Introduction
Les forces politiques à la veille des élections
À la recherche de l’unité à droite
La gauche : entre affaiblissement et divisions
Le Mouvement 5 étoiles : le troisième pôle
Une campagne populiste
Généralisation d’une rhétorique populiste
Des programmes privés de vision et dominés par des propositions très générales
Conclusion : les scénarios post-élections
Résumé
Le 4 mars prochain, les Italiens se rendront aux urnes pour élire les 630 membres de la Chambre des députés et les 315 membres du Sénat. La coalition des droites, composée de Forza Italia (centre-droit), de la Ligue du Nord et des Frères d’Italie, semble favorite pour ces élections. À gauche, le Parti démocrate (centre-gauche) sort affaibli de cinq ans de pouvoir, avec trois présidents du Conseil qui se sont succédé avec plus ou moins de réussite. Enfin, le Mouvement 5 étoiles, un parti populiste, apparaît comme le premier parti politique d’Italie mais ses chances de gouverner sont restreintes en raison de son refus catégorique de s’allier avec d’autres partis. Néanmoins, selon les récents sondages, aucune force politique n’obtiendrait une majorité nette lui permettant de former un gouvernement, ce qui conduirait le système politique italien dans une nouvelle impasse.
Ces élections s’annoncent capitales sur le plan national et donc, par voie de conséquence, sur le plan européen. Pays fondateur de l’Union européenne, l’Italie, engluée depuis des années dans une crise économique et migratoire sans précèdent, a progressivement basculé vers un certain euroscepticisme. Ce scrutin offre la possibilité de clarifier le point de vue des Italiens sur l’intégration européenne et de connaître leur volonté de jouer, ou non, un rôle clé au sein de la zone euro.
À quelques jours des élections, cette étude dresse un état des lieux des partis candidats et de leur programme, analyse les enjeux pour l’Italie et l’Europe et s’interroge sur les différents scénarios envisageables à l’issue de ce scrutin.
Sofia Ventura,
Professeur associé de Science Politique à l’Université de Bologna, Département de Sciences Politiques et Sociales.
Elle a précédemment écrit pour la Fondation pour l’innovation politique Où en est la droite ? L’Italie, juillet 2010, 36 pages.
Introduction
Pour une explication de la nouvelle loi électorale, voir Stefano Ceccanti, « Législation électorale. Italie. Une nouvelle loi provisoire dans une transition qui se poursuit ».
Voir Marc Lazar, L’Italie à l’épreuve des élections, Terra Nova, 9 février 2018.
Le 28 décembre 2017, le président de la République italienne, Sergio Mattarella, a signé un décret de dissolution du Parlement. En vertu de la Constitution italienne, les élections doivent être organisées dans les 45 à 70 jours qui suivent une dissolution. La date du 4 mars prochain a ainsi été retenue et les Italiens éliront ce jour-là leurs sénateurs et leurs députés. Ces élections s’annoncent capitales sur le plan national et donc, par voie de conséquence, sur le plan européen.
À quelques mois de la fin de la XVIIe législature, le Parlement italien a approuvé une nouvelle loi électorale. Son principe est un mélange de système majoritaire (pour un tiers) et de système proportionnel (pour deux tiers), dont l’objectif affiché est de faciliter la formation des coalitions1. Malgré cela, plusieurs estimations récentes d’instituts de sondages semblent montrer que, lors de la prochaine consultation, aucune force politique n’obtiendra une majorité nette lui permettant de former un gouvernement. Le système politique italien ne semble pas en mesure de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve aujourd’hui.
Historiquement proeuropéenne, membre fondateur de l’Union européenne jouant un rôle considérable lors de la création du Marché commun, l’Italie a progressivement basculé vers un certain euroscepticisme2. Ces élections offrent donc la possibilité de clarifier le point de vue des Italiens sur l’intégration européenne et de connaître leur volonté de jouer, ou non, un rôle clé au sein de la zone euro, au moment où la chancelière allemande Angela Merkel sort affaiblie des dernières élections législatives et tandis que la France retrouve un certain leadership depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
Pour ces élections italiennes, trois forces politiques se dégagent. À droite, une coalition des droites, composée de Forza Italia (centre-droit), de la Ligue du Nord (Lega Nord) et des Frères d’Italie (Fratelli d’Italia), semble favorite. À gauche, le Parti démocrate (Partito Democratico, PD) sort affaibli de cinq ans de pouvoir, avec trois présidents du Conseil (Enrico Letta, Matteo Renzi et Paolo Gentiloni) qui se sont succédé avec plus ou moins de réussite. Enfin, un parti populiste, le Mouvement 5 étoiles (Movimento 5 Stelle, M5S), apparaît comme le premier parti politique d’Italie mais ses chances de gouverner sont restreintes en raison de son refus catégorique de s’allier avec d’autres partis.
À quelques jours des élections du 4 mars 2018, la présente note entend dresser un état des lieux des partis candidats et de leur programme, puis analyser les enjeux pour l’Italie et l’Europe et enfin s’interroger sur les différents scénarios envisageables à l’issue de ce scrutin.
Les forces politiques à la veille des élections
À la recherche de l’unité à droite
Le retour de Berlusconi
Née en 1994 après la crise du système politique et des partis italiens, Forza Italia a toujours été présidée par son fondateur Silvio Berlusconi, président du Conseil à plusieurs reprises (1994-1995, 2001-2006 et 2008-2011) et aujourd’hui octogénaire. Forza Italia a néanmoins connu une déstructuration progressive3, en raison de conflits internes, de scissions et en payant le prix fort des nombreux scandales qui ont frappé son leader et sa classe dirigeante.
En 2009, face aux échecs électoraux et aux divergences des partis de la droite italienne, Silvio Berlusconi décida de dissoudre Forza Italia dans le Peuple de la liberté (Popolo della Libertà, PdL) en s’alliant avec l’Alliance nationale (Alleanza nazionale, AN), héritière du Mouvement social italien (Movimento sociale italiano, MSI). Cette formation ne dura que quatre années, en raison des divisions internes entre, d’un côté, les « colombes » d’Angelino Alfano, soutenant le gouvernement d’Enrico Letta, et, de l’autre les « faucons » berlusconiens, souhaitant intégrer l’opposition. En 2013, Silvio Berlusconi conclut cet épisode en officialisant la renaissance du parti Forza Italia et la fin du Peuple de la liberté. Selon le souhait de son leader, le parti passa alors dans l’opposition.
Parallèlement, une perte significative du soutien de l’opinion publique fut enregistrée lors des élections. Aux législatives de 2013, Berlusconi obtint seulement, sous l’égide du Peuple de la liberté, 21,6% (voir graphique 1), tandis que l’année suivante, aux élections européennes, Forza Italia engrangea 16,8 % des voix. L’inéligibilité de Berlusconi, en raison de sa condamnation pour fraude fiscale avec son groupe Mediaset (2013), et les transferts électoraux de l’Alliance nationale au nouveau parti d’extrême droite, les Frères d’Italie (né en 2012 à la suite de la scission du Peuple de la liberté), expliquent ce score nettement en dessous des élections européennes de 2009. Pendant des années, Forza Italia a donc semblé suivre le déclin du Cavaliere, dans un contexte où l’organisation du parti et le contrôle de fer de son leader n’ont pas permis à de nouvelles fortes personnalités politiques d’émerger.
Toutefois, Forza Italia semble aujourd’hui reconquérir à nouveau les centristes et refaire consensus au sein de l’opinion publique. En novembre 2017, Forza Italia a obtenu 16,4 %, en menant la coalition des droites qui a réussi à faire élire son propre candidat, Nello Musumeci, à la présidence du Conseil de la Région Sicile avec 39,8 % des voix. Les sondages récents montrent même que Forza Italia a dépassé la Ligue du Nord dans les intentions de vote. La campagne de Berlusconi, qui multiplie les interventions publiques via les médias, pourrait donc s’avérer décisive. De plus, comme nous l’analyserons ultérieurement, la véritable force de ce parti repose sur la capacité de son leader à favoriser des alliances dans son propre camp et ce malgré de profondes divergences politiques.
Le renforcement de la Ligue du Nord et des Frères d’Italie
Ces dernières années, le système politique italien a été caractérisé par le renforcement de la Ligue du Nord au sein même de la droite. Son homme fort, Matteo Salvini, élu secrétaire du parti en décembre 2013 face à son fondateur, Umberto Bossi, incarne ce nouvel élan. Avec son nouveau secrétaire, la Ligue du Nord a obtenu 6,2% des voix lors des élections européennes de 2014. En décembre 2014, un institut de sondage lui attribuait 13,3% des intentions de vote, contre 13,6% pour Forza Italia. Presque un an plus tard, le même institut lui en attribuait 14%, contre 11,4% pour Forza Italia. Ce rapport de force s’est depuis équilibré, même si la campagne proactive du Cavaliere semble placer Forza Italia en position de force à la veille des élections.
Cette montée en puissance de la Ligue du Nord s’explique par la mutation du parti souhaitée par Matteo Salvini. L’objectif de transformer l’Italie en un État fédéral, avec un fédéralisme fiscal pour des macro-régions plus autonomes4, a été marginalisé au profit d’une rhétorique plus populiste, antieuropéenne, anti-immigrés et sécuritaire. Si jusque-là l’adversaire était « Rome la voleuse », à présent l’ennemi est clairement l’Union européenne, avec ses politiques de rigueur, sa bureaucratie et son contrôle des politiques intérieures. Par ailleurs, l’intensification des vagues d’immigrés sur les côtes italiennes, principalement originaires d’Afrique subsaharienne, a rendu l’opinion publique italienne plus sensible à la propagande des partisans de la Ligue du Nord.
La Ligue du Nord est ainsi devenue un parti de plus en plus semblable aux partis populistes d’extrême droite du reste de l’Europe. Les rapports de Matteo Salvini avec Marine Le Pen sont bien connus. Désormais, le parti s’appelle simplement « Ligue », le mot « Nord » ayant été retiré pour souligner le fait qu’il s’agit bien d’un parti national. La recherche des électeurs n’a plus seulement lieu au Nord mais dans l’ensemble de la Péninsule. Si la « conquête » du Sud a pour l’instant produit des effets limités, Salvini a créé les comités d’association Noi con Salvini (« Nous avec Salvini », NcS), dans le but d’affirmer sa présence dans les régions centrales et méridionales du pays. Lors des élections siciliennes de novembre 2017, la liste Alliance pour la Sicile, formée des Frères d’Italie et de la Ligue, a obtenu 5,6% des voix. À noter que au sein de la Ligue, survit un courant, certes minoritaire, qui est resté lié aux objectifs originaires d’autonomie et de fédéralisme. Ce courant est principalement représenté par les deux présidents des Régions Lombardie et Vénétie, Roberto Maroni et Luca Zaia.
Le populisme de droite est également représenté par les Frères d’Italie, le parti de Giorgia Meloni, ministre de la Jeunesse sous le gouvernement Berlusconi IV et émanation de l’Alliance nationale. Comme la Ligue, ce parti se caractérise par son attitude hostile à l’Union européenne. Il milite aussi pour un contrôle strict de l’immigration. En 2017, les intentions de vote à l’égard de ce parti sont restées stables, aux alentours de 4,5%.
Le « cartel » des droites
Depuis 1994, les rapports entre le parti de Berlusconi et celui de ses alliés sont très complexes. Le leader de Forza Italia a toujours accusé la Ligue du Nord et l’Alliance nationale, mais aussi les centristes qui ont fait partie de ses coalitions entre 1996 et 2006, de l’avoir empêché de mettre en œuvre ses programmes de gouvernement. Ces dernières années, ses rapports avec la Ligue et les Frères d’Italie ont été tout aussi conflictuels, en partie à cause de l’ascension fulgurante de Matteo Salvini et de son ambition de devenir le leader de la droite. Ces tensions sont également liées aux divergences de positions politiques : Forza Italia est traditionnellement un parti plus modéré et libéral, particulièrement dans le domaine économique, tandis que la Ligue et les Frères d’Italie se situent plus à droite de l’échiquier politique.
Néanmoins, ces trois forces sont d’ores et déjà alliées dans de nombreux gouvernements locaux et soutiennent ensemble les gouvernements d’importantes régions, comme en Ligurie, en Lombardie, en Vénétie ou encore en Sicile. C’est à la fois l’orientation majoritairement à droite de l’électorat italien et le mode de scrutin mis en place pour les élections des membres de la Chambre des députés et du Sénat qui ont poussé à la formation de coalitions et expliquent pourquoi ces trois partis sont désormais alliés pour les prochaines élections. Une telle alliance a été facilitée par le fait que ce nouveau régime électoral favorise d’autant plus la formation de coalitions qu’il ne requiert pas de leader ni de programme en commun.
La méfiance demeure cependant réciproque, en particulier du côté de la Ligue. Cette dernière craint que Berlusconi, après les élections, n’abandonne ses alliés pour briser l’alliance électorale et former une nouvelle coalition de gouvernement avec le Parti démocrate. C’est la raison pour laquelle, en novembre dernier, Salvini a demandé à Berlusconi et à Meloni de signer un contrat devant notaire pour éviter ce type d’incident. Cette requête, contraire à l’article 67 de la Constitution italienne qui interdit expressément toute contrainte de mandat pour les parlementaires, a d’ailleurs été refusée par Berlusconi.
Droite – Élections législatives 1994-2013 / Sondages 2017 – 2018
Source :
Ministère de l’Intérieur, Supermedia, Youtrend.it
La gauche : entre affaiblissement et divisions
Le Parti démocrate : personnalisation et faiblesse institutionnelle
Créé en 2007, d’une fusion entre les catholiques de la Marguerite (Margherita) et les Démocrates de gauche (Democratici di sinistra, DS, ex-PCI), le Parti démocrate a connu un parcours tourmenté. Trois secrétaires se sont succédé à sa tête durant les dix dernières années, Walter Veltroni, Pierluigi Bersani et Matteo Renzi, ainsi que deux secrétaires de transition, Dario Franceschini et Gugliemo Epifani.
L’une des principales difficultés de cette formation a été de trouver une ligne politique claire et un modèle d’organisation bien défini. Veltroni a cherché à donner au parti une empreinte réformiste, sur l’exemple de la troisième voie blairiste en Grande-Bretagne, et à le transformer en parti « à vocation majoritaire », autrement dit capable de remporter les élections et de gouverner seul, avec une structure fondée sur les élus et loin du modèle du parti de masse. L’affaiblissement de son leadership et les pressions des oligarques venus des deux partis fondateurs conduisirent à sa démission début 2009 et à l’élection de Pierluigi Bersani, avec une vision plus traditionnelle de la gauche. Matteo Renzi, devenu secrétaire en décembre 2013, puis chef du gouvernement en février 2014, a cherché à revitaliser la vision originale de Veltroni et à rompre définitivement avec l’oligarchie d’origine qui contrôlait le parti. Il a opéré une forte personnalisation du pouvoir, favorisée par la superposition entre leadership de parti et leadership de gouvernement5.
Malgré son succès aux élections européennes de 2014 (40,8%), le Parti démocrate a connu ensuite des résultats peu brillants à l’échelle locale. Pour les élections du 4 mars 2018, les sondages anticipent même une chute des intentions de vote (voir graphique 2). La participation aux élections internes du parti (primaires et élections du secrétaire) a également subi une baisse constante depuis de 2007.
Parti démocrate – Élections législatives 1994-2013 / Sondages 2017 – 2018
Source :
Ministère de l’Intérieur, Supermedia, YouTrend.it.
Une coalition de centre gauche difficile à construire
L’idée du Parti démocrate comme parti « à vocation majoritaire » a constitué un pilier de la vision de Renzi. À la suite de son succès aux élections européennes de 2014, dans un contexte d’abstention élevée de votes (plus de 42%), Renzi fit approuver une loi électorale, connue sous le nom d’Italicum (mai 2015), qui entendait privilégier les partis aux dépens des coalitions afin de permettre au parti gagnant – c’est-à-dire au parti obtenant 40% au « premier tour de liste » ou gagnant au second tour entre les deux partis les mieux placés au premier – d’obtenir la majorité des sièges à la Chambre des députés (la loi ne devait pas s’appliquer au Sénat). Mais, soumis à référendum le 4 décembre 2016, ce projet de loi a été repoussé à une large majorité (59,1%). Cet échec s’explique par l’opposition au projet de nombreux partis (le Mouvement 5 étoiles, la Ligue du Nord ou encore Forza Italia), mais aussi parce que l’image de modernisateur6 de Matteo Renzi s’est peu à peu estompée, en raison de son manque d’attention à l’égard de son parti, des résultats de son action à la tête du gouvernement, inférieurs aux promesses initiales, très ambitieuses, et des oppositions syndicales contre le « Jobs Act » (flexisécurité à l’italienne) et contre la réforme de l’école publique.
L’échec du référendum a été suivi de la démission de Renzi du gouvernement et du parti (après avoir quitté le secrétariat en février 2017, il a été réélu à la faveur d’une élection directe des sympathisants en avril 2017, avec 69% des suffrages), mais il a aussi fortement affaibli le Parti démocrate lui-même.
Pendant les derniers mois de l’année 2017 des négociations ont eu lieu pour créer une coalition de centre gauche en mesure d’affronter la droite et le M5S de Beppe Grillo, tous deux grandissants. La tentative d’une entente avec le groupe présidé par l’ancien maire de Milan Giuliano Pisapia a échoué, ce dernier renonçant même à son projet de créer un nouveau mouvement de gauche. Finalement, le Parti démocrate est parvenu à former une coalition avec de petites formation politiques créées en vue des élections : +Europa (Più Europa), une liste nettement européiste guidée par Emma Bonino, la personnalité la plus influente du mouvement radical, ex-commissaire européen et ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Letta ; Ensemble (Insieme), formée par le très petit Parti socialiste, les Verts et des personnalités proches de Romano Prodi ; Civique populaire (Civica popolare), héritière du petit parti centriste de l’Alliance populaire. Selon les derniers sondages (16 février 2018), l’ensemble de la coalition est crédité de 27,4% dont 22,4% pour le seul Parti démocrate.
À la gauche du Parti démocrate : Libres et Égaux
À la fin de l’année 2017, un parti de gauche opposé à Renzi, Libres et Égaux (Liberi e Uguali, LeU) a été créé. La direction du parti a été confiée à Pietro Grasso, président du Sénat. Né de la fusion entre Article 1er-Mouvement démocrate et progressiste (Articolo 1-Movimento Democratico e Progressista, MDP) et d’autres mouvements de gauche (Possibile et Sinistra Italiana-Sinistra Ecologia Libertà), Libre et Égaux rejette catégoriquement le « Jobs Act » qu’il accuse d’être source de précarité. En outre, il est très critique envers la politique d’immigration du Parti démocrate, particulièrement envers le ministre de l’Intérieur Marco Minniti – qui cherche à limiter l’arrivée des migrants en concluant des accords avec les différents pouvoirs présents en Libye.
Cette division au sein de la gauche ne fait qu’affaiblir le Parti démocrate, déjà bien mal en point à la suite de son passage au pouvoir. Avec un système de partis formé de trois forces principales – droite, centre gauche et M5S –, cette liste de gauche pourrait d’autant plus prendre des voix à la coalition menée par Renzi que la nouvelle loi électorale veut qu’en votant pour le candidat d’une circonscription, on vote directement pour la liste qui le soutient et vice versa. L’impossibilité de distinguer le soutien à un candidat du soutien à une liste, le vote pour l’un dans une circonscription impliquant le vote pour l’autre, les électeurs de gauche ne peuvent soutenir une liste de gauche tout en votant « utile » lors du scrutin uninominal en soutenant un candidat ayant des chances de gagner comme pourrait l’être un candidat du PD.
Selon une étude récente du Centro Italiano di Studi Elettorali (Cise) de l’université Luiss concernant les flux électoraux, entre 8% (dans le Sud) et 11-12% (dans le Nord) de ceux qui en 2013 avaient choisi le centre gauche pourraient donner leur vote à Libres et Égaux7. Malgré tout, Libres et Égaux montre une force électorale limitée (5,7% selon la moyenne des sondages du 16 février) et en diminution, si l’on en croit les sondages de la fin décembre 2017 qui le créditaient de 6,8% d’intentions de vote.
Le Mouvement 5 étoiles : le troisième pôle
La loi approuvée en 2005 prévoyait une prime majoritaire à la Chambre pour la coalition qui avait obtenu le plus de votes lui permettant d’atteindre les 340 sièges. Au Sénat, la prime majoritaire était répartie à échelle régionale.
Voir Rinaldo Vignati, « Dai comuni al Parlamento: il Movimento entra nelle istituzioni », in Piergiorgio Corbetta (dir.), M5s. Come cambia il partito di Grillo, Il Mulino, 2017, p. 23-62.
Voir Pasquale Colloca et Francesco Marangoni, « Lo shock elettorale », in Piergiorgio Corbetta et Elisabetta Gualmini (dir.), Il partito di Grillo, Il Mulino, 2013, 65-88.
Voir Roberto Biorcio, « Le tre ragioni del successo del MoVimento 5 Stelle », Comunicazione Politica, n° 1/2013, avril 2013, 43-62.
Voir Luca Comodo et Mattia Forni, « Gli elettori del Movimento: atteggiamenti e opinioni », in Piergiorgio Corbetta (dir.), op. cit., p. 137-161.
Ibid.
Des performances fluctuantes, mais un soutien électoral qui ne faiblit pas
Lors des élections législatives de février 2013, avec 25% des suffrages le M5S est entré pour la première fois au Parlement et a été considéré comme le grand gagnant du scrutin puisqu’il se retrouvait premier parti avec 108 sièges (contre les 292 sièges du Parti démocrate dû au fait que ce dernier est à la tête de la coalition gagnante, bénéficiant donc de la prime majoritaire prévue par la loi électorale à ce moment-là8 ). Auparavant, ses listes avaient obtenu des sièges en 2008 au sein des conseils municipaux et en 2010 au sein des conseils régionaux. En avril-mai 2012, sa victoire dans quatre municipalités avait eu un grand retentissement médiatique, en particulier dans un chef-lieu de province important, Parme. La même année, au mois d’octobre, M5S avait obtenu le meilleur lors des élections régionales en Sicile9.
Avec les élections de 2013, le Mouvement confirma qu’il était capable de prendre des voix aussi bien à droite qu’à gauche. Au départ plus proche d’une gauche libertaire et postmoderne, le mouvement de Beppe Grillo a aussi bénéficié de transferts électoraux issus de la droite10. Le caractère « protestataire » du parti est considéré par les spécialistes comme étant le principal facteur qui a permis au M5S de se développer11 et il persiste encore aujourd’hui. Les électeurs du M5S présentent en effet un niveau de confiance envers les institutions de gouvernement et les institutions représentatives très inférieur (23%12) à une moyenne pourtant déjà faible (32%13).
À l’occasion des élections locales et européennes, les succès électoraux du M5S ont été fluctuants (voir graphique 3). Pour les élections européennes de 2014, le mouvement a rassemblé 21,16% des suffrages, soit un léger recul. En revanche, l’année 2016 a été marquée par deux victoires importantes lors des élections municipales : à Rome, avec Virginia Raggi, et à Turin, avec Chiara Appendino. La raison principale de ces variations est justement le caractère protestataire des électeurs, qui peuvent orienter aussi leur vote vers d’autres forces perçues comme antisystèmes, telle la Ligue du Nord. Des transferts électoraux entre les deux partis ont déjà été observés précédemment et si, en 2013, ces transferts ont favorisé le parti de Grillo, aux prochaines élections ils pourraient bénéficier à la droite. Selon l’analyse du Cise, entre le M5S et la Ligue, dans le nord et dans le centre du pays, on enregistre un mouvement électoral beaucoup plus favorable au parti de Salvini. En même temps, le Mouvement 5 étoiles apparaît comme mieux à même d’attirer les électeurs provenant de n’importe quel point de l’échiquier politique. Dans le sud du pays, beaucoup d’observateurs prévoient un exploit du parti de Grillo.
En se maintenant à un niveau significatif (environ 28%), le M5S confirmerait toutefois sa position de premier parti italien, mais n’en demeurant pas moins incapable d’attirer un électorat plus large, que ce soit à cause de la concurrence de la Ligue ou à cause de la crainte que suscite son attitude antisystème au sein d’une partie de l’opinion publique.
Mouvement 5 Étoiles – Élections législatives et européennes, 2013-2014 / sondages 2017-2018
Source :
Ministère de l’intérieur, Supermedia YouTrend
Une campagne populiste
Généralisation d’une rhétorique populiste
Marco Tarchi, « Italy: the promised land of populism? », Contemporary Italian Politics, 7, n° 3, 2015, p. 273- 285.
Voir Sofia Ventura, Il racconto del Berlusconi e Sarkozy, Laterza, 2012.
Marco Tarchi, cit.
Sofia Ventura, « La comunicazione referendaria di Matteo Personalizzazione, narrazione e feuilleton », Comunicazione Politica, n° 3/2017, décembre 2017, p. 431-458.
Voir Federico Capurso, « Di Maio alla corte di Macron: “Il M5S non minaccerà l’Ue” », La Stampa, 24 novembre.
Filippo Ceccarelli, La Repubblica, 24 novembre.
Dans l’actuelle campagne électorale domine la préoccupation de capter les peurs de l’opinion publique et d’y répondre par des réponses simplistes et populistes. Fait marquant de cette campagne, tous les chefs de parti ont recours, à différents degrés, à une rhétorique populiste. Dans un article de 2015, le politologue Marco Tarchi soulignait déjà que cette rhétorique était diffuse chez les leaders italiens les plus importants, de Berlusconi à Grillo, sans oublier Renzi14 . Il faut à présent y ajouter Giorgia Meloni et Matteo Salvini.
Vingt-trois ans après ses débuts en politique, Berlusconi mène à nouveau la campagne électorale de la droite, même si nous ne savons pas encore quel leader il proposera pour la conduite du pays. Comme dans le passé, il a recours à un discours antipolitique, s’opposant à l’État asphyxiant et omniprésent, et promettant une amélioration de la vie quotidienne des Italiens15 : moins d’impôts, moins de bureaucratie, tout en veillant aux différentes cibles auxquelles il s’adresse, particulièrement les personnes âgées. Berlusconi occupe le terrain des peurs, de l’appauvrissement des Italiens, du terrorisme et des conséquences de l’immigration, allant jusqu’à affirmer qu’un grand nombre de fils d’immigrés haïssent les Juifs, Israël et les Chrétiens. Sur cette thématique, les discours de Salvini et de Meloni se révèlent encore plus durs, tout en ajoutant une forte hostilité à l’Union européenne au nom de la nation souveraine.
De son côté, Renzi a pu être défini comme un populiste « édulcoré16 » : s’il ne fait pas sienne la « substance » du populisme, il en utilise la rhétorique. Son discours est en effet basé sur le nous/vous, sur l’identification d’ennemis (les « professeurs », les « bureaucrates » et les « bureaucrates de l’Union Européenne ») et de sujets anti-establishment17 . Il fonde son argumentation essentiellement sur les avancées réalisées sous son gouvernement pendant les « mille jours », tels que le « Jobs Act » ou le retour de la croissance (1,5% en 2017), ainsi que sur sa volonté de lutter contre le « défi des populismes ». Concernant le thème de l’Europe, il oscille entre « plus d’Europe » et « l’Europe oui, mais pas comme ça », dénonçant la politique de rigueur et insistant sur la nécessité d’obtenir pour l’Italie des critères plus souples vis-à-vis du déficit pour autoriser davantage d’investissements. À ce propos on doit toutefois souligner la différence entre l’attitude du leader du Parti démocrate et celle du président du Conseil Paolo Gentiloni, plus prudente et respectueuse des institutions européennes.
Le Mouvement 5 étoiles affronte la campagne électorale avec un nouveau chef politique : Luigi Di Maio. Dépourvu d’un parcours significatif, que ce soit dans les études ou dans le domaine professionnel, Di Maio est entré à la Chambre des députés en 2013, à l’âge de 27 ans. Il avait obtenu sa candidature grâce aux primaires du mouvement, en ligne, avec 189 voix. Il est devenu après les élections le plus jeune vice-président de la Chambre des députés de l’histoire italienne. En septembre 2017, il a remporté les primaires pour le choix du premier candidat de son parti avec 82% des voix. C’est à l’issue de ce vote que Beppe Grillo a pris la décision d’utiliser le résultat de ces primaires pour désigner également Luigi Di Maio comme « chef politique » du mouvement, leader de la campagne, lui-même se limitant officiellement à en être « le garant ».
Par son style et son calme, Di Maio cherche à représenter le visage institutionnel du parti. Ainsi, immédiatement après son élection, Di Maio a tenté de donner au mouvement une image rassurante, en se rendant aux États-Unis, où il n’a toutefois rencontré que des hommes politiques de second rang. De même, la lettre ouverte que Di Maio a envoyée à Macron a eu un grand retentissement dans les médias italiens. Il y soutenait que sa formation antisystème, critique à l’égard des institutions communautaires, ne constituait pas une menace pour l’Union européenne 18. Mais cette lettre a été vivement critiquée par un célèbre journaliste italien, Filippo Ceccarelli, qui y a décelé, dans le style comme dans le contenu, un manque d’autorité 19.
Des programmes privés de vision et dominés par des propositions très générales
Istituto Cattaneo, « Che programmi avete per le elezioni? Analisi delle proposte politiche dei partiti », d.
Voir Marc Lazar, « Un violent malaise démocratique », in Dominique Reynié (dir.), Où va la démocratie ? Une enquête internationale de la Fondation pour l’innovation politique, Plon, 2017, 77-79.
.Ibid., p. 188.
Ibid., p. 99.
Istituto Cattaneo, cit.
Marc Lazar, in Dominique Reynié (dir.), op. cit., p. 78-79
Plus que les enjeux et les différences entre les programmes de chaque parti, cette campagne électorale italienne est dominée par des accusations réciproques entre leaders ou encore par les hypothèses sur la formation du futur gouvernement au gré des estimations des sondages. De plus, les engagements des partis à l’égard des thèmes de campagne apparaissent très généraux. Comme l’a montré une recherche de l’Istituto Cattaneo effectuée à partir de l’analyse des programmes électoraux, les mesures dotées d’un contenu général – c’est-à-dire qui se limitent à énoncer des objectifs, des idéaux ou des jugements abstraits sur des questions politiques spécifiques – représentent en moyenne 75% du contenu des programmes, contre 25% pour celles qui évoquent des mesures spécifiques et concrètes. Parmi les programmes des grands partis, celui du Mouvement 5 étoiles recèle le pourcentage d’affirmations générales le plus élevé. Les thèmes économiques, eux, sont abordés d’une manière plus précise (34,9%), au contraire de sujets comme l’Europe et la politique étrangère (21%), le travail (20,5%) et l’environnement (19,7%)20 .
1. Les réformes économiques et fiscales
Les questions de l’emploi et des impôts sont fortement présentes dans cette campagne et l’inquiétude publique sur ces sujets est très vive : 47% des Italiens pensent que leur niveau de vie a chuté et 70% assurent que leur style de vie est menacé. Ces sentiments s’expliquent par la peur du chômage, d’une perte du pouvoir d’achat et par l’inquiétude en ce qui concerne l’avenir du Welfare State21. En effet, si le taux de chômage a baissé en Italie, autour de 11%, soit le niveau le plus bas depuis septembre 2012, les jeunes de 15 à 24 ans restent très touchés (32,7%, très au-dessus de la moyenne européenne, qui se situe à 18,6%).
Si nous limitons notre observation aux plus grands partis, les surenchères de promesses faites aux électeurs prédominent : diminution des impôts, augmentation des bonus et des bénéfices à tel ou tel groupe, etc. La coalition des droites a ainsi annoncé l’adoption d’une « flat tax » (méthode selon laquelle tous les contribuables sont imposés au même taux), idée réchauffée, déjà défendue dans des programmes de la droite par le passé mais jamais appliquée en raison de l’impact qu’elle aurait sur les finances publiques. Si la fin des politiques d’austérité est promise par la coalition, le double langage de Berlusconi perdure, comme lorsqu’il se rend à Bruxelles pour affirmer que la limite des 3% du PIB pour le déficit public sera respectée. Enfin, pour que personne ne soit laissé de côté, en particulier les personnes âgées que Berlusconi cible directement, la coalition promet des exonérations de taxe sur les résidences principales ou encore la remise à plat de la loi Fornero, une réforme des retraites adoptée en 2011.
En face, Matteo Renzi se rêve en Macron italien et ambitionne de donner un second souffle à la gauche. Pendant cette campagne, il a principalement défendu le mandat du Parti démocrate en mettant en avant le retour de la croissance (1,8% en 2017) et l’assainissement budgétaire avec un déficit avoisinant 2% du PIB. Lui aussi prône une diminution des impôts, l’augmentation des dépenses en matière de recherche et d’innovation, ou encore la fin de la redevance qui finance l’audiovisuel public.
Du côté du Mouvement 5 étoiles, on annonce des baisses d’impôts, notamment ceux sur le revenu et les entreprises. Pour ce faire, l’abandon de la règle des 3% de déficit est explicitement assumé. S’ajoute la volonté de mettre en place un revenu « universel » pour les Italiens les plus pauvres. Promue depuis toujours par Beppe Grillo, cette mesure coûterait 15 milliards d’euros. Finalement, beaucoup d’observateurs de la campagne notent le caractère
plutôt velléitaire et coûteux des propositions des partis, du Parti démocrate – plus « conservateur » – jusqu’à Forza Italia, Ligue du Nord et M5S – plus
« aventuristes ».
2. L’immigration
En Italie, il y a une volonté partagée d’un contrôle plus strict de l’immigration, que ce soit par la Ligue, Forza Italia ou le M5S, mais également par le Parti
démocrate, alors que 59% des Italiens pensent qu’ils ne peuvent pas accueillir de réfugiés 22 et que 25% sont dérangés par la présence de personnes d’origine différentes, l’un des taux les plus forts de l’Union européene23. Cela renvoie au choc migratoire subi par la Péninsule, qui provoque à l’évidence des réactions de gêne, de rejet, voire de la xénophobie et du racisme, malgré de réelles avancées de l’intégration.
À la suite de l’attentat de Macerata le 3 février dernier, commis par un jeune proche des groupuscules néofascistes qui tirait depuis sa voiture sur toutes les personnes de couleur qu’il croisait sur son passage, l’immigration s’est de nouveau propulsée en tête des préoccupations de l’opinion publique et au centre du débat politique. Cet homme avait en effet justifié son acte comme une vengeance faisant suite à l’assassinat d’une jeune fille de cette petite ville du centre de l’Italie, assassinat pour lequel sont soupçonnés trois jeunes hommes nigériens. Matteo Salvini, le leader de la Ligue, a pris ses distances vis-à-vis de l’auteur de l’attentat, mais il a aussi par ailleurs toute de suite exploité l’événement en affirmant que c’est à cause de l’« invasion » des migrants que se produit cet « affrontement social ». La Ligue et Frères d’Italie mettent en avant l’idée qu’il faut se préoccuper surtout des Italiens, du fait qu’il n’y a pas de travail pour tout le monde, plutôt que d’accueillir les immigrés. Le slogan de Marine Le Pen « Les Français d’abord !» est ainsi devenu en Italie « Prima gli italiani !». De son côté, Silvio Berlusconi, dont le parti devrait représenter le visage modéré de la coalition des droites, a depuis promis l’expulsion (impossible à réaliser) des 600.000 immigrés clandestins présents sur le territoire italien.
3. L’Europe
Contrairement aux sujets économiques et à l’immigration, le thème de l’Europe apparaît comme le grand absent. Selon l’Institut Cattaneo, l’intégration européenne et la politique étrangère représentent ensemble seulement 10,4% du contenu des programmes électoraux24. Au niveau des grands partis, même le Parti démocrate, le plus proche de l’idée européenne (voir graphique 4), se montre plutôt basique dans ses propositions et, surtout, plus ambigu en ce qui concerne le respect des limites concernant le rapport déficit/PIB. En outre, en matière de questions européennes, le débat public porte surtout sur l’euro et le fait de savoir s’il faut le conserver ou l’abandonner.
On observe que les partis plus modérés (à l’exception de +Europa) ne souhaitent pas se montrer « européistes », préférant conserver une attitude critique envers l’Union européenne « comme elle fonctionne aujourd’hui », face à une opinion publique italienne qui, lors de ces dernières années, a développé un sentiment négatif croissant envers l’Union européenne et son fonctionnement. Historiquement, l’Italie est pourtant profondément proeuropéenne. Elle est l’un des pays fondateurs de l’Union européenne et, à ce titre, elle a joué un rôle considérable lors de la création du Marché commun. Néanmoins, depuis une vingtaine d’années, un glissement vers l’euroscepticisme s’est opéré : un tiers des Italiens considèrent que le fait d’appartenir à l’Union européenne est une mauvaise chose et 41% d’entre eux pensent que l’Union européenne affaiblit plutôt la démocratie25. Les partis les plus critiques à l’égard de l’Union européenne (Ligue, Frères d’Italie et M5S) gardent malgré tout une certaine ambiguïté dans leur positionnement, surtout à propos de la sortie de l’euro, pour ne pas trop effrayer les électeurs les plus modérés.
Les positions des programmes des partis politiques dans l’espace politique italien
Source :
Istituto Cattaneo, « Che programmi avete per le elezioni? Analisi delle proposte politiche dei partiti », s.d.
Synthèse des programmes des grands partis
Conclusion : les scénarios post-élections
«Sondaggi elettorali: la Supermedia finale con i grafici del “possibile” Parlamento », it, 16 février 2018.
Dominique Dunglas, « Silvio Berlusconi, le retour en grâce », Le Point, 24 janvier 2018.
En raison du nouveau système électoral qui incite à la formation de larges coalitions et à la lumière des derniers sondages d’intentions de votes, aucune des trois principales forces ne semble capable d’obtenir une majorité claire à la Chambre ou au Sénat. Selon une estimation du 16 février 2018, la coalition des droites est à 36,8%, le M5S est à 28,1% et le centre gauche à 27,4%26. La coalition des droites, officialisée le 18 janvier dernier entre Forza Italia, la Ligue et les Frères d’Italie – plus une petite liste, Noi con l’Italia (Nous avec l’Italie, NCI) –, semble la seule capable de remporter la majorité le 4 mars prochain. Cette coalition est actuellement créditée de 36-37% d’intentions de vote ; elle n’est donc pas très loin du seuil des 40%, ce qui lui permet d’espérer obtenir la majorité absolue aussi bien à la Chambre qu’au Sénat. La présence quotidienne du Cavaliere, omniprésent sur toutes les chaînes de télévision et dans tous les médias, semble remotiver son électorat historique. Son départ impliquait certainement de fait la mort de Forza Italia et, in fine, un nouveau leadership de l’aile droite avec Matteo Salvini.
Par ailleurs, les Italiens ne voient plus en Silvio Berlusconi un politique corrompu poursuivi par la justice. Le bruit de ses « casseroles » est plus lointain. De plus, Berlusconi présente son retour comme un sacrifice consenti pour sauver le pays face à la menace du Mouvement 5 étoiles qu’il juge « pire que celui des communistes d’autrefois27». Enfin, la possibilité d’un vote de rupture avec l’establishment du Parti démocrate, aux commandes du pays pendant cinq ans avec trois Premiers ministres successifs, est réelle. Si le Mouvement 5 étoiles est en tête des sondages en tant que parti, son incapacité à s’unir avec d’autres forces politiques – même si, sur cette question, Di Maio et les représentants du Mouvement gardent une position plutôt ambiguë et jouent avec les mots – rend presque impossible la constitution d’une majorité absolue avec lui. Dans cette perspective, de nombreux Italiens pourraient préférer s’orienter vers un vote utile directement en faveur de la droite.
La force des coalitions (en %)
Source :
« Sondaggi elettorali: la Supermedia finale con i grafici del “possibile” Parlamento », agi.it, 16 février 2018.
Davide Casaleggio, fils de Gianroberto, disparu l’année dernière et cofondateur du mouvement, dirige Casaleggio Associati, qui contrôle le célèbre blog de Beppe C’est lui qui a introduit la plateforme Web Rousseau, c’est-à- dire l’outil technologique censé appliquer les principes de la « démocratie directe ».
Ilvo Diamanti, Un salto nel voto, Laterza, 2013, 24-27.
Dans le cas où il serait impossible de former un gouvernement après la consultation du 4 mars, les Italiens pourraient devoir retourner aux urnes dans quelques mois. Dans ce cas, il est plus que probable que des bouleversements interviennent au sein des différents partis. Si le M5S obtient des résultats décevants, Luigi Di Maio aura du mal à justifier devant ses sympathisants sa stratégie d’institutionnalisation du parti, avec la volonté de passer d’un parti contestataire à un parti de gouvernement. Un retour de Beppe Grillo qui, avec Davide Casaleggio28, est toujours à la tête du mouvement et bénéficie toujours d’une bonne cote auprès des militants et sympathisants, ne serait pas impossible. D’autant que ce ne serait pas la première fois que Grillo referait un retour sur le devant de la scène après s’être mis un moment en retrait. De son côté, Renzi joue également gros, après avoir été réélu comme secrétaire du Parti démocrate en avril 2017. Nombreux sont ses opposants, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti, qui ne manqueront pas de l’attaquer s’il venait à échouer.
À la lumière de ces différents scénarios, le résultat le plus probable est l’absence de majorité nette ; ouvrant sur une période d’instabilité. Si la coalition des droites venait à échouer, une coalition entre Forza Italia et le Parti démocrate pourrait émerger même si, selon les récents sondages, une telle coalition n’obtiendrait pas aujourd’hui la majorité.
Dans les deux cas, Berlusconi aurait sans doute les cartes en main pour composer le nouveau gouvernement et en tirer les ficelles. Toutefois, les déclarations récentes de Pietro Grasso offrent également une ouverture pour ce que l’on appelle, dans le débat public, « le gouvernement du Président », par référence au président de la République qui, dans ce cas-là, deviendrait le maître du jeu.
Précisons enfin que selon les derniers sondages, 30 à 40% des électeurs se disent encore indécis et que le taux d’abstention pourrait dépasser les 30%. Face à des électeurs volages, la prudence est donc nécessaire et aucune certitude ne peut émerger avant le vote. Pour rappel, d’après Ilvo Diamanti, lors des élections précédentes de 2013, 20% des votants avaient arrêté leur choix de candidat la dernière semaine et environ 13% l’avaient fait le jour même du vote29.
Aucun commentaire.