Résumé
I.

Introduction : comprendre le financement des PME pour mieux soutenir la croissance

1.

Démarche et actualité de l’étude

2.

Financement des PME, de quoi parlons-nous ?

II.

Les PME, parents pauvres du financement de l’« économie réelle »

1.

Une structure de financement peu propice aux PME

2.

Crise financière : une forte aggravation depuis 2008

III.

Des PME sans financement, c’est un pays sans croissance

1.

Plus de financement pour plus d’investissement

2.

Plus d’investissement pour plus de croissance

IV.

Financements innovants pour les PME pour le haut du bilan

1.

Le capital-investissement nouvelle génération

2.

Le corporate venture capital à l’heure du multipartenariat

3.

Bourse(s) des PME

4.

Crowdfunding, ou l’allocation de l’épargne désintermédiée

V.

Financements innovants pour les PME pour le bas de bilan

1.

L’affacturage revisité ?

2.

De la garantie… entre PME

3.

La démocratisation des prêts participatifs

Conclusion

Propositions

Remerciements

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Résumé

Le déficit de financement des PME, déjà reconnu comme important lors des années 2000, s’est aggravé avec la crise de 2008 : réduction importante des crédits bancaires pour certaines entreprises et surconcentration des encours sur les meilleurs dossiers, baisse sensible des investissements en capital-risque, baisse des marges et donc des capacités d’autofinancement, etc. Aussi, des modes de financement publics et privés déjà existants se sont vu modernisés et adaptés au marché, et ont connu une forte croissance : capital-investissement à vocation sociale, corporate venture,  coopératives de financement, modes d’affacturage innovants, etc.

D’autres ont pu apparaître, facilités par le développement exponentiel des technologies de l’information et de la communication (TIC) et du désir de désintermédiation, le crowdfunding, notamment. Dans cette note, nous présentons certains dispositifs privés issus de cette vague de modernisation, nous montrons en quoi ils répondent efficacement à certains besoins des petites et moyennes entreprises (PME) et nous mettons en perspective les tendances structurantes de leur financement. Nous concluons par quelques propositions de mesures visant à faciliter le développement de ces outils, utiles à la croissance des PME françaises.

Mohamed Abdesslam,

Directeur d’investissements pour le fonds de capital-développement Citizen Capital.

directeur d’investissements pour le fonds de capital-développement citizen capital.

Benjamin Le Pendeven,

Chercheur en finance et innovation au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et entrepreneur.

chercheur en finance et innovation au conservatoire national des arts et métiers (cnam) et entrepreneur.

I Partie

Introduction : comprendre le financement des PME pour mieux soutenir la croissance

1

Démarche et actualité de l’étude

Notes

1.

bPi france-observatoire des PME, Rapport sur l’évolution des PME 2013, la documentation française, 2014.

+ -

2.

  1. Paris Europlace, financement en dette des PME/Eti. nouvelles recommandations, rapport, 10 mars 2014.

+ -

3.

bPi france-observatoire des PME, op. cit.

+ -

La crise financière a fragilisé le financement des PME françaises. Alors  que celles-ci faisaient reposer principalement leur financement sur le crédit bancaire (représentant 57% des dettes1, qui elles-mêmes constituaient presque 60% des financements des PME2), celui-ci a été particulièrement mis à mal. Couplé à des obligations prudentielles particulièrement restrictives (accords de Bâle III), à des politiques de gestion du risque revisitées, à une décrue des levées de fonds en capital-investissement, à une réduction des marges des PME (et donc de leur autofinancement) et à une forte tension sur les délais de paiement – le besoin en fonds de roulement (BFR) a encore augmenté en 2012 de 0,7 jour de chiffres d’affaires, portant ainsi la moyenne à 31,5 jours3 –, ce phénomène est venu mettre un coup d’arrêt au développement de centaines d’entreprises de taille moyenne, et donc à une partie de la croissance française. Sans financement, il n’y a pas d’investissements, et sans investissements, il n’y a pas de croissance.

Devant cette situation particulièrement dégradée, cette étude vise à mettre en avant et à mieux comprendre certains modes de financement innovants – émergents ou revisités – des PME françaises. Ceux-ci viennent partiellement prendre le relais des solutions bancaires, tout en tentant de répondre à des situations parfois particulièrement spécifiques et problématiques pour le tissu économique hexagonal.

Au regard des enjeux et des montants de crédits accordés aux PME, ces dispositifs restent relativement modestes, parfois même anecdotiques. Toutefois, ils sont aussi le symbole d’une finance qui s’adapte aux besoins des acteurs économiques, notamment des plus modestes. À l’origine de ces initiatives figurent souvent des entrepreneurs qui viennent répondre à un besoin de leurs clients : celui de trouver des moyens de financement pour leur croissance, voire pour leur survie.

Dans un premier temps, cette note présentera la situation financière des PME françaises et leurs modes actuels de financement en haut et bas de bilan. Puis nous nous intéresserons aux mécanismes économiques qui permettent de transformer le financement des entreprises en croissance économique pour l’ensemble du pays. Dans la dernière partie de l’étude, nous présenterons toute une série de nouveaux modes de financement, venant répondre à certains enjeux des PME : crowdfunding, Bourse des PME, affacturage innovant, garanties entre entreprises…

Ce travail sera conclu par une série de propositions visant à faciliter le développement de ces outils, avec l’ambition de dynamiser la croissance des PME françaises.

2

Financement des PME, de quoi parlons-nous ?

Notes

4.

cGPME-KPMG, Panorama de l’évolution des PME depuis 10 ans, 2012.

+ -

5.

discours à propos des fintech londoniennes, disponible sur gov.uk/government/speeches/chancel- lor-on-developing-fintech (en anglais).

+ -

6.

Entretien avec Jean-Michel Pailhon, expert du secteur fintech européen ; voir aussi banque digitale, les fintech cannibalisent la banque !, octo technology, 2014.

+ -

D’après l’Insee, une PME est une entreprise de moins de 250 personnes, réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros, dont le total du bilan ne dépasse pas les 43 millions d’euros. Celles-ci étaient plus de 136.000 en 2013, hors micro-entreprises, soit 4,4% de l’ensemble des entreprises françaises. Toutefois, elles salarient 28,8% des travailleurs français, soit davantage que les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), respectivement à 27,7 et 23,7%.

Classiquement, les PME peuvent être financées par des ressources dites durables et stables : les fonds propres. Ceux-ci sont principalement constitués par le capital initial de la société, augmenté d’éventuels apports d’investisseurs externes, business angels ou fonds de capital-investissement. À cela s’ajoutent les bénéfices de l’entreprise.

Le second pan financier des PME est le bas de bilan : il s’agit des différents types de dettes auxquelles peuvent faire appel les dirigeants. Celles-ci peuvent être de nature financière (dettes bancaires, émissions d’obligations…) ou opérationnelle (modalités de paiement négociées auprès des fournisseurs, affacturage…).

Avant la crise de 2008, les PME françaises étaient – et demeurent encore – financées principalement par le bas de bilan, notamment par le crédit bancaire. Ce dernier représente à ce titre le premier moyen de financement externe.

De plus, l’investissement des PME reste lui aussi assez fortement financé par la dette : 38% de celle-ci se finance par de l’intervention bancaire, de court, moyen ou long terme (ce mode de financement se place juste derrière l’autofinancement, à 44%)4.

Le capital-investissement, qui fournit des capitaux propres aux start-up et aux PME en forte croissance, ne vient qu’en faible proportion rééquilibrer le financement : celui-ci n’a apporté que 6,1 milliards d’euros en 2012, contre 214 milliards pour le crédit bancaire…

D’autres pays occidentaux connaissent ces problèmes, quoique souvent dans des proportions moindres. Parmi les solutions élaborées, hors soutien public à l’investissement (via crédits d’impôts, interventionnisme avec une banque d’État ou autre), figure la facilitation au développement des FinTech, ces technologies et start-up financières qui viennent moderniser le secteur financier, notamment en facilitant le financement des PME. Au Royaume-Uni, par exemple, le gouvernement, en la personne du chancelier de l’Échiquier George Osborne, a annoncé le 6 août 20145 des mesures fortes pour libérer la croissance de ces solutions alternatives et complémentaires aux financements traditionnels. Londres est d’ailleurs reconnue comme étant la capitale européenne des FinTech. Bien que la France soit encore très loin de cet état d’expansion, une véritable communauté s’affaire et se structure autour de ces solutions innovantes pour le financement des PME6.

II Partie

Les PME, parents pauvres du financement de l’« économie réelle »

1

Une structure de financement peu propice aux PME

Notes

7.

oEcd, financing sMEs and Entrepreneurs an oEcd scoreboard, oEcd, 2014.

+ -

8.

banque de france, « les crédits aux entreprises », stat info, 2014 (webstat.banque-france.fr / séries de données « crédits mobilisés PME, encours »).

+ -

9.

afic-EY, Performance nette des acteurs français du capital-investissement à fin 2013, afic Études, 20 juin 2014.

+ -

10.

afic, capital-transmission : activité 2012, performance nette 2012, impact économique et social 2011, afic Études, 2 septembre 2013.

+ -

11.

afic-Grant thornton, activité des acteurs français du capital-investissement en 2013, afic Études, 3 avril 2014, p. 4.

+ -

12.

observatoire du financement des entreprises par le marché, Rapport annuel 2014, mai 2015.

+ -

Le financement bancaire constitue une part prépondérante des ressources des PME en France, rendant ces sociétés très vulnérables au resserrement des conditions de crédit. Dans le cadre de son étude annuelle sur le financement des PME et des entrepreneurs7, l’OCDE montre que 90% des financements des PME en France proviennent des banques (74% dans l’ensemble de la zone euro), contre 24% aux États-Unis.

Cette forte dépendance au financement bancaire pose des problématiques importantes dans un contexte de réduction significative de l’accès des PME au crédit. En effet, les récentes évolutions réglementaires, encadrées par les accords Bâle III, obligent les banques à renforcer leurs fonds propres et     à délaisser pour partie le financement de PME. Mobilisant davantage de capitaux propres dans les bilans des banques, l’activité de crédit devient plus coûteuse et, par conséquent, moins rentable pour elles. Cette évolution structurelle est jusqu’à présent atténuée par des politiques économiques accommodantes : programmes de rachats de titres et quantitative easing, qui ont notamment permis de revenir à des montants de crédits alloués aux PME comparables au niveau d’avant la crise, soit environ 360 milliards d’euros d’encours en France (contre 300 milliards au pire de la crise, en 20098). Dans ce contexte, le coût du financement des entreprises par la dette bancaire apparaît certes faible, mais masque de grandes disparités entre PME et grands groupes bénéficiant de notation risque plus favorable.

Ce phénomène de fligth to quality (mouvement massif de  capitaux  vers les valeurs mobilières et les dossiers considérés comme les plus sûrs), déjà observable en période de croissance, s’est accentué avec la crise. Au-delà du phénomène de resserrement des conditions de crédit aux PME, le financement bancaire, de par son analyse du risque de crédit privilégiant les emprunteurs les moins risqués, présente également le risque de concentrer les financements sur les secteurs les plus prévisibles, sur les PME relativement bien lancées et présentant une bonne visibilité sur leur santé économique. Or les gisements d’innovation et de croissance ne se trouvent bien souvent pas dans ces secteurs. Le financement bancaire n’apparaît donc pas toujours adapté aux besoins des PME et ne permet pas de financer le risque. Ainsi le financement de l’innovation au sein des PME passe encore majoritairement par l’autofinancement et par le renforcement des fonds propres via le capital- risque. En effet, les spécificités des jeunes entreprises innovantes (absence de garanties tangibles, risque de défaut élevé…) conduisent souvent à un type de financement qui leur est plus adapté : l’apport en fonds propres par les investisseurs en capital.

Autre volet important du financement des PME en France, le capital- investissement – malgré les bonnes performances affichées – peine encore à couvrir les besoins. Selon l’étude annuelle de l’Association française des investisseurs pour la croissance (Afic) et du cabinet EY,  la performance  du capital-investissement sur dix ans s’élève à 10,7% par an à fin 20139. Avec ces taux de rendement, les fonds français surperforment par rapport à l’ensemble des principaux pays européens et les États-Unis (Royaume-Uni 10,4%, États-Unis 9,5%). En affichant une performance supérieure à 10% sur les dix dernières années, le capital-investissement fait bien mieux que les autres classes d’actifs. En effet, sur la même période, le CAC 40 affiche un rendement de 5,5% ; le marché obligataire et celui de l’immobilier affichent quant à eux respectivement des progressions de 5,4 et 7,2%. Toutefois, la performance globale du capital-investissement demeure contrastée selon le profil d’investissement. Sur une période de dix ans, elle reste portée par le capital-transmission avec effet levier – opérations LBO (Leveraged Buy Out), qui ne concernent que marginalement les PME car près de 70% des montants investis sous cette forme en 2012 concernaient des investissements de plus de 50 millions d’euros10… – et, dans une moindre mesure, par le capital-développement, dont les rendements respectifs sont de 16,1% et de 5%. Le capital-risque, quant à lui, enregistre des rendements quasiment nuls en moyenne (voire négatifs). Malgré ses performances faibles, le capital- risque présente un intérêt économique fort en contribuant à long terme à offrir des financements sur des secteurs au potentiel de développement important, en cela qu’il axe son financement sur des start-up et PME en croissance.

Les fonds levés par les acteurs français du capital-investissement demeurent aujourd’hui insuffisants. Bien que les investissements du private equity français ont progressé de 7% en 2013 après une période 2009-2012 difficile, ils n’ont pas excédé 6,5 milliards d’euros. Or l’Afic évalue à 11 milliards d’euros par an, en moyenne, les besoins en fonds propres des PME et des ETI françaises finançables par le capital-investissement11. Des besoins auxquels ce mode de financement français était en mesure de pourvoir avant la crise financière, avec plus de 10 milliards d’euros investis chaque année, de 2006 à 2008.

Alors que les effets de Bâle III tendent à faire diminuer l’offre de crédit aux PME, ce qui a pour conséquence d’encourager le recours au capital- investissement pour financer leur développement, les investisseurs institutionnels du private equity (banques et assurances) se voient dans le même temps fortement dissuadés d’y contribuer en raison des nouvelles contraintes prudentielles de Solvency II (pour les assurances) et Bâle III (pour les banques) qui imposent à ces établissements des ratios de fonds propres supérieurs pour certaines opérations, notamment celles destinées aux PME. En effet, pour ces investisseurs institutionnels, le private equity, classé dans les actifs risqués, nécessite des contreparties en fonds propres plus importantes que dans le passé.

Autre pilier du financement des entreprises en France et malgré le développement de plateformes alternatives et dédiées, la Bourse n’a toujours pas connu d’essor significatif auprès des PME. Le marché public est pour elles encore relativement peu adapté, pour différentes raisons : les PME en phase de croissance ont besoin d’une stabilité actionnariale dans ces phases d’investissements importants, le marché boursier nécessite le respect d’obligations réglementaires et de régularité d’informations très exigeantes pour des organisations peu structurées et, enfin, la liquidité insuffisante offerte sur les titres des PME limite le développement du marché boursier sur ce segment.

À la fin 2014, seules 530 PME-ETI françaises étaient cotées (pour la plupart des ETI), pour une capitalisation totale d’environ 80 milliards d’euros12. Le nombre d’introductions en Bourse de PME-ETI plafonne à une vingtaine chaque année.

Comme nous l’expliciterons plus loin, de nouvelles plateformes tentent de contourner ces obstacles afin de permettre le financement des PME par les marchés.

2

Crise financière : une forte aggravation depuis 2008

Notes

13.

observatoire du financement des entreprises, Rapport annuel 2010, 2011.

+ -

14.

Médiation du crédit aux entreprises, Rapport d’activité 2013, 2014, 5-6.

+ -

La crise a constitué une double peine pour les PME : d’une part, elles ont connu une chute importante de leur activité ; d’autre part, les conditions de financement (bancaire, mais pas seulement) se sont fortement resserrées. Dès le quatrième trimestre 2008, la situation s’est aggravée malgré les mesures prises par les gouvernements pour relancer le crédit bancaire en accordant une aide financière aux banques. Une aggravation des inégalités d’accès au crédit a rapidement été constatée par la Banque de France13 : les conditions de crédit sont devenues rapidement de plus en plus restrictives pour les PME par rapport aux grandes entreprises. Les PME ont alors été confrontées à une réduction de la durée des prêts, à des exigences croissantes de garanties, quand elles ne se voient pas refuser un crédit.

En 2012-2013, la crise des dettes souveraines des pays de l’Union européenne a augmenté la dégradation des activités des banques, accentuant ainsi les contraintes subies par les petites entreprises.

Plus spécifiquement, le contexte de crise a exacerbé la centralisation des processus de décision au sein des banques et a réduit leur relation directe avec les PME. Outre les contraintes réglementaires et la croissance des défaillances des PME ces dernières années, l’évolution des processus de décision au sein des banques a également contribué au resserrement des conditions d’accès au crédit en instaurant une analyse de plus en plus normée du risque.

Pour tenter d’atténuer cette dégradation, le gouvernement français a lancé dès novembre 2008 la médiation du crédit, ouverte à toute entreprise confrontée à un problème de financement qui n’a pu trouver de solution avec ses partenaires bancaires ou avec la Banque publique d’investissement (BPI). Le bilan après cinq ans est le suivant : 41.831 dossiers ont été déposés en médiation, 33.658 dossiers ont été acceptés. Le taux de réussite de la médiation s’établit à 65% : 18.151 entreprises ont été confortées dans leur activité, représentant quelque 5,6 milliards d’euros d’encours, et concernant plus de 341.169 emplois14.

Cette situation de structure de financement peu adaptée aux PME, et de dégradation conjoncturelle, vient entamer en premier lieu la croissance et la pérennité des PME françaises, mais aussi, par ricochet, l’ensemble de la santé économique du pays. C’est ce constat que présente cette troisième partie.

III Partie

Des PME sans financement, c’est un pays sans croissance

1

Plus de financement pour plus d’investissement

Notes

15.

cGPME-KPMG, op. cit.

+ -

16.

commission européenne, do sMEs create more and better jobs?, Memo/12/11, 16 janvier 2012.

+ -

17.

cGPME-KPMG, op. cit.

+ -

18.

bPi france-observatoire des PME, op. cit.

+ -

19.

françois Guinouard, Élisabeth Kremp et Marina Randriamisaina, « accès au crédit des PME et Eti : fléchis- sement de l’offre ou moindre demande ? les enseignements d’une nouvelle enquête trimestrielle auprès des entreprises », bulletin de la banque de france, no 192, 2e trimestre 2013.

+ -

20.

Robin Rivaton, Relancer notre industrie par les robots (1) : les enjeux, fondation pour l’innovation politique, décembre 2012.

+ -

21.

bPi france-observatoire des PME, op. cit.

+ -

22.

Entretien avec Philippe Mutricy, directeur des Études et de la Prospective de bPi france.

+ -

23.

Guinouard, É. Kremp et M. Randriamisaina, art. cit.

+ -

Les PME constituent le socle de la croissance et du développement économique en France ; elles sont en effet presque les seules organisations à créer de l’emploi sur le territoire national depuis dix ans. Elles ont permis 600.000 créations d’emplois de 2002 à 201215, alors que les ETI et grandes entreprises ont vu leurs effectifs stagner. Plus largement, en Europe, les PME restent de loin le principal vecteur de croissance et de création d’emplois : elles sont à l’origine de 85% de la création d’emplois entre 2002 et 201016. Cette capacité à stimuler la croissance économique  et  le  dynamisme  d’un pays est due au savoir-faire des entrepreneurs pour répondre aux besoins de consommateurs. Mais cela ne peut pas globalement être possible sans des sources de financement externes visant à alimenter les projets d’investissements. Or les PME françaises connaissent une activité d’investissement trop peu vigoureuse : seuls 55% de leurs dirigeants déclaraient avoir réalisé un investissement en 2011, et nous constatons une baisse du taux d’investissement des PME (investissement/valeur ajoutée) à 13% en 2010, contre 18,7% pour l’ensemble des entreprises17. En 2012, plus particulièrement, le niveau d’investissement des PME a été particulièrement faible, avec un taux d’investissement de 8%18.

Trois phénomènes principaux viennent alimenter cette baisse :

  • la frilosité des dirigeants de PME pour l’investissement. Avec la baisse  de commandes liée à la crise économique, les anticipations des directions n’incitent pas à l’acquisition de nouvelles capacités de production19. Comme l’explicitait une précédente note de la Fondation pour l’innovation politique20, le tissu productif français a tendance à moins investir que ses concurrents de l’OCDE. Par ailleurs, de nombreux professionnels du financement se plaignent du manque d’« appétit » des PME pour les financements qu’ils mettent à disposition. Ce constat semble également partagé par le BPI21 qui, à travers sa direction des Études22, observe et analyse les comportements de financement et d’investissement des PME en France ;
  • la baisse des marges des entreprises françaises. Alors que la compétitivité se dégrade et que la balance commerciale ne cesse de se détériorer pour les entreprises françaises, la capacité d’autofinancement de celles-ci se réduit. Particulièrement dommageable, ce phénomène vient donc affaiblir la première source de financement de l’investissement dans les PME…
  • la sélectivité croissante des financeurs (notamment pour les crédits de trésorerie)23. Cette réalité peut se révéler particulièrement impactante car, dans de nombreux cas, sans argent, de nombreux projets pourtant rentables avec un taux d’actualisation raisonnable et réaliste ne voient jamais le Et ce malgré une monnaie « peu chère », pour partie due à des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) particulièrement faibles. En période de crise, les financiers se concentrent sur les meilleurs dossiers :« winners take all… ».

La baisse de financements des entreprises françaises, et plus spécifiquement des PME, vient donc réduire très sensiblement la capacité d’investissement de celles-ci.

2

Plus d’investissement pour plus de croissance

Si l’investissement n’est pas une condition suffisante à la croissance économique, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une condition nécessaire. En effet, une corrélation positive se dégage entre le niveau d’investissement et la croissance économique. Les principales doctrines économiques théorisent cette corrélation, en mettant certes en avant des explications différentes. Pour les keynésiens, l’investissement est à l’origine de la croissance économique, car en étant une des composantes de la demande intérieure (avec la consommation), il favorise la croissance. Pour les néoclassiques, l’investissement est à l’origine de la croissance, car il améliore les conditions de l’offre.

Les investissements contribuent à créer un terreau favorable à la croissance : dans le domaine des investissements matériels, les investissements de remplacement permettent de maintenir en l’état le stock de capital fixe, et donc la production. Les investissements de capacité augmentent le stock de capital fixe, et avec lui le volume de production ; les investissements   de productivité améliorent l’appareil de production et ainsi renouvellent et développent les productions. Dans le domaine des investissements immatériels, les investissements en R&D contribuent par l’innovation à accroître la valeur ajoutée ; les investissements en marketing et publicité contribuent au développement des ventes, et donc à la production…

Ainsi, faute d’investissements, la production ne peut croître ni en volume, ni en qualité. Les investissements actuels conditionnent la production et la croissance ultérieures.

IV Partie

Financements innovants pour les PME pour le haut du bilan

Devant ce constat d’une situation tendue pour les financements des PME françaises, de nouveaux modes de financement sont venus répondre en partie aux besoins de celles-ci. Nous présentons ci-après ceux qui viennent apporter en fonds propres des capitaux aux entrepreneurs.

1

Le capital-investissement nouvelle génération

Notes

24.

afic-Grant thornton, activité des acteurs français du capital-investissement en 2014, afic Études, 24 mars 2015.

+ -

25.

comité français sur l’investissement à impact social, comment et pourquoi favoriser des investissements à impact social ? innover financièrement pour innover socialement, rapport, septembre 2014, p. 17.

+ -

En 2014, le capital-investissement français a investi 8,7 milliards d’euros (37 milliards en Europe) dans 1.648 entreprises, dont environ 74% sont des PME françaises24. Ces chiffres sont en hausse sensible par rapport à 2012 et 2013, mais sont plutôt en recul par rapport à la période précrise (12,5 milliards d’euros en 2007), particulièrement plus faibles que ceux  de la Grande-Bretagne, par exemple. Seuls les industriels (dont les fonds d’investissement d’entreprises, que nous étudions dans le chapitre suivant, mais pas seulement) et les entités publiques ont augmenté leurs encours auprès des fonds.

Autre segment de marché en fort développement, l’investissement à impact social (impact investing) introduit une innovation sociale importante via le financement de PME. En effet, le traitement des besoins sociaux non ou mal satisfaits en France implique de promouvoir d’importantes innovations sociales et financières, dont fait partie l’investissement à impact social, qui allie explicitement retour social et retour financier sur investissement.

L’investissement à impact social est aujourd’hui défini par la Taskforce internationale sur l’investissement à impact social comme « un investissement qui cible de manière intentionnelle des organisations qui dégagent un résultat social en même temps que financier, qui établissent des objectifs sociaux mesurables et qui en mesurent régulièrement leur accomplissement25 ». Il se distingue de l’investissement socialement responsable (ISR) développé depuis une vingtaine d’années, dont la finalité sociale est marginale ou non intentionnelle et n’est pas mesurable.

Les cibles de l’investissement à impact social sont le plus souvent des entreprises commerciales dont la mission sociale guide dans tous les cas les décisions stratégiques et l’allocation des ressources. Pionnier dans l’impact investing en France, Citizen Capital – fonds d’investissement créé en 2008 – s’est fixé l’objectif de participer, par le financement en fonds propres, au développement de PME ayant intégré une mission sociale forte au cœur de la stratégie, tout en visant une rentabilité financière semblable aux fonds de capital-développement classiques. Depuis son lancement, Citizen Capital a investi une vingtaine de millions d’euros dans des PME en forte croissance qui intègrent un objectif sociétal et un équilibre global avec les parties prenantes (clients, fournisseurs, salariés, actionnaires, environnement…).

En intégrant dans leur analyse et leur accompagnement des objectifs sociaux, les fonds d’impact investing répondent à un besoin croissant de financement de PME à forte utilité sociale. L’investissement à impact social souffre aujourd’hui encore d’une notoriété limitée et se heurte encore à une confusion avec les démarches philanthropiques et l’économie sociale et solidaire (ESS), obstacles qui devraient être levés par la professionnalisation du secteur et les premiers retours satisfaisants tant sur le plan financier que social.

À ce phénomène s’ajoute celui des fonds d’entrepreneurs. Alors que depuis 2009 les particuliers et family offices sont devenus les premiers financeurs du capital-investissement français (27% des capitaux levés entre 2008 et 2012, contre 18% entre 2004 et 2007), les années 2010 ont vu apparaître plusieurs fonds d’entrepreneurs, qui jusqu’alors étaient peu présents en France.

Trois principaux fonds ont ainsi émergé, avec des organisations et des modes opératoires sensiblement différents :

  • Isai, fonds des entrepreneurs du Web français, qui mobilise plusieurs dizaines de millions d’euros. Initialement imaginé par Pierre Kosciusko- Morizet (fondateur de PriceMinister) et dirigé par Jean-David Chamboredon, il regroupe une centaine de créateurs d’entreprises ayant réussi (Sarenza, Webhelp, Betclic, fr, Criteo, PhotoBox, Vente-Privée, etc.) et désireux d’investir dans des start-up numériques. Au-delà de l’argent investi dans les douze entreprises financées (surtout des marketplaces Web), l’offre d’Isai est de permettre aux start-up de bénéficier de ce réseau exceptionnel de compétences et d’expériences que sont ces mentors-entrepreneurs ;
  • Jaïna Capital, fonds monté par Marc Simoncini (fondateur de Meetic). Véritable véhicule d’investissement personnel doté de 100 millions d’euros, il a déjà investi dans plus de trente entreprises et s’intéresse à tous types de secteurs, même si les plus innovants et en forte croissance sont largement présents ;
  • Kima Ventures, fonds créé par Xavier Niel (fondateur de Free), dispose également d’une capacité d’investissement significative qui  lui  permet  de réaliser un à deux petits investissements  par  semaine  (100.000  à  200.000 euros par transaction, sans follow on), partout dans  le monde. Les start-up financées sont très largement issues du Web, du mobile, et des technologies TIC.

Fortement positionnés sur les entreprises Internet et mobile, sur des montants allant de 50.000 euros à 3-4 millions d’euros, les fonds d’entrepreneurs français viennent bousculer en partie les fonds de capital-risque plus « traditionnels » qui avaient jusqu’alors une forte présence auprès de ces start-up.

Avec leur capacité d’investissement très rapide, leurs apports en smart money (conseil, mise en réseau, etc.) particulièrement impactants et leur vision plus entrepreneuriale et innovante que financière, ces nouveaux fonds viennent apporter de nouvelles solutions et logiques au capital-investissement français.

2

Le corporate venture capital à l’heure du multipartenariat

Notes

26.

Gilles Garel et sébastien Jumel, « les grands groupes et l’innovation : définitions et enjeux du corporate venture », finance contrôle stratégie, 8, no 4, décembre 2005, p. 42.

+ -

27.

isabelle veil, le Marc français du corporate venture, les Échos Études/observatoire des entrepreneurs de PME finance, 2012.

+ -

28.

afic-Grant thornton, activité des acteurs français du capital-investissement en 2012, afic Études, 10 avril 2013.

+ -

29.

Entretien avec Jean-Marc bailly, Managing Partner d’aster capital.

+ -

30.

Entretien avec arnaud verger, manager de la structure nova de saint-Gobain.

+ -

Le corporate venture capital (CVC) est la création par de grandes entreprises de fonds d’investissement, auxquels elles donnent la  mission  d’investir au capital de start-up de leur secteur d’activité. Ce phénomène est plutôt ancien : les grandes entreprises américaines commencèrent ainsi à pratiquer ce genre d’opérations en 1919, avec l’acquisition par Dupont de 34% de General Motors26. Il peut avoir plusieurs objectifs : recherche d’innovations, animation via le soutien à des start-up d’un écosystème périphérique à l’entreprise, recherche de rentabilité financière, veille stratégique, etc.

Traditionnellement, le corporate venture est très développé aux États-Unis. La plupart des grandes entreprises, aussi bien de l’industrie traditionnelle que des nouvelles technologies ou des services, ont des fonds de CVC.

Toutefois, la France n’est pas en reste, avec une majorité des grandes entreprises du CAC 40 disposant de fonds corporate (Bouygues Telecom, Total, Suez, Veolia…)27. D’ailleurs, avec le secteur public, les industriels français et internationaux sont les seuls à avoir augmenté leurs encours au private equity en 2012. Ainsi ils sont passés de 72 millions d’euros en 2011 à 288 millions en 201228. Certaines grandes entreprises sont même parfois à l’initiative de plusieurs fonds corporate (Orange, Total…).

Le mouvement du corporate venture est traversé depuis ses fondations par de constants paradoxes. En effet, les grandes entreprises peuvent chercher à suivre simultanément des objectifs parfois opposés comme la rentabilité financière du fonds, d’un côté, et la recherche d’innovations radicales, de l’autre. Cette dualité, couplée à la question d’ordre politique et managériale qui est que le changement de poste du promoteur du CVC peut directement mener à la fermeture de l’entité, a souvent eu raison de ces initiatives de corporate venture. La littérature scientifique en financement de l’innovation a largement étudié ce phénomène.

Organisations hybrides, à la fois indépendantes et liées à leur maison mère par leur capital, et véritables courroies de transmission entre celle-ci et des start-up innovantes, les corporate venture sont au cœur de problématiques théoriques fondamentales des sciences des organisations, et de la finance.

Le corporate venture ne constitue pas en lui-même un nouveau mode de financement des PME. Toutefois, ses évolutions ouvrent des perspectives intéressantes et relativement nouvelles pour celles-ci :

  • multi-corporate venture. Conscients des problèmes originels du corporate venture, des industriels ont décidé de contribuer à l’innovation – et à la détection de celle-ci – dans leur secteur en créant avec d’autres des fonds de CVC mutualisés, ou multi-corporate venture. Le regroupement d’intérêts sectoriels communs à plusieurs acteurs industriels au sein d’une telle structure permet ainsi de répartir le risque sur des thématiques plus larges, tout en permettant la poursuite d’objectifs stratégiques réels. Ce phénomène des multi-corporate venture n’est pas spécialement nouveau. Toutefois, il connaît ces dernières années un développement soutenu. Nous pouvons citer par exemple Aster Capital, initialement créé sous la forme de Schneider Electric Ventures, puis qui fut rejoint par Alstom, Solvay, et le Fonds européen d’investissement (FEI)29. Le fonds investit aujourd’hui de manière relativement spécialisée dans les domaines de l’énergie et de l’environnement, en rapport avec les thématiques d’intérêt de ses investisseurs industriels, et ce partout dans le monde. Pour cela, il gère environ 150 millions d’euros, au travers de deux véhicules d’investissement, avec des tickets d’investissement allant de 0,5 à 8 millions d’euros ;
  • corporate venture À la fois fonds corporate et fonds de capital- risque en tant que tels, certaines initiatives aplanissent les frontières entre venture capital et corporate venture capital. Ainsi Edenred a initié la structuration d’une démarche de corporate venture, tout en évitant la création d’une structure en tant que telle (à la différence des CVC « classiques »). Ainsi l’entreprise a investi dans un des véhicules d’investissements de l’équipe européenne de Partech Ventures, afin de pouvoir faire gérer cet argent par des professionnels, tout en ayant accès aux deal flow du fonds. À cela s’est rajoutée récemment la création d’un véhicule d’investissement 100% Edenred (toujours géré par Partech), permettant ainsi de réaliser des investissements plus orientés « stratégie » ou « innovation » qu’axés sur la rentabilité financière. Transactions que Partech n’aurait pas réalisées avec un fonds classique. Un pied dedans, un pied dehors ;
  • corporate venture comme fonds de fonds. Conscientes, à l’instar des fonds de corporate venture hybrides, que disposer d’une structure, qu’investir en direct dans des start-up et, en plus, créer des liens entre celles-ci et les business units du groupe peut se révéler très compliqué, voire impossible, certaines grandes entreprises françaises ont fait le choix d’uniquement investir de manière Au lieu de sélectionner eux-mêmes les sociétés et de rentrer au capital de celles-ci, les corporate venture comme fonds de fonds placent leur argent dans des fonds de capital-risque. Ainsi Nova30, qui fait partie de la structure d’open innovation du groupe Saint-Gobain, a investi depuis 2006 une vingtaine de millions d’euros dans six fonds, en Europe et aux États-Unis, orientés sur les cleantech et l’habitat. Nova a accès au deal flow des fonds et peut ainsi effectuer une veille stratégique sur les innovations de son secteur, tout en permettant la construction de partenariats entre les différentes entités du groupe et des start-up partout dans le monde. Et cela, même si aucun investissement financier n’est réalisé par Nova.
3

Bourse(s) des PME

Notes

31.

Entretien avec Philippe dardier, président d’alternativa.

+ -

La Bourse n’a pas toujours été un mode de financement inconnu des PME françaises. Et aucune explication théorique ne peut venir affirmer que celle-ci ne deviendra pas à nouveau un vecteur qui compte dans l’apport de capitaux aux entreprises françaises. Se financer en Bourse permet aux entreprises cotées d’augmenter leurs fonds propres : les titres échangés sur les marchés permettent, lors de l’émission (mais pas seulement), de donner de nouveaux moyens financiers à l’entreprise.

Les arguments poussant à la cotation les PME sont multiples : financement en fonds propres (donc pas de remboursement des capitaux levés à proprement parler), notoriété internationale accrue auprès de clients, partenaires et investisseurs, indépendance (relative) vis-à-vis des actionnaires si ceux-ci sont nombreux, obligation de rigueur et transparence financière, etc.

Toutefois, les importantes limites au financement boursier pour les PME sont connues :

  • des complexités et frais de cotation et gestion : se faire coter requiert des mois de préparation, afin de mettre l’entreprise aux standards de la Bourse, préparer la documentation juridique, former les équipes, etc. ;
  • une obligation constante de discipline : une PME cotée se doit de constamment être conforme aux critères de cotation et d’appel à l’épargne sur les marchés. Cela impose une rigueur et une discipline constantes, qui pénalise les plus petites entreprises (le coût relatif des équipes dédiées à la gestion sur le marché est bien supérieur à celui d’une multinationale) ;
  • une illiquidité des titres pouvant avoir une incidence sur le financement de l’entreprise : les petites valeurs sont par définition moins connues et moins liquides que les plus Évoluant parfois sur des marchés boursiers eux- mêmes peu importants, ces valeurs peuvent dans certaines configurations ne pas arriver à financer leur développement et s’en retrouver pénalisées ;
  • une dépendance plus forte de la stratégie envers les analystes financiers : disposer de titres en forte baisse est un signal très négatif pour tout l’écosystème d’affaires de l’entreprise, PME ou    Aussi  la  direction de celle-ci se voit parfois « imposer » des choix de la part des analystes financiers, afin de retrouver des perspectives d’évolution du titre positives. Parmi les initiatives françaises visant à remettre les PME en Bourse figure Alternativa31. Véritable start-up financière inspirée du  modèle  suédois (en Suède, il existe plus 600 PME en Bourse…), celle-ci cote 36 PME de tous secteurs, qui ont chacune levé en moyenne 500.000 à 600.000 euros pour 5 à 25% du capital cédé. Profitant de l’appel d’air créé par les accords prudentiels Bâle III et la baisse de dotations des fonds de capital- investissement, Alternativa connaît une forte croissance et figure de plus en plus parmi les options de financement des chefs d’entreprise. Cette Bourse des PME se situe entre le crowdfunding et les investisseurs en capital, voire même parfois après eux. Dans certains cas, elle fait aussi office de marché d’incubation pour d’autres marchés boursiers que ces PME pourraient vouloir aller toucher une fois habituées aux obligations boursières et suffisamment solides.
4

Crowdfunding, ou l’allocation de l’épargne désintermédiée

Le crowdfunding, ou financement participatif, est un mouvement de fonds apparu dans les années 2010, permettant à des internautes de toutes conditions de financer les projets de leur choix. Cela peut aller du sponsoring d’un artiste de jazz au financement d’une start-up Internet, ou encore à la construction d’un dispensaire dans un pays en voie de développement.

Cette diversité des projets financés est aussi permise par la pluralité des modes d’intervention. Quatre grands vecteurs de financement sont principalement utilisés dans le crowdfunding :

  • prêts : un certain nombre de projets entrepreneuriaux (création d’un magasin bio, lancement d’une nouvelle marque de vêtements…) ou personnels (achat d’une voiture, construction d’une véranda…) peuvent promettre aux financeurs sur la Toile de les rembourser avec intérêt, sur le même modèle qu’un prêt bancaire ;
  • investissement en capital : concernant uniquement les projets entrepreneuriaux, celui-ci consiste en la vente d’actions de l’entreprise aux investisseurs. Les plateformes Anaxago et SmartAngels font partie des pure players de l’equity : sur leurs sites, seuls sont présentés des projets d’entreprises, dont des parts du capital sont proposées à l’achat ;
  • don altruiste : il s’agit ici d’allouer une partie de son épargne à des projets sociaux, voire humanitaires, en France ou à l’étranger. Babyloan fait partie des références françaises sur ce créneau ;
  • don contre récompense : modèle historiquement leader dans  le  monde, le don contre récompense (reward-based model) consiste en le financement de projets culturels, associatifs, entrepreneuriaux, en échange desquels les crowdfunders reçoivent un service ou produit, en fonction du montant octroyé. La plateforme Ulule est leader en France sur ce créneau.

Graphique 1 : fonds collectés sur l’année 2014 par les plateformes de crowdfunding en France

Source :

baromètre annuel de l’association financement participatif France.

Notes

32.

décret no 2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif.

+ -

Le financement des PME est évidemment plus particulièrement centré sur le crowdfunding par le prêt, l’apport en fonds propres et le don contre récompense. Les logiques, profondément différentes, orientent les start-up et PME vers leurs besoins les plus cruciaux. Certaines utilisent en effet le crowdfunding pour véritablement réaliser une campagne de marketing et de prévente, au travers du modèle « don contre récompense », tandis que d’autres, ne disposant pas de services/produits pertinents pour les investisseurs individuels sur le Web, s’orientent davantage vers le financement en dette, voire en capital. À chaque PME son mode de financement en crowdfunding adéquat.

Les montants levés sont aujourd’hui, en France plutôt modestes, et presque toujours inférieurs à 1 million d’euros par entreprise financée. Toutefois, ceux-ci augmentent et les perspectives déjà atteintes aux États-Unis et en Grande-Bretagne laissent entrevoir un potentiel du marché considérable. Les montants levés en France s’élevaient à 152 millions d’euros en 2014 (le double de 2013) et le premier semestre 2015 annonce quant à lui une excellente année.

Profondément nouveau par rapport aux traditionnels modes de financement, notamment parce qu’il permet aux particuliers de flécher l’usage de leur argent, le crowdfunding subit forcément le contrecoup de lois et de règlements inadaptés. À cet effet, le gouvernement français s’est voulu particulièrement proactif et a mis en place, entre autres, un dispositif légal destiné à favoriser la croissance des plateformes32, même si par sa dimension uniquement française et certains de ses aspects il risque de ne pas suffire pour favoriser vraiment le développement du financement participatif.

Véritablement spécialisées sur le financement de projets entrepreneuriaux ou PME en fonds propres, les plateformes SmartAngels et Anaxago sont en forte croissance. SmartAngels, créée en 2012, réalise des transactions entre 400.000 et 500.000 euros, en France, avec trente à quarante actionnaires par investissement. La plateforme prend, assez classiquement, 7 à 8% des montants levés et s’implique fortement dans la réalisation des financements : négociation des pactes d’actionnaires, sélection des projets drastique, suivi dans la durée, etc. Le site a déjà financé pour 6 millions d’euros sur quinze projets, exclusivement des start-up et des PME de croissance. Le ticket unitaire moyen par investisseur sur chaque projet se situe aux alentours de 10.000 euros. Anaxago, quant à elle, a déjà rendu possible l’investissement de 20 millions d’euros dans plus  de  50 projets,  auprès  de  sa  base  de  28.000 investisseurs, dont 20% sont actifs. La plateforme se rémunère par une commission de 3 à 5% des montants levés par les entreprises. Après un solide processus de sélection, trois types de projets peuvent espérer se voir accompagnés (due diligence, valorisation et pacte d’actionnaires compris) : start-up, PME en croissance et projets immobiliers. Le rythme d’investissement devrait s’accélérer, pour financer près de 35 entreprises dans l’année 2015.

V Partie

Financements innovants pour les PME pour le bas de bilan

Après avoir exposé les modes de financement en haut de bilan, nous présentons ci-après ceux qui permettent le financement en bas de bilan des PME françaises.

1

L’affacturage revisité ?

Notes

33.

bPi france-observatoire des PME, op. cit.

+ -

34.

inspection générale des finances, le crédit inter-entreprises et la couverture du poste clients, rapport no 2012-M-070-04, Paris, ministère de l’Économie et des finances, janvier 2013.

+ -

35.

Ibid. 

+ -

L’affacturage est une technique qui consiste à céder à un factor (généralement une filiale d’un établissement financier de type bancaire) ses créances clients, permettant ainsi à des entreprises de recouvrir de la trésorerie très rapidement et de réduire ainsi leur besoin en fonds de roulement (BFR).

Bien qu’ayant connu une récente baisse de sa croissance, l’affacturage s’est extrêmement développé ces dernières années (20% de croissance en 2011 et 201233), passant de 30 milliards d’euros en 1996 à plus de 170 milliards

en 201134 et 200 milliards en 2013. L’affacturage est aussi passé de 12 à 32 % des financements de court terme (dettes court terme exclues) entre 1997 et 201035.

Toutefois, le marché de l’affacturage tel qu’il existe en France est actuellement peu accessible aux PME. Les cinq acteurs principaux (dont quatre bancaires), qui détiennent plus de 80% de  parts  de  marché  et qui se concurrencent fortement sur les clients grands comptes, délaissent relativement les entreprises de taille modeste. Alors que ce sont précisément pour elles que les besoins en trésorerie sont les plus pressants. Le résultat est particulièrement sévère : seules 3% des PME françaises ont recours à l’affacturage, contre 10% en Grande-Bretagne…

Pour répondre à cette incohérence, plusieurs initiatives se sont constituées, dont la start-up française Finexkap, qui souhaite rénover l’affacturage à destination des PME. Profondément Web, leur modèle vise à donner accès, à partir de 2,49% du montant nominal de la facture, à l’affacturage pour les entreprises de taille réduite. Grâce à un modèle de scoring algorithmique de 70 critères permettant d’établir instantanément l’éligibilité d’une PME à un financement, aidé d’analystes expérimentés, l’entreprise est en mesure de répondre sous 48 heures aux demandes adressées. Et cela de manière complètement dématérialisée. De fait, Finexkap élargit donc sensiblement le marché de l’affacturage en le rendant plus accessible aux petites entreprises, partout en France. Avec un produit bien moins cher que les grands réseaux de factoring, elle rend ce mode de financement du poste client particulièrement attractif. Grâce à plus de 7 millions d’euros de levée de fonds, l’entreprise ambitionne de progresser très rapidement sur le marché français, puis européen.

2

De la garantie… entre PME

Le financement bancaire reste, et de loin, le principal mode de financement externe des PME françaises. Ayant à disposition des conseillers répartis sur tout le territoire et relativement habitués à faire appel à la dette pour financer leurs investissements, les entrepreneurs français font massivement appel aux banques.

Toutefois, dans de nombreux cas, et même si les dossiers se révèlent plutôt solides, certains prêts ne sont pas accordés. La raison en est simple : de plus en plus souvent, les établissements refusent de s’engager sans garantie. Or, dans certaines situations, le dirigeant de PME ne peut pas se porter garant (ou que partiellement) ou l’entreprise peut opérer dans un secteur d’activité black listed. Il se voit alors refuser un prêt indispensable à la création ou  au développement de son entreprise. Les systèmes automatisés d’analyse de risque rendant certaines situations particulièrement ubuesques.

Existaient initialement les fonds mutuels de garantie, des regroupements visant à soutenir en garantie une entreprise (ou une association, dans le cadre de l’économie sociale et solidaire). Puis se développèrent les sociétés de caution mutuelle, dans la même logique, qui sont des entreprises réglementées comme les banques. Mais ces outils, partiellement utilisés, ne comblent pas pleinement le manque de garanties rencontré par les patrons de PME.

C’est en réponse à ce constat que s’est organisé Solidéa. L’idée fondatrice de ce groupement de PME des Pays de la Loire était de compléter l’analyse de risque de type bancaire par une analyse de risque de type entrepreneurial, dans la même logique que ce que ferait un investisseur en capital : aller au-delà du bilan et du compte de résultat pour comprendre l’entreprise, son activité, ses besoins, la pertinence de ses prévisions et de son modèle d’affaires. Ceci est particulièrement utile dans des cas, par exemple, de plan de continuation : dans de nombreuses situations, des entreprises qui vont bien, car leur dépôt de bilan a été causé par la crise systémique de 2008 et non par une faiblesse intrinsèque de l’entreprise, sont « fichées banque de France », empêchant ainsi l’octroi de nouveaux prêts, pourtant indispensables au développement des activités. C’est un exemple typique illustrant la limite des outils de scoring basés sur le passé. Les entrepreneurs du groupement analysent ensemble les dossiers de demandes de garanties, et s’entraident en se mettant en commun pour garantir. Solidéa n’est pas, en soi, un nouveau mode de financement, c’est un outil qui permet aux modes de financement classiques (bancaire, en l’occurrence), de fonctionner et de remplir leur rôle.

3

La démocratisation des prêts participatifs

Outils financiers à destination des PME apparus dans la loi du 13 juillet 1978, les prêts participatifs sont des dettes de moyen ou long terme qui ont la particularité d’être considérés comme du quasi-fonds propres : dans les ratios financiers de l’entreprise, ceux-ci ne sont pas comptabilisés dans l’endettement, mais dans le haut de bilan. Cela renforce donc les fonds propres de l’entreprise, lui permet d’emprunter (au niveau bancaire) davantage, le tout sans se diluer.

Ayant connu un net recul dans leur octroi dans les années 1990, les prêts participatifs redeviennent un mode de financement attractif et adapté aux PME françaises, notamment depuis la crise financière de 2008 et la décision du gouvernement de l’époque d’octroyer à Oséo plus de 1 milliard d’euros pour des prêts participatifs. Plusieurs autres organismes ont aussi créé de tels produits, adaptés à des besoins spécifiques.

L’entreprise Isodev fait partie des acteurs qui sont venus démocratiser les prêts participatifs. Spécialisée dans le financement des investissements,  la reprise d’activité ou de fonds de commerce, ou encore les besoins de trésorerie des TPE-PME, la société octroie des montants allant de 15.000 à 150.000 euros sans caution, sans garantie, ni dilution du capital.

Depuis sa création en 2010, Isodev a financé pour plus de 62 millions d’euros quelque 1.300 TPE et PME françaises. Les montants financés proviennent pour la plupart d’investisseurs institutionnels, notamment assureurs (Natixis Assurances, AG2R La Mondiale, Axa, CNP Assurances…).

Les PME sont essentielles au développement économique de la France : depuis une quinzaine d’années, celles-ci sont – et de loin – les principales contributrices à la création d’emplois salariés, à la croissance et à l’investissement productif. Aussi leur volonté et leur capacité d’investir sont-elles cruciales pour le développement de notre économie. Or ces entrepreneurs sont traditionnellement très dépendants du crédit bancaire, qui s’est vu particulièrement mis sous tension à la suite de la crise financière puis économique de 2008. Cela est en partie dû à des politiques prudentielles restrictives, ainsi qu’à des pratiques de gestion des risques renforcées. Par conséquent, la diversification des modes de financement se révèle cruciale pour la survie de ces entreprises.

Les nombreux modes de financement non bancaires se voient ainsi donner un nouveau souffle. C’est pourquoi nous voyons apparaître depuis quelques années des initiatives, pour certaines encore complètement anecdotiques mais encourageantes, visant à répondre aux besoins des PME. Ces outils de financement sont le fait de la rénovation de techniques déjà connues (corporate venture, affacturage…), tandis que d’autres se caractérisent par la création de nouvelles logiques (crowdfunding…). Aucun de ces modes de financement n’est parfait. Pourtant, tous viennent répondre à des besoins spécifiques, à différents stades de développement des PME. Malgré cela, ils se retrouvent parfois confrontés à des obstacles légaux, réglementaires ou fiscaux qu’il convient de dépasser. C’est pourquoi les faire connaître et les soutenir dans leur développement est tellement important.

  • Baisser la fiscalité des particuliers sur les actions et leurs plus-values (ex. : il est plus simple et moins cher pour un Italien d’acheter des actions en France, qu’un Français en France).
  • Ne pas surfavoriser le prêt par rapport aux fonds propres. Avec l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), par exemple, on peut déduire les intérêts d’emprunts de l’assiette fiscale, et donc rendre les capitaux propres comparativement moins
  • Réduire l’impôt sur les plus-values réinvesties dans le capital de
  • Encourager le développement de plateformes de financement participatif via une législation encore plus ouverte, notamment au niveau européen (la loi sur le financement participatif de 2014 est venue ouvrir certaines possibilités sur le territoire français, mais n’a pas répondu à tous les enjeux).
  • Créer un dispositif législatif permettant aux investisseurs de financer des projets très en amont, à l’image des searchfunds aux États-Unis.

Les auteurs tiennent à remercier chaleureusement les personnes suivantes pour leur avoir accordé du temps pour échanger : Jean-Marc Bailly (Aster Capital), Benoît Bazzocchi (SmartAngels), Arthur de Catheu (Finexkap), Jean-David Chamboredon (Isai), Clément Colleau (Anaxago), Philippe Dardier (Alternativa), Antoine Garrigues (Iris Capital), Bertrand Helme- Guizon (Solidéa), Adrien Lebon (BT Initiatives), Gautier Mariage (Finexkap), Philippe Mutricy (BPI France), Jean-Michel Pailhon (Fintechers France), Georges Passet (BT Initiatives), Jean Rognetta (PME Finance), Arnaud Verger (Saint-Gobain/Nova), Sophie Vermeille (Droit & Croissance).

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