Où en est la droite? L’Autriche
L’österreichische VolksPartei (ÖVP)
Regard sur l’histoire de l’ÖVP : 1945 – 2011
Programmes et valeurs de l’ÖVP
L’organisation de l’ÖVP
L’extrême-droite autrichienne
Le système politique autrichien face à la Proporz
L’histoire de l’extrême-droite autrichienne
Programme des partis d’extrême-droite
Organisation et financement des partis d’extrême-droite
Les rapports de force électoraux au sein de la droite autrichienne
L’implantation géographique des partis autrichiens
Implantation socio-démographique de la droite et de l’extrême-droite autrichiennes
Les raisons de voter à droite et à l’extrême-droite
Conclusion
Résumé
La droite autrichienne est représentée par le Parti populaire autrichien (ÖVP), l’extrême-droite par le Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ) Fondé à Vienne en 1945 par les chrétiens-sociaux conservateurs, l’ÖVP participe au gouvernement d’après-guerre avec le parti social-démocrate autrichien (SPÖ) et le parti communiste autrichien (KPÖ), qui finit par quitter la coalition en 1947, laissant conservateurs et socio-démocrates partager le pouvoir. L’Autriche connaît alors la prospérité économique grâce, notamment, à la politique économique du tandem conservateur Julius Raab-Reinhardt Kamitz. En 1966, l’ÖVP remporte la majorité absolue aux élections et gouverne seul. Cette domination sera de courte durée : en 1970, le social-démocrate Bruno Kreisky conduit son parti à la victoire. L’ÖVP, perçu comme un parti dépassé par une jeunesse aspirant au changement et penchant à gauche, restera durant 17 ans dans l’opposition. Entre 1987 et 2000, une Grande Coalition SPÖ-ÖVP dirige l’Autriche tandis que le FPÖ de Jörg Haider progresse dans l’électorat. Aux élections de 1999, il devance l’ÖVP et devient le second parti du pays. Le leader de l’ÖVP Wolfgang Schüssel choisit alors d’intégrer le FPÖ dans un gouvernement de petite coalition. Au pouvoir, l’extrême-droite use son crédit et sa force de contestation ; l’ÖVP gagne en popularité. Mais cette progression est de courte durée. La coalition ÖVP-FPÖ finit par éclater et les électionsanticipées d’octobre 2006 sont un échec pour l’ÖVP,le SPÖ redevenant le premier parti autrichien.
L’extrême-droite opère quant à elle une percée exceptionnelle. Depuis cette date, les socio-démocrates et le parti populaire cohabitent dans des gouvernements de grande coalition, le FPÖ se renforçant jour après jour.
Le programme de l’ÖVP a évolué au fil des années. S’il se définit en 1972 comme un «parti du centre progressiste», enraciné dans la tradition chrétienne-sociale, son «programme de Vienne» de 1995 ancre le parti plus à droite et revendique les principes du libéralisme économique. L’ÖVP est depuis sa fondation en 1945 un «toit» organisationnel, laissant une large autonomie tant à ses fédérations qu’aux organisations qui se situent en périphérie du parti. Fondé en 1956, le FPÖ a pour projet de mettre fin au partage du pouvoir et des postes entre ÖVP et SPÖ (système de Proporz), de lutter contre la construction européenne et de «protéger la patrie autrichienne» de l’immigration. Lors de sa participation au gouvernement, le parti est traversé par une crise interne qui aboutira à la scission et la création en avril 2005 du BZÖ – emmené par Haider, jusqu’à sa mort en 2008. L’extrême-droite est aujourd’hui largement dominée par le FPÖ de Hanz-Christian Strache.
Patrick Moreau,
Docteur en histoire et docteur d’État en sciences politiques (FNSP), chercheur au CNRS au laboratoire Dynamiques Européennes de l’Université de Strasbourg.
Le Parti populaire autrichien (Österreichische Volkspartei – ÖVP) est aujourd’hui au pouvoir dans le cadre de la Grande Coalition formée avec le Parti social-démocrate d’Autriche (Sozialdemokratische Partei Österreichs – SPÖ). Cette coalition connaît depuis 2009 des tensions fortes dues à la fois à des effets de contexte (la crise de l’euro), à des divergences programmatiques (la question de l’Europe) et, enfin, à un héritage historique (la concurrence de l’extrême droite). Le programme commun de gouvernement masque imparfaitement le mal-être des partenaires dans un système politique perçu comme bloqué par une majorité d’électeurs.
L’österreichische VolksPartei (ÖVP)
Regard sur l’histoire de l’ÖVP : 1945 – 2011
Au lendemain de l’Anschluss de l’Autriche par le iiie Reich en 1938, l’élite politique de l’ère austro-fasciste est arrêtée et envoyée en camp de concentration. À Dachau, un groupe de politiques, parmi lesquels Leopold Figl et Alfons Gorbach, analyse les causes de l’échec de la 1re République autrichienne : l’idée d’une refondation d’un parti chrétien- social voit le jour. Le nom choisi – le Parti populaire autrichien – souligne la volonté de créer un parti d’intégration sociale et politique, sur des bases chrétiennes, mais aussi libérales. Le 17 avril 1945, l’ÖVP est fondé à Vienne et se dote d’associations internes (Bünde) destinées à ouvrir la nouvelle formation à toutes les couches sociales (cf. infra).
Avec l’accord de Staline, dont l’armée occupe la ville, la République autrichienne est proclamée le 27 avril par un premier gouvernement de «concentration» ÖVP/SPÖ/KPÖ (communistes), qui restera en place jusqu’en décembre 1945. Aux élections au Conseil national (Nationalrat) de novembre 1945, l’ÖVP obtient 49,8% des voix (SPÖ : 44,6%, KPÖ : 5,5%) et la majorité des mandats et forme un second gouvernement de concentration.
En 1952, Julius Raab devient le chef (Obman) de l’ÖVP et œuvre au rapprochement avec le SPÖ sur une ligne anticommuniste, entraînant le retrait du KPÖ du gouvernement en 1947. L’élection au Conseil national de 1949 voit l’apparition d’un nouvel acteur politique d’extrême droite : l’Association des indépendants (Verband der Unabhängigen – VdU). L’ÖVP sort vainqueur de la consultation, mais perd la majorité absolue des mandats (44%, -5,8%), la VdU obtenant 11,7% des voix. Dès 1949, l’extrême droite devient un partenaire quasiment obligé pour une petite coalition. La VdU, de sensibilité nationale-allemande, pousse l’ÖVP à des mutations politiques en l’accusant de défendre des valeurs antiautrichiennes. Le parti devient un conglomérat de catholiques, de libéraux et de nationalistes, dont la principale valeur commune est l’antimarxisme. Entre avril 1953 et avril 1961, quatre gouvernements de Grande Coalition se succèdent. Le système politique, réduit à deux composantes et demie (ÖVP/SPÖ/FPÖ, le parti héritier de la VdU), se sclérose, les partenaires de la Grande Coalition se divisant le pouvoir et les bénéfices de son exercice.
Tableau 1 : Les élections au Conseil National 1945-1986
Source :
Ministère de l’intérieur (tableau simplifié)
Cette période correspond à l’âge d’or économique de l’Autriche, portée par l’économie sociale de marché promue par le ministre des Finances Kamitz (1952-1960). L’inflation, qui atteignait plus de 30% avant 1950, recule à 1,1% en 1958. La Grande Coalition baisse les impôts, consolide le budget, favorise les créations d’entreprises, tout en élargissant la part des industries nationalisées. Le «cours Raab-Kamitz» du miracle économique reste aujourd’hui la référence de l’ÖVP, qui rappelle que l’Etat à cette époque ne faisait pas de dettes. La popularité de Raab atteint son sommet en 1955. Le 15 mai, les alliés et l’Autriche signent un Traité d’Etat qui donne à la République autrichienne son visage politique actuel. Dans son article 4, elle renonce à toute union politique ou économique future avec l’Allemagne. L’article 9 oblige l’Autriche à dissoudre toutes les organisations national-socialistes et à interdire les activités de toute nouvelle organisation fasciste ou nazie. Enfin, l’Etat autrichien s’engage à payer 150 millions de dollars à l’Union soviétique. En échange, les alliés évacuent leurs zones d´occupation. Le nouvel Etat indépendant déclare enfin sa neutralité permanente.1
L’échec de l’ÖVP aux élections de 1959 entraîne le retrait de Raab. Au sein du parti, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour réclamer une réforme et un débat programmatique. En 1960, Alfons Gorbach devient le chef de l´ÖVP et remplace Raab à la chancellerie le 11 avril ; les trois ans de gouvernement qui suivent sont marqués par un ralentissement de la croissance autrichienne et des tensions grandissantes entre l’ÖVP et le SPÖ portant sur la modernisation de l’économie et la place des industries nationalisées.
Si les élections générales du 18 novembre 1962 voient l’ÖVP redevenir le premier parti autrichien (ÖVP : 45,4%, SPÖ : 44%, FPÖ : 7%), le climat politique au sein du parti est mauvais. La reconduction de la Grande Coalition est en effet controversée au sein de l’ÖVP. Josef Klaus, tête de file d’un groupe de «jeunes turcs» réformateurs, plaide depuis le début des années 1960 pour une coalition avec le FPÖ, mais ne parvient pas à imposer cette stratégie. 1963 est une année clé pour l’ÖVP. L’échec en 1963 de la candidature Raab à l’élection à la présidence de la République précipite son accession à la tête de l’ÖVP en 1963. Klaus devient chancelier le 2 avril 1963, mais renonce à une petite coalition avec le FPÖ.
Klaus s’affiche comme un modernisateur et un homme ouvert aux inquiétudes de la jeunesse. Porté par cette image, il offre en avril 1966 à l’ÖVP son plus grand triomphe politique. Le parti obtient 48,35% des voix et 85 mandats et le SPÖ passe dans l’opposition. Le 18 avril 1966, le premier gouvernement ÖVP voit le jour. il perd toutefois rapidement sa popularité, à la suite de l’adoption de mesures d’économies impopulaires et de hausses d’impôts.
Le SPÖ, pour sa part, place à sa tête en 1966 le très brillant Bruno Kreisky, qui force son parti à une modernisation programmatique. L’ÖVP est alors de plus en plus perçu dans l’opinion publique, et ceci surtout par les jeunes, comme antilibéral, réactionnaire et vieillot. Kreisky, comme Willy Brandt en Allemagne ou Olof Palme en Suède, devient l’idole d’une jeunesse penchant de plus en plus à gauche et soucieuse de transformer la société. Le SPÖ triomphe aux élections générales de mars 1970 avec 48,4% des voix et Kreisky choisit de constituer un gouvernement minoritaire avec le soutien du FPÖ, un choix qui fait sensation. Bruno Kreisky est en effet juif, certes non religieux et antisioniste, mais l’antisémitisme reste très présent dans l’aile nationale-allemande du FPÖ. L’ÖVP restera durant 17 ans dans l’opposition, incapable de contrer le talent de communicateur et d’homme politique de Kreisky.
L’ère Kreisky, avec quatre gouvernements entre 1970 et 1983, est une période de mutation de la société autrichienne, à laquelle l’ÖVP, appuyée par l’Eglise catholique, tente de résister. «Bruno» devient l’idole d’une jeunesse politiquement à gauche, alors que l’ÖVP apparaît de plus en plus réactionnaire. Les difficultés de l’ÖVP sont d’autant plus grandes que le SPÖ parvient à se réconcilier avec l’Eglise catholique. Néanmoins, le temps qui passe joue en faveur de l’ÖVP. Kreisky vieillit et subit un phénomène d’usure médiatique. Les élections générales de 1983 voient le SPÖ perdre du terrain (47,6% ; ÖVP : 43,2% ; FPÖ : 5,5%) et perdre la majorité absolue. 1983 représente une césure pour le système politique autrichien, de nouveaux acteurs apparaissant dans le jeu politique. Alois Mock, arrivé en 1979 à la tête de l’ÖVP, a créé un nouvel organe de direction, le présidium, a imposé le primat de la fédération sur les associations internes (Bünde) et a repris en main les finances et le parti à tous les niveaux. En 1983, Mock critique efficacement la politique économique du SPÖ, ce qui permet à l’ÖVP de progresser (43,2%, +1,4%, +4 élus). Un autre acteur d’avenir apparaît : les écologistes de la Liste alternative d’Autriche (Alternative Liste Österreichs – ALÖ) font 1,4% des voix en 1983.
Kreisky décide de se retirer et laisse le poste de chancelier à Fred Sinowatz, qui restera en poste jusqu’au 16 juin 1986. Sans majorité, Sinowatz négocie avec le FPÖ. Le chef du FPÖ, Norbert Steger, devient alors vice-chancelier et ministre du Commerce et de l’industrie, son parti gérant deux autres ministères (Défense et Justice). Le gouvernement Sinowatz, confronté à des difficultés économiques entraînées par la crise des industries nationalisées, donne à l’ÖVP l’occasion de gagner en compétences économiques comme idéologiques. Les élections générales de novembre 1986 sont cependant un échec relatif pour l’ÖVP : le parti n’obtient que 41,3% des voix (SPÖ : 43,1%). Les deux vainqueurs de la consultation sont le FPÖ (9,7%), où commence à s’affirmer la personnalité de Haider et l’Alternative verte (4,8%). Le SPÖ et l’ÖVP sont alors confrontés à la question : «Que faire de Haider?» Franz Vranitzky, devenu chancelier, éprouve une antipathie certaine pour Haider et met fin à la coalition SPÖ-FPÖ le 25 novembre 1986. Mock, pour sa part, souhaite une coalition avec Haider, mais se heurte à la résistance d´une large frange de l’ÖVP. La seule option ouverte reste une Grande Coalition SPÖ-ÖVP.
À partir de cette date, le système politique autrichien est pour deux décennies à quatre composantes, alors que commencent l’érosion irréversible des milieux politiques traditionnels sociaux-démocrates et conservateurs et la montée en puissance du FPÖ et des Grüne.
Entre 1987 et 2000, une Grande Coalition SPÖ-ÖVP dirige l’Autriche. Les gouvernements Vranitzky iii, iV et V (1990-1997) et le gouvernement Klima (1997-2000) voient l’ÖVP stabiliser son organisation et résister électoralement aux assauts du FPÖ. Les résultats de l’extrême droite montrent toutefois que les efforts des partis démocratiques allaient rester vains jusqu’en 2002, le SPÖ perdant lui aussi une frange de ses électeurs traditionnels – surtout les ouvriers – au profit du FPÖ. Les raisons de cette faiblesse de l’ÖVP sont multiples, mais réductibles à quatre dimensions centrales : le rejet par l’électorat du système de la Proporz2, l’existence de fortes réticences collectives vis-à-vis de la construction européenne, la vacuité du nouveau programme de l’ÖVP et, enfin, l’absence de leader charismatique capable de faire concurrence à Haider.
Tableau 2 : Les élections au Conseil National 1990- 2008
Source :
Ministère de l’intérieur
La question de l’Union européenne et de la place de l’Autriche en son sein est un élément explicatif central de la faiblesse des partis démocratiques, dont l’ÖVP. Par opposition au SPÖ, l’ÖVP, en manque de programme, espère regagner en popularité en se présentant comme le parti européen par excellence. A l’occasion du référendum de 1994 sur l’adhésion à la Communauté européenne, les trois quarts des votants se prononcent effectivement en faveur de cette option. il n’en reste pas moins que le scepticisme vis-à-vis de l’Europe demeure très fort dans toutes les couches de la population. Haider, qui s’empare du thème pour une croisade antieuropéenne, profite des inquiétudes collectives sur la fin de la neutralité, l’ouverture des marchés et l’immigration transeuropéenne.
En 1997, les électeurs, excédés par le blocage du système et les coûts de l’intégration européenne récusent le choix du chancelier ÖVP Klima de perpétuer la Grande Coalition ÖVP-SPÖ et sa politique économique, déterminée par le respect des critères de Maastricht. Aux élections de 1999, le SPÖ recule à 33,1% des voix (-4,9%) et l’ÖVP à 26,9% (-3%), son plus mauvais score depuis 1945. Le FPÖ devient le second parti du pays en devançant l’ÖVP de 416 voix (26,9%, +5%).
Le leader de l’ÖVP, Schüssel, voit sa position renforcée au sein de son parti malgré sa défaite électorale. Le parti lui sait gré d´avoir maintenu l’ÖVP au niveau d’un FPÖ dont on attendait, sur la foi des sondages, une victoire encore plus nette. La question se pose de nouveau d’une alliance avec le FPÖ, alliance contre laquelle se positionnent quatorze pays de la Communauté européenne. Schüssel pèse longuement les risques et estime – et l’avenir lui donnera raison – que la pression internationale resserrera les rangs de la majorité des Autrichiens autour du gouvernement et que le FPÖ, bien qu’antieuropéen et xénophobe, ne remettra pas en cause l’ordre démocratique établi. il se décide alors pour une petite coalition. Dans le gouvernement Schüssel i, Susanne Riess-Passer, le bras droit de Haider, devient vice-chancelière et ministre des Sports, le FPÖ ayant la charge de cinq autres ministères : Finances, Justice, Défense, Sécurité sociale et Transports.
Il faut s’interroger sur les raisons ayant poussé Haider à ne pas réclamer le poste de chancelier et sur les raisons ayant amené Schüssel à son alliance avec le FPÖ. Haider sait qu’il ne peut immédiatement deve-nir chancelier, l’ÖVP ayant évoqué un retour possible à une Grande Coalition en cas d’ultimatum de Haider. il est cependant convaincu de pouvoir forcer l’ÖVP à adopter ses lignes politiques antieuropéenne, antimigratoire et sécuritaire et table sur les prochaines élections pour devenir le premier chancelier FPÖ. Schüssel, qui va se révéler un meilleur manœuvrier, table sur la «corruption» du FPÖ par le pouvoir. il parie sur une pratique gouvernementale de type consensuel, permettant au gouvernement autrichien d’éviter les écueils politiques et d’apaiser l’ire internationale. De fait, les sanctions de la Communauté européenne sont levées en septembre 2000, après qu’un comité eut prouvé qu’il n’y avait rien d’antidémocratique dans la politique gouvernementale. Schüssel sort grandi de cet épisode et l’opposition SPÖ-Grüne s’en trouve affaiblie.
Haider comprend trop tard qu’il est pris au piège et démet la vice-chancelière Riess-Passer, provoquant une crise au sein du FPÖ, qui entre dans une phase de déclin. Schüssel en profite pour imposer sa ligne politique et déclenchent des élections anticipées. L’ÖVP devient le premier parti autrichien (42,3%, +15,4%). Le SPÖ (36,5% +3,3%) ainsi que les Verts (9,4%, +2,5%) progressent aussi, alors que le FPÖ s’effondre (10,1%, -16,9%). Haider commet une seconde erreur stratégique, en acceptant de participer au gouvernement Schüssel ii qui dure du 28 février 2003 au 11 janvier 2007. Le FPÖ, affaibli, nomme Hubert Gorbach vice-chancelier et ministre des Transports et de la Technologie et Ursula Haubner ministre des Affaires sociales. Cependant, le gouvernement est totalement dominé par l’ÖVP. En avril 2005, Haider quitte le FPÖ et fonde l’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (Bündnis Zukunft Österreich – BZÖ). Les difficultés de ce nouveau parti, qui reste dans le gouvernement Schüssel, rendent la coalition de plus en plus instable. Schüssel décide alors la tenue d’élections anticipées pour le 1er octobre 2006. Elles sont un échec cuisant pour l’ÖVP, qui recule à 34,3% des voix (-7,9%), le SPÖ redevenant le premier parti autrichien (35,3%, -1,1%). Les Grüne obtiennent 11% (+1,5%), l’extrême droite se maintient à 15% des suffrages (FPÖ : 11,4%, +1,3% ; BZÖ : 4,1%). Après des mois de négociations, l’ÖVP et le SPÖ tombent d’accord le 8 janvier 2007 sur une Grande Coalition dirigé par Gusenbauer. Le 9 janvier 2007, Wolfgang Schüssel démissionne et laisse la place à Wilhelm Molterer, un de ses fidèles.
Le gouvernement Gusenbauer dure du 11 janvier 2007 au 2 décembre 2008. L’ÖVP nomme Molterer au poste de vice-chancelier, en charge des Finances et prend en main six autres ministères. Rapidement, la coalition s’enlise. Son éclatement est provoqué par le SPÖ, lorsqu’il annonce son soutien à la tenue de référendums sur la ratification des traités européens. Le 7 juillet, Molterer publie en réponse un communiqué dénonçant l’antieuropéanisme du SPÖ et le style du gouvernement Gusenbauer. Les deux partis tombent d’accord pour des élections anticipées.
La campagne électorale est dominée par le thème de l’inflation (3,5%) et du renchérissement spéculatif des prix. L’élection du 28 septembre 2008 est un désastre politique qui révèle combien l’électorat est allergique à la Grande Coalition SPÖ/ÖVP. Le SPÖ tombe à 29,2% (-6,8%), l’ÖVP à 25,9% (-8,3%), les Verts à 10,3% (-0,6%). L’extrême droite fait une percée exceptionnelle : le FPÖ obtient 17,5% des voix (+6,5%), le BZÖ 10,7% (+6,6%). Au lendemain de l’élection, l’ÖVP se sait piégée et n’a qu’une possibilité en dehors d’une alliance avec l’extrême droite : une nouvelle Grande Coalition. Le parti essaye alors de se donner un second souffle en éloignant des postes à responsabilité Schüssel et ses amis. Le gouvernement Faymann, qui se met en place le 28 décembre 2008, compte en dehors du vice-chancelier ÖVP Erwin Pröll – en charge des Finances – six ministres ÖVP.
Programmes et valeurs de l’ÖVP
Toutes les citations sont extraites du „Salzburger Programm“Salzburger Programm“.
Toutes les citations sont extraites du Grundastzprogramm
L’ÖVP a toujours jugé ses programmes quelque peu encombrants pour la gestion du pouvoir politique. La durabilité du modèle «Grande Coalition» contraint de toute façon fréquemment l’ÖVP à soutenir, au nom du consensus gouvernemental, une politique en contradiction ponctuelle avec ses programmes. Le parti ne se donnera un programme de référence qu’en 1972, alors qu’il est dans l’opposition : le «programme de Salzburg» de 1972, qui sera refondu dans les années 1990 au sein du «programme de Vienne» de 1995.
L’ÖVP se définit en 1972 comme un «parti du centre progressiste»3, enraciné dans la tradition chrétienne-sociale. Ses valeurs de référence sont la «liberté, l’égalité, la prestation, le partenariat, la division des tâches et la participation». L’objectif est d’atteindre une «société de partenariats» dans une «démocratie dynamique », qui recourt à la démocratie directe. Les limites de ce partenariat sont cependant claires : «La vision de l’ÖVP de la participation et de la démocratisation reste restrictive dans le sens où les droits à la participation trouvent leurs frontières dans l’existence de la propriété privée.»
Sur le plan économique, l’ÖVP défend «l’économie sociale de marché» présentée comme une troisième voie entre capitalisme et socialisme. Chaque citoyen est libre de consommer et de travailler à sa guise, mais les partenaires sociaux doivent contrôler le système pour éviter les dérapages monopolistiques ou socialisants. Les travailleurs immigrés, un «mal nécessaire», n’ont de place dans la société autrichienne qu’au terme d’une intégration sociale et culturelle.
Le parti, en quête d’électeurs, évoque une «nouvelle responsabilité» envers les citoyens. L’ÖVP, qui connaît sa faible attractivité pour les jeunes, rompt avec son conservatisme traditionnel en promouvant «le droit des jeunes» à vivre «de nouveaux modèles d’existence sociale». Les femmes se voient promettre une réelle égalité des chances et des droits. La famille reste bien l’idéal des conservateurs, mais la femme au foyer disparaît du programme ainsi que toute notion de relation privilégiée avec l’Eglise catholique. L’ÖVP insiste enfin sur le rôle de la neutralité du pays face ou en réaction à la construction européenne.
Le «programme de Vienne» de 1995, qui reprend certaines thèses de 1972, peut toutefois être qualifié de néo-conservateur de par son mélange de valeurs conservatrices et néo-libérales. On y trouve cinq grands principes. L’ÖVP se proclame le «parti de l’Etat de droit libéral et de la société ouverte» et celui de «l’économie écologique et sociale de marché». il est un «parti autrichien en Europe», un «Volkspartei» d’intégration sociale, enfin une formation «chrétienne-démocrate».4 Le positionnement progressiste du parti de 1972 «au centre» disparaît au profit d’une Weltanschauung conservatrice, qui montre la volonté de l’ÖVP de reconquérir les électeurs catholiques, la rhétorique nationaliste autrichienne étant une réponse aux thèses des nationaux-allemands du FPÖ. Le programme s’articule autour de dix références : la liberté, les prestations, le partenariat, la subsidiarité, la participation, la responsabilité, la durabilité, la justice, la sécurité et la tolérance.
Les différences idéologiques avec le programme de 1972 sont sensibles. Pour ne prendre que quelques exemples, l’égalité disparaît et passe dans le chapitre «justice». Selon l’ÖVP, les hommes sont inégaux dans leurs talents, capacités, préférences et intérêts. Quant à la démocratie directe, les référendums sont décrits par l’ÖVP comme des outils utiles, mais à employer rarement. L’action éducative et morale des Eglises se voit saluée. La société autrichienne reste en marche vers l’égalité, l’ÖVP plaidant pour l’égalité des sexes et l’introduction d’un quota pour les femmes dans le cadre des mandats publics, mais la famille nucléaire (un couple et deux enfants) reste l’idéal. Les formes de vie «alternatives» disparaissent du texte, alors que le rejet de l’avortement se voit, comme en 1972, réaffirmé.
L’ÖVP plaide parallèlement pour un renforcement de la concurrence et des privatisations dans le domaine économique. Sur le thème de l’immigration, on mesure les effets de la montée en puissance du FPÖ. L’ÖVP affirme, certes, «les efforts à faire pour intégrer les étrangers vivant en Autriche», mais aussi «l’impératif d’une stricte limitation de l’immigration». La Communauté européenne garde son aura positive, mais l’ÖVP insiste sur le fait que les Autrichiens doivent se comprendre «comme des citoyens de leur région, de leur patrie».
Globalement, ce programme, conçu pour se démarquer du «socialisme» du SPÖ et couper l’herbe xénophobe sous le pied du FPÖ, est suffisamment vague pour survivre jusqu’en 2011. il est actuellement en cours de refonte. La crise bancaire et de l’euro, qui a rendu l’intervention de l’Etat nécessaire, contraint aujourd’hui l’ÖVP à réapprécier le rôle du néo-libéralisme. La percée électorale de l’extrême droite en 2008 rend un traitement des champs migratoires et sécuritaires nationaux et internationaux (terrorisme) nécessaire. Enfin, et ceci malgré le bon état relatif de l’économie autrichienne, l’avenir du système de santé, des retraites et le rôle de la globalisation sur l’économie autrichienne restent à analyser.
L’organisation de l’ÖVP
Cf. derStandard.at, 31.10.2008.
Cf. Karhofer, Ferdinand: Arbeitsnehmerorganisationen, in: Dachs – Gerlich…, Politik in Österreich, op. cit., p. 462 à 479.
Cf. Kramer, Josef / Hovorka, Gerd: Interessenorganisation der Landwirtschaft, in: Dachs – Gerlich…, Politik in Österreich, op. cit., p. 480 à 498.
Cf. Die ÖVP, op. cit., p. 348.
L’ÖVP est un Volkspartei (parti populaire) présent dans toutes les couches sociales autrichiennes. il est depuis sa fondation en 1945 un toit organisationnel, laissant une large autonomie tant à ses fédérations régionales qu’à de nombreuses associations ou organisations internes ou en périphérie du parti.
L’ÖVP (www.oevp.at) comptait en 2008 environ 700.000 adhérents (1945 : 490.000, 1970 : 720.000 ; 1986 : 695.000, 2002 : 622.000) composés des membres du parti, de six associations internes (Bünde), d’organisations proches et de structures de représentation syndicale ou paysanne. Elle est de loin le premier parti du pays, le SPÖ ayant en 2008 quelque 300.000 membres, le FPÖ 40.000, le BZÖ 10.000 et les Grünen 4.600 seulement5. Si l’on cumule les rares chiffres disponibles sur cet ensemble organisationnel complexe, on arrive à la somme de 1,2 million d’adhérents, le chiffre de 700.000 tenant compte des doubles, triples ou quadruples appartenances. Si l’on compare l’Autriche (huit millions d’habitants) à l’Allemagne (81 millions d’habitants, CDU : 523.000 et CSU 168.000 adhérents), on voit que l’ÖVP est remarquablement implantée dans le pays.
L’ÖVP est organisée de manière pyramidale, avec le congrès du parti comme plus haute instance politique, une direction nationale et un présidium restreint. Cet organe concentre tous les pouvoirs et décide au quotidien des stratégies et positions politiques du parti. L’ÖVP dispose d’un vaste glacis d’associations et d’organisations internes, proches et amies, non seulement au niveau national, mais aussi régional et local. Les associations nationales internes au parti s’adressent aux jeunes (Parti Populaire Jeune, environ 100.000 membres), aux patrons (Alliance économique autrichienne), à la paysannerie (Confédération paysanne autrichienne, 270.000 membres), aux femmes (ÖVP-Frauen), aux travailleurs (Confédération des travailleuses et travailleurs autrichiens) et aux seniors (Alliance autrichienne des seniors, 305.000 adhérents). Toutes ces structures sont des associations juridiquement indépendantes de l’ÖVP qui s’autofinancent largement. A cette liste s’ajoutent de nombreuses organisations proches du parti, mais non directement affiliées. il faut également mentionner l’Académie politique de l’ÖVP (Politische Akademie der ÖVP – www.polak.at), qui remplit des missions d’éducation populaire, d’analyse politique et de formation de cadres.
L’enracinement de l’ÖVP dans le pays repose sur sa représentativité au sein de structures professionnelles : la Confédération des travailleuses et travailleurs autrichiens est une composante de la Confédération autrichienne des syndicats (Österreichische Gewerkschaftsbund – ÖGB, 1,3 million d’adhérents). Aux élections à la Chambre des travailleurs (Arbeiterkammer) en 2009, elle a recueilli au niveau national 2,6 millions de voix (24,94% des suffrages et 212 élus), les sociaux-démocrates obtenant pour leur part 55,8% des voix6. La Confédération des paysans autrichiens (Österreichischer Bauerbund – ÖBB) compte environ 250 000 membres. Aux élections aux Chambres agricoles, l’ÖVP obtient en moyenne au niveau national 80% des suffrages7.
Les finances de l’ÖVP restent, malgré un compte rendu imposé annuellement par la loi sur le financement des partis, très mal connues. Les revenus de l’ÖVP varient en fonction des remboursements légaux des frais de campagne (2004 : 14.338.891 euros ; 2006 : 23.605.049 ; 2008 : 19.752.742). Les dons sont, sur le papier, très (trop) faibles (2004 : 1.001.453 euros ; 2006 : 3.353.321 ; 2008 : 1.973.839). Toutefois, sans doute du fait des relations financières avec les associations évoquées, le parti est en mesure de mener des campagnes très intensives et d’entretenir un appareil important (2004 : 60 permanents dans la centrale, 25 au Club parlementaire, 50 dans les centrales régionales, jusqu’à 80 per- sonnes pour chacune des fédérations régionales, ceci sans compter des sections spécialisées d’importance variable en charge de la propagande et des programmes)8.
L’extrême-droite autrichienne
Le système politique autrichien face à la Proporz
Le système politique autrichien, caractérisé par un système bicaméral (Chambre des députés et Sénat) et une organisation fédérale, est fragilisé par l’exercice du pouvoir par les partis.
L’Autriche a connu depuis 1945 27 gouvernements, dont 17 à deux composantes SPÖ/ÖVP. Le SPÖ a exercé seul le pouvoir entre 1970 et 1983, l’ÖVP seulement une fois entre 1966 et 1970. L’extrême droite (FPÖ) a été associée au pouvoir entre 1983 et 1987 avec le SPÖ et entre 2000 et 2006 avec l’ÖVP.
Cette situation de ménage à trois est le principal dilemme de la politique autrichienne. La reconduction sur le long terme de Grandes Coalitions a abouti à un blocage du système politique, surtout perçu par les électeurs à travers le système de la Proporz. Derrière ce terme se cache un clientélisme étouffant qui force souvent le citoyen voulant faire carrière ou obtenir quelque chose à être affilié à l’un ou l’autre parti.
Les succès électoraux de Jörg Haider à partir de 1986 se basent pour une très grande part sur sa volonté proclamée de mettre fin à ce système. Par ailleurs, faute d’alternative, l’ÖVP et le SPÖ, s’ils ne sont pas majoritaires, n’ont d’autre choix politique que de s’allier avec l’extrême droite. La division de cette dernière en deux camps en 2005 (FPÖ et BZÖ) n’a en rien résolu le problème. Le SPÖ doit envisager à l’avenir une coalition à trois (SPÖ-Grüne-BZÖ), l’ÖVP devant choisir entre une coalition ÖVP-FPÖ ou ÖVP-FPÖ-BZÖ. Une dimension psychologique découle de cette mécanique électorale : le vote pour l’extrême droite s’est totalement banalisé.
L’analyse des résultats électoraux de l’extrême droite autrichienne montre une progression continue entre 1983 et 1999. À cette date, plus d’un quart des électeurs votent pour le FPÖ. Une crise interne qui aboutira à la scission du FPÖ – dirigé aujourd’hui par Heinz-Christian Strache – et la création en avril 2005 du BZÖ – emmené par Haider jusqu’à sa mort en 2008 – ont ramené l’extrême droite à son niveau de 1999 (28% aux élections générales de 2008 après cumul des résultats du FPÖ et du BZÖ). Pour comprendre cette place étonnante de l’extrême droite dans le système politique autrichien, il faut revenir brièvement sur son histoire et analyser son enracinement électoral.
L’arrivée au pouvoir en 2000 du FPÖ, qui est toujours en 2011 une des formations national-populistes les plus puissantes électoralement en Europe de l’Ouest, est un signal des changements structurels affectant le système traditionnel des partis dans de nombreuses démocraties. il est évident que la société autrichienne, comme nombre de ses voisines, souffre de maux bien connus : insatisfaction collective, peur du chômage et des transformations économiques, tendance au repli sur soi-même, xénophobie… Ces dimensions conditionnent et favorisent l’émergence de partis du style FPÖ.
L’histoire de l’extrême-droite autrichienne
L’histoire du FPÖ se divise en quatre grandes périodes, chacune d’entre elles éclairant le présent.
Dans la première période, le FPÖ est lors de sa fondation en 1956 un parti de sensibilité libérale et nationale-allemande, surtout implanté en Carinthie et à Vienne, mais très isolé du fait de son référentiel idéologique.
L’intégration progressive du FPÖ dans le système politique sera le fait des partis ÖVP et SPÖ, qui l’utilisent comme un moyen de pression à l’encontre du partenaire de coalition. L’intégration du FPÖ dans le système politique est effective avec la petite coalition SPÖ-FPÖ de 1983.
La deuxième phase est celle du jeune Haider à l’assaut du pouvoir à partir de son élection à la tête du parti en 1986, qui connaît alors des succès électoraux impressionnants. Haider, qui dénonce les faiblesses du système, les scandales, les privilèges et les inégalités, a réussi, dans cette première phase, à se bâtir une image de Robin des Bois moderne, d’avocat des vrais intérêts du «peuple» et des petites gens. À partir de 1993, il a étoffé l’image protestataire du FPÖ en y agrégeant la question européenne et la xénophobie.
La troisième phase est celle de l’association au pouvoir. Elle a fonctionné comme un piège pour le FPÖ comme pour Haider. Le FPÖ s’est effondré électoralement à l’occasion de l’élection au Conseil national de 2002, rentrant dans une phase de déclin. Le parti est victime de Jörg Haider qui perd – au moins temporairement – ce qui faisait sa force depuis 1986 : un instinct qui lui permettait de sentir les masses. L’effondrement politique et organisationnel se voit encore accéléré par les dérapages antisémites et pro-Saddam Hussein de Haider.
La quatrième phase voit la création du BZÖ, qui fut tout d’abord un échec organisationnel. La fin de la coalition ÖVP-BZÖ et la mise en place en 2006 de la grande coalition ÖVP-SPÖ ont montré que le BZÖ n’était plus à cette date qu’un parti marginal. Heinz-Christian Strache, souvent qualifié de clone du jeune Haider, reprend entre 2006 et 2008 en main le FPÖ. il consolide le parti et ses finances, restructure ses organisations-relais dans la société et mène une campagne permanente à l’écoute des inquiétudes collectives des électeurs concernant l’Europe et l’immigration. Haider change alors de stratégie et rénove en priorité son image. il se présente comme un pater familias à l’écoute de sa province, mais aussi, en tant que ministre-président de la Carinthie, comme un politique rationnel, gouvernant son land en coalition avec le SPÖ. Haider gagne ainsi son pari. En 2008, le BZÖ va séduire plus de 10% des électeurs, le FPÖ 17,5%. La mort de Haider en 2008 laisse structurellement le champ libre à Strache, qui part à la conquête du pouvoir (cf. infra). Enfin, le FPK (Die Freiheitlichen in Kärnten)9 est un parti né d’une scission du BZÖ intervenue en 2009, dirigé par une personnalité charismatique, Uwe Scheuch, et le ministre-président de Carinthie Gerhard Dörfler.
Aujourd’hui, l’extrême droite est divisée – mais pour combien de temps ? – en trois formations : le FPÖ, le BZÖ et le FPK.
Programme des partis d’extrême-droite
Se reporter à www.fpoe.at\fileadmin\Contentpool\Portal\wahl08\FP_-Wahlprogramm_NRW08.pdf. « Österreich im Wort ».
Cf. Nina Horaczek, Claudia Reiterer: HC Strache. Sein Aufstieg. Seine Hintermänner. Seine Feinde. Vienne 2009.
Cf. Programm des Bündnis Zukunft Österreich, in: http://www.bzoe.at/assets/files/Programm_BZOE_WEB. pdf.
Le programme du FPÖ pour les élections de 2008, «Notre parole pour l’Autriche», et la campagne FPÖ au profil politique radical clairement articulé autour des questions sociales, de la sécurité et de l’immigration, sont un fonds de commerce idéologique toujours omniprésent en 201110. Comme dans les programmes précédents, le thème de l’immigration est le fer de lance du parti. Le FPÖ souhaite «un renvoi humanitaire et conséquent» des étrangers chez eux, en particulier des criminels et des «parasites du système social». En direction des musulmans, le FPÖ annonce vouloir interdire les «signes politico-religieux de victoire» comme les minarets et punir les violations des «normes constitutionnelles», comme «la violence contre les femmes,les abus du droit de presse et d’expression ainsi que la cruauté envers les animaux», une formulation traditionnelle de l’extrême droite européenne pour l’abattage rituel. Les enfants scolarisables ont à subir un test de langue qui, en cas d’échec, mène à leur exclusion du système éducatif. Les étrangers se voient soumis à un système de sécurité sociale réduit, sans compensation en cas de problèmes graves de santé. En cas de chômage de longue durée, ils doivent quitter l’Autriche. Le marché de l’emploi est protégé par la préférence nationale. Pour résumer, la lecture du programme du FPÖ montre qu’il est un modèle de populisme protestataire, xénophobe, sécuritaire, homophobe, nationaliste et antieuropéen collant de manière voulue à la liste des couches sociales ou des groupes de population les plus insatisfaites ou les plus menacées par la situation économique et sociale.
Strache a su depuis 2005 utiliser au mieux son physique de jeune premier11. Dans la presse, alors que Haider est photographié dans les boîtes gay, il apparaît dans les magazines toujours entouré de jeunes et belles groupies. A l’occasion de la campagne électorale de 2008, il choisit de s’attaquer à une des figures mythiques de la gauche, Che Guevara. il publie sur la Toile une chanson, Adios, Che, qui sera écoutée plus de 200.000 fois et jouée ensuite un peu partout. Son style, (apparemment) très naturel, passe bien et atteint son objectif : il est populaire, sexy et acquiert, grâce à ses oripeaux jeunes, une crédibilité et une aura politique qui semble rompre avec le style des «vieux politiciens». Les jeunes ne comprennent de toute évidence pas combien le style Strache est le fruit d’une élaboration qui rappelle celui du style Haider des années 1990. L’homme a appris auprès de professionnels à parler, à sourire et à s’habiller, même s’il faut lui reconnaître d’incontestables talents de communicateur et un évident charisme.
Lors des élections de 2008, le BZÖ s’est donné comme but premier d’empêcher à tout prix la reconduction de la Grande Coalition. Son programme, intitulé «A cause de toi. Autriche», s’articule entre divers trains de mesures, plus ou moins populistes, mais il reste plus libéral que celui du FPÖ malgré l’importance accordée aux thèmes sécuritaires et à l’immigration. Ce programme est néanmoins parfaitement adapté à la stratégie de Haider : attirer un potentiel protestataire et hostile à l’immigration ainsi qu’à la Grande Coalition et à sa reconduction, mais ne souhaitant pas voter pour un FPÖ jugé trop extrême.
Un nouveau programme a été adopté à l’occasion d’un congrès extraordinaire à Vienne en mai 201012. Le parti se définit comme une «force de réforme et de contrôle libérale de droite». Le préambule se réclame toujours de l’héritage intellectuel de Jörg Haider et décrit les points forts de la politique du parti en termes de continuité, mais aussi d’évolutions, en mettant l’accent sur des thèmes traditionnels libéraux. A priori, la rupture avec les thèmes classiques de l’extrême droite semble évidente.
Cette impression se confirme dans l’introduction qui résume en dix points les idées du parti. Le système traditionnel des partis et la Proporz sont rejetés au nom d’une volonté de modernisation politique appelant à une large participation citoyenne. Dans la proposition «La liberté de l’homme est intangible» (thèse 1), le BZÖ veut rendre au peuple le pouvoir, les citoyens devant «dominer l’Etat». Le principe premier est celui de la liberté, qui conditionne tous les autres (thèse 2). il implique un rapport fort et constant à l’ordre, qui ne s’épanouit que dans la démocratie.
L’Etat social doit être réformé pour éviter l’apparition d’une mentalité «d’assurance tous risques» et exiger des citoyens une forte contribution à son universalité et à sa préservation (thèse 3). «L’Heimat, la tradition et la culture forment l’identité de l’Etat et du peuple», ces «racines» étant la clé de l’avenir (thèse 4). ils doivent être protégés face à la globalisation et à l’immigration. Le BZÖ réclame en priorité des migrants qu’ils s’intègrent à la société autrichienne. Les normes de la culture dominante chrétienne occidentale doivent être respectées par les migrants, sous peine de répression. La thèse 5, «Pas de liberté sans propriété», réclame la réduction de l’Etat à une action de gestion et de service minimale. La «famille» est affirmée (thèse 7) être «la cellule noyau de la société» (thèse 8) et elle doit jouir d’une «autonomie maximale». Le droit à une «sphère privée» est affirmé inaliénable. La thèse 10, «Développement durable», est centrée autour de l’écologie et de la préservation de la nature. Le BZÖ est contre l’énergie nucléaire et la génétique et plaide pour une «autarcie énergétique» et le recours systématique à des technologies compatibles avec l’environnement. Dans les dix chapitres explicatifs, le BZÖ se montre pro-européen et partisan d’une «maison européenne», mais critique de la politique actuelle d’intégration de la Turquie et d’élargissement rapide de la Communauté, ainsi que de l’action de la Commission. Le BZÖ défend le droit d’asile pour des raisons politiques, mais veut stopper l’immigration, y compris d’origine européenne, à l’exception de l’immigration d’élites utiles au pays, à condition que ces dernières acceptent de s’intégrer. En conclusion, la modération du ton, l’absence de racisme à la Strache et le positionnement économique libéral ne peuvent que suggérer une mutation profonde de l’idéologie du BZÖ. Ce que les adhérents et les électeurs du BZÖ en pensent au printemps 2011 reste toutefois un point d’interrogation.
Organisation et financement des partis d’extrême-droite
Une reconstruction complète de l’organisation du FPÖ au plan régional ou national n’est que partiellement réalisable sur la base des données disponibles.
Le FPÖ comptait en 2002 1248 groupes locaux et 237 points d’appui. Les adhérents FPÖ sont aujourd’hui organisés en groupes locaux, mais avant tout en groupes de districts regroupant les adhérents et sympa- thisants de plusieurs communes
Il n’existe aucune donnée interne sur le nombre d’adhérents pour l’ensemble des organisations en périphé- rie du Les chiffres cités ont été recueillis lors d’interviews.
Dans l’organisation du FPÖ, plusieurs aspects méritent une attention particulière, car ils permettent de mieux comprendre le fonctionnement actuel de ce parti : l’évolution du nombre d’adhérents; les organisations périphériques ; les fractions parlementaires ; l’appareil; enfin, le financement13.
Le FPÖ comptait en octobre 2000 51.296 adhérents, 44.959 en 200414. Les succès électoraux de la période 2008-2011 lui ont permis de recruter. Sans que le chiffre officiel des adhérents soit connu, on peut l’estimer à 50.000 personnes, auxquelles il faut ajouter les sympathisants organisés dans les organisations en périphérie du parti.
Parmi les organisations «liées au parti» haiderien, on en trouve pour la jeunesse, les femmes, les étudiants, les professions libérales et les patrons, les enseignants, les indépendants, les diplômés de l’université, les personnes âgées… Par leur biais, le FPÖ a été jusqu’en 2002 présent dans toute la société autrichienne et pouvait mener des campagnes de propagande ciblées. La crise du FPÖ de 2002, puis la scission du BZÖ, ont fortement affaibli ces structures périphériques. Elles semblent actuellement connaître une timide renaissance, ceci parallèlement à la montée en puissance électorale du FPÖ15. On peut citer, par exemple, la montée en puissance des freiheitlichen Arbeitnehmer, qui sont reconnus depuis le 1er juillet 1999 comme «organisation syndicale membre» de la Confédération des syndicats autrichiens (ÖGB). Avec 67 élus en 2009 à la Chambre des travailleurs (douze pour le BZÖ, 483 pour le FSG social-démocrate, 212 pour l’ÖAAB conservateur), le FPÖ est la troisième force de cette chambre.
Tableau 3 : Les élus aux Landtag autrichiens (tableau simplifié)
Martin Strutz, Maximilian Linder et Josef Jury au Conseil national, Peter Mitterer et Peter Zwanziger à la Chambre Haute
Le FPÖ est la troisième force parlementaire de l’Autriche, tant au niveau national que régional. Après l’accord passé entre le FPK et le FPÖ, les trois élus FPK au Conseil national16 ont rejoint le club parlementaire FPÖ, les deux élus FPK à la Chambre haute faisant de même. Le FPÖ dispose donc au début 2011 de 37 élus au Parlement et neuf à la Chambre haute.
Ces groupes parlementaires sont essentiels à la vie organisationnelle du parti, les députés, les attachés parlementaires et le personnel des fractions venant doubler le maigre personnel permanent des fédérations régionales. Strache, qui a tiré des leçons de la stratégie de communication de Haider et de la lourdeur des partis ÖVP et SPÖ, adhère à une conception moderne (et coûteuse) de la vie politique : l’appel à des sociétés de communication pour les campagnes électorales, l’utilisation massive des médias et de la Toile, un appareil central très réduit, un cercle de conseillers restreint et acheteur d’informations et d’analyses sur le marché politique (experts et instituts de sondage). La base FPÖ n’est plus que faiblement active dans la rue et l’essentiel des activités se concentre autour des meetings de Strache et des «events» du parti.
Ce parti entretient de nombreux contacts avec les partis et formations d’extrême droite en Europe (Front national, Parti populaire danois, Ataka…). Les contacts les plus étroits existent avec le Vlaams Belang en Belgique et le Mouvement des citoyens Pro-Cologne (Bürgerbewegung pro Köln) en Allemagne, que le FPÖ soutient dans sa campagne anti- islam.
Tableau 4 : Le financement des partis en 2009 (en millions d’euros) et évolution 2008-2009
Le SPÖ va recevoir 11,9 millions (13,2 en 2010, -1,3 million), l’ÖVP 4 millions (5,2 en 2010, -1,2), les Grüne 3,7 millions (4,1 en 2010, -0,4).
Ce souci d’ouverture vers le courant libéral a favorisé l’ascension de cadres nouveaux dans le BZÖ. Deux exemples illustrent ce mécanisme. Walter Sonnleitner, tête de liste du BZÖ à Vienne – mais non membre du parti –, a été, jusqu’à sa retraite, rédacteur économique de l’ORF et est président de l’Association des classes moyennes d’Autriche, fondée en avril Auteur ou coauteur de nombreux livres et articles, ses compétences économiques sont incontestées. Il est un libéral bon teint. Le nouveau secrétaire général du BZÖ, Christian Ebner (40 ans), nommé en mai 2010, est un ancien membre de l’ÖVP. Il se définit lui aussi comme un libéral. Il dirige une société de conseil économique (EbnerBiz Consulting GmbH) et veut donner au BZÖ un profil de compétences économiques. S’il est certain que les trois vice-présidents du parti, Gerald Grosz, Ursula Haubner et Herbert Schreibner, sont des haideriens historiques, il n’en reste pas moins que des nationaux-libéraux sont de plus en plus présents dans le parti.
Cf. Eugen Maria Schulak, Herbert Unterköfler: Die Wiener Schule der Nationalökonomie. Eine Geschichte ihrer Ideen, Vertreter und Institutionen, Bibliothek der Provinz, 2009.
Le Parti populaire suisse (Schweizerische Volkspartei) est un modèle pour Strache, qui s’inspire des campagnes de ce parti, même si les contacts officiels entre les deux organisations sont rares et discrets.
Pour financer ses activités politiques, le FPÖ disposait en 2009 de 7.192.471 euros. il recevra en 2011 au niveau national 3 millions d’euros d’aides, auxquels s’ajoutent les 2,3 millions de soutien aux activités de l’académie politique et les 3,5 millions d’aide au club parlementaire du Conseil national. L’élection de Vienne a été une manne pour le parti, le FPÖ voyant l’aide officielle augmenter de 70% (7 millions en 2011 contre 4,1 millions en 2010, +2,9 millions)17. Cette somme est d’autant plus importante pour les activités du parti dans le land que celui-ci n’entretient qu’un appareil de permanents extrêmement réduit et que l’essentiel des activités freiheitlich va être pris en charge par les élus FPÖ communaux et au Landtag. Les sommes économisées seront réinjectées dans les campagnes médiatiques du FPÖ, qui n’a plus de dettes régionalement et dispose pour l’avenir d’un coussin financier important.
Au lendemain de la scission du FPK, les faiblesses du BZÖ dominent largement sur les atouts. En dehors de ses finances encore solides et de sa fraction parlementaire au Conseil national (17 élus) restée pratiquement intacte, le parti est décimé : en 2011, des estimations prudentes évoquent au maximum 3.000 adhérents. Quoi qu’il en soit, le parti est quasiment absent de la scène politique régionale (sauf en Haute-Autriche, en Steiermark et à Vienne) et communale. il ne peut survivre que par sa présence médiatique en attendant de recruter de nouveaux adhérents, et ce alors même que le FPÖ est en train de réabsorber ce qui fut la base électorale du BZÖ haiderien. La seule solution est donc de partir à la recherche d’hommes neufs à la direction du parti18 et de s’adresser à des groupes d’électeurs en déshérence ; c’est pourquoi le BZÖ tente de se réorienter vers un courant libéral qui correspond à une forte tradition intellectuelle19 mais a eu peu de concrétisation politique.
Le FKP a décidé en 2010 de se rapprocher du FPÖ, sur un modèle rappelant celui de la CDU-CSU. Le FKP reste autonome, mais est représenté à la direction du FPÖ. On peut estimer que 90% des membres du BZÖ haiderien de Carinthie sont passés au FKP. Ce parti ne devant pas exister hors de ce land, les sympathisants FKP des autres länder ont en général rejoint le FPÖ. Le FKP dispose aussi d’une mini-organisation de jeunesse le club Kärnten-Jugendorganisation et de quatre organisations liées, dont trois seulement sont implantées dans l’ensemble de la Carinthie (paysannerie, travailleurs, syndicats). il a 19 élus au Landtag, dont deux élus au Bundesrat (chambre haute). Au sein du Conseil national, ses trois élus sont depuis décembre 2009 intégrés dans le club parlementaire FPÖ, tout en restant membres du FKP. L’influence du parti repose sur son action gouvernementale, le FKP nommant le ministre-président du land (Gerhard Dörfler) et trois autres ministres sur six (Uwe Scheuch, Harald Dobernig et Christian Ragger). Dans ce contexte, le parti semble en mesure de se maintenir à un haut niveau électoral, ceci malgré un début de dégradation de l’image de Jörg Haider. Malgré quelques résistances internes, une réunification sous l’égide du FPÖ paraît probable à moyen terme.
Le BZÖ, en mal de militants, veut atteindre les électeurs libéraux par une intensification de ses campagnes médiatiques, une stratégie coûteuse. Le rapport financier légal du BZÖ pour 2008 montre la relative prospérité de ce dernier avec un volume de plus de quatre millions d’euros. Le financement du club parlementaire BZÖ était en 2008 de 1,5 million d’euros et en 2009 de 2,55 millions.
Sur ces bases financières, le BZÖ semble en mesure de poursuivre ses activités de propagande en 2011 et en 2012, mais en l’absence de succès électoraux aux élections régionales et nationales futures, son petit trésor de guerre devrait s’épuiser. Sa disparition serait alors inévitable.
Les rapports de force électoraux au sein de la droite autrichienne
L’implantation géographique des partis autrichiens
A l’occasion des élections générales aux Conseils nationaux, l’ÖVP et le SPÖ se sont pratiquement toujours disputé la première place, à l’exception de l’élection de 1999 qui a vu le FPÖ devenir le deuxième parti autrichien et devancer l’ÖVP de 400 voix.
Dans cinq Bundesländer (Basse-Autriche, Styrie, Haute-Autriche, Tyrol, Vorarlberg), l’ÖVP domine la vie politique depuis 1945 et a été en mesure de nommer sans discontinuité le ministre-président. Ce fut aussi le cas en Burgenland de 1945 à 1964, en Carinthie de 1991 à 1999 et à Salzburg de 1945 à 2004. En 2011, l’ÖVP continue de dominer la vie politique de quatre Bundesländer et gouverne dans des constellations politiques diverses.
Si l’on fait une moyenne nationale des résultats des partis dans les Bundesländer, nous obtenons à l’hiver 2010/2011 le rapport de forces suivant : ÖVP : 35%, SPÖ : 34%, FPÖ : 16%, Grüne : 9%, BZÖ : 2%.
Tableau 5 : Les élections régionales 2008-2010
Tableau 6 : Les résultats des partis aux élections communales de 2005 à 2010
Nous retrouvons au niveau régional une situation observable au niveau national de quasi-partage entre le SPÖ et l’ÖVP. Au plan communal, l’ÖVP profite de la faible représentativité du FPÖ et des Grüne et domine dans cinq Bundesländer.
Ce tableau nous montre que l’ÖVP est forte dans les communes agraires et les petites villes, le SPÖ dans les grandes villes et les communes aux secteurs secondaires et tertiaires importants.
Implantation socio-démographique de la droite et de l’extrême-droite autrichiennes
Cf. Hofer, Thomas / Toth, Barbara (Hg.): Wahl 2008. Strategien. Sieger. Sensationen. Vienne 2008. Sur l’élection générale de 2006, cf. Plasser, Fritz/ Ulram, Peter A. (HG.): Wechselwahlen. Analysen zur Nationalratswahl 2006. Vienne 2007.
Se reporter à Plasser, Fritz/ Ulram, Peter A.: Die Wahlanalyse 2008. Wer hat wen warum gewählt? Presseunterlage; Vienne 2008; SORA, Nationalratswahl
Tous les partis démocratiques ont connu en septembre 2008 un échec plus ou moins cuisant. L’ÖVP a obtenu 26% des voix (-8,3% par rapport à 2006), le SPD 29,3% (-6%), les Grüne 10,4% (-0,1%). Le FPÖ a progressé de onze points et obtenu 17,5% des suffrages, le BZÖ avec 10,7% progressant aussi de 6,6%20.
L’analyse des déplacements d’électeurs entre 2006 et 2008 montre qu’une frange des électeurs des grandes formations démocratiques rejette la Grande Coalition, ce qui entraîne de lourdes pertes pour l’ÖVP (116.000 voix) et le SPÖ (106.000 voix), ces transferts profitant à l’extrême droite (FPÖ et BZÖ)21. La ventilation hommes-femmes montre que l’ÖVP reste, comme en 2006, un parti légèrement préféré par les femmes. Si l’on introduit le paramètre «actif professionnel», l’ÖVP obtient en 2008 ses meilleurs résultats chez les retraités des deux sexes
Tableau 7 : Choix électoral 2008 : sociographie (1)
Source :
GFK Austria, sondage sortie des urnes
La possibilité pour les 16-18 ans de participer pour la première fois à une consultation nationale, une mesure voulue par l’ÖVP, profite au FPÖ, qui est le premier parti chez les moins de 30 ans. Si l’on cumule les scores du BZÖ (10%) et ceux du FPÖ, on voit que 43% des électeurs jeunes choisissent un vote d’extrême droite, pour un tiers des 30-44 ans.
Tableau 7 : Choix électoral 2008 : sociographie (2)
Source :
GFK Austria, sondage sortie des urnes
L’ÖVP rencontre visiblement des difficultés grandissantes à recruter des jeunes à travers ses associations internes, alors que les plus de 60 ans constituent le groupe le plus favorable au choix ÖVP.
La ventilation par profession montre que l’ÖVP est, en 2008 comme en 2006, le premier parti chez les indépendants de tout type, surtout les paysans. Le SPÖ domine chez les fonctionnaires (35 %) et les employés (27 %). Dans toutes les catégories d’ouvriers, le SPÖ n’est plus que le deuxième parti, alors que le FPÖ effectue une percée exceptionnelle (34%).
Le paysage politique au lendemain de l’élection est clair. Le SPÖ est un parti de retraités et de fonctionnaires. L’ÖVP n’a, en dehors des paysans, plus de caractéristique sociale marquée ; les Grüne vieillissent et recrutent essentiellement chez les personnes ayant un niveau d’études supérieur. Le FPÖ et, à un moindre niveau, le BZÖ sont des partis d’ou- vriers, de jeunes et d’actifs du privé.
Les raisons de voter à droite et à l’extrême-droite
Pour expliquer les nouveaux rapports de force issus de l’élection de 2008, il convient de s’interroger sur les motivations des électeurs.
Tableau 8 : Raisons de voter pour le ÖVP – tableau simplifié (2008)
Source :
GFK Austria, sondage sortie des urnes 2008
Le choix ÖVP en 2008 est commandé avant tout par la fidélité au parti, sa politique passée et ses compétences économiques. Le bilan n’en reste pas moins mauvais pour l’ÖVP, dont le candidat Molterer ne plaît guère, le programme du parti ne provoquant pas non plus l’enthousiasme. L’engagement européen et sécuritaire, au cœur de la propagande du parti, ne motive plus les électeurs. En clair, le parti est, en termes de capacités, réduit à la dimension économique. Le SPÖ, pour sa part, marque des points grâce à son engagement en faveur des petites gens (17%) et de la justice sociale (16%). La fidélité au parti (36% des votes) reste là aussi le facteur dominant.
En conclusion, l’élection de 2008 montre que l’ÖVP n’a pas su répondre aux attentes des électeurs, alors que l’extrême droite sait instrumentaliser les craintes des électeurs.
il convient de s’interroger sur cette percée du FPÖ et du BZÖ en se penchant sur les motivations des électeurs.
Le choix FPÖ en 2008 (60% des électeurs FPÖ et 53% des ralliés au FPÖ) est commandé comme en 2006 par le thème de l’immigration, ce qu’indique le cumul des catégories «Politique plus dure vis-à-vis des étrangers», «Contre les abus du droit d’asile» et «Arrêt de l’immigration». Les deux paramètres «Personnalité de Strache» et «Hostilité à la Grande Coalition» aident à la mobilisation de l’électorat FPÖ.
Tableau 9 : Raisons de voter pour le FPÖ – tableau simplifié (2008)
Source : GFK Austria, sondage sortie des urnes 2008
Tableau 10 : Raisons de voter pour le BZÖ – tableau simplifié (2008)
Source : GFK Austria, sondage sortie des urnes 2008
Le choix du BZÖ est commandé, pour tous les types d’électeurs de ce parti, à plus de 60% par la personnalité de Haider et secondairement par sa politique en Carinthie, qui renvoie également à sa personnalité. «Le programme du parti» joue un rôle plus fort que dans le cas du FPÖ et fait jeu égal avec la volonté des électeurs BZÖ d’empêcher une nouvelle Grande Coalition. Ces panels FPÖ et BZÖ montrent que les deux électorats partagent bien des dimensions communes (rejet de l’immigration, hostilité à la Grande Coalition), mais qu’en définitive les électeurs FPÖ et BZÖ diffèrent plus qu’ils ne se ressemblent. Le FPÖ est avant tout un parti xénophobe, le BZÖ un parti «groupie».
Le FPÖ et le BZÖ ont su rassembler de nombreux électeurs protestataires, inquiets pour l’avenir, désorientés par les tensions économiques, critiques du système politique et de la construction européenne, hostiles à une Grande Coalition ÖVP-SPÖ, mais aussi à l’immigration. Chacun de ces thèmes reste porteur aujourd’hui et explique par exemple la percée électorale du FPÖ de Basse-Autriche en septembre 2009 ou à Vienne en octobre 2010.
Conclusion
La projection démographique (source : STATISTIK AUSTRIA, Statistik des Bevölkerungsstandes, 10.2008) évoque en, 24,2 % de 60 ans et + en 2015 contre 22,6 % en 2008, 32,4 % en 2035 et 34,1 % en 2050.
Cf. Gächter, August, Migrationspolitik in Österreich seit 1945, Arbeitspapiere Migration und soziale Mobilität, Nr. 12, octobre 2008; Rainer Bauböck, »Nach Rasse und Sprache verschieden« Migrationspolitik in Österreich von der Monarchie bis heute Institut für Höhere Studien (IHS), Wien,
Cf. Friesl, Christian / Polak, Regina / Hamachers-Zuba, Ursula (Hg.). Die Österreicherinnen. Wertewandel 1990-2008. Bericht zur Europäischen Wertestudie 2008 – Österreichteil. Vienne 2009.
Le chômage au plan européen : EU 27 : 9,5 % ; EU 16 : 10 %.
L’Autriche se trouve aujourd’hui confrontée à des difficultés sociales et économiques, auxquelles l’ÖVP, dans le cadre de la Grande Coalition, tente de trouver des solutions.
Le premier défi est démographique. Comme dans presque tous les pays industrialisés de la Communauté européenne, on observe un grave problème de vieillissement. À l’horizon 2050, les plus de 60 ans pourraient représenter plus d’un tiers de la population autrichienne22. Tous les partis politiques se posent, face au défi démographique, en défenseurs de la famille. Ces pétitions de principe se sont vues fortement oblitérées par la crise économique, la Grande Coalition n’ayant que faiblement augmenté l’aide aux familles et ayant renoncé – au moins pour l’instant – à une réforme du système d’imposition. Un ralentissement du vieillissement de la population ne peut être atteint – à moins d’un changement radical des stratégies familiales – que par un recours massif à l’immigration, une option que rejette une majorité d’Autrichiens.
Pourtant, l’Autriche en 2009 est une terre d’immigration. Cette dernière commence dans les années 1960 et augmente fortement à partir des années 1980. Elle a trois origines : la première provient de l’ancienne Yougoslavie (297.606 personnes), mais aussi de la Hongrie, de la Tchéquie et de la Slovaquie. Les Autrichiens ont des réactions ambiguës, mais pas hostiles vis-à-vis de ce type de migrants, nombre d’Autrichiens ayant des racines (et souvent des patronymes) rappelant leurs racines tchèques ou hongroises. il n’en va pas de même pour les Turcs (110.105 immigrants), l’ennemi héréditaire de la monarchie des Habsbourg. Tout au bas de l’échelle d’acceptation, on trouve les Africains, dénoncés par la presse avec une belle constance comme des éléments criminogènes.
Les partis politiques, à l’exception des Verts qui sont très attachés à leur profil multiculturel, sont soucieux soit de limiter les flux migratoires (ÖVP et SPÖ), soit de les stopper (BZÖ et FPÖ). La Grande Coalition est hostile à l’intégration de la Turquie à la Communauté européenne, au nom du risque migratoire. Pour les nouveaux membres de l’UE, la Grande Coalition plaide pour des délais plus longs avant la levée des libertés d’installation et de travail. La rupture se fait entre les partis autour de la question des migrants déjà installés en Autriche. L’extrême droite veut les renvoyer chez eux lorsqu’ils n’ont pas de travail. L’ÖVP et le SPÖ sont hostiles à de telles mesures, mais ont toutefois rendu le rapprochement familial très difficile pour les non-Européens23.
Derrière cette politique très rigide d’immigration (d’ailleurs largement inefficace) se cachent, en plus d’une forte xénophobie collective24, des préoccupations économiques. L’Autriche est jusqu’à aujourd’hui un pays remarquablement prospère, ceci malgré une baisse momentanée de ses exportations en 2009. Cette réussite économique repose en partie sur un consensus social très large, la puissante confédération syndicale autrichienne ÖGB cherchant à éviter grèves et conflits du travail, une stratégie naturellement soutenue par l’ÖVP et le SPÖ.
L’ÖVP insiste sur le bilan économique de la Coalition, dont elle s’attribue la paternité. De fait, celui-ci est, à l’aune des crises européennes, plutôt bon.
En septembre 2010, le chômage s’établissait à 5,9% de la population, son niveau de 2004. Par rapport à septembre 2009, le chômage a diminué de 8,7% (-12,6% pour les hommes, -3,9% pour les femmes, -8,6% pour les 15-24 ans, -17,3% pour les chômeurs de longue durée). Au niveau européen, elle est en seconde position derrière la Hollande (3,9%)25.
Les économistes évoquent une nouvelle réduction du chômage à l’horizon 2012, si la croissance autrichienne atteint les 2,5% annuels, un objectif parfaitement envisageable sur la base des performances actuelles de l’économie autrichienne.
Tableau 11 : L’économie autrichienne : projection de la banque centrale autrichienne (15 juin 2010)
Parmi les facteurs favorables, on trouve la consommation intérieure qui a repris en 2010 (+0,25% par rapport au dernier trimestre 2009), même si la forte augmentation des coûts de l’énergie vient troubler le jeu en augmentant l’inflation (1,9% en juillet 2010). Les exportations ont, elles aussi, progressé.
La crise financière, même si elle touche moins l’Autriche que la France et l’Allemagne, reste un défi pour le budget de l’Etat qui doit contribuer à la stabilisation de l’euro et du système bancaire, mais aussi réduirele déficit public. En 2009, les dettes de l’Etat ont atteint 184 milliards d’euros, la Cour des comptes soulignant dans son analyse structurelle de mars 2010 que, en 2013, 15,2% du budget de l’Etat (11,4 milliards) allaient être absorbés par le service de la dette.
Tableau 12 : Les dettes de l’état autrichien
Source : Statistik austria, 29.3.2010
Si aucune mesure n’est prise, l’avenir des investissements publics dans des secteurs prioritaires (recherche et formation par exemple) est menacé.
L’Autriche, pour respecter les critères de Maastricht, est contrainte de réduire son déficit. Pour 2011, le gouvernement a décidé d’un programme d’économies et d’impôts d’un volume de 2,8 milliards d’euros, pour revenir aux critères dès 2012. Ces mesures d’économies, qui seront naturellement impopulaires, sont risquées pour la Grande Coalition qui sait l’extrême droite en position d’embuscade à l’occasion des élections régionales de la période 2010-2013 et nationales de fin 2013.
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