Eau : défis mondiaux, perspectives françaises
Introduction
S’organiser pour vivre avec des tensions croissantes sur les quantités d’eau douce
Une multiplication des conflits d’usages
Passer d’une répartition de la pénurie à l’optimisation d’usages successifs
Tracer et organiser les usages successifs de l’eau
France, monde : l’agriculture au centre de la problématique des ressources
Industrie : vers une consommation proche de zéro
Le secteur de l’énergie électrique mérite une mention spéciale
Eaux des villes : réduire les pertes dans les réseaux privés et publics
Les solutions technologiques
La France, un pays privilégié qui commence à connaître des tensions locales
Les comités de bassin, un modèle français exportable
Respect de l’environnement et exigence de durabilité
Interactions entre tensions sur les ressources et les autres enjeux de l’eau
Maîtriser les pollutions de l’eau par l’homme
Des pollutions d’origine essentiellement humaine
Le lourd tribut payé au manque d’assainissement
Des solutions forcément politiques difficiles à mettre en œuvre
Un clivage de développement entre pays
Maîtrise des pollutions : d’énormes progrès en France
Agences de l’eau : un système ingénieux d’incitation
France : un coût proportionné pour l’utilisateur
Monde : après usage en ville, l’eau sert de plus en plus à l’irrigation
Vers des objectifs mondiaux plus ambitieux
Permettre à chacun d’avoir un accès satisfaisant à l’eau potable et l’assainissement
Eau et assainissement, des éléments essentiels du développement durable qui font défaut à plus de la moitié de l’humanité
Résorber la fracture sociale liée à l’accès à l’eau
Accès à l’eau pour tous : une dimension fortement politique
Assurer le droit de chacun à l’eau potable et à l’assainissement
Assurer durablement des services publics de qualité
Monde : vers des objectifs plus ambitieux, en particulier en milieu urbain
Anticiper et gérer les catastrophes liées à l’eau
L’anticipation, pierre angulaire d’une gestion efficace
Prévenir les populations réduit le nombre de morts
Les catastrophes, facteur de contamination des eaux potables
Inondation : premier des risques de catastrophes naturelles en France
Des plans de prévention appropriés, l’exemple de Nîmes (Gard)
En France, une législation adaptée à mieux utiliser
Prévention des catastrophes naturelles : pas encore d’objectif mondial, mais des signes encourageants
Déclarer les données hydro-climatiques « biens d’intérêt public »
Enjeux politiques
L’impact aggravant des changements climatiques
Plus d’eau dans les zones humides, moins d’eau dans les zones sèches…
Un impact sur les quatre enjeux majeurs liés à l’eau…
Hausse du stress hydrique dans certains pays
Des inondations plus graves…
Les changements du climat dans le monde : des facteurs d’aggravation des problèmes
Les changements du climat, facteurs locaux d’aggravation en France
Conclusions et préconisations
Enjeux principaux de l’eau au niveau mondial
En France, des enjeux de même nature, des spécificités territoriales
L’action des Français hors de France dans le domaine de l’eau
Marseille 2012 : une occasion unique de progrès
Références
Rapports de référence des Nations unies
Publications de l’auteur
Résumé
Le stock mondial d’eau douce n’est pas insuffisant mais sa répartition pose un certain nombre de problèmes : un problème global dans les zones arides, un problème saisonnier dans les pays n’ayant pas de capacités de stockage suffisantes pour affronter la saison sèche, et un problème de qualité quand l’eau devient impropre à la consommation (comme dans le cas des inondations par exemple). Il faut donc passer d’une logique de gestion de la pénurie à une logique d’optimisation des usages en identifiant les besoins et en luttant contre le gaspillage. Pour accroître la quantité d’eau disponible, il faut améliorer la maîtrise des pollutions de l’eau par l’homme (polluants agricoles, rejet d’eaux polluées par les activités industrielles, eaux usées par les populations). La dépollution coûte cher et ne profite pas au payeur ce qui génère une difficulté à mobiliser les ressources nécessaires. C’est surtout le cas dans les pays en voie de développement, où la mauvaise qualité de l’eau finit par toucher l’ensemble du monde via le milieu marin. Un autre défi de taille est la réduction de la fracture entre ceux qui ont accès à l’eau potable grâce à un service public de l’eau et ceux qui doivent se la procurer par leurs propres moyens (la moitié de la population mondiale n’a pas l’eau du robinet).
Loin de provenir du manque global d’eau, ces difficultés sont le résultat d’un manque de volonté politique. En 2010, l’ONU a reconnu le droit humain à l’eau et à l’assainissement, les autorités publiques étant garantes de la mise en place effective de ce droit. Un quatrième défi est l’anticipation des catastrophes liées à l’eau que sont les sécheresses, les inondations et les tsunamis. Si aucun moyen de prévention ne peut éradiquer ces risques, il est nécessaire d’anticiper, en prenant en compte les nouvelles menaces (déforestation, changements climatiques, etc.) et en généralisant les moyens d’alerte. Lors des inondations, les réseaux séparatifs permettent d’évacuer par des conduits différents eaux usées et eaux pluviales et limitent ainsi les risques de contamination de l’eau. Si la responsabilité de la mauvaise gestion de ces catastrophes incombe généralement aux Etats, on peut regretter l’absence de plan mondial de prévention des catastrophes naturelles qui prennent notamment en compte les évolutions pluviométriques prévues par le GIEC.
Gérard Payen,
Président d’Aquafed, conseiller du Secrétaire général des Nations Unies pour les questions d’eau et d’assainissement.
Introduction
Les océans et les mers qui recouvrent les trois quarts du globe terrestre en font une « planète bleue ». Cette eau salée est un formidable réservoir qui permet à la machinerie météorologique de fabriquer, en continu, d’énormes quantités d’eau douce. L’eau douce, grâce à ce mécanisme à peu près constant, est une ressource renouvelée en permanence que les habitants des zones émergées peuvent, hormis dans les zones arides, utiliser pour leurs nombreuses activités. La planète dispose donc d’une ressource globale en eau douce a priori suffisante, dont une partie seulement est utilisée par les hommes et les écosystèmes. Une grande partie des précipitations s’écoule directement dans les océans.
Pourtant, l’eau peut manquer à ceux qui en ont besoin pour de multiples raisons : la variabilité de la pluviométrie dans l’année, la diversité climatique, la répartition des populations, les catastrophes naturelles, une lacune dans la gestion, de mauvaises décisions ou encore un défaut de gestion prévisionnelle des risques. Toutes ces causes peuvent rendre cette ressource difficilement disponible ou encore impropre à la consommation, avec des conséquences lourdes notamment en termes de santé publique, de survie ou de fonctionnement de la société.
L’urbanisation de la planète, la croissance démographique, le développement non maîtrisé des pollutions, l’expansion économique sont quatre facteurs dynamiques liés à l’homme qui accroissent chaque jour les tensions locales sur les ressources en eau et rendent plus difficile l’accès de tous à l’eau. Les problèmes ne sont pas seulement quantitatifs, ils sont également qualitatifs puisque les ressources faciles d’accès sont de plus en plus rarement potables. Dans certaines régions du monde, tous ces facteurs d’augmentation des « pénuries d’eau » ou de « stress hydrique » sont aggravés par les changements du climat. Par ailleurs, plus de la moitié de la population mondiale ne bénéficie pas d’un accès satisfaisant à l’eau potable.
La gestion de l’eau douce requiert de plus en plus d’attention collective. C’est un enjeu majeur pour les décennies à venir.
Ce document vise à exposer les grands enjeux intrinsèques à la problématique de la gestion de l’eau dans le monde et à analyser comment ils s’expriment en France. Il s’agit des enjeux pour l’action collective, des objectifs qu’il faut décider d’atteindre. Il ne s’agit pas d’évoquer les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir, sujet capital qui ne peut pas être développé ici. Dans les débats publics, les discussions portant sur les moyens d’action – qu’ils soient techniques, financiers ou organisationnels – masquent souvent les véritables enjeux qui exigent des décisions politiques.
Le propos du présent document est ainsi concentré sur les enjeux et les actions à entreprendre pour y faire face.
Il s’agit donc, ici, d’apporter aux décideurs des préconisations.
En préambule, il paraît important de rappeler que les principaux problèmes liés à l’eau au niveau mondial – qui s’expriment en termes d’utilisation des ressources, de maîtrise des pollutions, d’accès des populations à l’eau et de gestion des catastrophes naturelles – existent dans tous les pays. Mais, localement, les questions à résoudre diffèrent sensiblement dans leur causalité, leurs impacts et leur gestion. La gestion de l’eau douce est d’abord un problème local. On peut avancer que la France, partie prenante dans la problématique de l’eau au plan mondial, est privilégiée avec, pour chacun des challenges ci-dessus, une situation plus favorable que dans de nombreux pays.
Les enjeux de ces quatre problèmes fondamentaux se posent peu en termes de connaissance ou de technologie. Ils se posent essentiellement en termes d’organisation et d’action. Excepté pour les pays arides, le défi posé à l’ensemble des dirigeants et des décideurs de la planète ne relève pas de l’eau elle-même (renouvelable et relativement abondante) ni de la recherche de solutions (elles existent), mais d’une volonté politique et d’un engagement objectif et pragmatique.
Adopter des modèles de gouvernance et d’organisation institutionnelle adaptés aux contraintes propres à chaque pays ou à chaque zone géographique apparaît dès lors comme une condition primordiale à une résolution des problématiques de l’eau. Les réalisations éprouvées avec succès dans différents pays, dont la France, peuvent permettre de définir une organisation efficace pour chaque cas de figure, et ainsi améliorer les conditions de vie, de nutrition, d’hygiène, de santé et de sécurité pour l’ensemble de la population mondiale.
Enfin, « tout n’est pas dans tout »! La question des ressources disponibles est d’une autre nature que celle de l’accès à l’eau potable ou que celle de la pollution. Si les quatre principaux enjeux auxquels est confrontée la planète (les tensions croissantes sur les ressources ; l’accès des populations à l’eau potable ; la maîtrise des pollutions de l’eau ; la gestion des catastrophes naturelles) sont intrinsèquement autonomes, s’ils ont des dimensions et des problématiques propres, de nombreuses interactions existent.
S’organiser pour vivre avec des tensions croissantes sur les quantités d’eau douce
Le stock d’eau douce liquide présente sur les continents (de l’ordre de 11 millions de km3, essentiellement dans le sol) est réalimenté en permanence en partie à partir de l’eau des océans, quarante fois plus importante en volume. Chaque année, les précipitations rapportent sur la terre environ 120.000 km3 d’eau dont un tiers ruisselle jusqu’à la mer et le reste s’évapore. Si l’humanité n’utilise qu’une petite partie de ce volume renouvelé chaque année (voir tableau 1) cette utilisation par l’homme est, elle, en augmentation permanente. L’enjeu quantitatif qui se pose dans le monde n’est donc pas, dans l’absolu, la disponibilité globale des ressources, mais plutôt la satisfaction des besoins. Dès lors, la question est : comment rendre l’eau disponible en quantité suffisante au moment et aux endroits et où l’on voudrait qu’elle le soit ?
L’un des défis majeurs auquel le monde est confronté est donc celui des « tensions quantitatives croissantes sur la ressource en eau ». Autrement appelé « accroissement des pénuries locales d’eau » (« stress hydrique »), il réside dans la difficulté croissante que rencontrent de nombreux pays à satisfaire, avec les ressources disponibles, les besoins de leurs populations et de leurs économies tout en respectant les besoins des écosystèmes.
Les flux annuels peuvent ainsi apporter de grandes quantités d’eau dans une zone géographique ou dans un pays, sans pour autant que l’eau soit disponible au moment ou à l’endroit souhaité, ou lorsque le besoin s’en fait sentir. C’est le cas, par exemple, si aucune capacité naturelle ou artificielle de stockage des précipitations de la saison humide ne permet de disposer de réserves en saison sèche. Il peut aussi y avoir une forte pénurie d’eau utilisable lorsque l’eau des cours d’eau ou des nappes phréatiques est devenue impropre à la consommation. Ce phénomène se produit souvent, et malheureusement, au cours des inondations. C’est le cas typique de pénurie déclenchée par un excès d’eau et un tarissement des disponibilités en eau saine, potentiellement potable. Cette pénurie, ou la non-satisfaction des besoins en eau, peut aussi, bien sûr, résulter d’une carence d’eau dans une zone géographie particulièrement aride, comme le Sahara ou la péninsule arabique. En outre, le problème quantitatif n’est pas constant au niveau de la planète et dépend des périodes climatiques, donc des saisons.
Une multiplication des conflits d’usages
Au niveau mondial, il existe trois grands types d’utilisateurs de l’eau : l’agriculture, les entreprises industrielles et les populations, en particulier les zones urbanisées. Comme chacun de ces usagers consomme chaque année davantage d’eau, il est de plus en plus difficile de satisfaire les besoins de tous par une simple répartition des ressources, et ce d’autant plus que la nature a besoin qu’on lui laisse une quantité suffisante d’eau pour maintenir la biodiversité et les écosystèmes. Cette situation se traduit par une multiplication des conflits locaux d’usages, notamment entre les villes et les campagnes environnantes.
Tableau 1 : prélèvements mondiaux d’eau douce « pompable »
Copyright :
* Ces 2.664 km3 fournissent 22% de l’eau utilisée pour la croissance de la production agricole. Les 78% complémentaires proviennent de l’arrosage naturel par les pluies qui ne fait pas partie de l’eau « pompable ».
Source :
Water for Food, Water for Life, IWMI, 2007.
Sur le plan politique, cela signifie que les pouvoirs publics doivent s’impliquer de plus en plus fortement dans la gestion des ressources en eau et doivent affirmer de plus en plus leur autorité pour parvenir à des répartitions équitables.
Si les décisions des pouvoirs publics s’imposent naturellement et facilement dans les régions où il y a suffisamment d’eau, l’exercice du pouvoir devient beaucoup plus difficile lorsque la progression de la consommation d’eau provoque une situation de fort stress hydrique et met les utilisateurs dans un contexte tendu, voire conflictuel.
Une organisation collective précise et transparente est nécessaire pour que les besoins de chacun soient correctement évalués et que les efforts devenus indispensables soient répartis de façon pertinente. Les autorités ont de plus en plus besoin de prendre des décisions consensuelles et de s’appuyer sur des structures où tous les acteurs sont représentés. Ce type d’organisation, qui existe en France à travers les comités de bassin, est encore rare au niveau mondial.
Passer d’une répartition de la pénurie à l’optimisation d’usages successifs
Au niveau international, on a beaucoup discuté, ces dernières années, de la répartition des ressources disponibles. Pour certains, la problématique essentielle est de définir comment s’organiser pour allouer à l’agriculture, au secteur industriel et aux villes les volumes d’eau appropriés, de façon équitable. Cette démarche, qui conduit une partie de l’opinion à craindre de manquer d’eau, est insuffisante. Elle ne vise, en effet, qu’à trouver des solutions pour répartir une pénurie. S’il faut, bien sûr, assurer l’équité, il faut aussi trouver des moyens d’action avec un double objectif : procurer à chacun suffisamment d’eau pour satisfaire ses besoins en tirant le meilleur profit de l’eau disponible.
D’une part, les marges de productivité sont considérables. On peut donc éduquer chacun des utilisateurs à optimiser sa consommation et à ne pas gaspiller l’eau. En créant les mécanismes d’incitation correspondants, on peut ainsi réduire substantiellement les tensions. Cela suppose que les besoins de chacun soient identifiés, définis et maîtrisés tant au niveau des utilisateurs que des pouvoirs publics.
D’autre part, dans beaucoup d’endroits, seule une petite partie des écoulements naturels est utilisée. Des ressources additionnelles peuvent donc être mobilisées (en d’autres lieux, hors de France, toute l’eau est déjà exploitée et des fleuves n’atteignent plus la mer).
Toutefois, l’optimisation des usages et la lutte contre le gaspillage ou le gâchis est typiquement la stratégie à adopter vis-à-vis d’une ressource fossile non renouvelable. L’eau douce, qui, est généralement renouvelée chaque année et réutilisable plusieurs fois, n’est pas du tout dans cette situation. Optimisation des usages et lutte contre le gaspillage ne sont donc pas les seules voies à emprunter. S’organiser pour vivre avec des consommations croissantes d’eau passe par des démarches collectives plus ambitieuses qui tirent parti des caractéristiques propres à l’eau : il s’agit, pour les pouvoirs publics, d’organiser et de faciliter les usages successifs de l’eau en considérant les eaux usées comme des ressources et non pas comme des eaux perdues.
Enfin, si l’eau douce vient vraiment à manquer, il y a toujours, en zone côtière, la ressource inépuisable de la mer, de plus en plus utilisée après dessalement.
S’organiser pour vivre avec des tensions croissantes sur les ressources en eau douce paraît donc possible, même si cela nécessite une meilleure coordination collective.
Tracer et organiser les usages successifs de l’eau
Dans les faits, on observe que la plupart des utilisateurs non agricoles rendent l’eau à la communauté après usage. Sauf réseaux fuyards, c’est le cas des eaux urbaines. Sauf rejet sous forme de vapeur, c’est le cas des eaux industrielles. Ces eaux rejetées par les agglomérations et les installations industrielles peuvent très bien être réutilisées par d’autres si on s’y prend correctement. Si l’on fait en sorte, notamment, de maîtriser la pollution qu’elles contiennent (voir le chapitre II où cet enjeu est détaillé). Aujourd’hui, on sait réutiliser les eaux usées urbaines en agriculture, en production industrielle ou même comme eau potable. C’est une pratique assez courante dans certains pays, mais insuffisamment répandue dans le monde. Une organisation de la vie collective qui tienne compte des usages successifs de l’eau permet ainsi de résoudre de nombreux problèmes de pénurie d’eau. Cette évolution des mentalités représente un enjeu important. Force est de constater qu’il n’est pas au cœur des discussions actuelles menées dans les instances internationales même si, en pratique, la réutilisation successive, non organisée, de l’eau douce est courante dans un pays comme la France. Ce virage a déjà été pris, aussi, dans de nombreux pays du sud de la Méditerranée où les eaux urbaines servent à l’irrigation, ou encore à Singapour où les eaux urbaines sont recyclées plusieurs fois.
Il convient également d’organiser la gestion des ressources et des utilisations de l’eau dans le temps. Cela signifie, par exemple, cultiver des variétés agricoles qui consomment moins en saison sèche, ou encore, construire des barrages pour stocker l’eau en période humide afin de la réutiliser en période sèche. Si les pays développés, comme la France et encore plus l’Espagne, moins privilégiée, disposent de nombreux barrages, ce n’est pas le cas de nombreux pays en développement où l’absence d’infrastructures de stockage rend inutilisable la plus grande part du ruissellement. Ainsi, l’Ethiopie a cent fois moins d’eau stockée par habitant que l’Australie.
France, monde : l’agriculture au centre de la problématique des ressources
En France comme dans le monde, dans les régions ou les départements qui connaissent des problèmes de pénurie d’eau, le premier consomma- teur est le secteur primaire. L’augmentation des besoins générés par les activités d’irrigation agricole constitue le facteur principal d’accroisse- ment du stress hydrique.
L’arrosage des surfaces cultivées consomme, pour près de 80%, de l’eau de pluie. L’irrigation, qui utilise l’eau des rivières, des lacs, des nappes phréatiques ou des eaux déjà utilisées par d’autres, représente le reste, soit environ 20% de l’eau utilisée pour la production agricole. Cela peut paraître modeste mais, à l’échelle mondiale, ces 20% drainent 70% du total de l’eau « pompable » mobilisée par l’humanité pour l’ensemble de ses activités domestiques, industrielles et agricoles (voir tableau 1). En termes de consommation nette, c’est-à-dire d’utilisation de l’eau d’une façon qui interdit d’autres usages ultérieurs, l’irrigation représente même plus de 90% des usages de l’eau « pompable ». Cette question concerne chaque individu puisque s’il faut à chacun 50 à 200 litres par jour pour boire, vivre (hygiène, vaisselle, lessive, etc.) et éviter des maladies, il faut environ 3.000 litres d’eau (3 tonnes d’eau) chaque jour pour cultiver les aliments de sa nourriture.
Afin d’améliorer la situation, il revient aux principaux responsables de l’aggravation du stress hydrique de faire des efforts. Cela suppose de rendre plus performantes les techniques d’arrosage. Une exploitation agricole peut en effet réduire jusqu’à dix fois sa consommation d’eau pour produire la même quantité de produits. Cela peut aussi passer par le choix de variétés agricoles moins gourmandes aux périodes de fortes tensions sur la ressource (périodes sèches).
Industrie : vers une consommation proche de zéro
Les industriels constituent les deuxièmes utilisateurs d’eau en termes de volumes consommés. Beaucoup d’entreprises à travers le monde ont réalisé des progrès considérables pour réduire leur consommation et recycler un maximum de fois l’eau utilisée au cours des process industriels.
De nombreuses chaînes manufacturières récupèrent toutes les eaux en fin de cycle de fabrication, les dépolluent et les réinjectent en entrée de chaîne. Leur consommation extérieure d’eau est ainsi réduite substantiellement. De plus en plus d’entreprises, notamment françaises, affichent même une consommation extérieure proche de zéro. Elles peuvent utiliser une quantité énorme d’eau, mais qui reste constante.
Le secteur de l’énergie électrique mérite une mention spéciale
Rapport au Congrès du ministère de l’Energie, décembre 2006.
Dans de nombreux pays, en effet, ce secteur est de loin le plus gros utilisateur industriel d’eau douce. Il emploie l’eau pour refroidir les centrales thermiques ou nucléaires et pour produire de l’hydroélectricité. Seule une petite part de l’eau de refroidissement est évacuée dans l’atmosphère sous forme de vapeur, l’essentiel est rejeté dans le réseau hydrographique. Le seul impact de ces rejets sur la qualité de l’eau est un changement de température, certainement gênant pour les écosystèmes mais n’empêchant pas la réutilisation de cette eau par l’homme pour l’agriculture, l’industrie ou la population. Ainsi, aux États-Unis, en 2000, la consommation d’eau douce par le secteur thermoélectrique était à peu près égale à celle utilisée en irrigation. En revanche, la consommation nette du secteur était estimée aux environs de 3,3% de la consommation nette totale3. Dans le cas où l’eau est stockée derrière des barrages-réservoirs, les principaux impacts sur son usage collectif sont, d’une part, les pertes par évaporation, qui peuvent être importantes surtout dans les pays chauds, et d’autre part, le décalage temporel entre le stockage et le relargage.
Eaux des villes : réduire les pertes dans les réseaux privés et publics
Pour les populations et les villes, l’objectif est d’optimiser la consommation individuelle d’eau propre et de gérer au mieux les fuites dans les réseaux d’eau.
La consommation varie énormément d’un pays à un autre. Certains pays ont des marges d’action très importantes avec des consommations par personne doubles de celles observées en France.
Tous les réseaux sont confrontés au problème des fuites, occasionnées en particulier par les mouvements de terrain ou la vétusté des tuyaux. On peut qualifier ces fuites de normales mais on peut les réduire avec une maintenance précise, des réparations rapides et des renouvellements préventifs des parties fatiguées. En raison des coûts de ces interventions, il y a, dans chaque cas, un optimum économique. Vouloir trop réduire les fuites peut conduire à des dépenses excessives.
Les niveaux de déperdition sont plus ou moins importants suivant l’état des réseaux et le professionnalisme des opérateurs. Ils s’échelonnent de 10% à 60% selon les endroits et sont d’autant plus élevés que les réseaux sont longs avec, en conséquence, plus de pertes en habitat dispersé qu’en habitat dense. Les taux en France sont très variables selon les endroits.
Une part importante des pertes en eau provient de la partie privée des réseaux d’eau potable. En France, de nombreux gestionnaires d’immeubles collectifs ont fait d’importants efforts pour limiter les pertes de leurs réseaux intérieurs.
Les solutions technologiques
Deux grands types de solutions technologiques permettent de résoudre les problèmes quantitatifs en mobilisant des ressources nouvelles : le dessalement de l’eau de mer qui produit de l’eau douce et le recyclage des eaux urbaines après usage. Dans les deux cas, il existe des techniques éprouvées dont le prix a considérablement baissé. Ce sont de bonnes solutions dans les nombreuses configurations favorables : bord de mer pour le dessalement, eaux sans toxiques ni métaux lourds pour la réutilisation en irrigation par exemple.
On compte de plus en plus de villes dans le monde dont les eaux sont dépolluées après usage pour pouvoir être réutilisées. Voir les exemples dans le chapitre II.
La France, un pays privilégié qui commence à connaître des tensions locales
FAO-Aquastat
La France jouit d’un climat tempéré, les pénuries d’eau, c’est-à-dire les fortes tensions sur les ressources, y sont peu importantes et ne créent pas de problèmes insurmontables.
Avec près de 3.000 m3 par personne d’eau douce renouvelés chaque année, la France est un pays médian avec plus de ressources renouvelables par habitant que l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique ou même le Royaume-Uni4.
A la différence de nombreux pays, en France, les demandes en eau douce n’augmentent plus (voir tableau 2). Les consommations d’eau potable ont tendance à baisser. Les prélèvements industriels sont même en nette décroissance.
Les tensions les plus fortes s’observent dans les zones de climat méditerranéen, à cause de la faiblesse de la ressource, et dans celles de forte irrigation comme le Sud-Ouest, à cause de la croissance des consommations. La ressource en eau est dépendante, dans le temps, des irrégularités de la pluviométrie. Sauf dans certaines régions, comme la Bretagne, la France a la grande chance d’avoir beaucoup de nappes souterraines renouvelables.
Elles servent de réservoirs naturels et font tampon entre les périodes sèches et les périodes humides, les années sèches et les années humides.
Tableau 2 : évolution des volumes d’eau douce prélevés annuellement selon les usages
Source :
Ministère français de l’Écologie et du Développement durable
Dans les régions où la ressource en eau est limitée en période sèche, le secteur agricole cherche à faire des progrès dans son utilisation. Le choix des variétés de produits, en particulier, s’avère fondamental. Par exemple, si cultiver du maïs, très consommateur en eau, n’est pas aberrant sur le territoire français où la ressource est relativement abondante, les maïs ne sont pas tous équivalents. Une variété de maïs nécessitant un arrosage abondant en début de saison peut être moins gourmande pendant la période de pénurie saisonnière d’été.
Les comités de bassin, un modèle français exportable
La gestion optimale et équitable des usages de l’eau nécessite une structure de décision qui prend en compte la réalité des besoins et des possibilités. En France, pour chaque grand bassin hydrographique a été créé un comité de bassin, où tous les grands types d’usagers de l’eau de la région (collectivités territoriales, Etat, entreprises, pêcheurs, etc.) sont représentés. Le comité de bassin décide de manière réglementaire, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, les grandes orientations de la politique de l’eau dans le bassin hydrographique concerné.
Ces « mini-assemblées de l’eau » fournissent aux différents acteurs le moyen de se rencontrer, de mieux comprendre et appréhender les besoins et les contraintes de chacun. De tels instruments contribuent fortement à réduire les tensions psychologiques qui constituent un frein important à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions. Des études sociologiques ont en effet montré que, dans des contextes de conflits d’usages, les gens sont moins revendicatifs lorsqu’ils comprennent les besoins des parties adverses ou concurrentes et qu’ils ne sont pas focalisés sur leurs seuls problèmes. Ce modèle des comités de bassin est vertueux à double titre : il sert à résoudre les conflits et il a un rôle de régulateur. Il permet une gestion concertée de l’eau multi-accès, sur une région entière. En cas de réelle pénurie, néanmoins, la concertation ne sera pas suffisante et il est normal que l’Etat, seul habilité à autoriser les prélèvements, conserve un pouvoir régulateur car, plus les tensions augmenteront, plus les décisions à prendre relèveront du pouvoir politique.
En outre, ces comités soutiennent un système de péréquation financière mis en œuvre par les agences de l’eau, système qui crée une solidarité économique entre les divers utilisateurs localisés dans le bassin. Si la réalité de cette solidarité est en perpétuel débat, chacun inclinant à penser que les autres ne contribuent pas assez (en particulier, les pollutions diffuses ne semblent pas traitées à égalité avec les pollutions concentrées), cet organe crée en tout cas des incitations financières de nature à traiter les priorités collectives dans le bon ordre. C’est un modèle très original et très efficace, dont les principes pourraient utilement être copiés ailleurs dans le monde.
Respect de l’environnement et exigence de durabilité
Il y a une dizaine d’années le fleuve Jaune était à sec plusieurs semaines, voire plusieurs mois, par Une politique vigoureuse de gestion de la demande en eau à permis d’améliorer la situation.
Organiser la vie commune en gérant les tensions croissantes sur les ressources en eau devient de plus en plus délicat à mesure que les consommations augmentent ou, en cas de changement climatique, que les ressources baissent. Dans de nombreux endroits, les solutions mises en œuvre pour le court terme ne sont pas durables, soit qu’elles ne respectent pas les besoins de l’environnement soit qu’elles ne puissent techniquement fonctionner que sur une durée limitée.
Ainsi, de nombreux cours d’eau sont surexploités. Même de très grands fleuves, comme le fleuve Jaune en Chine ou le Pô en Italie ont des difficultés à arriver jusqu’à la mer (ou seulement avec des débits ridicules) pendant une partie de l’année5. Si cela peut satisfaire les besoins immédiats des hommes, les zones humides naturelles sont particulièrement affectées, avec des conséquences sur le long terme (réduction de la biodiversité, etc).
De plus, si la pluviométrie renouvelle le flux d’eau douce qui est disponible chaque année, grande est la tentation de prélever sur les réserves en eau, c’est-à-dire sur les stocks naturels d’eau que sont les nappes souterraines. Ces nappes servent en effet de réservoirs tampons et il est judicieux de les utiliser pour réguler les écarts temporels entre saison sèche et saison humide ou entre années sèches et années humides. Hélas, sur un nombre croissant de sites, les hommes prélèvent chaque année dans ces nappes davantage que leur recharge naturelle par infiltration. Une telle exploitation n’est pas durable : le niveau des nappes baisse, puis elles disparaissent. C’est le cas aussi bien dans des pays en développement (l’est de l’Inde) que dans des pays développés (grande nappe de l’Ogallala aux États-Unis). Dans certains cas extrêmes de pays désertiques, ce sont des nappes fossiles et donc sans renouvellement qui sont sollicitées comme en Lybie ou en Arabie saoudite. Dans les pays où les nappes se renouvellent, ces modes de gestion non durable de l’eau sont très préoccupants. Prélever sur les nappes est plus facile à court terme que de réguler la demande et organiser les usages successifs de l’eau. Mais cela n’habitue pas les hommes à des comportements plus respectueux de la valeur de l’eau et rendra nécessaire un jour des changements radicaux des modes de vie.
En France, le niveau des nappes est surveillé. Il y a des fluctuations bien normales. La difficulté de gérer les stocks d’eau souterrains n’est pas d’ordre quantitatif. Elle est surtout d’ordre qualitatif, avec de nombreuses nappes dont la qualité de l’eau se dégrade progressivement par infiltration de pollutions diffuses (nitrates, pesticides). Pendant des années voire des décennies, cela ne pose problème à personne puis, un jour, les seuils de polluants autorisant à exploiter la nappe comme ressource brute pour fabriquer de l’eau potable sont dépassés et il faut trouver des ressources alternatives. Dépolluer une nappe est un travail de très longue haleine.
Comme le répète le président du Conseil mondial de l’eau, Loïc Fauchon, l’ère de l’eau facile est terminée. Aujourd’hui, avec la croissance constante des consommations, dans de nombreux endroits il est indispensable de mieux respecter les ressources en eau et d’organiser une gestion minutieuse de l’utilisation des ressources. Cela nécessite des structures permettant aux différents utilisateurs de se rencontrer. Cela requiert aussi des décisions de plus en plus exigeantes, difficiles à prendre, qui relèvent du pouvoir politique. Les solutions de facilité, non durables, sont des pièges qui préparent des lendemains douloureux.
Interactions entre tensions sur les ressources et les autres enjeux de l’eau
Comme annoncé ci-dessus, la gestion des tensions sur les ressources en eau est un sujet distinct de celui des autres grands enjeux détaillés dans ce document, comme la maîtrise des pollutions, l’accès des populations à l’eau potable ou les catastrophes liées à l’eau. Il y a cependant des interactions entre ces diverses questions.
L’interaction principale se joue entre la pénurie de ressources et la maîtrise des pollutions. D’une part, les pollutions non contrôlées dégradent les ressources naturelles et limitent celles disponibles, par exemple, pour fabriquer de l’eau potable. Des nappes se polluent parce que des engrais excédentaires, des pesticides ou des rejets d’origine animale s’infiltrent dans les sols. D’autre part, pour organiser des usages successifs de l’eau, il est indispensable de maîtriser les pollutions générées par son utilisation et, souvent, de la dépolluer avant de pouvoir la destiner à un usage ultérieur.
Il y a également un lien entre pénuries et catastrophes : certains barrages-réservoirs servent à la fois à stocker l’eau collectée à la saison humide et à écrêter les crues pour éviter les inondations. Cela nécessite alors une gestion appropriée du barrage car ces deux objectifs peuvent être antinomiques.
Enfin, pour que tout le monde ait un accès satisfaisant à l’eau potable, il faut être capable de mobiliser suffisamment de ressources en eau. Mais le problème principal de l’accès à l’eau pour tous est essentiellement un problème d’organisation des communautés et de volonté politique, comme décrit, ci-après, dans le chapitre III.
Maîtriser les pollutions de l’eau par l’homme
Des pollutions d’origine essentiellement humaine
Dans la nature, l’eau pure est un mythe. L’eau est souvent polluée naturellement, et donc impropre à la consommation humaine. Pour avoir de l’eau potable il faut la dépolluer, la purifier ou la désinfecter. Ces opérations nécessitent le plus souvent une organisation collective car les particuliers n’ont pas les moyens de rendre eux-mêmes l’eau salubre. Faute d’avoir accès à un service public de distribution d’eau, des milliards de personnes dans le monde utilisent ou consomment une eau insalubre. Mais la pollution naturelle n’est pas le fléau principal, sauf dans certains pays comme le Bangladesh où une pollution naturelle des eaux à l’arsenic contamine une très grande partie des puits qui alimentent les populations. La majeure partie des pollutions, ou au moins de leur diffusion, provient de l’activité humaine.
Les trois facteurs principaux de pollutions issues de l’activité humaine ont déjà été évoqués. Ce sont les polluants agricoles (rejets d’élevage, nitrates et pesticides…), les eaux rejetées par les activités industrielles et les eaux usées, évacuées sans précautions ou avec des précautions insuffisantes par les populations.
Le lourd tribut payé au manque d’assainissement
Voir Safer water, better health : costs, benefits and sustainability of interventions to protect and promote health, OMS, Genève, 2008.
En réalité, l’objectif « eau » sera atteint en 2015, mais malheureusement, l’objectif « assainissement » visant l’accès à des toilettes correctes ne sera pas atteint, et de loin.
La pollution des cours d’eau par les activités humaines affecte directement les écosystèmes. Même à Paris, les orages exceptionnels peuvent lessiver toits et sols et déverser dans la Seine suffisamment de polluants pour tuer des tonnes de poissons. Les impacts des eaux usées sur l’environnement sont tellement évidents qu’ils sont, à juste titre, très présents dans les préoccupations de l’opinion publique. Il n’est pas nécessaire de les développer ici.
Mais il n’y a pas que la nature qui souffre des pollutions transportées par les eaux usées. 2,4 millions de personnes meurent chaque année de maladies résultant de contaminations de l’eau de consommation par des matières fécales ; près des deux tiers (soit 1,5 million) en raison de maladies de type diarrhéique (diarrhées, choléra, dysenterie, typhoïde, etc.)6. De meilleures conditions d’accès à l’eau potable et un meilleur assainissement permettraient de sauver de très nombreuses vies.
Une étude de 2007 a estimé le nombre d’accès diarrhéiques évités en fonction de différents seuils d’amélioration de l’accès à l’eau potable ou à l’assainissement. Elle montre que les objectifs actuels dits « objectifs du millénaire pour le développement » (OMD), s’ils étaient atteints en 2015 comme espéré initialement, conduiraient à une réduction significative (10% environ) – mais somme toute faible – du nombre de cas de diarrhées7. Le tableau 3 montre que des politiques beaucoup plus ambitieuses que les OMD sont nécessaires pour améliorer significativement la santé des populations. La collecte et la dépollution des eaux usées paraissent indispensables même si, pour ce faire, diverses possibilités existent, y compris des solutions au niveau individuel pourvu qu’elles s’intègrent dans des filières complètes de maîtrise de la pollution.
Tableau 3 : comparaison de différents types de politiques en termes de nombre de diarrhées évitées*
Copyright :
* Calculé à partir de Global cost-benefit analysis of water supply and sanitation interventions, Hutton, Haller and Bartram, 2007.
Des solutions forcément politiques difficiles à mettre en œuvre
Voir Sick water ? The central role of wastewater management in sustainable development, UN-Water, 2009.
Dépolluer l’eau présente un coût élevé. S’il est souvent attendu que le pollueur soit le payeur, celui-ci est rarement le bénéficiaire. Les pollutions sont gênantes pour les populations et les écosystèmes en aval, pas pour lui. Les pollueurs n’ont pas d’intérêt direct à dépenser de l’argent pour dépolluer leurs rejets. A l’inverse de l’eau propre que les individus vont chercher par leurs propres moyens s’ils n’ont pas de livraison à domicile, il est rare que des investissements de dépollution soient décidés sans contrainte extérieure. Ainsi, la maîtrise de la pollution est-elle une problématique essentiellement collective, du ressort des pouvoirs politiques. Mais, au niveau politique, décider de mobiliser des sommes pour réaliser des ouvrages collectifs de dépollution n’est jamais facile.
- Si cette problématique de la pollution des eaux est de mieux en mieux cernée dans les pays riches, les investissements n’y sont le plus sou- vent décidés que par crainte de pénalités. La réglementation y est déterminante.
- Dans un grand nombre de pays en développement, les eaux usées ne sont, pour la plupart, pas dépolluées. On estime aujourd’hui qu’au moins 90% des eaux usées rejetées par les industries et les populations de ces pays ne sont pas épurées9.
Chaque année, les hommes utilisent plus d’eau donc polluent plus d’eau, ce qui complique les usages successifs. Cette situation est devenue un problème majeur au niveau mondial.
Un clivage de développement entre pays
Certaines nations affichent et portent des objectifs ambitieux de maîtrise de leurs pollutions. C’est notamment le cas des pays de l’Union européenne. L’UE s’est dotée d’une série de directives extrêmement strictes. Aujourd’hui, en France comme dans la plupart des autres pays européens, les coûts annuels de gestion des eaux usées et de leur pollution sont plus élevés que ceux de la distribution d’eau potable.
En parallèle, d’autres pays font, certes, ce qu’ils peuvent, mais consacrent, pour le moment, moins de moyens financiers à la maîtrise des pollutions qu’à la mobilisation de ressources en eau. Ce sujet génère un véritable clivage de développement entre pays.
Les pays qui mobilisent des moyens importants pour la dépollution des eaux voient la qualité de celles-ci s’améliorer très nettement. En Europe, les décisions collectives contraignantes ont porté effet. C’est le cas en France où la qualité de l’eau de nombreuses rivières s’est améliorée. En revanche, il y a dans le monde beaucoup de fleuves et de rivières dont la qualité de l’eau continue à se dégrader.
Cette situation n’est pas satisfaisante au plan international. Les pollutions des eaux des pays les moins « vertueux » peuvent se propager aux pays limitrophes s’ils partagent des masses d’eau communes. En outre, le milieu marin est le récepteur commun.
Si l’on raisonne au cas par cas, pays par pays, les situations sont donc assez différentes en matière de pollutions des eaux douces. En certains endroits, la situation s’améliore. Dans d’autres, elle se dégrade. La moyenne a peu de sens. Ceci étant, l’absence d’objectif commun mondial cause un lourd préjudice. D’une part, la mer n’est pas indemne. D’autre part, cela ne facilite pas l’établissement de politiques locales ambitieuses.
Maîtrise des pollutions : d’énormes progrès en France
Selon le ministère de l’Ecologie, à la fin 2008, on ne comptait plus que 9% des agglomérations de plus de 2000 équivalent-habitants sans installation d’épuration des eaux usées conforme à la réglementation.
La France peut exposer de bons résultats dans la maîtrise des pollutions. Grâce aux efforts des industriels, des élus et des populations, des avancées considérables ont été réalisées. D’énormes progrès ont été faits pour traiter les pollutions industrielles. La construction de centaines de stations d’épuration a permis des progrès très significatifs dans le domaine des pollutions urbaines10.
Il reste cependant des efforts à faire. En matière de dépollution, depuis 2000, la barre est désormais placée plus haut en Europe, et donc dans l’Hexagone. L’objectif, aujourd’hui, n’est plus d’atteindre un taux de dépollution des eaux usées dans les stations d’épuration urbaines, mais de garantir « un bon état écologique et chimique des masses d’eau ». Cette ambition revient à garantir la qualité de l’eau dans les fleuves et les rivières. Cette évolution de la réglementation européenne oblige non seulement à mettre en place des infrastructures mais également à contrôler le résultat. Pour y arriver, il faut non seulement de maîtriser les rejets d’eaux utilisées dans les agglomérations, mais aussi se préoccuper de la pollution transportée par les eaux pluviales qui nettoient toitures et trottoirs lorsqu’elles ruissellent en ville. Il faut également contrôler les pollutions « diffuses » qui menacent en particulier les nappes souterraines. C’est le sens des efforts actuels d’amélioration des installations d’assainissement individuelles rattachées désormais au « service public d’assainissement non collectif ». C’est aussi le but des efforts de maîtrise des pollutions d’origine agricole (nitrates, pesticides, etc.).
Agences de l’eau : un système ingénieux d’incitation
Le mécanisme financier utilisé en France pour stimuler la réalisation et le fonctionnement des systèmes de gestion de la pollution est remarquable. Chaque utilisateur d’eau en France verse des redevances (redevances de prélèvement et de pollution) à l’agence de l’eau dont il relève. Les sommes récoltées sont utilisées pour subventionner la réalisation ou le fonctionnement des ouvrages de maîtrise des pollutions (stations d’épuration, réseaux de collecte, etc.) ou des actions de restauration et d’entretien des milieux aquatiques.
Ce mécanisme est efficace et très vertueux. Pour une collectivité responsable des eaux usées d’une population, il a le mérite de rendre des investissements de maîtrise des pollutions moins coûteux, et cela immédiatement. Ainsi, une collectivité locale qui souhaite ou qui doit engager ce type d’investissement est aujourd’hui subventionnée à hauteur de 50%. C’est une forte incitation à l’action, source de la plupart des progrès sur le terrain. L’agence de l’eau procède ainsi à une péréquation de la moitié de la charge financière sur l’ensemble des utilisateurs, ce qui facilite les prises de décisions pour ceux qui ont besoin d’investir.
La seconde grande vertu de ce modèle, qui existe dans très peu de pays au monde, est de permettre au système de progresser en appliquant une politique nationale dans un pays complètement décentralisé. En France, la gestion de l’eau potable et de l’assainissement est du ressort des municipalités. L’Etat a des responsabilités nationales et des obligations au niveau international et européen sans pour autant avoir de moyens physiques d’action et sans disposer, sauf en cas ultime, de moyens coercitifs.
Cette situation de liberté des communes peut paraître paradoxale pour des investissements à leur charge dont elles ne sont pas les bénéficiaires. Ainsi, le système des agences de l’eau est une façon de donner à l’Etat de forts moyens d’incitation tout en respectant le libre arbitre des collectivités. Via les redevances aux agences de l’eau, les pouvoirs publics – et la communauté des utilisateurs représentés dans le comité de bassin – peuvent orienter les réalisations sur le terrain. Comme aucune commune n’a intérêt à investir seule en ignorant la possibilité de subventions à un taux élevé, l’Etat est de facto le régulateur économique des programmes d’assainissement en France.
France : un coût proportionné pour l’utilisateur
Valeurs numériques calculées à partir du rapport Les services publics d’eau et d’assainissement en France, BIPE/FP2E, 2010.
L’évolution positive de la maîtrise des pollutions en France explique l’essentiel des hausses de tarifs de l’eau au cours de ces vingt dernières années. Dans de nombreuses villes, le prix du mètre cube d’eau comprend une part liée au traitement de la pollution supérieure à celle de l’acheminement de l’eau potable.
A l’échelle du bassin hydrographique, « l’eau paye l’eau » : ce qui signifie que les utilisateurs des services publics d’eau et d’assainissement payent ensemble l’essentiel des dépenses correspondantes. Les subventions externes au secteur de l’assainissement, provenant des budgets des collectivités territoriales, représentent moins de 15% de ce qui est payé par les utilisateurs. Localement, les systèmes tarifaires organisent des subventions croisées entre utilisateurs, assurant une solidarité locale. En outre, les redevances « pollution » aux agences de l’eau créent une solidarité économique au niveau du bassin en répartissant 16% du coût de l’assainissement entre les utilisateurs du bassin11.
Monde : après usage en ville, l’eau sert de plus en plus à l’irrigation
Parmi les avancées notables dans la maîtrise des pollutions, la réutilisation des eaux urbaines en irrigation est de plus en plus développée dans les pays arides ou confrontés aux tensions hydriques. C’est le cas dans tous les pays du golfe Persique mais aussi du Maghreb.
Organiser l’usage successif de l’eau de la ville à l’agriculture suppose un contrôle précis de la qualité des eaux usées, notamment pour éviter la présence de métaux lourds ou d’autres substances dangereuses pour la santé. Cela suppose de gérer les rejets, de prendre des précautions en amont – à la source même des pollutions industrielles –, mais aussi d’instaurer un traitement de dépollution adapté. La viabilisation de l’usage de l’eau urbaine en agriculture peut ainsi aboutir à la mise en place de contrôles chez les industriels.
La réutilisation des eaux d’égouts pour alimenter les industries est également de plus en plus fréquente dans un nombre croissant de pays. Devant leurs difficultés grandissantes à trouver des volumes d’eau, les industriels se tournent vers la ressource des eaux usées des villes qu’ils utilisent après traitement de dépollution. C’est notamment le cas en Chine, à Singapour, en Afrique du Sud, en Californie ou au Venezuela.
On commence aussi dans le monde à fabriquer de l’eau potable avec des eaux usées. Depuis longtemps Windhoek, la capitale de la Namibie, le fait. De même que Singapour qui s’est organisée pour devenir totalement autonome en matière d’eau.
L’enjeu de maîtrise des pollutions et l’enjeu relatif aux tensions sur les ressources sont, on le voit, intimement liés puisque la dépollution génère des ressources additionnelles. Lorsque les pays, ou plus généralement les communautés humaines, s’organisent pour maîtriser les pollutions, cela autorise ainsi des usages successifs de l’eau qui réduisent énormément les tensions quantitatives.
Vers des objectifs mondiaux plus ambitieux
En mars 2009, les gouvernements des Etats réunis à Istanbul lors du 5e Forum mondial de l’eau ont décidé, pour la première fois, d’adopter des orientations communes vis-à-vis des eaux usées. Ils ont déclaré vouloir faire davantage pour la collecte, la dépollution et la réutilisation des eaux usées. Cette déclaration d’Istanbul porte une intention. Il faut désormais lui donner un contenu opérationnel.
Permettre à chacun d’avoir un accès satisfaisant à l’eau potable et l’assainissement
Eau et assainissement, des éléments essentiels du développement durable qui font défaut à plus de la moitié de l’humanité
Données OMS, in Safe Water, Better Health, OMS 2008.
Les maladies liées à l’eau tuent plus que les conflits armés. Chaque année 2,4 millions de personnes meurent de maladies liées à l’eau par déficience d’eau potable, d’assainissement ou d’hygiène. Plus de la moitié, dont 1,4 millions d’enfants de moins de 14 ans, en raison de diarrhées12. Toutefois, l’accès à l’eau potable n’est pas seulement un enjeu pour la santé.
Les populations ont besoin d’eau potable et d’assainissement pour leur vie quotidienne et leur bien-être, mais aussi pour pouvoir aller à l’école, avoir le temps de travailler, réduire les coûts de santé, créer des activités économiques, etc. Au-delà de leurs impacts directs sur la santé publique, l’eau potable et l’assainissement sont des éléments essentiels du développement durable par leur dimension sociale, économique et environnementale. Ce sont des facteurs déterminants des politiques de développement et, en particulier, des objectifs du millénaire pour le développement13. Pourtant, des milliards de personnes n’y ont pas accès. Plus de la moitié de l’humanité n’en bénéficie pas de façon satisfaisante.
Au sens générique, l’assainissement permet aux populations de vivre dans un milieu plus sain en évacuant les rejets des activités humaines et des zones d’habitation : excréments et urine, eaux usées, déchets solides, eaux pluviales. Pratiquement, en ce qui concerne l’eau, cela revient à mettre en place des installations sanitaires qui empêchent l’auto-contamination tout en respectant la dignité des personnes. Cela consiste ainsi à organiser l’évacuation des rejets humains, des eaux usées, des eaux pluviales d’une façon qui ne contamine ou ne mette en danger ni les voisins ni le sol et les eaux qu’il contient.
Pour que chacun bénéficie d’un accès satisfaisant à l’eau potable et à l’assainissement, il convient : d’une part, d’étendre les services publics à tous ceux qui en ont besoin, d’autre part, d’assurer des services de qualité.
Résorber la fracture sociale liée à l’accès à l’eau
Accès : une fracture sur fond de carence de service public
En France, eau potable et assainissement sont largement considérés comme des services publics. La quasi-totalité des logements est raccordée aux réseaux d’eau potable. La plupart sont raccordés aux réseaux d’égouts, et ceux qui ne le sont pas sont dotés d’installations individuelles, qui sont contrôlées par la collectivité dans le cadre du service public d’assainissement autonome (SPANC).
Dans le monde, la situation est bien différente. Des milliards de personnes n’ont accès à aucun service public. Les réseaux d’eau potable n’atteignent qu’un peu plus de la moitié de la population mondiale, les réseaux d’assainissement, pas plus de 30%. Il existe une véritable fracture, largement sous-estimée en France, entre deux types de populations, la première qui bénéficie d’une organisation collective en service public et la seconde qui doit se débrouiller par ses propres moyens, souvent avec un coût souvent plus élevé et des contrôles de qualité inexistants. C’est une injustice flagrante. Deux parties de la population, souvent très proches les unes des autres, habitant des quartiers voisins, vivent dans des conditions très dissemblables.
Pour résoudre cette problématique, il faut élargir l’accès aux services publics de l’eau et de l’assainissement mais aussi que les pouvoirs publics s’assurent que tous les individus puissent disposer d’une eau de qualité dans des conditions satisfaisantes et parviennent à évacuer leurs rejets sans dommages à leurs voisins ou à l’environnement.
Même l’Assemblée générale des Nations unies a répété cette erreur d’appréciation en juillet 2010 malgré les avertissements des experts !
Fin 2008, 884 millions de personnes utilisaient des sources d’eau dites « améliorées », selon les statistiques ONU. Il n’y a pas de statistiques mondiales permettant de connaître précisément la qualité de l’eau utilisée par les populations ne bénéficiant pas de l’ « eau courante ».
Statistiques ONU.
Estimation peu précise à partir des documents OCDE et ONU.
Source : Au-delà de la pénurie : pouvoir, pauvreté et crise mondiale de l’eau. Rapport mondial sur le développement humain 2006, PNUD.
Une réalité souvent minorée dans les chiffres
Selon des chiffres répétés à l’envi, environ 900 millions de personnes vivant à travers le monde n’auraient pas accès à l’eau potable14. La réalité est malheureusement bien plus sombre. Cette estimation de 900 millions ne correspond qu’à ceux qui n’ont pas un accès minimal à l’eau à savoir une source d’eau protégée contre les contaminations essentiellement animales15. Cela ne veut pas dire que les autres utilisent une eau « potable », c’est-à-dire saine.
En effet, près de 3 milliards d’individus ne disposent pas d’un robinet d’eau chez eux ou à proximité immédiate. Astreints à la corvée d’eau, beaucoup d’entre eux utilisent des puits dont le contenu ne fait l’objet d’aucun contrôle ni d’aucune désinfection.
Sur les 3,8 milliards qui ont accès à l’eau du robinet, sans doute 1 milliard environ n’ont pas l’eau courante comme en France mais ont de l’eau seulement par intermittence, quelques heures par jour ou quelques jours par semaine. Cette eau n’est alors pas « potable». En effet, l’interruption de l’alimentation en eau provoque une baisse de pression dans les réseaux de distribution. L’étanchéité des réseaux étant imparfaite et les fuites fréquentes, l’eau du sol peut s’infiltrer dans les tuyaux sans pression ce qui ouvre la voie aux pollutions contenues dans le sol. Des eaux contaminées qui seraient présentes dans le sol, en raison d’égouts fuyards ou bien d’absence d’égouts, peuvent ainsi se retrouver aisément dans l’eau potable.
Ainsi, près de 4 milliards d’êtres humains utilisent chaque jour de l’eau de qualité douteuse voire contaminée. C’est plus de la moitié de l’humanité, et beaucoup plus que les 900 millions que chacun répète sans savoir ce que recouvre exactement ce nombre.
Dans beaucoup de villes au monde, les deux tiers des populations bénéficient d’un service public, soit parce qu’elles sont raccordées à un réseau de distribution d’eau et ont un robinet à domicile, soit parce qu’elles ont accès à des fontaines publiques. Dans ce dernier cas, elles doivent souvent consacrer beaucoup de temps à « faire la queue » ou alors faire appel à des intermédiaires. Le tiers restant doit se débrouiller seul, souvent en achetant de l’eau à des porteurs ambulants ou à des camions-citernes dont la source d’approvisionnement leur est totalement inconnue.
Beaucoup de personnes connaissent ainsi la corvée quotidienne de l’eau, qui revient souvent à faire des kilomètres à pied pour s’approvisionner. Une tâche dévolue prioritairement, dans certains pays, aux femmes et aux enfants et qui induit des problèmes sociaux et éducatifs graves, dont la déscolarisation et l’illettrisme.
Tableau 4 : indicateurs statistiques ONU
Accès à l’eau pour tous : une dimension fortement politique
Source : Au-delà de la pénurie : pouvoir, pauvreté et crise mondiale de l’eau. Rapport mondial sur le développement humain 2006, PNUD.
Dans le cadre de l’ONU, les gouvernements ont pris deux décisions pour répondre aux objectifs du millénaire pour le développement : 1°) diviser par deux, d’ici à 2015, la proportion de la population mondiale sans un accès minimal à l’eau – dit accès « amélioré » (essentiellement protection contre les contaminations animales – 1,2 milliard de personnes en 1990, 0,9 milliard en 2008, objectif 2015: 0,8 milliard). 2°) diviser par deux la proportion de la population mondiale sans accès à des toilettes hygiéniques et privatives (2,4 milliards de personnes en 1990, 2,6 milliards en 2008, objectif 2015 irréaliste : 1,7 milliard !).
On pense parfois que le manque d’accès à l’eau des populations provient de l’insuffisance de la ressource naturelle et que la priorité est donc de mieux gérer le stock disponible. Cette idée est largement fausse. Des pays où l’eau est abondante ont une partie importante de leur population qui n’a pas d’eau potable (Congo, Bangladesh, etc.).
Dans la plupart des cas, les problèmes d’accès insuffisant résultent des politiques menées par les pouvoirs publics qui n’ont pas trouvé les moyens, ou, plus souvent, n’ont pas eu la volonté de s’organiser pour apporter une eau saine et potable à tous. Le coût d’une organisation permettant de relever le défi de l’accès à l’eau pour tous nécessite une politique volontariste et, au moins pendant un temps, une mobilisation significative des budgets publics. Comme c’est souvent une priorité politique de second rang, les moyens manquent.
Ainsi, la part accordée à cet enjeu dans les budgets publics est très variable d’un pays à l’autre, traduisant leurs différences de priorités politiques. Les budgets alloués à l’alimentation en eau potable et à l’assainissement varient de 0,3% à 2% du PIB selon une étude partielle de l’ONU19. Dans les pays qui investissent plus, l’accès à l’eau se développe évidemment plus vite.
Toutefois, dans la problématique générale de l’eau, l’accès à l’eau et à l’assainissement de base (toilettes hygiéniques privatives) sont les deux sujets pour lesquels des objectifs sont les plus clairement définis au niveau mondial. Bien qu’imparfaits, les deux objectifs du millénaire pour le développement (OMD)20 qui les concernent sont chiffrés et très médiatisés. Cette position « privilégiée » reflète bien la dimension forte- ment politique du thème.
Public ou privé, une controverse dilatoire
Dans plusieurs pays, les débats sur les mérites respectifs de la gestion du service public de l’eau potable par des opérateurs publics ou privés sont permanents. Ces débats ont tendance à se focaliser sur les moyens d’action, les opérateurs n’étant que les instruments des politiques publiques, et à méconnaître l’ampleur des besoins et l’attente des exclus du service public. En effet, les opérateurs peuvent proposer des solutions, optimiser l’efficacité technique et économique d’un système, mais il ne leur revient pas de fixer les objectifs de service ou de couverture ni les tarifs à appliquer. Comme l’a indiqué le rapport sur le développement humain 2006 des Nations unies, ces controverses cherchant à opposer opérateurs publics et privés sont une perte de temps qui pénalise essentiellement ceux qui attendent qu’on s’occupe d’eux, souvent les plus pauvres. Dans les pays en développement, sous la direction et le contrôle des pouvoirs publics, des opérateurs privés ont permis à plus de 25 millions de personnes supplémentaires, majoritairement pauvres, d’avoir accès aux réseaux d’eau potable en moins d’une décennie21. En pratique, les opérateurs, publics ou privés, sont confrontés essentiellement aux mêmes contraintes et leurs facteurs de succès sont de même nature. Pour les utilisateurs, ce qui compte c’est l’effectivité et la qualité du service, pas l’identité du propriétaire de la main qui leur apporte le service.
Nota : Les données numériques d’accès proviennent directement, ou sont déduites, des statistiques ONU officielles sur l’accès à l’eau et à l’assainissement publiées par le « Joint Monitoring Programme » OMS- UNICEF (www.wssinfo.org).
Objectifs du millénaire pour le développement : de bons résultats, mais imparfaits
La volonté commune de progresser traduite par les OMD et les politiques nationales permettent des avancées très significatives. Entre 2000 et 2008, le nombre de personnes bénéficiant de robinets d’eau a progressé de 545 millions sur la planète22. Le nombre de ceux qui ont accès à des sources dites « améliorées », l’objectif minimal, a progressé de façon encore plus importante : 810 millions, plus de 100 millions par an, 275.000 par jour! Hélas, même si le nombre de personnes utilisant des toilettes hygiéniques et privatives a, lui, augmenté de 570 millions, ce n’est pas suffisant pour faire diminuer le total de personnes qui n’ont pas accès à ce type d’assainissement et l’OMD relatif à l’assainissement de base ne sera pas atteint et de loin.
Malgré ces réalisations très importantes, le mécanisme des objectifs du millénaire pour le développement est loin d’être parfait. Les progrès constatés ne sont pas uniformes. De plus, l’accent mis par l’objectif d’accès à l’eau potable sur un seul indicateur de résultat, au demeurant minimaliste puisqu’il ne se réfère qu’à la protection de l’eau contre les contaminations par des animaux sans viser la potabilité de l’eau, contribue à sous-estimer les besoins réels des populations et à ne faire progresser significativement que ceux qui sont dans les situations les pires.
Concernant l’assainissement, l’objectif du millénaire, lui aussi minimaliste, a engendré de nombreux malentendus et quiproquos. En effet, il ne porte que sur l’assainissement de base, c’est-à-dire l’accès des particuliers à des toilettes hygiéniques et privatives, en faisant l’impasse sur la problématique de l’évacuation de leurs eaux usées. Certes, le besoin de toilettes est essentiel et la découverte statistique de 2008 estimant que 1 être humain sur 6 n’a pas d’autre choix que la défécation en plein air a eu l’effet d’une bombe. Ceci étant, il est également nécessaire de gérer les eaux usées, surtout en habitat dense. On doit cette aberration dans le programme OMD au fait que la question de l’évacuation de la pollution des zones d’habitat n’était pas encore un sujet de préoccupation politique à l’échelle mondiale en 2002.
Urbanisation : une tendance lourde, insuffisamment prise en compte
Le problème de l’accès à l’eau se pose avec une acuité particulière dans les villes, en raison d’une tendance lourde : l’urbanisation croissante de la planète. Aujourd’hui, la population se répartit à peu près à égalité dans les zones rurales et urbaines, mais la quasi-totalité de la croissance démographique se produit dans les villes. Une question majeure se pose alors : ce phénomène, qui transforme les besoins en eau, est-il suffisamment pris en compte par les différents pays et au plan mondial ?
La réponse est nuancée. En effet, si nombre de pays ont clairement compris qu’il fallait faire d’énormes efforts en zones urbaines, si des centaines de millions de nouveaux urbains ont un accès satisfaisant à l’eau depuis le début du siècle, les efforts entrepris ne sont pas suffisants pour compenser la dynamique démographique urbaine. Au total, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement se dégrade en milieu urbain.
L’urgence urbaine
L’analyse que l’on peut faire des statistiques officielles les plus récentes délivrées par l’ONU, qui couvrent la période 2000-2008, montrent entre le milieu rural et le milieu urbain une grande disparité des effets des politiques engagées. Entre 2000 et 2008, la population mondiale s’est accrue de 635 millions de personnes dont 511 millions (80%) vivent en milieu urbain et 124 millions (20%) en milieu rural.
Tableau 5 : tendances mondiales 2000-2008
Source :
AquaFed à partir des statistiques ONU [Site Internet du JMP])
Dans la moitié rurale de la population, là où les besoins sont numériquement les plus élevés, les accès à l’eau et à l’assainissement se sont nettement améliorés.
Cette dynamique positive n’existe en revanche pas en milieu urbain. Si, depuis 2000, la situation s’est améliorée pour des centaines de millions d’individus vivant dans les agglomérations, le nombre de personnes sans accès à l’eau propre ou à l’assainissement y a continué de croître.
Aujourd’hui, les personnes qui, en ville, ne bénéficient pas d’un accès satisfaisant à l’eau potable ou à l’assainissement sont plus nombreuses qu’à la fin du XXe siècle. Cela signifie que, pour la moitié urbaine du monde, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement se dégrade.
Le rythme d’urbanisation de la planète est ainsi plus rapide que celui des efforts fournis par les politiques publiques. Un sursaut est nécessaire pour renverser d’urgence cette tendance inquiétante. Une accélération de 25% permettrait de retrouver une dynamique positive.
Les efforts actuels en milieu rural doivent évidemment être poursuivis puisque c’est dans la moitié rurale de la planète que se trouvent les besoins immédiats les plus nombreux. Cependant, il est urgent de développer simultanément des programmes plus ambitieux dans les zones urbaines et périurbaines afin de corriger la dynamique de détérioration de l’accès en milieu urbain.
Accès et ressources : des interactions non réciproques…
L’accès d’un plus grand nombre d’individus à l’eau potable influe bien entendu sur la quantité d’eau nécessaire. Dans une ville, le développement des réseaux pour alimenter plus de gens nécessite un plus grand volume d’eau, donc influe sur la ressource. En revanche, la réciproque n’est pas vraie. Le fait d’injecter plus d’eau dans un réseau ne donne pas une goutte supplémentaire aux personnes qui en ont besoin dès lors qu’elles ne sont pas raccordées au service public. La problématique de l’accès à l’eau potable est ainsi distincte de celles des ressources en eau. Une politique d’accès à l’eau est d’abord une politique visant à étendre le bénéfice du service public à ceux qui en sont exclus. Une politique de mobilisation de ressources additionnelles en eau sert à améliorer l’alimentation des seuls bénéficiaires du service collectif, par exemple, en augmentant le nombre d’heures quotidiennes pendant lesquelles l’eau est disponible aux robinets.
En termes quantitatifs, il ne faut pas confondre :
- La quantité des ressources en eau disponibles dans l’environnement.
- La quantité d’eau mobilisée par l’homme, petite part des quantités disponibles. La plus grande part ruisselle en effet dans le réseau hydrographique jusqu’à atteindre la mer.
- La quantité d’eau utilisée pour alimenter les réseaux d’eau qui se répartit entre les utilisateurs du réseau mais ne bénéficie pas à ceux qui doivent se débrouiller seuls.
Ainsi, des villes dont les ressources en eau sont abondantes peuvent manquer d’eau dans leurs tuyaux, parce qu’on ne va pas chercher la ressource en quantité suffisante. C’est le cas d’Accra, la capitale du Ghana, où faute d’avoir une station de pompage de taille suffisante, et alors que la ville est traversée par le fleuve Volta, il n’y a pas assez d’eau pour alimenter toute la population et un tiers des habitants n’ont pas l’eau potable.
Ainsi, mieux mobiliser la ressource, d’une part, et développer l’accès des populations, d’autre part, sont deux problèmes à traiter de pair. La problématique de l’accès à l’eau potable a cependant peu de liens avec les problèmes de tension sur les conflits d’usages évoqués au chapitre I. C’est une question de répartition, équitable ou non, de la quantité d’eau purifiée par les pouvoirs publics pour devenir potable.
On l’a montré, une politique nationale qui se contenterait de vouloir mobiliser plus de ressources en eau n’apporterait rien à ceux qui sont exclus du service public de l’eau potable, il est donc impératif que toute politique nationale de gestion de l’eau comporte un volet « accès à l’eau potable » visant à d’augmenter le nombre de bénéficiaires du service de l’eau, indépendamment de la quantité d’eau disponible.
Assurer le droit de chacun à l’eau potable et à l’assainissement
Le droit à l’eau potable et à l’assainissement : l’exigence d’universalité de l’accès
Le concept de droit à l’eau potable a été forgé au début des années 2000. Il a progressivement été incorporé dans les législations nationales de nombreux pays (dont la France en décembre 2006). Le droit pour les individus à bénéficier d’eau potable entraîne l’obligation pour les pouvoirs publics de s’assurer que tous les membres de la population ont bien l’accès minimal à de l’eau potable défini par le cadre législatif ou réglementaire. C’est l’obligation de pourvoir à l’accès à l’eau potable pour tous. Cette exigence de service universel modifie la nature des volets « accès à l’eau » des politiques nationales. Ces politiques ne doivent pas seulement améliorer l’accès à l’eau pour certains mais se préoccuper de l’accès à l’eau de toutes les parties de la population, en particulier de tous ceux qui ne bénéficient pas du service public.
Droit humain à l’eau et à l’assainissement : le basculement de 2010
Après une décennie de débats et même de controverses sur l’existence et la nature du droit à l’eau et à l’assainissement, sur ses conséquences sur le prix de l’eau ou sur le rôle des opérateurs privés, les Nations unies ont tranché tous ces débats en 2010. Cela s’est fait en deux étapes. D’abord, l’Assemblée générale des Nations unies a reconnu, le 28 juillet, le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme. Puis, le 30 septembre, le Conseil des Nations unies pour les droits de l’homme a précisé les fondements juridiques de ce droit en le rattachant à des textes existants du droit international, ce qui lui a permis de trancher les débats antérieurs. Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est donc maintenant reconnu. La signification de ce droit vis-à-vis des bénéficiaires a été précisée et encadrée juridiquement.
La résolution du 30 septembre précise les responsabilités, les moyens et le cadre juridique du droit à l’eau potable et à l’assainissement. Les autorités publiques sont désormais désignées comme le garant de sa mise en œuvre effective. Elles peuvent désigner des acteurs tiers, donc des entreprises privées, des associations ou des entreprises publiques pour assurer le service de l’eau potable et de l’assainissement. Enfin, le cadre juridique est désormais clair et explicite. Il est reconnu que le prix de l’eau doit être « abordable», ce qui ne veut pas dire gratuit, sauf pour les plus démunis.
Cette reconnaissance internationale de son fondement juridique23 constitue une étape majeure pour le droit à l’eau. Les débats conceptuels sont théoriquement clos. L’enjeu est maintenant de mettre en œuvre localement ce droit, pour aboutir à terme à l’« eau pour tous ». Cette reconnaissance est de nature à accroître la mobilisation des Etats. Elle leur crée en effet l’obligation de s’organiser pour assurer progressivement l’accès de tous à une eau potable, accessible, disponible et d’un coût abordable. Cet objectif est bien plus ambitieux que l’OMD d’accès à une source d’« eau améliorée ».
Cependant, pour que ce droit devienne une réalité, il faut qu’une autorité publique soit chargée de le déployer au plan local, que ses obligations soient définies et qu’elle dispose des moyens d’action nécessaires. Cette étape d’organisation préalable aux réalisations concrètes sur le terrain, reste à orchestrer dans de nombreux pays.
Il reste également à préciser le contenu pratique du droit à l’assainissement qui, s’il a été reconnu dans son principe, n’a pas encore de contenu opérationnel clair24.
France : quel droit d’accès à l’eau potable ?
Si l’on raisonne en termes quantitatifs, en France l’accès des populations à l’eau potable n’est plus, depuis longtemps, un problème majeur. On trouve en effet de l’eau potable sur tout le territoire. Le droit à l’eau potable est inscrit dans la législation française depuis la loi LEMA de 200625 qui énonce à son article 1 : « Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. »
Si le droit à l’eau potable est très largement mis en œuvre en France, l’exigence d’universalité qui en résulte nécessite de vérifier que chacun y a bien accès et que les conditions économiques sont abordables pour les ayants droit.
Le droit d’accès à l’eau suppose donc de s’assurer que tout type de personne y a effectivement accès. On constate alors que certains problèmes sont, en France, pour des proportions faibles de la population, plus ou moins bien traités. C’est notamment le cas de l’accès à l’eau potable pour les squatters ou pour les gens du voyage. L’état des robinets ou de la distribution d’eau dans les zones d’accueil est variable sur le territoire. On peut aussi se poser la question pour d’autres situations particulières, comme celle d’usagers de transports bloqués inopinément (lors d’une panne de train en rase campagne par exemple).
En France, plusieurs mécanismes sociaux comme les fonds solidarité logement ou les minima sociaux contribuent à rendre le cout de l’eau potable économiquement abordable pour chaque utilisateur individuel. Le point le plus important est que pour les personnes les plus démunies ce coût ne soit pas un obstacle à l’usage de l’eau pour l’alimentation et l’hygiène. Les fonds de solidarité pour le logement visent cet objectif en prenant en charge les factures impayées. Hélas, ils ne fonctionnent pas encore partout. Des discussions ont lieu pour abaisser le coût de l’eau potable pour certaines personnes en subventionnant leurs factures d’eau, soit en fonction de leurs moyens financiers, soit en fonction de leur consommation. Une proposition de loi est en discussion pour prélever sur toutes les factures d’eau de quoi aider tous ceux pour qui ces factures représentent une proportion excessive de leurs revenus, ce qui serait une contribution supplémentaire au droit à l’eau potable. Espérons que les tarifs dits « sociaux » envisagés dans certaines villes bénéficieront vraiment à ceux qui en ont le plus besoin et non pas au plus grand nombre, voire aux plus riches, comme c’est le cas dans de nombreux pays26.
Voir « Le droit à l’assainissement en France », Henri Smets in L’accès à l’assainissement, un droit fondamental, ouvrage collectif dirigé par Henri Smets, Editions Johanet, 2010.
France : quel droit à l’assainissement ?
Le droit à l’assainissement n’est pas indiqué explicitement dans la législation française. Ceci étant, il y a un droit de l’assainissement très fourni qui précise les droits et obligations respectives des individus et de la collectivité dans de nombreuses situations27.
Assurer durablement des services publics de qualité
Gérer le coût et le financement des services publics
Pour que chacun bénéficie de services de qualité, il est bien entendu nécessaire que le niveau de service soit suffisant. Par exemple, que l’eau distribuée soit disponible 24 heures sur 24, qu’elle soit véritablement potable sans risque anormal pour la santé, qu’elle arrive avec une pression suffisante pour monter dans les étages des immeubles, etc. Toutes ces conditions sont assurées en France. Ce n’est pas le cas dans de nombreux pays. Par exemple, en Inde, quasiment personne ne bénéficie d’eau courante au robinet 24 heures sur 24. Ce n’est pas le propos du présent document de détailler les différents niveaux de service ni les enjeux liés à l’amélioration des services. Il s’agit seulement d’insister sur leurs implications économiques. Gérer le coût et le financement des services publics est un enjeu très important à travers le monde. Les facteurs de dysfonctionnement sont en effet très nombreux et handicapent sérieusement les nécessaires progrès du secteur. Dans beaucoup d’endroits les financements sont insuffisants et les coûts trop élevés pour améliorer les niveaux de service ou même pour permettre le maintien en état des services existants.
Optimiser les coûts : assurer durablement fonctionnement et efficacité
Sans maintenance, les infrastructures se dégradent. C’est malheureusement ce qui arrive dans de nombreux endroits où les recettes des services des eaux couvrent à peine les frais de fonctionnement et ne permettent pas de procéder à l’entretien nécessaire pour conserver les installations en bon état. Lorsque la qualité du service se détériore, les utilisateurs rechignent de plus en plus à s’acquitter de leur contribution aux coûts et refusent les augmentations de tarifs qui pourraient financer des améliorations. Pour éviter cette spirale infernale, il est indispensable de viser la délivrance continue d’un service de qualité avec entretien des installations collectives et optimisation des coûts (arbitrage des dépenses de fonctionnement et d’investissement). Pourtant, même dans les pays « riches », les rapports alarmants qui mettent en exergue des niveaux insuffisants d’investissements pour le maintien en état des infrastructures sont fréquents et la recherche d’optimisation des coûts n’est pas systématique. Quelques pays (Uruguay, Bolivie, Pays-Bas) s’interdisent même de mettre les opérateurs en concurrence, limitant ainsi leur perspectives d’optimisation économique.
Affronter les réalités économiques : l’eau est payée par les utilisateurs et les contribuables
Bien entendu, les consommateurs trouvent toujours les prix trop élevés mais, sauf si le service s’avère de mauvaise qualité, ils sont prêts à payer pour le service public dont ils ressentent la nécessité vitale. Par souci électoral, les responsables politiques cherchent à éviter les hausses de tarifs. Les débats publics sur les tarifs de l’eau sont fréquents. Les comparaisons entre localités font les délices des médias. Les villes qui pratiquent des tarifs bas sont regardées avec intérêt. Toutefois, les comparaisons internationales sont rarement pertinentes. En effet, l’économie des services d’eau ne repose pas exclusivement sur les contributions demandées aux utilisateurs. Dans de nombreux endroits, les budgets publics alimentent cette économie sous forme de subventions qui viennent en complément des factures d’eau. C’est le cas en France où près de 9% du coût des services publics est pris en charge par les subventions des collectivités territoriales. Ainsi, les services d’eau et d’assainissement sont financés partiellement par les utilisateurs et partiellement par les contribuables (il peut y avoir d’autres subventions, par exemple celles de l’aide internationale). Dans beaucoup des pays où les services d’eau et d’assainissement sont insuffisants, le principal débat économique ne devrait pas être celui des tarifs mais celui de la répartition équitable et abordable des coûts entre les différentes parties de la population, répartition entre contribuables et consommateurs, et entre les différentes catégories d’utilisateurs.
Surmonter les égoïsmes et les blocages de la société
L’enjeu de la répartition des coûts est éminemment politique. Qui faire payer ? Combien ? Les groupes d’intérêt et les égoïsmes sont nombreux.
Les solutions mises en œuvre, assez variées d’un pays à un autre. Il est, hélas, fréquent que les situations soient bloquées pendant de nombreuses années. Pendant ce temps-là, les progrès sont évidemment limités.
Monde : vers des objectifs plus ambitieux, en particulier en milieu urbain
Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement pénalise des milliards de personnes. A l’inverse, un accès satisfaisant améliore les problèmes individuels de santé et réduit les charges de santé publique, mais ouvre aussi aux populations plus de perspectives d’éducation, contribue à lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes et à augmenter le niveau de vie de chacun. Chaque fois qu’on apporte de l’eau dans un bidonville, des petits commerces artisanaux ou de bouche se créent et sont autant de vecteurs de développement d’une économie locale. L’accès à l’eau est un des facteurs de réussite de la plupart des objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Pourtant, les objectifs mondiaux actuels ne visent qu’un accès minimal à l’eau qui ne garantit pas que l’eau soit potable, et que les Français trouveraient très insuffisant. De plus, il n’y a aucun objectif politique mondial pour la collecte des eaux usées. Les progrès actuels, très substantiels, sont insuffisants pour éviter la dégradation de la situation dans les villes. Le monde est très loin de satisfaire l’exigence d’universalité de l’accès contenue dans le droit humain à l’eau potable et à l’assainissement qui vient d’être reconnu.
Le monde a donc besoin de politiques plus ambitieuses, visant à aboutir à l’accès pour tous, en particulier en zones urbaines.
Anticiper et gérer les catastrophes liées à l’eau
Il existe plusieurs types de catastrophes naturelles liées à l’eau : les sécheresses, les inondations (les tsunamis font partie de cette deuxième catégorie), les glissements de terrain et les épidémies28. Les hommes ont peu de maîtrise sur les causes de ces événements. De tout temps, il s’est produit des inondations à cause des crues des rivières ou de la montée du niveau des mers. Il est illusoire de penser qu’il est possible de supprimer totalement ces risques.
En revanche, il est possible de limiter les conséquences des catastrophes par des mesures préventives appropriées. La gestion des catastrophes liées à l’eau peut réduire considérablement les dégâts sur les personnes et les biens. Par exemple, la réalisation d’ouvrages de protection, l’annonce des crues et l’évacuation éventuelle des populations limitent l’impact des inondations.
L’anticipation, pierre angulaire d’une gestion efficace
Source : Ifen, d’après ministère chargé de l’Agriculture (Scees), enquête Teruti, nomenclature physique – Insee, Comptes de la nation.
L’anticipation est essentielle. Imaginer à l’avance qu’une inondation peut survenir permet :
- de mettre au point des systèmes d’alerte permettant de prévenir les populations d’une situation anormale.
- d’organiser à l’avance une gestion efficace de la période de crise en anticipant des dysfonctionnements éventuels des moyens de communication ou de transport.
- d’identifier les facteurs anthropiques défavorables et d’y remédier.
Ces facteurs défavorables sur lesquels l’homme peut agir sont, entre autres, l’imperméabilisation des sols liée au développement de l’urbanisation, le fait de dédaigner le lit majeur des rivières en canalisant l’eau dans un lit trop étroit, la construction en zone inondable, la déforestation ou encore le mauvais entretien des ouvrages de protection.
Selon l’Institut français de l’environnement (Ifen) : « En 2004, les zones artificialisées représentaient 8,3% du territoire métropolitain. Entre 1994 et 2004, elles ont progressé de 15%, ce qui représente une surface équivalente à celle d’un département français.29 » En cas de pluies, les ruissellements immédiats vers le réseau hydrographique ont ainsi tendance à augmenter.
On peut ranger dans la catégorie résultant de mauvais entretien la coulée de boues rouges partie lundi 4 octobre 2010 de l’usine de bauxite- aluminium d’Ajka (Hongrie) par suite de la ruine d’une levée de terre. Un million de mètres cubes de boues se sont alors déversés, provoquant le décès de huit personnes et risquant de polluer le Danube.
Prévenir les populations réduit le nombre de morts
Source : http://www.ifrc.org/fr/publicat/wdr2004/chapter8.asp, (Chapitre 8 – Tendances et statistiques des catastrophes).
Ne plus avoir à payer de lourds tributs en vies humaines passe notamment par la généralisation de systèmes d’alerte précoce. Prévenir les populations suffisamment à l’avance permet de réduire le nombre de morts.
Dans son rapport 2004 sur les catastrophes dans le monde30, la Croix-Rouge écrit : « En dépit de l’augmentation du nombre de catastrophes, la moyenne annuelle de tués est tombée de 75.000, entre 1994 et 1998, à 59.000, entre 1999 et 2003. Le nombre des personnes affectées, en revanche, a continué d’augmenter. » Et d’ajouter… « La baisse relative du nombre de personnes tuées par les catastrophes hydrométéorologiques, en particulier, s’explique en partie par l’amélioration des prévisions par satellite et des systèmes d’alerte précoce, ainsi que par le renforcement de la préparation aux catastrophes au niveau communautaire. »
Les catastrophes, facteur de contamination des eaux potables
Lors d’inondations catastrophiques, une conséquence immédiate est souvent la disparition de l’accès à de l’eau potable, soit par impossibilité d’accès, soit par perte de la qualité potable de l’eau disponible, soit par rupture des systèmes d’alimentation, avec des risques de propagation de maladies hydriques. Ce sont les maladies déjà présentes qui peuvent ainsi se multiplier. Ou bien, les contaminations des eaux par des matières fécales ou des cadavres d’animaux peuvent en faire apparaître de nouvelles. Ainsi, la propagation du choléra à Haïti à la fin 2010 a probablement été facilitée par les destructions et la désorganisation résultant du tremblement de terre de janvier 2010.
Ces contaminations peuvent se produire de diverses façons. Dans les zones équipées de réseaux d’assainissement, les fortes pluies ou la montée des eaux peuvent saturer les réseaux qui se mettent à déborder déversant des flots d’eaux usées dans des zones d’habitation. Les cours d’eaux qui débordent peuvent envahir les bassins des stations d’épuration. Dans les très nombreux quartiers des villes des pays en développement sous-équipés en matière d’assainissement, les pluies se mélangent immédiatement avec les rejets de toutes sortes.
En conséquence, pour tous les types de grandes catastrophes, les premières priorités pour les organismes de secours nationaux et internationaux sont de porter secours aux populations physiquement en danger, en rétablissant une alimentation en eau potable et en assurant des systèmes minimaux de toilettes.
Ce fut notamment le cas lors du séisme qui a frappé Haïti en janvier 2010. La communauté internationale a compris très vite qu’il fallait établir, le plus rapidement possible, une alimentation en eau potable mais aussi construire des installations sanitaires pour éviter des épidémies.
Inondation : premier des risques de catastrophes naturelles en France
En France, le phénomène des inondations, qui est le plus important risque de catastrophe liée à l’eau, est également, selon l’Ifen, le premier des risques de catastrophe naturelle. Selon l’Institut, ce risque concerne deux communes sur trois.
La face sud-est des Cévennes est particulièrement exposée, avec des orages engendrant des crues très fréquentes, quasi annuelles. Mais aussi la Provence, le Sud-Ouest, la Normandie, etc. Les événements pluviométriques catastrophiques peuvent se produire dans de nombreuses régions. Nîmes a notamment subi douze événements graves au cours des deux derniers siècles. Celui de la nuit du 2 au 3 octobre 1988 fut d’une ampleur exceptionnelle. C’est l’une des inondations par ruissellement les plus graves connues en France, et qui provoqua le décès de neuf personnes.
Plus récemment encore, en juin 2010, des pluies torrentielles se sont abattues sur le département du Var, causant des dizaines de morts et créant des difficultés d’approvisionnement, notamment en eau potable. Mais d’autres zones sont concernées, dont le bord de mer. La tempête Xynthia, en février 2010, qui a entraîné des inondations par submersion de digues et des décès en Vendée et en Charente-Maritime, restera dans les mémoires.
Autre risque, les débordements, très rares, de grands fleuves, comme celui de la Seine en 1910, peuvent aussi se reproduire, même si des ouvrages écrêteurs de crues ont, depuis, été construits.
Des plans de prévention appropriés, l’exemple de Nîmes (Gard)
Cadereau est un terme nîmois désignant un cours d’eau, généralement à sec, dans lequel se déverse l’eau pluviale lors des épisodes orageux.
Dans les zones exposées, les élus et l’administration développent des plans de prévention et de protection aux niveaux local et national.
A Nîmes, afin d’éviter une nouvelle catastrophe de l’ampleur de celle de 1988, la mairie a mis en place un plan qui comprend des programmes de grands travaux (création de bassins écrêteurs, de bassins de stockage, de dissipation d’énergie et de dégravement, de bassins de compensation ou encore de tronçons de fossés sur l’aval des cadereaux31).
En parallèle, l’information préventive de la population a été améliorée grâce à la création d’un système d’alerte et de suivi des événements pluvieux (ESPADA).
De plus, avec l’application d’un règlement d’urbanisme adapté selon un périmètre de risque, la mairie, depuis 1988, interdit la construction de nouveaux bâtiments sur les zones les plus dangereuses, notamment dans le lit des cadereaux. Et les constructions réalisées dans les secteurs sensibles sont aménagées en conséquence. A titre d’exemple, une école primaire a été conçue sur pilotis.
Lors des débordements de septembre 2002 et 2005, les travaux de protection réalisés sur l’amont de la ville ont permis de limiter les dégâts. Cependant, la nécessité d’accélérer la mise en œuvre du plan, notamment en palliant l’absence de canalisations urbaines de grande capacité a abouti à la mise en place, en 2007, du programme d’actions de prévention des inondations (PAPI.) Nîmes – Cadereaux, résultat d’une convention passée entre la ville et l’Etat.
En France, une législation adaptée à mieux utiliser
Loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles; loi du 22 juillet 1987 relative à la protection de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs; loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement; loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des
Au plan national, outre l’existence et l’action de la direction de la prévention des pollutions et des risques (DPPR) chargée, au sein du ministère de l’Ecologie et du Développement durable, de prévenir et limiter les risques d’origine humaine ou naturelle, plusieurs lois32 ont été votées sur une vingtaine d’années pour organiser la politique de prévention des risques naturels.
La loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, a confié à l’Etat les « plans de prévention des risques naturels prévisibles » (PPR). Ce type de document permet de mieux prendre en compte les risques naturels dans l’aménagement et le développement, en réglementant l’utilisation des sols en fonction de ces risques. A ce titre, des plans de prévention des inondations, qui viennent en tête de ces risques naturels prévisibles, sont ainsi élaborés et mis en application.
Le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI) et les 22 services de prévision des crues assurent une veille hydrométéorologique 24 heures sur 24 sur les bassins rapides. Pour développer la conscience du risque auprès des populations les plus exposées, la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages rend obligatoire l’information du locataire et de l’acquéreur d’un logement sur les risques, qu’ils soient naturels ou technologiques.
Cette législation demeure cependant perfectible dans son application. Ainsi, on ne peut qu’être affligé par la situation observée en France lors de la tempête Xynthia : des habitations récentes et construites légalement, situées dans des zones inondables du littoral vendéen et charentais, ont été submergées lors de la tempête sans que leurs habitants aient été prévenus. En matière de prévention et de gestion des catastrophes naturelles, le risque zéro n’existe pas. Les efforts doivent donc être continus, notamment dans un contexte d’événements climatiques extrêmes liés aux changements climatiques.
Prévention des catastrophes naturelles : pas encore d’objectif mondial, mais des signes encourageants
S’il faut regretter l’absence au plan mondial d’objectif clair sur le thème de la prévention des catastrophes liées à l’eau, des embryons d’organisations internationales commencent à se mettre en place. Ainsi, plusieurs réseaux d’alerte aux tsunamis existent dans l’océan Indien et dans le Pacifique. Et le sujet de la prévention des catastrophes est de plus en plus souvent discuté dans les forums mondiaux de l’eau.
En 2007, le Conseil pour l’eau et l’assainissement du secrétaire général des Nations unies (UNSGAB) a voulu créer des recommandations internationales. Un groupe international d’experts de haut niveau, le « High Level Expert Panel on Water and Disaster / UNSGAB » a été constitué sous la présidence du premier ministre sud-coréen. Dans son rapport de mars 2009, intitulé L’eau et les catastrophes33, le groupe relève six impératifs, dont trois mesures d’anticipation : stimuler et mobiliser les parties prenantes avant les sinistres ; prioriser les systèmes de prévision, d’information, d’alerte et d’évacuation; prendre en compte la prévention des risques de catastrophes ainsi que l’adaptation au changement climatique, et les inclure pleinement dans la planification du développement.
Déclarer les données hydro-climatiques « biens d’intérêt public »
Pour favoriser une meilleure anticipation des catastrophes le High Level Expert Panel préconise d’inviter les gouvernements nationaux à déclarer les données hydro-climatiques comme biens d’intérêt public, à partager à tous les niveaux (régional, national et local).
Il s’agit de rendre publiques des informations essentielles à la réflexion et à l’anticipation des catastrophes, tant au niveau d’un territoire que pour le monde entier. Les organisations internationales doivent donc pousser les gouvernements à cette transparence.
Enjeux politiques
Comme pour les autres enjeux liés à l’eau, la gestion des catastrophes naturelles est un sujet éminemment politique. Elle nécessite une organisation collective, donc une volonté des décideurs, des élus locaux et nationaux ainsi qu’une prise de conscience et la participation active des populations.
Aujourd’hui, trop de pays sont encore dépourvus d’organisations préventives et négligent dans leur développement les contraintes dues aux intempéries. Un des problèmes pour mettre en place ce type d’organisations, qui supposent des investissements humains et matériels sur le terrain, est d’en faire accepter le coût par la communauté. Pour chaque situation, il s’agit de trouver un point d’équilibre permettant de constituer des moyens efficaces de lutte contre les risques en fonction des ressources financières susceptibles d’être mobilisées.
Certes, la grande majorité des catastrophes naturelles sont des événements locaux dont la responsabilité et la gestion incombent aux Etats. Mais, pour la prévention, l’anticipation et la gestion post-crise, la communauté internationale a un rôle important à jouer, à la demande des pays exposés ou sinistrés. C’est l’une des missions de la stratégie baptisée « International Strategy for Disaster Reduction » (ISDR), adoptée par les Etats membres des Nations unies en 2000. L’ISDR réunit diverses organisations, universités et institutions et elle a pour objectif de réduire le nombre de blessés, de morts, mais aussi d’amoindrir les conséquences économiques, sociales et environnementales des catastrophes déclenchées par des phénomènes naturels. Pour cela, l’ISDR se charge de promouvoir auprès des communautés l’idée que la réduction des conséquences des catastrophes naturelles est une donnée majeure du développement durable. L’ISDR propose aussi bien l’adoption de législations, de normes de construction des habitations que l’éducation des populations vivant dans les zones à risques.
L’impact aggravant des changements climatiques
Plus d’eau dans les zones humides, moins d’eau dans les zones sèches…
4e rapport du GIEC, www.ipcc.ch
Dans son rapport Changements climatiques 200734, le groupe inter-gouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit des modifications probables de la pluviométrie moyenne. Dans certains pays, surtout dans les zones tropicales humides et les pays situés à des latitudes très élevées, comme dans le Nord de l’Angleterre, une augmentation de la pluviométrie moyenne est envisagée. A l’inverse, dans un certain nombre de régions, notamment des régions sèches et tropicales, et dans certains pays à latitudes intermédiaires, une baisse de la pluviométrie moyenne allant de 10% à 30% est avancée. Le pourtour méditerranéen, et donc le Sud de la France, est particulièrement concerné.
Le GIEC envisage également des écarts saisonniers et des événements extrêmes plus marqués dans certaines régions. Pour un grand nombre de pays, on s’attend à des durées de saisons sèches plus longues et à des sécheresses plus fortes. De même, la violence des ouragans et des inondations pourrait s’aggraver.
Un impact sur les quatre enjeux majeurs liés à l’eau…
Ces changements climatiques sont donc susceptibles d’affecter l’ensemble de la planète à des degrés divers d’importance et de dangerosité. Leur impact sur l’eau dans le monde est majeur. L’eau est l’un des secteurs qui a le plus besoin de politiques d’adaptation aux changements climatiques.
Fabriquer de l’eau potable, épurer les eaux usées est une activité humaine qui dépend beaucoup de la biologie. Dans certains cas, bactéries et autres êtres vivants sont des pollutions qu’il faut éradiquer pour rendre l’eau potable ou protéger l’environnement. Dans d’autres cas, ce sont des alliés que l’on utilise pour transformer l’eau à des coûts moindres que si on utilisait des produits chimiques. Dans toutes les régions où la température moyenne va varier, il faudra tenir compte des changements importants des processus biologiques que cela pourra entraîner : floraisons algales, encrassements rapides, changement des proportions respectives des différentes populations biologiques, etc.
Mais, au niveau mondial, les impacts directs les plus importants des changements du climat et de la pluviométrie concernent surtout les quatre enjeux majeurs développés ci-avant. Chacun d’entre eux peut être localement aggravé par les changements climatiques.
Hausse du stress hydrique dans certains pays
Dans son rapport, le GIEC estime qu’en Afrique, d’ici à 2020, le stress hydrique pourrait augmenter pour 75 à 250 millions de personnes. En Asie centrale, orientale et méridionale, 1 milliard de personnes pourraient subir un stress hydrique accru en 2050. Dans certaines régions, à cause de la baisse de la pluviométrie et surtout de l’allongement des périodes de saisons sèches, les rendements agricoles baisseront.
Dans toutes les régions où la pluviométrie va baisser, la difficulté de satisfaire l’augmentation des demandes va s’accroître. Le changement climatique est ainsi un facteur d’aggravation des « pénuries d’eau », avec toutes leurs conséquences en termes de satisfaction des besoins quantitatifs, de plus faible dilution des rejets, de difficulté supplémentaire pour mobiliser des ressources additionnelles afin d’alimenter correctement la totalité de la population.
L’aspect quantitatif est le plus préoccupant. Il touche en premier lieu l’agriculture, principale utilisatrice de l’eau. Les variations de pluviométrie rendent certaines zones plus arides et certaines zones plus humides. Dans les zones où l’aridité s’accroît, les populations qui vivent de cultures vivrières sont en danger. On observe d’ailleurs de plus en plus de migrants climatiques qui se déplacent en raison de l’insuffisance d’eau pour leur bétail ou leurs cultures. Selon certains, c’est l’une des causes du conflit et de la crise humanitaire que vivent les populations du Darfour.
La France va peut-être avoir une pluviométrie plus faible dans sa partie méditerranéenne. Cela renforcera le besoin de gérer minutieusement et équitablement les ressources en eau dans cette partie du pays. Mais, là comme ailleurs, ce seront d’abord les agriculteurs irrigants qui devront adapter leurs modes d’utilisation de l’eau. Il n’y a pas d’inquiétude particulière à avoir pour l’eau potable, contrairement aux craintes infondées véhiculées par l’opinion.
Des inondations plus graves…
Cf. tempête Klaus de janvier 2010 dans le Bordelais.
Avec un écart grandissant des conditions de pluviométrie et une probable augmentation de la violence des événements climatiques extrêmes, le GIEC annonce des ouragans et des cyclones qui, s’ils n’ont pas vocation à être forcément plus nombreux, seront probablement plus violents, apportant plus de vent et plus d’eau. Le GIEC a également conclu à l’augmentation des probabilités de chutes très abondantes de pluies pouvant amener des inondations.
Le risque de catastrophes liées à l’eau va donc s’accroître, avec les effets que cela entraînerait sur l’accès à l’eau et les pollutions.
En effet, les intempéries et les inondations perturbent énormément l’organisation de la gestion de l’eau.
Le premier risque est l’interruption de l’alimentation en eau causée par l’arrêt du courant électrique dans les installations de pompage de l’eau, par exemple lorsque les vents violents font casser poteaux ou pylônes électriques. Sans électricité, plus d’eau potable. C’est la raison pour laquelle, en France, les grands opérateurs de service d’eau potable mobilisent de nombreux groupes électrogènes en cas de tempête. Cela leur permet souvent de rétablir l’alimentation en eau potable plusieurs jours avant le rétablissement de l’alimentation en électricité35.
Par ailleurs, en cas de très fortes pluies, il n’est pas rare que des terrains bougent. Les glissements de terrain cassent alors et emportent les canalisations qui s’y trouvent. Dans ce cas, l’accès à l’eau est interrompu jusqu’à ce que les tuyaux puissent être réparés.
Dans le cas de fortes crues ou de très fortes pluies, les eaux polluées peuvent ne plus s’évacuer normalement. Soit parce qu’elles ne peuvent plus s’écouler dans des rivières grossies, soit parce qu’en se mêlant aux eaux de pluie, elles peuvent déborder de leurs chemins habituels et se retrouver dans les zones d’habitation. De plus, les puits et autres sources d’eau peuvent se trouver submergés et donc contaminés.
Dès lors, les changements climatiques peuvent, en certains endroits, engendrer des interruptions temporaires de l’accès à l’eau potable, répandre des eaux polluées et aggraver le risque de catastrophes liées à l’eau tout en rendant leur prévision plus difficile.
La France n’est pas à l’abri de ces risques même si sa position géographique intermédiaire et son climat « tempéré » la mettent dans une situation bien meilleure que celle de nombreux autres pays.
Les changements du climat dans le monde : des facteurs d’aggravation des problèmes
Ainsi, les changements du climat peuvent avoir, suivant les régions du monde, des impacts assez variés sur les quatre grands enjeux développés ci-avant : croissance des pénuries d’eau, pollution par les eaux usées, accès à l’eau, catastrophes liées à l’eau. Mais, s’il y a impact, c’est a priori dans le sens d’une aggravation. Pour la gestion de l’eau, les changements du climat ne sont pas un problème de plus qui s’ajoute aux autres. Hormis quelques aspects pratiques comme le besoin d’adapter les processus de potabilisation ou d’épuration de l’eau, ce sont essentiellement des problèmes préexistants qui se trouvent renforcés.
Les changements du climat, facteurs locaux d’aggravation en France
En France, ces problèmes ne se posent pas avec la même acuité. Pour la plupart, leur importance est bien moindre que dans d’autres pays. Ceci étant, en l’état actuel des connaissances, aucun d’entre eux ne peut être exclu, car la réalité et l’ampleur des événements extrêmes annoncés est inconnue. Leur impact peut être très localisé mais violent.
Conclusions et préconisations
Enjeux principaux de l’eau au niveau mondial
Chacun utilise de l’eau quotidiennement et a donc un rapport particulier à cette ressource. Les problèmes liés à celle-ci sont très nombreux. Certains revêtent une importance particulière au niveau mondial car ils touchent un grand nombre de pays et d’habitants. En simplifiant un peu, on peut en identifier quatre. Ce sont :
- S’organiser pour vivre avec des tensions croissantes sur les quantités d’eau douce. On assiste à une pénurie croissante d’eau douce dans de nombreuses régions du monde, essentiellement en raison de demandes croissantes en eau de la part de l’agriculture, des indus- tries et des populations, mais aussi, en certains endroits, à cause d’une mobilisation insuffisante des ressources disponibles ou des changements climatiques. S’organiser nécessite des politiques volontaristes respectant les besoins de chacun et facilitant les usages successifs de l’eau. L’ère de l’eau facile est terminée. Aujourd’hui, avec la croissance constante des consommations, dans de nombreux endroits il est nécessaire de mieux respecter les ressources en eau et d’organiser une gestion minutieuse de leur Cela nécessite des prises de décision de plus en plus exigeantes, difficiles à prendre, qui relèvent du pouvoir politique. Les solutions de facilité non durables, comme les prélèvements excessifs dans les cours d’eau ou les nappes souterraines, sont des pièges qui préparent des lendemains douloureux.
- Maîtriser la pollution des eaux que rejette l’homme après utilisation. Seule une faible proportion des eaux utilisées par l’homme sont collectées après usage puis sont dépolluées avant rejet dans la nature. Le rejet des autres, sans aucune précaution, a de graves conséquences pour les populations qui vivent en aval, pour l’économie et pour les écosystèmes. Certains pays, notamment la plupart des pays développés, font des efforts énormes pour contrôler cette pollution. Mais il n’y a pas encore d’objectif commun au niveau mondial. Sur certains sujets comme l’enjeu des ressources ou la question des populations, beaucoup de choses ont été faites grâce à une pression de la communauté internationale. A l’inverse, pour l’instant, le sujet de la dépollution des eaux demeure le « parent pauvre » des décisions et des engagements internationaux.
- Permettre à chacun d’avoir un accès satisfaisant à l’eau potable et à l’assainissement. L’humanité est clivée en deux parties de plusieurs milliards d’hommes chacune : ceux qui bénéficient d’un accès satisfaisant à l’eau potable et à l’assainissement et les autres qui, souvent, ne bénéficient d’aucun service public en la matière. Le monde s’est fixé deux objectifs concrets très utiles, les objectifs de développement du millénaire. Les réalisations sont très nombreuses sur le terrain mais les résultats globaux sont insuffisants. Si des progrès notables sont réalisés dans la moitié rurale du monde où les insuffisances paraissent aujourd’hui numériquement plus élevées, la situation se dégrade dans la moitié urbaine de la planète où les avancées n’arrivent pas à suivre la forte croissance démographique. Dans la plupart des pays en développement, il y a urgence à accélérer les efforts pour l’accès à l’eau potable et à la collecte des eaux usées en milieu urbain et pour l’accès aux toilettes. L’ampleur des besoins nécessite de mobiliser tous les moyens utiles, comme par exemple tous les types d’opérateurs, qu’ils soient publics, privés ou ONG.
Assurer à chacun, durablement, des services publics satisfaisants nécessite de gérer le financement de ces services publics en optimisant les coûts de fonctionnement et d’investissement, et en les répartissant de façon équitable et abordable entre les différentes parties de la population, en particulier entre contribuables et consommateurs et entre les différentes catégories d’utilisateurs. Il faut surmonter les égoïsmes et les blocages de la société et il s’agit donc d’un enjeu politique délicat.
- Anticiper et gérer les catastrophes liées à l’eau, en particulier les inondations dramatiques, dont l’ampleur, en certains endroits, peut être aggravée par les changements du climat, et dont les conséquences peuvent s’alourdir en cas de développement urbain anarchique. S’il existe maintenant des mécanismes de coordination régionale pour les tsunamis et les tremblements de terre, il est nécessaire de mieux anticiper les risques d’inondations catastrophiques et de s’organiser en conséquence.
Seule une petite partie de ces enjeux résulte de la nature. La plupart sont créés par l’homme et dépendent donc de ses actions. Il y a donc de nombreuses voies possibles d’amélioration. L’essentiel est de vouloir traiter ces problèmes, c’est-à-dire de vouloir gérer l’eau et ses utilisations au lieu de la mépriser, comme c’est souvent le cas, dans les sociétés développées où elle apparaît sans valeur par rapport aux nombreux objets de consommation.
Les solutions existent et sont même nombreuses. Les mettre en œuvre est exigeant politiquement. Aujourd’hui, par exemple, on sait augmenter l’efficacité des modes d’irrigation et choisir des cultures en fonction de leurs besoins en eau, on sait dessaler l’eau de mer et dépolluer l’eau après usage pour la réutiliser. La gestion des pénuries d’eau est donc moins un problème technique ou financier qu’un problème politique de bonne organisation collective pour répartir l’eau de façon équitable, optimiser les usages et organiser la réutilisation systématique de l’eau. De même, l’alimentation en eau saine de la totalité de la population ne peut résulter que de politiques nationales volontaristes permettant de dépasser les nombreux obstacles sociologiques et institutionnels.
En France, des enjeux de même nature, des spécificités territoriales
En France, les quatre enjeux développés ci-dessus s’expriment d’une façon spécifique.
- L’accroissement des pénuries d’eau est très localisé en France, où l’eau renouvelable par habitant est disponible en quantité plus importante que dans les principaux pays voisins, et où les consommations d’eau douce n’augmentent plus. De façon générale, la consommation d’eau potable a tendance à baisser en France. De même, beaucoup d’industries ont réussi à faire baisser leurs prélèvements nets. En revanche, dans certaines régions comme le Sud-Ouest, les agriculteurs voudraient irriguer davantage, ce qui est de plus en plus difficile. Le réchauffement attendu du climat sur le pourtour méditerranéen va compliquer les choses et y nécessiter une organisation collective plus précise et plus exigeante.
- La maîtrise de la pollution des eaux usées est le domaine où les investissements sont les plus importants en France depuis plusieurs décennies, en particulier à cause des directives européennes. Des centaines de stations d’épuration ont été construites. De nombreux cours d’eau ont vu leur qualité s’améliorer. Il y a cependant encore un effort à accomplir pour que les eaux usées fassent toutes l’objet d’une dépollution. Les pollutions diffuses, comme les rejets de nitrates ou de pesticides par l’agriculture, menacent la qualité des eaux souterraines. Il est nécessaire de stabiliser l’état des nappes souterraines qui se sont dégradées au cours des dernières décennies. Au total, comme la directive-cadre européenne de 2000 impose de maintenir les « masses d’eau » dans un bon état écologique et chimique, il va falloir engager de nombreux efforts en complément de l’épuration des eaux usées urbaines et industrielles.
- L’accès à l’eau potable et à l’assainissement n’est pas un problème majeur en France métropolitaine. Des progrès sont encore nécessaires dans certains territoires d’outre-mer, comme par exemple à Mayotte36. Ceci étant, en métropole, il est nécessaire de vérifier que le droit à l’eau potable est assuré dans toutes les situations (squatters, gens du voyage, plus démunis) et que des dispositions alternatives sont bien mises en œuvre en cas d’interruption du service public. Par ailleurs, les moyens d’action pourraient probablement être mieux organisés. Aujourd’hui, par exemple, il paraît aberrant qu’une municipalité puisse prélever 1% du montant des factures d’eau pour des actions humanitaires hors de France mais ne puisse pas utiliser même une toute petite partie des mêmes facturations pour aider les personnes de la commune qui sont trop démunies pour payer leur consommation d’eau37. Dans le même esprit, il est bizarre que les fonds de solidarité pour le logement soient alimentés par les opérateurs privés mais pas par les opérateurs publics (sauf exception). Une proposition de loi en discussion permettrait de garantir que le coût de l’eau ne représente pas une proportion excessive des revenus des personnes les plus démunies.
- Les catastrophes liées à l’eau sont localisées mais réelles en France. Chaque année, les orages cévenols mettent les cours d’eau en crues violentes. Des inondations dans le Var en 2009, la tempête Xynthia en 2010, ont fait de nombreux morts. Les plans de prévention et les plans de gestion des situations d’urgence sont donc des éléments fondamentaux de la gestion de l’eau en France.
Finalement, en raison de la géographie française qui restreint les zones de partage d’eau douce avec des pays voisins (exceptions notables : le Rhône et le Rhin), en particulier dans les régions où les tensions sur les ressources en eau sont les plus fortes, les enjeux liés à l’eau sont assez distincts de ceux qui se posent hors de France (hors changements climatiques, bien sûr).
La France n’est peut-être pas le meilleur pays du monde dans tous les domaines de la gestion de l’eau. En revanche, elle possède des réussites notables comme son système astucieux d’incitations, via les agences de l’eau, qui permettent à des politiques nationales d’être appliquées tout en respectant l’autorité des collectivités territoriales. Le pays possède également de multiples expertises avec, en particulier, les leaders mondiaux du secteur des services d’eau et d’assainissement qui sont un réservoir considérable de compétences.
L’action des Français hors de France dans le domaine de l’eau
De nombreux Français contribuent à la gestion de l’eau hors de France. Leur identité est extrêmement variée : ce sont des agents de l’Etat ou des parlementaires qui décident ou appliquent la politique nationale de coopération. Ce sont aussi des élus ou des fonctionnaires des collectivités locales qui mettent en œuvre des actions de coopération décentralisée. Ce sont encore des employés de bureaux d’études, d’entreprises de matériels, ou d’opérateurs privés. Ils agissent de multiples façons : sur le terrain, dans les associations humanitaires d’urgence ou de développement, mais aussi dans des réunions internationales, tous se préoccupent, d’une façon ou d’une autre, des enjeux de l’eau hors de France. L’un de leurs buts est de comprendre et de respecter les priorités d’action relatives à l’eau dans les pays étrangers où ils interviennent.
Un grand nombre d’entre eux sont réunis dans le Partenariat français pour l’eau38 dont la vocation est précisément de rassembler les Français concernés par les questions d’eau à l’international. Les membres de ce partenariat contribuent directement à travers leurs organisations respectives à la gestion de l’eau à l’étranger. Collectivement, ils ont un rôle dans les travaux internationaux où ils apportent leur expérience et leur vision commune. Ce fut le cas notamment aux Forums mondiaux de l’eau de Mexico en 2006 et d’Istanbul en 2009 où des positions françaises avaient pu être préparées collectivement.
Marseille 2012 : une occasion unique de progrès
Le 6e Forum mondial de l’eau aura lieu à Marseille en 2012 à l’invitation de la France. Il rassemblera des dizaines de milliers de personnes et réunira les acteurs du monde de l’eau en France. Ce sera une occasion unique pour renforcer l’interaction entre la communauté française et la communauté internationale sur les enjeux de l’eau. Les hôtes français auront un rôle délicat. Ils devront évidemment respecter les priorités de leurs invités qui, pour la plupart, ont des problèmes plus difficiles à résoudre qu’en France. Pour autant, ils devront aussi les entraîner vers des orientations collectives plus fermes qu’aujourd’hui, capables de répondre aux principaux enjeux développés ci-avant.
Le Forum de Marseille, pourrait, en particulier, décider d’avancer sur des questions précises : définir une orientation mondiale relative à la gestion des eaux usées, mieux organiser les utilisations successives de l’eau et mettre en œuvre, concrètement, le droit à l’eau. Il pourrait également préparer des objectifs plus ambitieux, en particulier en zones d’urbanisation, pour les politiques mondiales d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Des ambitions qui seront susceptibles de prendre en 2015 le relais du programme des objectifs du millénaire pour le développement.
Références
Rapports de référence des Nations unies
Au-delà de la pénurie : pouvoir, pauvreté et crise mondiale de l’eau. Rapport mondial sur le développement humain 2006, PNUD, 2006.
Progrès en matière d’assainissement et d’alimentation en eau. Rapport 2010, OMS et UNICEF, 2010.
UN-Water Global Annual Assessment of Sanitation and Drinking-Water (GLAAS), OMS, 2010.
L’eau dans un monde qui change. Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau (WWDR3), UNESCO- WWAP, 2009.
Publications de l’auteur
« L’accès à l’eau potable se dégrade en ville où l’urbanisation galopante va plus vite que les services publics », communiqué AquaFed, septembre 2010.
« Le contenu du droit à l’assainissement a besoin d’être mieux défini afin de faciliter sa mise en œuvre », Gérard Payen et Thomas Van Waeyenberge in L’accès à l’assainissement, un droit fondamental, ouvrage collectif dirigé par Henri Smets, Editions Johanet, 2010.
Monitoring and reporting progress of access to water & sanitation, an assessment by UNSGAB, Gérard Payen, UNSGAB, avril 2008.
« Faim, Eau et Agriculture, Enjeux mondiaux pour l’eau », Gérard Payen, audition par le Conseil économique et social, mai 2007.
« Allons-nous vraiment manquer d’eau? Quelques idées reçues sur la gestion de l’eau », Gérard Payen, PCM Ponts & Chaussées Magazine, juin-juillet 2005.
« Droit à l’accès à l’eau potable, aspects économiques, institutionnels et pratiques », Gérard Payen in La mise en œuvre du droit à l’eau, XXIXe Congrès IDEF, Institut suisse de droit comparé, vol.53, 2006.
Financer l’eau pour tous, J. Winpenny, rapport collectif dirigé par Michel Camdessus, mars 2003.
« L’Eau : bien social et économique », Gérard Payen, in La Houille Blanche, revue internationale de l’eau n°1, 2003.
« Concrétiser le droit à l’accès à l’eau dans les pays en développement », Gérard Payen in Revue Quart Monde n°180, L’Eau : un bien commun, novembre 2001.
Aucun commentaire.