Résumé

Introduction

I.

L’Union Chrétienne-Démocrate d’Allemagne (CDU)

1.

Regard sur soixante ans d’histoire de la CDU

2.

Valeurs et programmes de la CDU

3.

Les identités organisationnelles de la CDU

4.

Électeurs et élections

5.

L’élection au Bundestag de 2009 : une victoire ambiguë

6.

Les tendances électorales négatives

II.

L’Union Chrétienne-Sociale en bavière (CSU)

1.

Repères historiques

2.

L’organisation de la CSU

3.

Électeurs et élections

4.

Programme et orientations

5.

Où va la CSU ?

III.

Les défis et problèmes auxquels la droite allemande doit faire face

Conclusion : Entre montée des périls et recomposition politique

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Résumé

Partageant aujourd’hui le pouvoir avec les libéraux-démocrates du FDP, les deux partis historiques de la droite allemande, la CDU (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne) et la CSU (Union chrétienne-sociale en Bavière), sont actuellement confrontés à des difficultés conjoncturelles, notamment la crise de l’euro, mais également à des problèmes de fond liés à leur histoire politique.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les partis de la droite allemande doivent relever le défi immense de recréer une vie partisane   et de proposer des éléments forts de rassemblement au peuple allemand. L’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU) se réclame ainsi des valeurs chrétiennes et d’un anticommunisme virulent. Progressivement, elle s’ouvre à tous les milieux sociaux en se fondant sur trois éléments politico-idéologiques – le christianisme-social, le conservatisme et le libéralisme. Elle peut également compter sur la force d’attraction de figures comme Konrad Adenauer, Helmut Kohl ou plus récemment  Angela Merkel. Au sein de Grandes Coalitions (CDU-CSU-SDP) ou dans le cadre de coalitions CDU-CSU-FDP, ce parti qui se définit lui-même comme un «Volkspartei de centre» a participé à la majorité des gouvernements depuis 1945.

La CDU connaît cependant un lent déclin depuis les années 1980, ne parvenant pas à s’adapter aux aspirations des électeurs.

La CSU quant à elle détient une place unique dans le système politique allemand. Fondée en 1946 en Bavière par ceux qui refusaient qu’il n’y ait qu’un seul bloc conservateur en Allemagne, elle est le parti dominant en Bavière, mais également un acteur politique de niveau national, qui dispose toujours d’une fraction du Bundestag et alimente les ministères. La CSU participe ainsi à quasiment tous les gouvernements depuis sa création. Elle doit sa réussite à son pragmatisme politique, à ses succès économiques ainsi qu’à sa capacité d’ouverture. Son audience au niveau national a cependant beaucoup souffert de la mort de son leader charis- matique Franz-Joseph Strauss en 1988. Cette épreuve a marqué le début d’une période de déclin que la CSU doit absolument réussir à endiguer pour demeurer présente au niveau national (elle doit obtenir plus de 5% des voix pour se maintenir au Bundestag).

Patrick Moreau,

Docteur en histoire et docteur d’État en sciences politiques (FNSP), chercheur au CNRS au laboratoire Dynamiques Européennes de l’Université de Strasbourg.

L’Allemagne d’aujourd’hui se trouve confrontée à des difficultés et à des défis à la fois communs à la plupart des pays européens et spécifiques à son histoire. Parmi eux, il faut souligner la modernisation du fédéra- lisme, la durabilité de la crise économique, la construction européenne et les problèmes liés à l’euro. L’héritage historique est avant tout celui de la réunification. Celle-ci reste inachevée dans les esprits et source d’in- compréhensions fréquentes entre l’Est et l’Ouest de la RFA (République fédérale d’Allemagne). Enfin, la CDU-CSU, qui est au pouvoir depuis 2009 avec les libéraux du FDP (Freie Democratische Partei), connaît actuellement des difficultés à expliciter sa politique aux électeurs. Il convient donc de faire la part de ses succès et de ses problèmes actuels pour répondre à l’interrogation «Où vont les partis de l’Union ?».

I Partie

L’Union Chrétienne-Démocrate d’Allemagne (CDU)

1

Regard sur soixante ans d’histoire de la CDU

Notes

1.

La bibliographie sur l’histoire de la CDU est Pour la période 1945-1990, se reporter à : Bibliographie zur Geschichte der CDU und CSU 1945-1980. – Stuttgart : Klett, 1982; Bibliographie zur Geschichte der CDU und CSU 1981-1986: mit Nachträgen 1945-1980. – Düsseldorf : Droste, 1990 ; Bibliographie zur Geschichte der CDU und CSU 1987-1990. – Düsseldorf : Droste, 1994.

Pour la période allant de la réunification à aujourd’hui, quelques ouvrages ou articles essentiels : Schmid, Josef, 2009 : CDU – Christlich Demokratische Union Deutschlands, in : Andersen, Uwe/Woyke, Wichard (Hrsg.) : Handwörterbuch des politischen Systems der Bundesrepublik Deutschland, Wiesbaden 2009, p. 122 -127 ; Schubert, Klaus/Klein, Martina : Christlich-Demokratische Union (CDU) in : Das Politiklexikon, Bonn 2006, p. 66-67. Decker, Frank/Neu, Viola (Hg.) : Handbuch der deutschen Parteien, Wiesbaden 2007 ; Bösch, Frank, : Macht und Machtverlust. Die Geschichte der CDU, Munich 2002 ; Oberreuter, Heinrich/ Kranenpohl, Uwe, 2000 : Die politischen Parteien in Deutschland. Geschichte, Programmatik, Organisation, Personen, Finanzierung, Munich 2000 ; Schmid, Josef : Die CDU, Organisationsstrukturen, Politiken und Funktionsweisen einer Partei im Föderalismus, Opladen 1990.

+ -

2.

Hürten, Heinz : Deutsche Katholiken 1918–1945, Paderborn 1992 ; Lönne, Karl-Egon : Politischer Katholizismus im 19. und 20. Jahrhundert. Frankfort 1986.

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L’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (Christlich Demokratische Union Deutschlands – CDU) est un «parti populaire» (Volkspartei), qui repose sur trois fondements politico-idéologiques. Il s’agit du christianisme- social, du conservatisme et du libéralisme.

En 2010, le terme de Volkspartei renvoie à une forme spécifique d’organisation. Il s’agit d’une évolution des partis dits d’intégration de masse. La dimension idéologique reste centrale, mais renvoie à des sensibilités diverses, dont le rapport de force interne évolue. Le parti est soumis au principe de la maximisation électorale (catch-all-party). L’orientation stratégique est la domination du «centre», avec un contrôle variable des champs politiques de gauche et/ou de droite. Ce modèle implique tendanciellement un renforcement des structures de direction et une forte personnalisation du leader. Le parti se trouve dans une situation d’offre/ consommation vis-à-vis des électeurs et doit avoir des fonctions de service. Enfin, il fédère de nombreux adhérents et sympathisants  autour  d’un puissant appareil, dans des structures très diverses.

On distingue cinq phases dans l’histoire de la CDU.1

La première, entre 1945 et 1949, a pour cadre l’occupation de l’Alle- magne par les alliés. La CDU est un grass-goot party, qui se différencie fortement des partis chrétiens de la période weimarienne, même si son succès est partiellement un héritage de la force politique du Parti du Centre (Zentrumpartei) weimarien, interdit sous le national-socialisme.2 La CDU rassemble les tenants du catholicisme politique, mais aussi de nouvelles couches de sympathisants et d’électeurs protestants. Ce «parti de rassemblement» est uni par un mortier idéologique : les valeurs chré- tiennes (le C de CDU) se combinent avec un anticommunisme virulent. La CDU n’est à cette époque qu’un toit organisationnel, sans structures centralisées. Elle pratique une large ouverture à tous les milieux sociaux et rassemble un nombre important d’adhérents. Elle vit des cotisations de ses membres, s’organise autour d’une direction décentralisée et connaît des débats programmatiques très intenses.

Le chancelier Adenauer, qui dirige l’Allemagne et la CDU entre  1949 et 1963, marque de son empreinte l’histoire du pays et donne à la CDU, sur le long terme, une identité spécifique. L’orientation vers l’Ouest et l’alliance avec les États-Unis, l’économie sociale de marché et le rejet du socialisme planificateur caractérisent cette époque, également marquée par une vision conservatrice de la politique familiale et culturelle.

Dans cette deuxième phase, qui va de 1949 à 1967, la CDU voit se réduire le nombre de ses adhérents et se finance largement grâce à des dons venus de l’industrie. Les questions programmatiques et d’organisation ne jouent plus qu’un rôle secondaire. Jusqu’en 1959, le parti est dirigé de manière très centralisée par le bureau du chancelier et les minis- tres-présidents des Länder. À partir de 1960, les successeurs d’Adenauer – Ludwig Erhard (1963-1966) et Kurt Georg Kiesinger (1966-1969) – se voient confrontés à une demande de réformes organisationnelles ainsi qu’à une réapparition des débats programmatiques. Ce processus s’accélère avec la promulgation de la loi sur le financement des partis par l’État. Celle-ci permet à la CDU de devenir plus autonome vis-à-vis des donateurs économiques et de professionnaliser et élargir son appareil. Enfin, en 1963, la présidence du parti et la fonction de chancelier sont séparées, ce qui renforce son poids.

Cette tendance se renforce pendant la troisième phase, qui dure de 1967 à 1982. La Grande Coalition (1966-1969), le passage dans l’opposition en 1969, la politisation de la société sous l’influence  de  mai  1968 ainsi qu’un changement de génération des cadres dirigeants de la CDU sont autant de facteurs qui encouragent à  des  réformes  de  fond. Les organes de direction du parti voient leur taille réduite et de nouvelles structures sont créées. La CDU évolue vers le modèle d’organisation du SPD, avec un système complexe d’«organisations liées» ou «amies», ce qui aboutit à une croissance rapide du nombre des adhérents. Ce choix organisationnel vise à compenser l’affaiblissement des milieux traditionnels catholiques et leurs difficultés à «tenir» l’électorat CDU. Helmut Kohl, arrivé à la tête du parti en 1973, comprend que pour revenir au pouvoir la CDU doit se moderniser. Il assoit d’abord son  pouvoir  et  prend le contrôle de la CDU à tous les niveaux par l’intermédiaire de fidèles. Il procède parallèlement à une professionnalisation de l’appareil  et favorise les débats programmatiques. Il en tire la conclusion que  la CDU doit renforcer son image sociale, ce qui va permettre au parti de pénétrer les milieux ouvriers et déchristianisés.

La quatrième phase commence avec l’arrivée au pouvoir d’Helmut Kohl, en 1982, dans le cadre d’une coalition CDU-CSU-FDP, et s’achève en 1998. La CDU devient le «parti du chancelier». Les programmes comme l’appareil du parti perdent de leur importance vis-à-vis du bureau du chancelier, qui définit contenus et stratégies. Le cabinet (les ministres et la chancellerie) se confond de plus en plus avec la direction du parti, et la fraction CDU au Bundestag (le Parlement de la République fédérale) fait office de chambre d’enregistrement passive. À partir de 1989, ce modèle commence à être contesté, notamment du fait de la perte de popularité   du chancelier Kohl. L’appareil du parti est perçu par les sympathisants et les électeurs de la CDU comme inefficace et les offres programmatiques sont inadaptées. La réunification allemande sauve la CDU d’un désastre électoral prévisible. Le chancelier y gagne en prestige et la base électorale du parti  s’élargit  aux  nouveaux  Länder.  L’intégration  de  la  CDU-Est,  qui était un acteur légal mais très contrôlé  par  les  communistes, ainsi que du système politique de la RDA (en allemand DDR, pour Deutsche Demokratische Republik) s’est faite sans grandes difficultés. La CDU devient, entre 1990 et 1993, le parti dominant en Allemagne de  l’Est. Cette expansion géographique modifie toutefois les rapports de force de  la CDU avec le chancelier. La CDU en tant que parti, parce qu’elle joue un rôle central dans la vie politique des Länder, résiste à l’autoritarisme croissant du chancelier Kohl qui doit, pour gouverner, prendre  davantage en compte les réalités régionales.

Sur le plan extérieur, Helmut Kohl mêle, à partir de 1982, des éléments traditionnels de la politique de la CDU depuis 1949  avec  des  aspects  plus modernes induits par la situation géopolitique. L’Allemagne  poursuit sa politique pro-occidentale et pro-américaine et renforce ses liens avec la France. Kohl comprend la nécessité de poursuivre parallèlement l’ouverture vers l’Est commencée par le SPD. Le dialogue et les relations économiques avec la RDA s’intensifient. Le chancelier va néanmoins se rallier à la stratégie américaine de déploiement des missiles Pershing en Europe, ce qui génère en Allemagne la naissance d’un puissant mouvement pacifiste. Sur le plan économique, la priorité est donnée à la consolidation des finances de l’État et au soutien aux classes moyennes.  La croissance de l’économie et la  baisse  de  l’inflation  comptent  parmi les succès du gouvernement Kohl, qui doivent toutefois être nuancés par la montée du chômage (9% en moyenne). La désaffection de l’électorat   se nourrira de cette incapacité à faire reculer le chômage de masse, mais aussi de l’usure de l’homme, perçu comme vieillissant et incapable d’être  à l’écoute du pays.

La cinquième phase commence au lendemain de la perte du pouvoir, en 1998, et se poursuit aujourd’hui. La CDU, devenue parti d’opposition, se trouve en état de choc. La fraction CDU au Bundestag va pendant quelques mois gérer le parti, puis passer le flambeau à Angela Merkel, devenue présidente de la CDU. Brillante tacticienne, cette dernière parvient à s’imposer et reprend les rênes stratégiques et organisationnelles. Le parti devient un «parti-citoyen». On observe une volonté soigneusement organisée d’ouverture vers la société civile, que viennent relayer de larges débats programmatiques, des conférences régionales ainsi qu’un style de direction plus ouvert. Manquant d’argent, la CDU procède à une réduction massive de son appareil. Les choses changent avec l’arrivée au pouvoir d’Angela Merkel en 2005. Prisonnier du carcan de la Grande Coalition avec le SPD, la chancelière doit gérer les critiques du parti social démocrate, des ministres-présidents CDU et celles de la CSU bavaroise. Pour ce faire, elle renforce avec une extrême prudence son influence sur la fraction au Bundestag et sur l’appareil central. Une personnalisation lente se met en place, mais d’un caractère diamétralement opposé au style Kohl. Angela Merkel se dote d’une image de personnalité forte, mais non-autoritaire. Les sondages 2000-2004 montrent qu’elle n’est perçue en priorité ni en tant que femme ni en tant que leader «venant de l’Est». Ceux de la période 2005-2009 indiquent que les électeurs lui savent gré de son style de gouvernement consensuel. En 2010, ce style plaît moins, en raison de querelles internes parmi les partenaires de coalition CDU- CSU-FDP. Les sondés reprochent à la chancelière de ne pas trancher et de ne pas assez tenir sa majorité. La réalité interne à la CDU lui permettra de faire taire discrètement toutes les contestations et de tenir à l’écart ou d’éliminer, jusqu’à présent, tous les «dauphins» potentiels, notamment ceux issus de l’aile nationale-conservatrice. Cette réussite tactique se paye par une montée des contestations au sein de la CDU.

La victoire relative de 2009, qui oblige la CDU à s’allier avec les libéraux du FDP pour gouverner, confirme les difficultés structurelles du  parti, qui n’est plus en mesure d’atteindre (avec la CSU) la majorité électorale dans le pays.

Ces difficultés, de divers types, sont  tout  d’abord  organisationnelles. Si la CDU est encore une formidable machine présente à tous les niveaux de la société, elle peine à renouveler ses élites politiques. L’afflux de carriéristes n’ayant d’autre expérience de la vie que leur longue marche à travers les étapes du devenir de politicien produit un type de cadres mal adapté aux mutations contemporaines. La seconde dimension est le recul du poids de la CDU dans plusieurs groupes d’électeurs (femmes, catholiques, ouvriers, chômeurs, etc.). Une autre cause du déclin lent de la CDU est de nature idéologique. La chute du Mur n’a pas rendu complètement obsolète l’anticommunisme (le parti néo- et post-communiste, Die Linke (La Gauche), recueille 30% des voix à l’Est et perce à l’Ouest), mais la capacité de la CDU à mobiliser les électeurs autour de ce thème se réduit de plus en plus parmi les  tranches  d’âge  les  plus  élevées.  L’apparition de fortes contradictions idéologiques entre les tendances conservatrice, «sociale-chrétienne» et libérale de la CDU affaiblit le parti qui, sous l’influence de la chancelière, a tenté de se profiler «à gauche». Ce choix idéologico-stratégique entraîne, en 2009, une hémorragie  d’électeurs CDU libéraux au profit du FDP, puis conduit, au printemps 2010, au désastre de l’élection au Landtag de Rhénanie-Westphalie.  L’électorat  CDU s’étiole au profit du camp grandissant des abstentionnistes sceptiques face à la politique de la coalition au pouvoir.

2

Valeurs et programmes de la CDU

Notes

4.

Parmi ses ouvrages théoriques : Cf. : Zur Diagnose unserer wirtschaftlichen Lage, Bielefeld 1947 ; Wirtschaftslenkung und Marktwirtschaft, Hamburg 1947.

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5.

Berwid-Buquoy, Jan : Der Vater des deutschen Wirtschaftswunders – Ludwig Erhard. Berlin 2004.

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6.

Sur les programmes du parti, se reporter à : CDU: Grundsatzprogramm der Christlich Demokratischen Union Deutschlands, Bonn, 1978 ; CDU: Grundsatzprogramm der CDU Deutschlands: « Freiheit in Verantwortung », Hambourg 1994 ; CDU: Freiheit und Grundsätze für Deutschland. Das Grundsatzprogramm, Berlin 2007 ; CDU-CSU: Deutschlands Chancen nutzen. Wachstum. Arbeit. Sicherheit. Regierungsprogramm 2005 – 2009, Berlin 2005.

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Le programme de 1947 (Ahlener Programm) restera une curiosité politique.3 La CDU de la zone d’occupation britannique formule un programme de reconstruction de l’Allemagne qui est un mélange de mesures chrétiennes et socialistes. Elle propose la nationalisation des mines et des industries métallurgiques lourdes, mais rejette toute planification de type soviétique. Dans ses «Principes» de 1949 (Düsseldorfer Leitsätzen), la CDU adhère à l’économie sociale de marché, qui  se  veut une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme. Ce concept, développé par les tenants de l’ordolibéralisme que sont l’économiste Alfred Müller-Armack4 et le ministre de l’Économie de 1949 à 1963, Ludwig Erhard (le père du miracle allemand)5, devient la référence économique fondamentale de la CDU jusqu’à aujourd’hui, même si le concept allait connaître des évolutions liées aux changements économiques et sociaux intervenus depuis 1949.

À cette date, la doctrine économique de la CDU  est  définie  comme telle : «L’économie sociale de marché est  la  forme  sociale  de l’économie industrielle, dans laquelle les prestations de personnes libres et actives s’inscrivent dans un ordre collectif apportant à tous un  maximum d’efficacité économique et de justice sociale. Cet ordre repose sur (…) une réelle concurrence et un contrôle indépendant des monopoles.

Une véritable concurrence ne peut exister que si la meilleure prestation  se voit récompensée dans le cadre d’une réelle égalité des chances et de justes conditions de compétition. La coopération de tous les participants est assurée par un contrôle des prix. L’économie sociale de marché est antithétique de l’économie planifiée, mais [elle] est aussi opposée à l’économie libre de marché de conception libérale.»

Le premier programme commun à l’ensemble de la CDU date de 1953 (Hamburger Programm). Il s’intitule «L’Allemagne,  un  État  de  droit social dans une Europe unie».6 Conçu davantage comme un manifeste électoral que comme un programme théorique, il se concentre sur la construction européenne et les moyens d’un retour à la prospérité. Celui de 1968 (Berliner Programm) est abandonné au lendemain de la fin de la Grande Coalition et du passage dans l’opposition de la CDU, en 1969.

À l’occasion du congrès de Ludwighafen, en 1978, la CDU adopte son premier programme idéologico-politique (Grundsatzprogramm). Le chef du parti, Helmut Kohl, veut faire de la CDU un parti moderne, au profil clair, capable de reconquérir le pouvoir. Les trois valeurs de référence sont la liberté, la solidarité et la justice. La CDU se définit comme un Volkspartei enracinant sa politique «dans une vision chrétienne de l’Homme et de sa responsabilité devant Dieu». En 1984, le programme connaît une refonte partielle (Stuttgarter Leitsätze). L’économie sociale de marché évolue vers une orientation plus libérale, visant à réduire les interventions de l’État sur la vie économique.

En 1994, la réunification des CDU-Est et Ouest étant achevée, le parti  se donne à Hambourg  un  nouveau  programme  intitulé  «Liberté  dans la responsabilité». On y retrouve les formulations et valeurs de 1978, mais l’écologie y apparaît déjà en bonne place. L’économie sociale de marché doit être écologique, et la CDU appelle  les Allemands  à  protéger la nature en tant que «création divine». La CDU défend dans ce programme une vision très passéiste du mariage et de la famille, des positions corrigées dans un sens plus libéral lors d’un congrès restreint (Klein Parteitag) en 1999.

Au lendemain de la défaite de 1998, la CDU s’engage dans un débat programmatique de fond, qui aboutit, en décembre 2007 à Hanovre, à  l’adoption  du  programme  «Liberté  et  sécurité». Il  est  en  continuité avec les textes antérieurs, mais souligne la volonté de la CDU d’affirmer sa modernité à l’approche du xxie  siècle.

Il faut, avant d’analyser ce programme, rappeler qu’il a été  adopté  dans une période de prospérité économique et de déclin du chômage. Les crises de la période 2008-2010 ont amené la coalition au pouvoir à s’éloigner d’un certain nombre de principes économiques. À titre d’exemple, le retrait de l’État (privatisations et réductions des mesures d’accompagnement et de régulation) a fait place à l’interventionnisme, d’ailleurs souhaité par l’immense majorité des électeurs. Il en va de même pour la réduction des impôts ou de l’endettement public. Le programme de 2007 n’en reste pas moins la référence à long terme de la CDU.

Alors que le SPD se définit comme un «Volkspartei de  gauche», la  CDU réclame en 2007 un statut de «Volkspartei du  centre», enraciné dans le christianisme social, le libéralisme et le conservatisme. Son action repose sur sa vision chrétienne de l’Homme, dont elle fait découler ses valeurs de référence : la liberté, la solidarité et la justice, sans qu’aucune de ces valeurs ne l’emporte sur les autres.

Tableau 1 : Les points forts du programme CDU de 2007

La société, pour jouer pleinement son rôle, doit être «cohérente», d’où   la référence à la notion de «culture dominante», qui est ou doit être une base commune pour les Allemands de souche comme pour les immigrants. Ces derniers doivent accepter l’histoire, la culture et les valeurs collectives de la majorité. La CDU se veut allemande, mais refuse tout nationalisme étroit : «Nous nous reconnaissons dans notre drapeau noir-rouge-or et dans notre hymne national, qui sont les symboles de notre démocratie.» L’Allemagne est un «pays d’intégration».

La globalisation est présentée comme une chance pour l’établissement planétaire d’une économie sociale de marché. La CDU est toutefois favorable à une régulation, comme à la transparence des marchés financiers.

Pour atteindre son objectif de plein emploi, la CDU veut réduire les charges des entreprises et réformer le marché du travail. Elle envisage de limiter la protection contre le licenciement par l’employeur et se prononce contre le modèle du salaire minimum. Les salaires ne doivent plus être fixés par branche, travailleurs et patrons pouvant choisir de manière autonome d’autres modèles salariaux. Les entreprises encore nationalisées sont à privatiser et les subventions à réduire. L’assurance maladie doit être réformée pour évoluer vers un modèle d’augmentation des contributions individuelles. Il en va de même pour les retraites, que la CDU juge non finançables sur le long terme à partir du modèle actuel.   La solution avancée est une capitalisation individuelle, complémentaire des contributions patronales. Enfin, l’État doit cesser de s’endetter. Pour ce faire, il doit dépenser moins et mieux, mais aussi réformer le système d’imposition.

La famille (et le mariage entre un homme et une femme) reste le modèle de référence de la CDU, mais les autres formes de vie commune sont acceptées.

Une réforme de la fiscalité (splitting familial) doit aider les familles qui ont des enfants. Des allocations pour les parents qui élèvent leurs enfants à la maison sont aussi prévues, ainsi que la construction de crèches et de centres d’accueil pour les enfants de tous les groupes d’âge. L’éducation    et la recherche sont présentées comme essentielles. Néanmoins, il n’existe pas pour la CDU de blanc-seing pour la recherche. Pour ce qui est de la biomédecine, le parti réclame une réflexion en profondeur sur les opportunités et les risques. La CDU rejette le clonage  humain  et  l’utilisation des embryons.

Le système scolaire doit jouer à plein son rôle éducatif et se renforcer     en qualité. Un modèle d’école à temps plein est privilégié. L’écologie est présentée comme l’une des dimensions essentielles de la rénovation du programme du parti.

Les questions sécuritaires sont largement abordées, au plan sociétal comme international. La CDU est partisane du recours à la Bundeswehr (l’armée fédérale) sur le territoire allemand en cas de catastrophe ou de menaces.

L’Europe reste au cœur des préoccupations de la CDU, qui est soucieuse  de ralentir l’agrégation de nouveaux membres. Elle plaide pour des modèles  d’association  et  de  coopération. Ceci  vaut  surtout  pour  la Turquie  : «Nous tenons une association privilégiée de l’Union européenne avec la Turquie pour la bonne solution.» La construction européenne doit se poursuivre, mais les dépenses sont à limiter. La CDU proclame enfin son amitié avec les États-Unis et parle «d’un fondement unique au monde de valeurs communes».

3

Les identités organisationnelles de la CDU

Notes

7.

Les biographies des ministres se trouvent sur http://www.bundesregierung.de/Webs/Breg/DE/Bundesregierung/Bundeskabinett/bundeskabinett.html

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La CDU n’est pas seulement un Volkspartei. Sur le plan organisationnel, c’est un parti de cadres, d’adhérents, un parti de plates-formes, de personnalités, de défense d’intérêts spécifiques, enfin, depuis son ouverture aux minorités, un parti d’intégration. La CDU dispose, pour faire fonctionner son organisation et participer aux élections, de recettes annuelles variant, entre 2005 et 2009, de 142 à 160 millions d’euros. Un tiers de ces ressources sont d’origine étatique. Les dons atteignent 35 millions en 2005, une année électorale très dense, et se maintiennent à une vingtaine de millions par an de 2006 à 2008. Ces ressources permettent à la CDU à la fois d’entretenir un appareil important et de mener des campagnes médiatiques et de propagande de grande ampleur. Les mauvais résultats à l’élection au Bundestag de 2009 sont néanmoins des signaux inquiétants. La CDU doit gérer son budget au plus près jusqu’à la prochaine bataille des élections générales de 2013.

La CDU connaît un déclin constant du nombre de ses adhérents, mais c’est le premier parti en importance en Allemagne, devant le SPD. En 1990, elle comptait 789.609 membres, 638.056 en 1999 et 523.488 en octobre 2009. La ventilation régionale souligne la faiblesse de la CDU dans les nouveaux Bundesländer (Ouest : en 2008 , 632.330 adhérents; Est avec Berlin : 59.015 adhérents). C’est aussi un parti où les hommes dominent en nombre, ceci tant à l’Ouest qu’à l’Est (en 2009, 74,47 % d’hommes et 25,53% de femmes). Les ventilations par âge sont assez inquiétantes. Le parti ne compte que 5,3% de moins de 30 ans, dont 2,3% de 16-24 ans, mais 49,5% de 60 ans et plus, dont 27,2% de 70 ans et plus.

La CDU est organisée en 17 fédérations (Landesverbände), une association régionale (Regionalverband), 17 associations de district (Bezirksverbände), 360 associations de cercles (Kreisverbände), dont un cercle à étranger, et 11.489 associations locales. La CDU a pu s’enraciner dans le pays grâce à un réseau très dense d’organisations liées ou amies du parti.

Les organisations liées à la CDU sont au nombre de sept :  l’Union  jeune, l’Association pour l’économie et les classes moyennes, le Salariat chrétien-démocrate, l’Union des seniors, l’Union des femmes, l’Association d’Allemagne du Centre et de l’Est, l’Association pour la politique communale de la CDU et de la CSU. Elles regroupent environ 530.000 personnes. Les statuts de la CDU leur accordent une large liberté d’organisation et de fonctionnement. Les organisations spécialisées sont des structures regroupant des adhérents et des sympathisants de la  CDU- CSU. Leurs activités sont thématiques ou ciblées vers des segments de population : le Conseil économique de la CDU, le Cercle des étudiants chrétiens-démocrates, le Cercle de travail protestant, le Cercle de travail des catholiques engagés, les Lesbiennes et homosexuels dans l’Union, les Chrétiens-démocrates pour la vie, l’Union des élèves, le  Cercle  national de travail des juristes chrétiens-démocrates, le Forum allemand-turc. Il n’existe pas de chiffres officiels sur l’importance globale de ces organisations, mais une estimation officieuse d’environ 300.000 personnes. L’ensemble de ces structures représentées à tous les niveaux du parti sont des partenaires de la Grundsatzkommission (Commission programmatique). Chacune dans son domaine de spécialité influence le programme de la CDU. En pratique, leurs propositions sont souvent contradictoires et le programme de la CDU est un compromis constant entre ces différents acteurs.

La Fondation Konrad-Adenauer (Konrad Adenauer Stiftung – KAS) est une puissante machine éducative et politique. Cette association de droit public est proche de la CDU, mais formellement indépendante sur les plans financier et organisationnel. Elle est financée par l’État (Bund) et les Länder. Son budget prévisionnel en 2010 est de 121,5 millions d’euros. Elle est implantée dans presque toute l’Allemagne et dispose de deux centres de formation, de seize bureaux régionaux dans les Länder, ainsi que de 80 bureaux internationaux. En 2009, elle comptait 463 collaborateurs en Allemagne et 87 à l’étranger. L’éducation politique sur les bases chrétiennes, conservatrices et libérales est une des tâches centrales de la KAS, ceci à côté de l’analyse et du conseil politique.

Le cabinet Merkel compte seize ministres, dont la chancelière, ventilés entre onze représentants de la CDU-CSU (dont trois ministres CSU), et cinq ministres FDP.7 Ce parti nomme le vice-chancelier (Guido Westerwelle). De toute évidence, la CSU et le FDP ont du mal à trouver une base de coopération harmonieuse. Au lendemain de la sévère défaite électorale du 9 mai 2010 en Rhénanie-Westphalie, la CDU-CSU comme le FDP ont pu mesurer l’insatisfaction profonde de la population à l’égard du style de gouvernement et de la cacophonie politico-économique régnante.

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Électeurs et élections

La CDU et son alliée la CSU ont été structurellement dominantes dans le système politique de la RFA jusqu’en 1994.8 L’apparition du parti Die Grünen (Les Verts) dans le jeu politique, puis, au-delà de la Réunification de 1990, celle du PDS néo-communiste n’ont plus permis à la CDU-CSU d’obtenir la majorité des sièges à partir de 1998. Dans ce contexte, les partis de l’Union sont contraints, pour exercer le pouvoir ou y être associés, de trouver un ou des partenaires de coalition ou de se cantonner à  un rôle d’opposants.

Tableau 2 : Les résultats de la CDU-CSU 1983-2009

Source :

Bundeswahlleiter (BUN = élection au Bundestag ; EU = élection européenne).

Comme le montrent les résultats depuis 1983, la CDU et la CSU s’affaiblissent de manière continue sur le plan électoral au niveau fédéral.

Néanmoins, dans le cadre des élections régionales, la CDU est dominante dans neuf Länder, une situation encore plus affirmée au niveau communal.

Tableau 3 : Les élections aux parlements régionaux 2006-2009 (en %)

L’élection en Rhénanie-Westphalie a modifié le rapport de force entre les partis en termes de liberté d’action. Avant le 9 mai 2010, la coalition  au pouvoir pouvait gouverner librement, car elle  disposait  d’une  double majorité au Bundestag et au Bundesrat (chambre haute des Länder). Cette chambre haute est aujourd’hui sans majorité et la chancelière sera contrainte, pour promulguer les lois et procéder à des réformes structurelles, de négocier avec le Bundesrat.

La CDU-CSU est la première force communale en RFA; elle n’est devancée par le SPD que dans trois Länder (Brandebourg, Brême, Berlin).

Tableau 4 : Les élections communales 2006-2009 (en %), tableau simplifié

Source :

Instituts statistiques des Länder.

5

L’élection au Bundestag de 2009 : une victoire ambiguë

Notes

9.

L’Allemagne connaît un système de représentation proportionnel personnalisé. L’électeur choisit une pre- mière moitié d’élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour («première voix»), une seconde moitié étant élue au scrutin proportionnel plurinominal («seconde voix» donnée à une liste présentée par un parti et qui ne peut obtenir de sièges au Bundestag qu’en franchissant la barre des 5%).

+ -

Aux élections au Bundestag de 2009, la participation recule à 70,8% (-6,8% par rapport à 2005). La CDU (27,3% des secondes voix9, -0,5% par rapport à 2005) et son alliée de la CSU (6,5%, -0,9%) gagnent certes les élections, mais se voient contraintes de chercher des partenaires de coalition, que seront les libéraux du FDP (14,6%, +4,7%). Le SPD (23%, -11,2%) connaît pour sa part une défaite d’une ampleur exceptionnelle. Les néo-communistes de Die Linke (La Gauche) (11,9%, +3,2%) et Die Grünen (Les Verts) (10,7%, +2,6%) réalisent de bons scores, alors que les «divers» et l’extrême droite (NPD + REP 1,9%, -0,2%) n’obtiennent pas d’élus à la chambre.

Le Bundestag est élu pour une durée de quatre ans. Il compte cinq fractions : la  fraction  CDU-CSU  a  239  membres,  celle  du  SPD  146  élus, le FDP a 93 députés, Die Linke 76, et la fraction Alliance  90-Les  Verts (Bund90-Die Grünen) 68. La coalition au pouvoir peut gouverner confortablement au Bundestag mais ne dispose pas d’une majorité des deux tiers qui aurait permis des réformes constitutionnelles.

En termes de transferts électoraux, la CDU-CSU perd en 2009 un total de 1,96 million de suffrages (transfert au profit du FDP : 1,14 million de voix ; au profit des Verts 50.000 ; au profit de Die Linke 40000). La perte des 570000 voix restantes s’explique par le changement de génération.  La CDU voit enfin 1,08 million de ses électeurs de 2005  rejoindre  le  camp des abstentionnistes. Le seul gain notable (880.000 voix) provient des électeurs SPD de 2005.

L’Est et l’Ouest continuent de constituer des systèmes politiques différents, même si la percée de La Gauche à l’Ouest et les progrès d’Alliance 90-Les Verts à l’Est aboutissent à un rapprochement typologique.

Tableau 5 : Le choix partisan – ventilation Est-Ouest en 2009 (en%)

Copyright :

* Y compris le Land de Berlin

Source :

Infratest Dimap.

Ce tableau montre que la CDU se voit menacée dans les nouveaux Bundesländer de perdre sa position de premier parti régional au profit  des néo-communistes. La dimension positive pour la CDU est que les transferts électoraux à gauche ont lieu pratiquement en vase clos, les pertes du SPD nourrissant les gains de La Gauche et des Verts.

L’analyse du vote CDU-CSU par sexe  et  par  tranche  d’âge  montre  que ces formations ne franchissent plus la barre des 40% que chez les 60 ans et plus. Leurs résultats sont particulièrement faibles chez les moins de 25 ans.

Tableau 6 : Le vote CDU-CSU par tranche d’âge et par sexe en 2009 et son évolution 2005-2009

Source :

Infratest Dimap.

Contrairement à la tendance des élections nationales antérieures, la CDU-CSU progresse en 2009 chez les femmes de presque toutes les tranches d’âge. Ses pertes les plus sensibles se localisent chez les 45-59 ans, le groupe de population le plus menacé par le chômage et le plus inquiet face à l’avenir.

La sociographie du vote CDU-CSU montre que ces formations ne franchissent plus la barre des 40% que chez les retraités et les catholiques. Les chômeurs, les syndicalistes et les sans-confession leur sont hostiles. Les pertes des partis de l’Union se localisent chez les fonctionnaires (-8%), les employés de tout type (-4%) et les catholiques (-3%).

Tableau 7 : Sociographie des choix électoraux 2009 et évolution 2005-2009

Source :

Infratest Dimap.

Tableau 8 : Les raisons du choix CDU-CSU en 2009 (en %)

Source :

Infratest Dimap.

Notes

10.

Source : sondages Infratest Dimap, septembre 2009

+ -

11.

Ibid

+ -

En 2009, les électeurs ont trois priorités : l’économie, la justice sociale et la politique de l’emploi.

En 2009 comme en 2005, la CDU-CSU mobilise ses électeurs sur la base de ses capacités économiques, alors que la sécurité intérieure ne joue qu’un rôle très secondaire. Les compétences des partis de l’Union sont particulièrement faibles dans le domaine de l’environnement et de l’intégration, et faibles pour la politique étrangère et l’éducation. Ces motifs sont révélateurs de déficits programmatiques, mais aussi stratégiques. Il est évident que la CDU-CSU a largement perdu de son profil social (le SPD encore plus), alors que les électeurs attendent du parti au pouvoir une action de protection des «faibles» contre la crise et la mondialisation. De manière amusante, personne ne croît, en 2009, à de futures baisses d’impôts, alors que ce thème va mener au succès du FDP, qui en fait son cheval de bataille («Après l’élection, pensez-vous que les impôts : 1) augmente- ront? : 59% ; 2) resteront stables? : 33% ; 3) diminueront? : 6%)».10

En septembre 2009, 85% des sondés jugent la situation mauvaise ou assez mauvaise. Le pessimisme est toutefois moins fort que l’on aurait pu le croire. À la question «Comment voyez-vous la situation dans un an ?», 4% des sondés s’attendent à une amélioration, 41% croient qu’elle sera un peu meilleure, 26% ne croient pas à un changement, 18% s’attendent à une dégradation et 11% à une catastrophe. Ces chiffres montrent que les électeurs font encore confiance aux partis pour limiter les effets de la crise («Le gouvernement nous a jusqu’à maintenant bien dirigés pendant la crise» : 67% de réponses positives et seulement 38% de réponses négatives).11

Enfin, le succès relatif de la CDU-CSU tient à la personnalité de la chancelière, 51% des sondés la désignant comme la meilleure candidate dans l’hypothèse d’une élection directe, contre 36% seulement pour son concurrent social-démocrate, Frank-Walter Steinmeier.

Au lendemain de l’élection au Bundestag, la coalition qui se met en place a reçu des électeurs une mission claire : faire redémarrer l’économie et rétablir la justice sociale. Le problème est que la CDU, la CSU et le FDP ont pour atteindre ces buts des recettes et des priorités différentes, voire incompatibles. De surcroît, les partis au pouvoir tablent alors sur une lente sortie de crise et un retour à la croissance. Mais la crise de l’euro remet tout en question.

6

Les tendances électorales négatives

Notes

12.

Au recensement de 1987, la RFA comptait 41,6% de protestants et 31,3% à celui de Les catholiques étaient 42,9% en 1987 et 31,7% en 2003.

+ -

13.

Les pourcentages de catholiques et de protestants dans les Länder varient fortement, de 3,1% en Brandebourg à 64,1% en Serre.

+ -

Le camp conservateur a perdu sa capacité à être majoritaire dans le pays depuis les années 1980, et il connaît depuis cette date un  déclin  lent, dont les causes sont multiples.

La contraction du vote conservateur au plan national et régional est induite par des changements de comportement des électeurs. D’une part, on observe une pratique grandissante du vote optimisé (les électeurs privilégiant le parti susceptible d’apporter un gain individuel maximal, indépendamment des préférences idéologiques). D’autre part, les liens partisans se dénouent parallèlement à la dissolution des milieux traditionnels. Dans le cas du SPD,  la  culture  ouvrière,  qui  s’articule  autour du trinôme classique ouvriers-grandes entreprises-syndicats, connaît une crise profonde ; la CDU-CSU souffrant, pour sa part, de l’affaiblissement grandissant du conservatisme agraire organisé autour du binôme société agraire-paysannerie et catholicisme.12 Le catholicisme reste néanmoins l’un des facteurs clés de la préférence CDU-CSU13.

Tableau 9 : Appartenance confessionnelle et choix CDU-CSU 1983-2005 (ventilation Est-Ouest, en %)

Source :

Frank Decker, Viola Neu (Hrsg.) Handbuch der deutschen Parteien, p. 207

Notes

14.

Si l’on prend la fréquentation des lieux de culte comme indicateur de religiosité, on voit que cette dernière a reculé depuis les années 1980 de 30% à 20%

+ -

15.

Se reporter à Decker, Frank, Neu, Viola (Hrsg.) Handbuch der deutschen Parteien, p.206.

+ -

La RFA compte plus de 82 millions d’habitants, dont 25 millions de catholiques (30,7%). Chez ces derniers, entre 1983 et 2005, la CDU-CSU est le premier parti, alors que ses résultats sont inférieurs d’environ 15% chez les protestants. Dans ce groupe, la CDU n’obtient des scores élevés que chez les pratiquants.14 Autre facteur négatif, les nouveaux Länder sont fortement déchristianisés (et ne comptent qu’un nombre très faible de catholiques). Ils constituent pour cette raison un système politique spécifique, dans lequel la CDU ne dispose pas de l’atout confessionnel.

Même si la CDU-CSU réussit, en 2009, à progresser de façon  marginale chez les électrices, il est évident que le parti connaît des difficultés grandissantes à les convaincre.

L’enracinement chrétien des partis de l’Union a fait que,  jusqu’en  1994, les femmes, plus pratiquantes que les hommes, privilégient le vote CDU-CSU. À partir de 1998, cette particularité disparaît.15  Il  s’agit  à  la fois d’un effet de la déchristianisation grandissante et de la sous-représentation des femmes dans les structures et la direction du parti, mais aussi d’une conséquence de l’offre programmatique de la CDU-CSU. Les femmes, en particulier les plus jeunes et les plus diplômées, ne se reconnaissent pas ou se reconnaissent mal dans le modèle familial et quelque peu patriarcal de la CDU-CSU.

Chez les électrices de plus de 60 ans, la CDU-CSU reste  le  premier parti. Tendanciellement, le camp conservateur profite du  vieillissement de la population, les électeurs les plus âgés étant plus réceptifs que les autres tranches d’âge aux thèmes sécuritaires, aux principes d’ordre et d’harmonie politique et au discours sur la fonction de protection sociale de l’État, autant de thèmes classiques des programmes conservateurs.

Certes, la CDU-CSU nourrit ses succès électoraux d’un vote venu de toutes les couches de population. Il existe néanmoins de fortes différences en termes d’appartenance professionnelle et entre l’Est et l’Ouest.

Le groupe qui a toujours été le plus favorable à la CDU-CSU est celui  des paysans, mais leur importance électorale décroît constamment pour des raisons structurelles. Les indépendants ont eux aussi été des électeurs fidèles de la CDU-CSU, même si depuis 1998 et surtout en 2009,   une partie d’entre eux a rejoint le  FDP.  La  CDU-CSU  a  toujours  été,  dans l’ensemble du pays, moins attractive que le SPD pour les ouvriers     et les syndiqués. De fortes différences Est-Ouest existent cependant.

Tableau 10 : l’électorat CDU-CSU 1983-2005 par sexe et par âge (ventilation Est-Ouest, en %)

Source :

Frank Decker, Viola Neu (Hrsg.) Handbuch der deutschen Parteien, p. 207.

tableau 11 : L’électorat CDU-CSU 1983 – 2005 (ventilation Est-Ouest, en %)

Source :

Frank Decker, Viola Neu (Hrsg.) Handbuch der deutschen Parteien, p. 207, tableau simplifié.

En 1990, la CDU est majoritaire chez les ouvriers à l’Est, ce capital électoral se voyant cependant rapidement dilapidé.  Aujourd’hui,  c’est  Die Linke qui profite du vote ouvrier ou chômeur. Le milieu syndical est tendanciellement hostile à la CDU-CSU, ce qui ne surprend guère, vu les liens historiques existant entre le SPD et les syndicats.

II Partie

L’Union Chrétienne-Sociale en bavière (CSU)

Le Land de Bavière doit sa réputation à sa puissance économique, mais aussi à sa fameuse Oktoberfest, la fête de la bière qui a lieu en octobre à Munich. Il a su concilier harmonieusement tradition et modernité : l’image du paysan bavarois en culotte de peau avec son ordinateur portable sur les genoux est une iconographie classique des années 1990, parfaitement fondée. Entre 1946 et nos jours, le pays a connu, sous la direction de la CSU, une montée en puissance économique et une modernisation exceptionnelles. Ce parti est aussi unique par son histoire et sa place dans le système politique allemand.

L’Union chrétienne-sociale en Bavière (Christlich-Soziale Union in Bayern – CSU) n’est active électoralement que dans le seul Land de Bavière. Ce parti occupe dans le système politique une position dite assymétrique. Celle-ci repose sur sa double nature : la CSU est à la fois le    parti dominant en Bavière, depuis 1947, mais aussi un acteur politique au niveau national par sa capacité à l’occasion des élections au Bundestag à dépasser les 5 % (barre de représentativité) et à disposer en conséquence d’une  fraction  au  Bundestag.  Dans  les  gouvernements  CDU-CSU-FDP,   la CSU nomme des ministres et a, ces dernières décennies, par deux fois fourni les candidats (malheureux) au poste de chancelier (Franz-Josef Strauss, en 1980, et Edmund Stoiber, en 2002).  Ce  parti  a  marqué  de son empreinte le protocole de coalition de 2009 signé  par  le  FDP,  la  CDU et la CSU, et il représente un acteur incontournable de la politique allemande actuelle. Ce bilan positif ne peut cependant faire oublier les difficultés du moment.

1

Repères historiques

Notes

16.

Cf. Konstanze Wolf: CSU und Bayernpartei – Ein besonderes Konkurrenzverhältnis. Verlag Wissenschaft und Politik, Cologne 1984.

+ -

La CSU naît à l’automne 1945 du rapprochement de divers mouvements régionaux de sensibilités patriotique bavaroise, libérale, conservatrice et sociale-conservatrice. Sa fondation officielle a lieu les 14  et  15  décembre 1946. Derrière cet acte juridique se cache en réalité une vive querelle idéologique autour de la question bavaroise et d’une possible autonomie politique du Land. Une fraction des membres de la CSU, qui se reconnaît dans les traditions politiques du Parti populaire bavarois (Bayerische Volkspartei – BVP), dissous en 1933, fait scission et rejoint le Parti Bavarois (Bayernpartei – BP).16 Jusqu’aux années 1960, cette formation sera un concurrent électoral de la CSU en milieu conservateur et catholique (BP lors des élections au Landtag de 1950 : 17,9% ; 1954 : 13,4% ; 1958 : 8,1%, 1962 : 4,8%). Cette situation permet cependant à la tendance pragmatique et modérée de prendre la direction de la CSU. Sous la présidence de Hanns Seidel (1955-1961), elle procède à un vaste processus de modernisation idéologique et organisationnelle. Le parti connaît alors une forte centralisation ainsi qu’une professionnalisation. Hanns Seidel fait aussi passer la Bavière d’État agraire à celui d’un Land industriel moderne.

Les clés du succès de la CSU sont multiples. Parmi elles, son pragmatisme politique et ses succès économiques, mais aussi sa capacité d’ouverture, dès 1946, aux élites et électeurs protestants. Sa volonté  d’être un acteur politique au-delà des frontières du Land et de marquer ainsi de son empreinte la jeune démocratie allemande s’est révélée être une stratégie payante sur le long terme.

Ce choix explique que, dès 1945, la CSU rejette  l’idée  d’une  fusion  avec les autres partis chrétiens-démocrates des zones d’occupation et s’oppose au leadership de Konrad Adenauer sur le camp conservateur. En 1948, l’option d’un parti conservateur unique est définitivement exclue par la CSU. La CDU voit le jour en 1950, en l’absence de la CSU.

Dans les années 1950 et 1960, l’étroite coopération politique existant entre la CDU et la CSU au niveau gouvernemental donne au parti bavarois une double image de défenseur des intérêts du Land, mais aussi celle d’un parti au service du pays. Ceci explique que, dès 1957, la CSU atteint son but électoral : «50% plus x» des suffrages en Bavière. L’arrivée  à la tête du parti, en 1961, de Franz-Joseph Strauss, qui occupera ce poste jusqu’à sa mort, en octobre 1988,  illustre  la  période  faste  de  la  CSU,  qui connaît une montée en puissance politique dans le Land et en RFA.   En septembre 1969, la CDU perd la majorité au Bundestag et un gouvernement SPD-FDP prend en main les affaires du pays, et ce jusqu’en octobre 1982. Les deux leaders conservateurs Helmut Kohl et Franz-Josef Strauss, liés par une réelle amitié malgré la compétition qui les oppose sont candidats aux élections au Bundestag de 1976 (Helmut Kohl) et de 1980 (Franz-Josef Strauss), mais sans succès. Devenu ministre-président de Bavière en 1978, Strauss est une personnalité aussi forte que polarisante. En Bavière, la CSU atteint à l’occasion des élections régionales de 1970, 1974, 1978, 1982 et 1986 la barre des 55% et celle des 60% aux élections au Bundestag de 1976 (Bavière seule).

En 1982, un gouvernement de coalition CDU-CSU-FDP  se  met  en place sous la direction du chancelier Kohl. La CSU y occupe toute  sa  place, avec quatre ministres entre 1982 et 1989, six en 1989-1990, enfin quatre jusqu’en octobre 1998, date à laquelle le SPD, en alliance avec Alliance 90-Les Verts, arrive au pouvoir.

La mort inattendue de Strauss, le 3 octobre 1988, plonge le parti dans la stupeur et marque le début d’une phase difficile sur le plan politique.  En Bavière, le nouveau ministre-président Max Streibel, avec à ses côtés un nouveau chef du parti, Theo Waigel, connaît une  rapide  désaffection de la part de l’opinion publique bavaroise et finit par démissionner, en 1993, à la suite d’un scandale (l’affaire  de  corruption  Amigo).  Waigel,  qui se montrera d’une fidélité à toute épreuve envers le chancelier Kohl   et sera un ministre des Finances aux qualités mal perçues par les électeurs, joue avant tout un rôle de pont entre la CSU et la CDU. Il n’a cependant rien du charisme de Strauss.

Edmund Stoiber, qui a été secrétaire général de la CSU de  1978  à  1983, puis ministre, est un protégé de  Strauss  et  un  homme  d’appareil. Il se porte candidat au poste de ministre-président. Il compte parmi ses forces d’avoir su contenir la poussée de l’extrême-droite en Bavière, d’être un homme intègre, et surtout d’avoir l’image d’un «manager de la firme Bavière». Son élection en mai 1993 – il restera en poste jusqu’en octobre 2007, ouvre une phase de luttes sourdes avec Theo Waigel, qu’il ne parvient à éliminer qu’en janvier 1999. À partir de cette date, Stoiber règne en maître sur le pays et il va faire franchir la barre des 60% à la CSU aux élections au Landtag de 2003.

Ce chiffre est d’autant plus exceptionnel que Stoiber a connu, comme tête de liste de la CDU-CSU, une défaite aux élections au Bundestag de 2002, ceci alors que la situation politique de la coalition SPD-B90-Die Grünen était très mauvaise. Malgré le triomphe électoral de 2003, la popularité de Stoiber commence à reculer en Bavière, les électeurs lui reprochant un style de communication de plus en plus technocratique. En 2005, son hésitation à devenir un super-ministre dans le gouvernement de Grande Coalition CDU-CSU-SPD polarise contre lui les électeurs et les cadres du parti, qui ne comprennent pas son attitude. En 2007, il est contraint de démissionner.

2

L’organisation de la CSU

La CSU a pratiqué très tôt une modernisation de ses structures internes   et une intense Grassroots Politic (politique de terrain) dans la société bavaroise. Même si elle est toujours, en 2010, le troisième  parti  politique en Allemagne, elle connaît un déclin constant du nombre de ses adhérents (1990 : 186198 adhérents ; 1999 : 181.873 ; 2008 : 162.533). Entre 2005 et 2008, elle dispose d’un budget variant entre 38 et 50 millions d’euros. Les dons au parti sont très élevés et atteignent 13 millions d’euros en 2008.

L’une des faiblesses de la CSU est son incapacité à recruter des femmes (2008 : 18,9%). Il est évident que la vision très conservatrice de la femme et de la famille défendue par la CSU dans ses divers programmes ne répond plus aux attentes politico-sociales des femmes,  surtout  des plus jeunes. La ventilation par âge des adhérents ressemble à celle des autres grands partis, avec toutefois, pour la CSU, un léger surpoids des tranches d’âge moyennes. En 2008, 51,8% des adhérents étaient âgés de 30 à 60 ans, 42,7% avaient plus de 60 ans. Les moins de 30 ans sont sous-représentés (5,5%). Le manque d’attractivité de la CSU pour les jeunes est un signal d’alarme pour le parti, qui n’a pas encore su trouver un langage «jeune» adéquat.

Depuis sa fondation, la CSU se définit comme un parti interconfessionnel. Cependant, alors que les deux tiers environ de la population sont catholiques, le parti compte dans ses rangs, en 2008, 77,4% de catholiques (CDU : 49,6%), et seulement 16,6% de protestants (CDU : 32%). Le fait nouveau est la croissance du nombre des adhérents sans appartenance religieuse (1,9% en 1991, 6,1% en 2008).

L’actuel ministre-président de Bavière, Horst Seehofer, exerce ses fonctions depuis le 27 octobre 2008. Dans le cabinet de coalition formé avec le FDP, la CSU contrôle la chancellerie et son ministère chargé des questions du Bund et de l’Europe, ainsi que les ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Consommateurs, de l’Enseignement et des Cultes, des Finances, de l’Environnement et de la Santé, de l’Agriculture-sylviculture, enfin, du Travail, des Femmes et de la Famille. Le FDP nomme le vice-président du Land et dirige deux ministères : Sciences, Recherche et Art, Économie, Infrastructures, Transport et Technologie. La CSU, qui a eu beaucoup de mal à accepter la perte de sa majorité absolue en 2008, a réussi, après une période de tensions avec ses partenaires libéraux, à trouver un mode de coopération fonctionnel, mais sans entrain.

La CSU est organisée au plan vertical en dix associations de districts (Bezirksverbände), 108 cercles et quelque 2.800 associations locales. La CSU développe son action politique en s’appuyant sur des structures horizontales : neuf Communautés de travail, par exemple l’Union Jeune de Bavière avec 33.000 membres ou l’Union des Femmes (27.000 membres) ; neuf Cercles de travail, par exemple le Cercle de travail police  et sécurité intérieure ou le Cercle de travail politique de santé ; sept commissions spécialisées, par exemple la Commission économie ou la Commission principes fondamentaux. L’importance de ces structures ne peut être sous-estimée, car elles ont permis un enracinement durable et profond de la CSU dans la population bavaroise.

La Fondation Hanns-Seidel (Hanns-Seidel Stiftung – HSS), fondée en 1967, est indépendante, mais proche de la CSU. La HSS dispose en 2009  de 49 millions d’euros pour son travail. La fondation emploie à cette date 277 personnes, dont 30 à l’étranger.  La  principale  fonction  de  la  HSS  est l’éducation populaire sur des bases chrétiennes. L’Académie pour la politique et l’actualité contemporaine est le centre intellectuel de la fondation, tant en termes de recherche et d’analyse que de conseil politique.

3

Électeurs et élections

Notes

17.

La loi électorale interdit les alliances de partis dans une liste Une liste CDU-CSU ne serait pas admise à présenter sa candidature.

+ -

La CSU dirige le pays quasiment sans interruption depuis 1946 (à l’exception d’une courte période entre 1954 et 1957). Sur le plan électoral, la CSU a dépassé dans le Land, à l’occasion des élections au Bundestag entre 1953 et 2009, la barre des 40% et celle des 50% entre 1957 et 1998, puis en 2002. Ses résultats aux élections aux  Landtage  (diètes) sont aussi exceptionnels. Entre 1970 et 2009, elle recueille plus de 50% des voix, avec un pic en 2003 à 60,7%. Le  recul  du  parti, en  2008, à  43,4% des voix, qui a contraint la CSU à chercher un partenaire de coalition, marque incontestablement la fin d’une époque, à la fois sur le plan politique et mental. Un retour à la majorité absolue semble difficile en 2013, le parti stagnant dans les sondages, à l’été 2010, à quelque 40%  des intentions de vote.

Si la CSU continuait de décliner à l’occasion des élections au Bundestag à venir, elle se trouverait confrontée à un problème existentiel. La loi électorale allemande impose aux partis candidats le franchissement de la barre des 5% pour disposer d’une représentation parlementaire, soit pour la CSU environ 35% des voix en Bavière. En-dessous de ce seuil, la CSU ne serait pas représentée au Bundestag et se verrait contrainte soit  de se replier sur la Bavière, soit de devenir une part de la CDU.17

Sur le plan communal, la CSU dépasse la barre des 40% depuis 1966, mais elle ne réussit à atteindre la majorité absolue qu’en 1978 avec 53% des voix. En 2008, le parti n’est plus qu’à 40% des voix et se voit de plus en plus concurrencé au niveau régional et communal par de nouveaux acteurs politiques, en particulier les «électeurs libres» (Freie Wähler).

L’analyse  de  l’élection  au  Landtag  de  2008  montre  les  causes  de l’affaiblissement électoral de la CSU. La CSU obtient alors 43,4% des voix. Elle perd 1,6 million de voix, soit un recul de 17,3 %. Le SPD recule à 18,6 % (-1 point). Les grands vainqueurs sont les «électeurs libres» (10,2%, +6,2%) ainsi que le FDP (8%, +5,4%). Les Verts se maintiennent à peu près à leur niveau de 2003  (9,4%, +1,7  point). La CSU perd 32 élus (92 députés) et se voit contrainte de s’allier avec le    FDP (16 élus, contre 0 en 2003).

En termes de transferts électoraux, la CSU perd 190.000 voix au profit des «électeurs libres», 180.000 au FDP, 60.000 aux Verts, 100.000 aux divers autres partis candidats. Quelque 130.000 autres suffrages sont perdus à cause du changement de génération. Le seul gain modeste (50.000 voix) provient des nouveaux électeurs venus s’installer dans le Land.

La CSU recule dans toutes les tranches d’âge et n’est plus majoritaire que chez les plus de 60 ans. Les pertes les plus importantes concernent  les moins de 25 ans, en particulier les jeunes femmes.

Tableau 12 : Le choix CSU en 2008 (en %)

Source :

Infratest Dimap.

Tableau 13 : Sociographie du choix CSU 2008 (en %)

Source :

Infratest Dimap.

La CSU n’est plus majoritaire en 2008 que chez les personnes à bas niveau de formation, les catholiques, les retraités et les paysans. Ses pertes les plus fortes se localisent chez les personnes à niveau de formation moyen, les ouvriers, les indépendants, les paysans. La CSU obtient des scores inférieurs à sa moyenne régionale chez les mieux éduqués, les employés, les adhérents des syndicats, les non-chrétiens. Le SPD enregistre des gains chez les chômeurs (2008 : 27%, +15%), les fonctionnaires (13%, +10%) et les paysans (26%, +17%).

Ce désastre est avant tout dû à la personnalité du ministre-président candidat tête de liste de la CSU, Günther Beckstein, peu aimé par les électeurs. En termes de compétences politiques, la CSU n’est  reconnue que dans le domaine économique.

Tableau 14 : Les raisons du choix CSU 2008 (en %)

Source :

Infratest Dimap.

Ce tableau montre que les électeurs focalisaient leur attention sur l’économie et la justice sociale. La CSU est très faible en termes de justice sociale. De toute évidence, le profil de «parti des petites gens» a souffert de la période Stoiber-Beckstein. En 2007, la tentative de renouer par le moyen d’un nouveau programme avec les électeurs perdus au profit des «électeurs libres» échoue.

4

Programme et orientations

La CSU est à tort perçue comme un parti catholique et réactionnaire, hostile à l’Europe et au progrès. L’analyse de ses programmes montre au contraire son pragmatisme et sa modernité. La CSU est un  parti  chrétien, enraciné dans les traditions catholiques sociales et dans l’éthique protestante. Le C présent dans le nom du parti fait référence aux principes chrétiens, mais il n’implique aucune dépendance par rapport aux Églises, surtout catholique. La CSU n’a pas hésité à s’opposer à cette dernière autour des questions du droit d’asile et de l’avortement. Elle défend l’État de droit, l’économie de marché et les principes de subsidiarité et de fédéralisme.

Le parti se veut «conservateur de progrès». En 1968, Franz Josef Strauss résumait cette idée par la formule : «Être conservateur signifie être à la pointe du progrès.» La force d’intégration de la CSU dans le système politique bavarois naît de cette unité dialectique entre religion, tradition et modernité. Cette dernière se mesure aux succès économiques du Land : le plus faible taux de chômage de RFA, une industrie de pointe, par exemple dans le domaine informatique, une recherche de très haut niveau, une société de service très développée, mais aussi une agriculture forte, malgré des contraintes géographiques (relief des Alpes). Sur le plan intérieur, la CSU a l’image d’un parti law and order, une orientation en concordance avec les sensibilités collectives.

La CSU se définit comme un parti social. Elle a été longtemps le parti des petites gens, ce qui explique la faiblesse structurelle du SPD sur le  long terme, et elle a œuvré en faveur d’un équilibre social. Des difficultés apparaissent cependant à partir du début des années 2000, entre la compétence économique du parti, accompagnée de discours politico-économiques très libéraux, et les principes communautaires de référence.

Enfin, la CSU se veut un parti enraciné dans toutes les couches de populations et soucieux du bien commun et d’une solidarité entre les citoyens.

Il existe cependant, si l’on se réfère au programme de 199318 comme à celui de 200719, un certain nombre de secteurs programmatiques où la CSU n’a que peu de compétences. Il s’agit, par exemple, de l’écologie, qui   a été longtemps ignorée. L’autre domaine est celui  de  l’Europe. La  CSU est perçue comme un parti très critique de la construction européenne actuelle, un projet qu’elle a pourtant soutenu  depuis  1946. Elle  défend un modèle d’Europe des régions ou d’Europe des nations assez peu convaincant politiquement.

5

Où va la CSU ?

Notes

20.

  1. Sa biographie se trouve sur le site http://www.hans-peter-friedrich.de

+ -

L’analyse  de la période 2005-2009 révèle une désaffection d’une partie  de l’électorat en 2008, dûe à des causes multiples. La première est le gouvernement de Grande Coalition CDU-CSU-SPD. L’électorat CSU  s’y  sent mal à l’aise et reproche au ministre-président de Bavière, Edmund Stoiber, de ne pas suffisamment influencer la politique du gouvernement de coalition. Ce reproche est d’autant plus fondé que Stoiber a, en 2005, refusé de prendre des responsabilités ministérielles importantes à Berlin. Dans l’appareil CSU, les proches de Stoiber préparent sa chute, qui se produit  en 2007. Le «putsch» anti-Stoiber, qui entraîne l’arrivée à la tête de la CSU et du Land de dirigeants sans charisme (dont Günther Beckstein) et plutôt incompétents, inquiète et déçoit l’opinion bavaroise.

Horst Seehofer, qui a été à partir de 2005 ministre d’État chargé de l’Agriculture et des Consommateurs, utilise sa popularité – gagnée grâce   à ses qualités d’orateur et à une forte présence personnelle médiatique, pour affaiblir Beckstein et ses alliés. Au lendemain du désastre électoral de l’élection au Landtag du 28 septembre 2008, il est élu président du parti à l’occasion d’un congrès extraordinaire avec 90,3% des voix des délégués, puis ministre-président du Land en octobre. Ces épisodes politiques laissent cependant des traces dans l’appareil et un sentiment de malaise politique dans l’électorat.

Le gouvernement de coalition CDU-CSU-FDP, qui se met en place en 2009, pose problème, en 2010, à une CSU soucieuse de réaffirmer son importance politique. Les conflits avec le FDP se multiplient aux niveaux régional et national, mais les tensions sont également fortes avec la chancelière Merkel. Au printemps 2010, Seehofer réussit finalement à établir son autorité sur la CSU et à imposer ses hommes de confiance à la direc- tion du parti et à la chancellerie bavaroise. La CSU, encore sous le choc de la défaite de 2008, retrouve actuellement une partie de son énergie locale, le phénomène des «électeurs libres» perdant en dynamisme. La nomination d’un nouveau talent politique, Karl-Theodor zu Guttenberg,  au poste de ministre de la Défense du cabinet Merkel II apparaît tout d’abord comme une chance pour la CSU de réaffirmer  son  rôle  politique. La presse évoque l’hypothèse que zu Guttenberg, jouissant dans les sondages d’une aura médiatique et d’une popularité exceptionnelles, serait un successeur possible de la chancelière à la tête de la CDU-CSU. Mais la découverte d’un plagiat dans sa thèse de doctorat entraîne la démission de zu Guttenberg de son poste de ministre et de son mandat   de député. Son retour en politique paraît peu probable. Il est remplacé à ce poste par le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, un homme de la garde rapprochée de la chancelière. Le poste de ministre de l’Intérieur est attribué au président du groupe CSU au Bundestag, le Dr. Hans-Peter Friedrich, un juriste de formation.20

III Partie

Les défis et problèmes auxquels la droite allemande doit faire face

Jusqu’en 2013, la coalition CDU-CSU-FDP devra répondre à un certain nombre de défis complexes, dans un contexte politique et économique difficile.

Les premiers mois de gouvernement de la  coalition  CDU-CSU-FDP  sont marqués par des tensions entre partenaires portant sur l’intervention en Afghanistan, les impôts et leurs allégements  définis  dans  la loi dite «d’accélération de la croissance»21, la réforme du système de santé et la réduction du chômage. Le budget pour 2010 a été voté par la Grande Coalition CDU-CSU-SPD et contient un endettement record de quelque 86 milliards, destinés à combattre les effets de la crise économique et financière.

Tableau 15 : Les dettes publiques au 31/12/2009

Source : Statistisches Bundesamt.

Notes

22.

Dans l’article 109 3 alinéa 4 de la Loi fondamentale, il est spécifié que le Bund ne pourra pas faire de dettes nouvelles au-delà de 0,35% de son PIB. Il existe une clause prévoyant des exceptions en cas de catastrophes naturelles ou de situation exceptionnelle de crise (article 143d, § 1 de la Loi fondamentale).

+ -

23.

Se reporter aux articles d’analyse du Spiegel Online du 8 juin 2010

+ -

Les données statistiques provisoires montrent une augmentation par rapport à 2008 des déficits de 112,7 milliards (soit 7,1%). Il s’agit de la plus forte croissance d’endettement du pays depuis 1955. Au total, la dette allemande s’élève à 1692,2 milliards d’euros. Bien que la  RFA  ne soit pas le seul État européen à souffrir d’un endettement croissant depuis les années 1980, la chancelière doit trouver une solution conforme à la    loi organique sur la limitation des dettes, entrée en vigueur en 2011.22 L’Allemagne est de surcroît contrainte de respecter, à partir de 2013, les critères européens limitant à 3% de son PIB son déficit public annuel.

La publication le 7 juin 2010 du programme d’économies de la coalition pour la période 2010-2014, d’un montant de 80 milliards d’euros, montre que la CDU-CSU a dû largement se plier aux conceptions financières du FDP. Les mesures d’économies, en soi acceptées sur le principe par tous les partis politiques  (sauf  Die  Linke),  ont  provoqué  un tollé à gauche et dans les syndicats, qui parlent de «déclaration de guerre sociale» et veulent organiser une «résistance massive». De fait,  les mesures prises semblent déséquilibrées et risquent d’augmenter le malaise d’une partie de l’électorat CDU-CSU.23

Du côté des gagnants, on trouve les banques. Elles ne versent jusqu’en 2012 que 2 milliards d’euros, dont 1,2 milliard déposés dans un fonds d’aide aux banques. La taxe sur les transactions financières n’est pas abandonnée, mais subordonnée à une improbable adoption internationale. Les entreprises énergétiques gérant les centrales atomiques doivent verser à l’État, jusqu’en 2014, 2,3 milliards par an (taxe sur les matières fissiles). En échange, le gouvernement prolonge la durée de vie des réacteurs, ce qui assure à cette branche des gains nets considérables. L’industrie allemande voit par contre les subventions de l’État pour les coûts énergétiques réduites de 1,5 milliard par an. Les caisses d’assurance maladie sortent renforcées du programme d’économies, avec une aide de l’État de 2 milliards en 2011. Le déficit actuel de 11 milliards devrait être compensé par une augmentation massive des cotisations. La réforme de la Bundeswehr, qualifiée par la chancelière de «travaux d’Hercule», vise à réduire le budget des armées, actuellement de 31,1 milliards d’euros. 2 milliards par an d’économies sont prévus par la mutation de la Bundeswehr d’une armée de défense du territoire en une armée d’intervention. Les effectifs (250.000 personnes actuellement) doivent être réduits de 40.000 personnes d’ici à 2014. Le gouvernement veut aussi limiter les programmes de recherche sur les armements et se dégager de contrats militaires coûteux. Le service militaire à six mois est préservé, mais le ministre de la Défense songe à son abolition. D’ici à 2014, la coalition veut réduire le service public de 10.000 personnes et économiser,  en 2011, 2,3 milliards d’euros. Les fonctionnaires voient indirectement leur salaire réduit de 2,5% (baisse de gratification de Noël), 1 milliard devant être économisé sur les fournitures et autres postes personnels. La Deutsche Bahn (transports ferroviaires) est mise à contribution pour une somme de 500 millions, une mesure qui va entraîner une augmentation des prix des transports. Il en va de même pour les compagnies aériennes, soumises à un impôt écologique d’1 milliard par an.

Les chômeurs sont les principaux perdants du programme d’économies, auquel ils contribuent à hauteur de 30 milliards. Parmi les mesures phares, les chômeurs perdent l’allocation parentale, les aides aux coûts   du chauffage et à la retraite. Enfin, les mesures pratiques d’aide (par exemple à l’acquisition de biens de première nécessité) se voient soumises à un contrôle strict visant à en réduire le montant. Pour l’ensemble  des familles, l’aide parentale est réduite. Les gagnants sont incontestablement les plus aisés. Le FDP a imposé le maintien de l’impôt sur les hauts revenus à 42% au-delà d’une somme  de  52.000  euros  annuels. Les impôts sur les hauts revenus (plus de 250.000 euros par an) ne sont pas augmentés. La seule mesure populaire est l’augmentation massive de 12 milliards d’euros jusqu’en 2013 pour l’éducation et la recherche, les commentateurs doutant de la capacité du gouvernement à  dégager  de tels crédits.

Il ne fait aucun doute que l’absence de mise à contribution des banques et des hauts revenus sera mal acceptée par une majorité d’électeurs et que le malaise régnant devrait perdurer à l’occasion des six élections régionales de 2011 (Bade-Wurtemberg, Brême, Rhénanie-Palatinat, Saxe-Anhalt, Berlin, Mecklembourg-Poméranie), une réaction anti-CDU des électeurs étant à craindre.

La coalition verra sa politique jugée à l’aune de ses succès économiques et de la réduction du chômage. Jusqu’à présent, la conjoncture reste assez favorable. Les crises de 2008 et 2009 n’ont pas entraîné d’augmentation massive du chômage et, en septembre 2010, le nombre de chômeurs a commencé à baisser (Total : 7,2%, 3,031 millions ; Ouest : 6,2%, 2,1 millions ; Est : 11%, 0,9 million). En février 2011, le chômage restait important (Total : 7,9%, 3,317 millions ; Ouest : 6,7%, 2,24 mil- lions ; Est : 12,7%, 1,07 million).

L’avenir reste toutefois incertain. L’ensemble des instituts économiques s’attendent à une faible croissance économique (impact des tensions sur l’euro). Un problème important reste le  déséquilibre  Est-Ouest, le  taux de chômage à l’Est, de 12% avec des pointes régionales à 20 voire 30%, nourrissant le vote néo-communiste et extrémiste de droite.

Tableau 16 : Le chômage en RFA (en millions et en % de la population active)

Copyright :

VB = vieux Bundesländer ; NB = nouveaux Bundesländer avec Berlin.

Source :

Statistisches Bundesamt.

L’un des grands chantiers de gouvernement est la réforme du système de santé. C’est aussi le domaine le plus sensible en termes de popularité politique, car  il  concerne  la  quasi-totalité  de  la  population.  En  2007,  la santé coûtait 252,8 milliards d’euros (une progression de 7,8 milliards,  +3,2%  par  rapport  à  2006).  Ceci  équivalait  à  10,4%  du  PIB  (3.070 euros par habitant).

Dans le contrat de coalition, la CDU-CSU et le FDP étaient  d’accord pour supprimer la participation patronale à hauteur de 7,9% des revenus et la remplacer par une contribution fixe qui devait tourner autour de 150 euros.24 Le risque était qu’en cas de dérapage des coûts du système de santé, les assurés aient à payer la différence, alors que les contributions patronales resteraient gelées. Ceci devait toucher en particulier les petits revenus, à moins que l’État n’intervienne pour compenser les surcoûts (estimés à 20 milliards par an). Or, les caisses sont vides. La coalition au pouvoir a donc dû trancher et a choisi d’augmenter les contributions individuelles qui vont passer, au début 2001, de 14,9 à 15,5% (un gain de 11 milliards d’euros). Vu les fortes différences d’appréciation existant entre une CDU hésitante devant l’ampleur des changements, une CSU partisane du statu quo et un FDP qui veut alléger les charges des entreprises, une «réforme» de fond paraît difficile avant 2013, d’autant plus qu’elle est, dans tous les cas de figure, très impopulaire.

D’autres querelles existent, comme celles portant sur la réforme de l’aide au chômage prévue par le plan Harz IV et sur les salaires minimums. Le FDP veut les supprimer, la CDU, le SPD et les syndicats souhaitant les préserver, au moins dans certains secteurs (construction, poste, nettoyage, sécurité, etc.).

Toujours poussés par l’opinion publique qui tient les banques pour responsables des crises de 2008, 2009 et 2010, la chancelière et les partis de la coalition se sont prononcés en faveur d’une taxe sur les transactions financières internationales, mais qui n’a guère de chance de voir le jour dans le cadre national. Une idée populaire en Allemagne, mais critiquée par le SPD et Les Verts, qui jugent insuffisantes les mesures annoncées.   En vue du respect des décisions européennes sur le contrôle des banques25, la coalition CDU-CSU-FDP veut également procéder à la création d’une Commission pour les risques systémiques et d’agences spécialisées pour les banques, les assurances et les valeurs mobilières, placées sous l’autorité d’une Bundesbank indépendante du pouvoir politique. Dans le domaine de l’environnement, la CDU-CSU n’est créditée  que  d’une  faible compétence. La coalition a toutefois dû se déterminer sur la question de l’arrêt des réacteurs nucléaires. Aujourd’hui, la coalition  a  prolongé, en échange d’un impôt payé par les producteurs d’énergie, le fonctionnement des réacteurs première génération (type Biblis).26 Là encore, il s’agit d’une mesure logique au regard des contraintes énergétiques du pays, mais impopulaire, une majorité d’Allemands souhaitant une sortie du nucléaire, une tendance qui s’est encore renforcée en mars 2011 avec l’accident nucléaire de Fukushima.27

Conclusion : Entre montée des périls et recomposition politique

Notes

28.

Dans son livre, Thilo Sarrazin aborde les questions démographiques, la situation de l’enseignement, la réforme de l’État, etc

+ -

29.

Thilo Sarrazin : Deutschland schafft sich Wie wir unser Land aufs Spiel setzen, Munich 2010.

+ -

30.

À la question « Sarrazin dit-il la vérité ou a-t-il raison ? », 43 % des sondés répondent oui, 28 % non, 20 % ne connaissent pas ses thèses et 9 % refusent de s’exprimer. À l’exception des Verts (34 % « a raison » contre 47 % « a tort »), une majorité de « a raison » se dégage dans tous les autres partis : FDP : 51 % – 31 % ; CDU-CSU : 51 % – 27 % ; Die Linke : 52 % – 27 % ; SPD :

+ -

31.

Un premier parti politique, Die Freiheit, (La liberté à été fondé à Berlin par un ancien député CDU qui se fait patronner par Geert Wilder, le leader national-populiste hollondais.

+ -

32.

Roland Koch, Das konservative Manifest, 2010, extraits dans Focus, 4/10/2010.

+ -
+ -

34.

Cf. supra, tableau : Sociographie des choix électoraux 2009 et évolution 2005-2009. Source Infratest Dimap.

+ -

36.

Cf. Gunnar Winkler, Sozialreport 2010. Daten und Fakten zur sozialen Lage 20 Jahre nach der Vereinigung – 1990 bis 2010 – Positionen der Bürgerinnen und Bürger

+ -

37.

Cf. ARD-DeutschlandTREND, Oktober2010,  Les Verts devenaient, début novembre 2010, le deuxième parti derrière la CDU dans les sondages, devançant le SPD. Certains commentateurs spéculent depuis cette date sur une coalition Verte-Rouge au pouvoir, avec un chancelier Vert

+ -

38.

Les Verts enregistrent une autre victoire aux élections régionales du Rhénanie-Palatinat, où ils accèdent au pouvoir en coalition avec le SPD (CDU : 35,2%, 2006 : 32,8%, +2,4% ; SPD : 35,7%, 2006 : 45,6%, -9,9% ; FDP : 4,2%, 2006 : 8,0%, -3,8% ; Verts : 15,4%, 2006 : 4,6%, +10,8% ; Linke : 3,0%, 2006 : 2,6%, +0,4% ). Ces élections montrent aussi qu’une partie du potentiel électoral de Die Linke est absorbée par Les

+ -

La démission surprise du président allemand Horst Köhler, le 31 mai 2010, qui a été le candidat commun des partis CDU-CSU-FDP, gêne la coalition. Angela Merkel a certes réussi à éviter une débâcle en faisant nommer son principal concurrent dans le parti, le ministre-président de Basse-Saxe, Christian Wulff, candidat à ce poste. Ce faisant, elle neutralisait le dernier héritier politique CDU menaçant. L’inconvénient de cette stratégie est un malaise grandissant de  l’aile  conservatrice, qui  évoque un isolement de plus en plus marqué de la chancelière à la tête du parti rappelant celui d’Helmut Kohl, dans les années 1990.

Les premiers mois du président Wulff sont eux aussi difficiles. Dans son «Discours à la Nation» à l’occasion des vingt ans de la Réunification, le 3 octobre 2010, il aborde la question de la place grandissante de l’islam  en Allemagne. Il se voit alors reprocher par une frange de la CDU d’avoir des positions trop favorables à l’islam et de mette en péril la notion de culture judéo-chrétienne dominante, un écho à un débat qui enflamme toutes les familles politiques. La publication  par  l’ancien  sénateur  SPD de Berlin, Thilo Sarrazin, d’un livre intitulé «L’Allemagne se supprime», portant, entre autres28, sur l’immigration et ses coûts, provoque une polémique d’une intensité et d’une portée exceptionnelles.29 Sarrazin souligne dans son ouvrage les déficits de l’intégration, critique la constitution de «sociétés parallèles», affirme l’existence d’un refus d’intégration par une forte minorité de migrants – surtout turcs et de religion musulmane traditionaliste. Alors que l’ensemble de la classe politique dénonce le «racisme» de Sarrazin, son livre rencontre un succès inégalé (900.000 exemplaires vendus) et ses thèses se voient plébiscitées dans les sondages30. Cette distorsion entre la classe politique et les sentiments collectifs est un signal de la possible apparition d’un puissant courant anti-islam en Allemagne, qui pourrait se nourrir électoralement des suffrages des électeurs CDU déçus par la politique actuelle.31

La question centrale reste néanmoins la stabilité de la coalition. Si la CSU est un partenaire remuant, avant tout soucieux de mettre un terme à son déclin en Bavière, le FDP fait face à de sérieuses difficultés. Élu en 2009 sur un programme d’allègement des impôts, alors que ce thème est aujourd’hui obsolète, ce parti connaît une réelle crise identitaire et de direction, le vice-chancelier Westerwelle commençant à être vivement contesté. Dans les sondages, le FDP s’effondre au printemps 2011, à 5 ou 6% des intentions de vote. Faire exploser la coalition risquerait de catapulter le FDP hors du Bundestag. Il ne reste aujourd’hui au FDP qu’une stratégie : contribuer au succès de la coalition sur les plans économiques et sociaux. Là encore, un pari difficile, la crise de l’euro – même si elle apparaît jugulée – restant une menace pour l’avenir. Au sein de la CDU elle-même, la chancelière est davantage critiquée qu’avant 2009, les défaites électorales de Hambourg et du Bade-Wurtemberg venant renforcer cette insatisfaction de la base du parti et de nombreux cadres régionaux. On lui reproche un style trop atone et des erreurs tactiques, comme son soutien limité à la CDU de Rhénanie-Westphalie, qui a conduit au désastre électoral de mai 2010. Le retrait de la vie politique de la tête de file du camp conservateur, le ministre-président de Hesse, Roland Koch, comme celui du ministre-président de Sarre, Peter Müller, a affaibli cette tendance dans le parti et mécontente bien des adhérents. Le camp conservateur se sent sous-représenté dans la CDU et réclame un réajustement politique et programmatique.32 La chancelière, à l’occasion du congrès de la CDU à Karlsruhe, à la mi-novembre 2010, a bien tenté de calmer le jeu en réaffirmant l’orientation conservatrice du parti.33 Cependant, l’élimination du jeu politique du ministre-président de Bade-Wurtemberg, Stephan Mappus – la dernière tête de file des conservateurs –, après son échec aux élections régionales du 27 mars 2011, devrait encore augmenter le malaise de cette tendance politique.

En conclusion, si l’on  dresse  un  panorama  de  la  situation  actuelle  de la droite allemande, on perçoit un mouvement de recomposition en cours. Les chrétiens-sociaux sont fortement affaiblis après l’échec de Rhénanie-Westphalie. Le président de ce Land était la figure de proue de l’aile gauche du parti. Il s’était donné comme objectif politique de ramener dans le giron de la CDU-CSU les 40% des chômeurs et les 25% d’ouvriers ayant voté à l’occasion des élections au Bundestag de 2009 pour Die Linke, un parti perçu comme critique du capitalisme.34 La stratégie de Jürgen Rüttgers était de réaffirmer la dimension sociale et régulatrice du capitalisme de la CDU-CSU, afin d’atteindre cet électorat, fidèle en cela à l’idée que le camp conservateur a besoin de représenter tous les courants de la société. Il se posait, ce faisant, en héritier de la pensée de Konrad Adenauer : pour être un parti de masse, il faut s’appuyer sur les «trois jambes» de la droite (conservatisme, libéralisme et christianisme social). Ce paradigme est aujourd’hui remis en cause : le courant conservateur a perdu toutes ses têtes d’affiche et le courant libéral est très affaibli, parce que le partenaire de coalition FDP se trouve en état de déliquescence, du fait d’un programme de réductions fiscales impossible à mettre en œuvre dans le contexte économique actuel.35 Structurellement, ce courant libéral de la CDU se trouve en décalage avec le pays réel, dans une Allemagne où la peur du capitalisme est majoritaire et où il existe une très forte exigence de justice sociale, y compris parmi l’électorat de droite.36

On observe actuellement une transformation fondamentale du champ politique allemand, avec des transferts de voix qui ne se font pas au profit des camps conservateur ou social-démocrate, mais à celui des Verts.37 Cette formation, qui n’a plus un caractère de gauche aussi marqué que dans les années 1990 et défend des valeurs centrales pour le conservatisme, comme la préservation de la nature, la régulation des marchés ou encore une volonté sociale collective, devient de plus en plus attractif pour des électeurs CDU-CSU en déshérence. Les Verts sont aussi devenus des concurrents dangereux du SPD, les sondages du printemps 2010 les plaçant presque au niveau des sociaux-démocrates. Dans ce contexte très mouvant, les coalitions entre Les Verts et les conservateurs, en Sarre ou à Hambourg, amènent une partie des stratèges de la CDU-CSU à envisager une possible alliance Verts-CDU au lendemain de l’élection au Bundestag de 2013. Cette option, que la chancelière n’aime guère, est devenue très hypothétique après la rupture de l’alliance CDU-Les Verts à Hambourg, et le désastre électoral qui a suivi  (CDU  2008  :  42,6% ; CDU 2011 : 21,9%, -20,6%).

L’élection de Bade-Wurtemberg du 27 mars 2011 marque, à bien  des égards, un changement d’époque et une restructuration du système politique. Les Verts, qui profitent du contexte du désastre nucléaire de Fukushima, connaissent un triomphe électoral leur permettant de nommer, dans le cadre d’une coalition avec le SPD, pour la première fois un ministre-président, ceci dans un Land, bastion de la CDU depuis cinquante-huit ans (CDU : 39%, 2006 : 44,2%, -5,2% ; SPD : 23,1%, 2006  :  25,2%, -2,1% ;  Les Verts  :  24,2%, 2006  :  11,7%, +12,5% ; FDP : 5,3%, 2006 : 10,7%, -5,4% ; Die Linke : 2,8%, 2006 3,1%, -0,3%).38 L’affaiblissement du FDP, qui se confirme d’élection en élection, pose la question des alliances possibles de la CDU-CSU en 2013, et au-delà la question du rôle futur de la chancelière.

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