Les troubles du monde, l'Islamisme et sa récupération populiste : l'Europe démocratique menacée
Une vue globale
Radicalisation islamiste
L’Europe aux prises avec les populistes
Nos pistes
Étude de cas
Allemagne
Autriche
Belgique
Danemark
Espagne
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Italie
Lituanie
Pays-Bas
Pologne
Portugal
Roumanie
Royaume-Uni
Suède
Suisse
Ukraine
Annexes
Liste des attentats terroristes en 2016 en Europe liés à l’islamisme radical
Liste des rapports gouvernementaux sur le départ de nationaux pour le djihad
Facebook : les partis les plus likés d’Europe
Commentaires
Typologie des partis populistes en Europe (> 1% aux élections)
Définitions
Abréviations des noms de parti
Agenda 2017
[Le traité de Rome est] la grande révolution européenne de notre époque, la révolution qui vise à remplacer les rivalités nationales par une union de peuples dans la liberté et la diversité, la révolution qui veut permettre un nouvel épanouissement de notre civilisation et une nouvelle renaissance. » Ce sont avec ces mots enthousiastes que Jean Monnet, l’un des « Pères de l’Europe », qualifiait le grand traité qui fut signé à Rome il y a soixante ans jour pour jour. Par ce texte historique, les États membres fondateurs – France, Italie, République fédérale d’Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg – se déclaraient « déterminés à établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens, décidés à assurer par une action commune le progrès économique et social de leurs pays en éliminant les barrières qui divisent l’Europe ; résolus à affermir les sauvegardes de la paix et la liberté », et se donnaient « pour but essentiel l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi de leurs peuples ». Il ne fait pas de doute que le projet européen est l’un des plus ambitieux de l’histoire moderne. Son soixantième anniversaire est l’occasion de dire que nous lui devons beaucoup. Le traité de Rome a permis d’éviter le retour sur le sol européen des guerres et des tyrannies qui ont persécuté nos peuples et ravagé notre continent. Notre « Union » a permis la liberté d’aller et venir pour les Européens, l’intégration de tous dans une communauté nouvelle et plus vaste ; c’est cette Union qui a donné le jour à des programmes d’action remarquables au profit de l’intérêt général, tel Erasmus, permettant à des centaines de milliers de jeunes d’étudier dans un autre pays que le leur grâce au soutien de l’Union Européenne.
Pourtant, considérant l’Union européenne d’aujourd’hui, on peut se demander quel jugement Jean Monnet porterait sur elle. Que reste-t-il du bel idéal initial d’une union toujours plus étroite, de la marche commune vers un progrès matériel et humain sans cesse reconduit, de la volonté de peser sur l’avenir du monde, de l’humanité comme de la planète ?
Assaillie de toutes parts, prise en tenailles par ceux qui souhaitent sa dislocation, voire qui œuvrent en vue d’un Brexit généralisé, peu défendue, l’Europe vacille sous les coups. Depuis Moscou, un nouvel autoritarisme post-communiste n’hésite pas à tenter d’orienter les élections en Europe, avec l’évidente volonté de favoriser les forces hostiles à l’Union. À Moscou, on rêve d’un « monde post-occidental », comme l’a récemment reconnu le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, traçant l’horizon d’une « finlandisation » de l’Occident. L’accomplissement de ce plan passe par une Europe affaiblie, divisée, abandonnant ses valeurs et dont les pays tourneraient le dos à leur passé de politique commune.
Au cœur de notre Europe, la montée des populismes et des extrémismes la met au défi d’exister. Avec acharnement et un cynisme inégalé, ces fabriques de haine attisent les peurs et les inquiétudes qui circulent au sein de peuples interloqués par les bouleversements de l’histoire. Dans une inversion complète des valeurs, pour les populistes toute mauvaise nouvelle est une promesse de succès. Devant une telle offensive, d’une ampleur et d’une détermination historiques, la faiblesse de notre résistance est stupéfiante. Trop peu de dirigeants se montrent prêts à promouvoir une souveraineté européenne, trop peu témoignent de la volonté nécessaire pour repousser l’assaut de ceux qui tentent de faire de l’Europe leur terrain de jeu, de la Russie au Qatar en passant par l’Arabie saoudite ou la Turquie.
Seule une action déterminée réenchantera l’idéal européen et le replacera au cœur de l’histoire. Il ne suffit plus de répéter que l’Europe est pourvoyeuse de progrès, de prospérité et de sécurité. Nous devons donner à ce glorieux héritage une forme manifeste aux yeux de tous, des Européens et du monde. La réponse est dans l’affirmation de nos valeurs, dans la mobilisation des esprits et dans l’action. Il appartient à l’Europe de répondre efficacement à la crise migratoire, d’intensifier la croissance dans une économie décarbonée non seulement protectrice mais encore réparatrice de la nature, de déployer le progrès matériel et humain, de combattre le terrorisme et de le vaincre.
Ce terrorisme n’est rien d’autre qu’une guerre de civilisation que nous ont déclarée les islamistes instrumentalisés et manipulés. Cessons ce relativisme qui n’est rien qu’une figure du renoncement que les populistes ont beau jeu de dénoncer.
Au-delà des scrutins nationaux qui ont tous désormais un impact européen, en France et en Allemagne notamment, nous devons placer au cœur du débat politique l’identité européenne, de même que le firent à leur manière les fondateurs il y a soixante ans. L’harmonisation fiscale ou la réforme des institutions ne sont pas des questions annexes, mais c’est l’enjeu des valeurs constitutives de l’Europe qu’il est temps de poser.
Telle est l’ambition de la seconde édition du Sursaut, le 9 avril 2017, autour de citoyens, d’élus, d’artistes, d’entrepreneurs, de salariés, de militants, associatifs, politiques et syndicaux, d’intellectuels, de chercheurs…, tous engagés pour la défense des valeurs européennes.
L’Europe doit s’engager pour défendre les valeurs qui la constituent, c’est- à-dire s’engager pour elle-même. Sans la dignité de la personne humaine, sans la liberté et sans l’égalité, l’Europe n’est plus. Sachons faire face au nouveau grand combat historique qui se présente à nous. Une fois encore, nous devons mener la guerre contre les ennemis de la société ouverte, des ennemis qui croient pouvoir nous détruire précisément parce que nos sociétés sont tolérantes et pluralistes. Ils voient des faiblesses là où nous voyons de la vertu. Le grand défi qui s’annonce est celui-là : défendre ces hautes valeurs, parce que ce sont les nôtres, parce qu’elles forment le socle de notre association, mais aussi parce que nous y voyons la condition d’une globalisation juste et d’une humanité partout reconnue dans sa condition de dignité.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Europe moderne, la grande menace ne vient pas de l’opposition des nations européennes entre elles, mais du jeu de puissances extérieures et de forces de désintégration internes à chacune de ses nations.
Simone Rodan-Benzaquen
Directrice AJC Paris/AJC Europe.
Dominique Reynié
Professeur des Universités à Sciences Po, Directeur général de la Fondation pour l’innovation politique.
À PROPOS DU SURSAUT
Lancé dans le cadre d’une conférence organisée le 4 avril 2016 au théâtre Déjazet, à Paris, Le Sursaut est un mouvement européen institutionnalisé dans le cadre d’un collectif d’organisations et de think tanks français et européens. Il vise à étudier la montée de l’islamisme radical et de la récupération populiste en Europe.
Dans un contexte d’insécurité et d’ébranlement des démocraties représentatives d’Europe, Le Sursaut se fait l’avocat d’un rassemblement européen, transpolitique et intergénérationnel. Il contribue ainsi à l’élaboration d’un élan continental face aux menaces grandissantes que sont l’islamisme radical et la montée du populisme. Le Sursaut organise ainsi des conférences et produit des études autour de ces deux pans d’une radicalisation politique et religieuse.
Le présent document est une étude dirigée dans la foulée de la conférence du 4 avril et portant sur l’année 2016.
À PROPOS DES AUTEURS
Pierre-Adrien Hanania a étudié les affaires européennes à Sciences Po Paris et les sciences politiques et administratives à l’université de Potsdam. Il est chargé d’études auprès du Sursaut sur les sujets de la radicalisation politique et religieuse ainsi que sur la souveraineté européenne.
En partenariat avec l’Association du master Affaires européennes de Sciences Po (AMAE), 21 étudiants ont contribué à la production des études de cas : Meri Aho, Ieva Andrukaityté, Christian Augustesen, Edward Banks, Étienne Berges, Laurin Berresheim, Giulia Campagna, Emma Cervantes, Alexandre Dérobert, João Gaspar, Balázs Gyimesi, Villy Kladi, Lauri Koponen, Andreas Lang, Rémi Petitcol, Beatrice Manole, Diana Muravyova, Émilie Naulot, Olivier Roisin, Henry Schmees et Alva Westlund.
Une vue globale
Radicalisation islamiste
Le départ au djihad concerne toute l’Europe
Plusieurs rapports gouvernementaux (voir annexe 2) font état d’un nombre croissant de départs d’Européens pour la Syrie dans le cadre du djihad. Le Bundeskriminalamt allemand donne ainsi le chiffre de 820 départs, plus de 70 selon le ministère de l’Intérieur finnois, 457 selon les autorités belges, de même depuis la Suisse (30), l’Espagne (160) ou le Royaume-Uni (800).
Daech profite des parties de la population les plus vulnérables
Le rapport du Bundeskriminalamt (voir annexe 2) au sujet de 677 ressortissants partis pour la Syrie et l’Irak permet de dresser le portrait d’une radicalisation exploitant les vulnérabilités de la population. Ainsi, le manque d’éducation, la jeunesse et l’exposition aux narrations parallèles d’Internet constituent autant de leviers significatifs pour l’organisation (voir graphique 1).
Graphique 1 : Leviers utilisés par Daech pour le départ au djihad (Allemagne)
C’est la thèse défendue par Gilles Kepel, qui considère le fait religieux et la radicalisation d’une frange au sein de l’islam comme inhérents au terrorisme djihadiste contemporain. Voir par exemple sa tribune dans Libération : « Radicalisations et islamophobie : Le roi est nu », liberation.fr, 14 mars 2016.
Soren Seelow, « Les nouveaux chiffres de la radicalisation », lemonde.fr, 26 mars 2015.
L’importance d’Internet dans l’origine de la radicalisation croît rapidement (de 38 à 55%), remplaçant peu à peu le facteur de l’entourage (de 71 à 59%) et facilitant la radicalisation rapide. Seuls 36% des individus partis ont l’Abitur, l’équivalent du baccalauréat (moyenne allemande : 50%). Plus de 54% des individus partis ont moins de 25 ans.
La home-grown-radicalization est un phénomène religieux1 débouchant sur un danger de terrorisme endogène
Cette mutation de la menace s’opère de trois manières :
- – le départ d’Européens vers la Syrie marque le début d’un basculement d’un risque de terrorisme exogène, tel qu’illustré par le réseau d’Al-Qaïda, vers une menace endogène. La radicalisation et parfois l’entraînement et la planification en vue d’un acte terroriste ont lieu sur le terrain européen. Souvent nés dans le pays européen qu’ils attaquent par la suite, ces nationaux radicalisés constituent une menace accrue ;
- – les foreign fighters ne sont toutefois que la pointe de l’iceberg que constitue l’islamisme radical et qui n’a plus besoin d’être importé. On observe ainsi l’émergence de sociétés parallèles, notamment salafistes, dans lesquelles priment des codes de valeurs spécifiques à la communauté radicalisée, au détriment de la constitution nationale et des fondements démocratiques ;
- – la menace endogène est mise en avant par le fort taux de convertis au sein de l’islamisme radical et du terrorisme djihadiste. En France, par exemple, sur le fondement de chiffres communiqués par le gouvernement, 40% des cas de radicalisation signalés entre le 29 avril 2014 et le 12 mars 2015 étaient des convertis2.
Asiem El Difraoui et Milena Uhlmann, « Prévention de la radicalisation et déradicalisation : les modèles allemand, britannique et danois », Politique étrangère, vol. 80, n°4, hiver 2015-2016, p. 180.
Un exemple de l’apport d’ex-jihadistes est la Quilliam Foundation, présidée par Maajid Nawaz.
Asiem El Difraoui et Milena Uhlmann, art. cit., p. 177.
Plusieurs pays tentent différentes stratégies de prévention de la radicalisation et la déradicalisation
Nombre de gouvernements, comme au Danemark, en France ou en Italie, mènent des campagnes de déradicalisation qui peuvent s’appuyer sur différents piliers :
- par une campagne de prévention adressée à toute la population, comme en Italie, qui offre un pass-culture de 500 euros à chaque majeur pour « lutter contre le terrorisme », ou par une campagne préventive, #StopDjihadisme, sur Internet, comme en France, où le gouvernement tente notamment ainsi de contrer la propagande de l’État Islamique ;
- par un travail direct avec les djihadistes revenus ou détectés, comme au Danemark, où a été créé un programme de déradicalisation (Exit program) pour réinsérer les djihadistes au sein de la société sans qu’il y ait d’incarcération. En Allemagne aussi, l’association Violence Prevention Network (VPN), soutenue notamment par le ministère de l’Intérieur, est à l’origine d’un programme de prévention de la radicalisation et de déradicalisation, à la différence du Danemark, où les individus concernés sont incarcérés ;
- les efforts de déradicalisation témoignent de la place essentielle que la société civile doit avoir dans le Selon une étude publiée en 2015, il semble que l’État seul rencontre souvent l’échec dans ses efforts, comme avec le programme Hatif en Allemagne, tandis qu’à l’inverse l’approche danoise est jugée « remarquable par le degré de coopération qu’elle instaure entre société civile et services étatiques3 » ;
- la participation d’ex-jihadistes4 repentis serait bénéfique en ce qu’elle confère aux discours des équipes chargés de la déradicalisation, selon cette même étude, « une certaine crédibilité pour développer un contre-discours convaincant5 ».
Le concept de lone-wolf (« loup solitaire ») renvoie à un individu commettant des actes de violence tout en agissant seul et sans contact avec la structure à laquelle son acte profite. Le terme, aujourd’hui fait l’objet d’un débat, des auteurs comme David Thomson estimant que le phénomène n’existe pas vraiment.
Le profil du terroriste est multiple (voir graphique 2)
Lors d’attaques terroristes répétées (voir annexe 1), l’Europe doit faire face à de multiples profils-types qui défient les forces de l’ordre dans le cadre de la politique de sécurité à adopter. On peut schématiquement regrouper ces profils en trois catégories :
- Des individus directement entraînés par Daech, selon l’exemple des terroristes du 13 novembre 2015 en France. C’est dans cette catégorie qu’il faut classer les foreign fighters et, conséquemment, les attentats préparés non pas par un individu seul mais par l’ensemble de l’organisation ;
- Des individus radicalisés et des sympathisants de Daech sans contact direct avec l’organisation. La sympathie peut aller d’une simple forme de reconnaissance à l’allégeance officielle. Entrent donc dans cette catégorie, par exemple, le jeune terroriste afghan qui a attaqué les passagers d’un train à la hache en Allemagne, mais aussi Larossi Abballa, assassin d’un policier et de sa compagne à Magnanville, près de L’expression de la sympathie envers Daech peut se mesurer par des éléments d’enquête retrouvés au domicile de l’individu ou par une allégeance avant ou lors de l’attaque (cas de Larossi Abballa) ;
- Des individus perpétuant un acte terroriste et faisant état d’un statut indépendant de toute sympathie ou lien affichés et revendiqués avec l’État Islamique. L’acte, lui, est toutefois bien terroriste, l’individu se faisant le canal d’une vague de violence s’inscrivant dans l’image globale du terrorisme jihadiste. Au sein de cette catégorie se retrouvent notamment ce que certains ont appelé les lone-wolves6 ou des individus qui font état d’un déséquilibre mental.
Graphique 2
L’Europe aux prises avec les populistes
Tout populisme ne s’équivaut pas
L’horizon du populisme européen, s’il est traversé d’un fil rouge, se décompose néanmoins en de nombreux courants différents les uns des autres (voir le graphique 3). Si l’on observe par exemple des populismes de gauche et de droite, on peut aussi aisément différencier les partis à partir des critères fondamentaux suivants :
- d’une part, le caractère du critère sur lequel s’opère la redéfinition du peuple et d’un ennemi : celui-ci peut être d’envergure ethnique (« L’immigré nous est étranger », « L’immigré nous remplace »…) ou politico-économique (« L’immigré nous coûte cher », « L’establishment est corrompu »…) ;
- d’autre part, le critère de violence comme instrument politique permet lui aussi de tirer un trait entre deux parties distinctes du continuum populiste, même si cette violence peut elle-même se décliner en plusieurs seuils : le fait de prôner la violence dans son programme, le fait d’être affilié à des groupes violents ou encore le fait de défendre, ponctuellement, un acte violent.
On peut ainsi regrouper les partis populistes d’Europe selon quatre degrés de populisme dont la base est le souverainisme :
- – le populisme souverainiste : la redéfinition du peuple et la désignation de l’ennemi s’opèrent principalement selon un critère politico- économique et sans L’ennemi peut être l’establishment, une idéologie économique ou une institution, telle que l’Union Européenne. Un archétype de ce populisme souverainiste est l’UKIP britannique, mais aussi le populisme d’extrême gauche, par exemple celui du Front de gauche en France ;
- – le populisme xénophobe : la redéfinition du peuple et la désignation de l’ennemi s’opèrent principalement selon un critère ethnique mais sans prôner la violence en L’ennemi peut ainsi, et dans différents rôles, être une minorité, comme le musulman, dépeint comme étranger et envahisseur ; le Juif, dépeint comme riche et dominateur ; ou encore l’immigré, comme profiteur et violent. Le populisme xénophobe s’incorpore parfaitement dans un parti comme le Front national en France ou le PVV aux Pays-Bas ;
- – le populisme fascisant : la redéfinition du peuple et la désignation de l’ennemi s’opèrent principalement selon un critère ethnique et adhèrent à une utilisation de la violence comme instrument politique pour se débarrasser de l’ennemi (combattre l’étranger). L’ennemi est le même que pour le populisme xénophobe, mais le parti est empreint d’une idéologie totalitaire. Un exemple de cette catégorie est le Jobbik hongrois ou le parti néonazi grec Aube dorée ;
- – le populisme révolutionnaire : la redéfinition du peuple et la désignation de l’ennemi s’opèrent principalement selon un critère politico-économique et adhèrent à une utilisation de la violence comme instrument politique pour se débarrasser de l’ennemi (renverser le système). Le RPOL ukrainien est un exemple de ce type de parti.
Graphique 3 : Typologie du populisme *
Copyright :
* Il est central de mentionner que d’importants mouvements sont possibles sur ce continuum au fil du temps du fait, par exemple, d’un changement de leader, d’un travail de « dédiabolisation » ou de l’arrivée au pouvoir. Ainsi, un parti souverainiste comme l’UKIP connaît une grandissante rhétorique xénophobe, tandis que le FdG (souverainiste) connaît quelques éclats relevant du populisme révolutionnaire.
Les partis populistes s’organisent et s’unissent
De la même manière que les partis populistes se différencient les uns des autres, ils se mobilisent aussi pour créer des alliances entre eux. On le voit tout d’abord à une échelle institutionnelle, avec la composition de groupes au sein du Parlement européen. Il existe ainsi les groupes suivants :
- – le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE ou ECR), avec un populisme souverainiste modéré, regroupant notamment le NVA belge, le BBT bulgare, le DF danois Danemark, les Vrais finlandais ou encore le PiS polonais ;
- – le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD ou EFDD), avec un populisme souverainiste plus radical, regroupant notamment l’UKIP britannique, le PTT lituanien, l’AfD allemand, les Sweden Democrats ou encore le M5S italien ;
- – le groupe Europe des nations et des libertés (ENF), avec un populisme xénophobe, regroupant notamment le FN français, le FPÖ autrichien, le VB belge, la LN italienne, le KNP polonais ou encore le PVV néerlandais ;
- – le groupe de l’Alliance européenne des mouvements nationaux (AEMN), qui regroupe les partis populistes fascisants d’Europe, tels le Jobbik hongrois, l’Ataka bulgare, le SNS slovaque ou le Laos grec, et auquel a appartenu le FN français jusqu’en 2013.
On le voit aussi à une échelle politique avec les premières campagnes menées conjointement (notamment par Marine Le Pen et Geert Wilders) en amont de l’élection européenne de 2014, signe d’une mobilisation du populisme à l’échelle européenne.
Tableau 1 : Catégorisation du populisme
Copyright :
* Andrew Wilson, « Ukraine election: what to look for », bbc.com, 24 octobre 2014.
** Márk Zoltán Kékesi, « A Hungarian mayor makes a show of “migrant hunting” », observers.france24.com, 2 août 2016.
Plusieurs partis empruntent une voie autoritaire une fois arrivés au pouvoir
Deux des partis populistes au pouvoir en Europe, le Fidesz hongrois et le PiS polonais, sont accusés aujourd’hui de s’abandonner à une dérive autoritaire, à coups de changements constitutionnels et d’atteintes portées au pluralisme. Jugeant certaines réformes à la lumière de cette dérive, la Commission européenne a décidé en janvier 2016 de lancer une procédure de sauvegarde de l’État de droit et des valeurs européennes contre le gouvernement polonais.
L’agenda–setting power est là capacité d’un acteur politique à influer sur les thèmes discutés dans l’arène politique ou l’opinion publique.
Le decision-making-power est la capacité d’un acteur politique à influer sur la prise de décision.
En novembre 2016, le Jobbik a empêché le Fidesz d’obtenir la majorité des deux tiers au Parlement hongrois nécessaire pour obtenir le feu vert pour engager une réforme sur la politique des réfugiés.
Le populisme souverainiste, xénophobe et fascisant a su accroître son agenda-setting7 et son decision-making-powers8
L’année 2016 a montré que l’agenda-setting-power de forces populistes s’accroît sur la scène politique. La surmédiatisation des forces populistes ainsi que le climat de crise politique et d’insécurité font ainsi le jeu de propositions programmatiques qui sont celles de forces populistes. La perspective de référendums sur l’Union européenne ou sur les immigrés fait l’objet de débats nationalement discutés dans nombre de pays comme les Pays-Bas, le Danemark ou l’Italie. De même, plusieurs partis populistes appartiennent à des coalitions nationales et ont ainsi l’occasion de mettre à l’ordre du jour des thématiques qui leur sont chères. C’est le cas des Vrais Finlandais en Finlande, du N-VA en Belgique ou encore du SNS en Slovaquie. Un parti fascisant comme le Jobbik a su faire preuve d’une influence notable sur certaines propositions de réformes9. Cet agenda-setting-power inquiète surtout de par sa mutation en un decision-making-power mesurable et parfaitement symbolisé par la victoire de l’UKIP dans le cadre d’un référendum sur le Brexit que le parti avait prôné des années durant.
Plusieurs partis procèdent à une dédiabolisation tout en ne changeant pas leur nature profonde
Cette dédiabolisation, stratégie de conquête opérée notamment par le Front National français, les Sweden Democrats suédois ou encore le Vlaams Belang belge, vise à faire oublier à l’électorat le passé extrémiste et parfois néonazi de ces partis. Cette quête de respectabilité constitue un danger croissant au vu d’exemples qui montrent que les partis populistes opèrent un durcissement de leur politique une fois arrivés au pouvoir.
Graphique 4 : La quête de respectabilité
Tableau 2 : La dédiabolisation
Nos pistes
Compte tenu des observations tirées de notre enquête, une liste de priorités semble pouvoir être identifiée, comme la nécessité d’engager un travail associant les acteurs gouvernementaux et sociétaux, agir à l’échelle européenne et adapter des réglementations anciennes à de nouvelles menaces. À cet égard, les pistes suivantes pourraient faire l’objet d’une étude approfondie :
- – européaniser la déradicalisation, notamment en considérant l’importation au sein de l’Union européenne du modèle danois de déradicalisation, couronné de succès, et offrant un exemple en termes de coopération entre les autorités gouvernementales et la société civile dans le combat contre la radicalisation ;
- – renforcer la prévention de la radicalisation, en amplifiant la coordination entre forces policières nationales et en s’attaquant aux trois maillons faibles observés dans l’analyse des départs au djihad (manque d’éducation, Internet, jeunesse) ;
- – réformer les modalités d’exercice du travail d’imam sur le territoire européen, afin de mettre fin à la présence généralisée d’imams étrangers à la culture et à la langue des pays dans lesquels ils exercent ;
- – réformer le devoir de transparence et les modalités de financements d’organisations ou d’institutions par des États tiers et non membres de l’Union européenne ;
- – renforcer la lutte sur Internet contre l’incitation à la haine raciale, l’antisémitisme et tous les appels à la Internet ne doit pas être une zone de non-droit.
Étude de cas
« L’Europe face à la radicalisation des esprits », lesursaut.fr (intégralité de l’enquête sur lesursaut.fr/blog/).
Ces études de cas sont le fruit d’un travail10 dirigé par Le Sursaut et avec la mobilisation de 20 étudiants internationaux issus du master Affaires européennes de Sciences Po. Ce travail a été réalisé entre avril et août 2016.
Allemagne
Pierre-Adrien Hanania et Henry Schmees, « Never again? – Turbulences et radicalisation », lesursaut.fr, 2016 .
- Peu touché auparavant par le terrorisme, l’Allemagne11 a connu une attaque en décembre 2016. Au-delà de cet attentat, l’Allemagne est touchée par la radicalisation religieuse. Les agressions de Cologne au début 2016 alarment, tandis que les islamistes Pierre Vogel et Ibrahim Abou-Nagi sont à la pointe du salafisme allemand. Le Bundeskriminalamt fait lui état d’un home-grown jihadism, avec plus de 800 Allemands partis faire le djihad en
- Longtemps épargnée, l’Allemagne a connu une émergence rapide du populisme avec, notamment, la parution, en 2010, du livre L’Allemagne disparaît de Thilo Sarrazin, le mouvement contre l’islamisation Pegida et, surtout, l’apparition de l’AfD. Créé en 2013, le discours de ce parti ciblait d’abord l’Union européenne avant que le parti opère une droitisation en désignant les réfugiés et les musulmans comme les ennemis. Si l’AfD n’a été crédité que de 4,7% en 2013, son ascension a été fulgurante avec des succès électoraux au Parlement européen et dans les régions (24% en Sachsen-Anhalt, en 2016), à un an de l’élection générale. Plus radicalisé encore, le parti néonazi NPD a souffert du succès de l’AfD mais a tout de même obtenu un siège au Parlement européen.
Autriche
Andreas Lang, « The Austrian danger of a self-fulfilling prophecy of political and religious radicalization », lesursaut.fr, 2016.
- De l’autre côté du continuum de la radicalisation, l’extrémisme religieux s’enracine dans le pays. Tandis qu’un rapport de l’université de Vienne observe l’émergence de sociétés parallèles. Le gouvernement affirme que 250 citoyens autrichiens ont rejoint la Syrie pour faire le djihad12.
- Le parti d’extrême droite FPÖ, aux racines néonazies et troisième force politique du pays (20,5% aux dernières élections législatives), est l’une des forces populistes les plus puissantes d’Europe. Avec le temps, le FPÖ a développé son discours et cible dorénavant principalement l’immigration musulmane après avoir des années durant tenu un discours anti-Slaves. Le FPÖ sympathise aujourd’hui avec Israël, alors même que l’on retrouve au sein du parti un antisémitisme bien ancré. Récemment, le candidat de la FPÖ Norbert Hofer a frôlé par deux fois la victoire aux élections présidentielles face au candidat finalement élu, Alexander van Der Bellen.
Belgique
Olivier Roisin, « La Belgique confrontée à deux menaces disparates », lesursaut.fr, 2016.
- La Belgique13 est confrontée à une double menace avec l’émergence à la fois complexe et organisée d’un home-grown terrorism. En effet, les attentats du 22 mars 2016 et l’attentat de 2014 au Musée juif de Bruxelles ne sont que la face émergée de la radicalisation symbolisée aujourd’hui par l’islamisme radical observé à La Belgique compte ainsi en proportion le plus grand nombre d’individus partis faire le djihad en Syrie de l’Europe.
- Sur la scène politique, le populisme d’extrême droite flamand s’incarne au sein du Vlaams Belang, parti xénophobe aux racines néonazies et qui s’est allié au Front national français au Parlement européen, en dépit de son discours de haine envers la communauté francophone de Belgique. Résultat d’une quête de respectabilité ratée, le Vlaams Belang connaît depuis quelques années des revers électoraux (4% en 2014) au profit de la Nieuw- Vlaamse Alliantie, parti populiste de droite lui aussi radicalement flamand mais pro-européen et qui axe son argumentaire sur un critère plus culturel qu’ethnique. La N-VA est restée la première force politique lors des élections législatives de 2014, avec 20% des voix.
Danemark
Christian Augustesen et Rémi Petitcol, « Populism and extremism in Denmark: the songs of the sirens », lesursaut.fr, 2016.
- Le Danemark14 est confronté à la Plus de 150 foreign fighters sont partis en Syrie ou en Irak pour rejoindre des organisations terroristes L’attentat qu’à subi le pays le 14 févrrier 2015 par un terroriste d’origine palestinienne a relancé la question du « home grown terrorism »
- Le deuxième parti du pays, le Danish People’s Party, est ouvertement anti-immigration et fait l’objet de critique pour son discours parfois xénophobe. Il a obtenu plus de 20% aux élections européennes en 2014 et aux législatives en 2015, avec à chaque fois une augmentation de son score.
Espagne
Emma Cervantes, « Extrême droite et radicalisation : l’Espagne, un îlot épargné ? », lesursaut.fr, 2016.
- En ce qui concerne la radicalisation religieuse, un rapport du Real Instituto Elcano fait état d’un home-grown terrorism caractérisé par la présence de 120 Espagnols en Syrie ainsi que de la détention de 655 personnes pour activités terroristes, dont 40% nées en Espagne.
- L’Espagne15, malgré sa crise et son immigration, fait figure de rescapée des vagues populistes d’extrême droite. Outre le succès largement marginal de partis d’extrême droite comme Alternativa Española ou Democracia Nacional, c’est à la gauche du spectre politique qu’émerge un populisme de gauche, avec Podemos, plus anti-establishment qu’eurosceptique. Ce parti a obtenu 21% aux élections législatives de 2016 mais n’est pas en mesure pour le moment de former ou de rejoindre un gouvernement.
Finlande
Meri Aho et Lauri Koponen, « The pro, the anti and the silent majority », lesursaut.fr, 2016.
- La radicalisation religieuse demeure un danger mineur, même si le gouvernement finlandais la décrit comme croissante en raison de l’intensification du home-grown-radicalism et de la discrimination des minorités. En effet, un rapport ministériel indique que 70 Finlandais ont rejoint la Syrie pour le djihad.
- L’acteur populiste principal en Finlande16 est le parti de droite des Vrais Finlandais, deuxième parti du pays à la suite des élections de 2015 (17%). Les Vrais Finlandais combattent l’Union européenne ainsi que toute idée du multiculturalisme et sont accusés de liens avérés avec l’extrême droite. Plusieurs de ses membres soutiennent des groupes hautement controversés, comme l’organisation paramilitaire et fasciste des Soldats d’Odin, dont la mission est de protéger les « vrais Finlandais » dans les rues du pays.
France
- La France est à ce jour le pays le plus touché d’Europe par la radicalisation islamiste Avec 5 attentats terroristes depuis janvier 2016, la France a continué à subir une vague terroriste qui a commencé en 2012 avec les tueries antisémites de Mohamed Merah à Toulouse et à Montauban. En rapport avec cette menace continue, la France fait état d’un départ au djihad d’un nombre de nationaux très élevé. Selon le gouvernement, 606 Français se trouvaient ainsi en Syrie en mars 2016, soulignant là un phénomène de home-grown-radicalization observé ailleurs en Europe. Par-delà ces départs, un rapport de l’Institut Montaigne indique que 28% des musulmans français adoptent une idéologie « autoritaire » et opposée « aux valeurs de la République ».
- La France joue aussi l’un des premiers rôles sur la scène de la radicalisation politique avec le Front national, l’un des leaders de l’extrême droite xénophobe européenne, comme le montre son impact sur la création d’un groupe au Parlement européen avec le PVV néerlandais, le VB belge ou encore la Lega Nord italienne. Dans la continuité des dernières années, Marine Le Pen poursuit sa dédiabolisation visant à se détacher de l’image raciste et antisémite de l’ex-président Jean-Marie Le Pen. Dans le cadre des présidentielles de 2017 en France, le Front national est estimé capable d’accéder au second tour.
Grèce
Villy Kladi et Étienne Berges, « Grèce. Neo-nazi Golden Dawn in Greece: a party between democratic representation and xenophobic criminality », lesursaut.fr, 2016.
- La scène politique grecque connaît avec Aube dorée l’émergence dangereuse d’un parti nationaliste, xénophobe, eurosceptique et Reconnu comme néonazi par les observateurs, le parti justifie sa persécution systématique des minorités par la logique d’une version simplifiée de la mythologie grecque17. Si le parti détient aujourd’hui 3 des 21 sièges grecs au Parlement européen suite aux élections de 2014 (9%, troisième force politique), leur respectabilité est sérieusement endommagée par l’inculpation de plusieurs de ses membres pour participation au meurtre d’un rappeur antifasciste. Bien que le scandale a créé ces dernières années un débat au sujet de la possibilité d’interdire un tel parti, Aube dorée a vu sa popularité grimper dans le contexte actuel de la crise grecque et de la crise des réfugiés.
Hongrie
Balázs Gyimesi, « Jobbik’s right-wing radicalism and populist moves of mainstream parties in Hungary », lesursaut.fr, 2016.
- Au pouvoir depuis 2010, le parti de droite Fidesz, dirigé par Viktor Orbán est analysé sous le jour d’une rhétorique populiste ciblant les élites politiques et les minorités. Cette droitisation18 s’est accompagnée de réformes, notamment constitutionnelles, hautement critiquées pour avoir été un outil de domination sur le processus électoral et les médias. Bien plus radicalisé, le parti fasciste Jobbik (20,5%, troisième force politique) connaît une ascension inquiétante et tient un discours de discrimination vis-à-vis de la communauté LGBT, des Roms et des Juifs. Son président Gábor Vona, nostalgique de l’ère nazie, est le fondateur d’une milice interdite pour violence.
Irlande
Émilie Naulot, « Catholic tolerance, and the absence of political radicalisation », lesursaut.fr, 2016.
- Contrairement à la vaste majorité des pays du continent, l’Irlande19 n’a pas vu se développer une paranoïa xénophobe au XXIe siècle. Parallèlement à la très récente existence d’immigration en Irlande, cela peut, entre autres, être attribué à la tolérance irlandaise promue par la religion catholique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui dans le pays. En effet, 67% de la population pensent que les immigrés contribuent positivement à la société irlandaise et encouragent par ailleurs les Polonais, la plus grande minorité, à participer à la vie politique. Toutefois, la méfiance quasi officielle et l’exclusion sociale vis-à-vis des Irish Travellers Au-delà de l’indifférence dont ils font l’objet au sein de la population, cette minorité ethnique est aussi relativement ignorée dans le dialogue national.
Italie
Giulia Campagna, « The Italian Way of Populism », lesursaut.fr, 2016.
- Bien que le défi de la radicalisation religieuse affecte moins l’Italie20 que d’autres pays d’Europe, le gouvernement y réagit à deux niveaux. En janvier 2016, une soixante-septième personne depuis la fin de l’année 2014 a fait l’objet d’une expulsion et l’ancien président du Conseil Matteo Renzi a annoncé combattre la radicalisation par la culture en offrant une enveloppe de 500 euros à tout majeur italien sous la forme d’un pass culture, mis en place en septembre 2016. Quelque 90 Italiens seraient partis en Syrie faire leur djihad.
- La marque italienne du populisme est définie par l’enjeu des identités régionales et le focus spécifique sur l’immigration. De ce fait, la minorité musulmane est particulièrement ciblée par des acteurs comme le parti régionaliste d’extrême droite Lega Nord qui promeut l’interdiction du voile, la présence publique de crucifix ou encore l’instauration de sièges réservés aux Italiens dans les transports en commun. Bien que ce parti a réalisé de faibles scores lors des différentes élections, avec seulement 4,1% par exemple en 2013, il a su bénéficier de sa participation à de récentes coalitions afin de se procurer un decision-making-power (les élections de 2013 avaient vu la coalition de Silvio Berlusconi, à laquelle prenait part la Lega Nord, remporter 29,1% des votes). Autre parti populiste, le Mouvement 5 Étoiles (M5S) se concentre, lui, sur la critique de la bureaucratie et de l’élite, et a obtenu 25,5% aux dernières élections, devenant par là même un important agenda-setting-power, limité toutefois par le fait qu’il n’a pas su jusqu’ici s’allier au Parti socialiste pour gouverner. L’année 2017 sera en Italie celle de nouvelles élections anticipées, suite à l’échec du gouvernement au référendum du 4 décembre que Renzi avait associé à son mandat. Les sondages de la fin 2016 annonçaient un affrontement entre le M5S, le Parti démocrate et une coalition de partis de droite incluant la Lega Nord.
Lituanie
- Ieva Andrukaityté, « Populism in Lithuania: What actors for what purpose? », lesursaut.fr, 2016.
- Bien que le populisme soit relativement absent de la scène politique, la population lituanienne est majoritairement hostile aux immigrés en raison d’une relance économique lente21 : 70% des Lituaniens pensent ainsi qu’il y a aujourd’hui déjà trop d’immigrés dans le pays et 55% voudraient voir la Lituanie renoncer à en accepter davantage. Le parti populiste de centre gauche Path of Courage, créé en 2012, a obtenu cette même année 7,94% des voix, avant d’être absorbé par d’autres partis. De même, et notamment grâce à son leader Rolandas Paksas, le parti Order and Justice (sixième force politique du pays) est lui aussi perçu comme un acteur populiste de la scène politique.
Pays-Bas
- Ipsos Nederland, 5 août 2016.
- Comme en Finlande22, en Allemagne ou en Espagne, le service de sécurité national fait état d’une radicalisation djihadiste accélérée en marge du conflit syrien. Ainsi, depuis 2016, 260 personnes ont quitté les Pays-Bas avec l’intention de faire le Il y aurait de même 70 enfants néerlandais en Irak et en Syrie, dont un tiers seraient nés là-bas. Dans son rapport de juillet 2016, le ministère de la Sécurité néerlandais estime que la menace d’une attaque sur le sol national est réelle.
- C’est aux Pays-Bas qu’a émergé, avec Marine Le Pen et Nigel Farage, l’un des trois leaders du populisme de droite en Europe. Le Partij voor de Vrijheid, dirigé par Geerd Wilders, est la troisième force politique du pays et dispose d’un important agenda-setting-power, comme lorsqu’il fut à l’origine de la chute du gouvernement en 2012. Le parti considère l’islam en son entier comme une religion totalitaire et indique dans son programme vouloir bannir le Coran, l’immigration des pays musulmans et fermer les mosquées. À l’approche des élections de mars 2017, le parti a été durablement placé en tête par les sondages qui le créditaient d’un quart à un tiers des intentions de vote (par exemple, 27% en août 2016 ). Cependant, lors du scrutin du 15 mars, son résultat sera très sensiblement inférieur (13,1%). Si le PVV demeure l’une des trois principales forces politiques, c’est dans un pays caractérisé par un émtiettement partisan spectaculaire.
Pologne
Laurin Berresheim, « La droite populiste au pouvoir en Pologne », lesursaut.fr, 2016.
- Deux visages caractérisent aujourd’hui la radicalisation politique en Pologne23. D’une part, le parti eurosceptique et conservateur Droit et Justice laisse transparaître une certaine dérive autoritaire qui rappelle la politique menée par le Fidesz hongrois de Viktor Orbán. Le parti a remporté en 2015 les présidentielles (51%) ainsi que les législatives, obtenant un pouvoir inédit depuis l’ère communiste. Celui-ci se traduit actuellement par des réformes de la justice et des médias. D’autre part, un acteur bien plus radical a fait son apparition : le parti Korwin, dont le leader, Janusz Korwin-Mikke, est un négationniste connu pour avoir fait un salut nazi au sein du Parlement européen. Il souhaite, par exemple, abolir le droit de vote des femmes, supposées moins intelligentes que les hommes. Le parti a obtenu 4,7% aux élections parlementaires.
Portugal
Hugo Franco, Pedro Santos Guerreiro et Raquel Moleiro « Portuguese cell helps British jihadists to fly to Syria via London », expresso.sapo.pt/, 31 janvier 2015.
- Le risque djihadiste semble relativement faible au Portugal. Selon les autorités, à début 2015, une vingtaine de Portugais auraient quitté le pays pour la Syrie ou l’Irak, signifiant là l’étincelle d’un home-grown-jihadism24.
- Malgré le lourd impact qu’a connu la crise financière mondiale au Portugal, la scène politique n’a vu apparaître aucun parti populiste d’importance. Le Partido Nacional Renovador (PNR), parti populiste d’extrême droite, n’a jusqu’ici pas pu recueillir plus de 0,5% des voix, bien que son score soit en constante – mais minime – augmentation depuis 2002.
Roumanie
Beatrice Manole, « La radicalisation politique : loin des yeux politiques, près du cœur populaire », lesursaut.fr, 2016.
- S’il existe plusieurs partis populistes d’extrême droite en Roumanie25, ils rencontrent tous un succès très limité. L’ultranationaliste Partidul România Mare, après avoir remporté des scores très élevés dans les années 2000, est ainsi tombé à 1,04% lors des dernières élections de 2016, tandis que le PNG-CD et l’association fasciste du PND, proches du mouvement fasciste de la Garde de fer, sont proches de zéro. Paradoxalement, leur diatribe envers les Juifs, les musulmans, les Roms et les homosexuels constitue un dénominateur commun avec la radicalisation visible au sein de la En effet, lors d’un sondage, plus de 55% des Roumains avaient répondu que les minorités sexuelles devraient recevoir un traitement médical et plus de 56% d’entre eux ne se sentaient pas à l’aise avec les Roms.
Royaume-Uni
Edward Banks, « Royaume-Uni. No longer immune: Populism and radicalism in Britain », lesursaut.fr, 2016.
- Au Royaume-Uni26, la radicalisation accélérée de la population musulmane s’est développée parallèlement à la radicalisation politique. Au cours des quatre dernières années, au moins 1.500 Britanniques ont ainsi tenté de rejoindre la Le mouvement rapide de la population blanche et des minorités musulmanes vers les extrêmes participe dans ce contexte à la propagation réciproque d’un discours de haine.
- Le choc du Brexit en juin 2016 a été un résultat direct de la radicalisation politique dans le Il est toutefois important d’observer qu’il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. Largement ignorés jusqu’au 11 septembre 2001, les partis populistes comme l’eurosceptique UKIP (27% aux élections européennes en 2014) ont su démontrer qu’ils pouvaient se doter d’un véritable agenda-setting-power avec le succès de leur leader Nigel Farage. Plus radical et xénophobe dans le discours, le British National Party a pour sa part perdu en popularité (1%) après avoir été une force politique notable en 2000. Cette radicalisation politique est en revanche limitée car le système électoral britannique empêche l’émergence de nouveaux partis.
Suède
Alva Westlund, « Suède. Le populisme de droite et comment il se nourrit des crises européennes », lesursaut.fr, 2016.
- Un rapport des services de sécurité suédois a tiré la sonnette d’alarme à propos de la radicalisation religieuse dans le pays, appellant le gouvernement à rattraper son retard en termes de prévention27. Si les groupes radicalisés y sont moins organisés qu’en France ou en Belgique, le retour de plus de 50 djihadistes en Suède et l’émergence d’un home-grown radicalism inquiètent vivement.
- C’est à partir du mouvement Keep Sweden Swedish (KSS) qu’a émergé le parti populiste de droite des Swedish Democrats, dont le discours cible la minorité musulmane. Aujourd’hui, en ayant opéré comme le Front national français une quête de respectabilité, le parti s’affirme comme la troisième force politique dans le pays, avec 12,9% aux dernières élections en 2014, doublant son score (5,7% en 2010). Des sondages de juin 2016 (Sifo, YouGov, Sentio) lui attribuaient entre 16 et 25%.
Suisse
Alexandre Dérobert, « Suisse. La démocratie directe : une maladie auto-immune ? », lesursaut.fr, 2016.
- La radicalisation religieuse demeure relativement faible en Suisse, avec seulement 30 départs pour le djihad recensés depuis 2001. Toutefois, le gouvernement alerte sur l’outil de radicalisation que peut être Internet et sur l’avènement de lone wolves.
- Le parti populiste, l’Union des démocrates du centre (UDC), est installé depuis longtemps sur la scène politique suisse. Les 11% recueillis en 1971 lors de l’élection au Conseil national sont devenus 29,4% en 2015, faisant de l’UDC la première force politique du pays. Prônant la démocratie directe28, l’UDC a régulièrement été à l’origine d’« initiatives populaires » marquées par une rhétorique hautement xénophobe, comme pour interdire les minarets en 2009 ou pour le plafonnement de l’immigration en 2014.
Ukraine
Diana Muravyova, « Radical movements in Ukraine: much ado about nothing? », lesursaut.fr, 2016.
- Depuis 2005, les mouvements populistes ukrainiens ont connu peu de succès et concentrent leurs programmes autour des difficultés économiques et des sentiments eurosceptiques29. Toutefois, le populisme politique connaît une dynamique ascendante depuis la chute du président Yanukovich et les échecs gouvernementaux qui s’en sont suivis. Tandis que le Parti radical d’Oleh Lyashko (7%) correspond à l’archétype du populisme agraire tel qu’il existait aux États-Unis dans les années 1880, Svoboda (5% en 2014) incarne quant à lui un populisme néofasciste, avec ses symboles nazis, son antisémitisme et ses liens avec le mouvement violent Azov Battalion.
Annexes
Liste des attentats terroristes en 2016 en Europe liés à l’islamisme radical
7 janvier 2016, France | Des policiers font l’objet d’une attaque par un islamiste marocain.
11 janvier 2016, France | Un Turc de 15 ans attaque un enseignant juif à l’aide d’une machette et au nom de l’organisation État islamique.
19 mars, Turquie | 4 personnes décèdent dans le cadre d’un attentat-suicide à Istanbul.
22 mars, Belgique | 32 personnes meurent dans deux attaques menées conjointement à l’aéroport de Bruxelles et dans la station de métro Maelbeek, faisant 340 blessés. L’attentat est revendiqué par l’État islamique. 13 juin, France | Larossi Abballa, fiché S et déjà mis en examen en 2011, assassine un commandant de police et une fonctionnaire du ministère de l’intérieur à Magnanville, près de Paris. L’auteur avait prêté allégeance à l’État islamique.
28 juin, Turquie | Un attentat à l’aéroport d’Istanbul fait 45 morts et plus de 230 blessés.
14 juillet, France | Un attentat au camion bélier fait 86 victimes sur la promenade des Anglais, à Nice. L’auteur, un Tunisien, est tué et l’État islamique revendique l’attentat.
18 juillet, Allemagne | Un migrant afghan attaque plusieurs passagers à la hache, faisant 5 blessés. L’auteur, chez qui sera retrouvé un drapeau de l’État islamique, est tué par les forces de l’ordre.
25 juillet, Allemagne | Un réfugié syrien, qui avait prêté allégeance à l’État islamique, se fait exploser à Ansbach et blesse 15 personnes.
26 juillet, France | Un prêtre est égorgé dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray par deux terroristes se revendiquant de l’État islamique, dont l’un des deux était fiché S.
6 août, Belgique | Deux policières sont attaquées à la machette à Charleroi par un ressortissant algérien connu des services de police. L’État Islamique revendique l’attentat.
19 décembre, Allemagne | Deux individus foncent avec un camion dans la foule d’un marché de Noel à Berlin et tuent 12 personnes. L’État islamique revendique l’attentat .
Liste des rapports gouvernementaux sur le départ de nationaux pour le djihad
Remarques
Terminologie utilisée selon les gouvernements : Jihadist, Foreign Fighter, Terrorist.
Sources utilisées : rapports gouvernementaux, déclarations ministérielles, institut de recherche dédié à l’analyse du terrorisme.
Vue globale : il y aurait environ 6.000 djihadistes en provenance d’Europe. Ce chiffre révèle le problème, soulevé par nombre des rapports gouvernementaux, du home-grown-jihadism.
Le gouvernement français fait de même état de « près de 2.000 personnes » impliquées dans des filières djihadistes.
« Cazeneuve annonce une “nette diminution” des arrivées de djihadistes français en Irak et en Syrie », lemonde.fr, 6 septembre 2016.
Pat Flanagan, « Fears of home-grown jihadists committing atrocities as 30 Irish have joined ISIS », irismirror.ie, 16 novembre 2015.
« Isis: Pinotti, 87 foreign fighters passati dall’Italia », ansa.it, 20 septembre 2015.
Patrick Wintour et Shilk Malik, « Hundreds of Britons caught trying to join jihadis, says foreign secretary », theguardian.com, 15 janvier 2016.
Approches nationales
Allemagne | 820 départs | Source : Bundeskriminalamt : Analyse der Radikalisierungshintergründe und -verläufe der Personen, die aus islamistischer Motivation aus Deutschland in Richtung Syrien oder Irak ausgereist sind | Dates de publication : 29 décembre 2015, et le 4 juin 2016, selon le directeur de la BKA Holger Münch, www.faz.net.
Autriche | 259 départs | Source : Bundesamt für Verfassungsschutz und Terrorismusbekämpfung: Verfassungsschutzbericht 2015, S. 22-32 | Date de publication : 2015.
Belgique | 457 départs | Source : Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) | Date de publication : juillet 2016, relayé.
Danemark | 135 départs | Source : Politiets Efterretningstjeneste (PET) : Assessment of the terror threat to Denmark, p. 5 | Date de publication : 28 avril 2016.
Espagne | 160 départs | Source : Real Institut Elcano : Estado Islámico en España, p. 68 | Date de publication : avril 2016.
Finlande | 70 départs | Source : Sisäministeriö Inrikesministeriet : Väkivaltaisen ekstremismin tilannekatsaus 2015 | Date de publication : février 2015, www.intermin.fi/julkaisu/202015?docID=63843.
France | 689 Français présents en Syrie et en Irak30 | Source : ministre de l’Intérieur, début septembre 201631.
Irlande | 30 départs | Source : ministre de la Justice Frances Fitzgerald, 16 novembre 201532.
Italie | 87 départs | Source : ministre de la Défense Roberta Pinotti, septembre 201533.
Lettonie | 3 départs | Source : Drosibas Policija : 2015 – Gada publiskais parskats, p. 21.
Pays-Bas | 220 départs | Source : International Center for Counterterrorism in The Hague | Date de publication : avril 2016.
Royaume-Uni | 800 départs | Source : ministre des Affaires étrangères Philip Hammond, janvier 201634.
Suède | 300 départs | Source : Swedish Security Service (SÄPO) | Date de publication : 4 octobre 2015.
Facebook : les partis les plus likés d’Europe
Tableau 3 : Facebook : les partis les plus likés d’Europe
Le parti néonazi Golden Dawn, qui se plaçait troisième aux dernières élections, ne semble pas avoir de compte Toutefois, plusieurs de ses pages de campagne avaient été supprimés par Facebook dans le passé.
Le parti populiste Ordre et Justice n’a pas de compte Facebook.
Le PVV n’a pas de page Face Toutefois, son leader utilise massivement sa propre page (136.700 likes).
Méthodologie
- Cet aperçu global montre le nombre de likes que les partis nationaux de 19 pays ont sur Les partis ont été choisis selon deux critères : il fallait qu’ils soient perçus comme populistes ou qu’ils soient parmi les six partis au score le plus élevé lors des dernières élections générales.
- Les partis dont le nom est suivi d’un * possèdent un compte vérifié par
- Les partis dont le nom est souligné sont des partis au pouvoir dans le
- La collection des données a été opérée entre le 21 et le 24 novembre
Commentaires
- Dans 13 des 19 pays observés, un parti populiste est le plus suivi des partis nationaux sur
- Dans 2 des 13 pays, le parti le plus suivi est un parti fasciste (Hongrie, Bulgarie).
- Des 13 partis populistes respectivement premiers partis nationaux en termes de likes, 9 sont d’extrême droite, 3 d’extrême gauche et 1 n’est ni de droite ni de
- Dans seulement 3 des 19 pays, le parti le plus suivi sur Facebook est aussi le parti au De ces 3 partis, 2 sont des partis non populistes.
- Un nombre important des partis se classant parmi les trois les plus suivis atteignent des scores proportionnellement très faibles dans le cadre d’élections. C’est le cas du NPD (2e en termes de likes mais seulement crédités de 1,3 % des voix), du KNP (2e en termes de likes avec seulement 0,03 % aux élections).
- Le Top 10 européen est le suivant :
1) Podemos (1.100.000)
2) M5S (892.000)
3) UKIP (587.100)
4) Conservatives (566.100)
5) Labour Party (536.000)
6) FN (431.000)
7) Jobbik (326.500)
8) LN (308.200)
9) AfD (301.200)
10) Ciudadanos (277.700)
Dans ce Top 10, 7 des 10 partis sont perçus comme populistes (indiqués en gras). Ciudadanos fait d’ailleurs l’objet d’analyses variées quant à son degré de populisme, tandis qu’il convient de noter que les deux partis non populistes sont du Royaume-Uni, un pays dans lequel l’utilisation de Facebook est plus forte qu’ailleurs.
Typologie des partis populistes en Europe (> 1% aux élections)
Tableau 4 : Typologie des partis populistes en Europe (> 1% aux élections)
Copyright :
Note : Pour les abréviations, voir annexe 6.
Définitions
Encyclopédie Universalis.
Voir Moshe Zimmermann, Wilhelm Marr, the patriarch of Anti-Semitism, 1986, Oxford University Press, New York, 1986.
Bernard Lewis, Sémites et antisémites, Presse Pocket, 1991, p. 146 — 1re édition Fayard, 1987.
L’image de l’ennemi – les Juifs essentiellement – telle qu’elle a été construite par le nazisme.
Maxime Rodinson, Peuple juif ou problème juif ?, Librairie François Maspero, 1981, p. 351, note 14.
René Girard, Le Bouc émissaire, Grasset, Paris, 1982.
Voir “EUMC Working Definition of Antisemitism” – ou en français.
Antisémitisme
L’antisémitisme signifie, dans son acceptation commune : « une attitude d’hostilité à l’égard des minorités juives, quel que soit, d’ailleurs, le motif de cette hostilité ».39
La paternité du terme est généralement attribuée à Wilhelm Marr, publiciste allemand de la seconde moitié du XIXe siècle et auteur d’un pamphlet anti-juif en 1879 – année à partir de laquelle il utilisa et propagea le mot « antisémitisme ».40
Si cette haine empreinte s’est manifestée dans l’Europe du XXe siècle avec une violence inouïe, elle eut cours en tout temps (que ce soit en Espagne à la fin du XVe siècle avec les décrets sur la Limpieza de Sangre, en Russie avec les pogroms du XIXe siècle) et en tout lieu, ne se limitant pas à l’Europe. Si l’on s’intéresse au Moyen-Orient, il convient de rappeler, à l’instar de Bernard Lewis, que « l’antisémitisme (ayant) toujours eu pour unique cible les Juifs ; tous les autres peuples, y compris les Arabes, sont donc libres de s’en réclamer ».41
L’antisémitisme véhicule des préjugés. Ces derniers tendent au conspirationnisme, propice à la construction d’un Feindbild42 tel qu’il fut imaginé et instrumentalisé sous le régime nazi. Ce type d’accusation est souvent utilisé pour rendre responsables les juifs de tous les maux de la société et des malheurs de chacun. Comme le définit Maxime Rodinson, il convient de prendre « “antisémite” au sens habituel de haine des Juifs, en eux-mêmes considérés comme dotés d’une essence néfaste. »43
Le paradigme complotiste rejoint également la notion de « bouc émissaire », développée par René Girard dans les années 1980 et opérant une catharsis des pulsions de violence sur une victime indifférente à la communauté et marginale.44
L’antisémitisme peut être véhiculé par des acteurs politiques, comme les partis néo-nazis Aube Dorée en Grèce ou Jobbik en Hongrie. Il ne se limite toutefois pas aux partis antisémites d’extrême droite. Ses chemins sont pluriels, qu’ils rejoignent l’extrême gauche, ou une expression religieuse. Sur ce dernier point, on peut évoquer la réactivation de l’antisémitisme au sein d’une partie des communautés immigrées d’origine musulmane. Rappelons également que, historiquement, la notion d’antisémitisme s’est confondue avec celle de l’anti-judaïsme, (hostilité à l’égard de la religion juive) tel qu’a pu être qualifiée, à certains égards, l’attitude du christianisme.
D’après la définition du groupe de travail sur l’antisémitisme du Parlement européen, adoptée notamment par l’Angleterre, les Etats-Unis, l’Allemagne ou encore l’Autriche, « L’antisémitisme est une certaine perception des juifs, pouvant s’exprimer par de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non-juifs et/ou leurs biens, contre les institutions de la communauté juive et contre les institutions religieuses juives. En outre, l’Etat d’Israël, perçu comme une collectivité juive, peut aussi être la cible de ces attaques. L’antisémitisme peut être exprimé par le biais de discours, d’écrits, de formes visuelles et d’actions, et fait appel à des stéréotypes sinistres et des traits de caractère négatifs. »45
La deuxième partie de cette définition renvoie à la notion d’antisionisme, dans lequel il ne faut pas refuser de voir de l’antisémitisme quand les critiques à l’égard d’Israël dépassent celles exprimées à l’encontre des autres pays.
Nonna Mayer, « Le mythe de la dédiabolisation du FN », laviedesidees.fr, 4 décembre 2015.
Pascal Perrineau, « La renaissance électorale de l’électorat frontiste », Élections 2012. Les électorats politiques, n°5.
Patrick Moreau, L’Autriche des populistes, Fondation pour l’innovation politique, 2016, p. 25.
Dédiabolisation
La dédiabolisation est une « stratégie de conquête46 » menée au sein d’un parti, une « ouverture idéologique » afin d’être accepté et de réduire la perception du danger symbolisé par l’ancienne version du parti47. Ce « travail systématisé dans le domaine de la communication48 » a pour objectif final l’accession au pouvoir.
Fascisme
Le fascisme est une forme de totalitarisme associée à un régime militarisé, révolutionnaire et nationaliste, doté d’une milice et se référant à la rhétorique du mythe et de la grandeur pour entreprendre l’établissement violent d’un nouvel ordre axé sur une communauté ethniquement homogène (Emilio Gentile, Juan Linz). Si le fascisme renvoie historiquement principalement au modèle mussolinien et à l’antimarxisme nationaliste, il existe aujourd’hui un grand nombre de petits partis européen répondant à ce modèle. Il en va ainsi du Jobbik (Hongrie), d’Ataka (Bulgarie), de Svoboda (Ukraine) ou d’Aube dorée (Grèce).
De même, Daech correspond parfaitement aux critères du fascisme de par le nouvel ordre sur lequel l’organisation tente d’appuyer sa communauté hautement homogène au moyen d’une utilisation permanente de la violence et de la démagogie. En 2015, Manuel Valls parlait ainsi d’islamo-fascisme, pendant que d’autres, pour n’y associer que l’islamisme, parlaient d’islamismo-fascisme.
En France, si le Front national sous l’ère de Jean-Marie Le Pen avait trait à un populisme fascisant, le FN de Marine Le Pen ne peut être apparenté à une politique fasciste car il renonce à l’idée de violence pour arriver à ses fins politiques.
Islamisme
L’islamisme se définit comme le fait d’attribuer une dimension politique à l’islam, dont l’influence dépasse l’aspect religieux et s’étend au contraire à l’identité citoyenne, à la prise de décision et au discours politique. En tirant les traits principaux du système politique, l’islamisme confère au Coran un caractère constitutionnel. Par là même, l’islamisme remet inévitablement en cause la séparation de l’État et de la religion, et donc sa compatibilité avec les démocraties européennes laïques.
L’islamisme trouve sa source dans l’émergence des Frères musulmans en Égypte dans les années 1920. Une autre approche est de voir l’islamisme sous le jour du panislamisme tel qu’opéré dans l’Empire ottoman à la fin du XVIIIe siècle lorsque des intellectuels tentèrent de créer l’unité musulmane (ittihad-I Islam ; voir Ergün Yıldırım).
En pratique, il convient de considérer l’islamisme comme un vaste continuum allant de partis ouverts au pluralisme (comme le Fatah et Ennahda) jusqu’à des organisations terroristes (comme al-Qaida ou le Hezbollah).
Le qualificatif « fondamentalisme religieux » peut en revanche s’appliquer à l’islamisme radical, notamment à la mouvance salafiste (voir aussi les concepts du tafkirisme et du wahabbisme) de par sa vocation à figer l’interprétation de la religion musulmane à la lumière des trois premières générations de l’islam après le prophète Mahomet.
Populisme
Le populisme est un concept connoté négativement qui correspond à la radicalisation polymorphe d’un discours porté par un chef opposant avec démagogie le bon citoyen (la base du peuple, ce qu’il y a de vrai) au mauvais citoyen, ennemi qui peut prendre le visage de l’establishment, des médias mais aussi des immigrés ou du technocrate bruxellois. Dans ce schéma, les vrais citoyens sont défavorisés par le système, soit par délaissement (la France des « oubliés », des « invisibles »), soit par répression mise en place par le système. Les faux citoyens sont quant à eux injustement privilégiés (l’image de l’élite cloisonnée qui s’offre des privilèges ou celle des immigrés favorisés au détriment des nationaux).
La naissance du concept de populisme renvoie à l’émergence du mouvement People’s Party (populisme agraire) aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, bien que le terme puisse rétroactivement être appliqué à nombre d’autres phénomènes. L’histoire démontre que le populisme est un phénomène polymorphe s’adaptant à divers scénarios nationaux et temporels tout en maintenant sa recette.
Salafisme
Le salafisme est un courant islamiste et sunnite, et l’une de mouvances les plus rigoristes de l’islam, renvoyant au terme salaf as-salih, qui se réfère aux trois premières générations de l’islam après le prophète Mahomet. Le salafisme s’inscrit ainsi dans une vision ultraconservatrice de ce qui est considéré par ses fidèles comme un âge d’or musulman, excluant tout réformisme au sein de ce courant, qu’il soit religieux ou sociétal. Toutefois, du fait de son hétérogénéité et de l’absence d’organisation centralisée, le salafisme, connaît des pratiques diverses, notamment avec des différences concernant l’usage de la violence.
Selon l’historien Quintan Wiktorowicz, trois types de visions salafistes sont à différencier. Premièrement, il existe un salafisme puriste, excluant toute influence non islamiste. À cet égard, le salafisme ne serait qu’un fait religieux et ne se rattacherait ainsi pas à une vision ou une activité politique. Deuxièmement, on observe un salafisme politique qui opère une réorientation de la société et de l’État sous le spectre de l’islam. Enfin, un troisième type de salafisme s’incarne dans le salafisme terroriste. C’est au sein de ce type que l’on peut observer l’émergence actuelle d’un salafisme jihadiste qui perçoit la violence comme moyen légitime à des fins politiques et religieuses.
Terrorisme
La définition du terme « terrorisme » est aujourd’hui encore le sujet d’un vaste débat et l’ONU a été incapable d’en adopter une définitive en plus de soixante ans. Toutefois, l’Assemblée générale utilise la définition temporaire suivante : « Actes criminels qui, à des fins politiques, sont conçus ou calculés pour provoquer la terreur dans le public, un groupe de personnes ou chez des particuliers. » Expert sur le sujet, Alex Peter Schmid complète cette définition pour l’ONU. Selon lui, l’acte terroriste porte un message de terreur induisant que, contrairement à l’assassinat, les victimes de l’acte ne sont pas les cibles principales de l’acte. De même, Alex Peter Schmid observe que l’acte terroriste s’inscrit souvent dans une campagne de violence, créant un climat durable d’anxiété permettant aux terroriste d’influer sur le processus politique.
Au regard de l’actualité récente, cette définition permet ainsi répondre à des interrogations concernant la qualification de certains actes, écartant notamment la question de l’état mental de l’auteur de l’acte. Ainsi, l’acte perpétré à Nice par Mohamed Bouhlel s’inscrit bien dans le cadre du terrorisme ; la nature et la cible de l’attaque du 14 juillet transmettent un message éminemment politique et anxiogène sur le long terme.
De même, les actes perpétrés par Anders Breivik en Norvège et Dylann Roof aux États-Unis ont eux aussi trait au terrorisme car ils sont également porteurs d’un message politique et leur cible ne se résume pas seulement à leurs victimes. À l’inverse, l’acte de crash aérien perpétré par le pilote de ligne Andreas Lubitz en 2015 ne saurait être associé à du terrorisme, le message politique étant inexistant et l’acte ne s’inscrivant dans aucune continuité.
Xénophobie
La xénophobie désigne le rejet ou l’exclusion d’individus sur le fait qu’ils seraient étrangers à une communauté, à une société ou à une identité nationale. Au moyen de ressentiments plus ou moins ancrés dans la société, cette xénophobie peut s’inscrire dans un climat anxiogène alimentant la peur, la méfiance ou encore la haine envers le groupe ciblé. Contrairement au racisme, la xénophobie ne présuppose pas de relation hiérarchisée entre les acteurs xénophobes et leurs cibles.
Abréviations des noms de parti
AAA : Anti-Austerity Alliance (Irlande)
AEMN : Alliance européenne des mouvements nationaux AfD Alternative für Deutschland (Allemagne)
ALDE : Alianta Liberalilor si Democratilor (Roumanie) BBT Balgariya bez tsenzura (Bulgarie)
BE : Bloco de Esquerda (Portugal)
BMPO : Bulgarsko Natsionalno Dvizhenie (Bulgarie)
BNP : British National Party (Royaume-Uni)
BSP : Balgarska sotsialisticheska partiya (Bulgarie)
BZÖ : Bündnis Zukunft Österreich (Autriche)
CDA : Christen Democratisch Appèl (Pays-Bas)
CDU : Coligaçao Democrática Unitária (Portugal)
CD&V : Christen-Democratisch & Vlaams (Belgique)
CRE : Conservateurs et réformistes européens
CU : Christen Unie (Pays-Bas)
DF : Dansk Folkeparti (Danemark)
DlR : Debout la République (France)
DK : Drąsos Kelias (Lituanie)
DPS : Dvizhenie za prava is svobodi (Bulgarie)
D66 : Democraten 66 (Pays-Bas)
ELDD : Europe de la liberté et de la démocratie directe
ENL : Europe des nations et des libertés
FdG : Front de gauche (France)
FF : Fianna Fáil (Irlande)
FG : Fine Gael (Irlande)
FN : Front national (France)
FPÖ : Freiheitliche Partei Österreichs (Autriche)
GERB : Graždani za evropejsko razvitie na Bǎlgarija (Bulgarie)
GP : Green Party (Irlande)
GUE/NGL : Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique
KD : Krisdemokraterna (Suède)
KNP : Kongres Nowej Prawicy (Pologne)
LAOS : Laïkos Orthodoxos Synagermos (Grèce)
LN : Lega Nord (Italie)
LP : Labour Party (Irlande)
LR : Les Républicains (France)
LRLS : Lietuvos Respublikos Liberalu sajudis (Lituanie)
LSDP : Lietuvos socialdemokratu partija (Lituanie)
LVZS : Lietuvos valstieciu ir zaliuju sajunga (Lituanie)
MR : Mouvement Réformateur (Belgique)
M5S : Movimento 5 Stelle (Italie)
NEOS : Das Neue Österreich und Liberales Forum (Autriche)
ND : Nea Dimokratia (Grèce)
NFSB : Natzionalen Front za Spasenie na Bulgaria (Bulgarie)
NM : Nya Moderaterna (Suède)
NPD : Nationaldemokratische Partei Deutschlands (Allemagne)
NVA : Nieuw-Vlaamse Alliantie (Belgique)
PAN : Pessoas Animais Natureza (Portugal)
PBP : People Before Profit Alliance (Irlande)
PD : Partito Democratico (Italie)
PiS : Prawo i Sprawiedliwóść (Pologne)
PMP : Partidul Miscarea populara (Roumanie)
PNL : Partidul National Liberal (Roumanie)
PNR : Partido Nacional Renovador (Portugal)
PO : Platforma Obywatelska (Pologne)
PP : Partido Popular (Espagne)
PS : Perussuomalaiset (Finlande)
PS : Parti socialiste (Belgique, France)
PS : Partido Socialista (Portugal)
PSD : Partidul Social Democrat (Roumanie)
PSL : Polskie Stronnictwo Ludowe (Pologne)
PSOE : Partido Socialista Obrero Español (Espagne)
PTT : Partija tvarka ir teisingumas (Lituanie)
PvdA : Partij van de Arbeid (Pays-Bas)
PVV : Partiij Voor de Vrijheid (Pays-Bas)
PRM : Partidul România Mare (Roumanie)
RB : Reformatorski Blok (Bulgarie)
RMDSZ : Romániai Magyar Demokrata Szövetség (Roumanie)
RPOL : Radical Party of Oleh Lyashko (Ukraine)
SC : Scelta Civica (Italie)
SD : Sverigedemokraterna (Suède)
SDP : Suomen Sosialidemokraattinen Puolue (Finlande)
SEL : Sinistra Ecologia Libertà (Italie)
SF : Sinn Féin (Irlande)
SK : Suomen Kristillisdemokraatit (Finlande)
SP: Socialistische Partij (Pays-Bas)
Sp.a : Socialistische partij anders (Belgique)
SPÖ : Sozialdemokratische Partei Österreichs (Autriche)
TP : To Potami (Grèce)
TS : Team Stronach (Autriche)
TS-LKD : Tévynés sajunga – Lietuvos krikscionys demokratai (Lituanie)
UDC : Union démocratique du centre (Suisse)
UKIP : UK Independance Party (Royaume-Uni)
VB : Vlaams Belang (Belgique)
VVD : Volkspartij voor vrijheid (Pays-Bas)
Agenda 2017
- 15 mars | Élections législatives aux Pays-Bas
- 23 avril | Premier tour des élections présidentielles en France
- Avril | Élections présidentielles en Hongrie
- 7 mai | Second tour des élections présidentielles en France
- Mai | Élections présidentielles en Serbie
- 11 juin | Élections législatives en France
- Octobre (ou avant) | Élections législatives en Allemagne
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