Politique migratoire : que faire de l'accord franco-algérien de 1968 ?
Introduction
L’accord du 27 décembre 1968
L’accord de 1968 institue un régime dérogatoire au droit des étrangers
Pour les Algériens, le visa français est crucial
Le régime des visas est prisonnier d’un enchevêtrement de normes juridiques
Identifier les problèmes
Réduire le nombre de visas accordés aux Algériens : une demande générale des administrations
Quelles réponses aux problèmes de l’accord de 1968 ?
La France doit dénoncer l’accord franco-algérien
Comment mettre fin au statut dérogatoire accordé à l’État algérien ?
Document : texte de l’accord franco-algérien de 1968
Résumé
Le 27 décembre 1968, la France et l’Algérie ont signé un accord définissant les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens en France. Cet accord bilatéral reste peu connu. Pourtant, les implications de ce texte sur la politique migratoire française sont considérables puisqu’elles offrent à l’Algérie un statut exceptionnel en octroyant à ses ressortissants un statut dérogatoire au droit commun. Relevant du droit international, ce traité bénéficie donc d’une autorité supérieure à la loi française. Dès lors, son contenu est hors de portée du législateur national. L’accord de 1968 a été révisé en 1985, 1994 et 2001, mais les principes qui le fondent ont toujours été maintenus.
Cette anomalie a installé une brèche dans notre ordre juridique, d’autant plus importante que, comme l’a rapporté l’Insee dans sa dernière enquête publiée en mars 2023, les Algériens constituent la première nationalité étrangère en France. Or, l’accord de 1968 prive le législateur et le gouvernement français de la possibilité d’agir significativement sur les flux en provenance de l’Algérie. La situation de la France est d’autant plus défavorisée, que l’Algérie ne remplit pas ses obligations, notamment en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer consulaires sans lesquels il n’est pas possible de réaliser les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il apparaît donc qu’aucune politique migratoire cohérente ne soit possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien.
Xavier Driencourt,
Diplomate, ambassadeur de France à Alger, d’abord de 2008 à 2012, puis de 2017 à 2020, ancien directeur général de l’administration du Quai d’Orsay, chef de l’Inspection générale des affaires étrangères (2012-2017).
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Extrait de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Introduction
Institut national de la statistique et des études économique, « L’essentiel sur les immigrés et les étrangers », 10 août 2022.
Voir sur le site vie-publique.fr, « Déclaration de MM. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, et Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, sur le projet de loi visant à contrôler l’immigration et à améliorer l’intégration, au Sénat le 28 février 2023 » et sur senat.fr.
Dominique Reynié (dir.), Immigration : comment font les États européens, Fondation pour l’innovation politique, mars 2023.
Base de jurisprudence, ArianeWeb, Conseil d’État, analyse n°81420, lecture du 25 mai 1988.
Xavier Driencourt, L’Énigme algérienne, Éditions de l’Observatoire, mars 2022.
En France, les Algériens représentent la plus importante communauté étrangère. En 2021 selon l’Insee, 887.100 ressortissants algériens vivaient sur le territoire français, soit 12,7% des immigrés vivant en France1. La circulation, le séjour et le travail des Algériens en France sont régis par l’accord de 1968, négocié après l’indépendance de l’Algérie. À cette époque, il s’agissait de répondre au développement rapide de notre économie. La France cherchait à encourager la venue d’une main-d’œuvre étrangère. Grâce à cet accord, les Algériens souhaitant s’installer en France ont bénéficié de conditions d’entrées beaucoup plus favorables que les candidats issus des autres pays. Si l’accord de 1968 a été révisé en 1985, 1994 et 2001, les principes qui le fondent et les dérogations au droit commun qui le caractérisent ont toujours été maintenus.
En consultant le texte du récent projet de loi visant à «contrôler l’immigration et améliorer l’intégration», déposé en février 2023 par les ministres Gérald Darmanin et Olivier Dussopt2, un lecteur attentif ou un juriste averti notera qu’il y est précisé que ses dispositions ne concernent pas les Algériens, et que la spécificité de leur situation sur ce point ne ferait pas l’objet des discussions à venir lors de l’examen du nouveau projet de loi. Pourtant, il semble d’autant plus nécessaire de remettre à plat ce dispositif que Gérald Darmanin souhaite, à raison, amplifier la politique de reconduite aux frontières des étrangers en situation irrégulière, lesquels sont principalement issus des pays du Maghreb. L’enjeu est de taille. En effet, un État court le risque d’une crise politique majeure s’il voit venir sur son territoire des migrants en nombre sans pouvoir exercer son droit souverain de reconduire aux frontières ceux qui ne doivent pas rester sur le territoire national. Un État ne saurait conserver sa souveraineté sans défendre son territoire et sa population3.
Le fait d’excepter l’accord franco-algérien de 1968 de la discussion d’un texte ambitionnant de « contrôler l’immigration » est paradoxal, sinon contradictoire, dans la mesure où une très grande partie des étrangers arrivant aujourd’hui en France, par la voie du regroupement familial ou simplement avec un visa de tourisme, viennent d’Algérie. Exclure d’un projet de loi en matière d’immigration le cas des ressortissants algériens, comme ce fut fait lors des lois dites Sarkozy ou Collomb, réduirait à presque rien les chances d’atteindre les objectifs fixés.
Cependant, pour comprendre la difficulté du problème à résoudre, il importe de rappeler ici que les traités internationaux ont une valeur supérieure aux lois. Le corpus juridique français établit en effet, aux termes de l’article 56 de la Constitution, que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés, ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » : pour cette raison, un accord bilatéral, comme celui conclu avec l’Algérie le 27 décembre 1968 a pour conséquence que les Algériens ne sont pas soumis aux lois sur l’immigration. En outre, la jurisprudence constante du juge administratif se plaît à préciser que l’accord « régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s’établir en France ; qu’il suit de là que les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l’accord précité4 ».
Quand le législateur vote des lois sur l’immigration, il doit savoir qu’une large partie de la population issue de l’immigration n’est pas concernée par le résultat de ses délibérations. Cette anomalie5 crée une brèche importante dans notre ordre juridique, d’autant plus importante que, comme l’a rapporté l’Insee dans sa dernière enquête, les Algériens constituent la première nationalité étrangère en France. La dénonciation de cet accord ne serait-elle pas la solution ou au moins n’apporterait-elle pas une réponse à la mauvaise volonté dont font preuve les consulats algériens dans la mise en œuvre des laissez-passer consulaires, nécessaire à l’expulsion des ressortissants sous obligation de quitter le territoire (OQTF) ? Tel est l’objet de cette réflexion qui se propose de rappeler ce qu’est l’accord franco-algérien de 1968, son importance et ses conséquences dans la politique migratoire française et d’examiner les possibilités juridiques qui s’offrent au gouvernement.
L’accord du 27 décembre 1968
L’accord de 1968 institue un régime dérogatoire au droit des étrangers
Voir legifrance.gouv.fr.
Si l’accord franco-algérien de 1968 s’inscrit dans le prolongement historique et politique des accords d’Évian de 1962, il en est juridiquement détaché.
Ce chiffre a été ramené à 25.000 en 1972.
Musée de l’histoire de l’immigration.
« Droit au séjour en France des étrangers relevant de régimes juridiques spéciaux », ministère de l’Intérieur.
Les Algériens échappent ainsi au droit commun qui impose à tout étranger envisageant de créer une société en France d’obtenir un visa long séjour et, pour ce faire, de justifier de la viabilité économique de son projet en fournissant aux services consulaires français plusieurs justificatifs. Voir à ce sujet le site de la CCI Ile-de-France.
L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est « relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ». Il constitue une dérogation au droit commun fixé par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)6. Cet accord est le fruit d’une négociation initiée par la France visant à encadrer l’entrée et le séjour en France de la main-d’œuvre algérienne, à un moment où la libre circulation et l’égalité de droit mentionnées dans les accords d’Évian du 18 mars 19627 suscitent des inquiétudes des deux côtés de la Méditerranée, tant le flux migratoire semblait devenir incontrôlable, affectant lourdement les conditions d’accueil – ainsi, les Algériens étaient majoritaires parmi la population du bidonville de Nanterre au début des années 1960. Les accords d’Évian accordaient aux Algériens une relative liberté de circulation. Il faut rappeler que la France est alors dans une période de forte croissance économique. Le pays comptait moins de trois cent mille chômeurs. L’enjeu était donc de faciliter et de réglementer la circulation d’une main-d’œuvre algérienne dont la France avait besoin. Il importe de noter que la réciprocité et les différentes clauses au profit des Français résidant alors en Algérie (les pieds-noirs) n’avaient plus de sens avec le départ de la communauté française d’Algérie. Les dispositions prévues par les accords d’Évian ne profitaient finalement qu’à l’immigration algérienne vers la France.
Ainsi, pour chacune des deux parties, l’objet de l’accord du 27 décembre 1968 était de réguler le flux migratoire tout en accordant aux Algériens, déjà très nombreux en France, un traitement favorable au regard du droit commun. L’accord prévoyait un contingent annuel limité à 35.000 entrées8. Une fois en France, « les Algériens ont neuf mois pour trouver un emploi. S’ils y parviennent, ils reçoivent un certificat de résidence établi pour cinq ans9 ». Les autorités algériennes ont vu d’un bon œil l’accord de 1968. En effet, d’une part, il leur permettait de limiter le risque d’un exode vers la France d’Algériens redoutant des conséquences négatives de l’indépendance ; d’autre part, cet accord revenait à reconnaître un statut particulier à l’Algérie, surtout par rapport au Maroc, en accordant à ses ressortissants un régime favorable sur de nombreux points :
- un visa de long séjour n’est pas nécessaire pour le conjoint ; le visa touristique, de court séjour suffit, contrairement à ce qui est imposé aux autres nationalités ;
- le conjoint algérien peut obtenir un certificat de résidence algérien (CRA) de dix ans valant titre de séjour après un an de mariage seulement contre trois ans de vie commune pour les autres nationalités. Et ceci sans que les conditions d’intégration soient préalablement vérifiées, ce qui explique d’ailleurs que dans le projet de loi Darmanin-Dussopt, les conditions d’intégration, de connaissance de la langue française et aussi le respect des valeurs de la République ne s’imposent pas aux Algériens. Le certificat de résidence algérien est accordé de plein droit10 ;
- en cas de regroupement familial, l’exigence d’une intégration et d’une insertion dans la société française n’est pas soumise à vérification ; le regroupement familial est quasiment de plein droit et ne peut être refusé que pour des motifs limitativement énumérés ;
- les accords ne prévoient aucune possibilité de retrait du titre de séjour, sauf par le juge en cas de fraude. L’accord de 1968 est en effet le seul texte français qui autorise le renouvellement automatique du titre de séjour délivré à un étranger. Le trouble à l’ordre public n’est pas opposable. Le seul cas envisageable de retrait est l’obtention frauduleuse du titre ou l’absence de son détenteur pendant plus de 3 ans ;
- un Algérien sans papiers doit simplement pouvoir justifier d’une résidence en France depuis dix ans pour obtenir sa régularisation. De même, le conjoint algérien sans papiers d’un ressortissant français n’a pas besoin d’un visa de long séjour pour obtenir sa régularisation ;
- d’autres dérogations existent, qu’il s’agisse du délai nécessaire pour le regroupement familial, du montant des ressources exigées, des conditions d’intégration dans la société, ou encore de la liberté d’installation pour les artisans et commerçants. En effet, l’accord de 1968 établit la liberté d’établissement au profit des Algériens qui veulent exercer une activité professionnelle en France. Contrairement aux autres nationalités, ils n’ont pas à démontrer que leur activité est économiquement viable11 ou qu’elle respecte la réglementation en vigueur ou encore qu’ils en tirent des moyens de subsistance suffisants. La simple inscription au registre du commerce suffit pour obtenir le statut de commerçant. L’avantage de ce dispositif est qu’il permet aux étudiants algériens de transformer leur visa d’étudiant en visa de commerçant et donc d’obtenir un titre de séjour. Ce procédé, qu’ils connaissent bien, est un moyen somme toute assez simple pour rester en France et pour bénéficier d’un titre de séjour ;
- les ascendants et descendants à charge peuvent également s’établir librement avec un seul visa de court séjour.
Curieusement, comme évoqué précédemment, il n’existe aucun texte concernant l’entrée des Français sur le territoire algérien : ils relèvent du droit commun algérien en matière d’entrée et de séjour et n’ont pas de régime particulier par rapport aux Allemands, aux Italiens ou aux Espagnols. Il y a donc une asymétrie importante entre le régime juridique dérogatoire et très favorable auxquels ont droit les Algériens en France, tandis qu’en Algérie, les Français sont soumis au droit commun algérien.
On voit donc que, même si le texte a été modifié depuis, l’accord franco-algérien de 1968 est plus avantageux pour les Algériens. Près de soixante ans après sa signature, ce texte est toujours en vigueur. Les deux pays ont modifié à trois reprises ses dispositions, d’abord à l’initiative de la France, pour l’introduction de certaines dispositions de droit commun, puis à la demande de l’Algérie, pour bénéficier de dispositions plus favorables issues de la loi du 11 mai 1998 sur l’immigration et l’asile. Pour autant, le corps du texte comme l’esprit de cet accord sont toujours, soixante ans après l’indépendance algérienne, au cœur de la relation bilatérale. Un changement majeur est intervenu en 1986 avec l’exigence, pour l’ensemble des pays étrangers, de l’obligation de visa en vue d’une entrée sur le territoire français. Cette obligation (qui a aussitôt entraîné la réciprocité pour les ressortissants français du côté algérien) a, par la suite, été assouplie par la France ou supprimée pour les citoyens de nombreux pays étrangers, mais maintenue pour les États du Maghreb et certains autres pays considérés comme présentant un risque migratoire. Dès lors, l’obtention d’un visa est aujourd’hui la clef de la circulation et de l’installation d’un Algérien en France. On comprend dès lors l’importance du visa dans l’imaginaire collectif algérien.
Pour les Algériens, le visa français est crucial
Yves Thréard, « Abdelmadjid Tebboune : « Il est urgent d’ouvrir une nouvelle ère des relations franco- algériennes » », lefigaro.fr, 29 décembre 2022.
Quel que soit son statut, touriste, étudiant, salarié, visa simple ou visa de circulation qui permet des entrées multiples, le visa est le sésame assurant la possibilité de s’installer en France. Son obtention, facilitée par l’accord franco-algérien de 1968, permet l’accès à de nombreux avantages. De plus, en raison du principe de supériorité des traités internationaux sur les lois, le détenteur algérien d’un visa échappe aux contraintes des lois françaises sur l’immigration. Enfin, l’accord de 1968 confirme que les Algériens relèvent d’un statut particulier, correspondant à ce qu’ils estiment être un droit hérité de l’histoire. C’est pourquoi le visa, entendons l’obtention d’un visa, revêt une dimension particulière en Algérie, aux yeux du gouvernement algérien mais plus encore aux yeux de la population. Certes, il reste avant tout un instrument technique qui permet l’entrée sur le territoire Schengen et donc en France. Certes, il demeure, théoriquement, pour la France, un moyen de contrôle des flux migratoires (légaux). Mais le visa a en Algérie, sans doute plus qu’ailleurs, une dimension d’abord politique : comme rappelé plus haut, il est en quelque sorte un droit qui apparaît comme la contrepartie, légitime aux yeux des Algériens, à la colonisation française durant cent trente-deux années. C’est ce que dit le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune dans son interview au Figaro, en décembre 202212, sous forme de boutade. Mais surtout, le visa joue dans la société algérienne un rôle de régulateur des problèmes car il fait fonction de soupape. Dans une société qui va mal, chacun trouve une façon de « tenir le coup » et de vivre ou survivre, tant bien que mal. Parmi ces régulateurs, il peut y avoir le sport (le football en particulier), la religion, la violence, le marché noir, et bien sûr le visa. Il représente l’espoir de partir. Mais bien évidemment, si le sport, le marché noir ou l’islam ne dépendent que de l’Algérie, les visas dépendent exclusivement du gouvernement français, ce qui explique, là encore, leur importance diplomatique. Si l’on admet cette dimension et ces vertus prêtées au visa, on comprend dès lors l’insistance que mettent les autorités d’Alger à défendre leur régime particulier issu de l’accord de 1968.
Le régime des visas est prisonnier d’un enchevêtrement de normes juridiques
Identifier les problèmes
Le régime relatif à la circulation des Algériens vers la France est devenu particulièrement complexe car il mêle des textes d’origines différentes :
- les textes d’origine communautaire (Union européenne), principalement le code communautaire des visas et tous les textes qui en découlent et qui concernent les dispositions issues des accords de Schengen ; le régime Schengen vaut pour les visas de court séjour.
- des textes bilatéraux, principalement l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, pour les visas de long séjour, les échanges de lettres et les différents avenants de 1985, 1994 et 2001 ainsi que l’accord sur les jeunes actifs du 26 octobre 2015 ;
- le code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), sorte de « bible » des consulats pour tous les domaines qui ne relèvent pas du champ d’application des accords bilatéraux.
À cela il faut ajouter deux éléments : d’une part, la jurisprudence du Conseil d’État qui a précisé certains points concernant l’accord de 1968 ; d’autre part, l’échange de lettres franco-algérien du 28 avril 1994, confidentiel, et qui n’a donc pas fait l’objet d’une publication au Journal officiel. Dans cet accord, Alger s’était engagé à prendre toutes les dispositions nécessaires pour faciliter les identifications d’Algériens en situation irrégulière concernés par des procédures de reconduites à la frontière. Cet accord donne de nombreuses facilités aux consulats algériens en France afin d’identifier leurs ressortissants sur notre territoire ; il régit en particulier les laissez-passer consulaires, dont le gouvernement français a besoin pour expulser un étranger sous obligation de quitter le territoire. En d’autres termes, en matière de laissez-passer consulaires, ce sont bien les autorités algériennes présentes en France, les consulats, qui ne se conforment pas à leurs obligations.
Cet enchevêtrement de normes juridiques est inévitablement source de difficultés dans son application quotidienne, car il est possible que les services des étrangers des différentes préfectures ne réagissent pas de la même façon dans l’application de ces textes. Les autorités algériennes s’en plaignent évidemment, et les rencontres officielles sur ces questions leur permettent de faire remonter tel ou tel cas particulier qui leur apparaît « discriminatoire », ou à tout le moins « vexatoire ».
Taux d’OQT réalisées selon le pays entre 2015 et 2021 (en %)
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – mars 2023
Source :
Données Eurostat.
Note : Les OQT réalisées une année ont pu être ordonnées au cours d’une année antérieure. Dans ce graphique, les taux présentés indiquent le rapport entre les expulsions ordonnées et les expulsions réalisées entre 2015 et 2021.
Sur ce sujet, voir aussi « La France a-t-elle menti sur le nombre d’OQTF émises pour des ressortissants algériens ? », Le Nouvel Obs, 11 octobre 2021 : « Le nombre de “retours forcés exécutés” est en chute pour l’Algérie, où la baisse est de 94% entre 2021 et 2020 : seulement 22 Algériens ont été renvoyés entre janvier et juillet 2021, contre 385 sur la même période de 2020 et 1.677 en 2019. En 2021, le taux d’éloignement, soit le ratio entre le nombre de personnes sous OQTF et le nombre de personnes effectivement expulsées, est tombé à 0,3%, contre 18% en 2019 ».
Ces dernières années, au cours de nombreuses réunions ministérielles pendant lesquelles cette question des visas était évoquée, les arguments étaient les suivants :
- la politique générale en matière d’immigration reste généreuse, la volonté de la France est simplement de lutter contre l’immigration illégale : il y avait entre 2017 et 2020, plus de 10.000 Algériens en situation irrégulière qui restaient chaque année en France et faisaient l’objet d’une interpellation. En outre, 10.000 étaient refoulés dès le franchissement de la frontière et n’étaient pas admis sur le territoire. La plupart venaient avec un visa de tourisme mais n’avaient ni les moyens ni la famille pour vivre décemment en France. Telle était la raison pour laquelle il fallait être strict dans la délivrance des visas pour éliminer les candidats demandant un visa de tourisme avec l’intention non dite de rester en France et s’y installer une fois ce dernier expiré ;
- la France souhaite que l’Algérie, et particulièrement les consulats algériens, se montrent plus coopératifs lorsqu’il faut procéder à des reconduites à la frontière soit de clandestins, soit de terroristes sortant de prison. Certes les performances de l’Algérie dans ce domaine sont meilleures que celles des autres pays du Maghreb, mais la coopération consulaire pourrait être améliorée et accélérée. En 2021, sous le prétexte de l’absence de liaisons aériennes, notamment pour des raisons sanitaires, l’Algérie a encore réduit le nombre de laissez-passer consulaires, en exigeant un test PCR au départ de France que les reconduits refusaient sur les conseils de leurs avocats13.
- la question des kafalas et celle des mineurs non accompagnés (MNA) constituent également une source de problèmes. Certains dossiers de kafala sont manifestement frauduleux, et les consulats refusent donc de délivrer le visa au profit de l’enfant. Dans de nombreux cas, le juge annule ce refus considérant qu’il n’appartenait pas à l’administration consulaire de « contester le bien-fondé d’une décision de justice algérienne ». Cela revient à donner au juge algérien – décideur en dernier ressort des kafalas – le pouvoir de délivrer les autorisations d’entrer sur le territoire français et donc la maîtrise de ce flux migratoire. En outre, certains dossiers témoignent de la facilité avec laquelle certains Algériens, de sexe masculin et âgés, parviennent à placer sous leur autorité, selon la loi musulmane, des jeunes filles mineures ;
- existent aussi ce qu’il faut bien appeler des détournements de procédure en matière de regroupement familial ;
- enfin, il n’est pas compréhensible à Paris que l’Algérie, si attachée par principe à la réciprocité, ne soit pas plus coopérative dans sa politique de délivrance de visas pour certaines catégories de visiteurs français comme les religieux ou les journalistes. Pour ces deux catégories, le dossier d’instruction du visa relève du parcours du combattant.
La kafala au cœur de l’accord franco-algérien
Le droit de la famille dans la législation des pays du Maghreb, dont, celle de l’Algérie, est inspiré du droit islamique. Ce dernier interdit l’adoption telle qu’elle existe en France, mais reconnait un acte appelé « kafala ». Prononcé par une autorité judiciaire, il s’agit d’un acte par lequel une personne s’engage à recueillir un enfant mineur, à assurer sa protection et à pourvoir à ses besoins d’entretien et d’éducation. La kafala diffère de l’adoption, car elle n’instaure aucune filiation légale. Il s’agit uniquement d’un transfert de l’autorité parentale, qui cesse avec la majorité. La kafala ne crée aucun droit particulier permettant l’accès de l’enfant au territoire français, sauf dans le cadre de l’accord franco-algérien. Ainsi, le titre II du Protocole annexé à l’avenant du 22 décembre 1985 à l’accord franco-algérien indique que « les membres de la famille [pouvant bénéficier de la procédure de regroupement familial]1 s’entendent du conjoint d’un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d’une décision de l’autorité judiciaire algérienne dans l’intérêt supérieur de l’enfant »2. La kafala a été reconnue par les juges du Conseil d’État en 1989, et les juges administratifs n’hésitent pas à condamner les autorités consulaires françaises qui refuseraient un visa pour la raison qu’il ne s’agit pas d’une adoption plénière, laquelle est proscrite par les règles religieuses. |
Il faut également ajouter que, puisque les Algériens bénéficient d’un régime dérogatoire au titre de l’accord de 1968, il serait logique que les Français bénéficient, à leur tour, de facilités par rapport aux autres nationalités, pour entrer et s’installer en Algérie. Or, non seulement les religieux et les journalistes ont beaucoup de difficultés pour obtenir des visas de long séjour, mais les hommes d’affaires et enseignants de nos écoles également. Tous doivent retourner régulièrement en France, tous les trois mois, pour régulariser leur situation.
Les discussions techniques entre administrations concernées sont systématiquement polluées par des considérations politiques et n’aboutissent pas. On est amené à la conclusion que les deux seules voies possibles seraient d’une part, non pas la réduction, mais simplement l’arrêt de toute délivrance de visas ou au moins, la fixation d’un quota annuel (avec évidemment les problèmes politiques qui en résulteraient) et d’autre part, la remise en cause de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Réduire le nombre de visas accordés aux Algériens : une demande générale des administrations
Notons que la crise causée par la pandémie de la Covid-19 et l’interruption des vols vers la France ont compliqué l’évaluation des flux.
Le certificat de capacité à mariage est obligatoire pour tout Français qui souhaite se marier à l’étranger. Le consulat ou l’ambassade de France s’assurent de l’intégrité du consentement des époux et de la régularité du mariage (des auditions peuvent être requises, il s’agit alors souvent de sonder les motivations des époux afin de lutter contre les mariages blancs).
Pour illustrer la nature du problème, nous pouvons évoquer la situation en 2012, quand les trois consulats français en Algérie délivraient environ 213.000 visas par an, un chiffre qui doublait en 2017, atteignant 410.000. Cette augmentation était largement due aux instructions gouvernementales visant à « desserrer » l’étau des visas et à montrer un visage généreux de la France.
En 2017, la question a été posée au ministre des Affaires étrangères et au ministre de l’Intérieur, afin de connaître leurs instructions à propos de cette augmentation du nombre des visas : fallait-il poursuivre l’évolution de ces dernières années et donc en doubler le nombre, ce qui impliquerait de passer de 413.000 à 800.000 visas par an, ou fallait-il au contraire revenir à un flux situé aux alentours de 200.000 ? Fallait-il réduire le taux de visas de circulation ? De visas étudiants ? Au terme de ces réflexions, les préfets de Lyon, Marseille, Lille, Paris, avaient demandé aux ministres de mettre fin à ces dérives et de réduire le nombre de visas accordés.
Il avait alors été décidé, avec le plein accord de l’Élysée, de revenir progressivement à un taux de délivrance plus modéré, notamment après avoir constaté de nombreux comportements frauduleux, en particulier pour les dossiers de regroupement familial et les visas étudiants :
- en 2017 les demandes de visas étaient de 631.466 ; les visas délivrés atteignaient le chiffre de 411.979 ; les visas refusés étaient de 233.754 ;
- en 2018, les demandes de visas n’étaient que de 568.882 pour un nombre de visas délivrés de 293.926 et les visas refusés de 275.740 ;
- en 2019, les demandes de visas avaient à nouveau chuté à 351.289, les visas délivrés étaient de 183.925 et les visas refusés de 157.307.
Il y a donc eu entre 2017 et 2020 une politique très stricte d’examen des demandes de visas14. Compte tenu de la dimension sociale du visa et du rôle de « régulateur » qu’il a, les réactions du gouvernement algérien comme de la presse locale ont été d’une extrême violence : la France remettait en cause le droit au visa et comptait sans doute ébranler l’édifice juridique né de l’accord de 1968.
Un aspect doit encore être mentionné : la charge de travail générée par l’instruction des dossiers individuels et par les multiples contentieux qui entourent la gestion des visas. En amont, il y a les interventions multiples de « dignitaires », hommes d’affaires, politiques et leur parentèle ; en aval, les conséquences générées par les refus. D’où la mise en place de stratégies de contournement qui prennent des formes multiples : recours gracieux auprès des consulats français en vue d’une demande de révision des dossiers, contestation auprès de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV) qui siège à Nantes, recours contentieux devant le Tribunal administratif de Nantes, voire en cassation au Conseil d’État. On comprend l’importance de la jurisprudence évoquée plus haut. Il y a bien sûr, parmi ces stratégies de contournement, le dépôt du dossier de demande de visa devant les consulats espagnol ou italien, réputés moins difficiles, et qui ne cachent pas vouloir « faire du chiffre », en déployant une générosité administrative qui sera sans conséquence sur leurs propres flux migratoires, puisque l’objectif ultime des demandeurs de visas est de venir en France.
En 2018-2019, dans le cadre du plan de réduction du nombre de visas mentionné plus haut, il a pu être constaté des demandes en hausse de certificats de capacité à mariage (CCAM)15, des saisines plus nombreuses du procureur de la République, juge dont la volonté de respecter un droit au visa est bien connue, ou encore des demandes d’acquisition de la nationalité française, procédure qui évite la nécessité d’un recours au visa. Ainsi entre 2017 et 2019, les demandes de certificat de capacité à mariage ont augmenté de 40%. L’Algérie occupait 21% de l’ensemble des saisines du procureur de la République pour « défaut d’intention matrimoniale », autrement dit les mariages « gris » ou « blancs », qui avaient été refusés par les consulats. L’acquisition de la nationalité française pour les Algériens a augmenté de 50% entre 2017 et 2019. En 2019, ce sont 3.599 recours gracieux qui ont été traités par les trois consulats français en Algérie (Alger, Oran, Annaba), tandis que les contentieux auprès de la CRRV pour la seule année 2019 étaient de plus de 15.000, selon le Consulat général de France à Alger.
Cette politique de réduction du nombre des visas délivrés, malgré les difficultés et les tentatives de contournement, a néanmoins été efficace, au point qu’en octobre 2021, le ministère de l’Intérieur décidait d’en réduire encore le nombre de 50%. Il en fit de même pour le Maroc. Mais, quelques mois plus tard, le ministère décidait d’annuler ces mesures de restriction. La délivrance des visas a retrouvé depuis un rythme très élevé, et d’ailleurs non seulement pour les Algériens mais aussi pour les Marocains et les Tunisiens.
La flexibilité et la générosité de l’accord franco-algérien de 1968, l’importance du visa dans la société algérienne et pour le gouvernement algérien, la jurisprudence extrêmement favorable mise en place par les juges judiciaires et administratifs au fil des ans, de même que la quasi-certitude qu’en fin de compte, il n’y aura pas ou très peu de reconduite aux frontières des Algériens irréguliers, tous ces éléments contribuent à la création d’un environnement juridique très défavorable pour la France. Pour résumer, pour un ensemble de raisons, liées aussi bien à l’histoire qu’à la relation particulière entre la France et l’Algérie, le visa apparaît aux Algériens à la fois comme illégitime (puisqu’il n’existait pas avant 1986), tout en étant considéré comme un droit (droit créé par la colonisation) et il répond à des considérations particulières, dérogatoires au droit commun en matière migratoire. Telles sont les raisons pour lesquelles les autorités algériennes ont toujours demandé et obtenu le maintien de l’accord de 1968 sur la circulation des personnes. C’est aussi la raison pour laquelle il suffit à un ressortissant algérien d’obtenir un visa touristique (visa dit de court séjour), afin, une fois celui-ci obtenu, de faire jouer l’ensemble des dispositions de l’accord franco-algérien.
On voit qu’il y a eu, à compter de 2017-2018, une politique de contrôle accru de la délivrance des visas, en particulier pour ce qui concerne les visas de circulation, les visas pour étudiants et les visas pour mariage. Mais cette politique volontariste n’a pas produit tous les résultats escomptés en raison, d’une part, des stratégies de contournement mises en œuvre par les ressortissants algériens et, d’autre part, de la jurisprudence plutôt ouverte des juges judiciaires et administratifs dont les décisions sont rarement favorables à l’administration consulaire. Il y a là une difficulté significative.
Le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans des universités françaises
Source :
Campus France, Rentrée 2022
Quelles réponses aux problèmes de l’accord de 1968 ?
La France doit dénoncer l’accord franco-algérien
Yves Thréard, « Abdelmadjid Tebboune : « Il est urgent d’ouvrir une nouvelle ère des relations franco-algériennes » », lefigaro.fr, 29 décembre 2022.
La question qui se pose aujourd’hui est celle de la remise à plat du dispositif créé en 1968 au profit des Algériens, voire de son éventuelle suppression. Le régime dérogatoire accordé à l’Algérie est si particulier que, en application du principe de la supériorité des traités internationaux sur les lois, les Algériens ne sont pas concernés par les dispositions relatives au respect des lois de la République. On peut se demander, en effet, quel intérêt nous aurions à prolonger un tel régime au bénéfice d’un État qui, de son côté ne respecte pas les obligations qui lui incombent, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des laissez-passer consulaires, indispensable à l’exécution des OQTF. Plus généralement, on ne voit plus les raisons pour lesquelles nous devrions maintenir un tel dispositif dérogatoire alors que le contexte politique global et les conditions économiques ont si profondément changé. De même, la perception de l’immigration – fût-elle algérienne – par les opinions publiques en France et en Europe n’est plus la même. On observe à ce propos que la plupart des pays européens, membres ou non de l’espace Schengen, sont en train de durcir sensiblement leur législation en matière d’immigration.
L’accord franco-algérien est essentiel aux yeux du gouvernement algérien. Ce n’est pas un hasard si, dans l’interview déjà citée qu’il a donnée au Figaro, en décembre 2022, le Président algérien Abdelmadjid Tebboune précise que « la circulation des personnes découle des accords d’Évian et des accords de 1968 : il y a une spécificité algérienne ajoute-t-il, y compris par rapport aux autres pays maghrébins (Maroc et Tunisie). Elle a été négociée, il convient de la respecter16 ». Il met ainsi en garde le gouvernement français contre la possible tentation de mettre fin à ce régime particulier. Il faut rappeler que les accords d’Évian n’ont pas été scrupuleusement respectés par la partie algérienne. La spécificité algérienne, sous la forme de ces droits exorbitants accordés aux Algériens au nom de l’histoire n’a plus de raison d’être au XXIe siècle.
Lors d’un entretien avec l’ambassadeur de France en Algérie le 3 mai 2012, le Président Bouteflika disait : « Nous, Algériens, nous devons être mieux traités en matière de visas que nos frères marocains, car l’Algérie, avant 1962, était un département français tandis que le Maroc n’était qu’un protectorat. En d’autres termes, l’histoire a créé des droits au profit des Algériens, ces droits ont été reconnus par les accords d’Évian et l’accord du 27 décembre 1968, ils sont inaltérables et les remettre en cause serait à la fois une insulte à l’histoire et une sorte de déni de justice. Le visa n’est dans ce contexte, pas seulement un document technique qui permet de se rendre en France comme dans le reste de l’Europe Schengen, mais c’est avant tout un droit, et quasiment le prix à payer par la France pour la colonisation de l’Algérie cent trente-deux années durant ». Il n’y aurait donc que justice à maintenir ce régime particulier au profit des Algériens, régime qui sert à marquer leur différence par rapport aux Marocains et aux Tunisiens.
Comment mettre fin au statut dérogatoire accordé à l’État algérien ?
Les accords d’Évian comprennent deux parties : un « Accord de cessez-le-feu en Algérie » et les « Déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie ». Voir le Journal officiel de la République française. Lois et décrets, n° 0067 du 20/03/1962, Titre II, Échanges, art. 7, p. 3025 (version numérisée en téléchargement sur legifrance.gouv.fr).
Ibid.
Voir l’article 12 du Décret n°69-243 du 18 mars 1969.
Le RN par la voix de Marine le Pen n’est pas la seule entité à s’être prononcée en faveur de la dénonciation de l’accord franco-algérien (voir le tweet de Marine Le Pen le 20 octobre 2022 : « Je souhaite remettre en cause les accords de 1968 passés entre l’Algérie et la France, qui facilitent considérablement les flux migratoires entre nos deux pays. Je conditionnerai l’obtention de visas pour les Algériens au respect absolu des OQTF. ». Tout récemment, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe s’est également prononcé sur le sujet (Mathilde Siraud, « Édouard Philippe : « J’apprends, je me prépare… » », lepoint.fr, 12 janvier 2023 : « Si vous voulez faire une politique d’asile européenne, il faut que les pays européens se mettent d’accord et il faudra changer la Constitution. Il faut aussi s’interroger sérieusement sur l’accord franco-algérien »). La dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 est discutée chez les LR (voir le tweet d’Éric Ciotti le 28 septembre 2021 : « Allons plus loin et abrogeons les accords d’Évian qui accordent à l’Algérie un régime migratoire d’exception qui doit être supprimé. »). Cette position est défendue par Patrick Stefanini, ancien secrétaire général du ministère de l’Immigration et spécialiste reconnu de cette question (Ronan Planchon, « Patrick Stefanini : « Il faut renégocier les accords bilatéraux avec les pays du Maghreb » », lefigaro.fr, 3 novembre 2021).
Jean-Eric Schoettl, La démocratie au péril des prétoires. De l’État de droit au gouvernement des juges, éd. Gallimard, qui explique parfaitement la concurrence que se font Conseil d’État et Cour de cassation, Cour européenne des droits de l’homme et Cour de Justice de l’Union européenne.
Si un gouvernement voulait remettre en cause les acquis de 1968, il y aurait en gros deux possibilités : une renégociation des accords ou leur dénonciation. L’accord franco-algérien de 1968 a déjà été renégocié à plusieurs reprises, mais à chaque fois, en maintenant les avantages particuliers au profit des Algériens. La France n’a su obtenir une remise en cause de la philosophie générale de l’accord. La voie de la renégociation n’est donc pas nouvelle et force est de constater qu’elle n’a pas permis d’obtenir de résultat. Cette solution est illusoire. Il reste donc la voie de la dénonciation.
Jusqu’ici, la difficulté d’une dénonciation unilatérale de l’accord franco-algérien a empêché les gouvernements successifs d’examiner sereinement cette possibilité. Découragés, ils ont préféré baisser les bras. Ils ont eu tort. Politiquement, une dénonciation unilatérale de l’accord serait perçue à Alger comme un coup de tonnerre. Cet accord marque le particularisme de la relation franco-algérienne, notamment par rapport au Maroc. Le gouvernement d’Alger y tient donc tout particulièrement, même si de son côté il n’en respecte ni la lettre ni l’esprit ou les multiples obligations qui en découlent. En outre, les dirigeants algériens connaissent tous les avantages que leur procurent les dispositions de l’accord du 27 décembre 1968. Ils savent enfin que pour une population qui vit depuis tant d’années sous la férule de l’armée, un séjour en France, temporaire ou définitif, a l’effet de soupape indiqué plus haut, compte tenu des difficultés considérables de la vie quotidienne algérienne, des conditions économiques, de l’absence de services publics ou de l’absence de liberté.
Sur le plan juridique, les difficultés ne sont pas insurmontables : en premier lieu, le texte de l’accord de 1968 fait référence, dans son préambule, à la déclaration de principe des accords d’Évian relative à la coopération économique et financière. Selon les accords d’Évian de 1962, « tout Algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre l’Algérie et la France »17 et son article 7 prévoit même que les ressortissants algériens résidant en France, notamment les travailleurs, « auront les mêmes droits que les nationaux français à l’exception des droits politiques »18. Pour sa part, l’accord de 1968 instaure un titre de séjour spécifique pour les ressortissants algériens, leur conjoint et leurs enfants mineurs ou à charge, le certificat de résidence pour Algériens (CRA). Il y a donc un lien clair entre l’accord du 27 décembre 1968 et les accords d’Évian du 18 mars 1962. Ils sont la base de la relation franco-algérienne. Les autorités d’Alger jouent évidemment de cette confusion et n’hésitent pas à rappeler ce lien juridique et politique entre les deux textes : en clair, dénoncer l’accord de 1968 reviendrait à mettre fin aux accords d’Évian et l’Algérie serait déliée de ses engagements qu’elle n’a cependant pas toujours respectés. Il n’est alors pas étonnant qu’aux yeux des autorités algériennes, la dénonciation de l’accord de 1968 par Paris ramènerait au statu quo ante, c’est-à-dire à la libre circulation entre les deux pays telle qu’elle existait de facto avant l’indépendance de la colonie française. Cette « menace » d’un retour à la liberté de circulation entre les deux pays préoccupe évidemment les autorités politiques françaises. Mais elle reste malgré tout très théorique, car on imagine mal les autorités douanières ou policières françaises se contenter, au nom de la libre circulation, de la seule carte d’identité d’un ressortissant algérien lors de son entrée en France, de même que l’on conçoit difficilement qu’un ressortissant français puisse se rendre en Algérie sans visa et franchir les nombreux contrôles aux frontières de l’autre côté de la Méditerranée. Il importe de préciser que le retour au statu quo ante, c’est-à-dire la libre circulation sans visa, gênerait considérablement les autorités algériennes : imagine-t-on l’Algérie ainsi contrainte d’accueillir sans moyen de contrôle particulier par leurs consulats, hommes politiques, religieux, journalistes ou universitaires qui pourraient alors venir voir de près la société et la politique algériennes ?
En deuxième lieu, d’un point de vue strictement juridique, l’accord du 27 décembre 1968 ne comporte pas de clause de dénonciation par l’une ou l’autre des parties : dans une telle hypothèse, c’est le droit international commun qui s’appliquerait, c’est-à-dire, en l’espèce, la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. Selon le traité de Vienne, la dénonciation unilatérale d’un traité n’est pas autorisée, à l’exception de deux considérations, soit, d’une part, s’il est montré qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’une dénonciation ; et, d’autre part, si le droit de dénonciation peut être déduit de la nature du traité.
Il reviendrait de ce fait à la France, qui prendrait, par hypothèse l’initiative de la dénonciation, de démontrer qu’elle est fondée à dénoncer l’accord du 27 décembre 1968 en excipant soit de l’intention des parties, soit de la nature du traité. De ce point de vue, les juristes considèrent en général que l’accord de 1968 relève des traités qui n’ont pas vocation à être perpétuels et qui peuvent donc être dénoncés.
La France pourrait donc dénoncer unilatéralement ce traité. La raison de le faire existe. La France fonderait sa décision sur le fait qu’elle estime cet accord obsolète car ne répondant plus au contexte politique ou social initialement lié à l’immigration. Juridiquement, la dénonciation est possible. Certains juristes ou des membres de la classe politique, doutant du succès d’une telle décision, peuvent craindre que la dénonciation du traité n’aboutisse qu’au retour au statu quo ante, consacrant ainsi la libre circulation entre Alger et Paris. Pourtant, un tel raisonnement, revient à adopter purement et simplement la thèse algérienne, par méconnaissance du dossier ou par faiblesse politique.
Ce point de vue pessimiste est discutable, pour plusieurs raisons :
- d’abord, la dénonciation de l’accord de 1968 n’aurait pas pour effet de rétablir les conditions antérieures des accords d’Évian, plus favorables encore aux Algériens, celles-ci ayant en fait été implicitement abrogées par le texte de 1968. En fait, la dénonciation de l’accord de 1968 n’aurait pas pour effet un retour à la libre circulation dans la mesure où l’entrée sur le territoire français est régie par la convention de Schengen qui impose une gestion collective des conditions de franchissement de la frontière extérieure à l’espace Schengen. Ainsi, la dénonciation de l’accord ferait basculer les ressortissants algériens dans le droit commun des accords de Schengen. Ils devraient donc se soumettre à l’obligation de présenter un passeport et un visa valides ;
- ensuite, la dénonciation de l’accord serait accompagnée par l’ouverture ou une offre de discussion par la France permettant l’établissement d’un cadre juridique nouveau avec l’Algérie et adapté au contexte migratoire français du XXIe siècle. Par ailleurs, comme cela a été indiqué, d’un point de vue pratique, on voit mal les autorités douanières françaises accepter et mettre en œuvre cette libre circulation qui découlait des accords d’Évian. On peut supposer qu’une fois la dénonciation notifiée à Alger, nos agents de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) recevraient dans la minute l’instruction de ne pas laisser entrer sur le territoire un Algérien sans passeport ni visa. Fins politiques, connaisseurs de la situation française, les Algériens comprendraient parfaitement l’origine et le sens du message politique.
L’accord de 1968 prévoit d’ailleurs, dans son article 12, l’existence d’une commission mixte franco-algérienne « chargée notamment d’apporter des solutions satisfaisantes aux difficultés qui viendraient à surgir19 ».
Dans ce contexte, la dénonciation de l’accord du 27 décembre 1968 serait non pas « l’arme atomique » mais plutôt l’ultime avertissement pour obliger Alger à renégocier, ce qu’il s’est toujours refusé à faire.
Si le gouvernement français voulait mettre fin aux avantages créés par l’accord franco-algérien de 1968 et dénoncer ce dernier, on pourrait imaginer un schéma qui prendrait la forme suivante :
- une annonce politique faisant connaître la volonté française de dénoncer l’accord du 27 décembre 1968 ;
- la dénonciation dudit accord notifiée aux autorités d’Alger par note ;
- en l’absence probable de réponse ou d’accusé de réception de la part du gouvernement d’Alger, publication au Journal officiel de la dénonciation de l’accord par la France ;
- évidemment, proposition d’ouverture de négociations entre les deux gouvernements pour établir un nouveau cadre juridique destiné à remplacer l’accord du 27 décembre 1968 en vertu de l’article 12, faute de quoi les Algériens « tomberaient » dans le dispositif Schengen ;
- surtout, le contexte politique devrait être pris en compte car ce qui précède n’est que de nature juridique. Or, on sait que les arguments juridiques pèsent finalement peu face aux raisons politiques et à la pression qu’elles exercent. Les autorités d’Alger, parfaitement informées de ce contexte et des débats politiques français, connaissant les prises de position exprimées ici ou là par des hommes ou femmes politiques français20, s’attendent plus ou moins et même si elles ne le disent pas clairement, à une telle évolution qu’elles jugent inéluctable. Elles savent le caractère exceptionnel du cadre juridique franco-algérien, elles savent qu’en 2023, ce dispositif est une anomalie, que ce texte n’a plus lieu d’être, elles ne seront donc pas surprises par sa dénonciation. Mieux, Alger s’étonne sans doute que Paris, embarrassé par des considérations juridiques et un environnement jurisprudentiel bien connu, n’ait pas déjà pris l’initiative de mettre fin à l’accord du 27 décembre 196821.
Pour faire bonne mesure, Alger clamera son bon droit, dénoncera l’initiative française, exigera le rétablissement des dispositions de l’accord bilatéral ou le retour à la libre circulation, et évidemment, comme à chaque crise, rappellera son ambassadeur à Paris.
Le président Tebboune connaît les évolutions dans ce domaine et la tentation de la dénonciation. Il entend les prises de position publiques et il connaît le contexte social français, l’importance du débat sur l’immigration. Il connaît aussi les hésitations, voire la pusillanimité des politiques français. Il connaît enfin les écrits des juristes, gardiens du temple et des traités.
À l’occasion de chaque crise à propos de l’accord de 1968, Alger insiste sur sa bonne foi, sa volonté de reprendre en main la délivrance des laissez-passer consulaires, jouant sur la corde du « partenariat d’exception » entre la France et l’Algérie, formules creuses auxquelles on sait que Paris est sensible. À chaque fois, le pouvoir algérien obtient la consolidation du régime d’exception et la promesse qu’on ne touchera pas à l’accord franco-algérien de 1968. Avec la mémoire, le dossier des visas est le seul qui compte vraiment pour Alger. Pourtant, en tout état de cause, contrairement à ce qui est parfois affirmé, le gouvernement français peut dénoncer l’accord franco-algérien sans courir le risque d’un retour au statu quo ante, c’est-à-dire à la libre circulation. La difficulté n’est pas juridique mais politique. Mais un gouvernement désireux de remettre de l’ordre dans notre politique migratoire devra franchir le pas.
Document : texte de l’accord franco-algérien de 1968
Journal officiel de la République française.
Lois et décrets n° 0069 du 22/03/1969
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Décret n° 69-243 du 18 mars 1969 portant publication de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, signé à Alger le 27 décembre 1968.
Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères,
Vu les articles 52 à 55 de la Constitution ;
Vu le décret n° 53-192 du 14 mars 1953 relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits par la France,
Décrète :
Art. 1er. — L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, sera publié au Journal officiel de la République française.
Art. 2. — Le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères sont chargés de l’application du présent décret.
Fait à Paris, le 18 mars 1969.
Par le Président de la République : C. DE GAULLE.
Le Premier ministre, MAURICE COUVE DE MURVILLE.
Le ministre des affaires étrangères,
MICHEL DEBRÉ.
ACCORD
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE RELATIF À LA CIRCULATION, À L’EMPLOI ET AU SEJOUR EN FRANCE DES RESORTISSANTS ALGÉRIENS ET DE LEURS FAMILLES
Dans le cadre de la déclaration de principe des Accords d’Évian relative à la coopération économique et financière,
Le Gouvernement de la République française et
Le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire,
Soucieux d’apporter une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français ;
Conscients de la nécessité de maintenir un courant régulier de travailleurs, qui tienne compte du volume de l’immigration traditionnelle algérienne en France ;
Animés du désir :
— de faciliter la promotion professionnelle et sociale des travailleurs algériens ;
— d’améliorer leurs conditions de vie et de travail ;
— de favoriser le plein emploi de ces travailleurs qui résident déjà en France ou qui s’y rendent par le canal de l’Office national de la main-d’œuvre, dans le cadre d’un contingent pluriannuel déterminé d’un commun accord ;
Convaincus de l’intérêt de garantir et d’assurer la libre circulation des ressortissants algériens se rendant en France sans intention d’y exercer une activité professionnelle salariée, sont convenus de ce qui suit:
Article 1er.
Le contingent de travailleurs algériens entrant en France en vue d’y occuper un emploi est fixé d’un commun accord à 35.000 par an, pour une période de trois années. A compter de la quatrième année, le contingent de travailleurs algériens sera fixé de nouveau d’un commun accord.
Article 2.
Dans les limites du contingent fixé à l’article 1er, les titulaires de la carte délivrée par l’Office national algérien de la main-d’œuvre, revêtue du timbre sec de la mission médicale française, sont admis en France et autorisés à y séjourner, durant une période de neuf mois à compter de la date d’entrée sur le territoire français, à l’effet d’y rechercher un emploi. A l’issue de cette période, ils reçoivent un certificat de résidence dans les conditions prévues à l’article 7 a.
Article 3.
Un effort spécial sera réalisé, avec des moyens accrus, en faveur des travailleurs algériens, d’une part pour développer l’enseignement aux adultes, la préformation et la formation professionnelles ainsi que l’accès aux divers cycles de la promotion du travail, d’autre part pour améliorer, d’une manière continue, les conditions de vie et de logement de ces travailleurs. La commission mixte, instituée à l’article 12 du présent accord, est chargée de suivre l’ensemble des réalisations dans ces différents domaines. Elle suivra le développement de cette action et recevra, à cet effet, semestriellement, communication des résultats obtenus et des programmes établis.
Article 4.
Le conjoint, les enfants mineurs de moins de dix-huit ans ou à charge qui s’établissent en France sont mis en possession d’un certificat de résidence de même validité que celui dont le chef de famille est titulaire. La délivrance du certificat de résidence est toutefois subordonnée à la production d’une attestation de logement délivrée par les autorités françaises et d’un certificat médical établi soit par la mission médicale française auprès de l’Office national algérien de la main-d’œuvre, soit, en France, par des médecins agréés par l’Office national d’immigration. Les critères de santé publique sont ceux qui figurent en annexe au présent accord.
Article 5.
Les ressortissants algériens s’établissant en France à un autre titre que celui de travailleurs salariés reçoivent, après le contrôle médical d’usage et sur justification, selon le cas, de leur inscription au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel ou de la possession de moyens d’existence suffisants, un certificat de résidence provisoire valable neuf mois à dater de sa délivrance. A l’expiration de cette période, ils reçoivent un certificat de résidence dans les conditions prévues à l’article 7 b.
Le conjoint, les enfants mineurs de moins de dix-huit ans ou à charge qui s’établissent en France sont mis en possession, après visite médicale et production d’un certificat de logement, d’un certificat de résidence de même validité que celui dont le chef de famille est titulaire.
Article 6.
Les ressortissants algériens résidant en France antérieurement à la date d’application du présent accord sont automatiquement dotés d’un certificat de résidence.
Article 7.
Le certificat de résidence délivré en application des articles 2, 4, 5 et 6 ci-dessus est valable pour une période de :
a) Cinq ans pour les titulaires de la carte de l’Office national algérien de la main- d’œuvre justifiant d’un emploi ;
b) Cinq ans pour les ressortissants algériens exerçant une activité professionnelle non salariée ou possédant des moyens d’existence suffisants ;
c) Cinq ans pour les ressortissants algériens résidant en France depuis moins de trois ans à la date d’entrée en vigueur du présent accord ;
d) Dix ans pour ceux qui, à cette date, justifient, par tout moyen de preuve, d’un séjour de plus de trois ans à la date de l’entrée en vigueur du présent accord.
Ces certificats de résidence sont délivrés gratuitement aux ressortissants algériens par les autorités administratives, notamment les mairies, sur simple présentation d’un document justifiant de leur identité. Ces certificats de résidence sont valables sur l’ensemble du territoire français et permettent, selon le cas, l’exercice de toute activité professionnelle salariée ou non.
Ces certificats de résidence sont renouvelés automatiquement. Lors du premier renouvellement des certificats de résidence visés aux alinéas a et c du présent article, la durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à une période de douze mois, lorsque le travailleur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.
Il en est de même en ce qui concerne les ressortissants algériens établis en France à un autre titre que celui de travailleurs salariés et qui, depuis plus de douze mois consécutifs, ne rempliraient plus les conditions énoncées à l’alinéa b du présent article.
Article 8.
Les ressortissants algériens titulaires d’un certificat de résidence, qui auront quitté le territoire français pendant une période supérieure à six mois consécutifs, seront, s’ils y reviennent, considérés comme nouveaux immigrants. Toutefois, il leur sera possible de demander la prolongation de la période visée au premier alinéa, soit avant leur départ de France, soit par l’intermédiaire des ambassades ou consulats français.
Article 9.
Les ressortissants algériens venant en France pour d’autres raisons que celles d’y exercer une activité professionnelle salariée sont admis, sans formalité, à résider sur le territoire français, pour un séjour ne dépassant pas trois mois, sur simple présentation d’un passeport.
Article 10.
Par dérogation aux dispositions de l’article 7 et en dehors des cas d’expulsion, les certificats de résidence peuvent être retirés aux seuls ressortissants algériens considérés comme oisifs du fait qu’ils se trouvent en France sans emploi ni ressources depuis plus de six mois consécutifs. Ceux-ci peuvent être rapatriés par les soins du Gouvernement français. La décision de rapatriement sera notifiée au consulat algérien territorialement compétent vingt et un jours au moins avant la date prévue pour son application.
Article 11.
Le présent accord entrera en vigueur à la date de sa signature.
Les dispositions des articles 1er, 2, 9 et 10 prendront effet à compter du 1er janvier 1969.
L’application des dispositions concernant la délivrance des certificats de résidence s’échelonnera sur une période d’une année à compter du l*r janvier 1969.
Article 12.
Une commission mixte est chargée de suivre l’application du présent accord et d’examiner, dans le but d’y apporter des solutions satisfaisantes, les difficultés qui viendraient à surgir.
La désignation des membres de cette commission est faite par chacun des deux Gouvernements.
Cette commission se réunit semestriellement, ou exceptionnellement à la demande d’une des parties contractantes, alternativement en Algérie et en France.
Fait à Alger, le 27 décembre 1968, en double exemplaire.
Pour le Gouvernement de la République française : JEAN BASDEVANT.
Pour le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire :
ABDELAZIZ BOUTEFLIKA.
ANNEXE
A. — Maladies pouvant mettre en danger la santé publique.
1. Maladies quarantenaires visées dans le règlement sanitaire n° 2 du 25 mai 1951 de l’Organisation mondiale de la santé.
2. Tuberculose de l’appareil respiratoire active ou à tendance évolutive.
3. Syphilis.
4. Autres maladies infectieuses ou parasitaires contagieuses pour autant qu’elles fassent, dans le pays d’accueil, l’objet de dispositions de protection à l’égard des nationaux.
B. — Maladies ou infirmités pouvant mettre en danger l’ordre public ou la sécurité publique.
1. Toxicomanie.
2. Altérations psychomentales grossières; états manifestes de psychose d’agitation, de psychose délirante ou hallucinatoire et de psychose confusionnelle.
PROTOCOLE
Au cours des négociations qui se sont déroulées à Alger du 21 au 25 octobre 1968, les délégations française et algérienne sont convenues, en commun, des dispositions consignées au présent Protocole annexé à l’accord relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles.
TITRE Ier
Circulation des personnes.
Sont admis à circuler librement entre l’Algérie et la France, sans discrimination aucune et sur simple présentation de la carte nationale d’identité :
a) Les travailleurs algériens titulaires d’une carte de l’Office national algérien de la main-d’œuvre, visée lors de leur entrée en France par les autorités françaises. Il est apposé, sans autre formalité, au moyen d’un timbre humide, une mention précisant la date d’entrée et la durée du séjour prévu à l’article 2 de l’accord.
b) Les titulaires du certificat de résidence en cours de validité.
c) Pendant la période transitoire et en ce qui concerne les ressortissants algériens actuellement en France :
— les travailleurs et leur famille, à leur retour en France, à l’issue d’un congé en Algérie, sur présentation de l’attestation de remise de bulletin de salaire ;
— les commerçants et artisans justifiant de leur inscription aux registres du commerce ou des métiers ;
— les membres des professions libérales inscrits à un ordre professionnel.
Les autorités algériennes confirment le maintien de la réglementation actuellement en vigueur relative au départ des ressortissants algériens vers la France, au moins pendant la période transitoire.
TITRE II
Départ des familles.
Sont considérées comme personnes à charge, celles pour lesquelles il est produit un document délivré par les autorités algériennes attestant qu’elles sont à la charge du travailleur ou qu’elles vivent en Algérie, sous son toit.
Le cas des ascendants du travailleur désireux de résider en France fera l’objet d’un examen particulier.
TITRE III
Centres médicaux de contrôle de l’émigration.
Des dispositions seront prises par le Gouvernement français, avant la fin de l’année 1968 et dans le cadre de la coopération technique et culturelle, afin d’assurer le bon fonctionnement des centres médicaux de contrôle de l’émigration existant ou en voie de création.
Le nombre de médecins devra toujours permettre un fonctionnement normal de ces centres.
Les nouveaux centres médicaux de contrôle de l’émigration disposeront des timbres secs nécessaires.
Il sera également procédé au remplacement des timbres secs défectueux.
Les autorités algériennes compétentes assureront au chef de la mission médicale française les conditions nécessaires au bon fonctionnement des centres médicaux de contrôle de l’émigration.
TITRE IV
Etablissement des étudiants, stagiaires, fonctionnaires et agents des organismes algériens, des travailleurs saisonniers, des malades.
Des certificats de résidence sont délivrés aux ressortissants algériens qui s’installent en France en qualité d’étudiants, de stagiaires, de fonctionnaires ou d’agents des organismes algériens, de travailleurs saisonniers.
La durée de validité de ces certificats est de :
— un an, renouvelable, pour les étudiants et les stagiaires, sur justification soit d’un certificat d’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur français, soit d’une attestation de stage ;
— deux ans, renouvelable, pour les fonctionnaires ou agents des organismes algériens, sur présentation d’une attestation délivrée par l’autorité algérienne compétente ;
— pour les travailleurs saisonniers, celle du contrat, sans atteindre toutefois la durée d’un an.
Cependant un délai supplémentaire d’une durée d’un mois sera accordé comme délai de route.
Les malades algériens admis dans des établissements de soins français peuvent résider sur le territoire français pendant la durée de leur traitement, augmenté d’un délai de trois mois, sous le couvert d’une attestation de ces établissements.
TITRE V
Dispositions diverses.
1° Les ressortissants algériens résidant en France ne sont munis d’un certificat de résidence qu’à partir de l’âge de seize ans.
2° Les -certificats de résidence prévus par l’accord et le présent Protocole sont délivrés sur indication de l’adresse et de la profession.
Fait à Alger, le 27 décembre 1968, en double exemplaire.
Pour le Gouvernement de la République française : JEAN BASDEVANT.
Pour le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire : ABDELAZIZ BOUTEFLIKA.
Alger, le 27 décembre 1968.
A Son Excellence Monsieur Abdelaziz Bouteflika, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire.
Monsieur le ministre,
J’ai l’honneur de me référer à l’article 1er de l’accord à la signature duquel nous avons procédé ce jour et qui fixe le contingent de travailleurs algériens.
Nous nous sommes accordés pour considérer qu’en cas de crise grave affectant sérieusement la situation de l’emploi en France, le chiffre de ce contingent ferait l’objet d’un réexamen au sein de la commission mixte prévue par l’accord.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire part de l’accord de votre Gouvernement sur ce qui précède.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, les assurances de ma haute considération.
JEAN BASDEVANT.
Alger, le 27 décembre 1968.
A Son Excellence Monsieur Jean Basdevant, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, haut-représentant de la République française en Algérie.
Monsieur l’ambassadeur,
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre de ce jour ainsi conçue :
« J’ai l’honneur de me référer à l’article 1er… »
Je vous fais connaître que les termes de cette lettre recueillent l’accord du Gouvernement algérien.
Veuillez agréer, Monsieur l’ambassadeur, les assurances de ma haute considération.
ABDELAZIZ BOUTEFLIKA.
Alger, le 27 décembre 1968.
A Son Excellence Monsieur Abdelaziz Bouteflika, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire.
Monsieur le ministre,
J’ai l’honneur de me référer à l’article 10 de l’accord à la signature duquel nous avons procédé ce jour.
Je suis en mesure de vous donner l’assurance que le Gouvernement français n’a pas l’intention de donner aux rapatriements un rythme supérieur à celui des deux dernières années, à l’occasion de la délivrance des certificats de résidence ou par la suite.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, les assurances de ma haute considération.
JEAN BASDEVANT.
Alger, le 27 décembre 1968.
A Son Excellence Monsieur Jean Basdevant, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, haut-représentant de la République française en Algérie.
Monsieur l’ambassadeur,
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre de ce jour ainsi conçue :
« J’ai l’honneur de me référer à l’article 10… ».
Je vous fais connaître que le Gouvernement algérien a pris acte des termes de cette lettre.
Veuillez agréer, Monsieur l’ambassadeur, les assurances de ma haute considération.
ABDELAZIZ BOUTEFLIKA.
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