Résumé

Introduction

I.

L’innovation ambulatoire : de meilleurs soins à moindre coût

1.

L’ambulatoire est né d’innovations techniques pour répondre à une demande de soins en hausse

2.

Un mode de soins pourvoyeur de bien-être individuel et collectif

3.

L’ambulatoire reste sous-développé

4.

L’accélération du virage ambulatoire repose sur plusieurs acteurs

II.

Les prestataires de santé à domicile (PSAD) et l’ambulatoire : un rôle crucial

1.

À l’origine, des pharmacies et des associations

2.

Les entreprises ont progressivement conquis le marché

3.

L’atout des entreprises réside dans la capacité à lever des fonds pour investir et innover

4.

Une croissance récente qui repose sur l’augmentation du nombre de patients et des remboursements des dispositifs médicaux

5.

Les compétences des PSAD leur confèrent une place unique dans le parcours de soins

III.

Un secteur critiqué : les prestataires de santé à domicile et les pouvoirs publics

1.

Une large typologie de critiques

2.

Les reproches à l’encontre des PSAD font écho aux questions de régulation et d’admissibilité des entreprises dans le domaine de la santé

IV.

Les entreprises dans le secteur de la santé : mettre fin au débat

1.

Les entreprises et la santé, une question idéologique ?

2.

Le prix : comment rémunérer les entreprises dans la santé ?

V.

Trois propositions

1.

Organiser des États généraux du soin à domicile

2.

Redéfinir la liste des activités des PSAD

3.

Fixer le prix en séparant la distribution du dispositif médical et la prestation de services

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Résumé

La crise sanitaire actuelle provoquée par la Covid-19 a montré à quel point un système de santé universel efficace et réactif était crucial. Depuis plusieurs années maintenant, pour faire face à l’augmentation de la demande de soins, les politiques publiques cherchent des solutions adaptées. Le système des prestataires de soin à domicile (PSAD) fait partie de la solution. C’est ainsi que s’est développée une médecine ambulatoire, ne sollicitant qu’une brève présence du patient dans les lieux de soins traditionnels. De tous les outils nécessaires à ce type de prise en charge, les PSAD sont de loin les plus méconnus. En permettant à des millions de personnes d’être suivies et soignées à domicile, ils sont pourtant au cœur du virage ambulatoire.

Ces entreprises et associations sont aujourd’hui insuffisamment reconnues et régulées, leur place même dans le domaine de la santé est parfois vue comme problématique. Cette note présente leur fonction exacte, la contribution que les PSAD peuvent apporter au système de santé, et éclaire le débat qui entoure les relations entre les entreprises et la santé. In fine, nous avançons trois propositions pour redonner aux PSAD un rôle moteur dans le virage ambulatoire : l’organisation d’États généraux du soin à domicile, la définition d’une liste encadrant précisément les missions des PSAD et l’instauration d’un nouveau mode de fixation des prix.

Alice Bouleau,

Chargée d’études économiques chez Asterès.

Nicolas Bouzou,

Économiste, directeur-fondateur d’Asterès.

Notes

1.

Voir Catherine Deroche et René-Paul Savary (sénateurs), « Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie », Sénat, session ordinaire de 2019-2020, rapport n° 40, 9 octobre 2019.

+ -

Le système de santé français est aujourd’hui pris entre le marteau de l’universalité et l’enclume budgétaire. À mesure que les innovations médicales se multiplient, le nombre de maladies incurables recule, tout comme notre tolérance collective à la souffrance. Mais si « la santé n’a pas de prix », elle a bel et bien un coût. Les pouvoirs publics doivent aujourd’hui composer avec un budget sanitaire progressant lentement1 et une demande croissante, autant au niveau quantitatif que qualitatif. Depuis le début des années 2000, l’ambulatoire est mis en avant comme une des solutions pour soulager l’hôpital, tout en garantissant une meilleure qualité de soins et de confort pour les patients. Ce mode de prise en charge complète ou remplace intégralement les séjours hospitaliers conventionnels. Plusieurs acteurs privés et publics participent aujourd’hui au « virage ambulatoire », c’est-à-dire à la montée en puissance d’une prise en charge en ville ou à domicile. Les PSAD en font partie. Peu connus, sauf de ceux ayant dû faire appel à eux, les PSAD sont des entreprises ou des associations dont la mission principale est de délivrer aux patients des dispositifs médicaux et de leur fournir les prestations afférentes. Les PSAD prennent en charge 2,5 millions de patients atteints de pathologies chroniques ou aiguës, de handicap ou de perte d’autonomie, sur les activités d’oxygénothérapie, de ventilation non invasive, de perfusion, d’insulinothérapie par pompe et d’équipement en aides techniques. En permettant aux patients d’être soignés dans un environnement familier, les prestataires de santé à domicile évitent des nuitées dans les établissements hospitaliers et garantissent un meilleur confort. La présence des PSAD dans le paysage sanitaire fait aujourd’hui débat, notamment du fait de leur faible régulation et de leur statut, en grande majorité, d’entreprises privées. L’un des objectifs de cette note est d’expliciter le rôle de ces entreprises dans le domaine de la santé. À condition d’être régulé, le privé peut concilier intérêts commerciaux et bien-être collectif. Tout est affaire de culture, de régulation et de mode de fixation des prix.

I Partie

L’innovation ambulatoire : de meilleurs soins à moindre coût

Notes

2.

Arrantxa Mahieu et Nadine Raffy-Pihan, « La chirurgie ambulatoire en France, bilan et perspectives », Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), rapport n°466, novembre 1997, p. 9.

+ -

L’ambulatoire concerne les soins qui ne nécessitent pas de nuitée à l’hôpital. Pour être plus précis, le « virage ambulatoire » couvre le développement de deux pratiques : des soins qui nécessitaient auparavant une nuitée et sont désormais effectués à l’hôpital sur la journée, et des soins qui nécessitaient auparavant une hospitalisation et qui sont désormais effectués directement au domicile du patient2. Né à la faveur de transformations politiques, techniques, démographiques et organisationnelles, l’ambulatoire est source de confort individuel et d’économies pour l’hôpital, les patients et leurs employeurs. L’accélération du virage ambulatoire, aujourd’hui essoufflé, repose sur plusieurs acteurs privés et publics du système de santé.

1

L’ambulatoire est né d’innovations techniques pour répondre à une demande de soins en hausse

Notes

3.

Arrantxa Mahieu et Nadine Raffy-Pihan, ibid, p. 9.

+ -

5.

Voir Thomas Deroyon, « En 2020, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans est de 12,1 ans pour les femmes et de 10,6 ans pour les hommes », Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), rapport n°1213, octobre 2021 et Insee, « Espérance de vie – Mortalité », mars 2021.

+ -

6.

Voir Benoît Dervaux, Karine Szwarcensztein et Anne Josseran, « Évaluation et impact non clinique des dispositifs médicaux », Thérapies, vol. 70, n° 1, janvier-février 2015, p. 57-62.

+ -

7.

Voir Fabio Pammolli, Massimo Riccaboni, Claudia Oglialoro, Laura Magazzini, Gianluca Baio et Nicola Salerno, « Medical Devices Competitiveness and Impact on Public Health Expenditure », MPRA Paper n° 16021, juillet 2005.

+ -

8.

Voir Arrantxa Mahieu et Nadine Raffy-Pihan, art. cit., p. 9.

+ -

9.

Voir Jean-Paul Domin, « Réformer l’hôpital comme une entreprise. Les errements de trente ans de politique hospitalière (1983-2013) », Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, n°17, 1er semestre 2015.

+ -

10.

Voir Nicolas Durand, Christophe Lannelongue, Patrice Legrand et Vincent Marsala, « Hospitalisation à domicile(HAD) », Inspection générale des affaires sociales (Igas), rapport n°RM2020-109P, t.1, novembre 2010.

+ -

11.

Voir Arrantxa Mahieu et Nadine Raffy-Pihan, art. cit., p 17.

+ -

12.

Voir Cour des comptes, « La sécurité sociale. Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale », octobre 2018, chap. V (« Le virage ambulatoire du système de santé : de nouvelles transformations à engager, en ville comme à l’hôpital »), p. 180.

+ -

13.

Ibid., p. 188.

+ -

La rencontre d’une demande de soins en augmentation et d’une offre sanitaire élargie a permis la naissance de l’ambulatoire. Pour proposer des soins de qualité tout en réalisant des économies, certains pays anglo-saxons ont entamé un virage ambulatoire dans les années 1960. Forte des résultats de cette innovation organisationnelle, la France a entamé sa mue vers l’ambulatoire quelques années plus tard, avant d’en faire un fer de lance de sa stratégie sanitaire.

 

a) Une demande de soins en hausse

La naissance de l’ambulatoire est la conséquence directe d’un accroissement de la demande de soins dans deux pays pionniers : les États-Unis et la Grande-Bretagne3. Dans les années 1960, les hôpitaux américains font face à un engorgement de leurs lits, quand la Grande-Bretagne affiche de longues listes d’attente en chirurgie. En France, le vieillissement démographique et l’allongement de l’espérance de vie font croître la demande de soins, notamment pour les polypathologies et les affections de longue durée, fréquentes chez les personnes âgées. Entre 1975 et 2019, la part de la population âgée de 65 ans ou plus passe de 13,4% à 20,3%4. Cette augmentation a eu un effet direct sur le nombre d’années passées en mauvaise santé, qui a baissé individuellement mais augmenté sous l’effet volume du vieillissement général. Entre 2008 et 2020, le nombre d’années vécues en mauvaise santé a augmenté de 5%5. En parallèle, le progrès médical a stimulé l’offre de soins, créant dans son sillage une demande.

 

b) Une offre de soins élargie grâce aux innovations techniques

L’arrivée sur le marché d’innovations techniques à destination des professionnels de santé et des patients a permis d’enclencher le virage ambulatoire. Les chirurgies sont désormais moins invasives, les examens plus rapides et les soignants bénéficient de meilleurs outils de travail6. C’est le cas notamment avec la chirurgie endoscopique, qui remplit les mêmes objectifs que la chirurgie traditionnelle tout en réduisant le temps nécessaire aux patients pour récupérer7. Du côté des patients, les appareils sont désormais plus petits, plus fiables et installables à domicile par des techniciens spécialisés. De plus, la mise à disposition de techniques d’auto-surveillance ou d’auto-administration de traitements a considérablement réduit le temps passé à l’hôpital. Une personne souffrant d’hypertension peut désormais prendre sa tension chez elle, tout comme un patient diabétique peut lire son taux de glycémie seul.

 

c) L’ambulatoire à l’étranger comme impulsion

L’ambulatoire s’est imposé comme une solution efficiente pour l’appariement offre-demande aux États-Unis puis en Grande-Bretagne. Obligés de réduire leurs coûts hospitaliers, les États-Unis d’après-guerre ont encouragé le développement de la chirurgie ambulatoire, tandis que la Grande-Bretagne, en manque de personnel infirmier, a opté pour l’ambulatoire afin de déporter la demande de soins vers la ville8.

L’innovation organisationnelle que constitue l’ambulatoire s’impose plus tardivement en France. Au milieu du xxe siècle, la place de l’hôpital dans le système de santé est alors en pleine mutation. Historiquement, l’hôpital prenait en charge les patients que la médecine de ville, dans une logique concurrentielle, ne voulait pas soigner, c’est-à-dire les patients les plus démunis9. Après une première expérimentation du mode ambulatoire à l’hôpital Tenon (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) en 195110, la France conventionne quelques centres dans les années 1980. Il faut ensuite attendre le début des années 1990 pour constater un réel développement de la chirurgie ambulatoire dans l’Hexagone11.

 

d) Des stratégies volontaristes pour stimuler l’ambulatoire

Une fois que les exemples étrangers ont confirmé que l’ambulatoire constituait une innovation utile pour le système de santé, les politiques sanitaires françaises ont incité les établissements hospitaliers, via la multiplication des lits d’hospitalisation à domicile (HAD)12, la délivrance facilitée de dispositifs médicaux par des PSAD et la surtarification d’actes de chirurgie par rapport à leurs coûts13.

2

Un mode de soins pourvoyeur de bien-être individuel et collectif

Notes

14.

Ibid., p. 173.

+ -

15.

Ibid., p. 201.

+ -

16.

Ibid., p. 171.

+ -

17.

Ibid., p. 180.

+ -

18.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, «Missions des prestataires de services et distributeurs de matériel», t.1/ («Rapport»), Inspection générale des affaires sociales (Igas), janvier 2020, p. 3.

+ -

19.

Cour des comptes, op. cit., p. 180.

+ -

20.

Ibid., p. 182.

+ -

21.

Ibid., p. 185.

+ -

L’ambulatoire présente des bénéfices en termes de bien-être individuel par rapport à l’hospitalisation conventionnelle. Avec l’ambulatoire, les temps de latence à l’hôpital sont réduits14, le parcours des patients est simplifié – donc fluidifié – et ceux-ci sont accueillis dans des locaux adaptés à leur intervention. L’accompagnement des patients dans leur retour à domicile fait partie intégrante de la prise en charge, ce qui maximise également leur confort. Ces retours à domicile permettent une meilleure récupération des patients dans leur environnement familier, réduisent le risque de complications et d’infections nosocomiales15, et préviennent ainsi de futures hospitalisations.

Au niveau collectif, l’ambulatoire bénéficie aux établissements de santé, à la collectivité et aux entreprises. La prise en charge de patients en ambulatoire évite ou écourte les séjours à l’hôpital, ce qui diminue les coûts actuels et futurs des établissements de santé et de la collectivité qui les finance. Les séjours hospitaliers sans nuitée ou effectués à domicile mobilisent moins de ressources que les hospitalisations conventionnelles16 en permettant notamment des économies sur la masse salariale, en particulier en réduisant les équipes de nuit et du week-end17. Les interventions ayant lieu dans la journée, les équipes médicales sont moins sollicitées à des horaires décalés, ce qui leur garantit de meilleures conditions de travail et améliore l’allocation des ressources. L’ambulatoire réduit également les charges externes des établissements de santé, en diminuant les besoins en blanchisserie, consommables, repas et transports. En améliorant les conditions de récupération des patients après leur prise en charge, l’ambulatoire diminue la probabilité d’une future hospitalisation et participe à la maîtrise des dépenses des établissements et, in fine, de celles de l’Assurance maladie18. En 2013, la Cour des comptes évaluait le potentiel d’économies grâce au développement plus rapide de la chirurgie ambulatoire à 5 milliards d’euros19. Faute d’une réorganisation profonde du mode de fonctionnement de l’hôpital, la situation financière des établissements publics de santé ne s’est toutefois pas améliorée20.

En écourtant ou en évitant des séjours en établissements hospitaliers, l’ambulatoire participe à une récupération plus rapide des patients21 et accélère leur retour sur leur lieu de travail. Ce faisant, il diminue les indemnités versées par l’Assurance maladie au titre des arrêts maladie et endigue les pertes de productivité au sein de l’entreprise. Le maintien ou le retour des actifs à domicile leur permet une réinsertion dans la vie économique plus rapide, ce qui stimule la production et la consommation. Au cours des dernières années, l’hospitalisation complète a fortement reculé au profit de l’hospitalisation sans nuitée. Entre 2003 et 2019, le nombre d’hospitalisations avec nuitée a atteint 11,7 millions de séjours, en baisse de 76.000. Le nombre de séjours sans nuitée est supérieur au nombre de séjours complets, puisqu’il atteint 17,6 millions de journées en 2019 (+6,8% entre 2016 et 2019)22.

3

L’ambulatoire reste sous-développé

Notes

23.

Cour des comptes, op. cit., p. 177.

+ -

24.

Ibid., p. 182.

+ -

25.

Ibid., p. 179.

+ -

26.

Ibid.

+ -

27.

Ibid., p. 175.

+ -

28.

Haut Conseil de la santé publique, op. cit., p. 41.

+ -

30.

Voir Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Les Dépenses de santé en 2015. Résultats des comptes de la santé, édition 2016, p. 150-151.

+ -

En absolu comme en relatif, la prise en charge en ambulatoire connaît des retards en France, en particulier en médecine. Tandis que le taux de chirurgie ambulatoire est passé de 43% en 2010 à 54% en 201623, le nombre de places ambulatoires en médecine stagne depuis 201324. Le nombre de séjours ambulatoires sans nuitée en chirurgie est passé de 2,2 millions à 2,9 millions entre 2012 et 2016, et de 1,8 million à 1,9 million en médecine25. En 2016, le taux de médecine ambulatoire était de 40% sur le périmètre des interventions éligibles à une prise en charge sans nuitée26, incluant notamment les séances de dialyse, de radiothérapie, de chimiothérapie, dont le développement à domicile est très faible et mériterait d’être développé davantage. Dans son rapport de 2020, la Cour des comptes pointe l’absence de mode de tarification incitatif à la prise en charge en ambulatoire et la difficulté des professionnels à distinguer, en l’absence de directives claires, les consultations externes des hospitalisations de jour27.

Le taux de recours à l’ambulatoire en France est en deçà des pays les plus avancés. Les pays anglo-saxons et du nord de l’Europe ayant le mieux réussi leur transition affichent des taux de chirurgie ambulatoire avoisinant les 80%28, et « la Suède et le Danemark comptent 90% de leurs actes de chirurgie en ambulatoire29 ». En 2014, les soins hospitaliers de jour en France représentaient environ 5% de la dépense individuelle de soins et de biens médicaux, contre près de 10% en Irlande, au Portugal et au Canada30.

4

L’accélération du virage ambulatoire repose sur plusieurs acteurs

Notes

31.

Cour des comptes, op. cit., p. 171.

+ -

32.

Ibid., p. 178.

+ -

33.

Voir Ministère des Solidarités et de la Santé, Stratégie nationale de santé 2018-2022, 2017.

+ -

34.

Voir Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Les Établissements de santé, édition 2021, p. 103.

+ -

35.

Ibid.

+ -

36.

Ibid., p. 97-102.

+ -

37.

Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad), « Chiffres clés. Prise en charge (pour 2019) », fnehad.fr.

+ -

38.

Voir Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Les Établissements de santé, op. cit., p. 103-107.

+ -

40.

Voir « Hôpitaux et cliniques : les chiffres clés de l’année 2019 », art. cit.

+ -

41.

Voir Nicolas Durand, Christophe Lannelongue, Patrice Legrand et Vincent Marsala, op. cit.

+ -

42.

Voir Karine Chevreul (dir.), « Les patients en services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Le coût de leur prise en charge et ses déterminants », ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité – Direction générale de l’action sociale, p. 7.

+ -

43.

Voir Cour des comptes, « La sécurité sociale », op. cit., p. 191.

+ -

44.

Voir « L’infirmier libéral », pour-les-personnes-agees.gouv.fr, 26 mars 2020.

+ -

45.

Voir Haut Conseil de la santé publique, op. cit., p. 53.

+ -

La stratégie nationale de santé 2018-2022 vise à porter à 70% le taux de chirurgie ambulatoire et à 55% la part de séjours de médecine en ambulatoire d’ici à 2022 (regroupant notamment les analyses biologiques, les explorations par imagerie et les bilans)31. Pour ce faire, les pouvoirs publics peuvent s’appuyer sur les différents acteurs du paysage ambulatoire, chacun spécialisé dans un type de patients et de pathologies, allant du plus lourd au plus léger, du plus complémentaire à l’hôpital au plus substituable :

– les hôpitaux eux-mêmes ont un rôle à jouer dans le virage ambulatoire, en réorientant davantage de patients vers des soins de ville et à domicile. En réaménageant leurs locaux et en adaptant leur organisation aux procédures ambulatoires, les établissements hospitaliers peuvent libérer un « stock » de patients jusqu’ici retenus à l’hôpital. Certains établissements ont par exemple réussi à transformer la pose de prothèses de hanche en processus ambulatoire32 ;

– les établissements d’HAD font eux aussi l’objet d’orientations stratégiques visant à accompagner leur montée en puissance pour décharger les établissements conventionnels33. L’HAD est un mode de prise en charge destiné aux malades de tous âges qui, en l’absence de ces structures, relèveraient d’une hospitalisation complète34. Il s’agit de patients présentant des pathologies graves, aiguës ou chroniques35 et nécessitant par exemple des soins techniques en cancérologie, des soins palliatifs, des pansements complexes ou des traitements intraveineux36. Dans les faits, plus de la moitié des 122.000 patients admis en HAD sur un an37 sont âgés de 65 ans ou plus38. Les services de HAD mobilisent du personnel pluridisciplinaire, salarié ou libéral, et des prestataires : un médecin coordonnateur pilote les soins délivrés par les infirmières, rééducateurs, psychologues ou diététiciens mais aussi les assistantes sociales ou encore les prestataires pour l’équipement du domicile39. En 2019, les séjours en HAD représentaient 6,3% des journées d’hospitalisation complète40. C’est dans ce cadre que les PSAD, dans leur grande majorité et sur appel d’offres, fournissent la plupart des dispositifs médicaux et effectuent leurs prestations avec des infirmières libérales ;

– les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) comportent une moindre charge en soins41 et s’adressent aux patients ne nécessitant pas une hospitalisation et, dans l’immense majorité des cas, aux personnes de plus de 60 ans malades ou en situation de dépendance. Les personnels des SSIAD sont salariés et comportent des infirmiers coordonnateurs, des aides-soignants, des aides médico-psychologiques et d’autres auxiliaires médicaux42. Le développement massif des SSIAD permettrait, par exemple, de prendre en charge les patients dialysés directement à leur domicile et d’accélérer le virage ambulatoire43 ;

– les infirmiers libéraux diplômés d’État peuvent eux aussi intervenir directement au domicile des patients. Ils réalisent, souvent seuls, des soins courants, comme les injections, les pansements, les prélèvements sanguins ou les perfusions, les soins d’hygiène et de gestion des traitements et des soins spécifiques, notamment en prenant en charge des patients diabétiques44. Leurs missions en aval des hospitalisations conventionnelles ont récemment été élargies dans le but de soulager des professionnels de santé hospitaliers45 ;

– les prestataires de santé à domicile (PSAD) interviennent au domicile de personnes présentant des pathologies requérant des dispositifs médicaux, des aides techniques ou des consommables, tels que des traitements de ventilation respiratoire, d’oxygénothérapie, de perfusion, d’insulinothérapie par pompe, de supports de prévention d’escarres et des lits médicaux, ou encore des aides techniques compensant la perte d’autonomie ou le handicap. Ils peuvent également être installés en ville, où les patients souhaitant s’approvisionner directement en dispositifs médicaux ou en consommables peuvent faire appel à eux. Les PSAD réalisent des prestations de santé en lien avec les dispositifs médicaux qu’ils livrent et installent, analysent les besoins des patients, forment les professionnels de santé libéraux à leur utilisation, ainsi que le patient et leurs aidants, assument l’accompagnement thérapeutique pour certaines pathologies, suivent l’évolution des patients et participent à la coordination des différents professionnels. Leur place dans le parcours de soins est aujourd’hui peu connue, bien qu’ils participent à l’accélération du virage ambulatoire.

II Partie

Les prestataires de santé à domicile (PSAD) et l’ambulatoire : un rôle crucial

Les PSAD sont des entreprises ou des associations dont la mission principale consiste à fournir des dispositifs médicaux ou des aides techniques et, le cas échéant, les prestations afférentes, à des personnes malades ou présentant une incapacité ou un handicap et vivant à leur domicile. L’évolution démographique et le virage ambulatoire amorcé par les autorités sanitaires ont favorisé la croissance du secteur, qui prend aujourd’hui en charge deux millions de personnes à domicile.

1

À l’origine, des pharmacies et des associations

Notes

46.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., p. 19.

+ -

47.

Ibid.

+ -

48.

Ibid.

+ -

49.

Ibid.

+ -

Les progrès médicaux de la seconde moitié du xxe siècle ont permis d’écourter ou d’annuler certaines hospitalisations, notamment pour les patients nécessitant une oxygénothérapie. Familles de patients et médecins hospitaliers ont alors impulsé la création d’associations afin de faciliter le retour ou le maintien à domicile46. Des structures associatives se sont peu à peu développées dans le cadre d’un maillage territorial sans concurrence47.

L’augmentation des besoins de soins, les politiques incitant au virage ambulatoire et le progrès technique ont par la suite favorisé le développement d’un marché des dispositifs médicaux48. Les pharmacies d’officine ont dans un premier temps absorbé la hausse de la demande. À mesure que celle-ci s’est redéfinie en faveur du maintien à domicile, les compétences des pharmacies d’officine en matière d’organisation logistique, notamment pour la livraison de dispositifs médicaux, et d’intervention au domicile sont progressivement devenues insuffisantes.

Face à la hausse des besoins et à une absence de barrières à l’entrée, des sociétés spécialisées sont arrivées sur le marché. Ayant absorbé la majeure partie de la croissance historique du secteur, elles sont aujourd’hui plus nombreuses que les structures associatives49. Les entreprises des PSAD ont répondu au rôle classique de l’entrepreneur : se saisir d’une innovation (certains dispositifs médicaux) pour répondre à une demande (fournir le matériel et les services nécessaires aux soins à domicile) que les acteurs traditionnels (pharmacies, associations locales) n’étaient alors pas en mesure de proposer avec le même rapport qualité/prix.

2

Les entreprises ont progressivement conquis le marché

Notes

50.

Fedepsad-Snadom-Upsadi, « La santé à domicile en danger », dossier de presse, 27 septembre 2021, p. 17.

+ -

51.

Voir Fédération des prestataires de santé à domicile (Fedepsad), « Dossier d’information », octobre 2013.

+ -

Le nombre de PSAD a fortement cru au cours des dernières décennies, passant d’une poignée de structures associatives dans les années 1960 à plus de 2.500 entreprises aujourd’hui, représentant 32.000 emplois (dont plus de 6.000 professionnels de santé) et couvrant 3.000 sites50. Sans barrières à l’entrée et stimulées par les politiques sanitaires promouvant le virage ambulatoire, les entreprises se sont démultipliées, tandis que le nombre de structures associatives dans le secteur des PSAD se stabilise autour de 2051.

Graphique 1 : Démographie des PSAD en 2019 (en %)

Source :

calculs Asterès à partir des données des tribunaux de commerce.

3

L’atout des entreprises réside dans la capacité à lever des fonds pour investir et innover

Notes

52.

Calculs Asterès à partir des comptes déposés aux tribunaux de commerce.

+ -

53.

Ibid.

+ -

54.

Fédération des prestataires de santé à domicile (Fedepsad), « Covid-19. Les PSAD, acteurs clefs du retour à domicile des patients », dossier de presse, 26 novembre 22020, p. 8.

+ -

55.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., p. 42.

+ -

56.

Ibid., p. 56.

+ -

Bien que remplissant les mêmes missions que les associations, les entreprises PSAD présentent une capacité supérieure à lever des fonds et donc à investir. Sur les marchés qui mutent régulièrement et qui nécessitent d’immobiliser du matériel ou de déployer des innovations, cet atout est une clé. C’est probablement ce facteur qui explique leur réussite et aujourd’hui leur présence majoritaire sur le secteur.

Les entreprises PSAD ont vu leurs capitaux propres augmenter fortement au cours des dix dernières années. Entre 2010 et 2019, le taux de croissance annuel moyen des capitaux propres des PSAD était de 10,3%52. Le rythme de croissance des capitaux propres des entreprises du secteur a toutefois progressivement ralenti : il est passé de 21% entre 2010 et 2011 à 4% entre 2018 et 201953. Ces fonds permettent notamment d’investir dans des parcs de dispositifs médiaux plus complets. Les premières vagues de contamination à la Covid-19 ont démontré l’agilité des PSAD : ils ont fait l’acquisition d’environ 15 000 concentrateurs d’oxygène, pour une somme avoisinant les 8 millions d’euros54. Cet investissement massif n’a été possible que grâce aux capacités d’investissement des entreprises du secteur.

Outre le parc, la capacité d’investissement des entreprises PSAD favorise le déploiement de certaines innovations, qui permettent ensuite à l’Assurance maladie de réaliser des économies. En effet, la fourniture de concentrateurs d’oxygène a représenté une économie importante tout en assurant aux patients une qualité de prestation équivalente. En instaurant des dispositifs de télésuivi de l’apnée du sommeil avec leurs propres fonds55, notamment 1 million de PPC déployés en une année, les PSAD ont indexé le remboursement de leurs prestations sur l’observance des patients. L’Assurance maladie rembourse ainsi davantage les traitements efficaces en matière d’apnée du sommeil, que ceux qui ne seraient pas respectés56. La culture propre à une entreprise peut en outre stimuler l’innovation et impliquer une recherche d’efficience opérationnelle permanente. Sur certaines pratiques comme l’astreinte 24 heures sur 24, l’insulinothérapie par pompe ou l’oxygénothérapie, la culture entrepreneuriale des PSAD a permis leur déploiement. La dynamique des PSAD français se lit aussi dans l’implantation internationale d’entreprises comme SOS Oxygène, Elivie ou encore ISIS et Air liquide.

Graphique 2 : Évolution du montant des capitaux propres du secteur des PSAD, 2010-2019 (en %)

Source :

calculs Asterès à partir des données des tribunaux de commerce.

4

Une croissance récente qui repose sur l’augmentation du nombre de patients et des remboursements des dispositifs médicaux

Notes

57.

Calculs Asterès à partir des comptes déposés aux tribunaux de commerce.

+ -

58.

Calculs Asterès à partir des données de l’Assurance maladie (« Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Propositions de l’Assurance maladie pour 2020 », assurance-maladie.ameli.fr, juillet 2019, p. 69).

+ -

59.

Calculs Asterès à partir des données Fedepsad, Snadom et Upsadi (« La santé à domicile en danger : les PSAD tirent la sonnette d’alarme », snadom.org, 4 octobre 2021).

+ -

60.

Voir Assurance maladie, « Dépenses remboursées affectées à chaque pathologie en 2019 », assurance- maladie.ameli.fr, 20octobre 2021.

+ -

61.

Ibid.

+ -

62.

Voir Assurance maladie, « Dépenses remboursées affectées à chaque pathologie en 2019 », assurance-maladie.ameli.fr, 20 octobre 2021.

+ -

63.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., p. 28.

+ -

64.

« Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Propositions de l’Assurance maladie pour 2020 », rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement, p. 22.

+ -

65.

Calculs Asterès à partir des données de l’Assurance maladie (« Dépenses remboursées affectées à chaque pathologie en 2015 », assurance-maladie.ameli.fr, 20 octobre 2021, et « Dépenses remboursées affectées à chaque pathologie en 2019 », art. cit.).

+ -

66.

Ibid.

+ -

67.

François Auvigne, Frédérique Simon-Delavelle, Christophe Witchitz, Éléonore Peyrat et Pierre Lesteven, « La régulation du secteur des dispositifs médicaux », rapport IGF n° 2015-M-003-02 et Igas n° 2015-011R, juin 2015, p. 12.

+ -

68.

Ibid., p. 319.

+ -

69.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., p. 28.

+ -

Les entreprises PSAD connaissent depuis dix ans une croissance forte, tirée par le nombre de patients pris en charge. Entre 2010 et 2019, le taux de croissance annuel moyen des entreprises du secteur des PSAD s’établissait à 5,75%57, en phase avec les remboursements effectués par l’Assurance maladie conformément à la liste des produits et prestations remboursables (LPPR), soit 5,3%58. Au total, cela représente une croissance de l’activité de +75% pendant que le nombre de patients pris en charge évoluait de +200%59. La croissance en volume du secteur s’accompagne d’une baisse des prix moyens, qui recouvre des disparités importantes selon les prises en charge.

Les remboursements des dispositifs médicaux liés à la prise en charge du diabète ont fortement augmenté ces dernières années sous l’effet de deux facteurs. Tout d’abord, le nombre de personnes prises en charge au titre du diabète a fortement augmenté (+9% entre 2012 et 2017)60. Ensuite, l’évolution de la prise en charge du diabète a favorisé le recours à des dispositifs médicaux innovants au détriment de celui des médicaments, ce qui a stimulé l’activité des PSAD. Entre 2012 et 2018, le montant moyen de l’enveloppe médicaments du diabète est passé de 772 euros à 641 euros, soit une baisse de 17%. Sur la même période, les remboursements relatifs aux dispositifs médicaux pour le diabète (comme les lecteurs de glucose et les pompes à insuline) sont passés de 341 euros à 423 euros, soit une hausse de 24%, liée à des innovations technologiques61. Entre 2015 et 2019, les dépenses d’hospitalisation en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) par personne prise en charge pour diabète ont baissé de 8%62. À coût total par patient identique pour l’Assurance maladie, les remboursements ont favorisé les dispositifs médicaux pour une qualité de soins supérieure.

Le sous-secteur de l’assistance respiratoire a lui aussi connu une forte croissance au cours des dix dernières années63. Là aussi, la hausse du nombre de patients et, dans une moindre mesure, le virage ambulatoire ont accéléré la croissance des PSAD. Entre 2012 et 2017, le nombre de personnes prises en charge au titre de maladies respiratoires chroniques hors mucoviscidose a augmenté de 8,6%64. Le poste médicaments a quant à lui nettement baissé, de 5% entre 2015 et 201965. Quant aux dépenses en dispositifs médicaux délivrés en ville par patient, notamment par les PSAD, il a augmenté de 3% sur la même période66.

Le sous-secteur du maintien à domicile, central dans l’activité de l’immense majorité des PSAD, a vu son nombre de patients augmenter, mais ses prix baisser. Le taux de croissance annuel moyen des remboursements des produits et prestations affiliés au maintien à domicile s’établissait à 8% entre 2009 et 201367, porté par un effet volume (+9,8% par an) et obéré par un effet prix et un effet structure (–1,8% par an)68. L’aide au maintien à domicile contribue peu à la croissance du secteur, du fait de prestations moins nombreuses et moins rémunératrices, donc pourvoyeuses de marges plus faibles69.

Graphique 3 : Évolution du chiffre d’affaires des entreprises de PSAD, 2010-2019 (en %)

Source :

calculs Asterès à partir des données des tribunaux de commerce.

5

Les compétences des PSAD leur confèrent une place unique dans le parcours de soins

Notes

70.

Ibid., p. 17.

+ -

71.

Ibid., p. 23.

+ -

72.

Ibid., p. 3.

+ -

73.

Ibid., p. 36.

+ -

74.

Ibid., p. 23.

+ -

75.

Ibid.

+ -

77.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., p. 95.

+ -

78.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, «Missions des prestataires de services et distributeurs de matériel», t.2/ («Annexes»), Inspection générale des affaires sociales (Igas), janvier 2020, p. 94.

+ -

79.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, « Missions des prestataires de services et distributeurs de matériel », t. 3/ (« Pièces jointes »), Inspection générale des affaires sociales (Igas), janvier 2020, p. 306.

+ -

80.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 58.

+ -

82.

Ibid., p. 42.

+ -

83.

Ibid.

+ -

84.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 25.

+ -

a) Situés au carrefour de la ville et de l’hôpital, les PSAD remplissent des missions plus larges que les acteurs traditionnels

Les prérogatives des PSAD se sont considérablement élargies et dépassent de loin aujourd’hui celles des pharmacies d’officine70. En plus de leur mission de délivrance de dispositifs médicaux, les PSAD assurent certaines prestations que ne propose aucun autre acteur du système de santé. La spécificité des PSAD se retrouve dans chacun des types de prestations qu’ils proposent :

– les PSAD assurent des prestations techniques71 comme la livraison de dispositifs médicaux adaptés au domicile et la coordination logistique, la dispensation de consignes de sécurité et la formation du patient à l’utilisation de son dispositif, la maintenance, la réparation des dispositifs médicaux et la mise en place d’astreintes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les PSAD améliorent ainsi la prise en charge globale des patients en ambulatoire via des fonctions que les pharmacies ne peuvent assumer72. La présence de PSAD sur des territoires où l’hospitalisation à domicile est insuffisamment développée permet de tendre vers un accès universel aux soins, réduisant les déserts médicaux là où les établissements hospitaliers peinent à s’implanter73 ;

– la liste des prestations et de produits remboursables (LPPR), qui répertorie les dispositifs médicaux distribuables par les PSAD, prévoit également des prestations dites « générales ». Ces dernières comprennent l’obligation pour le prestataire de rendre régulièrement visite au patient à son domicile pour vérifier la bonne utilisation et le bon fonctionnement des dispositifs médicaux, ainsi que des temps d’échange avec le médecin prescripteur du dispositif médical74 ;

– les PSAD assurent également des prestations administratives75, comme la continuité des prestations en cas de changement de domicile du patient en coordination avec un autre prestataire ;

– depuis 2018, les PSAD remplissent également un rôle de contrôle de l’observance du traitement de l’apnée du sommeil76 ;

– en l’absence de dispositif de coordination entre les établissements hospitaliers et les professionnels du terrain, les PSAD ont pris une place dans l’organisation des sorties d’hospitalisation. Ils revendiquent aujourd’hui largement un rôle de coordonnateurs de soins77, bien que la réglementation leur confie uniquement une participation à cette coordination78.

 

b) Les entreprises et associations prennent majoritairement en charge des patients sortant de l’hôpital

Dans la plupart des cas, un patient se voit prescrire une prestation ou un dispositif médical par un médecin à l’issue d’un séjour hospitalier (70% des prescriptions) ou d’une consultation en ville (30%)79. Le prescripteur lui présente la liste des PSAD éligibles ; en général, il a connaissance des compétences de chaque prestataire et oriente le patient vers celui en lequel il a le plus confiance80. Le patient conserve toutefois une liberté de choix81. Médecins et infirmiers sont les seuls à pouvoir prescrire des dispositifs médicaux et des prestations ; en dialoguant avec les PSAD, ils s’assurent du suivi du traitement et de la bonne utilisation des dispositifs médicaux.

Dans d’autres cas de figure, ce sont les pharmacies qui entrent en contact avec les PSAD : lorsqu’un patient muni d’une ordonnance se rend en pharmacie d’officine pour obtenir un dispositif nécessitant une manipulation ou une prestation complexe, la pharmacie confie souvent ces services à des PSAD. C’est notamment le cas pour les prestations impliquant des interventions fréquentes, comme la surveillance d’oxygénothérapie ou nécessitant une astreinte 24 heures sur 24 que ne peut assurer la pharmacie82. Les établissements de HAD peuvent également sous-traiter une partie de leurs interventions aux PSAD83.

Enfin, les PSAD peuvent être sollicités directement par le patient ayant besoin de s’approvisionner en dispositifs médicaux ou en consommables, que ceux-ci soient remboursables ou non.

 

c) Les PSAD prennent en charge des pathologies et des handicaps variés

Parmi la patientèle des PSAD, 1 million de patients suivent un traitement pour apnée du sommeil (pression positive continue) et 530.000 relèvent de prestations de maintien à domicile simples, comme la livraison de lits et de fauteuils84 ; une minorité nécessite des soins plus invasifs, comme une oxygénothérapie ou des perfusions. Au global, plus des trois quarts (81% des PSAD) ont pour activité principale la délivrance de matériels servant au maintien de l’autonomie ou à la compensation d’un handicap ; 16% ont pour activité principale la délivrance de dispositifs médicaux servant à la ventilation (prestation positive continue) et à l’aérosolthérapie ; 13% sont spécialisés dans la délivrance de systèmes de perfusion et d’insulinothérapie et 10% dans l’oxygénothérapie.

III Partie

Un secteur critiqué : les prestataires de santé à domicile et les pouvoirs publics

1

Une large typologie de critiques

Notes

85.

Ibid., t. 1, 2 et 3.

+ -

87.

Philippe Denormandie et Cécile Chevalie dénoncent notamment le manque de prix limites de vente de certains dispositifs médicaux, comme les fauteuils roulants (voir Ibid., p. 58).

+ -

88.

Le rapport de l’Igas l’évoque à la fois l’absence d’une politique englobante et la complexité actuelle du paysage administratif des PSAD (voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 49).

+ -

89.

Cet argument se retrouve à la fois dans le rapport de Philippe Denormandie et Cécile Chevalier (op. cit., p. 38) et dans le rapport de l’Igas (Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 34).

+ -

90.

Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 54.

+ -

91.

Ibid.

+ -

92.

Ibid.

+ -

93.

Ibid., p. 21.

+ -

94.

Philippe Denormandie et Cécile Chevalier, op. cit., p. 39.

+ -

95.

Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 34.

+ -

96.

Ibid., p. 36, et Philippe Denormandie et Cécile Chevalier, op. cit., p. 40.

+ -

97.

Philippe Denormandie et Cécile Chevalier, op. cit., p. 40.

+ -

98.

Ibid., p. 39, et Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 58.

+ -

99.

Philippe Denormandie et Cécile Chevalier, op. cit., p. 68.

+ -

Les acteurs du secteur sont lourdement critiqués, notamment au niveau institutionnel. En 2020, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) portant sur les missions des PSAD85 et les conclusions d’une mission menée à la demande de la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn 86 regroupent la plupart des accusations régulièrement formulées à l’encontre des PSAD. Ces reproches peuvent être classés en quatre types d’arguments.

 

a) Des reproches relevant de facteurs exogènes au secteur

Certaines critiques émises envers les PSAD concernent en réalité des prérogatives des pouvoirs publics. C’est le cas notamment des arguments dénonçant un manque de régulation au niveau des prix87, de ceux visant une absence de politique globale vis-à-vis des PSAD88 ou des critiques dénonçant un manque d’offre sur certains territoires89.

 

b) Des critiques visant la concentration du secteur

D’autres arguments dénoncent la démographie actuelle du marché, jugée trop encline à la concentration. Celle-ci est perçue négativement, puisqu’elle conférerait des avantages indus aux structures les plus imposantes. Parmi les conséquences indésirables de la concentration du secteur, l’Igas cite le rapport de force entre PSAD et fabricants90, la possibilité pour les PSAD d’obtenir des remises en recourant à des centrales d’achat91 et un approvisionnement facilité sur des marchés étrangers92. Ces évolutions du marché sont décrites comme problématiques pour les petites structures qui se trouvent, selon l’Igas, pénalisées par des barrières à l’entrée du secteur93.

 

c) Des critiques normatives

Ces reproches regroupent notamment les craintes formulées à l’encontre des personnels des PSAD, considérés comme étant mus principalement par des intérêts commerciaux et donc indifférents aux besoins réels des patients94. La part des emplois dévolus aux fonctions commerciales au sein des PSAD apparaît aux yeux de l’Igas comme un facteur probable d’augmentation des volumes des prescriptions95.

 

d) Les risques d’une qualité de prestation détériorée

Certains reproches adressés aux PSAD mettent en avant des aléas potentiels concernant la qualité de leurs prestations. C’est par exemple le cas du risque de dépassement de leurs prérogatives par les PSAD96. Les situations « où le prestataire rédige la prescription qui sera recopiée et signée par le médecin [ce qui est interdit] ne sont pas rares97 ». Sont également dénoncés une hétérogénéité qualitative des prestations98 et un manque de formation des PSAD au maniement et à la maintenance des dispositifs médicaux99.

Tableau 1 : Typologie des critiques formulées à l’égard du secteur des PSAD

Source :

revue de littérature conduite par Asterès.

2

Les reproches à l’encontre des PSAD font écho aux questions de régulation et d’admissibilité des entreprises dans le domaine de la santé

Notes

100.

Ibid., p. 80.

+ -

101.

Voir François Auvigne, Frédérique Simon-Delavelle, Christophe Witchitz, Éléonore Peyrat et Pierre Lesteven, op. cit., p. 28.

+ -

102.

Ibid.

+ -

103.

Insee, « Résultat net comptable. Définition », insee.fr, s.d..

+ -

Les critiques adressées aux PSAD, relevant du champ de la régulation, du risque de concentration, des pratiques commerciales et des abus potentiels, rejoignent celles souvent formulées au sujet d’autres acteurs de la santé. La régulation du secteur des PSAD, aujourd’hui insuffisante, est du ressort des pouvoirs publics et non des acteurs eux-mêmes. La concentration des entreprises peut en réalité constituer un levier d’efficience, à condition que les tarifs et la qualité soient contrôlés. Bien qu’ils adoptent une démarche commerciale, les PSAD ne dégagent pas de marges extraordinaires en comparaison avec des secteurs similaires. Enfin, il est important que les manquements ou mauvaises pratiques signalés dans le secteur soient répertoriés et quantifiés afin de juger de leur fréquence et de leurs conditions de survenue.

 

a) Il appartient aux pouvoirs publics d’assurer la régulation du secteur

La question de la régulation tarifaire se pose régulièrement dans le secteur de la santé. L’absence d’une grille claire et universellement applicable aux PSAD est une certitude mais elle ne peut leur être imputée. La problématique de la tarification des leurs prestations est dans les faits multifactorielle. L’Igas cite une absence de travail inter administratif, une dilution des responsabilités de chacun, l’évolution en silo des tarifs de la LPPR et un manque de données disponibles pour tarifer au mieux100. Les PSAD ont récemment participé à la simplification tarifaire, en forfaitisant les prises en charge des affections respiratoires101. Cela a permis d’instaurer un type d’interlocuteur unique auprès du Comité économique des produits de santé (CEPS), à savoir les syndicats de prestataires102.

 

b) La concentration du secteur peut inciter à l’efficience tandis que les monopoles, nombreux dans la santé, exigent une régulation

La concentration d’un secteur peut permettre d’obtenir des prix plus bas à qualité de prestation égale, à condition que la concurrence soit suffisante. En octroyant une marge de manœuvre aux distributeurs vis-à-vis des fabricants, la concentration peut se traduire par des prix à l’unité plus bas et dégager des investissements pour améliorer et diversifier les prestations. Les PSAD étant des acteurs du service, les économies d’échelle sont réduites sur les autres postes car les coûts sont principalement humains. La notion de prix-volume n’a de sens que sur l’achat de dispositifs médicaux. De nombreux monopoles existent déjà par ailleurs sur le secteur de la santé sans pour autant entraver son bon fonctionnement : leur présence est acceptée moyennant une régulation efficace. Les laboratoires pharmaceutiques disposent de brevets et les médecins peuvent induire leur propre demande en multipliant les consultations . C’est la régulation de leurs tarifs et le contrôle qualité qui empêchent les abus.

 

c) Des ratios financiers modérés dans les faits

La possibilité pour des entreprises de dégager des marges en distribuant des dispositifs ou des services médicaux serait symptomatique d’une cupidité mercantile déplacée. Dans les faits, les PSAD ne dégagent pas de marges déraisonnables : leurs ratios financiers sont les mêmes que ceux des secteurs comparables. Entre 2015 et 2019, le ratio moyen résultat net/chiffre d’affaires des PSAD, qui traduit le rapport des ressources nettes (après dépréciation du capital) restant à l’entreprise à l’issue de l’exercice par rapport à ses revenus103, était de 7%, contre 6% pour les services personnels, 2% pour la vente d’équipements pour le foyer et 5% pour les pharmacies d’officine.

Graphique 4 : Ratios financiers des PSAD, du commerce de détail d’autres équipements du foyer en magasin spécialisé et du secteur des autres services personnels, moyenne 2010-2019

Source :

calculs Asterès à partir des données des tribunaux de commerce et de l’Insee (comptes de résultat des entreprises, 2010 à 2019).

Notes

104.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 36.

+ -

d) Les mauvaises pratiques dans le secteur doivent être répertoriées

La présence de risques attenants à la présence d’entreprises sur un secteur sanitaire rejoint la question de la régulation et dépasse le seul marché des PSAD. Les aléas mentionnés signalés dans les deux rapports cités plus haut mériteraient d’être répertoriés et quantifiés afin de convertir des intuitions et des signalements d’exemples isolés104 en un recensement méthodique. Il est aujourd’hui nécessaire de compléter les travaux existants sur les PSAD par une revue fiable de leurs pratiques dans le cadre de leurs différentes prestations. La connaissance collective de ces sujets est aujourd’hui parcellaire et constitue un angle mort dans la compréhension globale du fonctionnement des PSAD.

IV Partie

Les entreprises dans le secteur de la santé : mettre fin au débat

1

Les entreprises et la santé, une question idéologique ?

Notes

105.

Voir Viviana Zelizer, « La rémunération des services d’aide à la personne », Retraite et société, vol. 53, n°1, janvier 2008, p. 13-19.

+ -

106.

Voir Viviana Zelizer, Economic Lives. How Culture Shapes the Economy, Princeton University Press, 2010, p. 271.

+ -

107.

Voir Karl Polanyi, La Grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, 2007.

+ -

108.

Voir Asterès, « Les PME/ETI industrielles indépendantes : une réussite économique et sociale durable au cœur des territoires », étude économique pour la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), avril 2021, ainsi que la prochaine étude Asterès pour l’Adesatt à paraître.

+ -

109.

Voir Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, « Que sont les sociétés à mission ? », economie.gouv.fr, s.d.

+ -

110.

Comme c’est le cas pour l’école du « public choice » (voir Cyril Benoît, « Public Choice », in Colin Hay et Andy Smith (dir.), Dictionnaire d’économie politique, Presses de Sciences Po, 2018, p. 376-389).

+ -

111.

Voir Florian Mayneris, op. cit.

+ -

112.

Le « marquage CE » est obligatoire pour la commercialisation de tout dispositif médical au sein de l’Union européenne.

+ -

113.

Le terme « care » désigne le soin, qu’il soit professionnel ou non, médicalisé ou non. Il englobe par exemple le travail des professionnels de santé, des aidants et des structures concourant à leur soutien.

+ -

a) Les acteurs privés et la santé : un débat éternellement mal posé

La présence des entreprises dans le monde de la santé semble poser des débats éternels, qui n’ont pas lieu d’être. Pour certains, entreprises et santé seraient à première vue incompatibles. La nature des entreprises (c’est-à-dire leur caractère privé), leur fonctionnement (basé sur la rationalité), leur finalité (dégager des bénéfices) et leur composition (des salariés et des dirigeants mus par des intérêts propres) seraient perçus comme éminemment problématiques dans la santé. Des travaux de sociologie économique nous expliquent l’origine de cette perception : les cultures occidentales effectuent une distinction nette entre l’économique et le reste. De cette ligne de partage découle l’idée que l’argent et le social sont exclusifs, ou encore que rendre service et s’enrichir sont deux choses différentes. Les travaux de Viviana Zelizer sur les transactions intimes (santé, sexualité, héritage) montrent que nous distinguons inconsciemment la raison et l’affect, estimant que si ces deux sphères entrent en contact, elles se contaminent. Dès lors, toute rétribution d’une aide deviendrait suspecte105. Selon ce schéma, largement intériorisé, on imagine qu’il faut soit agir par pure générosité, soit par pure cupidité.

 

b) Les PSAD peuvent combiner la rentabilité et des objectifs sociétaux

Pourtant, des soins attentifs et efficaces peuvent aller de pair avec une juste rémunération des personnels intervenants auprès des patients106. Un aide-soignant travaille pour gagner sa vie et pour rendre service. Un médecin aussi. Dès lors, une entreprise, ou un PSAD, devrait logiquement pouvoir faire la même chose. En considérant que, par principe, toute entreprise ne cherche qu’à maximiser son profit quand une association ou un médecin libéral ne chercheraient que l’intérêt général, on confondrait la nature d’une structure et ses motivations. Karl Polanyi a démontré que le marché était encastré dans la société107, c’est-à-dire qu’il émanait de ses valeurs, respectait ses codes sociaux et suivait les motivations des individus. Foule d’entreprises poursuivent des buts complémentaires à la rentabilité. Des travaux sur les PME montrent que les motivations sont souvent diverses108. La création du statut d’entreprise à mission en 2019 a permis d’incarner cette multiplicité d’objectifs109. À l’inverse, d’autres travaux ont montré que des ONG ou des services de l’État pouvaient poursuivre leurs intérêts propres110 ou que les médecins pouvaient chercher à maximiser leur profit111. C’est d’ailleurs ce constat qui pousse à réguler les acteurs de santé même lorsqu’ils sont associatifs ou publics. Un PSAD qui construit une culture suffisamment forte pour vouloir offrir des soins de qualité, en s’intéressant au patient, ne sera pas, par principe, moins altruiste qu’un infirmier libéral ou qu’une association.

 

c) Culture, contrôle, prix : les déterminants qui pèsent sur le privé comme sur le public ou l’associatif

Quel que soit le statut de l’acteur, l’attention portée au patient et la qualité du soin qui en découle dépendra de sa formation, de ses compétences, de sa culture, des contrôles mis en place ou encore de sa marge de manœuvre économique. Les organisations doivent insuffler une culture du service et instaurer des normes de qualité. Les pouvoirs publics, eux, ont deux leviers actionnables : le contrôle et la fixation des prix.

Les exigences en termes de formation (personnel médical et paramédical), les obligations légales et réglementaires (industrie pharmaceutique), la création d’ordres professionnels qui encadrent les métiers (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes), les certifications (marquage CE112) permettent de contrôler la qualité des prestations ex ante ou ex post. À cet égard, une vaste politique d’encadrement et de contrôle des prestations des PSAD pourrait être mise en œuvre dans les années à venir. Le contrôle actuellement effectué par le prescripteur et le patient, qui changent de PSAD si la prestation n’est pas satisfaisante, serait alors complété par un contrôle des pouvoirs publics.

Le prix, lui, doit être suffisamment élevé pour que les acteurs ne soient pas trop incités à tricher ou à rogner sur la qualité, et suffisamment bas pour éviter qu’ils constituent des rentes. L’enjeu est particulièrement prégnant dans les services. Une fois les gains de productivité arrivés à leur maximum, les baisses de prix dans la production de dispositifs médicaux ou de médicaments sont effectuées via des délocalisations. Dans les services, ils impliquent une chute de la qualité et une érosion des cultures du care113. La régulation des PSAD nécessite donc de trouver les niveaux optimaux de concurrence et de prix pour combiner qualité du service et modération des coûts pour l’Assurance maladie.

2

Le prix : comment rémunérer les entreprises dans la santé ?

Notes

114.

Voir notamment la campagne « Le prix de la vie » de Médecins du Monde.

+ -

115.

Voir United States Senate-Committee on Finance, «Wyden-Grassley Sovaldi Investigation Finds Revenue-Driven Pricing Strategy Behind $84,000 Hepatitis Drug », 1er décembre 2015.

+ -

116.

Voir Michael J. Sandel, Justice, Albin Michel, 2016 (rééd. Flammarion coll. « Champs essais », 2017).

+ -

117.

Voir Cedric Popa, Karel Holvoet, Tessa Van Montfort, Floris Groeneveld et Steven Simoens, « Risk-Return Analysis of the Biopharmaceutical Industry as Compared to Other Industries », Frontiers in Pharmacology, revue en ligne, vol. 9, article 1108, octobre 2018.

+ -

a) Tarifer une prestation pour la collectivité : trois modes de fixation du prix

Lorsqu’une entreprise contractualise avec la collectivité, on peut considérer qu’il existe trois grands modes de fixation du prix : celui du coût de production, celui de la valeur créée pour la collectivité ou celui du marché. Dans les infrastructures énergétiques, la rémunération des entreprises repose sur un calcul de coût, auquel est ajoutée une marge. Dans les contrats à impact social, les bénéfices sont évalués pour la collectivité et l’association est rémunérée en fonction du service rendu. Dans de nombreux autres cas, le prix est négocié de gré à gré, comme sur un marché classique. En théorie, lorsque le prix est négocié il devrait se situer entre le coût pour le producteur (plancher) et le bénéfice pour le payeur (plafond).

 

b) Le prix en santé : un problème économique qui devient moral

En santé, la fixation des prix pose un problème économique qui dégénère en question morale. Les prix des médicaments, des dispositifs médicaux, ou des prestations des PSAD sont fixés via la négociation entre l’entreprise et le CEPS.

Seulement, les laboratoires et les fabricants sont parfois, voire souvent, en monopole ou en oligopole temporaires sur un médicament innovant ou un dispositif médical unique. Côté services, les PSAD sont en concurrence entre eux. En face, l’acheteur, en l’occurrence l’Assurance maladie, est seul, donc en position de force, et soumis à la pression des patients, donc en position de faiblesse. Nous voilà bien loin des règles du marché. L’inconnue qui entoure la construction du prix crée alors un doute dans l’opinion publique : l’entreprise gagne-t-elle « trop » d’argent avec son médicament, son dispositif médical, voire son service ? L’économiste, lui, pose parfois la question inverse : l’entreprise gagne-t-elle « assez » pour investir et innover ?

L’exemple du Sovaldi est paradigmatique. L’innovation médicale était formidable et permettait de guérir de l’hépatite C, tout en affichant un prix initial de 40.000 euros par traitement. Mis au regard des tarifs pratiqués dans la santé, le prix est apparu exorbitant à de nombreux acteurs. Mis au regard des bénéfices pour la collectivité, 130.000 euros par patient sur sa durée de vie, le prix apparaissait comme faible114. Une enquête du Sénat américain a révélé la stratégie du laboratoire : après évaluation de la propension à payer des autorités, le prix demandé visait à maximiser le profit115. Un impôt a alors spécifiquement été mis en œuvre en France pour limiter les bénéfices du laboratoire. Les marges exactes étaient inconnues et ce qui semble avoir choqué l’opinion était la volonté de maximiser un profit au détriment de patients gravement malades. Les travaux de philosophie économique sur les catastrophes naturelles, les épidémies ou les problèmes de santé éclairent ce problème116 : augmenter un prix face à la détresse d’autrui est fortement condamné moralement, quand conserver un prix et une marge classiques ne pose pas de souci.

 

c) Les prix des PSAD : l’heure de lever le débat

Le débat qui entoure les prix en santé semble reposer sur les marges des entreprises. Pourtant, les marges des PSAD sont similaires aux secteurs comparables car il existe des prix limites de vente. Une fois pris en compte le risque, les marges de l’industrie pharmaceutique sont inférieures aux autres industries117. Il ne s’agit pas tant d’une critique fondée sur l’enrichissement général des acteurs que sur le doute de profits très élevés sur certains patients ou produits. Ce mal-être trouve sa source dans le mode de fixation des prix : la négociation au cas par cas sans référentiel objectif. Dans le cas des prestations de services à domicile, l’analyse des coûts est possible et un nouveau mode de tarification permettrait de lever les doutes. En ouvrant ainsi leurs comptes et en explicitant leurs marges actuelles par prestation, les entreprises sortiraient du débat par le haut. Les prix limites de vente, déjà en cours, auraient une assise plus objective et les éventuelles baisses de prix seraient liées aux gains de productivité envisageables dans une organisation centrée sur le service.

V Partie

Trois propositions

Notes

118.

Voir Anne Bouygard, Claude Lavigne et Frédéric Remay, op. cit., t. 1, p. 28.

+ -

La défiance réciproque semble aujourd’hui de mise entre les PSAD et les pouvoirs publics. Un exemple récent, la proposition tarifaire de la direction de la Sécurité sociale en matière de remboursement des véhicules pour personnes handicapées (VPH), illustre cette impasse. La nouvelle liste de prix propose de diviser par trois le tarif de location hebdomadaire de courte durée remboursable aux PSAD et instaurerait des marges brutes dégressives en fonction du prix d’achat des véhicules. Certains acteurs du secteur dénoncent une proposition insoutenable économiquement alors que les marges seraient déjà réduites sur ces activités et que les coûts augmentent118.

Pour renverser la tendance et reconstruire un dialogue fructueux, nous avançons ici trois propositions. Dans l’ensemble, il s’agit de rouvrir la discussion via des États généraux du soin à domicile, de définir précisément les activités des PSAD et leurs outils de contrôle et enfin de préciser le mode de tarification en faisant toute la transparence nécessaire sur les marges des acteurs entre les produits et les services.

1

Organiser des États généraux du soin à domicile

Le soin à domicile constitue, pour partie, l’avenir de la santé. Alors que le secteur s’est construit par sédimentation, il est temps de définir précisément le rôle de chaque acteur et d’établir un parcours de soin clair. Les représentants des pouvoirs publics, des professions de santé concernées, des PSAD ou de l’ensemble des acteurs du secteur devraient se réunir pour s’accorder sur les fonctions de chacun.

L’objectif ne serait pas de négocier sur les rémunérations ou les tarifs comme ce fut finalement le cas du Ségur mais bien de définir collectivement une vision d’avenir pour les soins à domicile. Cette réouverture du dialogue et clarification des rôles semble un prérequis aux autres évolutions dans le secteur. La question du changement de la tutelle des PSAD, aujourd’hui sous la triple tutelle de la direction de la sécurité sociale, du ministère de l’Économie et du ministère de la Santé, pourrait par exemple se poser. L’imbrication exacte des missions des PSAD et de la HAD (les premiers sont sous-traitants des seconds pour de nombreux patients et parfois en concurrence pour d’autres) pourrait aussi être tranchée.

2

Redéfinir la liste des activités des PSAD

Notes

119.

Ibid., p. 15

+ -

Les missions des PSAD sont actuellement définies par un arrêté ministériel de 2006. Ce dernier précise, d’une part, les missions réglementaires des PSAD, notamment l’information du patient, la facturation et la mise en place d’astreintes téléphoniques si nécessaire119 et de l’autre, les catégories de produits rentrant dans le champ d’action des PSAD.

Une fois que les États généraux auront défini la position des PSAD dans le parcours de soins, une liste précise des prestations obligatoires et optionnelles des PSAD pour chaque sphère thérapeutique pourra être dressée. Les obligations de formation seraient précisées pour les différentes prestations définies. En outre, des systèmes de contrôle qualité pourraient être mis en œuvre, et les dépassements de fonction des PSAD ou les prestations défectueuses seraient sanctionnés. Le cahier des charges de la certification des PSAD, actuellement en cours d’élaboration, devrait découler de la définition précise de leurs activités.

3

Fixer le prix en séparant la distribution du dispositif médical et la prestation de services

Le manque de transparence dans le mode de fixation des prix dans le secteur des PSAD crée aujourd’hui la défiance. Afin de lever ce débat, nous proposons de séparer la tarification de la distribution du dispositif médical de la tarification de la prestation de services. L’analyse des comptes des PSAD et de leurs coûts et marges par activité servirait de support à ces nouveaux modes de tarification. Le prix maximal de vente serait fixé en fonction des coûts moyens engagés par les entreprises et des gains de productivité envisageables afin de chercher à concilier la qualité de la prestation avec la soutenabilité pour les comptes sociaux. Chaque PSAD resterait libre de négocier les prix avec ses distributeurs en amont afin de dégager une marge supplémentaire.

Concernant la distribution des dispositifs médicaux, un système de prix du produit plus marge serait mis en œuvre. C’est aujourd’hui le cas pour les ventes en pharmacie d’officine. Les spécificités des livraisons à domicile seraient prises en compte, mais la logique serait identique. Concernant les prestations de services, une tarification « à l’acte » ou au forfait serait mise en œuvre, à partir des coûts engendrés. Le mode de fixation du prix serait alors comparable à celui qui est pratiqué pour les infirmiers libéraux ou les professions paramédicales. Dans le même esprit, les tarifs s’adapteraient aussi aux spécificités des prestations.

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