconvénients »
Base : les répondants des pays de l’Union européenne selon la taille de la ville dans laquelle ils résident

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

b. L’agressivité de puissances hostiles (Russie, Chine, Iran, Turquie) favorise l’idée européenne

Pour bien des Européens, la mondialisation prend la forme d’une prolifération de crises de plus en plus diverses et de plus en plus violentes, auxquelles s’ajoute l’activisme déployé par des États attachés à renforcer leur despotisme sur le plan intérieur et à restaurer leur empire sur le plan extérieur.

La Russie, la Chine, mais aussi l’Iran et la Turquie sont perçus comme les pays qui ont mis fin à la période heureuse de la mondialisation initiale, celle durant laquelle le développement fulgurant du commerce permettait d’espérer un enrichissement universel, source sûre d’une paix durable accompagnée d’une propagation du modèle démocratique. À des degrés divers, ces pays inquiètent les Européens. Ils donnent à voir un monde auquel les Européens semblent ne plus être adaptés.

Un monde hostile
Question : « Pour chacun des pays suivants, dites si son attitude sur la scène internationale vous inquiète, vous rassure, ou ni l’un ni l’autre »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Note : Les chiffres dans le tableau à droite indiquent l’évolution en points de pourcentage par rapport aux résultats de l’enquête Libertés, l’épreuve du siècle, Dominique Reynié (dir.), Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, Community of Democracies, Konrad-Adenauer-Stiftung, Genron NPO, Fundación Nuevas Generaciones, República do Amanhã, 2022 [fondapol.org].

• Le cas de la Turquie mérite d’être spécifié parce qu’il met en lumière deux dimensions géopolitiques. La première dimension est d’ordre externe ; elle tient à la menace que les Européens éprouvent compte tenu de l’activisme turc, en Méditerranée, en Asie centrale, au Proche-Orient ou en Afrique. À la manière de la Russie, la Turquie tente de retrouver une partie de son influence passée. Cette agressivité turque ravive les inquiétudes de ses voisins européens. Les trois quarts des Grecs (72%) et la quasi-totalité des Chypriotes (91%) expriment leurs craintes vis-à-vis du comportement de la Turquie.

La seconde dimension de ce risque géopolitique est d’ordre interne. Les effets de l’activisme turc ne se limitent ni à la scène internationale ni aux voisins de la Turquie ; ils sont également ressentis à l’intérieur des États européens, en particulier dans les pays qui accueillent une importante diaspora turque. Dans ces pays, le niveau d’inquiétude suscité par la Turquie est supérieur à la moyenne européenne (46%) tel qu’en France (50%), ou en Allemagne (52%). Si l’inquiétude est également très répandue en Italie (47%) et au Portugal (49%), alors que ces pays n’accueillent pas une diaspora turque, c’est peut-être, pour l’Italie, en raison d’une proximité géographique périlleuse dans le cas d’un conflit régional opposant, par exemple, Ankara et Athènes. Mais la dégradation de l’image de la Turquie s’explique aussi par la tension permanente avec l’Union européenne, notamment depuis la crise migratoire de 2015, dans le contexte pénible de la mise en scène d’un islamisme belliqueux, volontiers antichrétien, de la part de Recep Tayyip Erdogan.

• Depuis son offensive lancée contre l’Ukraine, la Russie a donné raison à ceux qui la jugeaient menaçante. Plus des trois quarts des Européens (77%) partagent ce jugement, en forte progression depuis 2021 (+16 points). Cette évolution mérite d’être soulignée. L’invasion de l’Ukraine, lancée le 24 février 2022, a provoqué une prise de conscience dans l’opinion publique quant aux ambitions impérialistes de la Russie ; elle a aussi contraint lesEuropéens à revenir aux réalités de l’histoire, de la politique mondiale et à s’habituer à penser à nouveau l’irréductible dangerosité du monde des États. Après les crises financières, migratoires, sanitaires, ce nouveau choc collectif joue un rôle déclencheur dansle mouvement de repli européen et dans l’affirmation du soutien à l’idée européenne.

La Russie mobilise, contre elle
Question :
« Pour chacun des pays suivants, dites si son attitude sur la scène internationale vous inquiète, vous rassure, ou ni l’un ni l’autre. La Russie »
Base :
Pays membres de l’Union européenne et Royaume-Uni

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Un vote européen contre l’agression russe
Question :
« Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
Pays membres de l’Union européenne

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

• Avec la Russie et la Chine, l’Iran est le troisième pays à susciter l’inquiétude de la majorité des Européens (69%). Notre enquête d’opinion ayant été menée entre le 22 mars et le 26 avril 2024, bien après l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas, le 7 octobre 2023, les Européens ont découvert de nouveaux motifs de redouter les conséquences géopolitiques externes et internes de cette dictature religieuse, capable de provoquer des guerres, des attentats ou encore de susciter des troubles importants au sein même des sociétés européennes, par le recours à la mobilisation de la haine, à partir du sentiment religieux et en attisant l’antisémitisme et ses manifestations sur le sol européen.

Les États-Unis, la Chine et la Russie jugés par les électorats européens
Question :
« Pour chacun des pays suivants, dites si son attitude sur la scène internationale vous inquiète, vous rassure, ou ni l’un ni l’autre. »
Réponse :
« Vous inquiète »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Grille de lecture : Parmi les répondants qui disent voter pour un parti membre du groupe PPE au Parlement européen, 24% se disent inquiets par rapport à l’attitude internationale des États-Unis.

c. La crainte d’une nouvelle guerre mondiale (60%)

L’offensive russe en Ukraine a rendu aux Européens la conscience de la guerre, sur un continent où la paix, même partielle et relative, rassurait malgré tout depuis plus de 80 ans. Au printemps 2024, 60% des Européens considèrent probable le déclenchement d’une nouvelle guerre mondiale. Les plus inquiets sont les Chypriotes (83%), les Croates (71%), les Maltais (72%), les Polonais (72%), les Portugais (77%), et les Roumains (74%).

Ce chiffre progresse significativement par rapport aux résultats de notre enquête de 2021 (Libertés : l’épreuve du siècle). L’augmentation moyenne est de +22 points pour l’ensemble de l’Union européenne. La progression la plus forte est enregistrée au Portugal (+35 points), à Chypre (+29 points), en Estonie (+28 points). La crainte d’une troisième guerre mondiale progresse dans tous les pays de l’enquête. Cette progression n’est jamais inférieure à 13 points.

La guerre, à nouveau aux portes de l’Union européenne
Question :
« Pensez-vous qu’il est très probable, plutôt probable, plutôt improbable ou très improbable qu’une nouvelle guerre mondiale éclate dans les prochaines années ? »
Réponses :
« Très probable » et « Plutôt probable »
Base : Pays membres de l’Union européenne et Royaume-Uni

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Note : Les chiffres entre parenthèses indiquent l’évolution en points de pourcentage par rapport aux résultats de l’enquête Libertés, l’épreuve du siècle, Dominique Reynié (dir.), Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, Community of Democracies, Konrad-Adenauer-Stiftung, Genron NPO, Fundación Nuevas Generaciones, República do Amanhã, 2022 [fondapol.org].

d. De l’opinion au vote : l’effet proeuropéen de l’agression russe

L’enquête met en lumière les conséquences en termes d’opinion de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. Mais le sujet est si grave et il suscite une inquiétude si vive que les opinions se traduisent en votes. Les 22.788 électeurs interrogés dans notre enquête citent comme première ou deuxième raison de leur vote l’agression de l’Ukraine par la Russie. L’attaque russe est certainement l’événement qui a le plus compté dans la détermination du vote lors des élections européennes de juin 2024. Au total, un tiers des répondants (32%) ont cité l’agression russe en premier ou en deuxième, et un cinquième (19%) l’ont donné comme première raison. Le rôle de cette guerre dans le choix électoral est plus important encore dans les pays limitrophes de la Russie, comme on le voit par la place que cette agression a prise dans le choix du vote des Lituaniens (52%), des Estoniens (61%) et des Lettons (50%). Dans l’ensemble des pays de l’ex-bloc soviétique, la guerre en Ukraine est citée en premier motif du choix électoral par 25% des répondants.

L’attaque de l’Ukraine par la Russie influence la décision électorale de juin 2024
Question : « Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Réponse : « L’invasion de l’Ukraine par la Russie »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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L’histoire et la géographie expliquent évidemment une partie de l’impact électoral de ce conflit, qu’il s’agisse des pays baltes, de la Pologne ou des pays nordiques, mais d’autres pays ont fait de la guerre en Ukraine une raison importante de leur choix, sans avoir la même histoire ni la même géographie, ce qui atteste de l’impact général que cette agression a eu sur le choix électoral. Il existe bien sûr d’autres motivations et elles renvoient à d’autres configurations historiques et géographiques, à d’autres situations politiques. Ainsi, la crise économique est citée en première ou en seconde raison de leur vote par 47% des Grecs, 37% des Espagnols et 39% des Italiens.

Enfin, il est intéressant de noter que l’agression de l’Ukraine par la Russie arrive en tête des motifs de vote chez les électeurs de droite des partis associés au Parti populaire européen (42% au total), chez les électeurs de gauche des partis associés au groupe des Sociaux-Démocrates (37%), chez les électeurs du centre des partis membres de Renew Europe (45%) ; cette guerre est citée en deuxième position dans les raisons du choix électoral chez les électeurs des partis membres du groupe des Verts (37%) et chez ceux du groupe associant des partis populistes du groupe des Conservateurs et réformistes européens (le CRE, 29%) animé par Giorgia Meloni. L’attaque de l’Ukraine arrive en troisième position dans les raisons du vote pour les électeurs des partis adhérant au groupe de La Gauche (26%) et en cinquième position pour les électeurs des partis adhérant au groupe Identité et Démocratie (ID, 20%) le groupe du RN de Marine Le Pen.

Les raisons du vote pour les électeurs du PPE
Question : «
Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
les électeurs des partis membres du groupe du Parti populaire européen (PPE) au Parlement européen

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Les raisons du vote pour les électeurs des S&D
Question :
« Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
les électeurs des partis membres du groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D)

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Les raisons du vote pour les électeurs de Renew Europe
Question :
« Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
les électeurs des partis membres du groupe Renew Europe (RE) au Parlement européen

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Les raisons du vote pour les électeurs des Verts/ALE
Question :
« Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
les électeurs des partis membres du groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) au Parlement européen

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Les raisons du vote pour les électeurs de GUE/NGL
Question :
« Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
les électeurs des partis membres du groupe de La Gauche au Parlement européen (GUE/NGL)

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Les raisons du vote pour les électeurs des CRE
Question :
« Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
les électeurs des partis membres du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE) au Parlement européen

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Les raisons du vote pour les électeurs de ID
Question :
« Parmi les problèmes rencontrés récemment en Europe, quel est celui qui pèsera le plus dans votre choix de vote/décision d’aller voter lors des élections européennes du 6-9 juin 2024 ? »
En premier et en deuxième
Base :
les électeurs des partis membres du groupe Identité et démocratie (ID) au Parlement européen

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II Partie

Les Européens à la recherche d’une puissance publique

1

Que peuvent les États pour leur peuple ?

Notes

10.

Cf. Dominique Reynié, « L’avènement d’un stato-scepticisme européen », L’opinion européenne en 2008, 2008, Lignes de repères/ Fondation Robert Schuman, p. 11-36.

+ -

11.

Cf. Libertés, l’épreuve du siècle, op.cit. p.55 et suivantes [fondapol.org].

+ -

L’époque préoccupe les Européens. On peut constater la crainte d’un déclassement. Surtout, on décèle la vivacité d’une inquiétude, celle que suscite l’incapacité des États à répondre au défi historique auquel sont confrontés les Européens. Leur doute est de plus en plus profond s’agissant de la capacité de l’État. Ce doute, que je nomme « stato-scepticisme », a été moins souvent considéré que « l’euroscepticisme », abondamment évoqué et convoqué ; le stato-scepticisme est rarement évoqué dans les médias et en politique. Il est pourtant bien plus consistant et présent10. À la lecture des résultats de l’enquête, on comprend que, pour les Européens, ce doute sur les capacités de la puissance publique nationale ne peut perdurer sans risque politique. La demande d’un repli européen implique la recherche d’une puissance publique européenne.

a. Le peuple abandonné par les populistes : le « Brexit »

En 2016, le Brexit l’a emporté avec 51,9% des suffrages (17.410.742 suffrages pour ; 16.141.241 suffrages contre), avec un taux de participation de 72,2%.

Depuis ce référendum historique, qui voit un pays décider de quitter l’Union européenne, et à la suite de la mise en œuvre de cette décision, le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni est devenu un pays tiers de l’Union européenne11. L’âpre divorce consommé, Britanniques et Européens se retrouvent aussitôt dans le même regard rétrospectif sur le référendum qui a changé le visage du Royaume-Uni et de l’Union européenne. En 2021, 48% des Britanniques estimaient que leur pays s’en sortirait moins bien en dehors de l’Union européenne ; en 2024, ils sont 51% à exprimer ce jugement. De même, en 2021, un tiers (33%) pensaient qu’ils s’en sortiraient mieux sans l’Europe, ils ne sont plus que 28% aujourd’hui. En 2024, à l’échelle de l’Union européenne, la moitié des citoyens (46%) pensent que le Royaume-Uni s’en sortira moins bien et seul un cinquième (21%) des Européens jugent que le Royaume-Uni « s’en sort mieux hors de l’Union européenne ».

L’autre surprise du référendum britannique a été la disparition politique des vainqueurs quelques jours après leur victoire. Les « brexiters » ont été incapables d’organiser une force politique. Leur victoire a résulté d’un fourre-tout électoral démagogique. Au Royaume-Uni, comme en France ou aux Pays-Bas, les forces ainsi réunies un court instant se sont dispersées aussitôt la victoire obtenue. Une majorité pour rien.

Les Européens ne voient pas l’intérêt qu’ont eu les Britanniques à quitter l’Europe
Question :
« Le Royaume-Uni s’est retiré de l’Union européenne en janvier 2020, à la suite d’un référendum organisé en 2016. Selon vous, le Royaume-Uni : »
Base :
Pays membres de l’Union européenne et Royaume-Uni

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Dans les pays fondateurs de l’Union européenne qui avaient accueilli le Royaume-Uni, le 22 janvier 1972, les répondants qui pensent que les Britanniques s’en sortiront moins bien hors de l’UE sont plus nombreux que la moyenne des Européens (49%). Cette opinion critique est partagée par 50 % des Français, 51% des Allemands, 57% des Luxembourgeois, 58% des Belges et 61% des Néerlandais. Les Italiens (39%) sont moins nombreux à partager ce jugement.

Les Britanniques ont eu tort de quitter l’Union européenne
Question :
« Le Royaume-Uni s’est retiré de l’Union européenne en janvier 2020, à la suite d’un référendum organisé en 2016. Selon vous, le Royaume-Uni : »
Base :
Le Royaume-Uni

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Note : Les chiffres dans les colonnes 2021 présentent les résultats de l’enquête Libertés : l’épreuve du siècle , Dominique Reynié (dir.), Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, Community of Democracies, Konrad-Adenauer-Stiftung, Genron NPO, Fundación Nuevas Generaciones, República do Amanhã, 2022 [fondapol.org].

Grille de lecture : 30% des hommes en 2024 ont répondu « S’en sort mieux hors de l’Union européenne », 21% ont répondu « S’en sort de la même manière avec ou sans l’Union européenne », 49% ont répondu « S’en sort moins bien hors de l’Union européenne »

Dear Brits, come back home!
Questions :
– Aux pays de l’UE :
« Si les Britanniques souhaitaient revenir dans l’Union européenne, y seriez-vous favorable ou opposé ? » ;
– Au Royaume-Uni :
« Seriez-vous favorable ou opposé à un retour du Royaume-Uni dans l’Union européenne ? »
Réponses :
« Tout à fait favorable » et « Plutôt favorable »
Base : Pays membres de l’Union européenne et Royaume-Uni

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Notes

12.

Libertés : l’épreuve du siècle, op.cit. p.51 [fondapol.org].

+ -

b. De l’euroscepticisme au stato-scepticisme : les institutions européennes suscitent plus de confiance que les institutions nationales

Le soutien des citoyens à l’Union européenne se vérifie aussi dans la confiance qu’ils accordent à la Commission européenne (57%) et au Parlement européen (57%). Dans une époque de grande défiance politique, on notera que la confiance dans les institutions européennes est en forte progression par rapport à notre enquête de 2021. La hausse est de 10 points pour la confiance dans la Commission européenne, et de 10 points pour la confiance dans le Parlement européen. Par comparaison, ce niveau est nettement supérieur à la confiance que les citoyens accordent à leurs institutions politiques nationales, qu’il s’agisse du gouvernement de leur pays (44%) ou de leur parlement national (51%).

À l’exception du Luxembourg, où la confiance dans la Commission européenne (57%) est inférieure à la confiance dans le gouvernement national (65%), dans tous les autres États la Commission bénéficie d’un niveau de confiance plus élevé que les gouvernements nationaux. Le Parlement européen suscite également une plus grande confiance que les parlements nationaux, à l’exception de cinq pays, le Luxembourg (53% contre 69%), les Pays-Bas (64% contre 65%), la Suède (57% contre 60%), l’Autriche (45% contre 51%) et la France (47% contre 50%).

Dans les pays de l’ancien bloc soviétique, ceux qui ont rejoint, il y a une trentaine d’années, le processus de démocratisation, on note un écart moyen de 18 points entre la confiance dans la Commission européenne (55%) et la confiance dans le gouvernement national (37%) et un écart de 15 points entre la confiance dans le Parlement européen (55%) et la confiance dans les parlements nationaux (40%). Cette confiance plus forte à l’égard des institutions européennes traduit aussi la perception d’une Union européenne garante de l’État de droit, de la démocratie, des libertés, dans des pays où, en 2021, les gouvernements nationaux étaient encore perçus comme une potentielle menace pour la démocratie par 44% de leurs citoyens12.

Une illustration du stato-scepticisme des Européens
Question :
« Pour chaque institution, veuillez me dire si vous avez tout à fait confiance, plutôt confiance, plutôt pas confiance ou pas confiance du tout : »
Réponses :
« Tout à fait confiance » et « Plutôt confiance »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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c. Le vote populiste est une composante de l’appel des Européens pour une puissance publique supplémentaire

Le danger s’est insinué partout dans le monde. Le sentiment de l’instabilité s’est emparé des Européens qui, dorénavant, refusent ce flottement entre deux pouvoirs qui convergeraient dans une même inconsistance ; d’un côté, l’État, dont les capacités sont manifestement compromises par le mouvement de l’histoire, la mondialisation, la démographie, l’endettement, les problèmes énergétiques, de sécurité, d’indépendance technologique, sanitaires, stratégiques, ou encore l’impréparation des forces armées, voire leur inexistence ; de l’autre côté, l’Union européenne, empêchée par les États membres de développer sa puissance. Une bonne compréhension de l’opinion européenne actuelle conduit à prendre en compte une demande de restauration de la puissance publique. C’est notamment parce que cette demande est restée sans réponse qu’une telle poussée populiste a été possible au cours des vingt- cinq années qui viennent de s’écouler.

À l’inverse, c’est dans l’attente d’une puissance publique supplémentaire qu’une nouvelle demande d’Europe, une demande populaire, s’installe au cœur de l’opinion européenne. Confrontés à la mondialisation, aux menaces qu’elle transporte, aux forces hostiles au Vieux continent, la plupart des Européens ne croient pas ou ne croient plus aux capacités de leurs États à s’appuyer sur leurs propres forces. Par pragmatisme, et non par idéal comme l’illustre le succès de l’euro, les Européens sont disposés à l’affirmation d’une puissance publique européenne ; dotés d’un sens de l’Histoire plus aigu que celui de la plupart de leurs chefs et de leurs représentants, ils aspirent à une puissance publique européenne, supplémentaire, qui serait mieux dimensionnée pour affronter les temps nouveaux. C’est faute d’une européisation de la puissance publique que les citoyens se résigneront au repli nationaliste.

2

La sécurité, première des revendications

a. Le soutien à l’Otan (65%)

Les Européens n’ont pas le choix. Face à la montée des menaces, compte tenu de l’impréparation de la plupart de leurs États et de l’absence, au moins jusqu’à très récemment, d’une volonté militaire commune, l’Otan s’impose comme l’unique dispositif de sécurité. Dans ce soutien, on peut noter l’expression d’un atlantisme opportuniste quand la réalité l’impose. Certes, le soutien à l’Otan signe la popularité de l’allié américain, et les Européens expriment leur certitude que les États-Unis leur viendront en aide en cas de guerre ; mais le soutien à l’Otan résulte aussi d’une perception de la dangerosité de la nouvelle époque, ce qu’appréhendent plus nettement les Baltes, les Polonais, les Finlandais et les Suédois que Vladimir Poutine a littéralement jetés dans les bras de l’organisation militaire atlantiste.

L’adhésion à l’Otan est populaire dans la plupart des pays membres
Question :
« L’Otan est une alliance militaire composée de pays européens, dont le vôtre, de la Turquie, des États-Unis et du Canada. Pensez-vous que l’appartenance de votre pays à l’Otan est : »
Réponse :
« Une bonne chose »
Base : Pays de l’Union européenne membres de l’Otan et Royaume-Uni

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Notes

13.

Cf. notre enquête européenne de 2019, Démocraties sous tension, Fondation pour l’innovation politique/International Republican Institute, volume I, la contribution de Victor Delage : « Face aux nouveaux périls, renaissance de l’idée d’une armée européenne », pp. 124-126 [fondapol.org].

+ -

14.

Libertés, l’épreuve du siècle, op.cit, 2022 [fondapol.org].

+ -

La guerre en Ukraine a ranimé le sens de l’Otan. Né de la guerre froide, son objectif initial était la sécurité de l’Europe, exposée à la menace soviétique. Les deux tiers (65%) des Européens considèrent que “c’est une bonne chose” que leur pays soit membre de l’Otan. La satisfaction atteint des niveaux records dans les pays limitrophes de la Russie : en Estonie (88%), en Lituanie (83%) ou en Pologne (82%). Dans ce contexte de fortes tensions internationales, l’Otan est vue comme une architecture de sécurité européenne fiable. C’est aussi la seule.

b. Les Européens souhaitent une armée commune, en complément des armées nationales (67%)

Les deux tiers (67%) des Européens sont dans l’attente d’une défense commune. L’expression de cette préférence n’est pas nouvelle, mais elle est restée lettre morte13 depuis l’échec de la Communauté européenne de défense, la CED, il y a soixante-dix ans, en 1954. Les chiffres relevés en 2024 montrent une augmentation de 12 points par rapport à notre précédente enquête, en 202114. Le souhait « que l’Union européenne se dote d’une armée commune à tous les États membres, en complément de celle de chaque pays », est partagé par une majorité d’électeurs, et dans la plupart des États, puisque l’on ne relève que l’exception, d’ailleurs relative, de l’Autriche (47%), de la Slovaquie (47%) et de Malte (42%). En revanche, le souhait d’une armée commune atteint des niveaux exceptionnellement élevés en Roumanie (82%) et en Lituanie (83%). Le soutien augmente fortement, en Finlande (+21 points), qui vient de rejoindre l’Otan, et en Estonie (+26 points). C’est en Hongrie que l’on enregistre l’unique recul (-5 points).

Le souhait d’une armée européenne n’est pas détaché de la réalité. En effet, il est particulièrement élevé (70%) chez les Européens qui redoutent une nouvelle guerre mondiale. De même, le projet d’une armée commune est fortement soutenu (80%) par ceux qui jugent favorablement l’adhésion de leur pays à l’Otan.

Les États-Unis vus d’Europe
Question :
– Aux pays de l’UE :
« Selon vous, en cas d’attaque par une puissance militaire extérieure contre des pays de l’Union européenne, les Européens pourraient-ils compter sur l’aide militaire des États-Unis ?» ;
– Au Royaume-Uni :
« Selon vous, en cas d’attaque par une puissance militaire extérieure contre le Royaume-Uni, les Britanniques pourraient-ils compter sur l’aide militaire des États-Unis ? »
Réponses :
« Oui, certainement » et « Oui, probablement »
Base : Pays membres de l’Union européenne et Royaume-Uni

Copyright :

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L’armée européenne, l’expression d’un repli sans nationalisme
Question :
« Souhaiteriez-vous que l’Union européenne se dote d’une armée commune à tous les États membres, en complément de celle de chaque pays ? »
Réponses :
« Oui, tout à fait » et « Oui, plutôt »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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3

Les Européens veulent la protection des frontières communes (86%)

La quasi-totalité des Européens (86%) veulent la protection des frontières de l’Union. C’est une demande fondamentale, éminemment politique. En effet, lorsque les personnes interrogées répondent dans de telles proportions vouloir renforcer le contrôle et la protection des frontières extérieures, elles revendiquent la reconnaissance d’une circonscription spécifique, à l’échelle du monde, mais aussi à l’échelle de l’Europe. Elles revendiquent la reconnaissance d’un territoire politique qui ne soit pas celui d’une nation particulière, qui soit commun à toutes les nations européennes et donc à tous les Européens. De la même façon, revendiquer la reconnaissance d’un territoire européen, c’est distinguer une population vivant à l’intérieur de ses frontières, qui ne désigne pas une nation européenne particulière mais qui englobe les populations de toutes les nations européennes dans une communauté politique singulière. La demande de frontières extérieures communes contrôlées et protégées œuvre à l’affirmation d’un peuple européen.

Or, si les frontières nationales sont inopérantes, et non souhaitées, l’absence de frontières européennes revient à nier le statut d’Européen. Ce contre quoi les Européens s’insurgent car, l’absence de frontières communes défendues signifie que, dans le monde, toute personne qui le désire peut investir le sol de l’Union européenne, y compris en bafouant la légalité.

Une Europe sans frontières ?
Question :
« Certaines personnes disent que l’Union européenne devrait renforcer le contrôle et la protection de ses frontières extérieures. Vous personnellement vous êtes… »
Réponses :
« Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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De là l’extrême sensibilité de l’opinion aux questions migratoires. L’item « l’augmentation de l’immigration illégale » arrive en quatrième position des « problèmes rencontrés récemment en Europe » et qui ne peuvent que peser dans les élections comme celles des 6-9 juin 2024. On remarquera que cet item se classe après « la crise économique » et « la hausse des prix de l’énergie », soit deux thématiques économiques, qui d’ailleurs pour partie se recoupent, faisant ainsi de l’immigration illégale la deuxième raison politique, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a motivé le choix électoral.

L’immigration illégale a été citée, en première ou en deuxième position, en moyenne par 25% des personnes interrogées sur les problèmes qui ont déterminé leur choix électoral de juin 2024. Dans 4 pays membres, cet item est placé à des niveaux très élevés : Chypre (58%), l’Autriche (35%), Malte (34%) et la Slovénie (33%), qui sont parmi les pays les plus affectés par les routes migratoires improvisées, en particulier depuis 2015. Pourtant, les études montrent que les Européens ne sont pas opposés à l’immigration mais à l’immigration illégale et à l’immigration sans intégration.

Qu’ils soient de droite ou de gauche, les Européens veulent le renforcement des frontières
communes
Question :
« Certaines personnes disent que l’Union européenne devrait renforcer le contrôle et la protection de ses frontières extérieures. Vous personnellement vous êtes… »
Réponses :
« Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord » ; « Plutôt pas d’accord » et « Pas du tout d’accord »
Base :
les répondants des pays de l’Union européenne se positionnant à droite et à gauche sur l’échelle gauche-droite

4

Reprendre le contrôle démocratique de l’espace public

La revendication d’une maîtrise des réseaux sociaux traduit dans le monde numérique la même exigence de frontières, de circonscription, de maîtrise, à la fois géographique, politique et règlementaire. Les plateformes numériques, dont aucune n’est européenne mais qui connaissent et régulent nos existences, constituent la matrice de l’espace public contemporain, de nos vies sociales, de nos échanges publics et privés, prenant la place de la scène démocratique rendue possible depuis le XVIe siècle par l’imprimerie, la poste, le téléphone filaire, la radio, la télévision et le cinéma.

La dématérialisation de l’espace public a eu pour conséquence une double dépossession du pouvoir de régulation. Notre espace public, régi par des lois discutées et adoptées par des législateurs élus, et sous contrôle d’une autorité nationale s’est déplacé et s’est intégré à des plateformes transnationales en se soumettant de fait, à des règlements d’entreprises privées. Un phénomène qu’aujourd’hui les États européens voudraient conjurer tant les effets sont délétères et potentiellement irréparables, au regard du risque de perte de nos libertés individuelles et collectives, de destruction des fondations de la culture et de la vie démocratique européenne. Mais l’Europe a-t-elle la maîtrise des moyens à mettre en œuvre ? En somme, la préservation de nos libertés, le contrôle des frontières, la lutte contre l’immigration illégale ou le souhait d’une armée européenne sont autant de versions de la même demande de puissance publique.

L’union européenne doit contrôler les réseaux sociaux
Question :
« Êtes-vous d’accord avec la proposition suivante : Les réseaux sociaux (Meta/Facebook, Instagram, X/Twitter, WhatsApp, TikTok, Telegram, LinkedIn…) ont un pouvoir trop important dans l’information et le débat public et l’Union européenne devrait pouvoir les contrôler davantage »
Réponses :
« Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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III Partie

Des électeurs raisonnables laissés aux démagogues

Notes

15.

Cf. Maria Elena Cavallaro, Gaetano Quagliariello, Dominique Reynié (dir.), L’Europe et la Souveraineté. Approches franco-italiennes (1897-2023), éditions Plein Jour/Fondation pour l’innovation politique, 2024 ; en langue italienne, les mêmes auteurs : L’Europa et la Sovranità. Riflessioni italo-francesi (1897-2023), éditions Rubbettino/Fondation Magna Carta, 2024.

+ -

Tous les États revendiquent leur souveraineté, quel que soit leur régime politique. Quant à la souveraineté populaire, elle implique la liberté du peuple. Dans ce cas, l’État est l’instrument chargé d’accomplir les résolutions collectives. Or la volonté n’est rien sans le pouvoir de l’accomplir. Il n’y a pas de souveraineté populaire sans puissance publique. Aujourd’hui, nombre d’États, et parmi eux les États européens, ne disposent même plus de la force nécessaire à la sauvegarde de leur indépendance en cas de conflit armé. Mais les États n’ont pas non plus la puissance nécessaire pour accomplir la volonté de leur peuple. Faut-il comprendre qu’ils n’en tiendront plus compte ?

Il y a longtemps déjà que la liberté politique d’une nation ne se limite plus à la souveraineté comprise comme indépendance vis-à-vis de ses voisins. Il s’agit à présent de savoir quelle puissance l’État, dit souverain, est capable de mobiliser au service de la volonté collective, sauf à admettre la fin de la souveraineté étatique et de la souveraineté populaire15.

Pensée dans le cadre d’une puissance publique européenne supplémentaire, en complément de celle de chaque pays, l’agrégation des puissances nationales trouve une haute justification dans le but d’engendrer une puissance nouvelle au service des peuples associés. Ainsi, ce n’est qu’en apparence que la construction européenne menace la souveraineté nationale. La construction d’une souveraineté européenne offre aux États du Vieux Continent l’unique chance de survivre dans le cours de l’histoire qui commence. Perçue comme en contradiction avec la souveraineté nationale, la construction d’une puissance publique européenne est aussi bien pour les Européens la seule chance de restaurer cette force dont les peuples d’Europe ont besoin s’ils veulent à la fois se défendre et accomplir leurs résolutions dans l’histoire. La souveraineté populaire sans la puissance publique est vaine ; la souveraineté étatique sans la souveraineté populaire est tyrannie.

1

Qu’est-ce qu’être Européen ?

a. Partager les valeurs démocratiques européennes (67%)

À la question de savoir ce « que signifie être Européen », l’item qui arrive nettement en tête, en première (42%) ou en deuxième réponse (25%), est le fait de « partager les valeurs démocratiques européennes », soit au total 67% des Européens interrogés. Le fait d’« être né en Europe, quelle que soit la nationalité de ses parents » (43%) et le fait de « Parler la langue du pays européen dans lequel on vit » (40%) arrivent à la suite, dans le classement des items choisis par les personnes interrogées pour définir le contenu d’une identité européenne. La proximité dans le classement d’un principe correspondant au droit du sol et d’un principe d’adhésion aux valeurs démocratiques indique une certaine confiance dans l’intégration des immigrés. Et donc, au vu de l’hostilité des répondants à l’immigration illégale, c’est bien l’intégration qui est le sujet majeur et non l’immigration.

Les Européens se retrouvent dans une définition de l’identité à la fois politique et ouverte. Mais on doit admettre que la préférence pour une compréhension ouverte de l’identité commune implique en contrepartie la défense et la promotion des valeurs européennes. Là encore, cela explique pourquoi les Européens sont moins hostiles à l’immigration légale qu’à l’immigration illégale et à l’immigration sans intégration.

L’intégration se manifeste dans le partage de la version européenne des valeurs démocratiques. L’intégration est une exigence politique majeure puisqu’elle permet d’accomplir les valeurs, en accueillant, et de les perpétuer en assurant leur transmission. Une telle demande, moralement incontestable, s’explique par la crainte d’un risque d’érosion, c’est-à-dire de perte des valeurs communes. La réponse « partager les valeurs démocratiques européennes » est donnée comme une définition de l’identité européenne par 73% des plus de 60 ans, alors qu’elle n’est plus reconnue que par 60% des 18-34 ans. Ces derniers sont aussi les plus nombreux (48%) à considérer qu’être européen signifie être né en Europe, « quelle que soit la nationalité de ses parents » (contre 44% des 35-59 ans et 36% des 60 ans et plus). Ces données traduisent un décrochage des nouvelles générations, ou un changement de culture lié à l’évolution démographique préparant la montée en puissance de valeurs alternatives, politiques ou religieuses.

Une définition politique de l’identité
Question :
« Pour vous, être Européen c’est… »
En premier et en second
Base :
Pays membres de l’Union européenne

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Le critère religieux est marginalement utilisé par les répondants pour définir l’identité européenne. C’est la marque d’un continent en partie déchristianisé, mais plus encore sécularisé. La religion est plus fréquemment évoquée dans les pays de l’ancien bloc soviétique: 18% des personnes interrogées affirment qu’être Européens signifie être chrétiens, contre 13% en moyenne dans l’ensemble de l’Union européenne. Nous remarquons un plus fort attachement à une dimension religieuse de l’identité européenne en Bulgarie où au total un quart (24%) des citoyens affirment qu’être Européen signifie être chrétien, de même en Pologne (20%) en Slovaquie (20%) et en Hongrie (18%). Cette réponse atteint son plus haut niveau en Grèce (32%).

L’identité européenne selon les personnes de confession musulmane

Globalement, les répondants de religion musulmane semblent partager le même système d’opinion que la moyenne des Européens. Toutefois, dans le cadre de cette enquête, on observe certains traits d’opinion qui méritent d’être soulignés.

D’abord, plus de la moitié des répondants musulmans (50%) éprouvent de l’inquiétude face à l’action des États-Unis sur la scène internationale, contre 34% en moyenne pour l’ensemble des Européens interrogés. Il faut retenir que 32% des musulmans interrogés indiquent que la guerre entre Israël et le Hamas pèse sur leur choix de vote lors des élections européennes de juin 2024, contre une moyenne de 11%. Dans les mêmes proportions, la moitié des musulmans (49%) jugent inquiétante l’action internationale de la Russie. Cependant, une minorité significative dit se sentir au contraire rassurée par l’action de ce pays (22% contre 7% en moyenne). L’Iran inquiète 39% des musulmans, tandis qu’un cinquième (18%) se sentent rassurés par son action internationale. La Chine fait l’objet d’une évaluation plus contrastée encore : 36% des musulmans estiment inquiétante la politique internationale menée par Pékin, contre 28% qui la trouvent rassurante. Enfin, la Turquie se démarque par sa popularité auprès des répondants musulmans. Parmi eux, 45% se disent rassurés par la politique internationale turque (18% se disent au contraire inquiets).

Les résultats de l’enquête nous montrent un soutien largement majoritaire des répondants de religion musulmane au renforcement du contrôle et de la protection des frontières de l’Union européenne. En effet, 78% se déclarent en faveur de cette politique. La sécurité extérieure et la gestion des flux migratoires préoccupent tous les citoyens de l’Union européenne.

Enfin, la préférence pour un régime autoritaire est plus répandue chez les Européens de confession musulmane. Le soutien à un système politique reposant sur « un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections » est à un niveau (33%) très supérieur à la moyenne des répondants (16%).

Les Européens de religion musulmane indiquent majoritairement le fait de partager les valeurs démocratiques européennes et le fait d’être nés en Europe comme les facteurs qui définissent l’identité européenne des individus
Question :
« Pour vous, être Européen c’est… »
En premier et en second
Base :
Pays membres de l’Union européenne

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b. Le choix démocratique des Européens (84%)

Entre un système politique démocratique, défini comme reposant sur « un Parlement élu qui contrôle le gouvernement », et un système politique autoritaire, défini comme reposant sur « un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections », 84% des citoyens européens choisissent le système démocratique. La préférence pour le système démocratique et le soutien à l’Union européenne sont si largement répandus au sein de l’Union Européenne que l’une et l’autre se confondent nécessairement. Cependant, l’attachement aux institutions démocratiques diffère fortement selon l’âge des répondants. En effet, 22% des 18-34 ans optent pour un système politique autoritaire plutôt que démocratique, soit 6 points au-dessus de la moyenne, tandis que l’option autoritaire est portée par 9% des plus de 60 ans. Ces écarts importants soulignent le risque attaché à une érosion de la culture démocratique. Elle est à l’œuvre dans le renouvellement des générations et le poids croissant des citoyens plus enclins à l’autorité qu’à la liberté.

Les Européens veulent un système politique démocratique avec un Parlement élu qui contrôle
le gouvernement
Question :
« Entre ces deux systèmes politiques, quel est celui que vous préférez pour gouverner votre pays ? »
Base :
Pays membres de l’Union européenne et Royaume-Uni

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Le profil des Européens qui approuvent un régime politique autoritaire
Question : « Entre ces deux systèmes politiques, quel est celui que vous préférez pour gouverner votre pays ? »
Réponse : « Avoir un système politique reposant sur un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Grille de lecture : 46% de ceux qui ont répondu « Avoir un système politique reposant sur un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections » (16% des répondants dans l’Union européenne) sont des hommes, 54% sont des femmes.

2

La démocratie comme liberté

L’intégration européenne et la démocratisation : dans les États issus de l’ancien bloc communiste, l’attachement aux libertés est puissant

Vingt ans après leur intégration dans l’Union européenne, les pays de l’ancien bloc soviétique expriment un fort attachement aux libertés. La plupart des répondants (82%) considèrent que « la liberté de protester, de défiler dans les rues, de contester » est importante pour le bon fonctionnement des régimes démocratiques ; il en va de même pour la liberté de la presse (88%) et pour le fait de « pouvoir voter pour les candidats de son choix » (88%).

Des niveaux d’adhésion comparables aux libertés peuvent être observés en Croatie et en Slovénie, deux pays anciennement communistes mais qui ne dépendaient pas du régime de Moscou. La majorité des répondants reconnaissent l’importance de la liberté de protester, qu’il s’agisse de la Croatie (86%) ou de la Slovénie (75%), de la liberté de la presse (Croatie, 86%, Slovénie 85%) et du fait de pouvoir voter librement pour les candidats que l’on choisit (Croatie, 89%, Slovénie 85%).

On ressent la permanence de la menace russe dans le soutien à l’appartenance de leur pays à l’Otan, considéré comme « une bonne chose » par 73% des personnes interrogées contre 67% pour la moyenne des pays de l’Otan. Dans le même ordre d’idées, relevons que 38% des personnes interrogées dans les pays de l’ex-bloc soviétique citent l’invasion de l’Ukraine comme un problème qui pèse sur leur choix de vote lors des élections européennes de juin 2024, pour une moyenne européenne de 32%. Enfin, il importe de noter que dans les pays anciennement communistes, la préférence pour un système politique autoritaire est partagée par un cinquième des personnes interrogées.

Dans les pays anciennement communistes, un cinquième des personnes interrogées expriment une préférence pour un système autoritaire
Question :
« Entre ces deux systèmes politiques, quel est celui que vous préférez pour gouverner votre pays ? »
Réponse :
« Avoir un système politique reposant sur un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Les Européens se définissent par la liberté
Question :
« Pour chacune des choses suivantes, indiquez si elle est importante ou pas pour le bon fonctionnement de la démocratie »
Base :
Pays membres de l’Union européenne

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Note : Les chiffres entre parenthèses indiquent l’évolution en points de pourcentage par rapport aux résultats de l’enquête Libertés : l’épreuve du siècle , Dominique Reynié (dir.), Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, Community of Democracies, Konrad-Adenauer-Stiftung, Genron NPO, Fundación Nuevas Generaciones, República do Amanhã, 2022 [fondapol.org].

3

Qu’est-ce qui distingue encore les électeurs populistes ?

Notes

16.

« Les députés européens : répartition par pays et par groupe politique »,[en ligne].

+ -

a. Les groupes politiques au Parlement européen

Cette enquête permet d’interpréter les réponses des personnes interrogées selon leur intention déclarée de voter pour l’un des partis en lice. Chacun de ces partis est membre d’un groupe au Parlement européen. Les réponses étant associées à une intention de vote pour un parti, et les partis étant affiliés à un groupe parlementaire, il est possible de connaître l’opinion moyenne de l’électorat de chacun des groupes parlementaires, et de comparer entre eux ces différents électorats.

Pour pouvoir se constituer, un groupe politique doit réunir un minimum de 23 membres provenant d’au moins un quart des États membres. Au cours de la législature 2019-2024, le Parlement européen comptait 7 groupes politiques :

Le Parti Populaire européen (PPE) : Avec 25% des eurodéputés, le PPE a été le premier groupe par le nombre de députés au Parlement européen au cours de la législature 2019-2024. Le groupe du PPE rassemble des partis d’inspiration chrétienne-démocrate et de la droite libérale. Il défend des positions globalement européistes. Les principaux partis nationaux qui adhèrent à ce groupe sont la CDU-CSU en Allemagne, le Parti paysan (PSL) et Plateforme civique (PO) en Pologne, le Parti populaire en Espagne, le Parti populaire autrichien (ÖVP), Les Républicains en France et Forza Italia en Italie. Le Fidesz, le parti politique du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, a été suspendu du PPE en 2019 en raison de son positionnement souverainiste. Le Fidesz a quitté le groupe PPE en mars 2023 pour siéger chez les Non-inscrits (NI).

L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D) : deuxième groupe au Parlement européen au cours de la législature 2019-2024 (20% des eurodéputés), S&D se situe au centre-gauche et rassemble les partis européens socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes. Il affiche des positions favorables à l’intégration européenne. Parmi les partis nationaux qui adhèrent à ce groupe nous retrouvons le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), le Parti démocrate (PD) en Italie, le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), le Parti social-démocrate de Roumanie (PSD), le Parti socialiste portugais (PS), l’Alliance de la gauche démocratique (SLD) en Pologne, et le Parti socialiste (PS) en France.

• Renew Europe (RE) : Troisième groupe au Parlement européen au cours de la législature 2019-2024 (14% des eurodéputés), Renew Europe se positionne au centre de l’échiquier politique, en rassemblant les partis libéraux et démocrates promouvant des idées progressistes. Le groupe défend une vision fédéraliste de l’Union européenne. Au niveau national, le groupe est représenté, entre autres, par les principaux partis qui font partie de la majorité présidentielle en France (Renaissance, Horizons, MoDem), par Ciudadanos (CS) en Espagne, par le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) aux Pays-Bas, et par Parti libéral-démocrate allemand (FDP).

Les Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) : Quatrième groupe au Parlement européen au cours de la législature 2019-2024 (11% des eurodéputés), ce groupe réunit les partis écologistes et les partis régionalistes qui soutiennent l’autodétermination des minorités. Le groupe Verts/ALE est globalement orienté à gauche et il affiche des positions européistes en matière d’intégration européenne. Les principaux partis nationaux qui adhèrent à ce groupe sont Alliance 90/Les Verts en Allemagne, Europe Écologie Les Verts (EELV) en France, Les Verts – L’Alternative verte en Autriche et Gauche verte (GL) aux Pays-Bas.

Les Conservateurs et réformistes européens (CRE) : Cinquième groupe au Parlement européen au cours de la législature 2019-2024 (10% des eurodéputés), le CRE est situé à la droite du Parti Populaire européen, en promouvant des positions conservatrices sur le plan sociétal et libérales sur le plan économique. En ce qui concerne la construction européenne, les Conservateurs et réformistes européens défendent l’idée d’une « Europe des nations ». Ils s’opposent donc à une plus forte intégration européenne des États membres. Parmi les partis nationaux qui adhèrent à ce groupe, nous pouvons identifier Fratelli d’Italia (FDI) en Italie, Droit et justice (PiS) en Pologne, Vox en Espagne et les Démocrates de Suède. Reconquête !, le parti politique d’Éric Zemmour et de Marion Maréchal, a annoncé rejoindre le groupe CRE en février 2024.

Identité et démocratie (ID) : Sixième groupe au Parlement européen au cours de la législature 2019-2024 (8% des eurodéputés), ID est le groupe le plus à droite sur l’échiquier politique. Il rassemble plusieurs formations politiques classées dans la catégorie des populistes de droite ou de l’extrême droite. ID prône des positions eurosceptiques, voire antieuropéennes, identitaires et nationalistes. Parmi les principaux partis nationaux appartenant à ce groupe, nous pouvons identifier le Rassemblent national (RN) en France, Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne, le Parti pour la liberté (PVV) aux Pays-Bas, la Lega en Italie, le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) et Chega au Portugal.

La Gauche au Parlement européen (GUE/NGL) : Septième groupe au Parlement européen au cours de la législature 2019-2024 (5% des eurodéputés), réunissant des partis de gauche et d’extrême gauche, dont certains populistes de gauche, le groupe nommé « La Gauche » est le plus à gauche au Parlement européen. En matière d’intégration européenne, il conteste l’idée d’une Europe des marchés et développe une critique radicale de l’organisation actuelle de l’Union européenne. Les principaux partis nationaux qui appartiennent à ce groupe sont La France insoumise (LFI) en France, Podemos en Espagne, Die Linke en Allemagne et Syriza en Grèce.

7% des eurodéputés n’appartiennent à aucun groupe politique, ils sont considérés comme “non-inscrits” et rejoignent un groupe qui porte ce nom. La plupart des eurodéputés non-inscrits appartiennent au parti hongrois Fidesz et au Mouvement 5 étoiles (M5S) italien16.

Au moment de l’achèvement de cette étude le RN et la Lega annoncent leur décision de ne plus appartenir au même groupe que l’AfD.

b. Les électeurs des partis populistes sont favorables à l’Union européenne et à l’euro.

La question se pose de savoir en quoi se distinguent les électeurs des partis populistes, c’est-à-dire des électeurs de partis politiques qui forment un groupe au Parlement européen. Il s’agit de savoir en particulier si les électeurs des partis nationaux membres des deux groupes populistes font apparaître un profil de réponses qui les différencierait, d’abord des électorats des autres groupes politiques, ensuite de la moyenne européenne de tous électeurs et enfin, et si oui, avec quelles caractéristiques. On le voit, 87% des Européens sont favorables à l’Union européenne et au fait que leur pays en fasse partie. En moyenne, 66% des électeurs qui ont l’intention de voter pour un parti membre du groupe Identité et Démocratie (ID), le groupe auquel appartient notamment le RN de Marine Le Pen sont également favorables à l’Union européenne. Le chiffre est encore plus élevé (80%) s’agissant des électeurs qui ont l’intention de voter pour un parti membre du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE), le groupe des Giorgia Meloni. Il en va de même pour l’euro, auquel sont favorables 78% des électeurs du groupe ID et 90% des électeurs du groupe CRE.

La plupart des électeurs des deux groupes populistes ID et CRE sont pour l’Union européenne
Question :
Concernant l’Union européenne, parmi les opinions suivantes de laquelle êtes-vous le plus proche ?
Réponses :
« Je suis favorable à l’Union européenne et au fait que mon pays en fasse partie » et « Vous n’êtes pas favorable à l’Union européenne mais vous ne souhaitez pas que votre pays en sorte, ce qui est fait est fait »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Grille de lecture : Parmi les électeurs qui disent voter pour un parti membre du groupe PPE au Parlement européen, ils sont 96% à ne pas souhaiter que leur pays sorte de l’Union européenne.

Presque tous les électeurs des deux groupes populistes ID et CRE sont favorables à l’euro
Question :
En ce qui concerne l’euro, de laquelle des opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ?
Réponses :
« Vous souhaitez que votre pays conserve l’euro comme monnaie » et « Vous souhaitez que votre pays revienne à sa monnaie nationale mais vous pensez que cela n’est pas possible »
Base : Pays de la zone euro

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Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Grille de lecture : Parmi les électeurs qui disent voter pour un parti membre du groupe S&D au Parlement européen, ils sont 97% à avoir accepté l’euro comme monnaie.

c. Les électeurs des partis populistes sont favorables à l’Otan et à une armée européenne

En ce qui concerne l’appartenance de leur pays à l’Otan, les électeurs de CRE sont exactement dans la moyenne européenne. Les électeurs de ID sont moins enthousiastes mais on doit noter qu’une moitié d’entre eux sont pour l’adhésion de leur pays à l’alliance atlantique.

Le soutien à l’Otan n’est minoritaire que chez les électeurs du groupe de La Gauche au Parlement européen
Question :
L’Otan est une alliance militaire composée de pays européens, dont le vôtre, de la Turquie, des États-Unis et du Canada. Pensez-vous que l’appartenance de votre pays à l’Otan est :
Réponse :
« Une bonne chose »
Base : Pays membres de l’Union européenne qui font partie de l’Otan

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Grille de lecture : Parmi les électeurs qui disent voter pour un parti membre du groupe RE au Parlement européen, ils sont 81% à penser que l’appartenance de leur pays à l’Otan est une bonne chose.

La création d’une armée commune européenne suscite un soutien majoritaire dans chacun des électorats
Question :
Souhaiteriez-vous que l’Union européenne se dote d’une armée commune à tous les États membres, en complément de celle de chaque pays ?
Réponses :
« Oui, tout à fait » et « Oui, plutôt »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Grille de lecture : Parmi les électeurs qui disent voter pour un parti membre du groupe Verts/ALE au Parlement européen, ils sont 73% à être favorables à la création d’une armée commune à tous les États membres.

d. Les électeurs des partis populistes sont presque tous favorables au renforcement des frontières communes

On peut trouver très élevé le niveau d’adhésion des électeurs ID et CRE au thème du renforcement, du contrôle et de la protection des frontières extérieures de l’Union européenne mais il est très élevé pour tous les électorats, y compris pour le groupe d’extrême gauche (GUE/NGL) et pour le groupe des écologistes (Verts/ALE).

La défense des frontières souligne la proximité des électeurs populistes avec l’électorat dans son ensemble
Question :
Certaines personnes disent que l’Union européenne devrait renforcer le contrôle et la protection de ses frontières extérieures. Vous personnellement vous êtes…
Réponses :
« Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Grille de lecture : Parmi les électeurs qui disent voter pour un parti membre du groupe CRE au Parlement européen, ils sont 91% à être d’accord avec l’idée que l’Union européenne devrait renforcer le contrôle et la protection de ses frontières extérieures.

Le contrôle des réseaux sociaux par l’Europe accorde la plupart des électeurs, populistes compris
Question :
Êtes-vous d’accord avec la proposition suivante : « Les réseaux sociaux (Meta/Facebook, Instagram, X/Twitter, WhatsApp, TikTok, Telegram, LinkedIn…) ont un pouvoir trop important dans l’information et le débat public et l’Union européenne devrait pouvoir les contrôler davantage ».
Réponses :
« Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord »
Base : Pays membres de l’Union européenne

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Grille de lecture : Parmi les électeurs qui disent voter pour un parti membre du groupe ID au Parlement européen, ils sont 66% à être d’accord avec le fait que l’Union européenne devrait pouvoir contrôler davantage les réseaux sociaux.

e. Les électeurs des partis populistes sont favorables au régime parlementaire et aux libertés

Ce n’est pas non plus sur une question aussi structurante que la nature du régime politique que l’on parvient à distinguer vraiment les électeurs des partis populistes membres des deux groupes CRE et ID. On trouve 6 ou 7 points d’écart avec la moyenne européenne, mais il est difficile d’estimer significatif cet écart dès lors que toutes les réponses convergent fortement vers un très haut niveau d’approbation du modèle démocratique.

Les électeurs populistes optent massivement pour un système politique parlementaire
Question :
Entre ces deux systèmes politiques, quel est celui que vous préférez pour gouverner votre pays ?
Réponse :
« Avoir un système politique démocratique avec un Parlement élu qui contrôle le gouvernement »*
Base : Pays membres de l’Union européenne

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* L’autre option proposée était : « Avoir un système politique reposant sur un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections »

Grille de lecture : Parmi les électeurs qui disent voter pour un parti membre du groupe GUE/NGL au Parlement européen, ils sont 88% à préférer un système politique démocratique avec un Parlement élu qui contrôle le gouvernement.

f. Une synthèse des profils des électeurs populistes des groupes CRE et ID

Globalement, le calcul de la moyenne des opinions pour l’ensemble de ces items, et pour chacun des groupes politiques, montre une grande ressemblance entre le profil des électeurs des deux groupes populistes et le profil des électeurs des autres groupes ainsi que de l’ensemble de tous les électeurs européens. On peut cependant noter que le groupe qui se situe finalement le plus à l’écart de la moyenne européenne et globale est celui auquel appartient le RN, le groupe Identité et Démocratie (ID). La différence de 9 points séparant le profil de réponse des électeurs du groupe ID de celui des électeurs du groupe CRE est un élément à remarquer. Il traduit l’orientation politique plus affirmée des partis (RN, AfD, PVV, FPÖ, Lega…) formant le groupe ID, souvent qualifiés de partis d’extrême droite, mais associés au pouvoir comme la Lega en Italie, le FPÖ, qui en Autriche, a déjà pris part à plusieurs coalitions gouvernementales et, aux Pays-Bas, le PVV qui a formé le 15 mai 2024 une coalition majoritaire.

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Notes

17.

Cf. Thibault Muzergues, Post-populisme, La nouvelle vague qui va secouer l’Occident, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2024.

+ -

18.

Cf. Marco Tarchi, Fratelli d’Italia : héritage néofasciste, populisme et conservatisme, Fondation pour l’innovation politique, février 2024,
p.39 [fondapol.org].

+ -

Pour l’Europe, pour l’euro, pour une armée européenne, pour l’Otan… Le populisme de Giorgia Meloni ou le pari d’une mutation politique

L’Italie illustre parfaitement une mutation à l’œuvre chez certains populistes européens. La politique nationale et européenne de Giorgia Meloni représente une issue possible pour les partis antisystèmes de droite qui parviennent au pouvoir17. La victoire d’une coalition des droites aux élections législatives du 25 septembre 2022 a débouché sur l’investiture du Gouvernement présidé par Giorgia Meloni, cheffe politique de Fratelli d’Italia, un parti qui s’inscrit dans le prolongement d’un post-fascisme italien, longtemps considéré comme une force populiste, de droite, promouvant un discours souverainiste, hostile à l’Union européenne et très critique à l’égard de l’adhésion de l’Italie à l’Alliance atlantique. Mais son arrivée au pouvoir est le fruit d’une coalition réunissant les trois droites italiennes (Fratelli d’Italia, la Lega, de Matteo Salvini et Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi). À la tête de cette coalition, Giorgia Meloni s’est engagée dans une normalisation politique et programmatique ; en témoignent notamment l’abandon des discours eurosceptiques prônant une sortie de l’euro et même de l’Union européenne (l’« Italexit »), l’adoption d’une attitude conciliante à l’égard de la Commission européenne ou encore un soutien assumé à la cause ukrainienne.

Mais, comme tous les chefs populistes européens, Giorgia Meloni est soumise à la pression de ses électeurs. La grande majorité des Italiens (70%) sont favorables à l’Union européenne et au fait que leur pays en fasse partie. Conformément à la moyenne de l’Union, seule une minorité (14%) souhaite voir l’Italie quitter l’Union européenne. Plus encore, 90% des Italiens acceptent aujourd’hui l’euro. Dans l’Italie de Giorgia Meloni, la confiance dans les institutions européennes dépasse largement la confiance dans les institutions nationales : 56% des Italiens ont confiance dans le Parlement européen, contre 49% pour le Parlement italien ; 56% font confiance à la Commission européenne, contre 44% pour le Gouvernement italien. Ce sentiment fortement proeuropéen se retrouve également à propos du projet d’armée européenne : 65% des Italiens y sont favorables. Une analyse des résultats montre que ce sentiment proeuropéen est majoritaire dans l’ensemble de la population, quel que soit le profil des répondants. Enfin, 55% des répondants estiment que l’appartenance de leur pays à l’Otan est une bonne chose.

Le recentrage de la droite populiste italienne résulte au moins d’une contrainte d’opinion interne. Comme tous les Européens, les Italiens ne souhaitent pas remettre en question leur place au sein de l’Union européenne ni leur adhésion à l’Otan. Afin de conserver le soutien de l’opinion publique, Giorgia Meloni et son Gouvernement doivent s’aligner sur des positions proeuropéennes et atlantistes qui sont très majoritaires dans la population.

Mais la normalisation et l’institutionnalisation du populisme qu’incarne sa version « meloniste » s’explique également par la quête d’une reconnaissance et d’un rôle actif sur le plan international ; il s’agit d’inverser une tendance à la marginalisation du pays dans le concert européen et, plus largement, dans les relations entre les pays occidentaux. La marge de manœuvre est réelle si l’on considère que Giorgia Meloni est aussi présidente du Parti des Conservateurs et Réformistes européens (CRE), représenté au Parlement européen par le groupe du même nom. Or, ce groupe peut jouer un rôle de premier plan au cours de la législature 2024-2029. En effet, la possibilité de négocier des accords avec les partis modérés du Parlement européen, c’est-à-dire avec le PPE et Renew Europe, dépend de la capacité qu’aura Giorgia Meloni d’apparaître comme un partenaire fiable18.

Notes

19.

Je reprends ici les hypothèses formulées en 2008 dans une série de textes, notamment : « L’avènement d’un stato-scepticisme européen », L’opinion européenne en 2008, 2008, Lignes de repères/Fondation Robert Schuman, p. 29-30. La série annuelle intitulée L’opinion européenne accorde une place centrale à cette thématique que l’on retrouve dans de nombreux articles, sur les 23 volumes publiés depuis 2000.

+ -

L’attachement des Européens au souverainisme démocratique

Les partis antieuropéens se trompent lourdement s’ils pensent pouvoir convaincre les peuples de proclamer leur souveraineté en renonçant à l’Union européenne. Le comportement affligeant des promoteurs du Brexit enterre pour un temps ce discours démagogique et irresponsable. Symétriquement, les partis proeuropéens se trompent lourdement s’ils pensent pouvoir convaincre les Européens de renoncer à des frontières, à la sécurité, à leur identité politique et à une puissance publique compétente et responsable.

On ne peut pas saisir la situation des Européens en 2024 si l’on cherche à comparer le poids de l’opinion fédéraliste avec celui de l’opinion nationaliste. La justification de l’Union et la légitimation de ses actions sont fonction de son rapport aux enjeux du siècle. C’est ainsi qu’il faut estimer le rôle que joue désormais la globalisation dans l’évolution de l’opinion européenne et en même temps appréhender la nature pragmatique de son soutien à l’Union dans ce nouveau contexte.

Aujourd’hui, les Européens ne se demandent plus seulement si telle ou telle intervention de l’Union est de nature à favoriser la paix, la croissance ou la démocratie en Europe, mais également si elle peut aider leur gouvernement national à surmonter les défis du monde au XXIe siècle.

Hier, les Européens soutenaient l’Europe lorsqu’ils considéraient que ses actions pouvaient avoir des effets bénéfiques sur leur propre pays ; aujourd’hui, les Européens soutiennent l’Europe parce qu’ils considèrent que ses actions peuvent aider à maîtriser des enjeux qui dépassent les capacités de leur État et dont le traitement serait défavorable aux peuples européens s’il devait s’effectuer à l’échelle du monde. Hier, l’opinion jugeait l’Union en considérant un système combinant deux ensembles, l’Europe et l’État ; aujourd’hui, l’opinion juge l’Union à partir d’un système de relations entre trois ensembles : l’Europe, leur État et le monde.

C’est pourquoi la plupart des Européens souhaitent mieux articuler le rôle de leur État et celui de l’Union et non devoir choisir entre les deux. Désormais, les Européens soutiennent l’Union également parce qu’ils imaginent et espèrent qu’elle permettra aux États membres de gagner une puissance supplémentaire et de faire face aux nouveaux défis. Aussi, toute polarisation de la question européenne qui opposerait l’Union aux États et aux peuples, comme trois entités aux intérêts contradictoires ou aux destins divergents, heurterait l’opinion européenne qui aspire à une synthèse nouvelle et protectrice19.

Ce n’est pas la faute des Européens si les élections auxquelles ils sont appelés tous les cinq ans, pour élire le seul parlement transnational de l’histoire et dans le monde, ne donnent lieu qu’à des campagnes dénuées d’intérêt, exclusivement nationales et regrettablement dédiées à des compétitions de personnes. C’est d’autant moins leur faute qu’en 2024, les Européens déclarent un niveau de politisation supérieur à celui enregistré en 2021. Les progrès de la politisation confèrent un crédit supplémentaire aux données recueillies dans cette étude. Surtout, il faut y voir la marque de préoccupations grandissantes ; elles sont suscitées par l’évolution incertaine du monde. C’est aussi l’annonce d’une plus grande implication politique des citoyens, bon gré, mal gré ; ils ne doutent pas de l’importance des élections européennes. Il leur manque un débat politique donnant à comprendre la gravité de l’époque et permettant de délibérer sur les décisions à prendre.

Ce ne sont pas les Européens mais leurs représentants qui manquent d’intérêt pour les élections européennes
Question : « Du 6 au 9 juin 2024, les Européens sont invités à élire les eurodéputés, c’est-à-dire les membres du parlement européen. Pour vous ces élections sont très importantes, plutôt importantes, pas très importantes ou pas importantes du tout ? »
Réponses :
« Très importantes » et « Plutôt importantes »
Base : Pays membres de l’Union européenne

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Des Européens de plus en plus politisés
Question : « Est-ce que vous vous intéressez à la politique… ? »
Réponses :
« Beaucoup » et « Assez »
Base : Pays membres de l’Union européenne

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique – juin 2024

Note : L’évolution 2021/2024 inqique l’évolution en points de pourcentage par rapport aux résultats de l’enquête Libertés : l’épreuve du siècle, Dominique Reynié (dir.), Fondation pour l’innovation politique, International Republican Institute, Community of Democracies, Konrad-Adenauer-Stiftung, Genron NPO, Fundación Nuevas Generaciones, República do Amanhã, 2022 [fondapol.org].

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